A-687-78
Affaire intéressant la Loi sur les chemins de fer et
la Loi nationale sur les transports et affaire de la
décision prononcée le 17 novembre 1978 et de
l'ordonnance en date du 22 novembre 1978 du
Comité de révision de la Commission canadienne
des transports, numérotée 1978-5, révisant la déci-
sion du Comité des transports par chemin de fer,
en date du 24 novembre 1977, et l'ordonnance
numérotée R-25960, en date du 14 décembre 1977
(modifiée par les ordonnances numérotées
R-26029, R-26226 et R-26836)
Cour d'appel, les juges Pratte et Heald et le juge
suppléant Verchere—Vancouver, 2 et 3 décembre;
Ottawa, 21 décembre 1981.
Chemins de fer — Ordonnance du Comité de révision disant
que le service ferroviaire de passagers en cause n'était pas
rentable mais ne devait pas être interrompu — Incompétence
selon l'appelante de la Commission canadienne des transports
de rendre une décision de ce genre sur une demande fondée sur
l'art. 260 de la Loi sur les chemins de fer vu l'existence de
deux lois spéciales interdisant l'interruption du service —
Appel rejeté — Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970,
c. N-17, art. 63, 64(2) — Loi sur les chemins de fer, S.R.C.
1970, c. R-2, art. 3(1 )b), 260.
Appel, formé par la province de Colombie-Britannique, d'une
décision du Comité de révision de la Commission canadienne
des transports. Le Canadien Pacifique Limitée a demandé à la
Commission, sur le fondement de l'article 260 de la Loi sur les
chemins de fer, l'autorisation de mettre fin au service ferro-
viaire de passagers entre Victoria et Courtenay. Le Comité des
transports par chemin de fer statua que le service ferroviaire
n'était pas rentable et ordonna d'y mettre fin. Le Comité de
révision, après une nouvelle audience, rescinda la décision du
Comité des transports par chemin de fer, statuant que le service
ferroviaire de passagers n'était pas rentable mais ordonnant de
ne pas y mettre fin. L'alinéa 3(1)b) de la Loi sur les chemins de
fer porte que les dispositions des lois spéciales qu'adopte le
Parlement du Canada prévalent sur celles de la Loi sur les
chemins de fer dans la mesure nécessaire pour donner effet à
cette disposition. L'appelante soutient que la Commission cana-
dienne des transports n'a pas la compétence de statuer sur une
demande selon l'article 260 lorsqu'il existe deux lois spéciales
qui prévoient que ce service ne doit pas être abandonné. Une loi
fédérale de 1884 a avalisé le contrat de construction du chemin
de fer, incorporant, selon l'interprétation de l'appelante, les
conditions du contrat, de sorte que l'obligation que le contrat
imposait aux entrepreneurs d'exploiter le chemin de fer sans
interruption devenait imposée par la loi elle-même. L'appelante
fait aussi valoir qu'une loi fédérale adoptée en 1905 préservait
l'obligation de la compagnie ferroviaire, qu'imposait la Settle
ment Act de 1883 (une loi provinciale), d'exploiter le chemin de
fer «sans interruption«. L'Acte de 1905 serait la seconde loi
spéciale. Il échet d'examiner si la Commission était compétente
pour connaître de la demande fondée sur l'article 260.
Arrêt: l'appel est rejeté. Conformément à l'alinéa 3(1)b) de
la Loi sur les chemins de fer, les dispositions des deux lois
spéciales prévalent sur celles de la Loi sur les chemins de fer, y
compris l'article 260, «dans la mesure nécessaire pour donner
effet» à cette disposition. Pour atteindre cet objet, il serait
nécessaire de refuser à la Commission le pouvoir d'ordonner
d'interrompre le service ferroviaire. La décision du Comité de
révision dit toutefois que le service ferroviaire de passagers n'est
pas rentable, mais elle ordonne néanmoins de le maintenir.
Pour donner effet aux dispositions articulées des lois spéciales,
soit que le service ferroviaire ne soit pas interrompu, il n'est pas
nécessaire de dénier à la Commission le pouvoir, que lui confère
l'article 260, de constater que l'exploitation d'un service ferro-
viaire de passagers n'est pas rentable, puisque l'existence de ce
pouvoir n'entre nullement en conflit avec l'obligation du chemin
de fer d'en continuer l'exploitation. Il n'est pas nécessaire non
plus, pour donner effet aux lois spéciales, de refuser à la
Commission le pouvoir d'ordonner que le service ferroviaire en
question ne soit pas interrompu. Que la Commission détienne
ce pouvoir ne provoque aucun conflit avec les lois spéciales; au
contraire, il paraît utile, sinon nécessaire, pour donner effet à la
prescription contenue dans ces lois.
