T-5699-80
Robert Maclntyre (demandeur)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Ottawa, 26 octobre et 10 novembre 1981.
Libération conditionnelle — Demande de jugement déclara-
toire disant que le demandeur a droit d'être relaxé conformé-
ment au calcul qu'il fait de son temps de peine — Contesta-
tion par le demandeur du calcul du reste de son temps
d'incarcération — Condamnation du demandeur à plusieurs
reprises avant son évasion en 1976 — Condamnation après son
arrestation, à neuf ans, à purger consécutivement à toute peine
alors purgée pour les infractions commises en fuite — Con-
damnation subséquente à quatre mois pour absence sans
excuse légitime — Prétention du demandeur à une réduction
maximale du tiers du total de sa peine, laquelle correspondrait
au total de toutes ses peines à compter de la date de sa
première condamnation — Prétention de la défenderesse que
l'art. 137 du Code criminel prévoit la condamnation de l'évadé
à une nouvelle peine, qui s'ajoute au reste de la peine qu'il
purgeait lorsqu'il s'est évadé, pour ne constituer qu'une peine
unique — Action rejetée — Loi sur les pénitenciers, S.R.C.
1970, c. P-6, art. 24.2 — Loi sur la libération conditionnelle
de détenus, S.R.C. 1970, c. P-2 , art. 14 — Code criminel,
S.R.C. 1970, c. C-34, art. 137.
Le demandeur conteste le calcul relatif à ses diverses pério-
des d'emprisonnement. Après avoir été condamné, libéré condi-
tionnellement, puis incarcéré à nouveau, le demandeur a été
condamné en 1973 deux ans d'emprisonnement, à être purgés
consécutivement à la portion inachevée de toute période d'em-
prisonnement pour laquelle il avait obtenu une libération condi-
tionnelle. Le demandeur s'est évadé en 1976 et a été condamné
après son arrestation à neuf ans, à purger consécutivement à
toute peine qu'il purgeait alors. Il a été condamné plus tard à
quatre mois pour absence sans excuse légitime. L'article 24.2
de la Loi sur les pénitenciers a pour but d'éviter que le détenu
bénéficie d'une réduction de peine méritée supérieure au tiers
de la peine qu'il purge. Il ressort de l'article 14 de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus que toutes les peines impo
sées à un individu sont censées constituer une peine unique
correspondant au total des peines imposées séparément. Le
demandeur soutient que pour les fins de la réduction de peine,
on doit considérer comme point de départ de sa peine le 6 juillet
1971, date de sa première condamnation; s'ajoutent ensuite
toutes les peines subséquentes. Il fait valoir que la réduction
maximale à laquelle il a droit devrait correspondre au tiers du
total. L'article 137 du Code criminel dispose que celui qui
s'évade doit, après avoir subi toute peine à laquelle il est
condamné pour cette évasion, purger la partie de la peine
d'emprisonnement, incluant toute réduction légale de peine,
mais excluant toute réduction méritée, qu'il lui restait à purger
au moment de son évasion. La défenderesse soutient que l'arti-
cle 137 prévoit la condamnation de l'évadé à une nouvelle
peine, qui vient s'ajouter à la période d'emprisonnement que le
détenu avait encore à purger au moment de son évasion, pour
ne former avec elle, par le jeu de l'article 137, qu'une peine
unique. Il échet d'examiner quelle est la durée de peine imposée
au demandeur qui doit servir de base au calcul de sa réduction
de peine.
Arrêt: l'expression «la peine qu'il purge alors» ne signifie pas
une «sentence consistant en une période d'emprisonnement
commençant le jour où la première de ces sentences d'empri-
sonnement commence et se terminant à l'expiration de celle de
ces périodes d'emprisonnement qui se termine la dernière»
conformément au paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus. L'article 14 de la Loi sur la libéra-
tion conditionnelle de détenus est libellé en termes généraux; il
est subordonné à d'autres dispositions législatives d'application
particulière. Par le biais du paragraphe 137(2) du Code crimi-
nel, l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus reçoit application lors de l'identification de la peine
qu'un évadé «purgeait au moment de son évasion». Le paragra-
phe ne fait pas référence à la période d'emprisonnement que
('«évadé» purgeait au moment de sa condamnation pour évasion.
