Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-3870-82
Hardee's Food Systems, Inc. (requérante) (oppo- sante)
c.
Registraire des marques de commerce (intimé)
et
Hardee Farms International Ltd. (intimée) (requérante)
Division de première instance, juge Cattanach— Ottawa, 29 et 30 septembre 1982; 20 janvier 1983.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Certiorari Prohibition Mandamus Demande de redressement en vertu de l'art. 18 de la Loi sur la Cour fédérale contre une décision du registraire des marques de commerce à l'égard de procédures d'opposition L'intimée, Hardee, autorisée à présenter des demandes modifiées en vue d'amender l'état déclaratif des marchandises pour les fonder non plus sur un emploi antérieur mais sur un emploi projeté Ces modifica tions sont-elles interdites par les art. 36 ou 37 du Règlement sur les marques de commerce en ce qu'elles modifient la date de premier emploi? -- Demande rejetée Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 18 Règles 319, 400, 603 de la Cour fédérale Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10, art. 16(1),(6), 29, 37(2),(8), 40(1)c),(2), 56, 59 et 65 Règlement sur les mar- ques de commerce, C.R.C., chap. 1559, art. 35, 36, 37, 42 et annexe 11, formules 4, 7.
L'intimée, Hardee Farms International Ltd., a présenté en vertu de l'alinéa 40(1 )c) de la Loi sur les marques de com merce, des demandes de modification de l'état déclaratif des marchandises fondé sur un emploi antérieur. Devant la Com mission des oppositions, Hardee Farms a demandé que ces demandes soient modifiées pour les fonder sur l'emploi projeté. Le président de la Commission a autorisé les modifications, concluant que la substitution de l'emploi projeté à l'emploi antérieur ne constituait pas une modification de la date de premier emploi. La requérante a fait appel. Hardee Farms a soutenu avec succès qu'aucune décision finale n'avait été prise par le registraire et que le redressement prévu à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale n'était applicable que si le regis- traire était une partie aux procédures. La demande avait été présentée en vertu de l'article 18 pour contester la décision du registraire. Il faut déterminer s'il est interdit de modifier les demandes de manière qu'elles reposent sur l'emploi projeté et non plus sur l'emploi antérieur.
Jugement: la demande est rejetée. L'article 42 du Règlement sur les marques de commerce limite les modifications qui peuvent être apportées pendant les procédures d'opposition mais ne mentionne pas spécifiquement les modifications contes- tées. Cela ne constitue pas toutefois un casus omisses. La requérante soutient, en se fondant sur l'alinéa 37b) du Règle- ment, que le fait de modifier postérieurement à l'annonce une demande alléguant une date d'emploi antérieur en une demande fondée sur un emploi projeté équivaut nécessairement
à un changement de la date de premier emploi. L'expression «changer une date de premier emploi» apparaît aux alinéas 37b) et 36c) du Règlement. L'alinéa 36d) du Règlement emploie une formulation différente indiquant qu'il convient d'y attacher un sens et un objet différents. L'alinéa 36d) se limite à la substitu tion dans une demande, de l'emploi antérieur à l'emploi projeté; les alinéas 36c) et 37b) à une modification de la date de premier emploi en une date antérieure. La modification deman- dée n'était visée par aucun règlement précis qui l'interdise. La modification relève du concept général de l'article 35 du Règle- ment et peut être faite à tout moment. Le registraire n'a pas le pouvoir discrétionnaire de refuser les modifications.
AVOCATS:
J. Guy Potvin et D. Aylen pour la requérante (opposante).
A. S. Fradkin pour le registraire des marques de commerce, intimé.
John Allport pour Hardee Farms Internatio nal Ltd., intimée (requérante).
PROCUREURS:
Scott & Aylen, Ottawa, pour la requérante (opposante).
Le sous-procureur général du Canada pour le registraire des marques de commerce, intimé. Sim, Hughes, Toronto, pour Hardee Farms International Ltd., intimée (requérante).
