T-5583-81
Keepsake, Inc. (appelante)
c.
Preston Limited (intimée)
Division de première instance, juge Cattanach—
Ottawa, 24 novembre 1982 et 17 janvier 1983.
Marques de commerce — Preuve d'emploi pour les fins de
l'art. 44 de la Loi — Appel d'une décision du registraire qui a
radié du registre la marque de commerce «Keepsake» de
l'appelante — En réponse à la demande prévue à l'art. 44, le
propriétaire inscrit (l'appelante) a déposé un affidavit auquel
étaient jointes deux factures de ventes de bagues envoyées à
des détaillants d'Ottawa et de Toronto avant l'avis prévu à
l'art. 44, ainsi que des étiquettes du genre de celles qui sont
attachées à toutes les bagues vendues au Canada et un catalo
gue de bagues indiquant la façon de les commander par
téléphone ou par courrier — Le registraire a conclu qu'il y a
eu preuve d'a emploi.., mais qu'elle était insuffisante pour qu'il
puisse déduire que cet emploi était fait dans le cours normal
du commerce comme l'exige l'art. 4 — En appel, l'appelante a
déposé un affidavit additionnel alléguant que de nombreuses
ventes ont été conclues aux États-Unis et dans les pays voisins
et que cette marque de commerce a fait l'objet de beaucoup de
publicité dans des magazines destinés aux consommateurs et
dans des revues économiques — L'art. 44 a pour but de radier
des registres les marques non employées auxquelles les pro-
priétaires ne portent aucun intérêt — L'appelante a manifesté
un intérêt envers la marque de commerce — Elle s'est confor-
mée à la procédure prévue à l'art. 44 en présentant au regis-
traire, à titre de propriétaire inscrit, un seul affidavit et un
autre en appel — Le premier affidavit lu en corrélation avec
l'affidavit additionnel permet de déduire que les ventes ont été
conclues dans le cours normal du commerce — Appel accueilli
— Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10,
art. 2, 4, 44(1),(2).
Appel est interjeté d'une décision du registraire des marques
de commerce qui a radié l'enregistrement de la marque de
commerce «Keepsake» de l'appelante pour fins d'emploi en
liaison avec la vente de bagues. En réponse à une demande
fondée sur l'article 44 de la Loi sur les marques de commerce,
l'appelante a déposé un affidavit auquel étaient jointes deux
factures concernant des bagues vendues à des détaillants d'Ot-
tawa et de Toronto avant la date de la demande de la preuve
d'emploi, ainsi que des étiquettes mettant en évidence la
marque de commerce «Keepsake», lesquelles étiquettes sont
jointes à toutes les bagues vendues par l'appelante au Canada,
et un catalogue 1981 des bagues de l'appelante, indiquant la
façon de les commander. L'article 2 prévoit que l'«emploi» à
l'égard d'une marque de commerce signifie tout emploi qui,
selon l'article 4, est réputé un emploi en liaison avec des
marchandises. En vertu de l'article 4, une marque de commerce
est censée être employée en liaison avec des marchandises si,
dans la pratique normale du commerce, un avis de la liaison est
donné au cessionnaire au moment de la cession. Le registraire a
décidé que le déposant a fait la preuve de l'«emploi» de sa
marque de commerce au Canada mais qu'il n'a pas prouvé que
cet emploi était fait dans le cours normal du commerce, ce qui
aurait nécessité plus de deux ventes au cours de l'année qui a
précédé la date de l'avis prévu à l'article 44. Il a conclu que la
preuve était insuffisante pour réfuter l'hypothèse selon laquelle
les deux ventes mentionnées n'étaient pas «seulement des ventes
marginales et intermittentes». En appel, on a présenté une
preuve additionnelle établissant que de nombreuses ventes de
bagues portant la marque de commerce «Keepsake» ont été
conclues aux États-Unis et en d'autres endroits et qu'il y a eu
beaucoup de publicité dans des magazines destinés aux consom-
mateurs et dans des revues économiques. Il s'agit de savoir si
l'affidavit soumis au registraire ainsi que l'affidavit additionnel
déposé en appel allèguent des faits suffisants pour qu'on puisse
déduire qu'il y a eu emploi dans le cours normal du commerce.
Jugement: l'appel est accueilli. Comme il est dit dans l'af-
faire Noxzema Chemical, l'article 44 a pour but de prévoir une
procédure sommaire en vertu de laquelle le propriétaire inscrit
d'une marque de commerce est tenu de fournir une certaine
preuve établissant que la marque de commerce est employée au
Canada ou que «des circonstances spéciales ... justifient [le
défaut d'emploi]». Les éléments de preuve à produire sont
limités aux fins de l'article 44. Le propriétaire inscrit est la
seule personne qui peut soumettre cette preuve. L'affaire Par-
ker-Knoll a appuyé la proposition selon laquelle il faut prouver
que l'emploi de la marque de commerce a précédé l'envoi de
l'avis prévu à l'article 44 de la Loi. La preuve d'une seule vente
peut être interprétée comme prouvant l'emploi de la marque de
commerce, suivant les circonstances qui entourent l'opération.
