A-871-83
La Reine du chef du Canada représentée par le
Conseil du Trésor, Transports Canada, J. P. Little
et R. G. Bell (requérants)
c.
Association canadienne du contrôle du trafic
aérien (intimée)
Cour d'appel, juges Pratte, Heald et Ryan—
Ottawa, 12 janvier et 24 février 1984.
Fonction publique — Contrôle judiciaire — Demande
d'examen et d'annulation d'une décision de la Commission des
relations de travail dans la Fonction publique — Le refus de
l'employeur de permettre au syndicat de retenir les services
d'un avocat pour représenter des contrôleurs aériens au cours
d'une enquête de caractère administratif sur des irrégularités
d'exploitation qui mettent en cause lesdits employés constitue-
t-il une immixtion dans la représentation des employés par le
syndicat en violation de l'art. 8(1) de la Loi? — Les employés
qui font face à des accusations graves ont-ils le droit de se
faire représenter par avocat au cours d'une telle enquête?
Dans la convention collective, le droit à un »représentant des
employés» inclut-il le droit aux services d'un avocat? — Loi
sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C.
1970, chap. P-35, art. 8(1), 20(1)a) — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
Fin de non-recevoir — Disposition de la convention collec
tive permettant aux employés d'»être accompagnés d'un repré-
sentant des employés» au cours d'enquêtes de caractère admi-
nistratif — Pendant 15 ans, le ministère des Transports a
laissé les employés retenir les services d'avocats pour les
représenter au cours d'enquêtes de ce genre — L'employeur
était-il irrecevable à invoquer le sens véritable de cette dispo
sition pour refuser de permettre aux employés de retenir les
services d'avocats? — Loi sur les relations de travail dans la
Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-35, art. 8(1), 20(1)a)
— Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10,
art. 28.
À une audition tenue devant un comité composé de trois
personnes et établi par le ministère des Transports pour faire
enquête sur certaines irrégularités d'exploitation à l'aéroport
international d'Ottawa, les deux membres de l'Association inti-
mée qui étaient en cause dans cette enquête et devaient y
comparaître et y témoigner se sont vu refuser le droit d'être
représentés par avocat. L'intimée a dès lors déposé une plainte
devant la Commission des relations de travail dans la Fonction
publique dans laquelle elle a allégué qu'il y avait eu immixtion
dans le droit de ses deux membres d'être représentés par elle, en
violation du paragraphe 8(1) de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique, compte tenu en particulier
de l'article 6.01 de la convention collective qui permettait aux
employés d'être accompagnés d'un »représentant des employés»
lors de »toute enquête ... de caractère administratif». La
C.R.T.F.P. a conclu que l'expression «représentant des
employés» ne visait pas un avocat. Cependant, elle a aussi
conclu que le comportement du ministère des Transports qui,
pendant une période de 15 ans, avait permis la représentation
par avocat au cours de telles enquêtes, avait créé les conditions
nécessaires à l'irrecevabilité. La Commission a en outre conclu
que les requérants avaient violé le paragraphe 8(1) parce qu'ils
s'étaient immiscés dans la représentation des employés par
l'intimée.
La présente demande fondée sur l'article 28 vise l'examen et
l'annulation de cette décision.
Arrêt (le juge Heald dissident): la demande devrait être
accueillie.
Le juge Pratte: Il ne peut exister une irrecevabilité fondée sur
la force obligatoire d'une promesse en l'absence de promesse,
expresse ou implicite, dont les effets sont clairs et précis et qui a
amené celui qui a reçu cette promesse à agir autrement qu'il
l'aurait fait en d'autres circonstances. D'abord, on ne peut
considérer que le comportement du Ministère constituait une
promesse par laquelle il s'engageait à ne pas recourir au sens
véritable de l'article 6.01; ensuite, c'est en raison seulement de
sa propre interprétation dudit article et non du comportement
du Ministère que le syndicat n'a jamais essayé de le faire
modifier.
Enfin, étant donné que l'enquête n'a aucune valeur juridique,
les principes de l'équité procédurale invoqués par l'intimée ne
s'appliquent pas en l'espèce et, même s'ils s'appliquaient, ils
n'exigeraient pas que le droit d'être représenté par avocat soit
conféré aux contrôleurs aériens en cause.
Le juge Ryan: La demande devrait être accueillie pour les
motifs donnés par le juge Pratte, sous réserve toutefois qu'il
n'est pas nécessaire de déterminer la question de l'équité dans
les procédures vu qu'on ne peut considérer que le comité
composé de trois personnes a agi de manière inéquitable en
exigeant le respect d'une condition de la convention collective
alors que rien dans les circonstances de l'affaire ne l'empêchait
de le faire. Le refus de permettre le recours aux services d'un
avocat ne peut constituer une violation du paragraphe 8(1).
Le juge Heald (dissident): Étant donné que la preuve versée
au dossier ne permet pas de déterminer l'attitude adoptée par le
ministère des Transports quant à l'interprétation de l'article
6.01, et que c'est l'interprétation qu'elle a faite de cet article
qui a amené l'intimée à s'y fier à son propre détriment,
l'existence d'une irrecevabilité fondée sur une conduite particu-
lière n'est pas démontrée. Même si l'article 6.01 n'accordait pas
aux employés le droit d'être représentés par avocat, le refus
d'un tel droit constituait néanmoins une immixtion dans la
représentation des employés par le syndicat au sens du paragra-
phe 8(1). De plus, la common law imposait une obligation
d'agir équitablement qui n'a pas été respectée: les modifications
apportées aux lignes directrices en 1982, qui ont rendu plus
graves les conséquences des enquêtes, exigeaient que le droit à
un avocat soit appliqué avec plus de souplesse plutôt qu'il soit
restreint.