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE CATTANACH: Par le biais d'un acte de procédure intitulé à tort [TRADUCTION] «Avis de requête introductif d'instance», le procureur de la requérante procède selon les modalités propres à une demande par voie de requête conformément à la Règle 603 en vertu de laquelle les procédures visant à obtenir le redressement prévu à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2» Supp.), chap. 10, peuvent être intentées soit par voie d'action suivant la Règle 400, c'est-à-dire par déclaration, soit encore par voie de demande en vertu de la Règle 319, c'est-à-dire par voie de requête au sens usuel du terme; par ailleurs, au même moment, il néglige de suivre les modalités normalement applicables à un acte introductif d'instance.
Il s'agit en l'espèce de la reprise d'une affaire, qui, dans un premier temps, a donné lieu à un appel interjeté, conformément aux articles 56 et 59 de la Loi sur les marques de commerce, S.R.C.
1970, chap. T-10, à l'encontre de deux décisions identiques du registraire des marques de com merce rendues par l'entremise du président de la Commission des oppositions, le 21 août 1981, dans le cadre d'une procédure d'opposition; ces déci- sions, rendues à la clôture des plaidoiries mais avant que soit définitivement tranchée la question de l'opposition, autorisaient des modifications à la demande d'enregistrement contestée. Étaient par ties au premier appel la requérante aux présentes, en qualité d'appelante, et la deuxième intimée en l'espèce, à titre d'intimée. Le registraire des mar- ques de commerce, premier intimé aux présentes, n'était pas partie aux procédures antérieures inten- tées par avis d'appel.
On demandait, entre autres, un redressement par voie de brefs de certiorari, de prohibition et de mandamus visant le registraire des marques de commerce.
Les faits pertinents demeurent les mêmes et il me semble donc opportun de les exposer de nouveau.
L'intimée, Hardee Farms International Ltd. (que nous appellerons, pour des raisons pratiques, la seconde intimée) est le propriétaire inscrit de la marque de commerce «Hardee» (no 183 067) desti née à être employée en liaison avec certains pro- duits alimentaires, et de la marque de commerce (n° 183 068) relative au dessin représentant le mot «Hardee» et destinée à être employée en liaison avec les mêmes marchandises.
Le mot et le dessin ont été enregistrés le 12 mai 1972.
La seconde intimée a présenté, conformément à l'alinéa 40(1)c) de la Loi sur les marques de commerce, deux demandes identiques tant dans leur forme que dans leur contenu, en vue de modi fier l'état déclaratif des marchandises correspon- dant aux marques de commerce enregistrées pour y ajouter certains produits alimentaires lyophilisés et déshydratés.
Les deux demandes précitées ont été rédigées suivant la formule 7 du Règlement sur les marques de commerce, C.R.C., chap. 1559, établi conformément à l'article 65 de la Loi sur les marques de commerce. Ladite formule est celle qui doit être utilisée pour une «Demande de modi-
fication d'un enregistrement en vue de l'extension de l'état déclaratif des marchandises».
Ces deux demandes en vue de modifier l'état déclaratif des marchandises furent produites le 28 novembre 1975.
Elles étaient fondées sur l'emploi au Canada des marques de commerce depuis [TRADUCTION] «jan- vier 1975 au plus tard».
En vertu du paragraphe 40(2), une demande de modification du registre des marques de commerce afin d'étendre l'état déclaratif des marchandises a le même effet qu'une demande d'enregistrement d'une marque de commerce à l'égard desdites marchandises.
Les demandes ont été publiées dans le Trade Marks Journal du 16 novembre 1977.
Le 10 avril 1978, la requérante aux présentes a déposé des déclarations d'opposition identiques visant les deux demandes.
Le 21 juin 1978, la seconde intimée aux présen- tes a déposé des contre-déclarations.