APPEL.
AVOCATS:
L. F. Lindholm et P. Pearlman pour
l'appelante.
N. D. Mullins, c.r., pour l'intimé le Canadien
Pacifique Limitée.
J. K. Allen pour l'intimée Via Rail Canada
Inc.
G. Nadeau, c.r., pour l'intimée la Commission
canadienne des transports.
W. B. Scarth, c.r., pour l'intimé le procureur
général du Canada.
PROCUREURS:
Pearlman & Lindholm, Victoria, pour l'appe-
lante.
Contentieux, Canadien Pacifique Limitée,
Calgary, pour l'intimé le Canadien Pacifique
Limitée.
Contentieux, Via Rail Canada Inc., Montréal,
pour l'intimée Via Rail Canada Inc.
Contentieux, Commission canadienne des
transports, Hull, pour l'intimée la Commis
sion canadienne des transports.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé le procureur général du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: La province de Colombie-Bri-
tannique a formé appel, sur le fondement des
paragraphes 64(2) et suivants de la Loi nationale
sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, d'une
décision du Comité de révision de la Commission
canadienne des transports relative à une demande
du Canadien Pacifique Limitée (au nom de la
Compagnie du chemin de fer d'Esquimalt à
Nanaïmo), décision rendue le 17 novembre 1978 et
incorporée dans une ordonnance en bonne et due
forme datant du 22 novembre 1978.
La demande du Canadien Pacifique Limitée à la
Commission canadienne des transports fut faite le
11 septembre 1974 sur le fondement de l'article
260 de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970,
c. R-2. Il s'agissait d'une demande d'autorisation
de mettre fin au service ferroviaire de passagers
entre Victoria et Courtenay, une ligne de chemin
de fer construite par la Compagnie du chemin de
fer d'Esquimalt à Nanaïmo, lui appartenant et
exploitée par le Canadien Pacifique Limitée con-
formément à une location à long terme remontant
au Z ef juillet 1912. La province de Colombie-Bri-
tannique s'est opposée à la demande. Elle a com-
paru devant le Comité des transports par chemin
de fer de la Commission soutenant, premièrement,
que la Commission n'était pas compétente en la
matière et deuxièmement, que, de toute façon, le
Comité devrait décider qu'il ne faut pas mettre fin
au service en cause. Le Comité rejeta l'exception
déclinatoire de la province et, par ordonnance en
date du 14 décembre 1977, statua que le service
ferroviaire de passagers entre Victoria et Courte-
nay n'était pas rentable et ordonna d'y mettre fin.
La province demanda à la Commission la révision
de cette décision conformément à l'article 63 de la
Loi nationale sur les transports, prétendant que la
Commission n'était pas compétente en la matière
et que, de toute façon, des faits nouveaux démon-
treraient, si administrés en preuve, l'inexactitude
de la décision du Comité des transports par chemin
de fer. Le 30 octobre 1978, le Comité de révision
rejeta l'exception déclinatoire opposée à la Com
mission mais ordonna une nouvelle audience afin
de permettre à tous les intéressés d'administrer de
nouvelles preuves. Cette audience close, le Comité
de révision rescinda la décision du Comité des
transports par chemin de fer et statua que le
service ferroviaire de passagers en cause n'était pas
rentable et vraisemblablement ne le deviendrait
pas, ordonnant cependant au Canadien Pacifique
Limitée (à la Compagnie du chemin de fer d'Es-
quimalt à Nanaïmo) de ne pas mettre fin au
service. C'est là la décision prononcée le 17 novem-
bre 1978 dont appel, par la province . , pour le seul
et unique motif que le Comité, en la prononçant,
est sorti de sa compétence.
Avant d'étudier l'exception déclinatoire de l'ap-
pelante quant à la compétence du Comité, il faut
d'abord examiner une question préliminaire.
