A-19-82
Procureur général du Canada (requérant)
c.
Teresa Stevenson (intimée)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Le Dain
et juge suppléant Clement -Toronto, 17 janvier;
Ottawa, 7 mars 1983.
Assurance-chômage - Prestations de maternité - Période
normale de prestations établie en faveur de l'intimée le 13
septembre 1979 - Celle-ci a touché des prestations jusqu'à ce
qu'elle commence un nouveau travail le 29 avril 1980 -
Enfant devant naître le 23 mai 1980; né le 25 mai - L'intimée
n'avait pas droit à des prestations pendant la période de huit
semaines qui a précédé la date prévue de son accouchement ni
pendant la période de six semaines qui a suivi la semaine de la
naissance - On peut encore se fonder sur l'analyse du juge
Ritchie dans l'arrêt Bliss - L'expression «fait la preuve de sa
grossesse» employée à l'art. 30(1) signifie qu'une femme
réclame des prestations parce qu'elle est en chômage et
enceinte - Il n'est pas nécessaire qu'elle soit capable de
travailler et disponible à cette fin - Contrairement à l'affaire
Bliss, l'intimée a exercé un emploi ou a touché des prestations
pendant une période de dix semaines, comme le prévoit l'art.
30(1) - La période d'admissibilité prévue à l'art. 30(2)a) et b)
n'est pas nécessairement la même que celle mentionnée à l'art.
46 - La période d'admissibilité commence la semaine de
l'accouchement si une femme travaille jusqu'à la naissance de
son enfant - La période d'admissibilité de l'intimée a com-
mencé huit semaines avant la semaine prévue de son accouche-
ment - Le travail effectué avant la naissance ne prolonge pas
la période d'admissibilité en raison de la limite fixée par l'art.
30(2)b)(ii) - Aucune prestation ne peut être versée pour une
semaine faisant partie de la période d'admissibilité à moins
qu'il ne s'agisse de «l'une des quinze premières semaines pour
lesquelles les prestations sont demandées et payables au cours
de sa période de prestation» - «Sa période de prestation» est
la période définie par les art. 2, 19, 20 - L'art. 30(2)b)(ii)
désigne la même période - L'intimée avait déjà touché des
prestations pendant 15 semaines avant la période d'admissibi-
lité - La décision est infirmée et l'affaire renvoyée au juge-
arbitre - Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-
71-72, chap. 48, art. 2 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art.
26(1),(6)), 16(1)a), 17, 19, (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54,
art. 32), 20 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 33), 25,
30(1) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 38(1)), (2) (mod.
par S.C. 1974-75-76, chap. 66, art. 22 et par S.C. 1976-77,
chap. 54, art. 38(2)), 32 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art.
40), 46 - Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, chap.
44 [S.R.C. 1970, Appendice III, art. 1b)J - Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
L'intimée a travaillé pendant une période de trente-deux
semaines, c'est-à-dire du 6 novembre 1978 au 15 juin 1979,
avant de quitter son emploi. Elle a touché des prestations
d'assurance-chômage jusqu'à l'expiration d'une période de pres-
tations découlant d'un emploi antérieur. Le 13 septembre 1979,
l'intimée a déposé une nouvelle demande et elle a bénéficié
d'une nouvelle période de prestations calculée sur la base de
trente-deux semaines de travail. Sauf pendant une période de
deux semaines au cours de laquelle elle a exercé un emploi,
l'intimée a touché des prestations au cours de cette nouvelle
période jusqu'au 29 avril 1980, date à laquelle elle a commencé
un nouveau travail. L'enfant dont elle devait accoucher le 23
mai 1980 est né le 25 mai. La période de huit semaines
précédant la semaine où l'intimée devait accoucher a donc
commencé le 23 mars 1980. Lorsqu'on a découvert qu'elle avait
touché des prestations pendant plusieurs semaines au cours de
cette période de huit semaines, on lui a fait savoir que «les
prestations de maternité ne sont versées que durant les quinze
premières semaines de la période au cours de laquelle les
prestations sont demandées et payables»; qu'avant le 23 mars,
elle avait déjà touché des prestations pendant une période de
quinze semaines (à la suite de la demande qu'elle avait déposée
le 13 septembre 1979); qu'elle n'avait donc pas droit aux
prestations pour la période de huit semaines commençant le 23
mars et qu'elle devrait rembourser les sommes qu'elle a tou
chées relativement à cette période. Le juge-arbitre a infirmé la
décision du conseil arbitral qui avait décidé que l'intimée
n'avait pas droit aux prestations pour la période commençant
huit semaines avant la date prévue de l'accouchement et se
terminant six semaines après la semaine de la naissance de
l'enfant.
