A-160-81
Manitoba Pool Elevators (requérante)
c.
Le Conseil canadien des relations du travail, le
Syndicat des services du grain (C.T.C.) (intimés)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Heald et
juge suppléant Lalande—Winnipeg, 22 octobre;
Ottawa, 13 novembre 1981.
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Relations du
travail — Demandes d'annulation d'ordonnances du Conseil
canadien des relations du travail — Le Conseil a jugé que par
son offre de postes de cadre à certains employés, l'employeur
requérant était animé par le désir d'exclure des employés du
Syndicat intimé — L'art. 184(1 Ja) du Code canadien du travail
interdit à un employeur de s'ingérer dans la représentation des
employés par un agent négociateur — Le Conseil a ordonné
que les contrats de direction soient résiliés ab initio dans la
mesure où ils entraient en conflit avec la convention collective
et avec les conditions d'emploi, mais il n'a pas ordonné la
résolution des contrats de vente de matériel en découlant — La
détermination de la question de savoir si les employés en
question étaient des «employés» selon la définition qu'en donne
le Code n'est pas une condition préalable à l'exercice par le
Conseil de son pouvoir de décider si une pratique déloyale en
matière de relations de travail a été commise — Il échet
d'examiner si le Conseil n'avait pas le pouvoir de dissocier les
contrats de vente de matériel des contrats de direction —
Demandes rejetées — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e
Supp.), c. 10, art. 28 — Code canadien du travail, S.R.C.
1970, c. L-1, art. 107, 108, 118p)(i),(ii), 121, 184(1)a),
187(1 Ja), 188, 189.
Demandes tendant à l'examen et à l'annulation d'une ordon-
nance du Conseil canadien des relations du travail modifiant
une ordonnance antérieure, et de l'ordonnance antérieure.
L'employeur requérant a, en l'absence d'un représentant syndi-
cal, réuni 15 employés qui étaient membres d'une unité de
négociation dont le Syndicat intimé était l'agent négociateur.
On a offert des contrats de direction à ces employés, et ces
derniers les ont acceptés. Certains d'entre eux ont également
conclu avec l'employeur des contrats de vente de matériel. Le
Conseil a conclu que l'employeur était animé par le désir
d'exclure les directeurs d'élévateurs du Syndicat. Le Conseil a
décidé qu'il s'agissait d'un motif interdit et que la requérante
contrevenait à l'alinéa 184(1)a) du Code canadien du travail
qui interdit à un employeur de s'ingérer dans la représentation
des employés par un agent négociateur. Le Conseil a ordonné à
l'employeur de reconnaître le Syndicat en tant qu'agent négo-
ciateur exclusif et d'annuler toute mesure prise en vue d'exclure
les employés en question de l'unité de négociation. Le Conseil a
déclaré que ces employés étaient liés par la convention collec
tive la plus récente, et a ordonné à l'employeur de reconnaître
et de respecter ses obligations, aux termes de la convention,
comme si ces employés n'avaient jamais été considérés comme
exclus de l'unité de négociation. Finalement, le Conseil a
ordonné que tous les contrats de travail individuels, à l'excep-
tion de ceux portant sur des ventes de matériel, soient résiliés
ab initio dans la mesure où ils entraient en conflit avec les
dispositions de la convention collective. L'employeur fait valoir
que le Syndicat n'était pas l'agent négociateur des employés
occupant ces nouveaux postes, lesquels étaient des postes de
cadre exclus de l'unité de négociation, et que ne s'étant pas
demandé si les employés occupant de tels postes étaient des
employés au sens du paragraphe 107(1) du Code, le Conseil a
ainsi passé outre à une question préalable essentielle à l'exer-
cice de la compétence lui permettant de déclarer que la requé-
rante avait enfreint l'alinéa 184(1)a) du Code. Le second
argument est que le Conseil n'avait pas le pouvoir de dissocier
les achats de matériel des contrats de direction.
Arrêt: les demandes sont rejetées.
Le juge en chef Thurlow (le juge suppléant Lalande souscri-
vant): Ces personnes étaient des employés au sens de la Loi
ainsi que des membres de l'unité de négociation représentée par
le Syndicat au moment où ont commencé les agissements ayant
fait l'objet de plaintes. Elles sont demeurées des employés au
sens de la Loi au moins jusqu'au moment de la signature des
contrats conclus avec la requérante. Ce sont les gestes posés par
cette dernière durant cette période que le Conseil a jugés
contraires à l'alinéa 184(1)a). Le Conseil avait effectivement le
pouvoir de déterminer si cette conduite constituait de l'ingé-
rence en ce qui concerne la représentation des employés par le
Syndicat. Il n'était pas essentiel de déterminer la situation de
ces particuliers après la signature de leur contrat de direction.
Après avoir constaté que l'employeur avait enfreint
l'alinéa 184(1)a), le Conseil avait le pouvoir d'appliquer les
mesures prévues à l'article 189, qui prévoit que le Conseil peut,
par ordonnance, requérir une partie de se conformer à. cet
article et exiger du contrevenant de faire ou de s'abstenir de
faire toute chose qu'il est juste de lui enjoindre de faire ou de ne
pas faire pour remédier à la situation. Le Conseil a tout d'abord
déclaré l'employeur coupable de l'infraction et lui a ordonné
ensuite d'annuler toute mesure prise en vue de faire de ces
employés des directeurs et de les reprendre à des postes compris
dans l'unité de négociation. Le Conseil disposait, aux termes de
l'article 189, du pouvoir de rendre une telle ordonnance. Pour
ce qui est du second point litigieux, l'ordonnance prise dans son
ensemble exige de l'employeur qu'il consente à la résolution des
contrats de direction, mais ne prévoit rien quant aux droits de
ce dernier d'être relevé de son engagement d'acheter le maté
riel. L'ordonnance n'exige donc pas de l'employeur qu'il résolve
ou accepte de résoudre les contrats d'achat de matériel. Dans
un même temps cependant, cette ordonnance n'exclut ni n'en-
trave expressément l'exercice par l'employeur de son droit
d'exiger que chaque particulier consente, comme condition de
résolution des contrats de direction, à la résolution des contrats
d'achat de matériel. Le Conseil, qui n'a pas rendu d'ordonnance
relativement à ces contrats d'achat de matériel, n'a pas outre-
passé les limites de sa compétence en faisant allusion aux droits
que l'employeur pourrait exercer à l'égard des contrats précités
en cas de résolution des contrats de direction.