L'avocat du Canadien Pacifique Limitée a sou-
tenu que l'appel devrait être rejeté motif pris qu'il
s'agirait d'une hypothèse d'école visant plutôt les
motifs du Comité que sa décision, qui est favorable
à l'appelante. A mon avis, ces deux arguments ne
sont pas fondés. Autant que je puisse en inférer des
pièces dont je suis saisi, la décision du Comité de
révision existe toujours et rien n'est survenu qui en
supprime l'effet. Pour ce motif, l'appel n'est pas
une simple hypothèse d'école. D'ailleurs, ce ne sont
pas les motifs du Comité qui sont entrepris puisque
ce que conteste l'appelante c'est la légalité de
l'ordonnance effectivement prononcée par le
Comité. En vérité, ce que la province cherche à
obtenir en l'espèce, c'est de faire dire que le
Comité est incompétent pour déclarer non rentable
le service ferroviaire de passagers entre Victoria et
Courtenay ou ordonner son maintien. Il y a toute-
fois une autre exception préliminaire plus sérieuse
que l'on pouvait soulever en l'espèce. La province
n'aurait pas d'intérêt direct et immédiat à contes-
ter la validité de la décision du Comité puisque
cette décision ne porte pas préjudice aux intérêts
de la province, soit le maintien du service ferro-
viaire de passagers entre Victoria et Courtenay.
Cette exception, sérieuse, a certainement été prise
en compte par la Cour lorsque la province
demanda l'autorisation d'appeler; comme la Cour
a fait droit à cette demande, il faut présumer
qu'elle n'a pas considéré l'exception comme fondée
et a estimé l'appelante, quoique atteinte indirecte-
ment par la décision du Comité, suffisamment
touchée néanmoins pour avoir qualité d'appelante.
Je ne crois pas que nous devrions, en cet état
avancé de la cause, adopter un autre point de vue.
Il est nécessaire d'esquisser un bref historique
pour comprendre les motifs de la province de
Colombie-Britannique de décliner la compétence
de la Commission en la matière'.
La colonie de la Colombie-Britannique fut unie
au Canada le 20 juillet 1871. Dans les années qui
suivirent, une tension considérable se développa
entre la nouvelle province et le gouvernement fédé-
ral par suite de ce que cette première percevait
comme l'inexécution par le gouvernement des obli
gations contractées par l'accord d'Union, dont la
construction d'un chemin de fer sur l'île de Van-
couver. Ce différend fut réglé en 1883 par un
arrangement entre les deux gouvernements concer
nés et un groupe d'hommes d'affaires, MM. Duns-
muir et al., qui se déclarèrent prêts à construire le
chemin de fer. Selon cet arrangement, le gouverne-
ment provincial devait donner au gouvernement
fédéral une large bande de terre sur l'île qu'em-
prunterait le chemin de fer projeté; le gouverne-
ment provincial constituerait aussi une compagnie
ayant pour objet la construction et l'exploitation
du chemin de fer. Dès que la construction serait
terminée, le gouvernement fédéral remettrait à
cette compagnie le fonds de terre acquis du gou-
vernement provincial et, en plus, comme subside
supplémentaire, il verserait à la compagnie $750,-
000. Des divers actes et lois nécessaires à l'exécu-
tion de cet arrangement, il faut en citer trois:
(1) un contrat, en date du 20 août 1883, inter-
venu entre le gouvernement fédéral et MM.
Dunsmuir et al. (les entrepreneurs) pour la
construction du chemin de fer. Les paragraphes
3 et 9 de ce contrat stipulent que les entrepre
neurs devront construire et exploiter le chemin
de fer:
3. Les dits entrepreneurs s'engagent à bien et fidèlement
tracer, construire, achever, équiper, entretenir et exploiter
sans interruption une ligne de chemin de fer, d'une largeur
de voie uniforme de quatre pieds huit pouces et demi, depuis
Esquimalt jusqu'à Nanaïmo, dans l'île de Vancouver,
' Ceux qui connaissent bien l'avis du Conseil privé dans Le
procureur général de la Colombie-Britannique c. La Compa-
gnie du chemin de fer d'Esquimalt à Nanaïmo [[1950] A.C.
87] s'apercevront que dans la brève esquisse historique qui suit,
j'ai plus ou moins plagié l'avis du Comité judiciaire.
Colombie-Britannique, les points, la direction et le dévelop-
pement approximatif de la ligne étant indiqués sur la carte
ci-annexée cotée B; et aussi à construire, entretenir et exploi
ter sans interruption une ligne télégraphique sur tout le
parcours et le long de la dite ligne de chemin de fer; à
fournir tous appareils télégraphiques nécessaires pour équi-
per convenablement cette ligne télégraphique, et à exécuter
tous services de génie, soit en opérant sur le terrain, soit en
préparant les plans ou faisant tout autre travail de bureau, à
l'entière satisfaction du Gouverneur en conseil.