Comme il a été dit dans l'affaire Aerosol Fillers, une affirma
tion catégorique portant qu'une marque de commerce est
«employée» ou a été employée dans le cours normal du com
merce ne remplit pas les exigences de l'article 44. Le déclarant
doit établir les faits à partir desquels on peut déduire logique-
ment qu'il y a eu «emploi». De même, un emploi symbolique
n'est pas conforme aux exigences de l'article 44. Lorsqu'il y a
appel d'une décision du registraire, le paragraphe 56(5) substi-
tue le pouvoir discrétionnaire de la Cour à celui du registraire
et prévoit la tenue d'un procès de novo avec la possibilité de
présenter une preuve additionnelle: Re Wolfville Holland
Bakery Ltd. Aux termes des paragraphes 44(1) et (2), le
propriétaire inscrit ne peut fournir qu'un seul affidavit au
registraire. Toute preuve additionnelle produite en appel doit
également se limiter à un affidavit ou à une déclaration statu-
taire du propriétaire inscrit. La conclusion du registraire selon
laquelle l'emploi était antérieur à l'avis prévu à l'article 44
s'appuie sur les éléments de preuve. Cette conclusion exclut
l'hypothèse de ventes symboliques ou de ventes conclues pour
des raisons de convenance. «Une certaine preuve» de l'emploi
doit se fonder non pas sur la quantité mais plutôt sur la qualité.
Le propriétaire inscrit a fait la preuve de l'emploi et il a
manifesté un intérêt réel envers la marque de commerce. Les
deux affidavits fournissent une preuve suffisante permettant de
déduire que les bagues ont été vendues dans le cours normal du
commerce et que les opérations en question constituaient des
opérations commerciales sans lien de dépendance. Dans l'affi-
davit soumis au registraire, on aurait dû simplement alléguer
des faits permettant de déduire que les deux ventes en question
ont été conclues dans le cours normal du commerce, par
exemple, à la suite d'une commande faite par téléphone ou par
écrit par des acheteurs qui identifient la marchandise à l'aide
du catalogue. L'affidavit ne contenait pas de tels faits et le
registraire ne s'est donc pas trompé en rendant sa décision.
Cependant, lorsqu'on lit le premier affidavit en corrélation avec
l'affidavit additionnel, on peut déduire que les ventes ont été
conclues dans le cours normal du commerce.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Noxzema Chemical Company of Canada Limited v.
Sheran Manufacturing Limited et al., [1968] 2 R.C.E.
446; 55 C.P.R. 147; Parker-Knoll Ltd. c. Registraire des
marques de commerce (1978), 32 C.P.R. (2d) 148 (C.F.
l' inst.); American Distilling Co. c. Canadian Schenley
Distilleries Ltd. (1979), 38 C.P.R. (2d) 60 (C.F. l'°
inst.); Aerosol Fillers Inc. c. Plough (Canada) Limited,
[1980] 2 C.F. 338; 45 C.P.R. (2d) 194 (1" inst.); The
Molson Companies Ltd. c. Halter (1977), 28 C.P.R. (2d)
158 (C.F. P' inst.); Re Wolfville Holland Bakery Ltd.
(1965), 42 C.P.R. 88 (C. de l'E.); Broderick & Bascom
Rope Co. v. Registrar of Trade Marks (1970), 62 C.P.R.
268 (C. de l'E.); Porter v. Don the Beachcomber [1966]
R.C.E. 982; 48 C.P.R. 280; Union Electric Supply Co.
Limited c. Le registraire des marques de commerce,
[1982] 2 C.F. 263 (1'° inst.).
AVOCATS:
David Scott, c.r. et K. Perrett pour l'appe-
lante.
Personne n'a comparu pour le compte de
l'intimée.
PROCUREUR:
Scott & Aylen, Ottawa, pour l'appelante.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Il s'agit d'un appel d'une
décision rendue le 17 septembre 1981 par le regis-
traire des marques de commerce qui radiait l'enre-
gistrement de la marque de commerce «Keepsake»
employée en liaison avec la vente de bagues de
toutes sortes portant le nom de l'appelante.
La marque de commerce a été enregistrée pour
la première fois le 13 juin 1939 sous le nom de
Maurice J. Walsh Limited, qui exerçait son com
merce à Toronto (Ontario).
Elle a été cédée à Anthony H. Marston de
Toronto (Ontario) le 1 ° ' novembre 1944.
Elle a été une fois de plus cédée le 7 décembre
1944 à Keepsake Jewellery Company Limited
ayant son siège social au 600, rue Bay, Toronto
(Ontario).
L'adresse du siège social de la déposante à
Toronto a été changée et le changement enregistré
le 12 avril 1954.
La marque de commerce a été cédée par Keep
sake Jewellery Company Limited, sise au 12, rue
Sheppard, Toronto (Ontario) à A.H. Pond Co.
Inc., sise au un, Lincoln Centre, Syracuse (New
York, E.-U.) et enregistrée le 18 juin 1974.
La dénomination sociale de A.H. Pond Co. Inc.
est devenue Keepsake, Inc. et a été inscrite dans le
registre des marques de commerce le 19 août 1980.