La requérante s'oppose aux modifications recherchées en s'appuyant sur les quatre motifs énoncés au paragraphe 37(2) de la Loi. Ces motifs se lisent comme suit:
(1) dans les demandes, l'état des marchandises n'est pas dressé suivant les termes ordinaires du commerce, mais il est formulé de façon ambiguë,
(2) les demandes ne désignent pas de prédéces- seur en titre relativement à l'emploi allégué de la marque de commerce depuis janvier 1975, (Suivant les objections (1) et (2), les demandes ne satisfont pas aux exigences de l'article 29 de la Loi (voir l'al. 37(2)a)).)
(3) à la date du premier emploi (janvier 1975), la marque de commerce créait de la confusion avec la marque de commerce à l'égard de laquelle les requérantes aux présentes avaient produit une demande le 10 avril 1975, c'est-à- dire avant la date de premier emploi alléguée par la seconde intimée (voir l'alinéa 16(1)b)), et
(4) la marque de commerce n'est pas distinctive puisqu'elle a été utilisée par une partie autre que
la seconde intimée de même que par un usager inscrit à l'égard des marchandises pour lesquel- les l'emploi de la marque de commerce n'était pas autorisé, par l'usager inscrit.
Le 16 février et 16 novembre 1979, la requé- rante aux présentes a produit des affidavits au soutien de son opposition.
Le 30 janvier 1980, la seconde intimée aux présentes a informé le registraire de sa décision de ne soumettre aucune preuve.
En juillet 1980, les parties ont produit leur argumentation écrite.
Le 3 avril 1981, une audience (portant sur les deux demandes) fut tenue devant le président de la Commission des oppositions.
À la clôture des représentations mais avant qu'une décision ait été rendue, l'avocat de la seconde intimée aux présentes a demandé un délai de deux semaines afin de produire des demandes modifiées suivant les directives de sa cliente à cet égard.
La modification recherchée consistait à changer les allégations des demandes en vue d'étendre l'état déclaratif des marchandises pour les fonder non plus sur un emploi antérieur aux environs de janvier 1975 (fait que l'avocat doutait pouvoir établir) mais sur un emploi projeté.
Le président accorda le délai à la condition que si les demandes modifiées étaient produites, la requérante aux présentes serait autorisée à s'oppo- ser à leur autorisation.
La chronologie des événements, à ce jour, peut être exposée sous forme de tableau.
[TRADUCTION]
Enregistrement 183 067 (mot) 12 mai 1972
Enregistrement 183 068 (dessin) 12 mai 1972
A. Demande initiale en vue d'étendre l'état déclaratif des marchandises fondée sur un emploi
Date du premier emploi Janvier 1975 au plus tard
Date de production 28 novembre 1975
Annonce 16 novembre 1977
Opposition 10 avril 1978
Contre-déclaration 21 juin 1978
Audience 3 avril 1981
Voici la liste des événements qui suivirent la décision du président d'accorder le délai à la clô- ture des représentations verbales mais avant la décision finale.
Le 16 avril 1981, deux demandes modifiées ont été produites.
Elles étaient rédigées suivant la formule 4 du Règlement sur les marques de commerce intitulée «Demande d'enre&istrement d'une marque de com merce projetée». A première vue, ces demandes ne se présentent aucunement comme des modifica tions aux demandes originales. Néanmoins, elles ont été interprétées et traitées comme telles par le registraire.
Dans une lettre datée du 30 avril 1981, la requérante aux présentes s'est opposée à l'accepta- tion par le registraire des demandes modifiées présentées par la seconde intimée aux motifs:
(1) que la Loi ne permettait pas au registraire d'accepter les demandes modifiées,
(2) que lesdites demandes n'étaient pas vraiment des demandes modifiées mais plutôt de nouvelles demandes distinctes et donc
(3) que le registraire devrait rendre sa décision finale dans le cadre de la procédure d'opposition en se fondant sur les demandes initiales.
L'avocat de la seconde intimée soutint qu'il ne s'appuyait pas sur des demandes alléguant un emploi antérieur mais plutôt sur des demandes modifiées fondées sur un emploi projeté.