Les contrôleurs aériens en cause faisaient face à des accusa
tions graves pouvant avoir des conséquences sérieuses pour leur
réputation ou leurs moyens d'existence, et on aurait dû leur
permettre de recourir aux services d'un avocat.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Combe v. Combe, [1951] 1 All E.R. 767 (C.A.); Pett v.
Greyhound Racing Association, Ltd., [1968] 2 All E.R.
545 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of
Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311; Marti-
neau c. Comité de discipline de l'Institution de Matsqui,
[1980] 1 R.C.S. 602.
AVOCATS:
Harvey A. Newman pour les requérants.
Denis J. Power pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
les requérants.
Nelligan/Power, Ottawa, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: La présente demande fondée
sur l'article 28 vise une décision de la Commission
des relations de travail dans la Fonction publique
portant que le requérant J. P. Little a violé le
paragraphe 8(1) de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique [S.R.C. 1970,
chap. P-35]. Mon collègue le juge Heald a résumé
avec précision les circonstances qui ont entraîné
cette décision ainsi que les motifs donnés par le
président de la Commission.
L'avocat de la requérante soutient tout d'abord
que le dossier ne révélait aucune violation du
paragraphe 8(1), même si l'on présumait que l'in-
timée avait droit à ce qu'un avocat représente à
l'enquête les deux contrôleurs aériens en cause.
J'avoue que j'ai eu beaucoup de difficultés à
saisir l'argument avancé par l'avocat à l'appui de
cette proposition. D'après ce que j'en ai compris, il
se résumait à ceci: le paragraphe 8(1) interdit à un
employeur de s'immiscer dans les affaires d'un
syndicat; il n'y a pas immixtion lorsque, comme
c'était le cas en l'espèce, un employeur cherche
simplement à obliger le syndicat à se conformer à
son interprétation de la convention collective que le
syndicat a signée.
Cet argument ne me convainc pas. J'admets
volontiers que, si un syndicat n'a pas le droit de
représenter un employé de la manière dont il cher-
che à le faire, on ne peut blâmer l'employeur de
refuser de laisser ce syndicat faire une chose que la
loi ne l'autorise pas à faire. À mon avis, cette
action de l'employeur serait alors tout à fait justi-
fiée et ne violerait pas le paragraphe 8(1). Toute-
fois, si l'on présume, aux fins de cet argument,
qu'un syndicat cherche simplement à représenter
ses membres d'une manière permise par la loi, il en
résulte alors selon moi que tout ce que l'employeur
fait pour empêcher le syndicat d'exercer ce droit
constitue une immixtion interdite par le paragra-
phe 8(1). Il importe peu que l'employeur puisse
avoir des motifs raisonnables de croire que le
syndicat n'a pas le droit d'agir comme il le fait
étant donné que la «mens rea» n'est pas un élé-
ment du comportement interdit par le paragraphe
8(1).
Il est donc nécessaire, afin de statuer sur la
présente demande, de déterminer si l'intimée avait
droit à ce qu'un avocat représente les deux contrô-
leurs aériens en cause pendant l'enquête de carac-
tère administratif instituée par le ministère des
Transports.
Le président de la Commission des relations de
travail dans la Fonction publique a répondu par
l'affirmative à cette question. Il est vrai que, dans
un premier temps, il a conclu que l'article 6.01 de
la convention collective conférait aux contrôleurs
aériens visés par une enquête de caractère adminis-
tratif le droit d'être représentés par un autre
employé plutôt que par un avocat; il a toutefois
conclu, dans un deuxième temps, que la requérante
n'était pas recevable à invoquer les termes de
l'article 6.01 de la convention collective, étant
donné que la direction du ministère des Transports
avait, par sa conduite antérieure, laissé entendre
au syndicat qu'elle partageait son interprétation
dudit article ou que, de toute façon, elle n'exigerait
pas qu'il soit satisfait aux dispositions de cet
article.
Comme mon collègue le juge Heald, je souscris
à l'interprétation de l'article 6.01 de la convention
collective faite par le président de la Commission.
En vertu de cette disposition, les contrôleurs
aériens visés par une enquête de caractère adminis-
tratif n'avaient pas le droit d'être représentés par
avocat; ils n'avaient que celui d'être accompagnés
par un collègue de travail.