Arrêt: l'intimée n'avait pas droit à des prestations au cours de
cette période («la période déterminée à l'article 46»), et l'affaire
est renvoyée au juge-arbitre pour qu'il statue sur l'appel en
tenant compte de la présente décision. On peut encore se fonder
sur l'analyse faite par le juge Ritchie dans l'affaire Bliss
concernant les conditions d'admissibilité et de non-admissibi-
lité. Il n'est pas nécessaire qu'une femme «qui fait la preuve de
sa grossesse» conformément au paragraphe 30(1)—c'est-à-dire
qui réclame des prestations parce qu'elle est en chômage et
enceinte—soit capable de travailler et disponible à cette fin
pour avoir droit aux prestations. Toutefois, il est encore prévu
qu'en vertu de l'article 46 de la Loi, on ne peut toucher de
prestations en ce qui concerne la période déterminée à cet
article, si ce n'est en conformité de l'article 30. Le présent cas
diffère de celui de l'affaire Bliss dans la mesure où l'intimée en
l'espèce a travaillé ou touché des prestations pendant dix
semaines conformément au paragraphe 30(1). Par conséquent,
contrairement à l'affaire Bliss, le présent cas porte non pas sur
les conditions d'admissibilité prévues au paragraphe 30(1) mais
plutôt sur les dispositions du paragraphe (2) qui déterminent la
période au cours de laquelle les prestations sont payables à un
prestataire admissible. Cette période d'admissibilité n'est pas
nécessairement la même que celle qui est mentionnée à l'article
46. Le commencement et la fin de la période d'admissibilité
sont déterminés, à première vue, par les alinéas 30(2)a) et b)
respectivement. Suivant l'alinéa a), si une femme continue à
travailler jusqu'à la naissance de son enfant, la période d'admis-
sibilité commence la semaine de son accouchement. Cependant,
comme l'intimée en l'espèce ne travaillait pas au début de la
période de huit semaines précédant la semaine où elle devait
accoucher, la règle subsidiaire—c'est-à-dire le sous-alinéa
a)(i)—s'applique de sorte que, toutes choses égales d'ailleurs, la
période d'admissibilité de l'intimée aurait commencé la pre-
mière de ces huit semaines. Il s'ensuit également que la date
prévue au sous-alinéa b)(ii) était antérieure à celle qui est
mentionnée au sous-alinéa b)(i), de sorte que la limite de la
période d'admissibilité serait fixée à quatorze semaines après la
première de ces huit semaines. Par conséquent, le travail effec-
tué par l'intimée dans le cadre de son nouvel emploi peu de
temps avant la naissance de son enfant n'entre pas en ligne de
compte. Il ne lui permettait pas de prolonger sa période d'ad-
missibilité. Le problème le plus important découle cependant
des dernières lignes du paragraphe 30(2) qui indiquent que,
même si une semaine en particulier fait partie de la période
d'admissibilité, on ne peut réclamer de prestations à moins que
cette semaine ne soit «l'une des quinze premières pour lesquelles
les prestations sont demandées et payables au cours de sa
période de prestation.» (Souligné par l'arrêtiste.) On pourrait
prétendre que l'expression «sa période de prestations» désigne la
période d'admissibilité déterminée par les alinéas 30(2)a) et b).
