A-254-81
La Reine du chef du Canada, représentée par le
Conseil du Trésor (Requérante)
c.
L'Association canadienne du contrôle du trafic
aérien (Intimée)
Cour d'appel, les juges Heald, Urie et Le Dain—
Ottawa, 21 septembre et 14 octobre 1981.
Examen judiciaire — Relations du travail — Demande
d'examen et d'annulation de la décision par laquelle la Com
mission des relations de travail dans la Fonction publique a
jugé que le Conseil du Trésor, en sa qualité d'employeur des
membres de l'intimée, avait violé l'art. 51 de la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique — L'article 51
prévoit que toute condition d'emploi qui peut être incluse dans
une convention collective et qui était en vigueur le jour où
l'avis de négocier a été donné, doit rester en vigueur —
L'employeur a modifié la politique des heures supplémentaires
facultatives en imposant les heures supplémentaires obligatoi-
res après que l'intimée lui eut donné l'avis de négocier collecti-
vement — Il échet d'examiner si cette politique des heures
supplémentaires facultatives constituait une condition d'em-
ploi en vigueur lorsque l'avis de négocier fut donné — Loi sur
les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970,
c. P-35, art. 2, 18, 51, 57(3) — Code canadien du travail,
S.R.C. 1970, c. L-1, art. 1486) — Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2» Supp.), c. 10, art. 28.
Il s'agit d'une demande d'examen et d'annulation d'une
décision par laquelle la Commission des relations de travail
dans la Fonction publique a jugé que le Conseil du Trésor, en sa
qualité d'employeur des membres de l'intimée, avait violé l'arti-
cle 51 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction
publique en modifiant une condition d'emploi après que l'inti-
mée lui eut donné l'avis de négocier collectivement. A la date
de l'avis de négocier et avant celle-ci, il existait une politique
des heures supplémentaires facultatives, adoptée après consul
tations entre l'employeur et l'Association intimée, pour les
contrôleurs du trafic aérien au centre de contrôle de Montréal.
Après que l'avis de négocier fut donné, l'employeur a toutefois
modifié cette politique et imposé des heures supplémentaires
obligatoires. La requérante fait valoir qu'en vertu des disposi
tions de la convention collective portant sur le travail supplé-
mentaire, le droit de l'employeur de déterminer les besoins en
heures supplémentaires subsiste après l'avis de négocier, puis-
que la politique des heures supplémentaires facultatives ne
constituait pas une condition d'emploi en vigueur au moment
où l'avis de négocier fut donné, bien qu'elle eût pu l'être, cette
possibilité n'étant susceptible d'exécution que si les parties
convenaient, par écrit, de modifier la convention collective.
Arrêt (le juge Heald dissident): la demande est rejetée.
L'interprétation étroite selon laquelle l'expression «en vigueur*
signifie, dans le contexte de l'article 51, «susceptible d'exécution
forcée» ne saurait être adoptée. Ces mots signifient «en place»,
«existant», «opérant», etc. L'un des éléments des rapports
employeur-employé existant à la veille de l'avis, quoique non
inclus dans la convention collective, était la convention entre les
parties selon laquelle le droit de l'employeur d'imposer les
heures supplémentaires dans les limites fixées par la convention
collective avait été modifié de façon à permettre aux employés
de les refuser. Bien qu'il ne s'agisse peut-être pas d'un droit ou
d'un privilège susceptible d'exécution forcée au titre de la
convention collective, ce droit ou ce privilège était certainement
«en vigueur» au déclenchement du gel imposé par l'article 51.
Le juge Heald dissident: Le mot (force» (vigueur) signifie,
lorsqu'il se rapporte à une loi, «binding power, validity» (force
obligatoire, validité). On ne peut donc conclure que les disposi
tions relatives aux heures supplémentaires, telles qu'elles ont
été incluses dans la convention collective, pouvaient être modi
fiées par simple accord verbal par lequel l'employeur autorisait
les employés à refuser de faire des heures supplémentaires. Il
semble qu'en signant la convention collective, les deux parties
ont dû prévoir que toute modification devrait s'effectuer par
acte formel. Aucune modification formelle n'ayant eu lieu en
l'espèce, les conditions d'emploi en vigueur à la date dont s'agit,
en ce qui concerne les heures supplémentaires, sont celles que
prévoient les articles de la convention portant sur ces heures.