Le demandeur s'est évadé le 19 janvier 1976. Les neuf ans
d'emprisonnement auxquels il a été condamné pour les infrac
tions commises pendant la durée de son évasion ne lui ont été
imposés qu'après son arrestation, son procès et sa condamna-
tion. L'on ne saurait trop où insérer cette peine de neuf ans si ce
n'était de l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle
de détenus qui intègre cette peine de neuf ans à la peine que le
demandeur purgeait, et de l'article 137 qui fusionne la peine
relative à l'évasion et les peines antérieures en une peine
unique.
Arrêt approuvé: R. c. Sowa (no 2) [1980] 2 W.W.R. 83.
MÉMOIRE spécial sur lequel la Cour doit statuer.
AVOCATS:
Fergus J. O'Connor pour le demandeur.
Robert P. Hynes pour la défenderesse.
PROCUREURS:
O'Connor, Ecclestone, Kingston, pour le
demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Par déclaration en date
du 3 décembre 1980, le demandeur conteste le
résultat des calculs de Sa Majesté relativement
aux périodes d'emprisonnement inachevées aux-
quelles il a été condamné et conclut à jugement
déclaratoire, sur la foi de ses propres calculs qu'il
estime fondés en droit, qu'il a droit à une
libération.
Avant l'instruction, les parties ont convenu pour
la remplacer d'exposer dans un mémoire spécial les
points soulevés dans la déclaration pour les faire
trancher par la Cour, le tout conformément à la
Règle 475(5); elles ont présenté une requête en ce
sens.
Elle a été autorisée et le mémoire spécial a été
préparé en vue de l'audition.
Le mémoire spécial présenté à la Cour se lit
comme suit:
[TRADUCTION] ÉNONCÉ DES FAITS
1. Le 6 juillet 1971, le demandeur a été condamné à quatre
années d'emprisonnement.
2. Le 6 novembre 1972, le demandeur a obtenu sa libération
conditionnelle. Le 5 mars 1973, il a de nouveau été incarcéré
après avoir été appréhendé en vertu d'un mandat suspendant sa
libération conditionnelle.
3. Le 14 juin 1973, la libération conditionnelle du demandeur a
été frappée de déchéance.
4. Le 14 juin 1973, le demandeur a été condamné à diverses
peines totalisant deux ans d'emprisonnement, à être purgées
consécutivement à la portion inachevée de toute période d'em-
prisonnement pour laquelle il avait obtenu une libération
conditionnelle.
5. Au cours des mois de janvier et février 1976, le demandeur
est resté absent sans excuse légitime durant 31 jours. Le 13
avril 1976, il a été condamné à une période d'emprisonnement
totale de neuf années devant être purgées consécutivement à
toute peine qu'il était en train de purger.
6. Le 14 septembre 1976, le demandeur a été condamné à
purger quatre mois d'emprisonnement au pénitencier de Kings-
ton, après avoir été reconnu coupable d'être resté absent sans
excuse légitime aux termes de l'article 133(1)b) du Code
criminel.
La question qu'il faut trancher est posée au
paragraphe 7:
[TRADUCTION] 7. Voici la question, sur laquelle il faut statuer,
dont les parties sont convenues et qu'elles proposent:
L'expression «la peine qu'il purge alors« utilisée à l'article
24.2 de la Loi sur les pénitenciers désigne-t-elle une «sentence
consistant en une période d'emprisonnement commençant le
jour où la première de ces sentences d'emprisonnement (aux-
quelles le détenu était assujetti) commence et se terminant à
l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonnement qui se
termine la dernière«, aux termes de l'article 14(1) de la Loi
sur la libération conditionnelle de détenus?
Les paragraphes 8 et 9 énoncent respectivement
quelles sont les conséquences d'une réponse affir
mative ou d'une réponse négative à la question
posée au paragraphe 7:
[TRADUCTION] 8. Si la Cour répond par l'affirmative, le
requérant aura droit, en vertu d'un jugement déclaratoire qui
sera rendu à cet effet, à une réduction méritée de peine pouvant
équivaloir au tiers de la peine totale calculée suivant cette
formule.