Le 25 novembre 1980, les procureurs de l'inti-
mée, Prestons Limited, ont présenté une demande
en vertu du paragraphe 44(1) la suite de laquelle
il a été enjoint au propriétaire inscrit de fournir,
dans un délai de trois mois, un affidavit ou une
déclaration statutaire indiquant, à l'égard dés mar-
chandises que spécifie l'enregistrement «si la
marque de commerce est employée au Canada» (la
dernière partie du paragraphe est omise parce
qu'elle ne s'applique pas aux faits de l'espèce).
Aux termes de l'article 2 de la Loi, «emploi» ou
«usage», à l'égard d'une marque de commerce,
signifie tout emploi qui, selon l'article 4, est réputé
un emploi en liaison avec des marchandises (on ne
mentionne pas les «services» parce qu'ils ne s'appli-
quent pas aux faits du présent appel).
Le paragraphe 4(1) est ainsi rédigé:
4. (1) Une marque de commerce est censée employée en
liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la pro-
priété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique
normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises
mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont
distribuées ou si elle est, de quelque autre manière, liée aux
marchandises au point qu'avis de liaison est alors donné à la
personne à qui la propriété ou possession est transférée.
En réponse à cette demande du registraire, l'ap-
pelante a déposé la déclaration sous serment d'Al-
bert W. Doolittle, son vice-président directeur, à
laquelle étaient jointes à titre de pièces, deux
factures en date du 28 août et du 2 septembre
1980, concernant des bagues vendues au Canada
par Keepsake, Inc. en liaison avec la marque de
commerce «Keepsake».
La première facture indique que quatre bagues
ont été vendues à Don Thompson Jewellers Ltd.
d'Ottawa (Canada) pour le prix total de 180 $ en
argent américain. Outre cette facture jointe à l'af-
fidavit, on trouve l'attestation d'un notaire de
l'État de New York rédigée dans les termes sui-
vants: [TRADUCTION] «J'atteste que la présente
facture a trait à l'envoi de quatre bagues en or à
14 carats de marque KEEPSAKE.» Cette femme
notaire était vraisemblablement convaincue qu'elle
pouvait rédiger cette attestation.
La seconde facture préparée quelque cinq jours
après la première et adressée à Emesco Imports of
Canada Ltd., Toronto (Ontario), indique la même
quantité de marchandises et le même montant à
payer et elle est attestée par un notaire de la même
façon que la première facture.
La pièce 3 jointe à l'affidavit de Doolittle est
constituée de trois étiquettes du genre de celles qui
sont attachées à toutes les bagues vendues par
l'appelante au Canada. De toute évidence, ces
bagues sont importées au Canada. Les étiquettes,
jointes à titre de pièces, ont une couleur et une
forme attrayantes qui témoignent de la qualité de
la marchandise et, ce qui importe davantage, elles
annoncent la marque de commerce «Keepsake»
d'une façon discrète mais digne.
La pièce 5 jointe à l'affidavit est un catalogue de
1981 qui présente les différents styles et les diffé-
rentes formes d'alliances de l'appelante. Les prix
n'y apparaissent pas mais la dernière page indique
comment obtenir des renseignements en compo-
sant un numéro de téléphone sans frais ou par
courrier.
Les numéros de catalogue des bagues dont la
facture a été envoyée aux deux acheteurs au
Canada (qui sont de toute évidence des joailliers
détaillants) apparaissent dans le catalogue
(pièce 5).
Sur chaque facture, le mot [TRADUCTION]
«maison» est inscrit pour identifier le vendeur, ce
qui signifie habituellement que la commande a été
faite par téléphone, par courrier ou à la suite d'une
visite au magasin du vendeur, mais on ne m'a
soumis aucune preuve à cet effet et l'usage n'est
pas répandu au point où je peux l'admettre de
plein droit.
Voici ce qu'a déclaré le registraire dans les
motifs de sa décision rendue le 17 septembre 1981:
[TRADUCTION] ... je suis convaincu que les deux factures
indiquent que deux ventes ont été conclues avec des compagnies
canadiennes trois ou quatre mois avant la date de l'avis prévu à
l'article 44.
Je souscris entièrement à cette conclusion du
registraire. Étant antérieures à l'avis prévu à l'arti-
cle 44, les ventes n'ont pu avoir été provoquées par
cet avis.
Tenant compte cependant des allégations conte-
nues dans l'affidavit d'Albert W. Doolittle et des
pièces qui y sont jointes, le registraire a déclaré ce
qui suit:
[TRADUCTION] À mon avis, il aurait dû y avoir, dans le cours
normal du commerce, plus que deux ventes de marchandises de
cette catégorie au cours de l'année qui a précédé la date de
l'avis prévu à l'article 44. La déposante aurait dû pouvoir
présenter une preuve plus convaincante en ce qui concerne le
cours normal de son commerce pendant qu'elle était la proprié-
taire inscrite de la marque de commerce, à compter du 18 juin
1974.