De plus, en vertu de l'article 2 de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique, toute convention collective
se fait par écrit. Donc, il découle nécessairement de l'article
57(3) de la Loi que toute modification apportée à une conven
tion collective écrite doit se faire également par écrit.
Arrêt mentionné: Le Syndicat catholique des employés de
magasins de Québec Inc. c. La Compagnie Paquet Ltée
[1959] R.C.S. 206.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
Robert Cousineau pour la requérante.
J. Nelligan, c.r., pour l'intimée.
J. E. McCormick pour la Commission des
relations de travail dans la Fonction publique.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
requérante.
Nelligan/Power, Ottawa, pour l'intimée.
Les services juridiques de la Commission des
relations de travail dans la Fonction publi-
que, Ottawa, pour la Commission des rela
tions de travail dans la Fonction publique.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD (dissident): J'ai pris connais-
sance des motifs de jugement prononcés par mon
collègue le juge Urie, mais, sauf le respect que je
lui dois, je ne saurais convenir qu'à la lumière des
faits de la cause, la Commission des relations de
travail dans la Fonction publique a correctement
appliqué l'article 51 de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c.
P-35. Cet article prévoit ce qui suit:
51. Si un avis de négocier collectivement a été donné, toute
condition d'emploi applicable aux employés de l'unité de négo-
ciation pour laquelle l'avis a été donné, qui peut être incluse
dans une convention collective et qui était en vigueur le jour où
l'avis a été donné, doit rester en vigueur et être observée par
l'employeur, l'agent négociateur de l'unité de négociation et les
employés de celle-ci, à moins qu'il n'en soit autrement disposé
par une convention à ce sujet que peuvent conclure l'employeur
et l'agent négociateur,
a) dans le cas d'une unité de négociation pour laquelle la
méthode de règlement d'un différend est le renvoi à
l'arbitrage,
(i) jusqu'à ce qu'une convention collective ait été conclue
par les parties et tant qu'une demande d'arbitrage relative
à cette condition d'emploi ou à une autre condition d'em-
ploi proposée à sa place n'a pas été faite de la manière et
dans le délai prescrits à cette fin par la présente loi, ou
(ii) jusqu'à ce qu'une demande d'arbitrage relative à cette
condition d'emploi ou à une autre condition d'emploi pro
posée à sa place ait été faite en conformité de la présente
loi et qu'une convention collective ait été conclue ou
qu'une décision arbitrale ait été rendue à ce sujet; et
b) dans le cas d'une unité de négociation pour laquelle la
méthode de règlement d'un différend est le renvoi à un
bureau de conciliation,
(i) jusqu'à ce qu'une convention collective ait été conclue
par les parties,
(ii) jusqu'à ce qu'un bureau de conciliation ait été établi en
conformité de la présente loi et que sept jours se soient
écoulés depuis la réception, par le Président, du rapport du
bureau de conciliation, ou
(iii) jusqu'à ce qu'une demande d'établissement d'un
bureau de conciliation ait été faite en conformité de la
présente loi et que le Président ait avisé les parties, confor-
mément à l'article 78, de son intention de ne pas établir un
tel bureau.