Cependant, l'article 2 et (par renvoi) les articles 19 et 20
définissent, d'une manière générale, la «période de prestations»;
et si on tient compte notamment de l'historique du paragraphe
30(2), on peut conclure que c'est à la période de prestations
définie dans ces dispositions que réfèrent les dernières lignes du
paragraphe 30(2) ainsi que les termes du sous-alinéa
30(2)b)(ii). En l'espèce, «sa période de prestations» désigne
donc la période de prestations qui a débuté le 13 septembre
1979. Lorsque l'intimée est arrivée à l'expiration de la période
de huit semaines précédant la semaine prévue de son accouche-
ment, elle avait déjà touché des prestations pendant quinze
semaines (et plus) de cette période de prestations. Par consé-
quent, aucune des semaines de la période d'admissibilité déter-
minée par les alinéas 30(2)a) et b) n'était l'une des «quinze
premières semaines» de cette période de prestations, ni ne
permettait à l'intimée de toucher des prestations en vertu de
l'article 30.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Bliss c. Le procureur général du Canada, [1979] 1
R.C.S. 183.
DÉCISION CITÉE:
McPherson c. Le procureur général du Canada, [1973]
C.F. 511 (C.A.).
AVOCAT:
Marlene Thomas pour le requérant.
Personne n'a comparu pour le compte de
l'intimée.
PROCUREUR:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: La présente
demande fondée sur l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 ° Supp.), chap. 10]
vise à faire examiner et annuler la décision rendue
en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chô-
mage [S.C. 1970-71-72, chap. 48] par laquelle un
juge-arbitre a accueilli l'appel formé par l'intimée
contre la décision d'un conseil arbitral. Dans sa
décision, le conseil a jugé que l'intimée n'avait pas
droit aux prestations d'assurance-chômage durant
la période qui débute huit semaines avant la
semaine présumée de son accouchement et se ter-
mine six semaines après celle de la naissance de
son enfant.
Après avoir travaillé pendant une période de 32
semaines, c'est-à-dire du 6 novembre 1978 au 15
juin 1979, l'intimée a quitté son emploi, s'est
mariée et a déménagé dans une autre ville pour y
habiter avec son époux. Elle y a cherché un emploi
et, entre temps, elle s'est prévalue d'une période de
prestations antérieure et touché des prestations
jusqu'à l'expiration de cette période. Le 13 septem-
bre 1979, elle a déposé une nouvelle demande en se
fondant sur l'emploi en question et, sauf pendant
une période de deux semaines au cours de laquelle
elle a exercé un emploi, elle a touché des presta-
tions jusqu'au 29 avril 1980, date à laquelle elle a
commencé à travailler pour la section locale du
bureau d'assurance-chômage. L'enfant dont elle
devait accoucher le 23 mai 1980 est né le 25 mai
1980.
Quelques mois auparavant, elle s'était informée
auprès du bureau d'assurance-chômage au sujet
des prestations de maternité après que plusieurs
employeurs éventuels eurent refusé de l'engager en
raison de sa grossesse. Il semble qu'elle ait été mal
informée à ce sujet par le commis à qui elle s'est
adressée. Lorsqu'elle s'est informée de nouveau au
moment où elle a commencé à travailler le 29
avril, on a découvert qu'elle avait touché des pres-
tations pendant plusieurs semaines au cours de la
période de huit semaines qui a précédé la date
prévue de son accouchement. Elle a reçu un avis
lui disant ce qui suit:
[TRADUCTION] ... vous n'avez pas le droit de toucher des
prestations de maternité en vertu du paragraphe 30(2) et de
l'article 46 de la Loi sur l'assurance-chômage, puisque ces
prestations ne sont versées que durant les 15 premières semai-
nes de la période au cours de laquelle les prestations sont
demandées et payables. Étant donné que vous avez touché des
prestations pendant les 15 premières semaines, le paiement de
toute autre prestation est suspendu à compter du 23 mars 1980.
Vous pouvez avoir droit aux prestations normales d'assurance-
chômage après la naissance de votre enfant.
On a également fait savoir à l'intimée qu'elle
devrait rembourser les sommes qu'elle a touchées
pendant les semaines qui ont suivi le 23 mars 1980.
En appel, la décision du fonctionnaire de la
Commission a été confirmée par le conseil arbitral
et subséquemment infirmée par le juge-arbitre
dont la décision fait l'objet de la présente
demande.
