A-970-82
Phyllis Anderson (requérante)
c.
Procureur général du Canada et Commission de
l'emploi et de l'immigration du Canada (intimés)
Cour d'appel, juges Heald, Urie et Le Dain—
Toronto, 14 et 16 mars 1983.
Assurance-chômage — Enseignante incapable de travailler
pour cause de maladie, réclamant des prestations pour une
«période de congé» — Il s'agit de savoir si l'art. 46.1 du
Règlement qui prévoit les cas d'inadmissibilité est valide — La
décision de la Cour d'appel qui a déclaré l'ancien Règlement
ultra vires s'applique au Règlement actuel parce qu'il s'agit
essentiellement de la même disposition — Demande de con-
trôle judiciaire accueillie — Loi de 1971 sur l'assurance-chô-
mage, S.C. 1970-71-72, chap. 48, art. 58h)(i) — Règlement
sur l'assurance-chômage, C.R.C., chap. 1576, art. 46.1 (ajouté
par DORS/80-536) — Règlements sur l'assurance-chômage,
DORS/55- 392, art. 158 (abrogé et remplacé par DORS/73-
352) — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2» Supp.), chap.
10, art. 28.
En raison d'une maladie, la requérante, une enseignante liée
par un contrat de travail, a été incapable de travailler pendant
les quatre derniers mois de l'année scolaire. Elle était admissi
ble aux prestations d'assurance-chômage en ce qui concerne la
dernière partie de cette période, mais sa demande de presta-
tions pour les mois de juillet et août a été rejetée en raison du
paragraphe 46.1(3) du Règlement sur l'assurance-chômage.
La requérante a obtenu un congé sans traitement du 22 juin au
31 août. Son contrat n'a pas été résilié et elle devait reprendre
son travail le 1°" septembre. Un juge-arbitre nommé en vertu de
la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage a accueilli l'appel de la
Commission intimée d'une décision unanime d'un conseil arbi-
tral portant que la requérante avait droit aux prestations
d'assurance-chômage pendant la période de congé.
Arrêt: la demande fondée sur l'article 28 est accueillie. Dans
l'affaire Petts et autre c. Le juge-arbitre (l'assurance-chô-
mage), [1974] 2 C.F. 225, la Cour d'appel a jugé que l'article
158 des anciens Règlements excède les pouvoirs de réglementa-
tion conférés à la Commission par l'alinéa 58h) de la Loi. On a
adopté l'article 46.1 pour corriger ce vice de fond indiqué dans
l'affaire Petts. Les modifications apportées aux termes de
l'article sont cependant superficielles et il n'y a pas de diffé-
rence essentielle entre les deux dispositions. L'article 46.1 est
donc également ultra vires pour les motifs énoncés dans l'af-
faire Petts. L'interdiction de verser des prestations pendant une
période donnée est tout à fait différente «des modalités supplé-
mentaires en matière de service et de bénéfice des prestations»
et «restreignant le montant ou la période de service des presta-
tions», tel que prévu au sous-alinéa 58h)(i).
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Petts et autre c. Le juge-arbitre (l'assurance-chômage),
[1974] 2 C.F. 225 (C.A.).
AVOCATS:
Maurice A. Green pour la requérante.
Lois Lehmann pour les intimés.
PROCUREURS:
Golden, Green & Starkman, Toronto, pour la
requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: La présente demande fondée
sur l'article 28 vise à faire examiner et annuler une
décision rendue par un juge-arbitre sous le régime
de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage [S.C.
1970-71-72, chap. 48], décision qui a accueilli
l'appel de la Commission intimée d'une décision
unanime d'un conseil arbitral portant que la requé-
rante avait droit aux prestations d'assurance-chô-
mage entre le 28 juin et le 29 août 1981. Les faits
pertinents sont admis. À toutes les époques en
cause, la prestataire travaillait, à titre d'ensei-
gnante, au service du London Ontario Board of
Education et ce, jusqu'au 6 mars 1981. Souffrant
de la maladie de Crohn, elle a été admise à
l'hôpital le 9 mars 1981 pour y suivre des traite-
ments et être opérée, et elle y est demeurée pen
dant six semaines. En vertu de son contrat, elle a
été rémunérée jusqu'au 20 mars 1981, ce qui
incluait un congé de maladie payé. Elle a ensuite
touché des prestations en vertu d'un régime d'assu-
rance-salaire et ce, jusqu'au 22 juin. Le 3 juin, elle
a présenté une demande de prestations d'assu-
rance-chômage. Sa demande a été accueillie et on
a jugé qu'elle avait droit de toucher des prestations
de maladie pour la période du 14 au 27 juin
inclusivement. Sa demande de prestations pour les
mois de juillet et d'août a cependant été rejetée en
vertu du paragraphe 46.1(3) du Règlement sur
l'assurance-chômage [C.R.C., chap. 1576, ajouté
par DORS/80-536]. La prestataire a obtenu un
congé sans traitement du 22 juin au 31 août
inclusivement. Son contrat n'a pas été résilié et elle
devait reprendre son travail le ler septembre.