9. Si la Cour répond par la négative, aucune réduction méritée
de peine ne sera accordée au requérant après le 1" décembre
1979 et la date de sa remise en liberté sera calculée en
conséquence.
Il existait avant le 30 juin 1978, deux types
de réduction de peine: (1) la réduction statutaire
de peine en vertu de laquelle le détenu bénéficiait
dès son incarcération d'une réduction équivalant
au quart de sa sentence et (2) la réduction méritée
de peine, de 36 jours au maximum par année,
acquise au rythme de trois jours par mois. En gros,
ces deux réductions équivalent au tiers de la sen
tence imposée ou, si on préfère, le détenu n'a à
purger que les deux tiers de la peine prévue.
Suivant certaines circonstances et selon certaines
des modalités prédéterminées, il peut y avoir
déchéance de la réduction statutaire.
Après le 30 juin 1978, la réduction statutaire a
été abolie par la proclamation d'une nouvelle loi et
remplacée par la seule réduction méritée de peine.
Cependant, cette dernière a été haussée à 15 jours
par mois pour un total de 180 jours par année afin
de conserver comme auparavant une réduction du
tiers de la peine imposée.
L'article 24.2 a été ajouté à la Loi sur les
pénitenciers, S.R.C. 1970, c. P-6, par l'article 41
des S.C. 1976-77, c. 53. Cet article 24.2 a été
proclamé en vigueur le 1" juillet 1978 et porte:
24.2 Le détenu qui bénéficie déjà d'une réduction statutaire
de peine, cesse d'avoir droit à la réduction méritée que prévoit
le paragraphe 240) le jour où le total des réductions suivantes
correspond au tiers de la peine qu'il purge alors:
a) le maximum de jours de réduction statutaire de peine
inscrit à son actif pour cette peine, en vertu de la présente loi
ou de la Loi sur les prisons et les maisons de correction;
b) le nombre de jours de réduction de peine méritée accu-
mulé à son actif avant que le présent article n'entre en
vigueur; et
c) le maximum de jours de réduction de peine méritée inscrit
à son actif en vertu du paragraphe 24(1).
L'article 24.2 a évidemment pour but d'éviter
que le détenu qui a bénéficié d'une réduction
statutaire lorsque ce régime était en vigueur et qui,
par la suite, a profité en plus d'une réduction
méritée de peine au rythme accéléré de 15 jours
par mois au lieu de trois seulement, comme aupa-
ravant, ne bénéficie au total d'une réduction supé-
rieure au tiers de la sentence qu'il purge.
Comme la réduction de peine permise équivaut
à un tiers de la peine à purger par le détenu, il est
essentiel de déterminer quelle est cette peine car
c'est cette période que l'on réduira du tiers.
L'article 14 de la Loi sur la libération condi-
tionnelle de détenus, S.R.C. 1970, c. P-2, refondu
aux S.R.C. 1970 (ler Supp.), c. 31, article 1 et
modifié par l'article 19, S.C. 1977-78, c. 22, porte:
14. (1) Lorsque, le 25 mars 1970 ou avant ou après cette
date,
a) un individu est condamné à deux périodes d'emprisonne-
ment ou plus, ou que
b) un détenu qui est en détention est condamné à une ou des
périodes supplémentaires d'emprisonnement,
les périodes d'emprisonnement auxquelles il a été condamné, y
compris dans un cas visé à l'alinéa b) la ou les périodes
d'emprisonnement qu'il est en train de purger, sont, à toutes
fins de la présente loi, du Code criminel, de la Loi sur les
pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de
correction, censées constituer une seule sentence consistant en
une période d'emprisonnement commençant le jour où la pre-
mière de ces sentences d'emprisonnement commence et se
terminant à l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonne-
ment qui se termine la dernière.
Le législateur a, par le biais de la Loi corrective
de 1978, S.C. 1977-78, c. 22, article 19, inséré les
mots «du Code criminel» entre les mots «à toutes
fins de la présente loi» et «de la Loi sur les
pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les
maisons de correction».