Le juge Heald dissident en partie: Le Conseil a voulu décla-
rer les contrats d'emploi en question résiliés ab initio dans la
mesure où ils entraient en conflit avec les dispositions de la
convention collective et les conditions d'emploi des membres de
l'unité de négociation. La prétendue résolution partielle du
contrat d'embauche est prononcée en des termes à ce point
vagues et équivoques qu'elle n'a aucun sens. La personne contre
laquelle une ordonnance est rendue par un organisme possédant
des pouvoirs aussi étendus que ceux du Conseil a le droit de
savoir avec une certaine précision ce qu'on lui ordonne exacte-
ment de faire ou de s'abstenir de faire. Nulle part dans le Code
on autorise le Conseil à résoudre la totalité ou une partie d'un
contrat conclu entre deux parties sans obtenir au préalable leur
consentement respectif. Le Conseil a fait erreur en incluant
dans son ordonnance le paragraphe portant sur la résolution ab
initio. Ce paragraphe est à ce point déraisonnable qu'il
demande une intervention judiciaire, et il doit être annulé.
Jurisprudence: arrêts suivis: Union internationale des
employés des services, local no. 333 c. Nipawin District
Staff Nurses Association [1975] 1 R.C.S. 382; Le Syndi-
cat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c.
La Société des alcools du Nouveau-Brunswick [1979] 2
R.C.S. 227.
DEMANDES de contrôle judiciaire.
AVOCATS:
W. D. Hamilton pour la requérante.
N. W. Sherstobitoff, c.r., pour l'intimé le
Conseil canadien des relations du travail.
Gwen Gray pour l'intimé le Syndicat des ser
vices du grain (C.T.C.).
PROCUREURS:
Thompson, Dorfman, Sweatman, Winnipeg,
pour la requérante.
Sherstobitoff, Hrabinsky, Stromberg &
Young, Saskatoon, pour l'intimé le Conseil
canadien des relations du travail.
Kuziak & Gray, Regina, pour l'intimé le Syn-
dicat des services du grain (C.T.C.).
Ce gui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Il s'agit en l'es-
pèce d'une demande fondée sur l'article 28 de la
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.),
c. 10, tendant à l'examen et à l'annulation de
l'ordonnance rendue le 6 mars 1981 ou vers cette
date par le Conseil canadien des relations du tra
vail par suite d'une demande d'examen d'une
ordonnance antérieure rendue le 13 janvier 1981
ou vers cette date. La Cour est aussi saisie d'une
demande d'examen de la décision qui est à l'ori-
gine de l'ordonnance antérieure. Cependant,
comme l'ordonnance du 6 mars 1981 est venue
remplacer les paragraphes en vigueur de l'ordon-
nance antérieure, seule l'ordonnance la plus
récente sera examinée.
Les seuls motifs donnant lieu à un examen fondé
sur l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale en ce
qui a trait à l'ordonnance du Conseil sont ceux qui
sont énumérés à l'alinéa 28(1)a) de cette Loi. Aux
termes de cette disposition, le recours prévu n'est
possible que lorsque le Conseil «n'a pas observé un
principe de justice naturelle ou a autrement excédé
ou refusé d'exercer sa compétence». L'article 122
du Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1,
empêche l'examen des ordonnances du Conseil
pour tous les autres motifs mentionnés au paragra-
phe 28(1).
Le Conseil canadien des relations du travail a
rendu l'ordonnance en litige à la suite de plaintes
déposées par le Syndicat intimé les 25 et 31 octo-
bre 1979. Le Syndicat reprochait à la requérante
d'avoir contrevenu à l'alinéa 184(1)a) ainsi qu'à
d'autres dispositions du Code canadien du travail,
notamment en réunissant, en l'absence d'un repré-
sentant du Syndicat et malgré les protestations de
ce dernier, 15 employés qui étaient, à ce
moment-là, membres d'une unité de négociation
dont le Syndicat était l'agent négociateur, en
offrant à ces employés de nouveaux contrats d'em-
ploi à des postes qui, de l'avis de la requérante,
étaient exclus de l'unité de négociation et en exi-
geant de ces 15 employés qu'ils signent, si l'offre
les intéressait, des contrats de direction au plus
tard le 12 octobre 1979, délai qui fut ultérieure-
ment prolongé jusqu'au 26 octobre 1979. Avant
même que le Conseil eût terminé d'instruire et de
juger les plaintes déposées devant lui, les 15
employés visés avaient déjà signé les contrats qui
leur étaient offerts. Certains d'entre eux avaient en
outre conclu avec la requérante des contrats de
vente de matériel servant à leurs activités commer-
ciales connexes, matériel que la requérante se pro-
posait de reprendre à son compte dans le cadre de
son programme de restructuration du système de
gestion des activités de ses principaux élévateurs
régionaux.
Au terme de six jours d'audience, le Conseil,
dans des motifs comportant une vingtaine de
pages, déclarait ce qui suit:
La création et l'attribution des soi-disant postes exclus, dési-
gnés sous le nom de directeur de centre de services, ne peuvent
représenter, à notre avis, la progression normale, «échelon par
échelon» jusqu'au poste de direction, qui s'applique aux
employés de l'unité de négociation. Autrement dit, les circons-
tances entourant lesdites nominations ont amené le Conseil à
conclure que l'intimé était animé par le désir que lui attribuait
le requérant dans ses représentations, à savoir celui d'exclure
les directeurs d'élévateurs du syndicat. Le Conseil conclut qu'il
s'agit là d'un motif interdit et, qu'en mettant en ouvre son
projet de restructuration pendant les mois de septembre et
octobre 1979, l'intimé s'ingérait dans le rôle du requérant qui
est de représenter les directeurs d'élévateurs, membres de son
unité de négociation. L'intimé enfreint donc l'alinéa 184(1)a)
du Code qui interdit à un employeur de s'ingérer dans la
représentation des employés par un agent négociateur.