Je suis également d'accord avec le juge Heald
pour dire que le président a eu tort de conclure que
la requérante n'était pas recevable à invoquer l'ar-
ticle 6.01. Bien que la théorie de la force obliga-
toire d'une promesse soit loin d'être claire, il
semble établi qu'il ne peut exister une telle irrece-
vabilité en l'absence de promesse, expresse ou
implicite, dont les effets sont clairs et précis. En
l'espèce, le comportement qui donnerait naissance
à l'irrecevabilité est celui de la direction du minis-
tère des Transports qui, pendant plusieurs années à
ce qu'il semble, a laissé les employés en cause dans
des enquêtes de caractère administratif retenir les
services d'avocats pour les représenter au cours
desdites enquêtes. A mon avis, un tel comporte-
ment ne constituait pas une promesse claire et
précise par laquelle le Ministère manifestait qu'il
était d'accord avec l'interprétation de l'article 6.01
faite par le syndicat, ou par laquelle il s'engageait
à ne pas invoquer dans l'avenir le sens véritable de
l'article 6.01. En outre, il semble également établi
que la théorie de la force obligatoire d'une pro-
messe exige non seulement que la promesse soit
claire et précise, mais aussi qu'elle ait amené celui
qui a reçu cette promesse à agir autrement qu'il
l'aurait fait en d'autres circonstances. On affirme
en l'espèce que le comportement du ministère des
Transports a amené le syndicat à s'abstenir de
demander une modification de l'article 6.01 de la
convention collective. Tout comme mon collègue
Heald, je suis d'avis que c'est inexact. C'est en
raison de sa propre interprétation dudit article et
non du comportement du Ministère que le syndicat
n'a jamais essayé de le faire modifier. Si aucune
enquête ou instruction n'avait été tenue et si le
Ministère, par conséquent, n'avait fait aucune pro-
messe à ce sujet, le syndicat aurait continué à
invoquer son interprétation de l'article et se serait
abstenu de demander qu'il soit modifié.
La dernière question à trancher consiste à déter-
miner si, malgré l'article 6.01 de la convention
collective, les contrôleurs aériens en cause dans
une enquête de caractère administratif pourraient
avoir le droit d'être représentés par avocat, en
application des principes d'équité mentionnés par
la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Nichol-
son' et dans le second arrêt Martineau 2 .
Avant de répondre à cette question, il y a lieu
d'apporter certaines précisions sur les enquêtes de
caractère administratif. Ces enquêtes de caractère
essentiellement privé sont effectuées à la demande
du ministère des Transports lorsqu'il existe des
motifs de croire qu'un contrôleur aérien a commis
une erreur. Leur seul but est d'établir les faits;
elles n'ont aucune valeur juridique puisqu'elles ne
sont ni prescrites ni autorisées par la loi ou les
règlements; elles n'ont lieu que parce que le minis-
tère des Transports ordonne qu'elles soient effec-
tuées. Elles sont de la même nature que les enquê-
tes privées effectuées par un employeur pour
déterminer si ses employés ont fait leur travail de
manière satisfaisante. Il est vrai que ces enquêtes
peuvent mener à certaines conclusions qui pour-
ront servir plus tard de fondement à une mesure
disciplinaire de la part de l'employeur. Toutefois,
l'employeur peut refuser de tenir compte de ces
conclusions puisqu'elles n'ont aucune valeur juridi-
que et décider d'imposer ou non des sanctions, peu
importe le résultat de l'enquête, ou même sans
tenir d'enquête.
À mon avis, les principes de l'équité procédurale
invoqués par l'intimée ne s'appliquent pas aux
enquêtes de cette nature. J'estime également que,
même si ces principes s'appliquaient, ils n'exige-
raient pas que le droit d'être représenté par avocat
soit conféré aux contrôleurs aériens en cause. Je ne
crois pas qu'il soit inéquitable d'exclure les avocats
de ce genre d'enquêtes, surtout lorsque l'agent
négociateur des employés en cause a expressément
accepté dans la convention collective qu'ils en
soient exclus.
Par ces motifs, j'accueillerais la demande fondée
sur l'article 28, j'annulerais la décision contestée et
je renverrais l'affaire à la Commission afin qu'une
décision soit rendue en tenant compte du fait
a) qu'il n'existe pas de fin de non-recevoir empê-
chant la requérante d'invoquer le sens véritable
de l'article 6.01 de la convention collective; et
' Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Com
missioners of Police, [ 1979] 1 R.C.S. 311.
2 Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de Mats-
qui, [1980] 1 R.C.S. 602.
b) que les principes de justice naturelle et
d'équité procédurale n'exigent pas que les con-
trôleurs aériens en cause en l'espèce soient
représentés par avocat au cours d'une enquête
ou instruction de caractère administratif.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD (dissident): Il s'agit d'une
demande fondée sur l'article 28 visant l'examen et
l'annulation d'une décision rendue par J. Harold
Brown, c.r., président de la Commission des rela
tions de travail dans la Fonction publique, le 10
juin 1983.
