A-699-82
William H. Gibson (appelant) (demandeur)
c.
La Reine (intimée) (défenderesse)
Cour d'appel, juges Heald et Le Dain, juge sup
pléant Clement—Toronto, 2 et 7 mars 1983.
Expropriation — Indemnisation — Intérêt de pénalité —
Aux fins de déterminer le droit à l'intérêt de pénalité prévu à
l'art. 33(3) de la Loi, le terme «indemnité» désigne le montant
final adjugé par le juge de première instance, les coûts de
réinstallation n'étant pas exclus — Appel accueilli — Loi sur
l'expropriation, S.R.C. 1970 (1e' Supp.), chap. 16, art. 14,
23(1)a), 24, 25, 26, 27 et 33.
Appel est interjeté de la partie d'un jugement non publié de
la Division de première instance déclarant que l'appelant
n'avait pas droit à l'intérêt de pénalité prévu au paragraphe
33(3) de la Loi sur l'expropriation. Le juge de première
instance avait suivi sa propre décision rendue dans l'affaire
Leach et autre c. La Reine, [1982] 2 C.F. 258 (lfa inst.), et il
avait décidé que l'indemnité dont il est fait mention à l'alinéa
33(3)b) ne comprend que la valeur du droit exproprié sous le
régime des paragraphes 24(2) et (3) et n'a rien à voir avec les
coûts de réinstallation dont il est question au paragraphe 24(6).
Arrêt: l'appel est accueilli. L'indemnité prévue à l'article 33
désigne clairement la valeur totale du droit exproprié, y com-
pris les coûts de réinstallation. Les paragraphes 24(2) (9)
établissent un corps de règles d'une grande portée qui, consi-
déré comme un tout, donne, dans le calcul final, la valeur totale
du droit exproprié. La valeur marchande et la valeur d'équiva-
lence ne sont que des éléments de l'indemnité prévue à
l'article 33.
JURISPRUDENCE
DÉCISION INFIRMÉE:
Leach et autre c. La Reine, [1982] 2 C.F. 258; 24 L.R.C.
1 (l' inst).
AVOCATS:
R. L. K. Smith, c.r., pour l'appelant
(demandeur).
T. Dunne pour l'intimée (défenderesse).
PROCUREURS:
Blaney, Pasternak, Smela & Watson,
Toronto, pour l'appelant (demandeur).
McTaggart, Stone, Winters & Herridge,
Toronto, pour l'intimée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Appel est formé contre un
jugement de la Division de première instance [non
publié, T-1830-74, jugement en date du 15 juin
1982], mais il porte uniquement sur l'alinéa c) du
jugement portant que l'appelant demandeur
n'avait pas droit à l'intérêt de pénalité prévu au
paragraphe 33(3) de la Loi sur l'expropriation
(S.R.C. 1970 (1" Supp.), chap. 16).
L'instruction de cette action repose sur un
exposé conjoint des faits établissant que l'intimée
avait exproprié l'appelant de quelque 10 acres dans
la région ontarienne de Pickering où étaient situées
la résidence de l'appelant et d'autres dépendances.
La date d'expropriation est le 30 janvier 1973. Par
offre en date du 24 avril 1973, invoquant l'article
14 de la Loi, l'intimée a offert une indemnité de
55 060 $ pour les droits qu'avait l'appelant sur ces
biens-fonds. Cette offre a été acceptée le 29 mai
1973, et le versement de cette somme a été effec-
tué le 14 juin 1973. Par offre en date du 16 août
1973, également, semble-t-il, sous l'empire de l'ar-
ticle 14, l'intimée a fait une offre supplémentaire
de 8 280 $, laquelle offre a été acceptée le 22 août
1973 et le paiement fait le 31 août 1973. Par offre
en date du 10 mai 1974, toujours, paraît-il, en
vertu de l'article 14, l'intimée a fait une autre offre
supplémentaire de 1 669 $; l'acceptation de cette
offre a eu lieu le 4 juin 1974, et le versement le 20
juin 1974. Ainsi, au 20 juin 1974, l'appelant avait
reçu de l'intimée une somme totale de 65 009 $.
C'est la somme totale versée à l'appelant antérieu-
rement à l'introduction de cette action.
Il est constant que le 30 mai 1975 est la date à
laquelle la Couronne a eu le droit de prendre
matériellement possession du bien-fonds en ques
tion, au sens du paragraphe 24(6) de la Loi sur
l'expropriation. Il est en outre reconnu que l'inti-
mée n'a fait, en vertu de l'article 14, aucune autre
offre, à l'exception des offres susmentionnées faites
le 24 avril 1973, le 16 août 1973 et le 10 mai 1974.
