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A-760-80
George Golden (appelant)
c.
La Reine (intimée)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Heald et juge suppléant Verchere—Vancouver, 7 et 9 février 1983.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Vente de bien-fonds Répartition du prix d'achat entre un terrain et des biens amortissables L'art. 68 n'est pas applicable parce que tout ce qui est aliéné dans la vente correspond à la définition de «biens» À supposer que l'art. 68 soit applica ble, la détermination sous son régime doit être abordée tant du point de vue du vendeur que de celui de l'acheteur et en tenant compte de tous les faits pertinents Appel accueilli Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 13(1), (7), 68, 248(1) Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, art. 20(6)g) (mod. par S.C. 1953-54, chap. 57, art. 5).
Dans un contrat signé en 1973 en vertu duquel un groupe, dont l'appelant était membre, a vendu un bien-fonds à un groupe immobilier, le prix d'achat était réparti entre le terrain et les biens amortissables. S'appuyant sur l'article 68 de la Loi de l'impôt sur le revenu, le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation pour l'appelant et ses associés et a modifié la répartition. Le juge de première instance, se fondant sur le témoignage rendu par un expert et sur l'article 68, a modifié la répartition et a ordonné, pour l'impôt sur le revenu de l'appelant en 1973, l'établissement d'une nouvelle cotisation. La Cour d'appel a, de son propre chef, soulevé la question de l'applicabilité de l'article 68.
Arrêt: l'appel doit être accueilli.
Le juge en chef Thurlow: il n'est pas strictement nécessaire de trancher la question de savoir si l'article 68 est applicable. La détermination à faire aux fins de l'article 68 doit être abordée tant du point de vue de l'acheteur que de celui du vendeur (et non uniquement du point de vue du vendeur comme l'a décidé le juge de première instance). L'examen ne porte pas sur la valeur raisonnable, mais sur le produit de la disposition. Étant donné les incidences fiscales en cause, la répartition constituait une partie importante du contrat. Cette répartition devrait être confirmée.
Le juge Heald (avec l'appui du juge suppléant Verchere): Puisque l'article 68 s'applique seulement lorsqu'il y a disposi tion de biens et de quelque chose d'autre que des biens, et que tout ce qui est aliéné dans cette affaire était des «biens» au sens de la définition de ce terme donnée par le paragraphe 248(1), l'article 68 ne s'applique pas en l'espèce. En tout cas, la détermination faite sous le régime de l'article 68 doit être abordée tant du point de vue du vendeur que de celui de l'acheteur et en tenant compte de tous les faits pertinents.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Sa Majesté la Reine c. Malloney's Studio Limited, [1979] 2 R.C.S. 326; [1979] CTC 206; Herb Payne
Transport Ltd. v. Minister of National Revenue (1963), 63 DTC 1075 (C. de 1'É.); Minister of National Revenue v. Steen Realty Limited (1964), 64 DTC 5081 (C. de 1'É.); Emco Limited v. Minister of National Revenue (1968), 68 DTC 5310 (C. de l'E.); Moulds c. La Reine, [1977] 2 C.F. 487; 77 DTC 5094 (1" inst.); La Reine c. Moulds, [1978] 2 C.F. 528 (C.A.); Klondike Helicopters Limited v. Minister of National Revenue (1965), 65 DTC 5253 (C. de 1'É.).
DÉCISION REJETÉE:
Munday v. Minister of National Revenue (1971), 71 DTC 5321 (C. de 1'E.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Le procureur général du Canada c. Matador Inc. et autre, [1980] 2 C.F. 703; 80 DTC 6018 (C.A.).
AVOCATS:
G. T. W. Bowden pour l'appelant. W. Hohmann, c.r., pour l'intimée.
PROCUREURS:
Birnie, Sturrock & Bowden, Vancouver, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Les faits perti- nents sont exposés dans les motifs du jugement rédigés par le juge Heald; je ne les répéterai donc pas. Je suis, en général, d'accord avec son raison- nement et ses conclusions. Toutefois, je voudrais faire certaines autres observations.
