T-4267-82
Mayborn Products Limited (appelante)
c.
Registraire des marques de commerce (intimé)
et
Gowling & Henderson (partie requérante)
Division de première instance, juge Cattanach—
Ottawa, 24 janvier et 22 février 1983.
Marques de commerce — Appel d'une décision du regis-
traire qui a radié une marque de commerce pour défaut
d'emploi à la suite d'un avis prévu à l'art. 44 — L'emploi
d'une marque de commerce par une filiale du propriétaire
inscrit ne constitue pas un emploi par ce dernier — La «partie
requérante» désignée dans l'intitulé de la cause n'est pas partie
à l'appel — En appel, la «partie requérante» doit être désignée
à titre d'«appelante» ou mise en cause à titre d'«intimée» —
Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10,
art. 37(9) (ajouté par S.C. 1976-77, chap. 28, art. 44), 44(1),
(2),(4),(5), 56 — Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663,
Règle 1716(2)6).
Pratique — Parties — Marques de commerce — La «partie
requérante» désignée dans l'intitulé de la cause n'est pas partie
à l'appel — En appel, la «partie requérante» qui a introduit
l'enquête prévue à l'art. 44 doit être désignée à titre d'«appe-
lante» ou mise en cause à titre d'«intimée» — Loi sur les
marques de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10, art. 37(9)
(ajouté par S.C. 1976-77, chap. 28, art. 44), 44(1),(2),(4),(5),
56 — Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
1716(2)b).
Se fondant sur l'article 44 de la Loi, le registraire des
marques de commerce a radié la marque «Dylon Paintex» de
l'appelante pour défaut d'emploi. La question sous appel est de
savoir si l'emploi de la marque de commerce au Canada par
une filiale est un «emploi» au sens de la Loi.
Jugement: l'appel devrait être rejeté. L'emploi par une filiale
qui n'exploite pas une entreprise en qualité de mandataire de sa
compagnie-mère propriétaire de la marque de commerce et
ainsi désignée ne constitue pas un emploi par cette dernière,
surtout lorsque, comme en l'espèce, la légende ne peut que faire
croire aux consommateurs que la filiale est la propriétaire de la
marque. Il y a donc absence de preuve de l'emploi de la marque
par son propriétaire inscrit au Canada parce que le réseau
direct de vente et de distribution des marchandises dans le
cours normal du commerce, qui constituerait un «emploi» au
Canada a été brisé par l'entrée en jeu de la filiale, sans
indication du fait que celle-ci était un simple intermédiaire
entre le propriétaire inscrit et le consommateur.
Les parties à un appel d'une décision fondée sur l'article 44
sont désignées de la façon suivante: le propriétaire inscrit agit à
titre d'«appelant» lorsque sa marque de commerce a fait l'objet
d'une ordonnance de radiation, le registraire est l'«intimé» et la
«partie requérante» qui a introduit l'enquête en vertu du para-
graphe 44(1) peut être mise en cause en qualité d'«intimée» si
l'appelant le désire. Si la décision est contraire aux intérêts de
la partie requérante, celle-ci peut interjeter appel à titre d'«ap-
pelante». Les «appelants» et les «intimés» sont les seules catégo-
ries de parties à un tel appel. Une personne désignée à titre de
«partie requérante» n'est pas partie à cet appel.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Ports International Limited c. Registraire des marques
de commerce (ordonnance en date du 22 juillet 1982,
Division de première instance de la Cour fédérale,
T-59-82, encore inédite); Lindy c. Le registraire des
marques de commerce, [1982] 1 C.F. 241; 57 C.P.R.
(2d) 127 (1" inst.); Manhattan Industries Inc. c. Prince-
ton Manufacturing Ltd. (1972), 4 C.P.R. (2d) 6 (C.F. lie
inst.); Uarco Incorporated c. Phil Borden Limited,
[1973] C.F. 650; 10 C.P.R. (2d) 97 (P» inst.).
DÉCISION ÉCARTÉE:
Parker-Knoll Ltd. c. Registraire des marques de com
merce (1977), 32 C.P.R. (2d) 148 (C.F. 1" inst.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Marchands Ro-Na Inc. v. Tefal S.A. (1981), 55 C.P.R.