Le registraire a donc conclu ce qui suit:
[TRADUCTION] À la lumière des éléments de preuve fournis par
la déposante, je suis convaincu que celle-ci a prouvé qu'elle a
employé sa marque de commerce au Canada mais je ne peux
conclure que cet emploi s'est fait dans le cours normal de son
commerce. J'ai donc décidé de radier l'enregistrement n° N.S.
44/11868.
Le registraire déplore le nombre peu élevé de
ventes prouvées par l'appelante et le fait que le
propriétaire inscrit n'a pas prouvé que ces deux
ventes représentent le cours normal du commerce.
Dans l'affaire Noxzema Chemical Company of
Canada Limited v. Sheran Manufacturing
Limited et al. [[1968] 2 R.C.É 446]; 55 C.P.R.
147, le président Jackett (tel était alors son titre) a
énoncé le but fondamental et restreint de
l'article 44 de la Loi en déclarant ce qui suit [à la
page 453 des Recueils de la Cour de l'Échiquier]:
[TRADUCTION] ... il y a, dans le registre, un grand nombre de
marques de commerce que les propriétaires inscrits n'emploient
pas et à l'égard desquelles ils ne prétendent pas porter un
intérêt quelconque.
Il ajoute [aux pages 452 et 453] que l'article 44
prévoit:
[TRADUCTION] ... une procédure sommaire en vertu de
laquelle le propriétaire inscrit d'une marque de commerce est
tenu de fournir une certaine preuve établissant que la marque
de commerce enregistrée est employée au Canada ou que «des
circonstances spéciales ... justifient [le défaut d'emploi]».
Si on ne réussit pas à faire cette preuve, la
marque de commerce est radiée.
De même, les éléments de preuve à produire
sont limités aux fins de l'article 44.
Le paragraphe 44(2) interdit au registraire de
recevoir une preuve autre que celle qui est fournie
par le propriétaire inscrit. Celui-ci est la seule
personne à pouvoir soumettre cette preuve. Le fait
que le propriétaire inscrit ne répond pas à l'avis
d'enquête prévu au paragraphe 44(1) montfe que
la marque de commerce n'est d'aucun «intérêt»
pour lui; si, en réponse à l'avis, il produit un
affidavit ou une déclaration statutaire (seule
preuve qui peut être acceptée par le registraire)
qui n'établit ni l'usage ni quoi que ce soit qui peut
être considéré comme «des circonstances spéciales
qui ... justifient [le défaut d'emploi]», cela montre
également qu'il n'a pas d'intérêt continu à l'égard
de la marque de commerce.
Il s'ensuit que le propriétaire inscrit doit pro-
duire «une certaine preuve» de l'emploi au sens de
l'article 4 de la Loi sur les marques de commerce
[S.R.C. 1970, chap. T-10].
Il faut prouver que l'emploi de la marque de
commerce a précédé l'envoi de l'avis prévu à l'arti-
cle 44 de la Loi. C'est ce qu'a déclaré le juge
Walsh dans l'affaire Parker-Knoll Ltd. c. Regis-
traire des marques de commerce (1978), 32
C.P.R. (2d) 148 [C.F. P° inst.] à la page 153.
Il a ajouté que l'affidavit ou la déclaration
statutaire que le propriétaire inscrit doit produire
pour démontrer que la marque de commerce est
employée au Canada:
... doit,,à mon sens, se limiter à la preuve de l'emploi antérieur
à l'envoi dudit avis ...
C'est ce qu'a fait Albert W. Doolittle dans
l'affidavit qui a été soumis au registraire.
La preuve d'une seule vente peut être interprétée
comme prouvant l'emploi de la marque de com
merce, suivant les circonstances qui entourent
l'opération.
Dans le présent cas, le registraire a admis qu'on
avait prouvé que la marque de commerce a été
employée au Canada mais il n'était pas convaincu
que la preuve était suffisante pour réfuter l'hypo-
thèse selon laquelle les deux ventes qui ont été
conclues [TRADUCTION] «étaient plus que des
ventes marginales et intermittentes visant à proté-
ger l'enregistrement de la marque de commerce de
la déposante» et selon laquelle [TRADUCTION] «Le
propriétaire inscrit n'a pas produit une preuve
détaillée établissant que ces deux ventes représen-
tent le cours normal de son commerce.»
Le registraire a poursuivi en disant que la
preuve des ventes conclues au cours des années
antérieures aurait dû inclure une [TRADUCTION]
«vue d'ensemble» de la situation et un historique de
l'emploi de la marque de commerce de la
déposante.
Le registraire a cité les observations du juge en
chef adjoint Thurlow (tel était alors son titre) dans
l'affaire American Distilling Co. c. Canadian
Schenley Distilleries Ltd. (1979), 38 C.P.R. (2d)
60 [C.F. 1fe inst.] aux pages 62 et suivantes:
L'affidavit est plus remarquable pour ce qu'il ne contient pas
que pour ce qu'il contient. Il ne dit pas que la marque est
employée ou ait jamais été employée en tant que marque de
commerce ni qu'elle ait jamais été employée pour distinguer le
rhum Schenley de rhums d'autres fabricants ni qu'elle ait
jamais été ainsi employée dans le cours normal du commerce. Il
ne fait pas état non plus de faits dont on puisse déduire un tel
usage. S'il avait dit que la marque de commerce était employée
dans le cours normal du commerce en association avec le rhum
Schenley, l'indication d'un seul cas de vente, même postérieure
à la date de l'avis de l'art. 44, et la production d'une copie d'une
facture relative à cette vente, auraient pu avoir quelque poids.