9. Les dits entrepreneurs, après avoir achevé et équipé les
dits chemins de fer et dépendances, les entretiendront de
bonne foi en état effectif de service et d'exploitation, de
même que le matériel de roulement nécessaire, et devront
sans interruption et de bonne foi exploiter le dit chemin,
ainsi que la dite ligne télégraphique, qu'ils tiendront avec ses
dépendances en bon état de service.
Le paragraphe 13 stipule que le gouvernement
fédéral devra donner aux entrepreneurs comme
subside $750,000 ainsi que le fonds de terre que
la province lui a cédé;
(2) une loi de la Colombie-Britannique, sanc-
tionnée le 19 décembre 1883, 47 Vict., c. 14,
intitulée la Settlement Act. Cette loi incorpore
les termes de l'accord intervenu entre la pro
vince et le gouvernement fédéral en règlement
des litiges existants entre eux et, entre autres
choses, constitue «La Compagnie du chemin de
fer d'Esquimalt à Nanaïmo». Voici les articles 8,
9 et 27 de cette loi:
[TRADUCTION] 8. Afin de faciliter la construction du
chemin de fer d'Esquimalt à Nanaïmo, il est par la présente
édicté que les personnes, ci-après appelées la «compagnie»
que pourra constituer le gouverneur général en conseil de
concert avec toutes les personnes physiques et morales qui en
deviendront actionnaires, seront et sont par les présentes
constituées en une personne morale dénommée «La Compa-
gnie du chemin de fer d'Esquimalt à Nanaïmo.»
9. La compagnie, ses mandataires et préposés cons-
truiront, équiperont et entretiendront une voie ferrée conti
nue, double ou simple, du même écartement que la voie
ferrée du Canadien Pacifique, ainsi qu'une ligne télégraphi-
que, avec tous ses accessoires, d'un point près du port
d'Esquimalt, en Colombie-Britannique, à un port ou lieu
près de Nanaïmo sur la côte est de l'île de Vancouver, avec
autorisation de prolonger cette ligne principale jusqu'à
Comox et Victoria et de construire des voies secondaires vers
les concessions de la côte est et aussi de prolonger ledit
chemin de fer, au moyen de ferry-boats, jusqu'à la Colom-
bie-Britannique continentale pour y rejoindre toutes les
lignes de chemin de fer en exploitation ou en cours de
construction. La compagnie détiendra aussi le pouvoir et
l'autorité de construire, d'être propriétaire et d'exploiter les
vapeurs et autres navires auxiliaires aux chemins de fer dans
les baies, golfes, et eaux intérieures de la Colombie-Britanni-
que.
27. Ladite Compagnie du chemin de fer d'Esquimalt à
Nanaïmo sera liée par tout contrat ou toute convention pour
la construction du chemin de fer qui reliera Esquimalt à
Nanaïmo, éventuellement conclu entre les personnes ainsi
constituées en compagnie et Sa Majesté, représentée par le
ministre des Chemins de fer et des Canaux, et aura droit à
l'entière exécution à son profit de ce contrat ou de cette
convention, que l'on interprétera et appliquera comme si
cette compagnie y était partie contractante au lieu de ces
personnes et comme si l'acte avait été dûment signé par la
compagnie et portait son sceau.
(3) une loi fédérale [Acte concernant le chemin
de fer de l'Ile de Vancouver, le bassin de radoub
d'Esquimalt, et certaines terres de chemin de
fer de la province de la Colombie-Britannique
cédées au Canada], sanctionnée le 19 avril 1884,
47 Vict., c. 6, qui énonce et avalise l'accord
conclu entre le gouvernement fédéral et la pro
vince. L'article 2 de cette loi ratifiait dans les
termes suivants le contrat intervenu entre le
gouvernement fédéral et MM. Dunsmuir et al.
pour la construction du chemin de fer:
2. La convention, dont copie est reproduite, avec le devis
qui l'accompagne, comme annexe, conclue pour la construc
tion, l'équipement, l'entretien et l'exploitation d'une ligne de
chemin de fer continue, d'une largeur de voie uniforme de
quatre pieds huit pouces et demi, entre Esquimalt et
Nanaïmo, dans l'île de Vancouver, Colombie-Britannique, et
aussi pour la construction, l'équipement, l'entretien et l'ex-
ploitation d'une ligne de télégraphe sur le parcours du dit
chemin de fer, est par le présent approuvée et ratifiée, et le
Gouverneur en conseil est autorisé à en mettre les stipula
tions à effet suivant leur teneur.