Dans le jugement de première instance, il est
décidé, entre autres:
a) que la valeur totale, au 30 janvier 1973, du droit
exproprié de l'appelant sur le bien-fonds en ques
tion, déterminée sous le régime de l'alinéa 24(3)b)
de la Loi, était de 58 000 $;
b) qu'au 31 mai 1975, les frais 'que devrait engager
l'appelant pour se réinstaller dans des lieux raison-
nablement équivalant aux lieux en question, selon
la détermination prévue au paragraphe 24(6) de la
Loi, étaient de 90 000 $;
c) que l'appelant n'avait pas droit à l'intérêt de
pénalité prévu au paragraphe 33(3) de la Loi;
d) que l'appelant avait droit à la somme de
90 000 $ plus l'intérêt au taux de base prévu à
l'alinéa 33(3)a) de la Loi, après déduction des
sommes déjà versées.
Les motifs invoqués par le juge de première
instance pour refuser d'accorder l'intérêt prévu à
l'alinéa 33(3)b) de la Loi sont ainsi rédigés:
[TRADUCTION] Je rejette cette réclamation parce que le
montant total offert et versé au demandeur, qui s'élève à
65 009 $, dépasse la valeur marchande au 30 janvier 1973
déterminée par l'expert du demandeur ou celui de la défende-
resse. Même si l'on ne prend en considération que la première
offre de 55 000 $, elle est encore supérieure à 90 % de la valeur
marchande. Cet article n'a rien à voir avec le paiement visé au
paragraphe 24(6) de la Loi.
Les parties applicables de l'article 33 sont ainsi
conçues:
33. (1) Au présent article
«date de la possession» désigne le jour où la Couronne a obtenu
le droit de prendre matériellement possession ou de faire
usage de l'immeuble visé par l'avis de confirmation;
«date de l'offre» désigne le jour où une offre a été acceptée;
«indemnité» désigne le montant de l'indemnité allouée par le
tribunal, en vertu de la présente Partie, pour un droit
exproprié;
«offre» désigne une offre faite en vertu de l'article 14;
«taux de base» désigne un taux, déterminé de la manière
prescrite par un décret rendu, à l'occasion, par le gouverneur
en conseil aux fins du présent article; il n'est pas inférieur au
rendement moyen des bons du Trésor du gouvernement du
Canada, déterminé de la manière prescrite par ce décret.
(2) Un intérêt est payable par la Couronne, au taux de base,
sur l'indemnité, depuis la date de la possession jusqu'à la date
du prononcé du jugement, sauf lorsqu'une offre a été acceptée.
(3) Lorsqu'une offre a été acceptée, un intérêt est payable
par la Couronne depuis la date de l'offre jusqu'à la date du
prononcé du jugement,
a) au taux de base, sur le montant par lequel l'indemnité
dépasse le montant de l'offre, et, par surcroît,
b) au taux de cinq pour cent l'an sur l'indemnité, si le
montant de l'offre est inférieur à quatre-vingt-dix pour cent
de l'indemnité;
et, lorsqu'une offre a été acceptée après la date de la possession,
l'intérêt est payable sur l'indemnité, au taux de base, depuis la
date de la possession jusqu'à la date de l'offre.
L'article 24 est également pertinent pour le règle-
ment du point litigieux. Il porte ce qui suit:
24. (1) Les règles qu'énonce le présent article doivent s'appli-
quer à la détermination de la valeur d'un droit exproprié.
(2) Sous réserve du présent article, la valeur d'un droit
exproprié est la valeur marchande de ce droit, c'est-à-dire le
montant qui aurait été payé pour ce droit si, à la date de la
prise de possession, il avait été vendu sur le marché libre par un
vendeur consentant à un acheteur consentant.