Les faits de la cause sont résumés avec précision
par mon collègue le juge Urie, et point n'est besoin
de les répéter. Le principal point litigieux porte, à
mon sens, sur la signification des mots «... toute
condition d'emploi ... qui peut être incluse dans
une convention collective et qui était en vigueur le
jour où l'avis a été donné, ...» figurant à l'article
51 susmentionné [c'est moi qui souligne]. Pour
interpréter l'expression «en vigueur», le juge Urie a
rejeté l'argument de la requérante selon lequel ces
mots signifient «susceptible d'exécution forcée»
dans le contexte de l'article 51. A son avis, cette
expression employée dans l'article 51 doit s'inter-
préter comme signifiant «en place», «existant»,
«opérant», «etc.» Il en a conclu que l'arrangement
convenu entre l'employeur et ses employés, par
lequel ces derniers pouvaient refuser de faire des
heures supplémentaires, n'était certes pas un droit
ou un privilège susceptible d'exécution forcée au
titre de la convention collective, mais qu'il cons-
tituait néanmoins un droit ou un privilège qui
«existait» et qui était donc «en vigueur» au déclen-
chement du gel imposé par l'article 51.
Je ne suis pas du même avis. Selon The Shorter
Oxford English Dictionary, le mot «force»
(vigueur) signifie, lorsqu'il se rapporte à une loi,
«Binding power, validity» (force obligatoire, vali-
dité). Appliquant cette définition aux faits de la
cause, je ne saurais conclure que les dispositions
relatives aux heures supplémentaires, telles qu'elles
ont été incluses dans la convention collective (arti-
cles 15.01, 15.03 et 15.04), pouvaient être modi
fiées par simple accord verbal par lequel l'em-
ployeur autorisait les employés à refuser de faire
des heures supplémentaires. Il me semble qu'en
signant la convention collective, les deux parties
ont dû prévoir que toute modification devrait s'ef-
fectuer par acte formel. Aucune modification for-
melle n'ayant eu lieu en l'espèce, j'estime que les
conditions d'emploi en vigueur à la date dont
s'agit, en ce qui concerne les heures supplémentai-
res, sont celles que prévoient les articles 15.01,
15.03 et 15.04. Dans Le Syndicat catholique des
employés de magasins de Québec Inc. c. La Com-
pagnie Paquet Ltée 1 , le juge Judson, qui rendait le
jugement majoritaire de la Cour, a conclu qu'à
l'entrée en vigueur de la convention collective,
[TRADUCTION] «Il n'y a plus de négociations pri-
vées possibles entre employeur et employé» pour
préserver, au profit d'un employé donné, tel ou tel
avantage en matière de conditions d'emploi. A
mon avis, il ressort du libellé de l'article 51 que les
conditions d'emploi qui y sont visées sont celles qui
figurent dans la convention collective. Ce sens
ressort d'autant plus lorsqu'on compare le vocabu-
laire de l'article 51 précité avec celui d'une disposi
tion similaire du Code canadien du travail, S.R.C.
1970, c. L-1, savoir l'alinéa 148b) qui se trouve
dans la Partie V, Division IV, et qui porte ce qui
suit:
148. Lorsqu'une mise en demeure de négocier collectivement
a été adressée en vertu de la présente Partie,
[1959] R.C.S. 206à la page 212.
b) l'employeur ne doit pas modifier l'échelle des salaires, ni
aucune autre condition d'emploi, ni aucun droit ou privilège
des employés de l'unité de négociation ni aucun droit ou
privilège de l'agent négociateur, tant que les conditions des
alinéas 180(1)a) à d) n'ont pas été remplies, à moins que
l'agent négociateur ne consente à la modification d'une telle
condition ou d'un tel droit ou privilège.
On voit que dans le Code canadien du travail,
l'expression «en vigueur» n'a pas été employée à
propos des conditions d'emploi. Il appert que le
Code canadien du travail gèle toutes les conditions
d'emploi et non seulement celles qui sont «en
vigueur», c.-à-d. celles qui sont énoncées en détail
dans la convention collective. Si le législateur avait
voulu bloquer toutes les conditions d'emploi par
l'article 51, il aurait pu facilement adopter un
libellé identique ou similaire à celui du Code cana-
dien du travail.