En elle-même, cependant, la vente isolée décrite n'est pas une
preuve directe du fait important, savoir l'emploi en association
avec du rhum dans le cours normal du commerce, et sa valeur
probante dépend des présomptions qu'on peut en tirer. Il con-
vient de noter qu'il n'est pas déclaré dans l'affidavit que la
vente isolée dont il est fait état a été faite dans le cours normal
du commerce. Eu égard à cela, ainsi qu'au fait que la seule
transaction citée a eu lieu après l'avis prévu à l'art. 44, il faut
en déduire à mon avis que la transaction a été conclue dans le
seul but d'avoir quelque chose à indiquer dans un affidavit en
réponse à l'avis. Il a effectivement été admis au cours des
plaidoiries que la transaction avait été conclue en vue de la
production de l'affidavit. Au surplus, le fait que, même après
cette transaction, le déposant n'ait pas dit que la marque de
commerce était employée, signifie qu'il ne pouvait le faire en
conscience. Le fait qu'un affidavit supplémentaire précisant ce
point n'ait pas été produit en appel vient encore renforcer cette
conclusion. Dans les circonstances, s'il y avait jamais eu une
vente en association avec la marque de commerce depuis le
moment de l'enregistrement de celle-ci, il est, à mon avis,
presque inconcevable que le déposant ne l'ait pas dit en l'une ou
l'autre occasion. Je suis, en conséquence, d'avis que ce qui a été
soumis au registraire et l'est présentement à la Cour ne consti-
tue pas une preuve que la marque de commerce est employée
comme marque de commerce (ou l'a été, au cours de la période
considérée) et qu'il faut régler le cas comme une affaire dans
laquelle il y a eu omission de fournir une preuve d'emploi. Sur
cette base et eu égard aux présomptions que je crois devoir tirer
de l'affidavit et du défaut de le compléter en appel, il appert,
selon moi, que ni le 9 novembre 1976, ni par la suite, la marque
de commerce n'a été employée au Canada au sens du par. 44(3)
et que la décision du registraire ne doit pas être maintenue.
J'ai cité le paragraphe en entier au lieu de
certains extraits pour mieux illustrer les principes
énoncés par le juge en chef adjoint Thurlow, qui
ressortent de cette citation.
On ne peut déduire de cette citation que le
propriétaire inscrit est tenu de faire l'historique de
l'emploi d'une marque de commerce en faisant état
d'un grand nombre de ventes, ce dont il faudrait
faire la preuve si on voulait nier «l'abandon» dans
une action en radiation.
Le juge en chef adjoint a déclaré que si on avait
prétendu que la marque de commerce avait été
employée dans le cours normal du commerce, la
mention d'une seule vente aurait pu appuyer cette
allégation, même s'il s'agissait d'une vente conclue
après la date de l'avis prévu à l'article 44. Cepen-
dant, l'unique vente n'est pas, en soi, une preuve
directe du fait important passé sous silence.
Les remarques citées ne peuvent non plus être
interprétées comme permettant d'énoncer de sim-
ples déclarations, assertions ou conclusions telles
que «la marque de commerce était employée dans
le cours normal du commerce».
Comme il a été dit dans l'affaire Aerosol Fillers
Inc. c. Plough (Canada) Limited [[1980] 2 C.F.
338]; 45 C.P.R. (2d) 194 [1 reinst.], une affirma
tion catégorique portant qu'une marque de com
merce est «employée» ou encore une simple décla-
ration disant qu'il y a eu «emploi dans le cours
normal du commerce», ne remplit pas les exigences
de l'article 44 de la Loi. Un déclarant doit établir
les faits à partir desquels on peut déduire logique-
ment qu'il y a eu «emploi» ou «emploi dans le cours
normal du commerce». C'est ce que signifie l'obli-
gation imposée par le paragraphe 44(1) un pro-
priétaire inscrit d'une marque de commerce d'«in-
diquer» à l'aide d'un affidavit ou d'une déclaration
statutaire.
Dans l'affaire American Distilling Co. c. Cana-
dian Schenley Distilleries Ltd. (précitée), le juge
en chef adjoint Thurlow déclare que l'affidavit ne
fait pas état de faits dont on puisse déduire un tel
usage.
On a au contraire déduit que puisque les seules
opérations ont été conclues après l'avis prévu à
l'article 44, la vente avait uniquement pour but
d'avoir quelque chose à indiquer dans l'affidavit en
réponse à l'avis.
Dans l'affaire The Molson Companies Ltd. c.
Halter (1977), 28 C.P.R. (2d) 158 [C.F. 1" inst.],
on a jugé qu'un emploi symbolique tel un envoi ou
une vente à soi-même n'était pas conforme aux
exigences de l'article 44. Dans cette affaire, on a
cité des exemples où des brasseurs et distillateurs
ont apposé des étiquettes sur des produits destinés
expressément au défendeur qui voulait ainsi faire
la preuve de l'emploi de la marque de commerce
enregistrée en son nom. On a jugé que ces circons-
tances ne montraient pas que cette marque de
commerce avait été employée dans le cours normal
du commerce.