Le 18 mai 1983, l'intimée a saisi la Commission
des relations de travail dans la Fonction publique
d'une plainte, en vertu de l'article 20 de la Loi sur
les relations de travail dans la Fonction publique'
portant notamment que le Conseil du Trésor, le
ministère des Transports, J. P. Little et R. G. Bell
ont violé le paragraphe 8(1) de ladite Loi et l'arti-
cle 6.01 de la convention collective signée par le
Conseil du Trésor et l'intimée parce qu'ils ont
porté atteinte au droit de deux membres de l'Asso-
ciation intimée (J. Lycan et R. Scott) d'être repré-
sentés par l'intimée au cours d'une enquête menée
par un comité composé de trois personnes (présidé
par le requérant Little) et établi pour faire enquête
sur certaines irrégularités d'exploitation à l'aéro-
port international d'Ottawa. Ces irrégularités met-
taient en cause MM. Lycan et Scott qui sont tous
deux contrôleurs aériens et membres de l'Associa-
tion intimée. Le comité d'enquête a fixé au 16 mai
1983 la tenue d'une audition à Ottawa à laquelle
MM. Lycan et Scott devaient comparaître et
témoigner. L'intimée a retenu les services d'un
avocat d'Ottawa, Me David Jewett, pour les y
représenter. Le requérant Little, en sa qualité de
président de l'enquête, a refusé de permettre à Me
Jewett d'assister à l'audition à quelque titre que ce
' Les dispositions pertinentes de l'article 20 sont libellées
comme suit:
20. (1) La Commission doit se renseigner et enquêter sur
toute plainte à elle faite portant que l'employeur ou une
personne agissant pour son compte, ou une association d'em-
ployés ou une personne agissant pour son compte a omis
a) d'observer les interdictions prévues par les articles 8, 9
ou 10;
soit. Il a cependant autorisé un membre de l'inti-
mée, M. Marchand, à représenter MM. Lycan et
Scott à l'enquête. Il n'est pas contesté que, pendant
toute la période en cause, M. Little était «préposé
à la gestion ou à des fonctions confidentielles» au
sens du paragraphe 8(1), puisqu'il était employé
par Transports Canada comme chef de section,
Ottawa, organe ATC, aéroport international
d'Ottawa.
L'intimée a déposé une plainte en vertu de l'arti-
cle 20 parce que, à son avis, le refus du requérant
Little de permettre aux contrôleurs Lycan et Scott
d'être représentés par l'avocat dont elle avait
retenu les services violait le paragraphe 8(1) de la
Loi sur les relations de travail dans la Fonction
publique 4 , compte tenu en particulier des disposi
tions de l'article 6.01 de la convention collective en
vigueur entre l'intimée et le Conseil du Trésor.
L'article 6.01 porte:
6.01 Lors de toute enquête, séance d'audition ou instruction de
caractère administratif concernant une irrégularité d'exploita-
tion où les actes d'un contrôleur de la circulation aérienne
peuvent avoir eu des rapports avec les événements ou les
circonstances y conduisant et lorsque le contrôleur est tenu de
se présenter à l'enquête, séance d'audition ou instruction de
caractère administratif concernant une telle irrégularité, il peut
être accompagné d'un représentant des employés de son choix.
Les 7 et 8 juin 1983, la Commission des relations
de travail dans la Fonction publique, sous la prési-
dence de M. J. Harold Brown, c.r., a entendu la
plainte portée en vertu de l'article 20, et a rendu sa
décision le 10 juin 1983. Dans ses motifs, le prési-
dent de la Commission a conclu que «l'enquête
exhaustive» commencée par l'employeur en 1982 et
qui avait mené à l'audition du 16 mai 1983 devant
le comité d'enquête constituait une «enquête,
séance d'audition ou instruction de caractère
administratif concernant une irrégularité d'exploi-
tation» au sens de l'article 6.01 précité. On a
également fourni la preuve non contestée qu'au
cours de toutes les enquêtes de caractère adminis-
tratif tenues depuis septembre 1977, il était permis
aux contrôleurs, lorsqu'ils le souhaitaient, d'être
représentés par l'avocat choisi par l'intimée.
^ Le paragraphe 8(1) est libellé comme suit:
8. (1) Il est interdit à toute personne préposée à la gestion
ou à des fonctions confidentielles, agissant ou non pour le
compte de l'employeur, de participer à la formation ou
l'administration d'une association d'employés ou à la repré-
sentation des employés par une telle association, ou de s'y
immiscer.
M. Brown a en outre fait remarquer qu'il n'y avait
pas de preuve laissant supposer que, pendant les
quinze années pendant lesquelles l'article 6.01 a
constitué un élément des diverses conventions col
lectives passées entre les parties, l'intimée s'était
vu refuser le droit de représenter ses employés par
un avocat lorsqu'elle avait choisi ce mode de repré-
sentation. M. Brown a ensuite jugé que les termes
«représentant des employés», à l'article 6.01 pré-
cité, visaient uniquement un employé de Trans
ports Canada de l'unité de négociation du groupe
du contrôle de la circulation aérienne et que le sens
de ces termes «... ne peut être élargi pour inclure
un avocat». Il a ensuite conclu que la preuve
mentionnée ci-dessus démontrait un comportement
qui, interprété de manière raisonnable, pourrait
avoir amené l'intimée à croire que Transports
Canada ne ferait pas valoir strictement ses droits
selon l'article 6.01, et qu'il serait inéquitable de
permettre à Transports Canada et au Conseil du
Trésor de revendiquer l'application des dispositions
de l'article 6.01, c'est-à-dire d'exiger que seul un
membre de l'unité de négociation du groupe du
contrôle de la circulation aérienne puisse agir
comme représentant d'un employé à une enquête
de caractère administratif concernant des irrégula-
rités d'exploitation. Il a conclu en outre que l'inti-
mée avait fait confiance, à son détriment, à l'atti-
tude adoptée par le Ministère, étant donné que
Transports Canada n'avait à aucun moment jus-
qu'à mai 1983 proposé ni exigé le changement de
cette pratique, et qu'il était alors impossible pour
l'intimée d'exiger que le Conseil du Trésor négocie
un changement de sa nouvelle façon de procéder
pendant la durée de la présente convention collec
tive. Par conséquent, M. Brown était d'avis que
tous les éléments de l'application de la doctrine de
l'irrecevabilité étaient présents. Par la suite, il a
jugé que le Conseil du Trésor, Transports Canada
et M. John P. Little avaient violé le paragraphe
8(1) de la Loi parce qu'ils s'étaient immiscés dans
la représentation des employés par l'intimée.