L'avocat de la seconde intimée a indiqué que, [TRADUCTION] «si on n'autorisait pas l'annonce des demandes modifiées», elle accepterait que le registraire rende sa décision, conformément au paragraphe 37(8), en se fondant sur les demandes initialement produites.
Dans sa lettre du 21 août 1981, le registraire autorisa les modifications recherchées par la seconde intimée, estimant qu'elles n'étaient pas contraires au Règlement sur les marques de com merce. Il conclut que le fait de modifier les deman- des pour les fonder non plus sur un emploi anté- rieur mais plutôt sur emploi projeté n'équivalait pas à une modification de la date du premier emploi. Ayant décidé d'autoriser les demandes comme modifications, il estima alors que les
demandes modifiées devaient être annoncées de nouveau.
Appel fut interjeté par avis d'appel daté et produit le 21 octobre 1981 de cette décision du registraire (rendue par l'entremise du président de la Commission des oppositions).
Dans l'intitulé de la cause, la requérante aux présentes était désignée comme appelante et la seconde intimée aux présentes comme intimée.
Le registraire des marques de commerce n'était pas partie à cet appel.
Au cours de l'audition de l'appel le 17 mars 1982, l'avocat de l'intimée (la seconde intimée aux présentes) soutint que l'appelante n'avait pas qua- lité pour interjeter appel.
Cette objection reposait sur trois motifs relative- ment simples:
(1) Le registraire n'avait pas rendu de décision dans le cadre de la procédure d'opposition,
(2) La décision du registraire, le 21 août 1981, d'accepter la demande modifiée ne concernait que la seconde intimée en sa qualité de requé- rante devant le registraire et le registraire lui- même, et
(3) Si l'on décidait de recourir aux redresse- ments offerts par l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, soit les brefs de certiorari, de prohibition et de mandamus qui faisaient partie des conclusions recherchées dans l'avis d'appel, les véritables parties au litige seraient alors la requérante aux présentes en qualité d'appelante et le registraire des marques de commerce à titre d'intimé.
Par les motifs de jugement prononcés le 16 avril 1982, il fut décidé que l'objection préliminaire soulevée par l'intimée nommée à l'intitulé de la cause de l'avis d'appel était bien fondée et que l'appelante n'avait pas droit au redressement demandé.
On souligne dans les motifs que, si on admet qu'il s'agissait uniquement de modifications, les procédures ne sont pas terminées et ne prendront fin qu'après le prononcé de la décision finale, décision qui reste à venir; et que, par ailleurs, même si les modifications équivalaient à la présen-
tation de nouvelles demandes, dans l'un ou l'autre cas, le remède consisterait à demander conformé- ment à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale la délivrance des brefs de prérogative appropriés. Dans le cadre de telles procédures, le registraire serait alors le véritable intimé.
Par ailleurs, on rappelle dans les motifs de juge- ment que, même si l'objection soulevée à l'encontre de l'avis d'appel est bien fondée, cette conclusion ne doit en aucun cas être interprétée comme fai- sant obstacle à des poursuites ultérieures contre le registraire.
À la suite des faits relatés plus haut, la requé- rante a choisi de demander le redressement recher- ché par voie d'avis de requête conformément à la Règle 603b).
À mon avis, la solution du présent litige repose sur l'interprétation des articles 35, 36 et 37 du Règlement sur les marques de commerce établi conformément à l'article 65 de la Loi sur les marques de commerce.
La validité des articles pertinents du Règlement n'a pas été contestée ni mise en cause.