Dans le présent cas, le registraire a conclu que
la preuve qui lui a été soumise n'était pas suffi-
sante pour réfuter l'hypothèse selon laquelle les
deux ventes mentionnées dans l'affidavit et anté-
rieures à l'avis prévu à l'article 44 n'étaient pas
[TRADUCTION] «seulement des ventes marginales
et intermittentes» aux fins de protéger la marque
de commerce.
En ce qui concerne la nature de la décision que
le registraire doit rendre en vertu de l'article 44 de
la Loi—c'est-à-dire «Lorsque ... en raison de la
preuve à lui fournie» par le propriétaire inscrit, il
lui apparaît que la marque de commerce n'est pas
employée, j'aurais été enclin à penser (en l'absence
d'opinions contraires) qu'en appel (malgré les dis
positions du paragraphe 56(5)), il s'agirait quand
même de déterminer si le registraire était justifié
ou non de décider comme il l'a fait à la lumière de
la preuve qui lui a été soumise. Il existe une
jurisprudence à l'appui du contraire.
Si je comprends bien la décision du président
Thorson dans l'affaire Re Wolfville Holland
Bakery Ltd. (1965), 42 C.P.R. 88 [C. de
l'article 56, et particulièrement le paragraphe (5)
de cet article, ne prévoit pas que l'appel a simple-
ment pour but de déterminer si la décision du
registraire était bien fondée ou non. Il substitue le
pouvoir discrétionnaire de la Cour à celui du regis-
traire et prévoit la tenue d'un procès de novo avec
la possibilité de présenter une preuve additionnelle
à celle qui a été soumise au registraire.
Le propriétaire inscrit bénéficie ainsi d'une
deuxième chance et de la possibilité de combler les
lacunes apparaissant dans l'affidavit ou la déclara-
tion statutaire soumise au registraire.
En vertu du paragraphe 44(1) de la Loi, seul le
propriétaire inscrit peut fournir un affidavit ou une
déclaration statutaire en réponse à l'avis qui lui a
été envoyé.
Aux termes du paragraphe 44(2), le registraire
ne peut recevoir aucune preuve autre «que cet
affidavit ou cette déclaration statutaire».
Il ressort clairement des paragraphes 44(1) et
(2) que le singulier est utilisé à dessein et que le
pluriel est exclu. Il s'ensuit que le propriétaire
inscrit ne peut fournir qu'un seul affidavit.
En faisant des observations sur le paragraphe
44(2) la page [454] de l'affaire Noxzema (préci-
tée), le président Jackett (tel était alors son titre)
emploie le singulier, ce qui exclut ainsi la possibi-
lité que le propriétaire inscrit fournisse au regis-
traire une pléthore d'affidavits.
Il a fait des observations semblables dans l'af-
faire Broderick & Bascom Rope Co. v. Registrar
of Trade Marks (1970), 62 C.P.R. 268 [C. de
l'E.] lorsqu'il a déclaré à la page 273:
[TRADUCTION] En vertu de l'art. 44, et conformément à cet
avis, le registraire ne peut recevoir du propriétaire inscrit
d'autre «preuve» qu'un affidavit ou une déclaration statutaire
et à la page 277:
[TRADUCTION] La nature du problème posé au registraire est
définie par l'interdiction qui lui est faite de recevoir du proprié-
taire inscrit aucune autre preuve que l'affidavit ou la déclara-
tion statutaire (par. 44(2)).
Voici ce qui a été dit à la page [343] de l'affaire
Aerosol Fillers Inc. c. Plough (Canada) Limited
[[1980] 2 C.F. 338]; 45 C.P.R. (2d) 194 [1P» inst.]:
Les allégations consignées dans un affidavit doivent être préci-
ses, surtout lorsqu'il s'agit d'un affidavit produit conformément
à l'article 44(2) car il constitue alors la seule preuve que le
registraire est autorisé à recevoir.
et plus loin [à la page 344]:
En vertu de l'article 44, le registraire n'est pas autorisé à
recevoir de preuve autre que l'affidavit et il doit fonder sa
décision sur le contenu de ce document.
C'est pourquoi l'affidavit ou la déclaration sta-
tutaire doit être préparée avec le plus grand soin.
J'admets, par conséquent, que lorsqu'il y a appel
d'une décision du registraire dans une action
fondée sur l'article 44, il ne s'agit pas seulement de
savoir si celui-ci était justifié ou non de décider
comme il l'a fait à la lumière de la preuve qui lui a
été soumise, mais j'estime que l'appel prend la
forme d'un procès de novo. J'arrive à cette conclu
sion non pas en me fondant sur le principe du stare
decisis mais parce que je suis convaincu qu'il faut
tenir compte des décisions des juges de juridiction
équivalente et plus particulièrement de ceux qui
font partie du même tribunal, et ce, dans l'intérêt
de la certitude et de l'uniformité.