Dans une note en bas de page dans le jugement rendu par la Cour dans l'affaire Le procureur général du Canada c. Matador Inc. et autre [[1980] 2 C.F. 703, la page 709]; 80 DTC 6018 [C.A.], il est exprimé l'avis que dans une situation ou ce qui est vendu se compose d'un terrain et d'immeubles, l'article 68 [Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63] s'applique pour autoriser la répartition de la contrepartie entre le terrain et les immeubles conformément à cet article.
Dans cette affaire, le bien-fonds avait été vendu pour une somme qui était inférieure à la valeur du terrain seul et aussi inférieure à la valeur des immeubles seuls, et le contrat n'avait pas réparti
cette somme entre le terrain et les immeubles. Comme le paragraphe 13(1) exigeait l'inclusion dans le calcul du revenu de la somme pour laquelle les immeubles avaient été vendus, cette somme devait être fixée, que l'article 68 s'applique ou non. Les parties semblent avoir traité de la question comme si l'article 68 s'appliquait, et il ne ressort pas du recueil que l'applicabilité de cet article à la situation particulière ait fait l'objet d'un débat sérieux.
Dans les circonstances, je doute que l'avis exprimé dans la note en bas de page ait été néces- saire à la décision. Si la question n'était pas tou- chée par l'avis ainsi exprimé, je serais disposé à être d'accord avec l'analyse et la conclusion du juge Heald voulant que dans la situation actuelle, l'article 68 ne s'applique pas. Toutefois, comme les parties à l'instance ont aussi considéré l'article 68 comme applicable jusqu'à ce que la Cour soulève la question, et comme il n'est pas strictement nécessaire de trancher ce point, je préfère fonder mon opinion sur l'autre motif invoqué dans le jugement du juge Heald.
Le juge de première instance [[1980] CTC 488; 80 DTC 6378] ayant, à mon avis, commis une erreur en abordant la question de la détermination à faire aux fins de l'article 68 du point de vue du vendeur et non de celui de l'acheteur, j'estime qu'il est loisible à la Cour de parvenir à sa propre détermination de la somme qui peut raisonnable- ment être considérée comme le produit de la dispo sition du bien amortissable faisant l'objet de la vente. À cette fin, les valeurs respectives du terrain seul et des biens amortissables seuls sont certes pertinentes, et on peut en tenir compte pour tirer une conclusion, mais on doit se rappeler que l'exa- men ne porte pas sur la valeur raisonnable, mais sur le produit de la disposition. Il est loisible à un propriétaire de disposer de ses biens comme il l'entend et, à cette fin, il peut, quand il trouve cette disposition avantageuse, obtenir la plus grande valeur possible pour un bien même si, de ce fait, il ne peut obtenir la plus grande valeur possi ble pour un bien connexe dans cette opération.
Dans la première offre, une répartition du prix offert entre le terrain, l'immeuble et l'équipement a été proposée par l'acheteur. Cette offre a été rejetée pour plusieurs raisons, notamment le mécontentement à l'égard de la répartition propo-
sée. Les vendeurs savaient que le terrain était sous-exploité et croyaient que l'acheteur s'intéres- sait au terrain. Ils voulaient obtenir le meilleur prix possible pour ce terrain. Le juge de première instance a conclu que 5 100 000 $ n'était pas pour l'acheteur un prix excessif à payer pour le terrain seul. J'estime qu'il ne s'agit pas non plus, pour les vendeurs, pour leurs propres raisons, d'une somme déraisonnable à exiger pour le terrain. Il n'est pas non plus déraisonnable de penser que les vendeurs ne l'auraient pas vendu pour 5 850 000 $ sans la condition prévoyant la répartition de cette somme entre le terrain et autres biens faisant l'objet de l'opération. À mon avis, on doit présumer qu'ils savaient qu'il y aurait récupération des déductions pour amortissement qui avaient été réclamées sur les immeubles et qu'ils seraient obligés d'inclure la somme récupérée dans le calcul de leur revenu et de payer l'impôt là-dessus. Sans un accord pré- voyant la répartition du prix d'achat ou avec un accord portant attribution d'une somme plus élevée aux biens amortissables, l'offre n'aurait pas été aussi attrayante et avantageuse à leurs yeux. D'après eux, la somme qu'on peut raisonnablement considérer comme ayant été reçue en contrepartie de la disposition des immeubles et de l'équipement s'élevait à 750 000 $, montant prévu dans l'accord.