J'examinerai d'abord l'opinion de M. Brown
selon laquelle les termes «représentant des
employés» à l'article 6.01 de la convention collec
tive doivent être interprétés dans un sens strict de
manière à n'y inclure que des représentants qui
soient eux-mêmes des employés. Je partage cette
opinion lorsqu'on interprète ces termes dans le
contexte de l'ensemble de la convention collective.
Lorsque les parties désiraient préciser que les
employés ou les comités d'employés avaient droit
d'être assistés par d'autres représentants que des
collègues, le texte de la convention était clair et
précis. (Voir par exemple, les articles 2.04, 5.04,
5.12 et 5.14.) En outre, comme M. Brown l'a
souligné, l'article 6.05 prévoit notamment que le
représentant d'un contrôleur à une enquête concer-
nant des irrégularités d'exploitation ne doit rien
perdre de sa rémunération normale lorsqu'il com-
paraît à l'enquête. À mon avis, cela indique ample-
ment que le «représentant» visé à l'article 6.01 est
un collègue du contrôleur. Je conclus donc que le
président Brown n'a pas interprété de façon erro-
née l'article 6.01.
Je passe maintenant à la conclusion du président
Brown selon laquelle, eu égard aux faits de l'es-
pèce, on a démontré en ce qui concerne l'article
6.01 de la convention l'existence des éléments
essentiels à une irrecevabilité fondée sur la con-
duite. Le président de la Commission s'inspirant
des principes dégagés par le lord juge Denning
dans l'arrêt Combe v. Combe 5 et les appliquant
aux faits de l'espèce, a déclaré que les questions à
trancher étaient les suivantes:
(1) Transports Canada, par sa conduite, a-t-il
amené l'intimée à croire qu'il n'appliquerait pas
strictement les droits prévus à l'article 6.01? et
(2) compte tenu des négociations qui ont eu lieu
entre les parties, serait-il injuste de permettre à
l'employeur de revendiquer l'application stricte
des dispositions de l'article 6.01 étant donné que
l'intimée s'était fiée, à son détriment, au com-
portement de Transports Canada?
M. Brown a conclu, eu égard à la preuve, qu'il
fallait répondre par l'affirmative à la question (1).
Il a également répondu par l'affirmative à la ques
tion (2) et il a déclaré (dossier conjoint, p. 139):
43. En l'espèce, la plaignante a présumé que se perpétuerait la
pratique de Transports Canada qui est établie depuis 1977 et
remonte peut-être à beaucoup plus loin encore, selon laquelle
les contrôleurs concernés pouvaient, s'ils le désiraient, être
représentés par un avocat choisi par l'ACCTA au cours d'en-
quêtes de caractère administratif. En outre, ce n'est qu'en mai
de cette année que Transports Canada a suggéré ou demandé
que cette pratique soit changée. Dans ces circonstances, il est
naturel que la plaignante n'ait pas cru nécessaire de présenter
des propositions au cours de négociations antérieures afin de
5 [1951] 1 All E.R. 767 (C.A.).
faire garantir par écrit son droit de faire représenter ses
membres par un avocat de son choix. On peut donc dire à bon
droit que cette conduite a été préjudiciable à la plaignante. Par
conséquent, je suis convaincu que la dernière condition pour
qu'il y ait irrecevabilité fondée sur la conduite a été remplie.
Je ne crois pas qu'on puisse appliquer la doctrine
de l'irrecevabilité aux faits de l'espèce car, à mon
avis, la preuve versée au dossier ne permet pas de
déterminer l'attitude adoptée par Transports
Canada quant à l'interprétation de l'article 6.01 de
la convention collective. Selon le témoignage non
contesté de William Robertson, le dernier prési-
dent de l'intimée, les contrôleurs étaient rarement
représentés par un avocat avant 1983, alors que
l'intimée avait droit à ce qu'ils soient ainsi repré-
sentés (voir dossier conjoint, p. 127) parce que les
commissions d'enquête sur les faits ne pouvaient
attaquer leur conduite et parce qu'aucun élément
de preuve démontrant un rendement insuffisant
pouvait être utilisé contre un contrôleur dans des
poursuites disciplinaires ultérieures. Il ressort de ce
témoignage que l'intimée a considéré, au fil des
ans, que l'article 6.01 lui accordait le droit de faire
représenter ses employés par un avocat. Ainsi, le
problème n'a pas résulté d'un comportement ni
d'actions de Transports Canada eu égard à l'arti-
cle 6.01 auxquels l'intimée se serait fiée à son
propre détriment, mais plutôt de l'interprétation
erronée de cet article par l'intimée (si je com-
prends bien l'affaire). Je ne saurais donc me rallier
à l'opinion de M. Brown selon laquelle les faits de
l'espèce prouvent l'existence d'une irrecevabilité
fondée sur une conduite particulière.