(3) Lorsque le titulaire d'un droit exproprié occupait l'im-
meuble à la date d'enregistrement de l'avis de confirmation et,
qu'à la suite de l'expropriation, il lui a fallu renoncer à l'occu-
pation de l'immeuble, la valeur du droit exproprié est le plus
élevé des deux montants suivants:
a) la valeur marchande de ce droit, déterminée de la manière
indiquée au paragraphe (2), ou
b) l'ensemble
(i) de la valeur marchande de ce droit déterminée d'après
l'usage qu'on en faisait à la date de la prise de possession,
considéré comme s'il était le plus rémunérateur et le plus
rationnel, et
(ii) des frais, dépenses et pertes attribuables ou connexes
au trouble de jouissance éprouvé par le titulaire, y compris
son déménagement dans d'autres lieux, mais s'il n'est pas
possible de les évaluer ou de les déterminer en pratique, on
peut les remplacer par un pourcentage n'excédant pas
quinze pour cent de la valeur marchande déterminée
comme l'indique le sous-alinéa (i),
plus la valeur, pour le titulaire, de tout facteur représentant
pour lui un avantage économique particulier attribuable ou
connexe à son occupation de l'immeuble, dans la mesure où
le présent alinéa ne prévoit pas par ailleurs l'inclusion de ce
facteur dans la détermination de la valeur du droit exproprié;
et dans tout cas où la Couronne a matériellement pris posses
sion ou fait usage de l'immeuble à l'expiration d'un délai de
préavis au titulaire qui est plus court que le préavis de quatre-
vingt-dix jours mentionné à l'alinéa 17(1)c), il doit être ajouté à
la valeur du droit exproprié par ailleurs déterminée en vertu du
présent article, un supplément égal à dix pour cent de cette
valeur.
(4) Nonobstant le paragraphe (3), lorsque, sur un terrain visé
par un avis de confirmation, était construit un bâtiment ou une
autre structure spécialement conçus pour servir aux fins d'un
établissement scolaire, hospitalier ou municipal ou d'une insti
tution religieuse ou charitable ou à des fins analogues, dont
l'utilisation à ces fins par le titulaire est devenue pratiquement
impossible à la suite de l'expropriation, la valeur du droit
exproprié est, si ce droit exproprié était utilisé à ces fins et—
n'eût été l'expropriation—aurait continué de l'être et si, à la
date de la prise de possession, il n'y avait pas, en général, de
demande ou de marché à ces fins pour ce droit exproprié, le
plus élevé des deux montants suivants:
a) la valeur marchande du droit exproprié, déterminée
comme l'indique le paragraphe (2), ou
b) l'ensemble
(i) du coût d'un droit réel immobilier susceptible de rem-
placer raisonnablement à ces fins le droit exproprié, et
(ii) des frais, des dépenses et des pertes attribuables ou
connexes au déménagement et à l'installation dans d'autres
lieux, mais s'il n'est pas possible de les évaluer ou de les
déterminer en pratique, on peut les remplacer par un
pourcentage n'excédant pas quinze pour cent des frais
déterminés comme l'indique le sous-alinéa (i),
moins le montant de l'amélioration de la situation du titulaire
qui a été obtenue ou qu'on peut raisonnablement prévoir du
fait de sa réinstallation dans d'autres lieux;
et, en tout cas lorsque la Couronne a pris matériellement
possession du terrain ou en a fait usage, à l'expiration d'un
délai de préavis au titulaire qui est plus court que le préavis de
quatre-vingt-dix jours mentionné à l'alinéa 17(1)c), il doit être
ajouté à la valeur du droit exproprié par ailleurs déterminée en
vertu du présent article, un supplément égal à dix pour cent de
cette valeur.
(5) Aux fins des sous-alinéas (3)b)(ii) et (4)b)(ii), on doit
tenir compte du moment auquel et des circonstances dans
lesquelles un titulaire a été autorisé à conserver l'occupation de
l'immeuble après que la Couronne a acquis le droit d'en
prendre matériellement possession ou d'en faire usage ainsi que
de toute assistance fournie par le Ministre pour permettre à ce
titulaire de chercher et d'obtenir des lieux de remplacement.
(6) Lorsqu'un droit exproprié était, immédiatement avant
l'enregistrement d'un avis de confirmation, utilisé par son
titulaire aux fins de sa résidence et que la valeur de ce droit par
ailleurs déterminée en vertu du présent article est inférieure au
montant minimum suffisant pour permettre au titulaire de se
réinstaller,
a) soit au moment où lui est fait le paiement d'une indemnité
relative au droit autrement qu'en conformité d'une offre à lui
faite en vertu de l'article 14,
b) soit au moment où la Couronne a eu le droit de prendre
matériellement possession ou de faire usage de l'immeuble
dans les limites du droit exproprié,
en prenant de ces deux dates celle qui est antérieure à l'autre,
dans ou sur des lieux raisonnablement équivalant aux lieux
expropriés, on doit ajouter à la valeur du droit par ailleurs
déterminé en vertu du présent article le montant par lequel ce
montant minimum dépasse cette valeur.