La répartition a un effet réciproque. Sa consé- quence examinée du point de vue de l'acheteur est que le coût de biens amortissables est moindre, et que le montant de la déduction pour amortisse- ment qu'il peut réclamer sur les immeubles et l'équipement est donc moindre, qu'il les conserve ou les démolisse. La somme que l'on peut raison- nablement considérer comme ayant été payée par lui pour ces biens s'élève donc à 750 000 $, mon- tant que prévoit l'accord; ce résultat, comme je le vois, est confirmé par la conclusion du juge de première instance selon laquelle l'acheteur a payé 5 100 000 $ pour le terrain seul.
Étant donné que l'accord a été conclu entre les parties qui n'avaient entre elles aucun lien de dépendance, et qu'il ne s'agissait pas d'une simula tion ni d'un subterfuge, il me semble que, malgré la preuve de valeurs respectives sur laquelle s'est appuyé le juge de première instance, le montant qui peut raisonnablement être considéré comme étant le produit de la disposition des biens amortis- sables indépendamment de la forme ou de l'effet
juridique du contrat, qui détermine uniquement les droits des parties inter se, était la somme de 750 000 $ pour laquelle les vendeurs ont accepté de les vendre, et l'acheteur de les acquérir.
Je trancherais l'affaire de la façon proposée par le juge Heald.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Appel est formé contre le jugement par lequel la Division de première ins tance a renvoyé au ministre du Revenu national la cotisation d'impôt sur le revenu de l'appelant pour l'année 1973 pour qu'il établisse une nouvelle coti- sation en tenant pour établi que la contrepartie de la disposition du terrain seul consentie le 14 mars 1973 par le groupe Bel Air est de 2 320 000 $. La Division de première instance a entendu cette action sur preuve commune en même temps que les affaires McGuckin c. La Reine [non publié, T-500-79, jugement en date du 31 octobre 1980], Golden c. La Reine [non publié, T-503-79, juge- ment en date du 31 octobre 1980] et Leemar Holdings Ltd. c. La Reine [non publié, T-505-79, jugement en date du 31 octobre 1980]. Les motifs de jugement prononcés par la Division de première instance dans cette action ont été rendus applica- bles aux trois autres actions susmentionnées, et les jugements dans chaque cas étaient identiques, c'est-à-dire que la cotisation d'impôt sur le revenu à l'égard de chacun des contribuables susmention- nés à été renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation suivant la même directive qu'en l'espèce.
Au début de l'audition du présent appel, les avocats des deux parties ont convenu que les prin- cipes en cause dans les quatre appels étaient iden- tiques, et que la décision de la Cour dans le présent appel s'appliquerait aux appels de John McGuckin (A-759-80), Leemar Holdings Ltd. (A-758-80) et Eleanor Golden (A-757-80). Les faits pertinents applicables aux quatre appels sont les suivants.
L'appelant et les trois autres appelants susmen- tionnés étaient les seuls associés du groupe Bel Air. Le 14 mars 1973, ce groupe a vendu à un groupe
immobilier averti', pour 5 850 000 $, les apparte- ments Bel Air situés à Edmonton. Il n'existait entre les deux parties aucun lien de dépendance et le produit de la vente se décomposait, selon l'ac- cord conclu entre les parties comme suit: 5 100 000 $ pour le terrain et 750 000 $ pour «l'équipement, les immeubles, les chemins, les trot- toirs, etc.» Il convient de noter que le 7 mars 1973, Skalbania a fait, pour les mêmes appartements Bel Air, et ce, sans négociations ou discussions préala- bles, une offre non sollicitée de 5 600 000 $ répar- tis ainsi: 2 600 000 $ pour le terrain; 2 400 000 $ pour les immeubles; et 600 000 $ à l'égard «des camions, de l'équipement, des chemins, etc.» Les vendeurs ayant rejeté cette offre, des négociations sont alors intervenues. Par la suite, la vente du 14 mars 1973 décrite ci-dessus a eu lieu avec une augmentation du prix d'achat qui passait de 5 600 000 $ à 5 850 000 $ et la modification sus- mentionnée de la répartition de ce dernier. Le ministre du Revenu national s'est fondé sur l'arti- cle 68 de la Loi de l'impôt sur le revenu (S.C. 1970-71-72, chap. 63) pour établir une nouvelle cotisation pour l'appelant et ses associés du groupe. Cet article est ainsi rédigé:
68. Lorsqu'une somme peut raisonnablement être considérée comme étant en partie la contrepartie de la disposition de tout bien d'un contribuable, et comme étant en partie la contrepartie de quelque chose d'autre, la partie de la somme qui peut raisonnablement être considérée comme étant la contrepartie de cette disposition est réputée être le produit de la disposition de ce bien, quelle que soit la forme ou les effets juridiques du contrat ou de la convention; et la personne qui a acquis le bien à la suite de sa disposition est réputée l'avoir acquis à un prix égal à la même partie de cette somme.