Avant de citer les dispositions législatives men-
tionnées par le fonctionnaire de la Commission, et
dont l'interprétation fait l'objet du présent litige, il
sera utile de rappeler le cadre législatif dans lequel
elles se situent. Le droit aux prestations d'assu-
rance-chômage est prévu au paragraphe 17(1) qui
est ainsi rédigé:
17. (1) Les prestations d'assurance-chômage sont payables,
ainsi que le prévoit la présente Partie, à un assuré qui remplit
les conditions requises pour recevoir ces prestations.
Même si les dispositions ont été modifiées depuis
l'affaire Bliss', on peut encore se fonder sur l'ana-
lyse faite par le juge Ritchie dans cette affaire, en
ce qui concerne les conditions requises. Je note,
incidemment, que la présente affaire, selon moi, ne
porte pas sur la même condition exigeant qu'un
emploi assurable soit exercé pendant dix semaines
au cours de la période de vingt semaines comprise
entre la trentième et la cinquantième semaine qui
précèdent la date prévue pour l'accouchement,
condition que l'intimée semble avoir remplie, mais
qu'elle porte plutôt sur le libellé du paragraphe
30(2) qui a été modifié depuis l'affaire Bliss. Ce
libellé sera examiné plus loin.
Voici ce qu'a déclaré le juge Ritchie dans l'af-
faire Bliss [aux pages 186 et 187]:
Les conditions fondamentales à remplir pour recevoir des
prestations sont définies à l'art. 17 de la Loi:
17. (2) Un assuré remplit les conditions requises pour
recevoir des prestations en vertu de la présente loi
a) s'il a exercé un emploi assurable pendant huit semaines
ou plus au cours de sa période de référence, et
b) s'il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son
emploi.
Sur cette assise large se greffent un grand nombre de causes
de non-admissibilité, dont la plus générale est formulée à l'art.
25, de la façon suivante:
' Bliss c. Le procureur général du Canada, [1979] 1 R.C.S.
183.
25. Un prestataire n'est admissible au service des presta-
tions pour aucun jour ouvrable d'une période initiale de
prestations pour lequel il ne peut prouver qu'il était
a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et
incapable d'obtenir un emploi convenable ce jour-là,
b) soit incapable de travailler ce jour-là par suite d'une
maladie, blessure ou mise en quarantaine prévue par les
règlements.
D'autres restrictions sont énumérées à l'al. 16(1)a) qui défi-
nit le mot «inadmissible:
16. (a) «inadmissible» signifie inadmissible en vertu de l'un
ou l'autre des articles 23, 25, 29, 33, 36, 44, 45, 46 ou 54 ou
en vertu d'un règlement;
L'article que vise ce pourvoi est l'art. 46 qu'il faut, à mon
avis, examiner en corrélation avec l'art. 30, pour mieux en
déterminer le sens et le but. Ces deux articles traitent du droit
des femmes à des prestations pendant une période donnée de la
grossesse et après l'accouchement. Il convient de rappeler qu'a-
vant la révision de la Loi en 1971, aucune prestation n'était
payable aux femmes qui n'étaient pas capables de travailler ni
disponibles à cette fin pendant cette période, même si la
grossesse et l'accouchement ne les privaient pas du droit aux
prestations ordinaires tant qu'elles étaient capables de travailler
et disponibles à cette fin aux termes de l'art. 25.
Après avoir cité les articles 30 et 46, le juge a
ajouté ce qui suit [aux pages 188 et 189]:
Ces articles ont inversé la situation antérieure de sorte que les
femmes enceintes qui peuvent remplir les conditions fixées par
le par. 30(1), peuvent recevoir les prestations spéciales prévues
par ce paragraphe pour la période fixée au par. 30(2). Elle
commence huit semaines avant la semaine présumée de l'accou-
chement et se termine six semaines après la semaine de l'accou-
chement. Ces prestations sont payables que la prestataire soit
ou non capable de travailler et disponible à cette fin pendant
cette période.