(2d) 27 (C.F. 1 r inst.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Galuga c. Registraire des marques de commerce et autre
(ordonnance en date du 30 mars 1983, Division de pre-
mière instance de la Cour fédérale, T-6647-82, encore
inédite).
DÉCISION CITÉE:
Good Humor Corporation of America v. Good Humor
Food Products Limited et al., [1937] R.C.É. 61.
AVOCATS:
Robert Gould pour l'appelante.
Michael Ciavaglia pour l'intimé.
Personne n'a comparu pour le compte de la
partie requérante.
PROCUREURS:
Smart & Biggar, Ottawa, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour la partie
requérante.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Comme l'indique l'inti-
tulé de la cause, il s'agit d'un appel interjeté en
vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de
commerce [S.R.C. 1970, chap. T-10] d'une déci-
sion rendue, sous le régime de l'article 44 de cette
Loi, par une commission des oppositions au nom
du registraire des marques de commerce qui lui
avait délégué ses pouvoirs en vertu du paragraphe
37(9) [ajouté par S.C. 1976-77, chap. 28, art. 44].
Dans sa décision, le registraire a conclu que l'appe-
lante n'avait pas, en tant que propriétaire inscrit
de la marque de commerce en question, prouvé
qu'elle employait cette marque au Canada comme
elle est tenue de le faire en réponse à un avis qui
lui est signifié en vertu du paragraphe 44(1) de la
Loi et il a par conséquent décidé de radier la
marque de commerce.
L'appelante, Mayborn Products Limited, dont
l'adresse est Worsley Bridge Road, Lower Syden-
ham, Londres, SE 26 5HD (Angleterre), est le
propriétaire inscrit de la marque de commerce
«Dylon Paintex» employée en liaison avec [TRA-
DUCTION] «des peintures, teintures, colorants,
ainsi que leurs ingrédients et additifs». Je me suis
permis d'insérer une virgule après les mots «teintu-
res» et «colorants» en raison du contexte, même si
dans la marque de commerce telle que déposée, ces
virgules n'apparaissent pas (ce qui correspond à la
description des marchandises dans la demande
d'enregistrement au Canada), mais elles apparais-
sent dans la copie certifiée conforme, en date du 4
décembre 1973, de la demande pendante devant le
registraire des marques de commerce de Grande-
Bretagne, demande qui a abouti à l'enregistre-
ment, le 16 juin 1972, soit la date de priorité de
dépôt revendiquée dans la demande d'enregistre-
ment au Canada. De même, le dernier mot appa-
raissant dans le texte (anglais) de la description
des marchandises devrait être «therefor» plutôt que
«therefore».
La marque de commerce dont l'enregistrement a
été demandé au Canada le 21 août 1972, a été
enregistrée le 2 août 1974.
Par avis adressé le 24 mars 1981 au propriétaire
inscrit et à son représentant autorisé, conformé-
ment à l'article 44 de la Loi, le registraire a enjoint
audit propriétaire de fournir un affidavit ou une
déclaration statutaire établissant si la marque de
commerce est employée au Canada et, dans la
négative, la date où elle a été ainsi employée en
dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi
depuis cette date.
La demande en ce sens a été présentée le 24
février 1981 par Gowling et Henderson, avocats,
qui sont également agents de brevets et de mar-
ques de commerce à Toronto (Ontario), vraisem-
blablement pour le compte d'un client.
Dans l'intitulé de la cause, Gowling et Hender-
son sont appelés «partie requérante». Je ne connais
aucune catégorie de ce genre désignant une partie
dans une déclaration, un avis d'appel ou dans
l'intitulé d'une cause de tout autre document intro-
ductif d'instance semblable.
Dans les déclarations et les demandes reconven-
tionnelles, les parties sont appelées demandeurs et
défendeurs. Dans certains cas, lorsqu'un défendeur
prétend avoir un recours contre une autre personne
advenant le cas où il est tenu responsable envers le
demandeur, il peut appeler cette personne en
garantie. Les procédures de mise en cause sont
assujetties à des règles particulières.
Les personnes décédées et celles qui souffrent
d'une incapacité peuvent intenter une poursuite à
titre de demanderesses ou être poursuivies à titre
de défenderesses par le biais d'un représentant qui
doit divulguer sa qualité de représentant.