Mon collègue le juge Urie a également vu dans
la politique des heures supplémentaires facultati-
ves une modification tacite de l'article 15 de la
convention collective. Sauf le respect que je lui
dois, je ne saurais me ranger à son avis, eu égard
aux dispositions de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique. Selon l'article 2
de cette Loi, «convention collective» désigne «...
une convention écrite, conclue en vertu de la pré-
sente loi entre l'employeur, d'une part, et un agent
négociateur, d'autre part, qui renferme des disposi
tions concernant des conditions d'emploi et d'au-
tres questions connexes;» [c'est moi qui souligne].
Ainsi donc, cette Loi prévoit que toute convention
collective se fait par écrit. De même, il découle
nécessairement du paragraphe (3) de l'article 57
de la Loi, qui autorise la «modification ou la
revision d'une disposition d'une convention collec
tive ...», que toute modification apportée à une
convention collective écrite doit se faire également
par écrit.
Par ces motifs, je conclus que la Commission a
commis une erreur de droit en décidant que par la
modification de sa politique des heures supplémen-
taires, l'employeur avait contrevenu à l'article 51
de la Loi sur les relations de travail dans la
Fonction publique. J'estime donc qu'il y a lieu
d'accueillir la demande fondée sur l'article 28 et
d'annuler la décision rendue le 4 mai 1981 par
David H. Kates, président suppléant de la Com
mission des relations de travail dans la Fonction
publique.
* *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: La Cour est saisie d'une
demande, fondée sur l'article 28, en examen et en
annulation de la décision rendue par la Commis
sion des relations de travail dans la Fonction pu-
blique, en application de l'article 18 de la Loi sur
les relations de travail dans la Fonction publique,
S.R.C. 1970, c. P-35 (la Loi). Cette décision fai-
sait suite à une plainte reprochant au Conseil du
Trésor d'avoir, en sa qualité d'employeur des
membres de l'Association intimée, modifié une
condition d'emploi en violation de l'article 51 de la
Loi. Selon les avocats des deux parties, un exposé
conjoint des faits avait été produit devant la Com
mission, mais aucun exposé ne figure dans le dos
sier présenté à la Cour. Aussi les faits de la cause
ayant donné lieu à la plainte ont-ils été dégagés
des motifs de la Commission et des exposés des
faits et du droit déposés par les parties. Ces faits
peuvent se résumer brièvement comme suit.
Le 6 octobre 1980, l'intimée a donné avis de son
intention de renégocier sa convention collective
avec le Conseil du Trésor, qui devait expirer le 31
décembre 1980. Depuis cette date, il n'y a eu ni
nouvelle convention collective ni rapport de conci
liation. Aussi les parties n'en sont-elles toujours
qu'au stade de la négociation. Il est constant que
selon la politique en vigueur jusqu'au 6 mars 1981
en matière d'heures supplémentaires au centre de
contrôle de Montréal, il n'était pas obligatoire
d'accepter de faire des heures supplémentaires. Il
appert que cette politique avait été adoptée à la
suite de consultations entre les deux parties.
Le 6 mars 1981, l'employeur a donné la direc
tive suivante au sujet de la politique qui permettait
aux contrôleurs inscrits pour les heures supplémen-
taires de les annuler ou de les refuser.
Prenant effet immédiatement (6 mars 1981) à cause des
besoins opérationnels, il est devenu nécessaire de rendre obliga-
toires les heures supplémentaires. Un refus de travailler les
heures supplémentaires cédulés [sic] sera considéré comme
allant à l'encontre de l'injonction interlocutoire T-4640-80
émise par la Cour fédérale du Canada et datée du 9 octobre
1980.
La politique P7905-AI est amendée par la présente en ce qui a
trait au surtemps.
La politique P7905-AI prévoit ce qui suit:
CENTRE DE CONTRÔLE DE LA RÉGION DE MONTRÉAL
POLITIQUE DE L'UNITÉ DE TRAVAIL P7905-AI
Annulation de quarts de travail
L'annulation d'un quart de travail (régulier ou surtemps), pour
quelque raison que ce soit, doit être faite au plus tard: une (1)
heure avant le commencement des quarts de 7 et 8 heures,
quatre (4) heures avant le commencement de tout autre quart.