Toutefois, l'art. 46 prévoit clairement que les prestations
supplémentaires payables à toutes les femmes enceintes aux
termes de l'art. 30 sont assorties d'une restriction correspon-
dante qui exclut une femme enceinte de toutes prestations
payables en vertu de la Loi pendant la période d'au plus 15
semaines qui commence 8 semaines avant la semaine présumée
de l'accouchement et se termine 6 semaines après la semaine de
l'accouchement, si elle ne remplit pas la condition requise au
par. 30(1). Ces deux articles lus ensemble, comme, à mon avis,
ils doivent l'être, montrent bien que la condition principale du
droit aux prestations en cas de «chômage causé par la grossesse»
est la condition fixée par le par. 30(1) et qu'à moins d'avoir
exercé «un emploi assurable pendant les dix semaines» requises,
la prestataire n'a droit à aucune prestation pendant la période
spécifiée à l'art. 46.
Pour l'appelante, «l'arrêt de la rémunération provenant de
son emploi» est survenu quatre jours avant la naissance de son
enfant, ce qui constitue manifestement un cas de «chômage
causé par la grossesse», mais elle ne remplissait pas les condi
tions requises au par. 30(1) lorsqu'elle a demandé les presta-
tions d'assurance-chômage six jours plus tard. C'est pourquoi
on les lui a refusées.
L'appelante soutient cependant qu'elle ne prétend pas aux
prestations de grossesse en vertu de l'art. 30, mais qu'elle était
capable de travailler et disponible à cette fin sans pour autant
réussir à trouver un emploi convenable au moment de sa
demande, de sorte que, n'eût été l'art. 46, elle aurait eu droit
aux prestations ordinaires payables aux autres prestataires
capables de travailler et disponibles à cette fin. Elle prétend
donc que, dans la mesure où cet article lui enlève le droit aux
prestations, il doit être déclaré inopérant car il enfreint l'al. lb)
de la Déclaration canadienne des droits puisqu'il constitue une
discrimination en raison du sexe entraînant la négation du droit
à l'égalité devant la loi à une catégorie particulière d'individus
à laquelle appartient l'appelante.
Le juge Ritchie s'est ensuite penché sur La
Déclaration canadienne des droits [S.R.C. 1970,
Appendice III] et à cet égard, voici ce qu'il a
déclaré [aux pages 190 et 194] :
Comme je l'ai souligné, les art. 30 et 46 constituent un code
complet qui traite exclusivement de la question du droit des
femmes à l'assurance-chômage pendant une période donnée de
la grossesse et après l'accouchement; ces articles font partie
intégrante d'une législation adoptée validement à des fins fédé-
rales et ne visent que des cas dont les hommes sont exclus.
En résumé, je suis d'avis que l'art. 46 fait partie intégrante
d'une législation valide édictée par le Parlement pour exercer sa
compétence législative aux termes de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, et que la restriction du droit aux prestations
imposée par l'article en cause doit être examinée à la lumière
des prestations supplémentaires prévues par l'ensemble de la
législation, et plus particulièrement par l'art. 30.
Lorsque la présente affaire a été introduite, les
paragraphes 30(1) et (2) [mod. par S.C. 1974-
75-76, chap. 66, art. 22; 1976-77, chap. 54, art.
38] et l'article 46 prévoyaient ce qui suit:
30. (1) Nonobstant les articles 25 et 46 mais sous réserve des
autres dispositions du présent article, des prestations sont paya-
bles à une prestataire de la première catégorie qui fait la preuve
de sa grossesse, si elle a exercé un emploi assurable pendant au
moins dix semaines au cours de la période de vingt semaines
immédiatement antérieure à la trentième semaine précédant la
date présumée de son accouchement. Aux fins du présent
article, les semaines pour lesquelles la prestataire de la pre-
mière catégorie a reçu des prestations en vertu de la présente loi
ou toutes semaines, visées dans un règlement, qui sont antérieu-
res de plus de trente semaines à la date présumée de son
accouchement sont censées être des semaines d'emploi
assurable.
(2) Les prestations prévues au présent article sont payables à
une prestataire pour chaque semaine de chômage comprise
dans la période qui, en retenant la première en date des
semaines en question,
a) commence
(i) huit semaines avant la semaine présumée de son accou-
chement, ou
(ii) la semaine de son accouchement
et
b) se termine
(i) dix-sept semaines après celle de l'accouchement, ou
(ii) quatorze semaines après la première semaine où les
prestations sont demandées et payables au cours de toute
période de prestations en vertu du présent article,
si cette semaine de chômage est l'une des quinze premières pour
lesquelles les prestations sont demandées et payables au cours
de sa période de prestations.