(7) Lorsqu'un droit exproprié était, immédiatement avant
l'enregistrement d'un avis de confirmation, celui d'un locataire,
on doit substituer au montant déterminé en vertu des sous-ali-
néas (3)b)(ii) ou (4)b)(ii), ou au montant par lequel le montant
minimum mentionné au paragraphe (6) dépasse la valeur du
droit y mentionné par ailleurs déterminée en vertu du présent
article, selon le cas, la partie de ce montant qui convient compte
tenu
a) de la durée du bail et de la période restant à courir au
moment auquel se rapporte la détermination,
b) de tout droit ou de toute perspective raisonnable de
renouvellement du bail qu'avait le locataire, et
c) de tout investissement dans l'immeuble par le locataire et
de la nature de toute entreprise exercée par lui sur les lieux.
(8) Lorsqu'un droit exproprié était, immédiatement avant
l'enregistrement d'un avis de confirmation, assujetti à un droit
réel immobilier qui n'était détenu par son titulaire qu'à titre de
garantie (ci-après appelé au présent paragraphe une «sûreté»),
a) la valeur du droit exproprié est l'ensemble
(i) de la valeur du droit exproprié, par ailleurs déterminée
en vertu du présent article comme s'il n'avait été assujetti
à aucune sûreté, et
(ii) du montant de toute perte ou de toute perte prévue,
pour le titulaire du droit exproprié, par suite d'une diffé-
rence de taux d'intérêt durant le reste de la période pour
laquelle un montant en principal payable en vertu des
conditions de la garantie a été avancé (cette différence
devant être calculée à partir d'un- taux d'intérêt hypothéti-
que ne dépassant pas le taux d'intérêt courant pour une
garantie équivalente), dans la mesure où aucune autre
disposition du présent article ne prévoit l'inclusion, dans la
détermination de la valeur du droit exproprié, d'un mon-
tant à l'égard de cette perte ou de cette perte prévue,
moins la valeur de chaque sûreté à laquelle le droit exproprié
était assujetti, déterminée comme le prévoit l'alinéa b) mais
comme si aucun montant n'y était inclus en vertu du sous-ali-
néa (ii) de cet alinéa;
b) la valeur de la sûreté est l'ensemble
(i) du principal impayé suivant les conditions de la garan-
tie et de tout intérêt exigible ou couru en vertu de celle-ci,
à l'époque de l'enregistrement de l'avis de confirmation, et
(ii) d'un montant égal à trois fois l'élément d'intérêt,
calculé comme montant mensuel, de tout paiement d'inté-
rêt, ou de principal et d'intérêt payable aux termes de la
garantie, au taux en vigueur aux termes de celle-ci immé-
diatement avant l'enregistrement de l'avis de confirmation,
et lorsque le droit exproprié était assujetti à plus d'une
sûreté, la valeur de chaque sûreté doit être déterminée selon
son rang mais en aucun cas la valeur d'une sûreté à laquelle
était assujetti un droit exproprié ne doit dépasser la valeur
obtenue en soustrayant de la valeur du droit exproprié, par
ailleurs déterminée en vertu du présent article comme si ce
droit n'avait été assujetti à aucune sûreté, la valeur de toutes
les autres sûretés de rang antérieur dont le présent paragra-
phe requiert la détermination en priorité; et
c) lorsque l'expropriation ne porte que sur une partie du droit
assujetti à une sûreté, la valeur de la sûreté est la fraction de
sa valeur totale, par ailleurs déterminée en vertu du présent
paragraphe comme si tout le droit assujetti à la sûreté avait
été exproprié, que
(i) la valeur de ladite partie du droit, par ailleurs détermi-
née en vertu du présent paragraphe comme si le droit
n'avait été assujetti à aucune sûreté,
représente par rapport à
(ii) la valeur de tout le droit, par ailleurs déterminée en
vertu du présent paragraphe comme si le droit n'avait été
assujetti à aucune sûreté,
moins la même fraction de l'élément d'intérêt de tout paie-
ment, effectué aux termes de la garantie, entre le moment de
l'enregistrement de l'avis de confirmation et le moment du
paiement de toute indemnité pour la sûreté autrement qu'en
conformité d'une offre faite à son titulaire en vertu de
l'article 14.