M. Brown a ensuite tranché dans un très court
paragraphe ce qui, à mon avis, constitue la ques
tion la plus importante soulevée par la présente
demande, savoir s'il y a eu violation du paragraphe
8(1) de la Loi. Il a dit à la p. 139 du dossier
conjoint:
44. La seule question qui reste à trancher est de savoir s'il y a
eu violation du paragraphe 8(1) de la Loi. Me fondant sur son
libellé, je suis obligé de conclure que les défendeurs, le Conseil
du Trésor, Transports Canada et M. John P. Little, se sont
immiscés dans la représentation des employés par le plaignant,
en violation du paragraphe 8(1) de la Loi. La preuve ne permet
pas de tirer la même conclusion pour ce qui est du défendeur
M. R.G. Bell.
Je dois d'abord dire que, comme M. Brown, je
conclus qu'il y a eu en l'espèce violation du para-
graphe 8(1) de la Loi. Toutefois, étant donné les
allégations de la requérante, j'estime qu'il est
essentiel d'examiner cette conclusion avec soin et
en détail. L'avocat de la requérante soutient que le
paragraphe 8(1) de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique était simplement
destiné à empêcher un employeur de se mêler des
relations existant entre un employé et son agent
négociateur et [TRADUCTION] «... n'est pas des-
tiné à donner accès à l'agent négociateur auprès de
l'employeur, même quand il s'agit apparemment
de faire des observations au nom d'un employé». Je
rejette sommairement cette conception étroite et
limitée de la représentation. Il est depuis long-
temps accepté dans le domaine des relations de
travail que l'obligation pour un agent négociateur
accrédité de représenter les membres de l'Associa-
tion est continuelle et concerne absolument tous les
aspects des conditions d'emploi des employés. Je
n'hésite donc pas à conclure que l'intimée s'occu-
pait de la représentation des employés Lycan et
Scott lorsqu'elle a retenu les services d'un avocat
pour les représenter à l'enquête. La question sui-
vante consiste à déterminer si le requérant Little
en refusant de permettre que les employés soient
représentés par un avocat à l'enquête s'est immiscé
dans ce devoir de représentation. Le Shorter
Oxford English Dictionary donne la définition
suivante de «interfere» (s'immiscer):
[TRADUCTION] Choses, actions, etc.: Entrer en collision ou en
opposition de manière à faire obstacle ... Personnes: Se mêler
de quelque chose; s'interposer dans quelque chose, en particu-
lier sans en avoir le droit ... influer sur un acte; intervenir.
Le Living Webster Encyclopedic Dictionary définit
«interfere» (s'immiscer) notamment comme suit:
[TRADUCTION] s'opposer, faire obstacle à ou entraver; interve-
nir ou s'interposer dans les affaires d'une autre personne, en
particulier de façon importune ou sans autorisation; s'ingérer
Je suis convaincu, en me fondant sur ces défini-
tions du dictionnaire et sur ma propre évaluation
du sens ordinaire du terme «interfere» (s'immiscer)
dans la langue courante, que le requérant Little en
refusant de permettre la représentation par avocat
à l'enquête intervenait et s'interposait dans les
affaires des employés Lycan et Scott et dans celles
du syndicat intimé, et, par conséquent, s'immisçait
dans la représentation par l'intimée de ses mem-
bres qui étaient employés par le requérant, le
Conseil du Trésor. Cependant, cela ne tranche pas
nécessairement de manière définitive les questions
soulevées par la présente demande. Peut-on affir-
mer que l'administration s'immisce dans la repré-
sentation des employés par l'agent négociateur au
sens du paragraphe 8(1) dans un cas où, comme en
l'espèce, la convention collective signée par les
parties n'accorde pas à ces deux contrôleurs le
droit, stipulé par contrat, d'être représentés par
avocat 6 ? À mon avis, il s'agirait encore d'une
intervention ou d'une ingérence dans les affaires
d'autrui qui entre dans la définition de «immix-
tion». C'est également, selon moi, une immixtion
dans le droit et l'obligation de l'Association inti-
mée d'essayer de représenter ses membres de la
manière la plus efficace possible. Cependant,
compte tenu des faits particuliers de l'espèce, je
crois que, indépendamment de la convention col
lective, la common law imposait une obligation
d'agir équitablement que le requérant Little n'a
pas respectée. J'affirme ce qui précède en raison
des faits non contredits suivants: depuis 1977,
sinon depuis beaucoup plus longtemps, Transports
Canada avait pour pratique de permettre que les
contrôleurs en cause dans les enquêtes de caractère
administratif soient représentés, lorsqu'ils le dési-
raient, par les avocats dont les services étaient
retenus par l'intimée. Avant décembre 1982, les
contrôleurs étaient rarement représentés par
avocat étant donné que les commissions d'enquête
sur les faits ne pouvaient attaquer leur conduite et
qu'aucun élément de preuve démontrant un rende-
ment insuffisant ne pouvait être utilisé contre eux
dans des poursuites disciplinaires ultérieures.
Cependant, en décembre 1982, les lignes directri-
ces concernant les irrégularités d'exploitation de
l'ATS ont été modifiées de manière à ce qu'à la
suite [traduction] «d'enquêtes exhaustives» effec-
tuées par des [traduction] «comités formés de trois
personnes», ces comités, contrairement aux com
missions d'enquête sur les faits, soient habilitées à
attribuer la responsabilité d'un incident à un
employé et à prendre des mesures disciplinaires.