46. Sous réserve de l'article 30, une prestataire, en cas de
grossesse, n'est pas admissible au bénéfice des prestations
durant la période qui débute huit semaines avant la semaine
présumée de son accouchement et se termine six semaines après
celle de son accouchement.
D'après les faits en l'espèce, il me semble,
comme je l'ai déjà indiqué, que l'intimée a exercé
un emploi pendant la période requise de 10 semai-
nes au cours de la période de 20 semaines compri
ses entre la trentième et la cinquantième semaine
précédant la date prévue de son accouchement et
elle remplit ainsi les conditions du paragraphe
30(1), de sorte que son cas diffère de celui de
l'affaire Bliss. Mais même si elle se conforme au
paragraphe 30(1), elle n'a droit, au cours de la
période indiquée à l'article 46, qu'aux prestations
qui sont prévues par le paragraphe 30(2).
Il faut noter que la période au cours de laquelle
les prestations sont payables en vertu du paragra-
phe 30(2) n'est pas nécessairement la période men-
tionnée à l'article 46. Une femme qui fait la preuve
de sa grossesse, c'est-à-dire, si j'interprète bien le
paragraphe 30(1), qui réclame des prestations
parce qu'elle est en chômage et enceinte, a droit à
des prestations, nonobstant le fait qu'elle n'est pas
capable de travailler et disponible à cette fin, pour
chaque semaine de chômage comprise dans la
période qui commence (1) huit semaines avant la
semaine présumée de son accouchement ou (2) la
semaine de son accouchement, en retenant la pre-
mière en date des semaines en question. Si une
femme continue à travailler jusqu'à la naissance de
son enfant, la période commence alors la semaine
de son accouchement. Étant donné que l'intimée
ne travaillait pas au moment où la période de huit
semaines a commencé, la huitième semaine est
donc, dans son cas, la première semaine pendant
laquelle elle aurait peut-être pu toucher des presta-
tions en vertu de l'article 30. Cela permet égale-
ment, me semble-t-il, de limiter l'application de
l'alinéa b), dans son cas, à la période mentionnée
au sous-alinéa b)(ii), c'est-à-dire, quatorze semai-
nes après la huitième semaine mentionnée à l'ali-
néa a), ce qui fait un total de quinze semaines.
Si elle avait exercé un emploi au commencement
de la huitième semaine, elle aurait peut-être pu
remplir les conditions du sous-alinéa b)(i) et avoir
droit aux prestations prévues à l'article 30 pendant
plus longtemps que les six semaines qui ont suivi la
semaine de la naissance de son enfant, puisqu'elle
a effectivement travaillé pendant une brève
période, peu de temps avant la naissance de son
enfant. Mais selon moi, l'article 30 examiné en
corrélation avec l'article 46 fait en sorte que cet
emploi exercé au cours de la période mentionnée à
l'article 46 n'a aucune incidence sur sa demande
de prestations pour cette période.
La difficulté que présente la demande de presta-
tions pour les huit semaines qui ont précédé la date
prévue de son accouchement et les six semaines qui
ont suivi la semaine de la naissance de son enfant
découle non pas du libellé des alinéas 30(2)a) et b)
mais des termes qui font suite à l'alinéa 30(2)b),
c'est-à-dire:
... si cette semaine de chômage est l'une des quinze premières
pour lesquelles les prestations sont demandées et payables au
cours de sa période de prestations.
Le problème consiste en particulier à déterminer
ce que signifie «sa période de prestations» dans
cette partie du paragraphe.
L'article 2 de la Loi [mod. par S.C. 1976-77,
chap. 54, par. 26(1)] définit l'expression «période
de prestations» comme la période visée aux articles
19 et 20. L'article 19 [mod. par S.C. 1976-77,
chap. 54, art. 32] et les parties de l'article 20
[mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 33] qui
nous intéressent prévoient ce qui suit:
Période de prestations
19. Lorsqu'un assuré, qui remplit les conditions requises aux
termes de l'article 17, formule une demande initiale de presta-
tions, on doit établir à son profit une période de prestations et
des prestations lui sont dès lors payables, en conformité de la
présente Partie, pour chaque semaine de chômage comprise
dans la période de prestations.