Il ne fait aucun doute que les mots «le 25 mars
1970 ou avant ou après cette date» donnent à
l'article 14 une portée rétroactive relativement à la
détermination de la peine unique qui servira au
calcul de la réduction de peine.
Il ressort du libellé de l'article 14 de la Loi sur
la libération conditionnelle de détenus que toutes
les peines imposées à un individu sont censées
constituer une peine unique du total des peines
imposées séparément.
La réduction maximale à laquelle a droit un
détenu équivaut au tiers de sa «peine».
Conséquemment, vu les faits admis, une simple
addition donnera la période totale d'emprisonne-
ment du demandeur, soit:
le 6 juillet 1971 4 ans
le 14 juin 1973 2 ans
le 13 avril 1976 9 ans
le 14 septembre 1976 4 mois
soit 15 ans et quatre mois ou 5,601 jours.
L'avocat du demandeur soutient, logiquement,
que la réduction maximale à laquelle a droit son
client doit être calculée à partir de ce chiffre,
c'est-à-dire un tiers de 5,601 jours, soit une réduc-
tion maximale de 1,867 jours.
Il reconnaît volontiers qu'il faut soustraire dans
ce grossier calcul la réduction statutaire dont le
détenu a perdu le bénéfice et les autres périodes du
genre afin de déterminer le temps qui lui reste de
la peine qu'il «purge alors».
L'article 14 de la Loi sur la libération condi-
tionnelle de détenus est général dans sa formula
tion et dans sa portée. Il est libellé en termes
généraux. L'une des règles d'interprétation les plus
sûres nous enseigne que ces dispositions générales
s'appliquent sous réserve des limites qui peuvent
leur être imposées par d'autres dispositions de la
même loi ou d'une autre.
Formulée différemment, cette règle cardinale
d'interprétation signifie que les dispositions géné-
rales ne limitent, ni n'annihilent les dispositions
spéciales d'une même loi ou d'une autre loi. On
doit voir les dispositions spéciales comme des
exceptions générales. C'est là la seule façon de
réconcilier de telles dispositions du législateur.
Admettre que l'article 14 de la Loi sur la libé-
ration conditionnelle de détenus est de portée
générale, c'est reconnaître qu'il puisse être subor-
donné à d'autres dispositions législatives d'applica-
tion particulière.
Le procureur de Sa Majesté soutient qu'il existe
une telle disposition spéciale dans le Code crimi-
nel, S.R.C. 1970, c. C-34, en l'occurrence l'article
137, tel qu'il se lisait le 14 octobre 1977:
137. (1) Sauf disposition contraire de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus, une personne qui s'évade pendant
qu'elle purge une peine d'emprisonnement doit, après avoir subi
toute peine à laquelle elle est condamnée pour cette évasion,
purger la partie de la peine d'emprisonnement incluant toute
réduction légale de peine mais excluant toute réduction méri-
tée, qu'il lui restait à purger au moment de son évasion, moins
toute période qu'elle a passée sous garde entre le jour où elle a
été reprise après son évasion et le jour où elle a été condamnée
pour cette évasion.
(2) Aux fins du paragraphe (1), l'article 14 de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus s'applique pour déterminer
la peine d'emprisonnement que purgeait une personne au
moment de son évasion.
(3) Une personne qui s'évade alors qu'elle purgeait une peine
d'emprisonnement doit subir, s'il en est, la peine à laquelle elle
est condamnée pour cette évasion et la peine complémentaire
calculée conformément au paragraphe (1) dans un pénitencier
si la durée totale de ces peines est de deux ans ou plus ou, si elle
est inférieure à deux ans,
a) dans la prison d'où elle s'est évadée, ou
b) lorsque la cour, le juge de paix ou le magistrat qui l'a
condamnée pour l'évasion l'ordonne, nonobstant la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus, dans un pénitencier,
et, lorsqu'une personne est condamnée pour une évasion elle
doit, nonobstant l'article 659, être condamnée en conséquence.
(4) Pour l'application du présent article, le terme «évasion»
signifie le bris de prison, le fait d'échapper à la garde légale ou,
sans excuse légitime, de se trouver en liberté au Canada avant
l'expiration de la période d'emprisonnement à laquelle une
personne a été condamnée.