La preuve indique que l'intimée offrait les services
d'un avocat à ces contrôleurs parce que l'«enquête
exhaustive» pouvait nuire à la carrière d'un contrô-
leur. Ce n'est qu'en mai 1983 que Transports
Canada a proposé ou demandé que la pratique
solidement établie qui consistait à permettre la
représentation par avocat soit modifiée. On aurait
pu penser qu'avec les modifications (mentionnées
6 À supposer que mon interprétation de l'article 6.01 de la
convention collective soit correcte.
plus haut) apportées aux lignes directrices en 1982
et rendant les conséquences éventuelles des enquê-
tes exhaustives beaucoup plus graves pour les con-
trôleurs touchés, la simple équité aurait poussé
Transports Canada à appliquer avec plus de sou-
plesse le droit d'être représenté par avocat plutôt
que de le restreindre. Il faut se rappeler qu'il
s'agissait d'une enquête exhaustive sur certaines
irrégularités d'exploitation. La convention collec
tive définit les irrégularités d'exploitation comme
des situations dans lesquelles la sécurité des vols
aurait pu être compromise ou l'espace minimum
n'aurait pas été respecté, ou les deux. La plainte de
l'intimée porte (dossier conjoint, p. 001):
[TRADUCTION] L'enquête de M. Little avait une portée géné-
rale et la gamme des décisions qu'il pouvait prendre contre les
employés allait de la mesure disciplinaire au renvoi.
Étant donné ces circonstances, je pense que la
décision de lord Denning, maître des rôles, dans
Pen v. Greyhound Racing Associàtion, Ltd. 7 est
pertinente en l'espèce. Dans cet arrêt, les délégués
d'une association de course vérifiaient le permis
d'un entraîneur de lévriers. À une audition, l'en-
traîneur a demandé à être représenté par avocat.
Sa demande a été rejetée. Lord Denning a déclaré
à la page 549:
[TRADUCTION] La question est la suivante: l'entraîneur a-t-il
le droit de se faire représenter par avocat? Le club s'est opposé
à la présence d'un conseiller juridique. Le secrétaire du club a
déclaré dans son affidavit:
«Si le droit à la présence d'un conseiller juridique était
accordé, cela causerait du retard et des difficultés qui
feraient obstacle à l'intention des délégués de voir leurs
réunions se dérouler rapidement et équitablement.»
L'avocat des défendeurs affirme qu'il incombe aux délégués de
décider de la procédure à suivre. Ils peuvent décider de ne pas
entendre d'avocats et cette décision ne peut donner lieu à
l'intervention des tribunaux.
Je ne peux accepter cette prétention. Le demandeur fait face
à une accusation grave. Il est accusé soit d'avoir dopé un lévrier
soit d'avoir manqué à ses devoirs de sorte que le lévrier a été
dopé par quelqu'un d'autre. S'il est déclaré coupable, il peut
être suspendu ou son permis peut ne pas être renouvelé. L'accu-
sation compromet sa réputation et ses moyens d'existence. Dans
cette enquête, j'estime qu'il a non seulement le droit de compa-
raître en personne, mais aussi de se faire représenter. Même un
détenu peut se faire assister d'un ami. La règle générale
applicable a été formulée par le juge STIRLING dans Jackson &
Co. v. Napper, Re Schmidt's Trade Marks (1886), 35 Ch.D.
162,à la p. 172:
u... que, sous réserve de certaines exceptions bien connues,
toute personne qui jouit d'une pleine capacité juridique a le
7 [1968] 2 All E.R. 545 (C.A.).
droit de se donner un mandataire pour quelque but que ce
soit, et qu'elle peut le faire tout aussi bien pour l'exercice
d'un droit prévu par la loi que pour celui d'un droit
quelconque.»
Cette règle a été appliquée à une audition devant un comité
d'évaluation dans l'affaire R. v. St. Mary Abbotts, Kensington
Assessment Committee, (1891) 1 Q.B. 378. On y a jugé qu'un
contribuable avait le droit de se faire représenter par un
arpenteur. Du moment qu'on admet qu'une personne a le droit
de comparaître par représentant, je ne vois pas pourquoi ce
représentant ne pourrait pas être un avocat. Il n'est pas donné à
tout le monde de pouvoir se défendre soi-même, de soulever les
points en sa faveur ou faire ressortir les faiblesses des argu
ments de la partie adverse. On peut être incapable de parler ou,
nerveux, paraître confus ou dépourvu d'intelligence. On peut ne
pas savoir interroger ou contre-interroger les témoins. Nous
voyons ce genre de cas tous les jours. Un magistrat dit à
quelqu'un de poser des questions et la personne se met aussitôt
à faire un discours. Si justice doit être faite, on doit pouvoir
charger quelqu'un de parler pour soi, et qui est mieux préparé
pour cela qu'un avocat, dont c'est le métier? J'estime donc que
lorsque la réputation d'une personne ou ses moyens d'existence
sont en jeu, elle a non seulement le droit de se défendre
elle-même, mais aussi le droit de se faire représenter par
avocat.
Je sais que le juge MAUGHAM a déjà exprimé une opinion
contraire dans l'arrêt Maclean v. Workers Union, (1929) All
E.R. Rep. 468, à la p. 471; (1929) 1 Ch. 602, à la p. 621, où
parlant des tribunaux internes, il a déclaré:
«Un avocat n'a pas le droit de plaider devant un tel
tribunal et il n'existe aucun moyen efficace de vérifier par un
contre-interrogatoire la véracité des déclarations qui peuvent
y être faites.»