J'admets également que la réponse à un avis
prévu à l'article 44 se limite à un seul affidavit du
propriétaire inscrit et de nulle autre personne.
À mon avis, toute preuve additionnelle produite
en appel doit également, en raison de l'objet de
l'article et pour respecter cet objet, se limiter à un
affidavit ou à une déclaration statutaire du pro-
priétaire inscrit.
Comme il a été dit au début du présent appel, le
propriétaire inscrit a produit un affidavit addition-
nel qui a été accepté en preuve.
L'avocat de l'appelante a souscrit à mon point
de vue en ce qui concerne la ligne à suivre en
limitant la preuve additionnelle à un seul autre
affidavit du propriétaire inscrit. Puisque le pro-
priétaire inscrit est une entité fictive, il s'ensuit que
l'affidavit doit être présenté par une personne phy
sique qui est un dirigeant de la personne morale.
La question que soulève le présent appel est de
savoir si l'affidavit de Doolittle qui indique que
deux ventes de bagues ont été conclues avec deux
différents joailliers détaillants dans deux villes de
l'Ontario éloignées l'une de l'autre, et l'affidavit
complémentaire de M. Wimmer, contiennent
ensemble des faits additionnels qui permettent de
conclure qu'il y a eu emploi de la marque de
commerce dans le cours normal du commerce au
Canada.
Se fondant sur l'affidavit de Doolittle, le regis-
traire a conclu, à la lumière de la preuve, que la
marque de commerce avait été employée au
Canada avant l'envoi de l'avis prévu à l'article 44.
Je souscris à la conclusion du registraire à cet
égard et je pense que cette conclusion s'appuyait
sur le fait que l'emploi a été prouvé de façon
convaincante. Cette conclusion exclut l'hypothèse
de ventes symboliques ou de ventes conclues pour
des raisons de convenance.
Le registraire a cependant décidé de radier la
marque de commerce du registre parce qu'il a
conclu que la preuve qui lui a été soumise était
insuffisante dans la mesure où elle ne s'appuyait
pas sur des faits permettant de déduire que l'em-
ploi établi par les deux ventes représentait le cours
normal du commerce.
À cet égard, l'affidavit de Doolittle a établi sans
l'ombre d'un doute que les ventes ont été conclues
avant l'envoi de l'avis prévu au paragraphe 44(1).
Cela étant, il est impossible que ces opérations
aient été effectuées afin de pouvoir être mention-
nées dans l'affidavit en réponse à l'avis, comme ce
fut le cas dans l'affaire American Distilling Co. c.
Canadian Schenley Distilleries Ltd. (précitée), où
on a déduit que la vente n'avait pas été conclue
dans le cours normal du commerce.
Pour revenir aux remarques du président Jackett
dans l'affaire Noxzema, selon lesquelles le proprié-
taire inscrit est tenu de produire une certaine
preuve de l'emploi en réponse à l'avis prévu à
l'article 44, il s'ensuit que cette preuve doit se
fonder non pas sur la quantité mais plutôt sur la
qualité des ventes.
C'est précisément ce qu'on a voulu dire dans la
décision de la Division de première instance rendue
dans l'affaire Aerosol Fillers où il a été dit que le
registraire doit se fonder sur des éléments de
preuve dignes de foi et non sur une simple déclara-
tion non étayée concernant l'emploi de la marque
de commerce.
Dans l'affaire Noxzema, le président Jackett a
également dit que l'article 44 vise à radier du
registre des marques de commerce les nombreuses
marques que les propriétaires inscrits n'emploient
pas et à l'égard desquelles ils ne prétendent pas
porter un intérêt quelconque.
Dans le présent cas, on a fait la preuve de
l'emploi et il ne fait aucun doute que le proprié-
taire inscrit a manifesté un intérêt réel envers la
marque de commerce.
L'historique de la marque «Keepsake» montre
qu'elle convient bien à un emploi en liaison avec
des alliances et marchandises semblables. Il s'agit
d'une marque de commerce appropriée et d'un
attrait irrésistible.
Elle a été constamment renouvelée par ses pro-
priétaires successifs jusqu'en 1969.
Elle a été acquise le 18 juin 1974 par son
propriétaire actuel qui, à l'origine, était connu sous
la dénomination sociale de A.H. Pond Co. Inc.,
société établie à Syracuse dans l'État de New
York. Un nombre considérable de bagues portant
la marque de commerce «Keepsake» ont été ven-
dues, particulièrement aux États-Unis mais ail-
leurs également.
Voici les chiffres des ventes depuis 1975:
1975 18 989 000 $
1976 23 304 000 $
1977 28 817 000 $
1978 33 253 000 $
1979 31 568 000 $
1980 30 216 000 $
Le 7 août 1979, Lenox Inc. a acheté toutes les
actions émises et en circulation de A.H. Pond Co.
Inc. et elle a constitué un nouveau conseil d'admi-
nistration dans le but avoué de développer les
politiques en vigueur concernant la commercialisa
tion et les ventes de bagues. Ce qui veut simple-
ment dire, vendre encore plus de bagues sous la
marque de commerce.