Une explication écrite peut être exigée par le surveillant.
Les appels téléphoniques à ce sujet doivent être dirigés au
surveillant.
Il est manifeste que ce document n'a pas pour
effet, à lui seul, de mettre en oeuvre la politique
des heures supplémentaires facultatives, adoptée
après consultations. Il ne fait qu'indiquer la procé-
dure à suivre au cas où un contrôleur, inscrit ou
pressenti pour les heures supplémentaires, préfére-
rait s'en abstenir. Le dossier produit devant la
Cour ne comporte aucun autre document où serait
exposée la politique des heures supplémentaires
facultatives. Ce dossier corrobore toutefois la cons-
tatation faite par l'arbitre selon laquelle les parties
avaient adopté «en commun une ligne de conduite
selon laquelle les heures supplémentaires n'étaient
pas obligatoires pour les contrôleurs de la circula
tion aérienne travaillant au Centre de contrôle de
Montréal ...z,.
La note de service du 6 mars 1981 a été indubi-
tablement provoquée par le fait que quarante con-
trôleurs du trafic aérien travaillant au centre de
contrôle de Montréal avaient notifié à l'employeur
leur refus de faire les heures supplémentaires. Ces
notifications avaient été provoquées elles-mêmes
par le rejet, communiqué le 2 mars 1981 par
l'employeur à l'agent négociateur, de certaines
modifications des horaires de travail, proposées par
ce dernier au cours des consultations. La note de
service du 6 mars 1981 a donc été la réponse de
l'employeur au refus de faire des heures supplé-
mentaires.
Après l'échec des efforts déployés pour résoudre
la question des heures supplémentaires, l'em-
ployeur a saisi la Division de première instance,
laquelle a rendu deux ordonnances enjoignant à
quelque 54 contrôleurs du trafic aérien de compa-
raître le 21 avril 1981 pour exposer les raisons
pour lesquelles ils ne devraient pas être déclarés
coupables de désobéissance à une ordonnance de
faire, rendue le 9 octobre 1980 par le juge Walsh
de la Division de première instance [[1981] 2 C.F.
12]. Le 28 avril 1981, la présentation des ordon-
nances de justification, le juge Addy a conclu,
manifestement à la suite d'une objection prélimi-
naire, que le changement de politique touchant les
heures supplémentaires n'allait pas à l'encontre de
l'article 51 de la Loi.
Le 14 avril 1981, l'intimée s'est prévalue de
l'article 18 de la Loi pour saisir la Commission
d'une requête en ordonnance déclarant que le
changement de politique chez l'employeur contre-
venait à l'article 51 de la Loi, et portant annula-
tion de la politique des heures supplémentaires
obligatoires. Cette requête a été entendue par le
vice-président de la Commission qui siégeait seul.
Le 4 mai 1981, il a conclu qu'elle était bien fondée
et que, par conséquent, l'employeur avait violé les
dispositions de l'article 51. Il est à noter que la
Commission a donné de l'article 51 une interpréta-
tion diamétralement opposée à celle du juge Addy
et ce, après que celui-ci eut rendu son jugement.
La décision du vice-président a été revue par une
autre formation de jugement de la Commission à
deux reprises: la première fois à la suite d'une
requête, fondée sur l'article 18 de la Loi, en obser
vation de l'ordonnance, et la seconde fois, à la suite
d'une requête en révision, fondée sur l'article 25 de
la Loi, de l'ordonnance d'observation. Cette déci-
sion a été en effet confirmée, une ordonnance
d'observation a été rendue, et la requête subsé-
quente en révision de cette ordonnance, rejetée.
Pour le moment, je ne commenterai pas le fait
que la Commission a omis de déférer à l'interpré-
tation qu'a donnée le juge Addy de l'article 51. La
présente demande fondée sur l'article 28 tend à
l'examen de la décision de la Commission, et il va
de soi que le jugement de la Cour de céans aura,
sous réserve de pourvoi, force obligatoire non seu-
lement pour la Commission, mais aussi pour la
Division de première instance, comme l'a fait
remarquer à juste titre le juge Addy lorsque les
décisions de la Commission furent portées à son
attention.