Le juge de première instance a accepté l'avis exprimé par un évaluateur expert cité à l'instruc- tion par l'intimée, qui a conclu qu'au 14 mars 1973, une allocation raisonnable de la valeur totale aurait affecté au terrain seul une valeur de 2 320 000 $, au lieu de 5 100 000 $ selon l'accord conclu par les parties. Se fondant sur cette évalua- tion et sur l'article 68 précité, il a ordonné, pour l'année 1973, l'établissement, sur la base susmen- tionée en l'espèce, de nouvelles cotisations pour l'appelant et ses trois associés du groupe. Ces nouvelles cotisations ont eu comme conséquence, pour les vendeurs, une récupération d'amortisse- ment considérable.
' Les acquéreurs représentaient un groupe formé de N.M. Skalbania Ltd. et d'autres associés. Le juge de première ins tance les a appelés collectivement aSkalbania».
Lors de l'audition du présent appel, la Cour a, de son propre chef, soulevé la question de l'appli- cabilité de l'article 68 de la Loi de l'impôt sur le revenu, précité, aux faits de l'espèce. Il semble évident, et les avocats des deux parties en convien- nent, qu'aux fins de l'instruction de l'action devant la Division de première instance, on a tenu pour acquis que l'article 68 s'appliquait effectivement à l'espèce et aux trois autres affaires connexes, et que la question de l'applicabilité de cet article n'a pas été soulevée dans les procédures devant la Division de première instance. De même, la ques tion n'a pas été soulevée comme motif d'appel dans l'appel formé devant cette Cour, ni y-a-t-il été fait allusion, de quelque façon que ce soit, dans l'ex- posé des points de droit et de fait de l'appelant. Dans ces circonstances, la Cour a entendu les avocats des deux parties sur les motifs d'appel qui avaient été invoqués dans l'exposé de l'appelant, ajournant ensuite l'audition de l'affaire pour per- mettre aux deux avocats de préparer leur argu mentation relativement à l'applicabilité de l'article 68 ces appels.
Deux jours plus tard, la Cour a entendu les plaidoiries sur cet aspect de l'appel. En abordant la question de l'applicabilité de l'article 68 aux faits de ces causes, je crois qu'il est instructif d'exami- ner l'historique de cet article. L'article 68 a pour la première fois été promulgué dans la Loi de l'impôt sur le revenu de 1972.
À cette époque, l'alinéa 20(6)g) 2 de la loi anté- rieure [S.R.C. 1952, chap. 148, mod. par S.C. 1953-54, chap. 57, art. 5], qui était formulé à peu
Z 20....
(6) Pour l'exécution du présent article et des règlements établis selon l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 11, les règles suivantes s'appliquent:
g) lorsqu'un montant peut être raisonnablement considéré comme étant en partie la cause ou considération pour la disposition de biens d'un contribuable, susceptibles de dépré- ciation et appartenant à une catégorie prescrite, et comme étant en partie la cause ou considération pour d'autre chose, la fraction du montant qui peut être raisonnablement consi- dérée comme étant la cause ou considération de cette disposi tion est censée être le produit de la disposition de biens susceptibles de dépréciation appartenant à cette catégorie, indépendamment de la forme ou de l'effet juridique du contrat ou de la convention; et la personne envers qui on a disposé des biens susceptibles de dépréciation est réputée avoir acquis les biens à un coût en capital, pour elle, égal à la même fraction de ce montant; et
près de la même façon, a été abrogé. Il importe de souligner que cet alinéa était l'une des nombreuses dispositions de l'article 20 de la Loi, portant sur la récupération et l'inclusion dans le revenu d'une déduction pour amortissement excédentaire lors de la disposition d'un bien à l'égard de laquelle des déductions pour amortissement avaient été récla- mées. Il n'avait trait à rien d'autre. Des disposi tions semblables à d'autres avec lesquelles il était regroupé se trouvent maintenant, dans un contexte semblable, au paragraphe 13(7).