Le 31 janvier 1980, la dénomination sociale de
A.H. Pond Co. Inc. est devenue Keepsake, Inc.
dans le but exprès de bénéficier davantage de
l'important achalandage relié à la marque de com
merce «Keepsake».
La marque de commerce «Keepsake» employée
en liaison avec des bagues de toutes sortes a été
annoncée pendant de nombreuses années dans des
magazines destinés aux consommateurs et vendus
dans l'ensemble du Canada, notamment Life,
Esquire, Time, Mademoiselle, Good Housekee
ping, Look, Glamour, Seventeen, Cosmopolitan,
People, Brides et Modern Brides.
Même si je connais parfaitement bien le principe
établi dans l'affaire Porter v. Don the Beach
comber [[1966] R.C.É. 982]; 48 C.P.R. 280 et
suivi dans l'arrêt Parker-Knoll Ltd. (précité),
selon lequel la publicité ne suffit pas à elle seule à
établir l'emploi au Canada, il s'agit néanmoins
d'une preuve recevable qui montre que l'annonceur
est prêt à vendre ses produits aux consommateurs
canadiens dans le cours normal du commerce.
Outre la publicité faite dans les magazines lus
par un grand nombre de consommateurs canadiens
(et vraisemblablement dans des publications spéci-
fiquement destinées à ces consommateurs éven-
tuels), la marque de commerce a été annoncée
dans des revues spécialisées telles Jewellers Circu
lar Keystone, Modern Jeweller, National Jeweller,
The Goldsmith, Northwestern Jeweller et
Southern Jeweller, qui sont toutes distribuées aux
joailliers faisant affaires au Canada.
L'avocat de l'appelante s'est délibérément abs-
tenu d'obtenir des dépositions sous forme d'affida-
vits des joailliers détaillants à qui des bagues ont
été vendues au Canada le 28 août et le 2 septem-
bre 1980. Pour les raisons que j'ai exposées plus
haut, c'est à bon escient qu'il s'est abstenu de la
sorte et c'est également à bon escient qu'il n'a
produit en appel que l'affidavit du propriétaire
inscrit comme preuve additionnelle.
Il ne fait aucun doute que l'appelante a réfuté
l'hypothèse selon laquelle elle manifeste «peu d'in-
térêt» à l'égard de la marque de commerce dans le
cadre de la procédure prévue à l'article 44. Elle a,
au contraire, fait la preuve d'un grand intérêt.
En outre, les deux ventes sont confirmées par les
factures jointes aux bagues sur lequelles apparaît
clairement la marque de commerce «Keepsake» et
les bagues ont été identifiées sur la facture par
leurs numéros de catalogue.
De plus, la vente a été identifiée sur la facture
comme une vente «maison».
Même si l'affidavit soumis au registraire et l'af-
fidavit additionnel produit devant la Cour auraient
pu être plus explicites, la preuve permettait néan-
moins de déduire, tout bien considéré, que les
bagues ont été vendues dans le cours normal du
commerce et que les opérations en question consti-
tuaient des opérations commerciales sans lien de
dépendance.
Dans l'affaire Union Electric Supply Co.
Limited c. Le registraire des marques de com
merce [[1982] 2 C.F. 263 (1" inst.)], voici ce qu'a
déclaré le juge Mahoney dans son jugement rendu
le 15 avril 1982 [à la page 264]:
Il est absolument injustifiable de demander au propriétaire
d'une marque de commerce de faire des dépenses et des efforts
pour indiquer, par une preuve surabondante, l'emploi qu'il fait
de sa marque de commerce, lorsque cet emploi peut être
facilement prouvé de manière simple et directe.
Dans l'affidavit soumis au registraire, on aurait
pu et on aurait dû simplement alléguer des faits
permettant de déduire que les deux ventes en
question ont été conclues dans le cours normal du
commerce, comme par exemple, à la suite d'une
commande faite par téléphone ou par écrit par des
acheteurs qui identifient la marchandise comman-
dée à l'aide du catalogue.
Il se peut que les documents de l'appelante
eussent pu fournir ces renseignements. S'il en était
ainsi, les faits présentés pour fins d'éclaircissement
auraient tranché la question de manière simple et
directe, suivant les termes de mon collègue
Mahoney.
L'affidavit ne contenait pas de tels faits et par
conséquent, on ne peut dire que le registraire s'est
trompé en rendant sa décision.
Cette preuve a toutefois été complétée, à l'au-
dience, par un autre affidavit, indiquant que la
marque de commerce faisait l'objet d'un intérêt
continu et que celle-ci avait été employée fréquem-
ment aux Etats-Unis, comme en font foi les ventes
annuelles qui se sont chiffrées à des millions de
dollars et se sont étendues aux pays voisins.
Pour ces motifs, on peut déduire du premier
affidavit lu en corrélation avec le second affidavit
que les ventes au Canada ont été conclues dans le
cours normal du commerce.
L'appel est donc accueilli.
L'avocat de l'appelante n'a réclamé aucuns
dépens à l'intimée et c'est pour cette unique raison
que celle-ci ne sera pas tenue de les payer à
l'appelante.
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