Il est admis que si le paragraphe 46.1(3), qui est
entré en vigueur le 11 juillet 1980, est valide, la
requérante en l'espèce n'avait pas le droit de tou-
cher des prestations au cours de la période de
congé, c'est-à-dire du 28 juin au 31 août inclusive-
ment. La validité de l'article 46.1 du Règlement
est donc la seule question en litige dans la présente
demande.
L'article 46.1 est ainsi rédigé:
46.1 (1) Dans le présent article,
«enseignemenb désigne la profession d'enseignement dans une
école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y
compris une école de formation technique ou professionnelle;
«période de congé. désigne la période dont la Commission a
constaté l'existence selon le paragraphe (2).
(2) La Commission a constaté qu'il existe chaque année dans
l'enseignement une période durant laquelle, d'après l'usage ou
les contrats de travail pertinents, aucun travail n'est exécuté.
(3) En plus de remplir les exigences de la Partie 11 de la Loi,
le prestataire employé dans l'enseignement durant une fraction
quelconque de sa période de référence doit, pour être admissible
à des prestations pour toute semaine de chômage qui tombe
dans sa période de congé, satisfaire à une ou plusieurs des
modalités suivantes:
a) son contrat de travail dans l'enseignement était terminé au
commencement de la période de congé;
b) il était employé dans l'enseignement à titre d'enseignant
occasionnel ou suppléant seulement; ou
c) il remplit les conditions requises pour recevoir des presta-
tions en raison d'un emploi dans une autre profession que
l'enseignement.
(4) Le prestataire visé au paragraphe (3) à qui une presta-
tion est payable et qui ne satisfait qu'à la modalité établie à
l'alinéa (3)c) n'est admissible à des prestations pour une
semaine de chômage qui tombe dans sa période de congé
qu'aux taux des prestations hebdomadaires qui lui seraient
servies sans égard à son emploi dans l'enseignement.
(5) Nonobstant le paragraphe (3), un prestataire qui remplit
les exigences du paragraphe 30(1) de la Loi est admissible,
pendant sa période de congé, à des prestations payables en
vertu de l'article 30 de la Loi.
Il est également admis que le pouvoir d'établir le
règlement en question, si un tel pouvoir existe, est
conféré par le sous-alinéa 58h)(i) de la Loi qui est
ainsi conçu:
58. La Commission peut, avec l'approbation du gouverneur
en conseil, établir des règlements
h) imposant des modalités supplémentaires en matière de
service et de bénéfice des prestations et restreignant le mon-
tant ou la période de service des prestations, pour les
personnes
(i) qui travaillent ou ont travaillé pendant une fraction
quelconque d'une année dans le cadre d'une industrie ou
d'une occupation au sujet de laquelle la Commission cons-
tate qu'il y a chaque année, d'après un usage ou un contrat
de travail pertinent, une période durant laquelle aucun
travail n'est exécuté, ou
Le juge-arbitre a fait remarquer que dans l'af-
faire Petts et autre c. Le juge-arbitre (l'assu-
rance-chômage)', la présente Cour a déclaré ultra
vires l'article 158 des Règlements [DORS/55-392,
abrogé et remplacé par DORS/73-352] qui est
devenu l'article 46.1 du Règlement. Il a ajouté (à
bon droit, à mon avis) que le paragraphe 158(2)
des anciens Règlements avait une portée identique
à celle des paragraphes 46.1(2) et (3) précités 2 . En
déclarant ultra vires l'article 158 des Règlements,
voici ce que le juge en chef Jackett a affirmé au
nom de la Cour à la page 234 [Recueil des arrêts
de la Cour fédérale]:
L'article 158 du Règlement interdit le paiement de presta-
tions pour toute semaine de chômage qui tombe dans une
«période de congé». On n'a pas prétendu que cette interdiction
relève du pouvoir d'établir des règlements «imposant des moda-
lités supplémentaires en matière de service et de bénéfice de
prestations»; (A la fin de l'argumentation présentée au nom de
l'intimé, on a permis à l'avocat en second de l'intimé de déposer
un mémoire sur le plan d'ensemble de la Loi. Par la suite,
l'avocat principal a déposé un mémoire aux termes duquel il
présentait de nouveaux arguments et modifiait sa position à ce
sujet.) et, sans me compromettre, il ne me semble pas qu'une
interdiction de paiement pour une période donnée puisse s'insé-
rer dans le concept de «modalités supplémentaires» pour le
paiement de prestations dans le contexte de ce plan statutaire
particulier. J'ai tout autant de difficulté à concevoir cette
interdiction comme un règlement «restreignant le montant ou la
période de service de prestations». Elle ne restreint pas le
nombre maximum de semaines de prestations (article 22), elle
ne restreint pas la durée d'aucune des périodes de prestations.