20. (I) Une période de prestations débute le dimanche
a) de la semaine au cours de laquelle survient l'arrêt de
rémunération, ou
b) de la semaine au cours de laquelle est formulée la
demande initiale de prestations si elle est postérieure à celle
de l'arrêt de rémunération.
(2) Sous réserve des paragraphes (7) à (9) et des articles 37 à
39, la durée d'une période de prestations est de cinquante-deux
semaines.
(3) Il n'est pas établi une période de prestations au profit du
prestataire si une période de prestations antérieure n'a pas pris
fin.
(6) Une période de prestations prend fin à la première des
dates suivantes:
a) la date à laquelle le prestataire n'a plus droit à des
prestations au cours de sa période de prestations;
b) la date à laquelle la période se trouverait autrement
terminée en vertu du présent article;
c) le prestataire a reçu cinquante semaines de prestations au
cours de sa période de prestations; ou
d) la date à laquelle le prestataire
(i) demande de mettre fin à une période de prestations
établie à son profit,
(ii) formule une nouvelle demande initiale de prestations,
et
(iii) remplit les conditions qui lui donnent droit aux presta-
tions prévues par la présente loi.
Ces dispositions déterminent sans aucun doute
la période de prestations au cours de laquelle
l'intimée a touché des prestations avant le 23 mars
1980, et si c'est là le sens des mots «sa période de
prestations» à la fin du paragraphe 30(2), il est
manifeste qu'étant donné que la période de presta-
tions de l'intimée remontait au 13 septembre 1979
et que cette dernière a touché des prestations
pendant plus de quinze semaines au cours de cette
période, aucune des huit semaines qui ont précédé
la semaine où elle devait accoucher n'a été l'une
des quinze premières pour lesquelles les prestations
sont demandées et payables au cours de «sa
période de prestations». La question de savoir si
l'expression «sa période de prestations» utilisée au
paragraphe 30(2) vise sa «période de prestations»
définie à l'article 2 est cependant obscurcie en
raison de la présence, au sous-alinéa 30(2)b)(ii),
de l'expression «toute période de prestations en
vertu du présent article».
À première vue, on peut penser qu'il existe une
période de prestations spéciale en vertu de l'article
30 et que l'expression «sa période de prestations»
apparaissant à la fin du paragraphe 30(2) désigne
la même période, c'est-à-dire la période qu'on doit
déterminer en applicant les alinéas a) et b) du
paragraphe à chaque cas particulier, de façon à ce
qu'une femme puisse se prévaloir de l'article 30
pour cette période, nonobstant l'article 46 et
nonobstant le fait qu'elle ne peut se conformer à
l'article 25 en prouvant qu'elle était capable de
travailler et disponible à cette fin.
Je ne crois pas cependant que l'on puisse adopter
cette interprétation.
On peut d'abord faire remarquer que si cette
interprétation devait être adoptée, il semblerait
que la modification apportée au paragraphe 30(2)
dans S.C. 1976-1977, chap. 54, par. 38(2), produit
un changement marqué et, me semble-t-il, peu
probable en ce qui concerne l'effet antérieur du
paragraphe. Le paragraphe adopté en 1971 dans la
Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-
71-72, chap. 48, et modifié par S.C. 1974-75-76,
chap. 66, art. 22, indiquait clairement qu'il s'agis-
sait de la période [initiale] de prestations définie à
l'article 2.
Le paragraphe 30(2) de la Loi de 1971 était
ainsi rédigé:
30....
(2) Les prestations prévues au présent article sont payables à
une prestataire pour chaque semaine de chômage comprise
dans la plus brève des périodes suivantes:
a) la période de quinze semaines qui débute huit semaines
avant la semaine présumée de l'accouchement, ou
b) la période qui débute huit semaines avant la semaine
présumée de l'accouchement et qui prend fin six semaines
après la semaine de l'accouchement,
si cette semaine tombe dans la période initiale de prestations
établie pour la prestataire en application de l'article 20, à
l'exclusion de tout complément établi en vertu de l'article 32.