En général, dans les questions de common law et
d'equity, un demandeur qui prétend avoir un droit
d'action contre un défendeur a le droit de poursui-
vre cette partie et nulle autre. Il ne peut être
contraint d'actionner d'autres personnes contre son
gré, sauf dans les circonstances prévues à l'alinéa
1716(2)b) [des Règles de la Cour fédérale,
C.R.C., chap. 663] et ce, uniquement à titre de
défendeur, mais nul ne peut être constitué code-
mandeur sans son consentement.
Certaines lois exigent que des personnes déter-
minées soient demanderesses et si elles refusent de
l'être, elles peuvent être constituées codéfenderes-
ses et non codemanderesses, et dans d'autres cas, il
est prévu que des personnes déterminées doivent
être constituées défenderesses. Je pense à la Loi
sur les brevets [S.R.C. 1970, chap. P-4] et à la Loi
sur la marine marchande du Canada [S.R.C.
1970, chap. S-9] respectivement.
Dans les avis d'appel, les parties sont appelées
appelantes et intimées. Ce sont les seules catégo-
ries de parties.
C'est donc le demandeur ou l'appelant qui dési-
gne les parties qu'il désire constituer défenderesses
ou intimées.
Si d'autres personnes désirent être constituées
codéfenderesses, elles doivent en faire la demande
et la même règle s'applique aux intimés dans un
avis d'appel ou aux intervenants.
Même si les intervenants peuvent participer à
une instance, la pratique les empêche d'obtenir des
dépens.
En l'absence de dispositions spéciales dans les
Règles ou les lois, les catégories mentionnées sont
les seules qui existent et, à mon avis, il ne faut pas
inscrire le nom d'une personne dans l'intitulé d'une
déclaration ou d'un avis d'appel sans indiquer à
quel titre cette partie est ainsi désignée.
Les avocats dans la présente affaire ont indiqué
qu'en ce qui concerne les appels des décisions du
registraire des marques de commerce rendues en
vertu de l'article 44 de la Loi sur les marques de
commerce, les membres de la profession ont
exprimé des points de vue équivoques et divergents
et ont demandé des explications.
Le propriétaire inscrit de la marque de com
merce qui, suivant la conclusion du registraire, n'a
pas employé cette marque ou n'a pas expliqué de
façon satisfaisante ce défaut d'emploi à la suite
d'une requête présentée en vertu du paragraphe
44(1), donnant lieu à une ordonnance de radiation
de la marque de commerce, peut interjeter appel
de cette décision à titre d'«appelant», le registraire
étant «intimé» dans l'avis d'appel.
À mon avis, il faudrait continuer de désigner le
registraire «intimé», cet usage ayant cours au
Royaume-Uni et au Canada depuis des décennies.
Le problème qui se présente est de savoir si la
«partie requérante» qui s'est prévalue du paragra-
phe 44(1) devrait être constituée partie et, dans
l'affirmative, à quel titre.
Dans nombre de cas, lorsqu'une décision du
registraire a été contraire aux intérêts de la partie
requérante, celle-ci a déposé un avis d'appel de
cette décision en qualité d'«appelante». Selon moi,
la partie requérante est tout à fait justifiée de
déposer un tel avis en cette qualité.
Cela étant, il est tout aussi normal, à mon avis,
que le propriétaire inscrit qui interjette appel d'une
décision du registraire en qualité d'«appelant»,
constitue, s'il le désire, la partie requérante «inti-
mée», conjointement avec le registraire (et c'est
uniquement en cette qualité que la partie requé-
rante peut être constituée partie).
Mon collègue le juge Walsh a exprimé un point
de vue contraire dans l'affaire Parker-Knoll Ltd.
c. Registraire des marques de commerce ((1977),
32 C.P.R. (2d) 148 [C.F. ire inst.]).
Parker-Knoll Ltd. était le propriétaire inscrit
d'une marque de commerce qui a fait l'objet d'une
ordonnance de radiation parce qu'elle n'avait pas
fait la preuve de l'emploi de la marque de com
merce à la suite d'un avis qui lui avait été envoyé à
la demande écrite de l'agent de marques de Knoll
International Inc.
Parker-Knoll Ltd., à titre d'appelante, et le
registraire, à titre d'intimé, étaient les deux seules
parties désignées dans l'avis d'appel.