Elle ne réduit pas les montants qui sont payables hebdomadai-
rement. D'autre part, la Loi interdit le paiement de prestations
durant certaines périodes qui font partie des périodes de presta-
[[1974] 2 C.F. 225]; 53 DLR (3d) 126 [C.A.].
2 Le paragraphe 158(2) des Règlements prévoit ce qui suit:
158. ...
(2) La Commission ayant déterminé qu'il existe, par cou-
tume ou conformément aux contrats de travail pertinents,
une période annuelle, appelée ci-après «période de congé», au
cours de laquelle aucun enseignement n'est dispensé, le pres-
tataire employé dans l'enseignement pendant une partie quel-
conque de sa période de référence ne recevra aucune presta-
tion pour toute semaine de chômage qui tombe dans une
période de congé à l'école où il est employé ou a exercé son
dernier emploi, à moins que ne soit remplie l'une des condi
tions suivantes:
a) son contrat de travail avec l'école ou l'établissement où
il était employé ou a exercé son dernier emploi a pris fin
quatre semaines ou plus avant le commencement de la
période de congé à l'école;
b) il était employé dans l'enseignement à titre d'enseignant
occasionnel ou suppléant seulement; ou
c) il remplit les conditions requises pour recevoir des
prestations pour avoir exercé un emploi dans une autre
profession que l'enseignement.
tions, voir par exemple les articles 25 et 44(1), et l'article 58h)
n'autorise pas expressément des interdictions supplémentaires
de ce genre. Je conclus, par conséquent, que l'article 158 du
Règlement ne constitue pas un exercice valide des pouvoirs
conférés par l'article 58h) de la Loi.
À mon avis, la raison pour laquelle le paragra-
phe 158(2) des Règlements a été déclaré nul dans
l'affaire Petts s'applique à l'article 46.1 du Règle-
ment. Ce règlement a encore pour effet d'interdire
le paiement de prestations pour toute semaine de
chômage qui tombe dans une «période de congé».
Les termes de l'article ont été quelque peu modi-
fiés mais ces changements sont superficiels et ne
peuvent corriger le vice de fond indiqué dans l'af-
faire Petts. L'interdiction de verser des prestations
pendant une période donnée est tout à fait diffé-
rente «des modalités supplémentaires en matière de
service et de bénéfice des prestations» et «des
modalités supplémentaires ... restreignant le mon-
tant ou la période de service des prestations», tel
que prévu au sous-alinéa 58h)(i) précité.
En confirmant la validité de l'article 46.1 du
Règlement, le juge-arbitre a comparé le paragra-
phe 158(2) des Règlements avec l'article 46.1 du
Règlement et il a fait l'observation suivante:
Bref, le nouveau règlement prévoit que le prestataire doit
remplir l'une des trois conditions pour avoir droit aux presta-
tions pendant la période de congé, alors que l'ancien règlement
disait que le prestataire ne pouvait pas toucher de prestations à
moins de remplir l'une des conditions.
Je ne peux vraiment voir aucune différence
essentielle entre les deux articles ni dans l'explica-
tion que le juge-arbitre en donne. Selon moi, le
juge-arbitre décrit tout simplement deux façons
différentes d'énoncer la même interdiction.
J'ai donc conclu que l'article 46.1 du Règlement
outrepasse le pouvoir de réglementation conféré à
la Commission par le sous-alinéa 58h)(i) de la Loi,
pour les motifs énoncés par cette Cour dans l'af-
faire Petts précitée.
Par conséquent, je suis d'avis que la demande
fondée sur l'article 28 devrait être accueillie, la
décision du juge-arbitre annulée et l'affaire ren-
voyée au juge-arbitre pour fins de nouvel examen,
étant entendu que l'article 46.1 du Règlement est
nul et inopérant.
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE LE DAIN: Je souscris à ces motifs.
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