(9) En déterminant la valeur d'un droit exproprié, il ne sera
tenu aucun compte
a) de tout usage que la Couronne envisage de faire ou fait
réellement de l'immeuble à tout moment après l'expropria-
tion;
b) de toute valeur établie ou prétendue établie par une
opération ou un contrat comportant la vente, le louage ou
toute autre aliénation du droit ou de partie de ce droit, ou par
référence à ceux-ci, lorsque cette opération ou ce contrat a
été passé après l'enregistrement de l'avis de l'intention
d'exproprier;
c) de toute augmentation ou diminution de la valeur du droit
résultant de la prévision d'une expropriation par la Couronne
ou d'une connaissance ou prévision, avant l'expropriation, de
l'ouvrage public ou autre besoin d'intérêt public pour lequel
le droit a été exproprié; ni
d) de toute augmentation de la valeur du droit résultant de
son usage en contravention de la loi.
En décidant en l'espèce que l'appelant n'avait
pas droit à l'intérêt de pénalité prévu à l'alinéa
33(3)b), le juge de première instance semble avoir
suivi sa décision antérieure dans l'affaire Leach et
al. c. La Reine' où la situation était semblable.
Dans l'affaire Leach, le juge de première instance,
après avoir examiné les dispositions de l'article 14
de la Loi', a fait remarquer que le Ministre doit,
' [[1982] 2 C.F. 258]; 24 L.C.R. [1" inst.].
2 La partie de l'article 14 qui est pertinente aux fins de cette
discussion est le paragraphe 14(1) qui est ainsi rédigé:
14. (1) Lorsqu'un avis de confirmation a été enregistré, le
Ministre doit,
a) immédiatement après l'enregistrement de l'avis, faire
envoyer une copie de celui-ci à chacune des personnes qui
paraissent avoir un droit sur l'immeuble, dans la mesure où
il a été possible au procureur général du Canada d'en
connaître l'existence, et à toute autre personne qui a
signifié une opposition au Ministre en vertu de l'article 7;
et
b) dans les quatre-vingt-dix jours après l'enregistrement de
l'avis ou si, à tout moment avant l'expiration de ces
quatre-vingt-dix jours une demande a été faite en vertu de
l'article 16, dans celui des deux délais suivants qui se
termine le dernier:
(i) soit les quatre-vingt-dix jours qui suivent l'enregistre-
ment de l'avis,
(ii) soit les trente jours qui suivent celui de la décision
finale statuant sur la demande,
faire, par écrit, à toute personne qui a droit à une indem-
nité en vertu de la présente Partie pour un droit exproprié
visé par l'avis de confirmation, une offre d'indemnité d'un
montant que le Ministre estime égal à l'indemnité à
laquelle cette personne peut alors prétendre en vertu de la
présente Partie pour ce droit, sans nécessité pour elle de
donner une décharge et sans préjudice du droit de cette
personne, si elle accepte l'offre, de réclamer une indemnité
supplémentaire à ce sujet.
en vertu de cet article, faire au propriétaire expro-
prié une offre d'un montant qu'il estime égal à
l'indemnité à laquelle «cette personne peut alors
prétendre en vertu de la présente Partie pour ce
droit ...» (C'est moi qui souligne.) Puisque le
paragraphe 24(6) traite du coût de réinstallation
dans des lieux raisonnablement équivalents et à
une date qui, dans l'affaire Leach (comme dans
l'espèce présente) est reconnue comme étant le 30
mai 1975, le juge de première instance a estimé
qu'on ne pouvait s'attendre à ce que le Ministre
estimât ce coût dans la première offre faite confor-
mément à l'article 14 qui, selon la loi, devait être
faite en 1973. À son avis donc, lorsqu'il est fait
mention d'«indemnité» à l'alinéa 33(3)b), il s'agit
uniquement de celle qui est établie en déterminant
la valeur du droit exproprié conformément aux
paragraphes 24(2) et (3) de la Loi, et qui n'a rien
à voir avec le montant requis pour permettre aux
demandeurs de se réinstaller dans une résidence
équivalente, dont il est question au paragraphe
24(6).
Il ne me parait pas possible de souscrire à cette
vue de l'affaire. Les articles 23 à 27 inclusivement
de la Loi parlent de l'indemnité à payer au titu-
laire d'un droit immobilier sur l'immeuble qui a
été exproprié par Sa Majesté du chef du Canada,
jusqu'à concurrence du droit exproprié.