Voici ce qu'a déclaré le juge Walsh aux pages
155 et 156:
À l'instance, l'intimé (c'est-à-dire le registraire des marques
de commerce) n'était pas représenté, mais Knoll International
Inc. qui, le 9 décembre 1975, lui a demandé de donner l'avis
prévu par l'art. 44, était représentée par un avocat et a fait
opposition à l'appel. Bien que cette compagnie ne soit pas
exactement partie aux procédures, le par. 44(2) précité, qui
limite la preuve que le registraire peut recevoir à l'affidavit et à
la déclaration statutaire du propriétaire, autorise néanmoins
que des représentations soient faites non seulement par ou pour
le propriétaire inscrit, mais encore par ou pour la personne à la
demande de qui l'avis a été donné. Je crois donc qu'il convient
que Knoll International Inc. soit représentée par un avocat et
autorisée à faire des représentations à l'audition de l'appel. En
l'absence de représentations pour le registraire, je pense que
l'autorisation accordée à Knoll International Inc. de les faire
pour défendre la décision du registraire de radier la marque de
commerce, est une conséquence indispensable du système con-
tradictoire et une extension logique des dispositions du par.
44(2). L'appelante ne s'y est d'ailleurs pas opposée.
En toute déférence pour mon collègue Walsh, je
ne souscris pas à son affirmation selon laquelle:
Bien que cette compagnie (Knoll International Inc., c'est moi
qui ai ajouté les parenthèses) ne soit pas exactement partie aux
procédures...
puisqu'elle contredit le point de vue qu'il a adopté
et les dispositions législatives sur lesquelles il s'est
fondé pour étayer cette affirmation.
Si Knoll International Inc. n'était pas partie à
l'appel, je ne vois pas comment elle pouvait être
autorisée à être représentée par un avocat et à
faire des observations au cours de l'audience.
En vertu du paragraphe 44(2) que cite le juge
Walsh, seul le propriétaire inscrit peut déposer un
affidavit ou une déclaration statutaire, ce qui
limite les éléments de preuve qui doivent être
soumis au registraire. Le paragraphe permet
cependant au registraire d'entendre des représen-
tations faites par ou pour le propriétaire inscrit ou
par ou pour la personne à la demande de qui l'avis
a été donné.
Se fondant sur cette disposition, le juge Walsh a
permis à Knoll International Inc. d'exercer les
droits reconnus à une partie. À mon avis, s'il est
normal que la partie requérante exerce ces droits,
il est tout aussi normal et plus logique qu'avant
d'exercer ces droits en appel à sa propre demande
ou à la demande du juge lui-même, Knoll Interna
tional Inc. soit constituée intimée. Le fait que
l'appelante ne s'est pas opposée à ce que la partie
requérante soit mise en cause et représentée par un
avocat en appel ne rend pas cette façon de procé-
der acceptable.
Le paragraphe 44(2) prévoit les cas où il y a un
litige, ou tout au moins un quasi-litige, devant le
registraire, entre le propriétaire inscrit et la per-
sonne à la demande de qui le registraire a donné
l'avis audit propriétaire inscrit.
En vertu du paragraphe 44(4), le registraire doit
notifier sa décision au propriétaire inscrit et à la
personne à la demande de qui il a donné un avis au
propriétaire inscrit. Dans un litige ou un quasi-
litige, aucun avis n'est habituellement donné à une
personne qui n'a pas le statut de partie et il semble
que l'on ne doive pas faire exception à ce principe
en l'espèce.
Le paragraphe 44(5) indique les mesures que
doit prendre le registraire si sa décision ne fait
l'objet d'aucun appel. Cet appel peut être interjeté
par une personne autre qu'une partie à l'instance.
L'appelant peut être le propriétaire inscrit ou la
partie à la demande de qui l'avis a été donné, de
sorte que l'un ou l'autre peut être constitué intimé
conjointement avec le registraire.
On ne m'a cité aucune autre cause, et je n'en
connais aucune, où ce point de vue du juge Walsh
a été suivi ou approuvé.