L'actuel article 68 ne se trouve toutefois pas parmi les dispositions relatives à la récupération des déductions pour amortissement. Il figure main- tenant dans une sous-section différente intitulée «Règles relatives au calcul du revenu», entre une disposition limitant les déductions à ce qui est raisonnable eu égard aux circonstances et des dis positions portant sur des situations des contre- parties de l'acquisition ou de la disposition sont insuffisantes. Dans l'interprétation et l'application de l'article 68, on doit se rappeler que la Loi de 1972 introduisait et imposait pour la première fois un impôt sur les gains en capital. À mon sens, c'est la raison pour laquelle l'article 68 figure dans un groupe de règles générales qui déterminent le domaine dans lequel on s'attend à ce qu'il s'appli- que selon ses termes et sans forcer le sens de l'un quelconque d'entre eux.
Lorsqu'on compare le libellé de l'alinéa 20(6)g) avec celui de l'article 68, on voit qu'alors que l'application de cet alinéa se limitait à la disposi tion de biens amortissables, l'article 68 s'applique à la disposition de tout bien. À mon avis, l'alinéa 20(6)g) s'appliquait à la situation une somme reçue par un contribuable pouvait raisonnablement être considérée comme étant en partie la contre- partie de la disposition de biens amortissables, et comme étant en partie la contrepartie d'autre chose que des biens amortissables. De même, appliquant le même critère, il me semble que cet article 68 ne peut s'appliquer que dans le cas une somme reçue par un contribuable peut raison- nablement être considérée comme étant en partie la contrepartie de la disposition de tout bien et comme étant en partie la contrepartie de quelque chose d'autre que des biens. Le paragraphe 248(1) de la Loi (dans sa version en vigueur à toutes les époques en cause) définit le terme «biens» comme suit:
248. (1) Dans la présente loi, .. .
«biens» signifie des biens de toute nature, meubles ou immeu- bles, corporels ou incorporels et comprend, sans restreindre la portée générale de ce qui précède,
a) un droit de quelque nature qu'il soit, une action ou part, et
b) à moins d'une intention contraire évidente, de l'argent;
En l'espèce, les biens aliénés étaient un terrain avec les immeubles, l'équipement, les chemins et les trottoirs, etc. y situés. Étant donné la très large définition des biens donnée au paragraphe 248(1) susmentionné, il est clair que tout ce qui est aliéné dans la vente en question est inclus dans cette définition. Le contribuable appelant et ses associés ont donc vendu seulement des «biens» au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ils n'ont pas vendu de choses qu'on pourrait décrire comme étant «quel- que chose d'autre» au sens de l'article 68. Comme il a été dit plus haut, je pense que l'expression «quelque chose d'autre» mentionnée à l'article 68 signifie quelque chose d'autre que des «biens». L'article 68 s'appliquant seulement lorsqu'une somme est reçue en partie comme la contrepartie de la disposition de biens et en partie comme la contrepartie de quelque chose d'autre, il s'ensuit qu'il ne s'applique pas aux faits de l'espèce pré- sente. Il en va autrement sous le régime de l'alinéa 20(6)g) de la Loi précédant la Loi de 1972. En vertu de cet alinéa, la condition d'applicabilité était que la contrepartie soit en partie la contre- partie de la disposition de biens amortissables et en partie la contrepartie d'autre chose. D'après les faits de la présente affaire, il semble évident que si l'alinéa 20(6)g) s'était appliqué à l'année d'imposi- tion 1973, il s'appliquerait en l'espèce, puisque la contrepartie en question porte en partie sur des biens amortissables (immeubles, équipement, etc.) et en partie sur autre chose que des biens amortis- sables, savoir le terrain.