Après avoir exposé les diverses étapes du litige,
le Conseil a rendu une ordonnance comportant les
conditions qui suivent:
(I) le Conseil déclare que l'employeur a enfreint l'alinéa
184(1)a) du Code canadien du travail (Partie V—Relations
industrielles);
(2) le Conseil ordonne que l'employeur reconnaisse le syndicat
en tant qu'agent négociateur exclusif des quinze particuliers;
(3) le Conseil ordonne à l'employeur d'annuler toute mesure
prise en vue d'exclure les quinze particuliers de l'unité de
négociation pour laquelle le syndicat est l'agent négociateur
accrédité;
(4) le Conseil déclare que les quinze particuliers sont liés par la
convention collective la plus récente conclue entre l'employeur
et l'agent négociateur;
(5) le Conseil ordonne que l'employeur reconnaisse et respecte
ses obligations, aux termes de la convention collective la plus
récente, à l'égard de ces quinze membres de l'unité de négocia-
tion, comme s'ils n'avaient jamais été considérés comme exclus
de l'unité de négociation;
(6) pour assurer la réalisation des objectifs de la Partie V du
Code canadien du travail et pour parer plus précisément à toute
conséquence de la non-conformité au Code par l'employeur, qui
pourrait être défavorable à la réalisation des objectifs, le Con-
seil ordonne, en plus des autres redressements précisés, que tous
les contrats de travail individuels entre l'employeur et les
quinze particuliers soient résiliés ab initio dans la mesure où ils
entrent en conflit avec les dispositions de la convention collec
tive et avec les conditions d'emploi des employés faisant partie
de l'unité de négociation pour laquelle le syndicat est l'agent
négociateur exclusif; par mesure de précision, l'ordonnance du
Conseil n'annule ni ne vise à influer sur toute disposition, ou
toute transaction en découlant, d'un contrat de direction conclu
entre l'employeur et les quinze particuliers, en ce qui a trait à la
vente, au transfert ou à tout autre acte lié à la propriété, ou
toute obligation ou tout droit acquis en ce qui a trait audit
matériel.
Le principal reproche dirigé contre cette ordon-
nance, et le seul d'ailleurs à être débattu par les
avocats, avait trait au fait que le Syndicat n'était
pas l'agent négociateur des employés occupant ces
nouveaux postes, lesquels étaient des postes de
cadre exclus de l'unité de négociation. On repro-
chait au Conseil de ne pas s'être demandé si les
employés occupant de tels postes étaient des
employés au sens de la définition d'«employé» du
paragraphe 107(1) du Code canadien du travail et
d'avoir ainsi passé outre à une question préalable
essentielle à l'exercice de la compétence qui lui
avait permis de déclarer que la requérante avait
enfreint l'alinéa 184(1)a) du Code. Toutefois, ces
15 personnes étaient des employés au sens de la
Loi ainsi que des membres de l'unité de négocia-
tion représentée par le Syndicat au moment où ont
commencé les agissements ayant fait l'objet de
plaintes devant le Conseil. Elles sont demeurées
des employés au sens de la Loi au moins jusqu'au
moment de la signature des contrats conclus avec
la requérante. Ce sont les gestes posés par cette
dernière durant cette période que le Conseil a
jugés contraires à l'alinéa 184(1)a). A la lumière
de ces faits, j'estime que le Conseil avait effective-
ment le pouvoir de déterminer si la conduite de la
requérante constituait de l'ingérence en ce qui
concerne la représentation des employés par le
Syndicat. Il m'apparaît par ailleurs impossible
d'affirmer que le Conseil n'avait pas la compétence
pour trancher la question comme il l'a fait. A mon
avis, il n'était pas essentiel que le Conseil se pro-
nonce d'abord sur la situation des 15 particuliers
après la signature de leur contrat de direction
avant de pouvoir rendre sa décision.
Après avoir constaté que la requérante avait
enfreint l'alinéa 184(1)a) en s'ingérant dans la
représentation des 15 particuliers par le Syndicat,
le Conseil avait le pouvoir d'appliquer les mesures
prévues à l'article 189 à l'égard d'une telle infrac
tion, c'est-à-dire:
189.... il peut, par ordonnance, requérir ladite partie de se
conformer à ce paragraphe ou à cet article et ...
... afin d'assurer la réalisation des objectifs de la présente
Partie, le Conseil peut, à l'égard de toute infraction à quelque
disposition visée par le présent article, exiger d'un employeur
ou d'un syndicat, par ordonnance, de faire ou de s'abstenir de
faire toute chose qu'il est juste de lui enjoindre de faire ou de
s'abstenir de faire afin de remédier ou de parer à toute consé-
quence défavorable à la réalisation des objectifs susmentionnés
que pourrait entraîner ladite infraction, et ce en plus ou à la
place de toute ordonnance que le Conseil est autorisé à rendre
en vertu du présent article.
Selon moi, dans les 5 premiers paragraphes de
son ordonnance, le Conseil a d'abord déclaré l'em-
ployeur coupable de l'infraction et lui a ensuite
ordonné d'annuler toute mesure prise en vue de
faire des 15 particuliers visés des directeurs de
centre de services et de les reprendre à des postes
compris dans la catégorie des directeurs d'éléva-
teurs régionaux, laquelle constitue l'unité de négo-
ciation dont ils étaient membres. A mon avis, le
Conseil disposait, aux termes de l'article 189, du
pouvoir de rendre une telle ordonnance et il n'avait
pas à se prononcer au préalable sur la question de
savoir si les 15 particuliers visés auraient été en
leur qualité de directeurs de centre de services, des
personnes qui exercent des fonctions de direction
au sens où l'entend la définition du mot employé à
l'article 107 du Code canadien du travail. L'argu-
ment de la requérante est par conséquent
irrecevable.
Dans son mémoire, la requérante a soulevé un
autre argument qu'elle n'a pas débattu mais
qu'elle n'a pas pour autant abandonné. Au dire de
la requérante, le Conseil n'avait pas le pouvoir de
dissocier les achats de matériel des contrats de
direction. Le Conseil traite de cette question au
paragraphe 6 de son ordonnance. Il y ordonne que
tous les contrats de direction soient résiliés ab
initio «dans la mesure où ils entrent en conflit avec
les dispositions de la convention collective et avec
les conditions d'emploi des employés faisant partie
de l'unité de négociation pour laquelle le syndicat
est l'agent négociateur exclusif», mais il exclut
explicitement «par mesure de précision» les ventes
de matériel à la requérante conclues en même
temps que les contrats de direction.