Le chemin de fer fut construit comme stipulé et
la Compagnie du chemin de fer d'Esquimalt à
Nanaïmo reçut du gouvernement fédéral les
$750,000 promis ainsi que le fonds de terre obtenu
du gouvernement provincial.
Il reste à mentionner, avant d'en venir au moyen
que fait valoir l'appelante, qu'en 1905 le Parle-
ment fédéral adopta une loi [Acte concernant la
Compagnie du chemin de fer d'Esquimalt à
Nanaïmo] déclarant que la Compagnie du chemin
de fer d'Esquimalt à Nanaïmo était un ouvrage à
l'avantage général du Canada. Voici les articles 1
et 4 de cette loi, 4-5 Edw. VII, c. 90:
1. Le chemin de fer de la Compagnie du chemin de fer
d'Esquimalt à Nanaïmo, ci-après désignée sous le vocable «la
Compagnie», est déclaré être une entreprise «à l'avantage
général du Canada».
4. Rien en la présente loi ne saurait porter atteinte aux droits
et obligations qui existent aujourd'hui pour la province de la
Colombie-Britannique et pour la Compagnie, ou qui existaient
ci-devant pour elles en vertu des dispositions de l'acte de la
législature de la dite province, 47 Victoria, chapitre 14.
L'article 260 de la Loi sur les chemins de fer
attribue à la Commission canadienne des trans
ports la compétence de faire droit ou non à une
demande d'abandon de service ferroviaire de pas-
sagers. Toutefois, les diverses dispositions de la Loi
sur les chemins de fer, y inclus l'article 260, ne
s'appliquent aux compagnies de chemins de fer
qui, comme la Compagnie du chemin de fer d'Es-
quimalt à Nanaïmo, sont de la compétence législa-
tive du Parlement fédéral, que si elles n'entrent pas
en conflit avec une loi spéciale 2 fédérale portant
sur le même sujet. C'est ce que dispose l'alinéa
3(1)b) de la Loi sur les chemins de fer:
3. Sauf dispositions contraires de la présente loi,
b) lorsque les dispositions de la présente loi et celles de
quelque loi spéciale du Parlement du Canada se rapportent
aux mêmes matières, les dispositions de la loi spéciale doivent
être considérées comme l'emportant sur ies dispositions de la
présente loi, dans la mesure nécessaire pour donner effet à
cette loi spéciale.
L'argument de l'appelante, c'est que la Commis
sion canadienne des transports n'a pas la compé-
tence de statuer sur une demande, selon l'article
260 de la Loi sur les chemins de fer, d'abandon du
service ferroviaire de passagers de la Compagnie
du chemin de fer d'Esquimalt à Nanaïmo parce
qu'il existe deux lois spéciales du Parlement du
Canada qui prévoient que ce service ne doit pas
être abandonné. La première de ces lois qui, selon
elle, primerait sur l'article 260 de la Loi sur les
chemins de fer, serait la loi fédérale de 1884 qui
avalisait le contrat de construction du chemin de
fer intervenu entre le gouvernement fédéral et
MM. Dunsmuir et al. L'appelante interprète l'arti-
cle 2 de cette loi comme donnant force de loi aux
stipulations du contrat de construction et, notam-
2 II y a à l'article 2 de la Loi sur les chemins de fer une
définition de l'expression loi spéciale dont voici un extrait:
2. (1) ...
«loi spéciale», lorsque cette expression est employée relative-
ment à un chemin de fer, signifie toute loi en vertu de
laquelle la compagnie est autorisée à construire ou à
exploiter un chemin de fer, ou qui est édictée spécialement
au sujet de ce chemin de fer, et qui a été adoptée dans le
passé ou qui le sera à l'avenir ....
ment, aux clauses 3 et 9 qui imposaient aux entre
preneurs l'obligation d'«entretenir et exploiter sans
interruption une ligne de chemin de fer ... depuis
Esquimalt jusqu'à Nanaïmo» et de «sans interrup
tion et de bonne foi exploiter le dit chemin».
D'après l'appelante, les conditions du contrat de
construction du chemin de fer sont incorporées à la
loi spéciale de 1884 de sorte que cette obligation
que le contrat imposait aux entrepreneurs d'exploi-
ter le chemin de fer sans interruption doit être
considérée comme imposée par la loi elle-même.