Mon avis que l'article 68 ne saurait s'appliquer aux faits de l'espèce se trouve étayé par les motifs prononcés par le juge Estey dans l'affaire Sa Majesté la Reine c. Malloney's Studio Limited 3 . Il dit ceci à la page 332 [Recueil des arrêts de la Cour Suprême] :
La règle s'applique donc au cas le contribuable a disposé de deux genres de biens, soit premièrement d'un bien susceptible de dépréciation et, deuxièmement d'autre chose. Dans un tel cas, la règle permet l'allocation, aux biens susceptibles de
3 [[1979] 2 R.C.S. 326]; [1979] CTC 206, la p. 210.
dépréciation, du montant de la considération totale «qui peut être raisonnablement considéré comme étant en partie la cause ou considération pour la disposition de biens d'un contribuable, susceptibles de dépréciation». La règle n'autorise pas le Minis- tre à dire d'une opération qu'elle peut raisonnablement être considérée comme constituant en partie la vente d'un bien susceptible de dépréciation et en partie la vente d'autre chose. La règle ne s'applique qu'à une deuxième étape, la première étant celle de la convention ou de la détermination valide du double objet de la vente, c.-à-d. la vente d'un bien susceptible de dépréciation et la vente d'autre chose.
Cette affaire traitait de l'alinéa 20(6)g) de la Loi précédant la Loi de 1972. Toutefois, je pense que le même raisonnement s'appliquerait à l'article 68 4 . À mon sens, avant qu'il n'y ait droit de répartir le prix de vente sur une base raisonnable, la condition initiale préalable à l'application de l'article 68 doit être remplie. Autrement dit, la règle relative à la [TRADUCTION] «répartition rai- sonnable» de l'article 68 ne s'applique que dans les cas il y a a) des biens tels qu'ils sont définis par la Loi, et b) quelque chose d'autre que des biens.
Ma conclusion que l'article 68 ne s'applique pas a pour conséquence qu'il n'existe aucun fondement légal pour la fixation d'une somme à inclure dans le calcul du revenu de l'appelant, sous le régime du paragraphe 13 (1) de la Loi, comme le produit de la disposition des biens amortissables, et que la somme qui doit être incluse dans le calcul est la somme pour laquelle les biens amortissables ont été vendus selon les termes du contrat. La nouvelle cotisation doit donc être infirmée. Une telle con clusion suffit à trancher l'appel en faveur de l'ap- pelant. Je conclus toutefois également que le juge de première instance a commis une autre erreur en décidant que la détermination sous le régime de l'article 68 doit être abordée uniquement du point de vue du vendeur. Il s'est appuyé sur la décision de la Cour de l'Échiquier rendue par le juge Dumoulin dans l'affaire Munday v. Minister of National Revenues. À mon avis, cette décision semble aller à l'encontre de plusieurs autres déci- sions de la Cour de l'Échiquier, de la Division de première instance de la Cour fédérale et de la Cour d'appel fédérale. Dans l'affaire Herb Payne Transport Ltd. v. Minister of National Revenue 6 ,
^ Pour un point de vue semblable, voir notes de l'arrêtiste, [1979] CTC aux pp. 3808 3810.
5 (1971), 71 DTC 5321 [C. de l'É.], à la p. 5325.
6 (1963), 63 DTC 1075 [C. de l'É.], à la p. 1079.
le juge Noel (tel était alors son titre), dans une détermination faite sous le régime de l'alinéa 20(6)g), a énoncé les règles suivantes:
[TRADUCTION] Étant donné l'effet réciproque d'une telle conclusion sur l'acquéreur et le vendeur en l'espèce, je suis disposé à accepter, comme l'a proposé l'avocat de l'intimé, que la question devrait être considérée aussi bien du point de vue de l'acquéreur que du point de vue du vendeur.
Il ne fait aucun doute non plus que, si l'acquéreur et le vendeur traitant à distance se sont mis d'accord sur une ventila tion du prix entre plusieurs postes qui semblent raisonnables dans les circonstances, ils doivent être tenus comme exacts par l'autorité fiscale et ils doivent lier les deux parties.