Voici le texte du passage de l'ordonnance du
Conseil qui traite de cette question:
Reconnaissant d'abord et avant tout l'autorité du syndicat, le
Conseil ordonne à l'employeur de faire tout ce qui est néces-
saire pour annuler les mesures qu'il a prises dans sa tentative
d'exclure les directeurs de station de l'unité de négociation. Ces
mesures comprennent la résiliation des contrats individuels
conclus avec les directeurs de station, puisque lesdits contrats
vont à l'encontre même des dispositions de la convention collec
tive qui s'appliquent à eux. En ce qui concerne les contrats
d'achat ou de vente d'épandeurs et d'autre matériel agricole,
contrats conclus entre l'intimé et les directeurs de centre de
services, le Conseil ne sait pas si quelqu'un tient à ce qu'il les
examine. Aussi, comme il est d'avis que ces ententes ne font pas
l'objet d'un litige entre les parties, il a décidé de ne pas
intervenir à ce sujet. En outre, le Conseil ne rendra pas pour le
moment d'ordonnance officielle prévoyant des directives préci-
ses. Il tient en effet à donner à l'employeur la chance de
prendre les mesures qui s'imposent sans qu'il doive rendre une
ordonnance officielle. Toutefois, le Conseil se réserve le droit de
rendre une telle ordonnance si les circonstances l'y obligent.
Il y a plusieurs faits qui méritent d'être souli-
gnés au sujet du paragraphe 6 de l'ordonnance. Ce
paragraphe tend manifestement à la résolution des
contrats de direction. Toutefois, l'article 189 ne
confère aucunement au Conseil le pouvoir de
résoudre un contrat. Cette disposition ne l'autorise
qu'à exiger d'un employeur ou d'un syndicat de
faire ou de s'abstenir de faire toute chose qu'il est
juste de lui enjoindre de faire ou de s'abstenir de
faire, afin de remédier ou de parer à toute consé-
quence que pourrait entraîner une infraction à la
Loi. Il est possible, je crois, d'interpréter le para-
graphe 6 de façon à y voir une ordonnance exi-
geant de la requérante qu'elle annule les contrats
de direction, bien qu'une telle interprétation
semble rendre le paragraphe redondant puisque le
Conseil a déjà exercé son pouvoir d'exiger de la
requérante qu'elle annule les contrats de direction
et rétablisse le status quo ante aux paragraphes 3,
4 et 5 de son ordonnance. Dans son ensemble, le
paragraphe 6 apparaît donc, si le Conseil était
compétent pour l'inclure dans les conditions de son
ordonnance, conclusion à laquelle je crois que la
Cour doit arriver si possible, inutile eu égard au
but visé par ladite ordonnance.
Deuxièmement, le Conseil emploie au paragra-
phe 6 une expression qui semble envisager une
résolution partielle ou limitée des contrats de
direction. Il est aisé de concevoir qu'un organisme
compétent puisse résoudre ou annuler une partie
seulement d'une ordonnance rendue par lui ou par
un organisme inférieur. Toutefois, un contrat de
services est, par essence, un contrat synallagmati-
que et ne peut, selon moi, être résolu que totale-
ment ou pas du tout. De plus, il ressort nettement
de la portée des paragraphes précédents que le but
visé était la résolution complète des contrats de
direction et le rétablissement du status quo ante en
ce qui concerne les employés.
Troisièmement, l'ordonnance exigeant que la
requérante annule les contrats de direction ne
peut, à mon avis, avoir d'effet que du consente-
ment de chacun des 15 particuliers visés. Ces
derniers pourraient manifester leur consentement
en reconnaissant le Syndicat comme leur agent
négociateur ou en acceptant la résolution des con-
trats de direction.
Finalement, la résolution d'un contrat ne peut,
selon moi, être équitable que dans la mesure où les
deux parties sont remises, autant que faire se peut,
en l'état où elles se trouvaient avant la signature
dudit contrat. Conséquemment, comme l'une des
raisons qui ont incité les parties à conclure les
contrats de direction était l'engagement pris par la
requérante d'acheter du matériel, cette dernière
devrait à la fois être relevée de cet engagement, au
titre de condition de la résolution des contrats de
direction, et obtenir la résolution de ces contrats.
A mon avis, l'ordonnance prise dans son ensem
ble exige de la requérante qu'elle consente à la
résolution des contrats de direction, mais ne pré-
voit rien quant aux droits de cette dernière d'être
relevée de son engagement d'acheter le matériel.
L'ordonnance n'exige donc pas de l'employeur
qu'il résolve ou accepte de résoudre les contrats
d'achat de matériel. Dans un même temps cepen-
dant, cette ordonnance n'exclut ni n'entrave
expressément l'exercice par la requérante de son
droit d'exiger que chaque particulier consente,
comme condition de résolution des contrats de
direction, à la résolution des contrats d'achat de
matériel. J'estime donc que le Conseil, qui n'a pas
rendu d'ordonnance relativement à ces contrats
d'achat de matériel, n'a pas outrepassé les limites
de sa compétence en faisant allusion aux droits que
la requérante pourrait exercer à l'égard des con-
trats précités en cas de résolution des contrats de
direction.
Je rejetterais les demandes.
* * *
Ce que suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD (dissident en partie): Les pré-
sents motifs ont trait à deux demandes fondées sur
l'article 28. La demande n° A-775-80 tend à l'exa-
men et à l'annulation d'une décision rendue par le
Conseil intimé le 22 octobre 1980. La demande n°
A-160-81 tend pour sa part à l'examen et à l'annu-
lation d'une décision rendue par le Conseil intimé
le 6 mars 1981. Comme la décision qu'a rendue le
Conseil le 6 mars 1981 est venue modifier sa
décision du 22 octobre 1980, en conformité du
pouvoir qu'a le Conseil, en vertu de l'article 119 du
Code canadien du travail, «de reviser, annuler ou
modifier» toute décision ou ordonnance qu'il a
rendue, les motifs qui suivent se rapportent à la
plainte dirigée contre la décision du 22 octobre
1980, modifiée par celle du 6 mars 1981.