L'alinéa 23(1)a) prévoit que le montant de cette
indemnité doit être égal à l'ensemble «de la valeur
du droit exproprié à la date de sa prise de posses
sion ...» Il est prévu au paragraphe 24(1) susmen-
tionné que: «Les règles qu'énonce le présent article
doivent s'appliquer à la détermination de la valeur
d'un droit exproprié.» Les paragraphes (2) à (9)
donnent alors en détail les règles à appliquer pour
la détermination de la valeur d'un droit exproprié.
Pour ce qui est de l'article 33, l'article qui
prévoit l'autorisation de paiement d'intérêt, il est à
noter qu'il y est prévu qu'«indemnité» désigne le
montant de l'indemnité allouée par le tribunal, en
vertu de la présente Partie, pour un droit expro-
prié. En l'espèce, il s'agit clairement, à mon avis,
de la somme de 90 000 $, qui a été adjugée par le
juge de première instance. L'autre montant qui est
requis pour déterminer s'il faut invoquer l'alinéa
33(3)b) est «le montant de l'offre». Le paragraphe
33(1) définit «offre», aux fins de l'article, comme
«une offre faite en vertu de l'article 14». Par
conséquent, puisqu'il est reconnu que l'offre en
l'espèce faite en vertu de l'article 14 et modifiée
s'élève à 65 009 $, il semble évident que le montant
de l'offre est inférieur à 90 % de l'indemnité, ce
qui fait que l'appelant a droit à l'intérêt de péna-
lité de 5 % prévu à l'alinéa 33(3)b).
L'intimée soutient toutefois que le juge de pre-
mière instance a eu raison de décider que l'évalua-
tion faite sous le régime du paragraphe 24(6) doit
être exclue de la définition d'«indemnité», terme
employé à l'alinéa 33(3)b), et pour étayer cet
argument, il s'appuie sur l'expression «la valeur de
ce droit par ailleurs déterminée» qui figure au
paragraphe 24(6). À son avis, cette expression a,
d'une façon ou d'une autre, pour effet d'exclure la
détermination faite en vertu du paragraphe 24(6)
de l'indemnité totale à accorder. Selon moi, il est
clair que les paragraphes 2 à 9 de l'article 24
établissent un corps de règles à appliquer pour
déterminer la valeur d'un droit exproprié. Il s'agit
d'un code d'une grande portée, et il faut lire ces
règles comme un tout, en vue de leur application
aux situations de fait envisagées par les différents
paragraphes. Le paragraphe 6 n'est pas le seul à
employer cette expression «par ailleurs détermi-
née». La même expression se trouve dans d'autres
paragraphes de l'article 24. À mon avis, il ressort
clairement du rapprochement des différents para-
graphes que les divers articles qu'ils visent doivent
être ajoutés ou soustraits selon le cas, pour obtenir,
dans le calcul final, la valeur totale du droit
exproprié.
En l'espèce, le chiffre auquel le juge de première
instance est arrivé, après application de toutes les
règles d'évaluation énoncées à l'article 24, était de
90 000 $. Il s'agit du montant de l'«indemnité»
visée à l'article 33. C'est donc le chiffre qui doit
être retenu pour répondre à la question soulevée
par l'alinéa 33(3)b). A mon sens, le premier juge a
commis une erreur en considérant l'applicabilité de
l'alinéa 33(3)b) dans le contexte de la valeur mar-
chande et en examinant uniquement celle-ci. L'ali-
néa ne parle pas de valeur marchande, mais d'in-
demnité. La valeur marchande n'est qu'un des
éléments de l'indemnité prévue à l'article 33. De
même, la valeur d'équivalence établie en vertu du
paragraphe 24(6) est un élément de cette
indemnité.
Par ces motifs, j'estime qu'il y a lieu d'accueillir
l'appel. Les offres faites ultérieurement au 24 avril
1973 étant désignées comme des modifications de
l'offre originaire faite en vertu de l'article 14, il est
manifeste que l'intérêt prévu à l'alinéa 33(3)b)
devrait courir à partir de la date de l'acceptation
de cette offre originaire, soit le 29 mai 1973.
J'estime donc qu'il y a lieu d'accueillir l'appel avec
dépens et de modifier le jugement de la Division de
première instance de manière à prévoir que le
demandeur appelant a droit à un intérêt sur la
somme de 90 000 $ au taux de cinq pour cent, du
29 mai 1973 au 15 juin 1982, la date du jugement
de la Division de première instance.
LE JUGE LE DAIN: Je souscris aux motifs
ci-dessus.
LE JUGE SUPPLÉANT CLEMENT: Je souscris aux
motifs ci-dessus.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.