La Cour d'appel de la Saskatchewan a eu à
trancher cette question même dans l'affaire R. c.
Sowa (n° 2) [1980] 2 W.W.R. 83. La Cour devait
alors déterminer si les autorités pénitentiaires
avaient correctement interprété et appliqué l'arti-
cle 137 du Code criminel en vigueur jusqu'au 15
octobre 1977 (ce texte est rapporté au paragraphe
précédent).
L'arrêt a été prononcé par le juge Culliton, juge
en chef de la Saskatchewan. Traitant de l'article
137, la page 87, le juge dit:
[TRADUCTION] Aux termes de l'article précité, la peine
imposée à un détenu qui s'évade est déterminée et purgée selon
les modalités suivantes:
a) Le détenu doit d'abord purger la peine imposée pour
l'évasion;
b) Ensuite, il doit purger la partie de la peine qu'il lui restait
à purger au moment de son évasion sans qu'on lui accorde
aucune réduction statutaire;
c) On porte à l'actif du détenu, en réduction de la peine
totale, toute période passée sous garde entre son arrestation et
sa condamnation pour évasion.
Le juge en chef cite ensuite l'article 14 de la Loi
sur la libération conditionnelle de détenus qu'il
commente en ces termes à la page 88:
[TRADUCTION] De toute évidence, les premiers mots de l'art.
14 (1) «Lorsque, le 25 mars 1970 ou avant ou après cette date»,
démontrent que cet article, y compris la modification de
1977-78, a une portée rétroactive pour ce qui est de la détermi-
nation de la peine unique objet de la réduction statutaire de
peine.
Au paragraphe suivant, le juge expose les argu
ments invoqués par l'appelant:
[TRADUCTION] L'appelant prétend qu'en vertu de la formu
lation de l'art. 14 (1), sa peine unique doit être calculée à
compter du 14 novembre 1971, date de sa première condamna-
tion à l'emprisonnement. N'eût-été des termes mêmes de l'arti-
cle 137 de 1973, j'aurais été enclin à accueillir cet argument.
Il s'agit en fait du même argument qui m'est
présenté. Comme je l'ai fait remarquer précédem-
ment, l'avocat du demandeur soutient qu'aux fins
de réduction, on doit considérer comme point de
départ de la peine de son client, le 6 juillet 1971,
date de sa condamnation à quatre ans; l'avocat
ajoute ensuite toutes les peines subséquentes pour
un total de 15 ans et 4 mois.
A mon avis, la question qui m'est posée au
paragraphe 7 pourrait être reformulée ainsi:
Quelle est la durée de peine imposée au demandeur qui doit
servir de base au calcul de la réduction de peine?
En réponse à l'argument invoqué par l'appelant,
le juge en chef Culliton s'exprime ainsi à la page
88:
[TRADUCTION] A mon avis, l'art. 137 du Code criminel,
dans sa version de 1973, a pour effet d'imposer une nouvelle
peine dont le point de départ est la date de la condamnation
pour évasion. C'est là, je crois, la conclusion logique qui découle
des prescriptions de l'article relativement à la manière dont la
peine imposée doit être calculée et purgée.
En vertu de l'art. 137, entré en vigueur le 15 juillet 1972, le
détenu condamné pour évasion après cette date perd le bénéfice
de toute réduction statutaire accumulée jusque-là. Au par. (3),
la portion de la peine restante que l'on calcule conformément
au par. (1), est désignée sous l'expression «la peine complémen-
taire«. Cela démontre clairement que la peine imposée pour
l'évasion et toutes les peines supplémentaires qui viennent s'y
greffer constituent une peine unique. Conséquemment, c'est à
bon droit que les autorités pénitentiaires ont jugé que le point
de départ de la peine unique, après la condamnation pour
évasion, était le 15 mai 1973.
Essentiellement, on prétend que la Cour, le juge
de paix ou le magistrat devant qui comparaît un
«évadé», impose à ce dernier une nouvelle peine.