D'autre part, dans l'affaire Ports International
Limited c. Registraire des marques de commerce
[ordonnance en date du 22 juillet 1982, Division
de première instance de la Cour fédérale, T-59-82,
encore inédite], Ports International était désignée
appelante et le registraire, intimé. Il n'y avait
aucune autre partie. Voici ce qui a été dit [à la
page 4]:
Je ne sais pas comment une personne qui n'est pas partie à
une action peut y participer.
Cela étant, je ne vois pas comment la «partie requérante»
pourrait répondre à un avis d'appel dans lequel elle n'est pas
désignée en qualité d'intimée et comment, à cette fin, elle
devrait bénéficier d'une prorogation de délai, tel que demandé
dans l'avis de requête.
Dans l'affaire Galuga c. Registraire des mar-
ques de commerce et autre [ordonnance en date du
30 mars 1983, Division de première instance de la
Cour fédérale, T-6647-82, encore inédite], où le
seul intimé était le registraire, le propriétaire ins-
crit d'une marque de commerce a interjeté appel
d'une décision du registraire portant radiation de
ladite marque.
L'avocat de John S. Lockhart qui, au nom de ce
dernier, avait enjoint au registraire de signifier au
propriétaire un avis prévu au paragraphe 44(1), a
demandé, par avis de requête, l'autorisation d'être
constitué partie à l'appel et d'être inclus dans
l'intitulé de la cause à titre d'intimé. On a rendu
une ordonnance à cet effet et reconnu les droits qui
en découlent.
Les agents de brevets qui agissent devant le
registraire ont pris l'habitude de soumettre à ce
dernier, au nom de clients non identifiés, des
demandes écrites fondées sur le paragraphe 44(1),
dans lesquelles ils requièrent qu'un avis soit donné
au propriétaire inscrit d'une marque de commerce,
l'enjoignant de prouver l'emploi de la marque de
commerce ou de justifier le défaut d'emploi de
cette marque.
Lorsqu'un agent de brevets agit ainsi à titre de
mandataire d'un mandant non identifié, il peut
fort bien arriver qu'il soit constitué intimé au lieu
de son mandant, en vertu des règles ordinaires du
mandat avec les conséquences qui peuvent en
découler.
Dans le présent cas, Gowling et Henderson sont
désignés «partie requérante» dans l'intitulé de la
cause. Je ne crois pas que cette désignation per-
mette à la personne d'être constituée partie à
l'appel. Pour qu'il en soit ainsi, celle-ci aurait dû
être désignée «intimée». Quelle que soit sa désigna-
tion, cette partie n'a pas comparu ni pris part aux
procédures.
L'appelante a répondu à l'avis du registraire
fondé sur l'article 44 en produisant une déclaration
sous serment de William Thomas Stone sur la foi
de ses connaissances personnelles en qualité de
directeur de la compagnie appelante.
Le déclarant affirme que:
[TRADUCTION] (1) l'appelante est le propriétaire inscrit de la
marque de commerce DYLON PAINTEX enregistrée au Canada;
(2) l'appelante fabrique et empaquète les marchandises en
liaison avec lesquelles la marque de commerce est employée;
(3) ces paquets «sont transférés dans le cours normal des
affaires» à DYLON INTERNATIONAL LTD. qui «distribue» ces
marchandises pour le compte de l'appelante dont elle est une
filiale;
(4) ces paquets sont ensuite transférés à Farquhar Internatio
nal, un distributeur canadien, qui à son tour transfère «la
propriété et la possession desdites marchandises . .. aux ache-
teurs canadiens dans le cours normal du commerce en les
vendant au Canada».
Des copies de factures qui établissent que Far-
quhar International Limited a vendu ces marchan-
dises aux consommateurs canadiens ont été jointes -
l'affidavit à titre de pièces.
Dans sa décision rendue le 27 avril 1982, le
registraire a conclu à bon droit, à mon avis, qu'en
utilisant le procédé décrit, l'appelante a commer-
cialisé ses marchandises portant la marque de
commerce «Dylon Paintex» sur les paquets qu'elle
a imprimés et dans lesquels elle a mis ses marchan-
dises, de sorte qu'il y a eu emploi de la marque de
commerce au Canada.
Soit dit en passant, lorsque je mentionne le
registraire, je comprends, suivant le contexte, le
membre de la commission des oppositions qui a
rendu la décision et signé «David J. Martin pour le
compte du registraire des marques de commerce».