Une convention collective liait le Syndicat
intimé et la requérante durant la période perti-
nente (du Zef août 1978 au 31 juillet 1980). Étaient
visés par cette convention collective, tous les
employés de la requérante travaillant aux éléva-
teurs régionaux du Manitoba et faisant partie de la
catégorie des directeurs et directeurs adjoints
d'élévateurs régionaux, les aides occasionnels étant
toutefois exclus. Dans une lettre du 17 septembre
1979, la requérante a informé le Syndicat intimé
de son projet de restructuration du système d'ex-
ploitation de ses 15 principaux élévateurs régio-
naux au Manitoba. Ce projet prévoyait la mise sur
pied de «centres de services» et la création d'un
nouveau poste exclu, celui de «directeur de centre
de services». La requérante a souligné que ces
nouveaux postes seraient d'abord offerts aux direc-
teurs d'élévateurs déjà en poste dans les 15 stations
visées. Les 15 directeurs en question étaient tous
assujettis à la convention collective. Avant la
modification proposée, c'était le directeur d'éléva-
teur qui occupait le poste supérieur dans chacune
de ces stations. Aux termes du projet de restructu-
ration envisagé, le directeur de centre de services
serait lié à la requérante en vertu d'un contrat en
due forme. Ses fonctions seraient plus variées et
d'une portée plus étendue que celles du directeur
d'élévateur. En dépit des protestations du Syndi-
cat, la requérante convia les 15 directeurs d'éléva-
teurs visés à une réunion le 20 septembre 1979.
Elle leur présenta alors certains documents dont
un projet de contrat de direction. La requérante
informa les directeurs d'élévateurs de son intention
de leur offrir ces postes en priorité et de leur faire
signer un contrat de direction avec la compagnie.
Les 15 directeurs d'élévateurs sans exception
signèrent un contrat de direction pour obtenir un
poste de directeur de centre de services. La clause
7 de ce contrat se lit comme suit (voir le dossier
conjoint, Vol. II, page 235):
[TRADUCTION] 7. La compagnie s'engage à fournir au direc-
teur les installations et le matériel qui, selon elle, sont nécessai-
res à l'exploitation du centre de services. Dans les cas où le
directeur possède déjà (ou est en train de se procurer) le
matériel jugé nécessaire aux activités du centre, le présent
contrat comprendra en annexe une entente distincte prévoyant
les modalités d'une éventuelle vente dudit matériel par le
directeur.
Après avoir signé le présent contrat, le directeur s'engage à ne
pas se procurer personnellement le matériel nécessaire à l'ex-
ploitation du centre.
Conformément à ladite clause 7, les directeurs qui
possédaient déjà ou étaient en train de se procurer
le matériel jugé nécessaire à l'exploitation du
centre l'ont vendu à la requérante. Un exemple de
ce type d'entente distincte figure aux pages 231 à
234 inclusivement du dossier conjoint, Vol. II.
Le 25 octobre 1979, le Syndicat a saisi le Con-
seil d'une plainte faisant état de pratiques déloya-
les de la part de la requérante. Il prétendait que
celle-ci avait enfreint les articles 136(1)a),
184(1)a), 184(3)b), 184(3)e) et 186 du Code
canadien du travail.
Par suite des audiences tenues en rapport avec
ces accusations, le Conseil a reconnu la compagnie
coupable d'avoir enfreint l'alinéa 184(1)a) du
Code canadien du travail'. Après un exposé
détaillé des faits en litige, le Conseil a conclu
comme suit (voir le dossier conjoint, Vol. V, page
705):
La création et l'attribution des soi-disant postes exclus, dési-
gnés sous le nom de directeur de centre de services, ne peuvent
représenter, à notre avis, la progression normale, «échelon par
échelon» jusqu'au poste de direction, qui s'applique aux
employés de l'unité de négociation. Autrement dit, les circons-
tances entourant lesdites nominations ont amené le Conseil à
conclure que l'intimé était animé par le désir que lui attribuait
le requérant dans ses représentations, à savoir celui d'exclure
les directeurs d'élévateurs du syndicat. Le Conseil conclut qu'il
s'agit là d'un motif interdit et, qu'en mettant en oeuvre son
projet de restructuration pendant les mois de septembre et
octobre 1979, l'intimé s'ingérait dans le rôle du requérant qui
est de représenter les directeurs d'élévateurs, membres de son
unité de négociation. L'intimé enfreint donc l'alinéa 184(1)a)
du Code qui interdit à un employeur de s'ingérer dans la
représentation des employés par un agent négociateur.
Dans un premier temps, la requérante soutient que
le Conseil a outrepassé les limites de sa compé-
tence en refusant de se prononcer sur une question
essentielle à l'exercice de ses pouvoirs, savoir la
question de déterminer si les directeurs de centre
de services intéressés étaient des Remployés» au
sens de la Partie V du Code. Pour étayer cet
argument, la requérante s'appuie sur le passage
des motifs du Conseil qui se lit comme suit (voir le
dossier conjoint, Vol. V, pages 706 et 707):
Bien que le Conseil ait ordonné à l'employeur de résilier les
contrats individuels pour se conformer à l'alinéa 184(1)a) du
Code, il ne croit pas qu'il soit nécessaire de tirer une conclusion
' Ledit alinéa 184(1)a) se lit comme suit:
184. (1) Nul employeur et nulle personne agissant pour le
compte d'un employeur ne doit
a) participer à la formation ou à l'administration d'un
syndicat ou à la représentation des employés par un syndi-
cat, ni s'y ingérer; ...
indiquant si l'intimé a réussi, par le biais de ces contrats
individuels, à exclure les employés de l'unité de négociation
parce qu'ils étaient devenus grâce à ses démarches des person-
nes exerçant des fonctions de direction. A notre avis, que
l'intimé ait réussi ou non, les mesures qu'il a prises, dans sa
tentative de détruire l'intégrité de l'unité de négociation, étaient
elles-mêmes contraires à l'alinéa 184(1)a). Enfin, ayant cons-
taté qu'effectivement il y a eu violation du Code et ayant
ordonné le redressement des torts causés, le Conseil conclut
qu'il est inutile de trancher la question de savoir si les employés
étaient devenus des personnes exerçant des fonctions de
direction.
La requérante a poursuivi son raisonnement
comme suit: aux termes de l'article 108 du Code,
la Partie V dudit Code (Partie traitant des rela
tions industrielles) s'applique entre autres «aux
employés dans le cadre d'une entreprise fédérale».