L'article 18 et la partie applicable de l'article 51
portent:
18. La Commission applique la présente loi et exerce les
pouvoirs et fonctions que celle-ci lui confère ou impose ou qui
sont accessoires à la réalisation des objets de la présente loi, y
compris, sans restreindre la généralité de ce qui précède, l'éta-
blissement d'ordonnances exigeant l'observation des disposi
tions de la présente loi, de tout règlement édicté en vertu de la
présente loi ou de toute décision rendue à l'égard d'une question
soumise à la Commission.
51. Si un avis de négocier collectivement a été donné, toute
condition d'emploi applicable aux employés de l'unité de négo-
ciation pour laquelle l'avis a été donné, qui peut être incluse
dans une convention collective et qui était en vigueur le jour où
l'avis a été donné, doit rester en vigueur et être observée par
l'employeur, l'agent négociateur de l'unité de négociation et les
employés de celle-ci, à moins qu'il n'en soit autrement disposé
par une convention à ce sujet que peuvent conclure l'employeur
et l'agent négociateur,
b) dans le cas d'une unité de négociation pour laquelle la
méthode de règlement d'un différend est le renvoi à un
bureau de conciliation,
(i) jusqu'à ce qu'une convention collective ait été conclue
par les parties,
(ii) jusqu'à ce qu'un bureau de conciliation ait été établi en
conformité de la présente loi et que sept jours se soient
écoulés depuis la réception, par le Président, du rapport du
bureau de conciliation, ou
(iii) jusqu'à ce qu'une demande d'établissement d'un
bureau de conciliation ait été faite en conformité de la
présente loi et que le Président ait avisé les parties, confor-
mément à l'article 78, de son intention de ne pas établir un
tel bureau.
La convention collective entre les parties prévoit
les heures supplémentaires. Voici ce que stipulent
les articles 15.01, 15.03 et 15.04, qui nous intéres-
sent en l'espèce:
15.01 Sont considérées comme heures supplémentaires les
heures effectuées par l'employé en sus ou en dehors de son
horaire normal de travail.
15.03 L'employeur s'efforce de réduire les heures supplémentai-
res au minimum et d'attribuer ces heures équitablement parmi
les employés qui sont qualifiés pour exécuter le travail à
l'endroit en question.
15.04 Sauf dans une situation d'urgence, aucun employé pré-
posé à l'exploitation ne doit travailler plus de douze (12) heures
consécutives ou plus de neuf (9) jours consécutifs.
Selon l'avocat de la requérante, l'article 15 pré-
voit les conditions d'emploi en matière d'heures
supplémentaires, lesquelles conditions étaient en
vigueur au moment de l'avis de l'intention de
négocier. Il s'ensuit qu'il appartient à l'employeur
de déterminer les besoins en heures supplémentai-
res, et ce droit subsiste après l'avis de l'intention de
négocier, peu importe qu'il existât à cette date une
politique selon laquelle l'employeur permettait aux
employés de refuser lorsqu'ils étaient inscrits ou
pressentis pour les heures supplémentaires. A son
avis, cette politique n'était pas une condition d'em-
ploi en vigueur au moment où l'avis fut donné. Il
admet toutefois qu'elle pourrait l'être. Cette possi-
bilité ne serait, toujours selon cette argumentation,
susceptible d'exécution que si les parties conve-
naient formellement, par écrit, de modifier la con
vention collective de manière à priver l'employeur
du pouvoir illimité de déterminer les besoins en
heures supplémentaires. Une telle modification
n'ayant fait l'objet d'aucun accord, la politique des
heures supplémentaires facultatives ne constituait
pas une condition d'emploi et, par conséquent,
n'était pas soumise au «gel» imposé par l'article 51.