Cependant le registraire a refusé d'admettre que
l'emploi ainsi décrit constituait un emploi fait par
l'appelante au Canada.
Il a fondé sa conclusion à cet effet sur les mots
imprimés sur le paquet contenant les marchandi-
ses.
Comme je l'ai déjà indiqué, un échantillon du
paquet imprimé par l'appelante ou sur ses instruc
tions et dans lequel celle-ci a mis ses marchandises
avant que le paquet et son contenu ne soient
«transférés» à Dylon International Ltd., son distri-
buteur et sa filiale, a été joint à la déclaration sous
serment de M. Stone sous la cote A.
Ce paquet est imprimé en couleurs, sur fond
pourpre. Il est rectangulaire, et il mesure cinq
pouces de long, environ deux pouces et trois-quarts
de large et un demi-pouce de profond.
Devant, les mots «Dylon Paintex» imprimés en
gros caractères et encerclés d'un rectangle ressor-
tent clairement. Le mot «Paintex» apparaît à
chaque extrémité et les mots «Dylon Paintex» sont
imprimés sur chaque côté.
Derrière, les instructions relatives au mode
d'emploi de «Dylon Paintex» sont imprimées en
anglais et en français. On y décrit le contenu d'un
sachet «Dylon Paintex» et d'un sachet «Dylon-Cold
Dye-Fix».
Au-dessous du mode d'emploi et de la descrip
tion du contenu, apparaissent en caractères légère-
ment plus petits que ceux des mots «Dylon Pain-
tex» et «Dylon-Cold Dye-Fix» les mots et chiffres:
«DYLON INTERNATIONAL LTD.,
LONDON,
SE 26 5HD, ENGLAND»
sur une seule ligne tout en majuscules.
Juste au-dessous de cette ligne, les légendes sont
imprimées en plus petits caractères sur une seule
ligne:
«Made in England Trade Marks Registered»*
en minuscules mais avec des majuscules tel qu'in-
diqué ci-haut.
Là où le mot «Dylon» apparaît sur le devant du
paquet au-dessus du mot «Paintex» (en caractères
différents), on remarque la lettre R encerclée. La
législation américaine exige qu'une marque de
commerce enregistrée soit identifiée de cette façon.
Il n'y pas d'obligation de la sorte dans la Loi sur
*«Fabrique en Angleterre Marques de commerce enregistrées»
les marques de commerce en vigueur au Canada
mais en raison du grand nombre de produits amé-
ricains en circulation au Canada et de la publicité
qu'on en fait dans des publications en vente au
Canada, les consommateurs canadiens savent que
cette lettre désigne une marque de commerce enre-
gistrée sans savoir nécessairement où le produit a
été enregistré.
Sur la légende imprimée à l'arrière du paquet,
les mots [TRADUCTION] «Marques de commerce
enregistrées» utilisés au pluriel pourraient se rap-
porter à «Dylon» uniquement, à «Paintex» unique-
ment (même si on a renoncé à «Paintex» dans
l'enregistrement de «Dylon Paintex» en Grande-
Bretagne) ou à «Dylon Paintex». Il est tout juste
possible qu'on ait voulu décrire la filiale Dylon
International Ltd. comme la mandataire de sa
compagnie-mère, c'est-à-dire l'appelante, mais on
ne l'a pas fait.
À mon avis, le simple fait qu'une compagnie
constituée en contrôle une autre ne suffit pas en soi
pour établir que la compagnie contrôlée agit à titre
de mandataire de la compagnie qui la contrôle, à
moins d'une preuve convaincante établissant le
contraire.
Une marque de commerce doit uniquement
servir à distinguer les marchandises du proprié-
taire de cette marque et son emploi en liaison avec
les marchandises d'une société affiliée constitue
une contrefaçon, même si celle-ci est la filiale du
propriétaire de la marque de commerce.
Je ne pense pas que l'on puisse concilier la
définition de marque de commerce dans la Loi sur
les marques de commerce adoptée en 1953 avec le
concept «d'organisation unique» énoncé par le juge
Angers dans l'affaire Good Humor Corporation of
America v. Good Humor Food Products Limited
et al. ([1937] R.C.É. 61 à la page 74). Il est
possible qu'une marque de commerce appartienne
à des copropriétaires mais qui agiraient de concert
et dans ce cas, pourraient alors constituer une
société dont les membres seraient les compagnies.