La seconde loi spéciale qui, d'après l'appelante,
prévaudrait sur l'article 260 dans la mesure où il
devrait s'appliquer à la Compagnie du chemin de
fer d'Esquimalt à Nanaïmo serait la loi fédérale de
1905 qui déclare que le chemin de fer de cette
compagnie constitue un ouvrage à l'avantage
général du Canada. Voici ce que prévoit l'article 4
de cet Acte:
Rien en la présente loi ne saurait porter atteinte aux droits et
obligations qui existent aujourd'hui pour la province de la
Colombie-Britannique et pour la Compagnie, ou qui existaient
ci-devant pour elles en vertu des dispositions de l'acte de la
législature de la dite province, 47 Victoria, chapitre 14.
La loi de Colombie-Britannique que l'on men-
tionne dans cet article est la Settlement Act de
1883 qui, en son article 27, prévoit que la Compa-
gnie du chemin de fer d'Esquimalt à Nanaïmo doit
être liée par le contrat de construction du chemin
de fer intervenu entre MM. Dunsmuir et al. et le
gouvernement fédéral de la même manière que si
la compagnie était elle-même partie au contrat.
D'après l'appelante, l'article 27 de la Settlement
Act imposait à la Compagnie du chemin de fer
d'Esquimalt à Nanaïmo toutes les obligations des
entrepreneurs que stipulait le contrat de construc
tion, notamment l'obligation d'exploiter le chemin
de fer «sans interruption». L'article 4 de l'Acte
fédéral de 1905 doit, toujours d'après l'appelante,
être interprété comme disposant qu'indépendam-
ment de la déclaration apparaissant à l'article
premier, toutes les responsabilités de la compagnie
découlant de la Settlement Act, et notamment
l'obligation d'exploiter le chemin de fer sans inter
ruption, demeurent intactes. L'appelante en con-
clut donc que l'article 4 de l'Acte de 1905 est une
disposition d'une loi spéciale du Parlement du
Canada qui prévoit que le chemin de fer reliant
Esquimalt à Nanaïmo doit être exploité sans inter-
ruption, cet article, selon l'alinéa 3(1)b) de la Loi
sur les chemins de fer, devant prévaloir sur l'arti-
cle 260 de la même Loi.
A mon avis, il n'est pas nécessaire pour statuer
sur l'appel de se demander si l'interprétation de
l'appelante des deux lois spéciales que je viens de
mentionner est la bonne car, même si c'était le cas,
l'ordonnance qui fait l'objet de l'appel demeurerait
néanmoins une ordonnance que la Commission
avait le pouvoir de rendre. Présumons pour un
instant, sans en décider, que l'interprétation que
propose de donner aux deux lois spéciales l'appe-
lante est la bonne. D'après cette interprétation, les
deux lois spéciales disposent que le service ferro-
viaire entre Esquimalt et Nanaïmo ne doit pas être
interrompu. Conformément à l'alinéa 3(1)b) de la
Loi sur les chemins de fer, les dispositions de ces
deux lois spéciales prévalent sur celles de la Loi
sur les chemins de fer, y compris l'article 260,
«dans la mesure nécessaire pour donner effet» à
cette disposition. Or, pour atteindre cet objet, il
serait évidemment nécessaire de refuser à la Com
mission et à ses comités le pouvoir d'ordonner
d'interrompre le service ferroviaire entre Esqui-
malt et Nanaïmo. Toutefois, la décision du Comité
de révision entreprise n'est pas en ce sens; c'est une
décision qui dit que le service ferroviaire de passa-
gers reliant Victoria à Courtenay n'est pas renta-
ble mais qui ordonne néanmoins de le maintenir. A
mon avis, pour donner effet aux dispositions arti-
culées des lois spéciales, soit que le service ferro-
viaire en question ne soit pas interrompu, il n'est
certainement pas nécessaire de dénier à la Com
mission le pouvoir que lui confère l'article 260 de
constater que l'exploitation d'un service ferroviaire
de passagers n'est pas rentable puisque l'existence
de ce pouvoir n'entre nullement en conflit avec
l'obligation du chemin de fer d'en continuer l'ex-
ploitation. Il n'est pas nécessaire non plus, pour
donner effet aux lois spéciales, de refuser à la
Commission le pouvoir d'ordonner que le service
ferroviaire en question ne soit pas interrompu. Que
la Commission détienne ce pouvoir ne provoque
aucun conflit avec les lois spéciales; au contraire,
l'existence de ce pouvoir paraît utile, sinon néces-
saire, pour donner effet à la prescription contenue
dans ces lois.
Par ces motifs, je suis d'avis que l'ordonnance
du Comité de révision était valide. Je rejetterais
l'appel.
* * *
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT VERCHERE: Je les partage
aussi.
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