Je ne saurais accueillir ces arguments. Il ne fait
pas de doute que la politique consistant à autoriser
les contrôleurs du trafic aérien à refuser de faire
des heures supplémentaires est une politique qui
aurait pu être, ou «peut être» à l'avenir, incluse
dans une convention collective. Je présume que
l'expression «peut être incluse», telle qu'elle figure
à l'article 51, signifie que la condition d'emploi est
«susceptible d'être incluse» dans la convention. Il
ne fait pas de doute non plus que cette politique,
tant qu'elle subsistait, constituait ou devenait une
condition d'emploi. Il est indéniable que pendant la
durée de la convention, cette politique, qui était en
fait une modification non écrite à l'article 15,
aurait pu être révoquée par l'employeur. (Je laisse
de côté la question de savoir s'il y aurait lieu de
consulter au préalable l'agent négociateur ou les
employés.) Il se trouve cependant qu'au moment
de l'avis de l'intention de négocier, il n'y a pas eu
révocation et cette politique qui, comme je l'ai dit,
était en fait l'une des conditions d'emploi, était «en
vigueur» à l'époque.
De plus, je ne saurais accueillir l'interprétation
étroite selon laquelle l'expression «en vigueur»
signifie, dans le contexte de l'article 51, «suscep-
tible d'exécution forcée». A mon avis, ces mots
signifient «en place», «existant», «opérant», etc.
Adopter le point de vue de la requérante irait à
l'encontre de l'objectif manifeste de l'article 51,
celui de maintenir, après avis de l'intention de
négocier, les rapports employeur-employé, pour ce
qui est des conditions d'emploi qui ont cours à la
veille de cet avis. L'un des éléments de ces rap
ports, quoique non inclus dans la convention col-
lective, était la convention entre les parties selon
laquelle le droit de l'employeur d'imposer les
heures supplémentaires dans les limites fixées par
la convention collective avait été modifié de façon
à permettre aux employés de les refuser. Bien qu'il
ne s'agisse peut-être pas d'un droit ou d'un privi-
lège susceptible d'exécution forcée au titre de la
convention collective, ce droit ou ce privilège était
certainement «en vigueur» au déclenchement du
gel imposé par l'article 51.
Ayant conclu que la Commission, se fondant sur
les faits de la cause, a correctement appliqué l'arti-
cle 51 et était ainsi en droit d'ordonner le retrait de
l'affichage de la note de service portant travail
supplémentaire obligatoire, je juge inutile de me
prononcer sur l'argument subsidiaire de l'intimée,
selon lequel le défaut par l'employeur de consulter
l'agent négociateur sur les modifications à appor-
ter aux conditions d'emploi ou de travail non régies
par la convention collective constituait une viola
tion de l'article 24.01 de cette convention.
Par ces motifs, je conclus au rejet de la demande
fondée sur l'article 28.
Avant d'en terminer avec cette affaire, il m'in-
combe de commenter le refus par la Commission
de déférer à l'interprétation qu'a donnée le juge
Addy des effets de l'article 51. Le 4 mai 1981,
date à laquelle le vice-président rendit la première
décision en l'espèce, la Commission était ou aurait
dû être au courant de cette interprétation et du
jugement qui en découlait. La deuxième formation
de jugement de la Commission était certainement
au courant lorsqu'elle entendit la requête en
ordonnance d'observation, la défense à laquelle
requête était fondée sur le jugement du juge Addy.
Il en est de même de la demande de révision de sa
décision sur la requête en ordonnance d'observa-
tion. A mon avis, le juge Addy a souligné à juste
titre la nécessité, en vue d'une bonne administra
tion de la justice, qu'il y a à éviter [TRADUCTION]
«le malentendu et la confusion que pourraient
créer les décisions ou les ordonnances d'exécution
contradictoires».