À l'instar du registraire, je suis convaincu hors
de tout doute que la marque de commerce «Dylon
Paintex» a été employée au Canada, mais selon
moi, la question cruciale reste à savoir «Qui a
employé la marque de commerce?»
Je ne pense pas que la note de l'éditeur dans
l'affaire Manhattan Industries Inc. c. Princeton
Manufacturing Ltd. ((1972), 4 C.P.R. (2d) 6
[C.F. ire inst.]), dans le contexte où elle a été citée
par mon collègue Addy dans la cause Marchands
Ro-Na Inc. v. Tefal S.A. ((1981), 55 C.P.R. (2d)
27 [C.F. lie inst.] à la page 33) prouve le contraire.
L'extrait cité par le juge Addy est ainsi rédigé:
... voir aussi la note de l'éditeur selon laquelle il importe de
déterminer non pas qui emploie la marque mais qui est le
propriétaire de la marque employée au Canada.
Voici l'ensemble du paragraphe de la note de
l'éditeur qui nous intéresse [à la page 7, 4 C.P.R.
(2d)]:
Il ne s'agit pas de savoir qui emploie la marque mais qui est
le propriétaire de la marque employée. Dans la mesure où les
marchandises proviennent du propriétaire, on laisse supposer
que sa marque est employée même s'il ne conclut directement
aucune vente au Canada. Le propriétaire de la marque de
commerce a offert les marchandises sur le marché dans le cours
normal du commerce.
Je souscris à la conclusion de mon collègue
Dubé dans l'affaire Lindy c. Le registraire des
marques de commerce ([ [ 1982] 1 C.F. 241]; 57
C.P.R. (2d) 127 [l re inst.]) lorsqu'il a déclaré à la
page [246 C.F.]:
À mon avis, il résulte nécessairement de l'ensemble de la Loi
que l'expression «employée au Canada» signifie employée par le
propriétaire inscrit ou par l'usager inscrit.
C'est un élément fondamental de la notion de
marque de commerce. Il s'agit d'une marque qu'un
commerçant emploie pour identifier les marchan-
dises qu'il a fabriquées. (Dans certains cas, une
personne peut employer une marque de commerce
pour identifier les marchandises qu'elle a choisies
dans le but de les vendre.) La marque de com
merce confère au propriétaire inscrit le droit exclu-
sif d'employer cette marque au Canada.
Je souscris également aux décisions rendues
dans les affaires Manhattan Industries et Uarco
Incorporated c. Phil Borden Limited ([[1973]
C.F. 650]; 10 C.P.R. (2d) 97 [l re inst.]) selon
lesquelles il existait un réseau direct de vente et de
livraison des marchandises, dans le cours normal
du commerce.
Dans le présent cas, les ventes conclues entre
l'appelante et son distributeur en Angleterre, entre
ce distributeur et un distributeur au Canada (ou
directement entre le distributeur anglais et un
grossiste ou un détaillant au Canada) et finale-
ment entre le distributeur canadien et un détaillant
ou un consommateur constitueraient ce réseau
direct dans le cours normal du commerce.
Ce réseau direct a cependant été brisé par l'en-
trée en jeu de Dylon International Ltd., sans indi
cation du fait que cette personne morale consti-
tuait un simple intermédiaire entre le propriétaire
inscrit de la marque de commerce et le
consommateur.
Au contraire, la légende ne peut que faire croire
aux consommateurs que Dylon International Ltd.
était le propriétaire de la marque de commerce
puisqu'il n'y a eu aucune mention du nom du
propriétaire inscrit sur le paquet et que rien n'indi-
quait que Dylon International Ltd. n'était que le
distributeur du propriétaire inscrit.
Cela étant, on ne nous a soumis aucune preuve
de l'emploi de la marque de commerce au Canada
par son propriétaire inscrit. On a plutôt fait la
preuve de l'emploi par sa filiale, Dylon Interna
tional Ltd., qui n'est pas le propriétaire inscrit.
Par ces motifs, je souscris à la décision du
registraire et rejette l'appel.
Il n'y aura pas d'attribution de dépens en
l'espèce.
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