Voici ces articles:
35. Sauf dans les cas prévus aux articles 36 et 37, une demande peut être modifiée soit avant, soit après l'annonce.
36. La modification d'une demande d'enregistrement d'une marque de commerce n'est jamais permise si elle a pour objet
a) de changer l'identité du requérant, sauf après reconnais sance d'un transfert par le registraire;
b) de modifier la marque de commerce, sauf par certains côtés qui n'en changent pas le caractère distinctif ni n'in- fluent sur son identité;
e) de changer en quelque date antérieure la date de premier emploi ou révélation, au Canada, de la marque de commerce, sauf s'il est prouvé, à la satisfaction du registraire, que les faits justifient le changement;
d) de changer une demande n'alléguant pas qu'on s'est servi de la marque de commerce ou qu'on l'a révélée au Canada avant la production de la demande, en une demande qui contient l'une ou l'autre de ces allégations; ou
e) d'étendre l'état déclaratif des marchandises ou services.
37. La modification d'une demande d'enregistrement d'une marque de commerce n'est pas permise après l'annonce, si elle a pour objet
a) de changer la marque de commerce; ou
b) de changer une date de premier emploi ou révélation, au Canada, de la marque de commerce.
Ces articles sont regroupés sous la rubrique Modification des demandes d'enregistrement. En
vertu du paragraphe 40(2) de la Loi sur les mar- ques de commerce, une demande en vue d'étendre l'état déclaratif des marchandises à l'égard des- quelles une marque de commerce est déposée, comme c'est le cas pour les présentes demandes, doit être traitée comme une demande d'enregistre- ment d'une marque de commerce à l'égard des marchandises spécifiées dans la demande de modification.
Les demandes en l'espèce tombent donc sous le régime des articles du Règlement regroupés sous cette rubrique puisqu'elles concernent des modifi cations aux demandes présentées en vue d'étendre l'état déclaratif des marchandises.
La question qui se pose consiste à déterminer si une modification visant à fonder les demandes sur un emploi projeté plutôt que sur un emploi anté- rieur est une modification qui, suivant l'article 36, n'est jamais permise ou encore qui, suivant l'article 37, n'est interdite qu'après l'annonce.
Si la réponse à cette question est négative, la modification peut alors être apportée soit avant, soit après l'annonce, au choix de celui qui requiert l'enregistrement et le registraire n'a pas le pouvoir discrétionnaire de refuser la modification.
Le Règlement, sous la rubrique Opposition, ne dit rien au sujet des modifications apportées aux demandes durant la procédure d'opposition. Toute- fois, le libellé de l'article 35 est suffisamment large pour viser cette période. L'article 42 mentionne expressément que les seules modifications permises dans le cadre d'une procédure d'opposition sont celles visant une déclaration d'opposition ou une contre-déclaration et ce, uniquement avec la per mission du registraire et aux conditions que ce dernier peut imposer.
L'absence de mention expresse d'une modifica tion apportée à une demande en vue de passer de l'emploi antérieur à l'emploi projeté ne constitue pas, à mon avis, un casus omissus.
S'agirait-il d'un cas d'omission flagrante que le libellé des articles permettrait d'y remédier, mais un tribunal ne peut jamais suppléer à un casus omissus car il se trouverait alors à légiférer.
En l'espèce, la question doit, à mon avis, être tranchée suivant la règle fondamentale d'interpré- tation des lois qui dit qu'un casus omissus ne doit
pas être créé par interprétation sauf en cas d'ex- trême nécessité.
La requérante aux présentes soutient en se fon dant sur l'alinéa 37b) du Règlement, que le fait de modifier postérieurement à l'annonce une demande alléguant une date d'emploi antérieur en une demande fondée sur un emploi projeté équi- vaut nécessairement à un changement de la date de premier emploi.
Selon une règle d'interprétation bien établie, il faut donner le même sens aux mêmes mots lors- qu'ils sont utilisés dans des articles différents d'une loi ou de son règlement d'application.
L'alinéa 37b) du Règlement emploie l'expres- sion «changer une date de premier emploi».
Ces mêmes mots reviennent aussi à l'alinéa 36c).
Cette disposition prévoit qu'une modification n'est jamais permise si elle a pour objet:
... de changer en quelque date antérieure la date de premier emploi ... de la marque de commerce ...