Bien que cette autorité judiciaire ait le loisir de
n'imposer qu'une peine de quatre mois (comme ce
fut le cas en l'espèce), cette peine vient s'ajouter à
la période d'emprisonnement que le détenu avait
encore à purger au moment de son évasion pour ne
former avec elle, par le jeu de l'article 137, qu'une
sentence unique.
Voilà donc l'argument qu'invoque le procureur
de Sa Majesté s'appuyant sur l'arrêt Sowa.
Voici un tableau qu'on m'a remis illustrant le
calcul de la peine du demandeur préparé à partir
de l'historique de sa détention:
[TRADUCTION] Jours Solde
Peine initiale, depuis le 6 juillet 1971-
4 années 1461 1461
Jours purgés du 6 juillet 1971 au
6 novembre 1972 —490 971
En liberté conditionnelle du 7 novembre 1972
au 4 mars 1973 (aucune réduction acquise)
Jours purgés (libération conditionnelle sus-
pendue) du 5 mars 1973 au 13 juin 1973 —101 870
Condamnation à 2 ans consécutifs le 14 juin
1973 (déchéance de la libération
conditionnelle) 731 1601
Jours purgés du 14 juin 1973 au
18 janvier 1976 —949 652
A.S.E.L. du 19 janvier 1976 au 18 février 1976
(aucune réduction acquise)
Jours purgés du 19 février 1976 au 12 avril 1976 — 54 598
Condamnation à une peine totale de 9 ans
consécutifs, le 13 avril 1976 3287 3885
Jours purgés du 13 avril 1976 au
13 septembre 1976 —154 3731
Condamnation à 4 mois d'emprisonnement con-
sécutifs (A.S.E.L.)* le 14 septembre 1976 122 3853
Réduction méritée de peine à l'actif du détenu
au moment de l'imposition de la peine pour
A.S.E.L. —151 3702
* (Le sigle A.S.E.L. correspond à «absence sans excuse
légitime»)
S'appuyant sur ces données, l'avocat de Sa
Majesté soutient que la peine unique qui résulte de
la peine de quatre mois imposée le 14 septembre
1976 et du jeu de l'article 137 est un amalgame de
3,702 jours, peine unique imposée le 14 septembre
1976 qui servira à déterminer la réduction de
peine.
La portée du paragraphe 137(2) me cause cer-
tains tracas. En effet, par le biais de cett6 disposi
tion du Code criminel, l'article 14 de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus reçoit applica
tion lors de l'identification de la peine qu'un évadé
«purgeait ... au moment de son évasion». Le para-
graphe ne fait pas référence à la période d'empri-
sonnement que l'«évadé» purgeait au moment de sa
condamnation pour évasion.
Le demandeur s'est évadé le 19 janvier 1976.
Les neuf ans d'emprisonnement auxquels il a été
condamné pour les infractions commises pendant
la durée de son évasion, du 19 janvier 1976 au 18
février 1976, ne lui ont été imposés que le 13 avril,
après son arrestation, son procès et finalement sa
condamnation.
Par conséquent, il y aurait un hiatus et l'on ne
saurait trop où insérer cette peine de neuf ans si ce
n'était de l'article 14 de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus qui intègre cette peine
de neuf ans à la peine que le demandeur purgeait,
et de l'article 137 qui fusionne la peine relative à
l'évasion et les peines antérieures en une peine
unique, en l'espèce, la peine de 3,853 jours appa-
raissant à l'avant-dernier poste du tableau ci-
dessus.
A mon avis, les faits de l'arrêt Sowa sont identi-
ques à ceux de la présente affaire; on ne saurait
faire de distinctions.
L'avocat du demandeur prétend que l'emploi du
mot «peine» dans les deux derniers paragraphes
cités de l'arrêt Sowa était inapproprié et qu'il
aurait fallu lui substituer le mot «période».
Je ne partage pas cet avis. Je pense que le juge
en chef Culliton voulait bien dire ce qu'il a dit.
Par les motifs précités, je réponds par la néga-
tive à la question posée au paragraphe 7 du
mémoire spécial. Par conséquent, la réduction de
peine du demandeur doit être calculée conformé-
ment au paragraphe 9 du mémoire.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.