Le paragraphe 30(2) a été abrogé par la loi de
1974-75-76 et remplacé par la disposition suivante:
30....
(2) Les prestations prévues au présent article sont payables à
une prestataire pour chaque semaine de chômage comprise
dans la période qui, en retenant la première en date des
semaines en question,
a) commence
(i) huit semaines avant la semaine présumée de son accou-
chement, ou
(ii) la semaine de son accouchement
et
b) se termine
(i) dix-sept semaines après celle de l'accouchement, ou
(ii) quatorze semaines après la première semaine où les
prestations sont demandées et payables en vertu du présent
article,
si cette semaine de chômage tombe dans la période initiale de
prestations établie pour la prestataire en application de l'article
20, à l'exclusion de tout complément établi en vertu de
l'article 32.
Il semble que ces dispositions visaient à faire en
sorte qu'une femme ne puisse recevoir les presta-
tions prévues à l'article 30 pendant plus de quinze
semaines au cours de sa période de grossesse et
pendant la période de six semaines suivant la
semaine de la naissance de son enfant.
Les termes «période initiale de prestations éta-
blie pour la prestataire en application de l'article
20, à l'exclusion de tout complément établi en
vertu de l'article 32» permettaient d'identifier la
«période initiale de prestations» qui était définie et
prévue à cette époque [par l'al. 2(1)(j) des S.C.
1970-71-72, chap. 48], par opposition au complé-
ment de la période de prestations qui était prévu à
l'article 32. Cette période a été abolie dans les
modifications apportées dans S.C. 1976-77, chap.
54 [art. 40]. L'expression «période initiale de pres-
tations» a également été éliminée par [le par. 26(6)
de] ces modifications et la définition de la «période
de prestations» dont il a déjà été fait mention est
apparue [dans le par. 26(1)].
Même si l'actuel paragraphe 30(2) ne fait
aucune mention de l'article 20, il peut être inter-
prété comme se référant à la période de prestations
définie à l'article 2 et il me semble que cette
interprétation est plus conforme à la Loi et qu'il
est préférable d'y avoir recours plutôt que d'inter-
préter l'article 30 comme établissant une «période
de prestations» différente de celle qui est définie
aux articles 2, 19 et 20.
Il me semble également que l'ordre des mots du
sous-alinéa 30(2)b)(ii) est quelque peu entortillé.
Ce sous-alinéa ne peut et, à mon avis, ne doit pas
être interprété comme se référant à une «période
de prestations» prévue par l'article 30 mais plutôt:
... quatorze semaines après la première semaine où les presta-
tions sont demandées et payables en vertu du présent article [au
cours de toute période de prestations.]
Je dis cela parce que l'expression «toute période
de prestations» utilisée au sous-alinéa alors que,
me semble-t-il, il ne pourrait y avoir qu'une seule
période de prestations prévue par le paragraphe
30(2) pour ce cas particulier, indique qu'il s'agit
non pas d'une «période de prestations» définie par
ce paragraphe, mais d'une période de prestations
définie à l'article 2.
Je conclus donc, avec une certaine réticence
parce qu'il me semble en découler que l'intimée
perdra son droit aux prestations, tout comme la
requérante dans l'affaire McPherson 2 , juste au
moment où on semble en avoir le plus besoin, que
les termes «sa période de prestations» apparaissant
à la fin du paragraphe 30(2) désignent la période
de prestations de l'intimée qui a commencé le 13
septembre 1979 et que par conséquent, elle n'avait
pas droit aux prestations pour la période en
question.
J'annulerais la décision et je renverrais la ques
tion au juge-arbitre pour qu'il statue sur l'appel de
l'intimée, étant entendu que celle-ci n'avait pas
droit aux prestations d'assurance-chômage au
cours de la période qui a commencé le 23 mars
1980 et qui s'est terminée six semaines après la
semaine de la naissance de son enfant.
LE JUGE LE DAIN: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE SUPPLÉANT CLEMENT: Je souscris à
ces motifs.
2 McPherson c. Le procureur général du Canada, [1973]
C.F. 511 (C.A.).
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