En vertu de l'alinéa 36d), une modification n'est jamais permise si elle a pour objet:
... de changer une demande n'alléguant pas qu'on s'est servi (ce qui vise nécessairement une demande fondée sur un emploi projeté) de la marque de commerce ... au Canada avant la production ... en une demande qui contient l'une ou l'autre de ces allégations ... (c'est-à-dire une demande alléguant un emploi antérieur).
Si l'on applique l'argument avancé au nom de la requérante au libellé de l'alinéa d), la modification d'une demande fondée sur un emploi projeté en une demande fondée sur un emploi antérieur équi- vaudrait nécessairement à changer en quelque date antérieure la date du premier emploi. Dans une demande fondée sur un emploi projeté, l'emploi débute après la production de la demande alors que dans une demande fondée sur un emploi anté- rieur, la marque de commerce a déjà servi avant la présentation de la demande. Un tel raisonnement revient à dire qu'aux termes de l'alinéa 36d), la modification de l'emploi projeté en un emploi anté- rieur a le même effet qu'une modification de la date du premier emploi.
Si tel était le cas, l'alinéa 36c) qui interdit la modification de la date du premier emploi n'aurait plus de raison d'être puisque cette situation serait
prévue par l'alinéa 36d).
Lorsque divers alinéas d'un même article emploie, à première vue, un langage différent, il faut interpréter ce fait comme indiquant qu'ils ont un sens différent et porte sur des sujets distincts.
À mon avis, l'alinéa 36d) vise donc uniquement la modification d'une demande fondée sur un emploi projeté en une demande fondée sur un emploi antérieur.
L'alinéa 36c) se limite au cas d'une modification en quelque date antérieure de la date du premier emploi.
Par conséquent, comme l'alinéa 37b) emploie les mêmes mots que l'alinéa 36c), «de changer une date de premier emploi», il se limite lui aussi à ce sujet et ne concerne donc pas la modification des demandes fondées au départ sur un emploi anté- rieur en des demandes fondées sur un emploi projeté.
Aucune disposition du Règlement n'interdit expressément une telle modification.
En conséquence, la modification en litige ici tombe sous le régime du principe général formulé à l'article 35 et peut donc être apportée en tout temps soit avant, soit après l'annonce.
Il s'ensuit donc que les modifications qui sont apportées ici le sont à la demande de la partie qui requiert l'enregistrement de la marque de com merce et que le registraire ne dispose d'aucun pouvoir discrétionnaire de les refuser.
Par conséquent, le redressement recherché par la requérante aux présentes lui est refusé.
Les circonstances sont telles qu'il n'y a pas lieu d'accorder de dépens au registraire ni à la deuxième intimée. Chaque partie devra supporter ses propres frais.
Le registraire et la deuxième intimée ont traité les demandes en litige ici non pas comme de nouvelles demandes mais comme des demandes modifiées et cette façon d'agir est compatible avec les faits rapportés malgré l'emploi, à plusieurs reprises, d'une terminologie inadéquate.
Les parties ayant clos leur argumentation dans la procédure d'opposition, je ne vois rien qui empê-
che le registraire de rendre sa décision finale, sans être tenu d'annoncer à nouveau les demandes. Une nouvelle annonce serait plus compatible avec la production de deux nouvelles demandes qu'avec la production de simples demandes modifiées; d'ail- leurs, en l'espèce, il ne s'agissait pas de nouvelles demandes et le registraire ne les a pas traitées comme telles.
J'estime que les parties à la procédure d'opposi- tion ont présenté tous les arguments pertinents bien que la requérante aux présentes se soit vu refuser deux des quatre motifs sur lesquels se fondait son opposition et que seulement deux aient été retenus.
ORDONNANCE
La demande est rejetée. Il n'y aura pas de dépens en faveur du registraire des marques de commerce ou de la deuxième intimée. Les parties devront supporter leurs propres frais.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.