En vertu de l'alinéa 184(1)a) qui figure lui aussi
dans ladite Partie V du Code, se rend coupable
d'une infraction, tout employeur ou toute personne
agissant pour le compte de ce dernier qui participe,
entre autres, à la «représentation des employés par
un syndicat ...» ou qui s'y ingère. Le paragraphe
107 (1) du Code qui définit le mot «employé» aux
fins de la Partie V, exclut expressément, entre
autres, «une personne qui participe à la direc
tion ...». Les sous-alinéas 118p)(i) et (ii) donnent
au Conseil le pouvoir de déterminer, entre autres,
au cours de toute procédure tenue devant lui, si
une personne est un employé ou si une personne
participe à la direction. Conséquemment, eu égard
aux dispositions de la loi que nous venons de citer
et au fait que le Conseil avait le pouvoir de décider
si les directeurs de centre de services en cause
étaient visés par la définition que le Code donne au
mot «employé», ou s'ils en étaient par ailleurs
exclus parce qu'ils participaient «à la direction», la
requérante soutient que le Conseil était tenu de
trancher cette question essentielle, selon elle, à
l'exercice de son pouvoir d'instruire et de juger si
la Manitoba Pool s'était rendue coupable de prati-
ques déloyales. Dès lors, comme le Conseil n'avait
pas répondu à ladite question par l'affirmative, la
condition préalable à l'exercice de sa compétence
n'avait pas été remplie et il était donc incompétent
pour connaître du litige. Je ne partage pas cet avis.
Dans la plainte de pratiques déloyales qu'il a
portée contre la requérante, le Syndicat soutient,
entre autres, qu'il y a eu contravention à l'alinéa
184(1)a) du Code canadien du travail. L'alinéa
187(1)a) prévoit et autorise le dépôt d'une plainte
de cette nature. Le Conseil avait le devoir, confor-
mément à l'article 188, d'instruire et de juger la
plainte. Le Syndicat et l'employeur requérant
avaient un intérêt suffisant en ce qui concerne
l'enquête relative à la plainte. L'objet général de la
plainte, c'est-à-dire, la présumée ingérence de la
requérante dans la représentation des employés par
l'agent négociateur dûment accrédité, en l'occur-
rence le Syndicat intimé, est clairement prévu dans
le Code, à son alinéa 184(1)a) plus précisément.
En outre, l'objet du présent litige en est un à
l'égard duquel le Conseil peut tenir une enquête.
Je conclus donc qu'en l'espèce le Conseil avait
«compétence dans le sens strict du pouvoir de
procéder à une enquêtent ou, comme le disait le
juge Dickson dans l'affaire La Société des alcools
du Nouveau-Brunswick 3 :
... la Commission a tranché une question qui lui revenait
pleinement et qu'il appartenait à elle seule de trancher dans les
limites de sa compétence.
A mon avis, comme le Conseil était compétent
pour trancher une question qui lui revenait de
plein droit, il n'était pas tenu de déterminer si les
15 directeurs de centre de services étaient des
«employés» aux termes des définitions du Code
précitées avant d'exercer sa compétence. Selon
moi, la conclusion du Conseil selon laquelle a...
que l'intimé ait réussi ou non, les mesures qu'il a
prises, dans sa tentative de détruire l'intégrité de
l'unité de négociation, étaient elles-mêmes contrai-
res à l'alinéa 184(1)a)» était raisonnablement
fondée eu égard à la preuve présentée devant lui
et, en tranchant ainsi, le Conseil n'a pas commis
d'erreur de droit, ni outrepassé les limites de sa
compétence. La requérante admet que les 15 direc-
teurs de centre de services ont été des directeurs
d'élévateurs visés par l'ordonnance d'accréditation
du Conseil et qu'ils le sont demeurés jusqu'à la
signature de leur contrat de direction au cours des
mois d'octobre et de novembre 1979. Les agisse-
ments que le Syndicat reproche à la compagnie et
expose dans sa plainte ont eu lieu entre le 17
septembre 1979 et la date de la signature des
contrats de direction. Ce sont ces démarches de
2 Voir Union internationale des employés des services, local
no. 333 c. Nipawin District Staff Nurses Association [1975] 1
R.C.S. 382 la p. 389.
3 Le Syndicat canadien de la Fonction publique, section
locale 963 c. La Société des alcools du Nouveau-Brunswick
[1979] 2 R.C.S. 227à la p. 237.
l'employeur qui, suivant les conclusions du Con-
seil, ont constitué de l'ingérence dans la représen-
tation des employés par le Syndicat en contraven
tion de l'alinéa 184(1)a). On ne peut rai-
sonnablement soutenir que, durant cette période,
les 15 particuliers visés n'étaient pas des
«employés», car leur situation ne pouvait changer
qu'une fois le contrat de direction signé par les
deux parties. En conséquence, et par les motifs
précités, je rejetterais le premier argument de la
requérante selon lequel le Conseil aurait ou-
trepassé les limites de sa compétence.
La requérante prétend d'autre part que le Con-
seil était incompétent pour dissocier les achats de
matériel des contrats de direction. Dans ses motifs,
après avoir conclu que la requérante avait enfreint
l'alinéa 184(1)a) du Code, le Conseil s'est penché
sur la question des mesures de redressement qui
devaient être prises. Il s'exprime ainsi aux pages
705 et 706 du dossier conjoint, Vol. V:
Nous devons maintenant ordonner une réparation certaine en
vue de corriger les effets de cette infraction évidente au droit
fondamental d'un syndicat accrédité par le présent Conseil, de
représenter des employés. Dans la présente affaire, le Conseil
usera du pouvoir de redressement que lui confèrent les articles
189 et 121 du Code, aux fins de rétablir les droits exclusifs de
négociation et de représentation du syndicat, dont l'intimé a
gêné l'exercice de façon évidente.
Le Conseil ordonne donc à l'employeur de reconnaître le
requérant comme étant l'agent négociateur légal des employés
de l'unité de négociation créée par le Conseil en 1973, qui
comprend les quinze personnes appelées directeurs de station.
En conséquence, l'intimé est tenu, à l'occasion de toute négocia-
tion collective à l'égard de l'unité de négociation, de négocier
les conditions de travail de tous les employés de l'unité de
négociation, y compris les quinze directeurs de station.