Je me contenterai de dire qu'il est passé beaucoup d'eau sous
les ponts depuis 1929. L'opinion incidente considérée peut se
justifier lorsqu'il s'agit seulement de cas où les tribunaux
statuent sur des questions de moindre importance et où la
présence d'un conseiller juridique peut à bon droit être exclue
par les règles. (Il semble que l'arrêt Re Macqueen and
Nottingham Caledonian Society (1861), 9 C.B.N.S. 793 fut
l'un de ces cas particuliers.) Toutefois, cette opinion ne s'appli-
que pas aux cas où les tribunaux sont saisis de questions qui
concernent la réputation d'une personne ou ses moyens d'exis-
tence, ou de toutes questions de grande importance. La justice
naturelle exige alors que l'intéressé puisse, si tel est son désir, se
faire défendre par un avocat.
À mon avis, ce raisonnement s'applique en l'es-
pèce. Les contrôleurs Lycan et Scott faisaient face
à des accusations graves pouvant avoir des consé-
quences sérieuses et concernant leur réputation ou
leurs moyens d'existence. On aurait dû leur donner
la possibilité de se faire défendre par un avocat
préparé à ce faire. Si on ajoute cela au fait que
pendant des années on a permis la représentation
par avocat dans des situations dont les conséquen-
ces étaient moins graves et qu'on a mis fin à cette
pratique sans avertissement d'aucune sorte, j'en
conclus que la requérante a violé son obligation
d'agir équitablement envers les contrôleurs concer
nés; de plus, compte tenu des circonstances parti-
culières de l'espèce, les contrôleurs Lycan et Scott
avaient droit de bénéficier des services d'un avocat
et la requérante, en leur refusant l'exercice de ce
droit, s'est «immiscée» dans la représentation de
ces derniers par l'intimée et ce, en violation du
paragraphe 8(1) de la Loi.
Je voudrais souligner qu'il ne faut absolument
pas croire que cette conclusion signifie que l'obli-
gation d'agir équitablement dans des procédures
de caractère administratif exige dans tous les cas
qu'on accorde aux parties en cause la possibilité de
se faire représenter par avocat. Comme le juge
Dickson l'a déclaré dans l'arrêt Martineau 8 : «En
conclusion, la simple question à laquelle il faut
répondre est celle-ci: compte tenu des faits de ce
cas particulier, le tribunal a-t-il agi équitablement
à l'égard de la personne qui se prétend lésée?»
Étant donné les faits de l'espèce, je réponds par la
négative à cette question pour les motifs exposés
plus haut.
Par conséquent, je rejetterais la demande fondée
sur l'article 28.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: J'ai eu le privilège de lire les
motifs de jugement rédigés par le juge Pratte et le
juge Heald. Comme le juge Pratte, j'estime que la
demande fondée sur l'article 28 devrait être
accueillie. Je souscris également aux motifs de sa
décision, mais avec une réserve cependant en ce
qui concerne l'application à l'enquête en l'espèce
des principes d'équité élaborés dans les causes
relatives à des procédures administratives.
J'estime qu'il n'est pas nécessaire de déterminer
si le caractère de l'enquête administrative exigeait
qu'elle soit menée conformément aux normes
d'équité de sorte que les conclusions en résultant
seraient sujettes à révision par voie de certiorari ou
par un autre moyen. Si on laisse de côté pour le
moment l'article 6.01 de la convention collective,
on constate qu'il aurait pu être inéquitable de
8 Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de Mats-
qui, [1980] 1 R.C.S. 602, la p. 631.
refuser à MM. Lycan et Scott le droit d'être
représentés par un avocat choisi par leur agent
négociateur, l'Association canadienne du contrôle
du trafic aérien. La question de savoir si les actes
faits par un tribunal au cours de procédures admi-
nistratives sont inéquitables dépend des faits parti-
culiers de chaque cas. En l'espèce, la présence de
l'article 6.01 de la convention collective constitue
un élément important pour déterminer si M. Little
a agi inéquitablement en refusant à MM. Lycan et
Scott le droit d'être représentés par un avocat
choisi par leur agent négociateur. Je souscris à
l'interprétation de l'article 6.01 faite par le prési-
dent de la Commission et à celle des juges Pratte
et Heald. En vertu de cet article, MM. Lycan et
Scott avaient le droit d'être accompagnés par un
collègue mais non par un avocat. En réalité, ils ont
été représentés par un membre de l'Association.
L'Association a souscrit à l'article 6.01 en sa
qualité d'agent négociateur. Je suis en outre d'ac-
cord avec les juges Pratte et Heald pour dire que
l'employeur était recevable à invoquer cet article.
À mon avis, on ne peut considérer que M. Little
a agi de manière inéquitable en exigeant le respect
d'une condition de la convention collective alors
que, comme nous l'avons conclu, rien dans les
circonstances de l'affaire ne l'empêchait de le
faire. Ainsi, le refus en l'espèce de permettre le
recours aux services d'un avocat ne pouvait être
considéré comme une violation d'un principe
d'équité administrative, même si on présumait que
les principes d'équité étaient applicables. J'estime
également qu'il ne peut constituer une interven
tion, aux termes du paragraphe 8(1) de la Loi sur
les relations de travail dans la Fonction publique,
dans le droit de MM. Lycan et Scott d'être repré-
sentés par leur association d'employés.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.