Il n'est pas nécessaire que je m'étende sur ces
remarques. Il me suffit de dire que je les partage et
de noter que, tout au moins à la lumière des faits
de la cause, la Commission n'était pas en droit
d'ignorer la décision du juge Addy, sur la base de
la perception par la Commission des faits qui
présidaient à sa propre décision. Le fait que l'inter-
prétation qu'a donnée la Commission de la loi ait
été confirmée par cette Cour ne diminue en rien la
nécessité qu'il y a d'observer et de suivre les déci-
sions des instances de contrôle judiciaire. En fait,
cet impératif constitue la bonne méthode de recti
fier les erreurs relevées dans les décisions de ces
organismes.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: J'ai pris connaissance des
motifs de jugement prononcés par les juges Heald
et Urie. Je me range à l'avis de ce dernier.
L'article 51 de la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique vise à maintenir le statu
quo pour ce qui est des conditions d'emploi pen
dant que les parties entreprennent la négociation
d'une convention. Il s'agit là d'une version particu-
lière d'une disposition qu'on trouve généralement
dans la législation ouvrière, destinée à promouvoir
une négociation collective ordonnée et équitable. Il
faut qu'il y ait un cadre de référence constant et
stable servant de point de départ pour la négocia-
tion. Il ne faut donc pas donner de cette disposition
une interprétation rigide qui lui ferait échec.
L'article 51 porte sur «toute condition d'emploi
applicable aux employés de l'unité de négociation»
à une période donnée. Cette condition doit être
celle qui peut être incluse dans une convention
collective, et non pas nécessairement celle qui y est
déjà incluse. Elle doit être «en vigueur» à la date de
l'avis de l'intention de négocier collectivement.
Se fondant sur l'exposé conjoint des faits déposé
par les parties et sur les témoignages, la Commis
sion a conclu en l'espèce qu'au moment de l'avis de
négociation collective, il existait une «politique» ou
un «compromis» convenu entre les parties, savoir
que le travail supplémentaire «prévu à l'horaire» et
les heures supplémentaires à la suite d'un «rappel
au travail» étaient facultatifs, à l'opposé des heures
supplémentaires qu'un employé demande à faire
après son quart, conformément à l'article 15.04 de
la convention collective. Il ne fait pas de doute que
le régime des heures supplémentaires dans les deux
premiers cas, qu'il soit le résultat d'un accord entre
les parties ou de l'exercice, après consultations, du
pouvoir de direction de l'employeur, était une con
dition d'emploi applicable aux employés de l'unité
de travail de Montréal, et qu'il aurait pu être
inclus dans une convention collective. Tant que
cette politique constituait le régime applicable, elle
régissait les rapports entre les deux parties à cet
égard. Tant qu'elle était en vigueur, un employé
qui refusait le travail supplémentaire ne pouvait
faire l'objet de mesures disciplinaires de la part de
l'employeur. Dans cet ordre d'idées, cette politique
était une mesure des droits et des obligations. Elle
pourrait entraîner des conséquences juridiques. A
ce titre, elle doit être considérée, à mon avis,
comme ayant été «en vigueur» au sens de
l'article 51. Le litige ne porte pas sur la question
de savoir si cette politique aurait pu être modifiée
à n'importe quel moment par l'employeur, n'eût
été l'article 51. L'article 51 vise entre autres à
empêcher la modification unilatérale des condi
tions d'emploi après que l'avis de négociation col
lective a été donné. De fait, cette disposition ne
sert à rien pour ce qui est des conditions d'emploi
fixées par convention au cours d'une certaine
période. Les conditions d'emploi applicables aux
employés d'une unité de travail comprennent non
seulement celles qui sont fixées, par accord exprès
des deux parties, mais aussi celles qui peuvent être
imposées par l'employeur dans l'exercice de son
pouvoir de direction. Ce pouvoir est reconnu par
l'article 24.01 de la convention collective, lequel
porte: «Dans la mesure du possible, l'employeur
doit consulter les représentants de l'Association, au
niveau approprié, lorsqu'il envisage de modifier
des conditions d'emploi ou de travail non régies
par la présente convention.»
Par ces motifs, je conclus que la Commission n'a
pas commis une erreur de droit dans sa décision et
qu'il y a lieu de rejeter la demande fondée sur
l'article 28.
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