Reconnaissant d'abord et avant tout l'autorité du syndicat, le
Conseil ordonne à l'employeur de faire tout ce qui est néces-
saire pour annuler les mesures qu'il a prises dans sa tentative
d'exclure les directeurs de station de l'unité de négociation. Ces
mesures comprennent la résiliation des contrats individuels
conclus avec les directeurs de station, puisque lesdits contrats
vont à l'encontre même des dispositions de la convention collec
tive qui s'appliquent à eux. En ce qui concerne les contrats
d'achat ou de vente d'épandeurs et d'autre matériel agricole,
contrats conclus entre l'intimé et les directeurs de centre de
services, le Conseil ne sait pas si quelqu'un tient à ce qu'il les
examine. Aussi, comme il est d'avis que ces ententes ne font pas
l'objet d'un litige entre les parties, il a décidé de ne pas
intervenir à ce sujet. En outre, le Conseil ne rendra pas pour le
moment d'ordonnance officielle prévoyant des directives préci-
ses. Il tient en effet à donner à l'employeur la chance de
prendre les mesures qui s'imposent sans qu'il doive rendre une
ordonnance officielle. Toutefois, le Conseil se réserve le droit de
rendre une telle ordonnance si les circonstances l'y obligent.
Ultérieurement, le Conseil rendit, après modifica
tions, l'ordonnance officielle suivante datée du 6
mars 1981 (laquelle fait l'objet de la demande
fondée sur l'article 28 portant le n° de greffe
A-160-81) (voir le dossier conjoint aux pages 46 et
47):
ATTENDU QUE le Conseil canadien des relations du travail a
reçu du Syndicat des services du grain (C.T.C.) une plainte
déposée en vertu du paragraphe 187(1) du Code canadien du
Travail (Partie V—Relations industrielles), alléguant que
Manitoba Pool Elevators ne s'était pas conformé aux articles
136, 184 et 186 du Code;
ET ATTENDU QUE, après enquête sur la plainte et étude des
représentations écrites et orales des parties en cause, le Conseil
a rendu sa décision avec motifs dans laquelle il juge que
l'employeur a enfreint l'alinéa 184(1)a) du Code;
ET ATTENDU QUE, bien que le Conseil n'ait rendu aucune
ordonnance officielle à cette date, laissant ainsi à l'employeur
la possibilité d'agir sans la contrainte d'une ordonnance offi-
cielle, il s'est réservé le droit de rendre une telle ordonnance s'il
y a lieu;
ET ATTENDU QUE le redressement du Conseil tend à restau-
rer le droit du syndicat en tant qu'agent négociateur exclusif de
l'unité de négociation pour laquelle il a été accrédité, y compris
les quinze gérants d'élévateurs ruraux dont les postes ont été
renommés unilatéralement par l'employeur comme postes de
directeurs de centre de services, postes exclus de l'unité de
négociation, ce qui va à l'encontre de l'alinéa 184(1)a) du
Code;
ET ATTENDU QUE le Conseil a décidé en l'instance que, dans
l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de redressement, il ne
voulait pas s'ingérer dans les affaires de l'employeur et des
quinze employés en question en ce qui a trait au matériel, parce
que, entre autres, les intérêts relatifs au commerce et aux biens
de tierces personnes non identifiées pourraient être minés et que
ni le plaignant ni l'intimé n'avait demandé au Conseil de
prendre des mesures en ce qui avait trait à ces affaires;
ET ATTENDU QUE, à la demande de l'employeur, avec l'as-
sentiment du syndicat, le Conseil a rendu une ordonnance
officielle le 13 janvier 1981;
ET ATTENDU QUE le Conseil canadien des relations du travail
a reçu de Manitoba Pool Elevators une requête en révision
présentée en vertu de l'article 119 du Code canadien du travail
(Partie V—Relations industrielles) en vue d'obtenir des préci-
sions sur certaines conditions de l'ordonnance du Conseil;
ET ATTENDU QUE le libellé de l'ordonnance du Conseil ne
traduisait peut-être pas exactement l'intention du Conseil;
ET ATTENDU QUE le Conseil juge nécessaire, par souci de
précision, de remplacer les conditions figurant à l'ordonnance
du 13 janvier 1981 par les conditions qui suivent;
EN CONSEQUENCE:
(1) le Conseil déclare que l'employeur a enfreint l'alinéa
184(1)a) du Code canadien du travail (Partie V—Relations
industrielles);
(2) le Conseil ordonne que l'employeur reconnaisse le syndicat
en tant qu'agent négociateur exclusif des quinze particuliers;
(3) le Conseil ordonne à l'employeur d'annuler toute mesure
prise en vue d'exclure les quinze particuliers de l'unité de
négociation pour laquelle le syndicat est l'agent négociateur
accrédité;
(4) le Conseil déclare que les quinze particuliers sont liés par la
convention collective la plus récente conclue entre l'employeur
et l'agent négociateur;
(5) le Conseil ordonne que l'employeur reconnaisse et respecte
ses obligations, aux termes de la convention collective la plus
récente, à l'égard de ces quinze membres de l'unité de négocia-
tion, comme s'ils n'avaient jamais été considérés comme exclus
de l'unité de négociation;
(6) pour assurer la réalisation des objectifs de la Partie V du
Code canadien du travail et pour parer plus précisément à toute
conséquence de la non-conformité au Code par l'employeur, qui
pourrait être défavorable à la réalisation des objectifs, le Con-
seil ordonne, en plus des autres redressements précisés, que tous
les contrats de travail individuels entre l'employeur et les
quinze particuliers soient résiliés ab initio dans la mesure où ils
entrent en conflit avec les dispositions de la convention collec
tive et avec les conditions d'emploi des employés faisant partie
de l'unité de négociation pour laquelle le syndicat est l'agent
négociateur exclusif; par mesure de précision, l'ordonnance du
Conseil n'annule ni ne vise à influer sur toute disposition, ou
toute transaction en découlant, d'un contrat de direction conclu
entre l'employeur et les quinze particuliers, en ce qui a trait à la
vente, au transfert ou à tout autre acte lié à la propriété, ou
toute obligation ou tout droit acquis en ce qui a trait audit
matériel.
A mon avis, il est manifeste que l'article 189 du
Code confère au Conseil le pouvoir de se prononcer
comme il l'a fait aux paragraphes 1 à 5 inclusive-
ment de son ordonnance du 6 mars 1981, précitée.
