A-769-80
Le procureur général du Canada (requérant)
c.
Le juge-arbitre nommé en vertu de l'article 92 de
la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage (intimé)
Cour d'appel, le juge Heald, les juges suppléants
Lalande et McQuaid—Charlottetown, 6 novembre
1981.
Examen judiciaire — Assurance-chômage — Demande
d'examen et d'annulation de la décision d'un juge-arbitre —
Le juge-arbitre a interprété l'art. 16(1)b) du Règlement sur
l'assurance-chômage comme permettant à la prestataire de
combiner une période de moins de 25 jours pendant laquelle
elle a exercé un emploi en 1977 au service d'un employeur,
avec une période pendant laquelle elle a exercé un autre
emploi en 1978, de façon que le total des deux périodes excède
25 jours — Il échet d'examiner si le juge-arbitre a erronément
interprété l'art. 16(1)b) en combinant deux périodes d'emploi
dans des années civiles différentes et au service d'employeurs
différents — Demande accueillie — Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28 — Règlement sur
l'assurance-chômage, C.R.C. 1978, Vol. XVIII, c. 1576, art.
16(1)b), 60(1)e)(ii).
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCAT:
Michael Butler pour le requérant.
ONT COMPARU:
Eric Skerry et Carrie Skerry pour le compte
de la prestataire Carrie Skerry.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
LA PRESTATAIRE POUR SON PROPRE COMPTE:
Eric Skerry et Carrie Skerry, Summerside.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement de la Cour prononcés à l'audience
par
LE JUGE HEALD: La Cour conclut à l'unanimité
que le juge-arbitre a erronément interprété l'alinéa
16(1)b) du Règlement sur l'assurance-chômage,
C.R.C. 1978, Vol. XVIII, c. 1576. Cet alinéa se lit
comme suit:
16. (1) L'emploi exercé par une personne dans l'agriculture,
une entreprise agricole ou l'horticulture, au service d'un
employeur qui
b) retient les services de cette personne, moyennant le paie-
ment d'une rémunération en espèces, pour une période de
moins de 25 jours ouvrables dans une année,
est exclu des emplois assurables.
L'interprétation du juge-arbitre a pour résultat
de permettre le cumul d'une période d'emploi de
moins de vingt-cinq jours au service d'un
employeur et d'une période d'emploi au service
d'un autre employeur, de façon que le total des
deux périodes excède vingt-cinq jours, soustrayant
ainsi l'emploi exercé par une personne dans l'agri-
culture aux restrictions de l'alinéa 16(1)b) du
Règlement. De l'avis de la Cour, il est impossible
de concilier cette interprétation avec la significa
tion claire et précise qui se dégage des termes
utilisés à l'alinéa 16(1)b), placés dans le contexte
de l'ensemble de la Loi et du Règlement. Le
juge-arbitre, en citant la partie de l'alinéa 16(1)b)
susmentionné qui, selon lui, concernait l'affaire, a
supprimé des mots très importants et très perti-
nents, savoir «au service d'un employeur». L'article
prévoit clairement que l'emploi exclu est l'emploi
qu'une personne exerce pendant moins de vingt-
cinq jours ouvrables dans une année au service
d'un employeur dans le domaine de l'agriculture.
Ainsi, selon l'alinéa 16(1)b) du Règlement, il faut
qu'une personne ait travaillé au moins vingt-cinq
jours ouvrables dans une année civile pour chaque
employeur agricole pour que l'emploi qu'elle a
exercé puisse être considéré comme un emploi
assurable. En l'espèce, malgré une certaine ambi-
guïté, il appert du dossier que la prestataire tentait
d'ajouter aux sept semaines d'emploi assurable
qu'elle avait accumulées chez Linkletter Farms en
1978, ses trois semaines d'emploi (9' jours ouvra-
bles) au service de Norman Johnstone, emploi
qu'elle avait exercé du 8 au 21 décembre 1977. Sur
ce point, le juge-arbitre commettrait une double
erreur:
a) Le mot «année» est défini à l'article 2 de la
Loi comme désignant l'année civile. Il est donc
impossible de déterminer une période d'emploi
assurable en combinant une période de l'année
civile 1977 avec une période de l'année civile
1978.
b) L'alinéa 16(1)b) du Règlement interdit, pour
les raisons précitées, de combiner une période
d'emploi au service d'un employeur avec une
période d'emploi au service d'un autre
employeur.
Si, toutefois, le juge-arbitre ne considérait que les
emplois occupés en 1977, et combinait l'emploi
occupé par la prestataire cette année-là chez Link-
letter avec l'emploi qu'elle avait occupé chez
Johnstone durant la même année, il se trompait,
puisque dans ce dernier cas, il s'agit clairement,
aux termes de l'alinéa 16(1)b) précité, d'un emploi
exclu. Selon la Cour, il s'ensuit que la décision que
le Ministre a rendue le 5 novembre 1979 était bien
fondée. La demande présentée en vertu de l'article
28 devrait donc être accueillie, et la décision du
juge-arbitre annulée.
En conclusion, la Cour sent l'obligation d'ajou-
ter que la preuve non contredite figurant au pré-
sent dossier laisse paraître certaines circonstances
inhabituelles. La preuve démontre que des
employés de la Commission ont donné à la pres-
tataire des renseignements erronés sur la question
de savoir s'il convenait de cumuler les deux pé-
riodes d'emploi agricole dont il est question en
l'espèce, et qu'il est fort possible que celle-ci ait agi
à son désavantage en se fondant sur ces informa-
tions fautives. Dans ces circonstances, la Cour
conclut à l'unanimité que la Commission devrait
sérieusement songer à appliquer, dans ce cas, le
sous-alinéa 60(1)e)(ii) du Règlement.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE y a souscrit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MCQUAID y a souscrit.
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