Dans une autre affaire devant la Cour de l'Échi- quier il s'agissait d'une détermination faite sous le régime de l'alinéa 20(6)g), le juge suppléant Ritchie, en établissant cette détermination, a con- sidéré la situation tant du point de vue du vendeur que de l'acheteur'. En 1968, le juge Noel a eu de nouveau à faire une détermination sous l'empire de l'alinéa 20(6)g) dans l'affaire Emco Limited v. Minister of National Revenue'. encore, en'. faisant la détermination nécessaire, il a examiné la preuve quant aux négociations entre les parties et celle relative à l'accord conclu dans chaque opéra- tion. Puis, en 1977, dans l'affaire Moulds c. La Reine', en faisant une détermination sous le régime de l'alinéa 20(6)g), le juge Marceau, de la Division de première instance de la Cour fédérale, a suivi la décision Emco rendue par le juge Noel et a tenu compte des négociations entre les parties et de l'accord intervenu dans cette opération. La Cour d'appel fédérale [[1978] 2 C.F. 528] a rejeté l'appel formé contre le jugement du juge Marceau sans commenter particulièrement le fondement sur' lequel s'était appuyé le juge Marceau pour faire la détermination visée à l'alinéa 20(6)g).
La Cour de l'Échiquier a, dans l'affaire Klon- dike Helicopters Limited v. Minister of National Revenue 10 , rendu une autre décision portant sur cette question. C'est le juge Thurlow (tel était alors son titre) qui rendait le jugement. Il s'agissait également d'une détermination visée à l'alinéa! 20(6)g). À la page 5254 du recueil, le juge Thur - low dit ceci:
7 Minister of National Revenue v. Steen Realty Limited
(1964), 64 DTC 5081 [C. de l'É.].
8 (1968), 68 DTC 5310 [C. de l'É.].
9 [[1977] 2 C.F. 487]; 77 DTC 5094 [1'° inst.], à la p. 5099.
10 (1965), 65 DTC 5253 [C. de
[TRADUCTION] La passation d'un contrat ou d'un accord sous sa forme existante, constitue cependant une des circonstances dont il faut tenir compte dans l'ensemble de l'enquête et si le contrat a pour but de préciser le montant payé pour les biens susceptibles de dépréciation et s'il n'est pas simplement une simulation ou un subterfuge, il est fort possible qu'il ait une influence déterminante.
J'estime cette série de causes concluante quant au critère approprié à utiliser pour faire la détermina- tion requise par l'article 68 ou la disposition prédé- cesseur, l'alinéa 20(6)g). J'estime que la bonne façon d'aborder la détermination prévue à l'article 68 serait, selon la jurisprudence citée ci-dessus, de prendre en considération la question tant du point de vue du vendeur que de l'acheteur et de tenir compte de toutes les circonstances entourant cette opération. Lorsque, comme en l'espèce et ainsi que l'a constaté le juge de première instance, il s'agit d'une opération sans lien de dépendance et non simplement d'une simulation ou d'un subterfuge, la répartition faite par les parties dans l'accord applicable est certainement un fait important dont il faut tenir compte. De plus, en l'espèce, le juge de première instance a conclu expressément (D.A., p. 159) que le prix de 5 100 000 $ que les parties avaient attribué au terrain dans l'accord n'était pas un prix déraisonnable à payer par l'acheteur pour le seul terrain en mars 1973. Par conséquent, me fondant sur cette conclusion précise, sur les autres faits découlant de la preuve, et abordant la question tant du point de vue de l'appelant que de l'acheteur, j'estime que la somme qui peut raison- nablement être considérée comme ayant été payée et reçue pour le terrain à l'exclusion des immeu- bles, etc., était de 5 100 000 $, et pour les immeu- bles, l'équipement, les chemins, les trottoirs, etc., de 750 000 $.
Par ces motifs, j'estime qu'il y a lieu d'accueillir l'appel, d'infirmer la décision de la Division de première instance et de renvoyer la cotisation d'impôt sur le revenu de l'appelant pour l'année 1973 au ministre du Revenu national pour qu'il établisse une nouvelle cotisation en partant du principe que la contrepartie de la disposition, par le groupe Bel Air, le 14 mars 1973, était de 750 000 $.
L'appelant aura droit à ses dépens tant en appel qu'en première instance.
LE JUGE SUPPLÉANT VERCHERE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
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