Dans ses motifs, le Conseil s'est aussi appuyé sur
l'article 121 du Code. Toutefois, cet article traite
des pouvoirs généraux du Conseil et n'autorise ce
dernier qu'à prendre les mesures nécessaires ou
incidentes pour lui permettre d'exercer d'une
manière efficace les autres pouvoirs qui lui sont
expressément attribués par d'autres dispositions du
Code. Selon moi, l'article 121 ne donne pas au
Conseil d'autres pouvoirs que ceux que lui sont
expressément conférés à l'article 189 4 .
4 Les passages de l'article 189 qui sont pertinents aux faits du
présent litige se lisent comme suit:
189. Lorsque, en vertu de l'article 188, le Conseil décide
qu'une partie que concerne une plainte a enfreint ... l'un des
articles ... 184, ... il peut, par ordonnance, requérir ladite
partie de se conformer à ce paragraphe ou à cet article ...
en outre, afin d'assurer la réalisation des objectifs de la
présente Partie, le Conseil peut, à l'égard de toute infraction
à quelque disposition visée par le présent article, exiger d'un
employeur ou d'un syndicat, par ordonnance, de faire ou de
s'abstenir de faire toute chose qu'il est juste de lui enjoindre
de faire ou de s'abstenir de faire afin de remédier ou de parer
à toute conséquence défavorable à la réalisation des objectifs
susmentionnés que pourrait entraîner ladite infraction, et ce
en plus ou à la place de toute ordonnance que le Conseil est
autorisé à rendre en vertu du présent article.
J'en conclus donc que le Conseil a agi dans les
limites de sa compétence en prononçant les para-
graphes 1 à 5 inclusivement de son ordonnance
du 6 mars 1981.
Cependant, il convient à mon avis d'examiner
plus attentivement le pouvoir du Conseil en ce qui
a trait au paragraphe 6 de son ordonnance.
Au paragraphe 6 de son ordonnance, le Conseil
déclare les 15 contrats d'emploi résolus ab initio
dans la mesure où ils sont incompatibles avec les
dispositions de la convention collective et les condi
tions d'emploi des membres de l'unité de négocia-
tion. Toutefois, le paragraphe 3 de l'ordonnance
annule toute mesure prise par l'employeur afin
d'exclure les 15 particuliers de l'unité de négocia-
tion, le paragraphe 4 déclare que ces 15 particu-
liers sont liés par la convention collective et, au
paragraphe 5, le Conseil ordonne que l'employeur
«reconnaisse et respecte» ses obligations aux termes
de la convention collective à l'égard de ces 15
membres comme s'ils n'avaient jamais été considé-
rés par l'employeur comme exclus de l'unité de
négociation. Conséquemment, le premier problème
que me pose le paragraphe 6 de l'ordonnance, c'est
que la résolution ab initio qui y est prononcée me
semble superflue et redondante puisqu'elle tend à
apporter un remède déjà prévu aux paragraphes 3,
4 et 5 de ladite ordonnance.
En outre, un deuxième problème se pose du fait
que la prétendue résolution partielle du contrat
d'embauche entre l'employeur et l'employé est pro-
noncée en des termes à ce point vagues et équivo-
ques qu'elle n'a plus aucun sens. L'ordonnance
tend à résilier la partie du contrat d'emploi qui est
incompatible avec: a) les modalités de la conven
tion collective et b) toute autre condition d'emploi
alors en vigueur. La personne contre laquelle une
ordonnance est rendue par un organisme possédant
des pouvoirs d'exécution aussi étendus que ceux du
Conseil a le droit de savoir avec une certaine
précision ce qu'on lui ordonne exactement de faire
ou de s'abstenir de faire. A mon avis, il semble
impossible en l'espèce que la requérante puisse
savoir avec certitude quelles sont exactement les
dispositions des contrats de direction qui sont réso-
lues et quelles sont celles qui sont toujours en
vigueur. Parallèlement, il m'est impossible de con-
cevoir comment le Conseil pourrait appliquer le
paragraphe 6 vu son ambiguïté.
Un troisième problème réside selon moi dans le
fait que nulle part aux articles 121, 189 ou ailleurs
dans le Code, on autorise le Conseil a résoudre la
totalité ou une partie d'un contrat conclu par deux
parties sans obtenir au préalable leur consente-
ment respectif.
Par les motifs qui précèdent, je conclus que le
Conseil a fait erreur en prononçant le paragraphe
6 de son ordonnance du 6 mars 1981. La dernière
question qu'il me reste à trancher relativement à
ce paragraphe est celle de savoir si le Conseil a
interprété les pouvoirs qui lui sont conférés par le
Code canadien du travail de manière que cette
interprétation soit «déraisonnable au point de ne
pouvoir rationnellement s'appuyer sur la législa-
tion pertinente et d'exiger une intervention judi-
ciaire» 5 . L'article 189 confère au Conseil le pou-
voir d'exiger d'un employeur qu'il fasse toute chose
qu'il est juste de lui enjoindre de faire afin de
remédier à la plainte en question ou de parer à
toute conséquence que pourrait entraîner son inob-
servation de l'alinéa 184(1)a). A mon avis, pour
les trois motifs que j'ai énoncés ci-dessus, il serait
injuste d'exiger de l'employeur qu'il se conforme
au paragraphe 6 de ladite ordonnance. Ce para-
graphe me paraît à ce point déraisonnable qu'il
exige une intervention judiciaire. J'annulerais donc
le paragraphe 6 de l'ordonnance rendue par le
Conseil le 6 mars 1981. Je rejetterais, à tous autres
égards, les deux demandes fondées sur l'article 28.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE: Je conclus tout
comme le juge en chef au rejet des demandes et je
souscris à ses motifs, sauf en ce qui a trait au
paragraphe 6 de l'ordonnance du Conseil.
Le Conseil a «résilié» les contrats de direction en
vue d'atteindre un objectif limité relevant de sa
compétence en vertu du Code canadien du travail.
Il n'a annulé les contrats que dans cette limite et, à
strictement parler, ne les a pas résolus mais plutôt
rendus inopérants en ce qui concerne le Code du
travail.
5 Le Syndicat canadien de la Fonction publique, section
locale 963 c. La Société des alcools du Nouveau-Brunswick,
précité.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.