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T-1754-84
Manitoba Teachers' Society au nom de Fort Alexander Teachers' Association (section locale 65 de la Manitoba Teachers' Society), Samuel Klippenstein, Jon Mills, Patricia Morrisseau et John A. Courchene (requérants) (plaignants)
c.
Le chef et/ou conseil de la bande indienne de Fort Alexander et/ou conseil scolaire de Fort Alexan- der faisant partie de l'administration de l'éduca- tion Sagkeeng (Sagkeeng Education Authority), réserve de Fort Alexander, Kenneth Courchene, Paul Guimond, Nelly Abraham, Rene Spence, Henry Courchene, Carl Fontaine, Mary Starr, Wayne Fontaine, Josephine Swampy, Martha Prince, David Courchene fils, Pat Bruyere, leurs successeurs et ayants droit, toute personne ou groupe de personnes agissant au nom des person- nes susmentionnées (intimés)
Division de première instance, juge Rouleau— Winnipeg, 29 octobre; Ottawa, 15 novembre 1984.
Pratique Outrage au tribunal Inobservation d'une ordonnance du Conseil canadien des relations du travail (CCRT) Le conseil de la bande indienne et le conseil scolaire ont refusé de négocier avec la Teachers' Society et de réinstaller dans leurs postes les enseignants requérants Ils n'ont pas comparu à l'audience tenue pour permettre aux parties d'exposer leurs raisons Ils ont contesté la compé- tence du CCRT et de la Cour en ce qui concerne les affaires indiennes Il ne doit pas être porté atteinte au bon ordre et à l'administration de la justice, ni à la dignité de la Cour ou à celle d'autres organismes créés par la loi La Cour ne peut tolérer la désobéissance lorsque la protection d'enseignants, la négociation collective et la liberté d'association sont en jeu La Règle 355(2) prévoit des amendes et, à défaut, des peines d'emprisonnement Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 354, 355.
Relations du travail Différend du travail Les modali- tés de la première convention collective ont été fixées confor- mément à l'art. 171.1 du Code Refus de la part du conseil de la bande indienne et du conseil scolaire intimés de négocier Ingérence dans la représentation des employés, usage de menaces et de coercition Il a été mis fin sans motif au contrat des enseignants requérants Ordonnance du CCRT enjoignant aux intimés de se conformer à la convention collec tive et de réinstaller les enseignants dans leurs postes Inobservation fondée sur la non-reconnaissance de la compé- tence du CCRT et de la Cour sur les affaires indiennes La jurisprudence a établi que le CCRT était compétent à connaî- tre de la question en litige La désobéissance entraîne des amendes ou des peines d'emprisonnement Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L-1, art. 123(1) (mod. par S.C. 1977-78, chap. 27, art. 43), 171.1 (ajouté, idem, art. 62 et mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 47, art. 53), 184(1)a)
(ajouté par S.C. 1972, chap. 18, art. 1), 184(3)a) (mod. par S.C. 1977-78, chap. 27, art. 65; 1980-81-82-83, chap. 47, art. 53), 186 (ajouté par S.C. 1972, chap. 18, art. 1).
Indiens Conflit de travail Le Conseil canadien des relations du travail (CCRT) a réglé les modalités de la pre- mière convention collective entre le syndicat provincial des enseignants et le conseil de bande Inobservation de l'ordon- nance par laquelle le CCRT a ordonné la négociation avec le syndicat Refus des intimés d'admettre la compétence du CCRT et de la Cour fédérale en ce qui concerne les activités des Indiens et les réserves indiennes Les intimés ont invoqué la Déclaration des Premières Nations sur l'autodétermination Le refus des intimés de se conformer à l'ordonnance du CCRT constitue un outrage au tribunal Ce n'est ni à la Cour ni au CCRT qu'il faut s'adresser pour obtenir une solution politique.
À la suite d'une enquête sur le différend existant entre la Manitoba Teachers' Society et le conseil de la bande indienne et le conseil scolaire de Fort Alexander, le Conseil canadien des relations du travail (CCRT) a rendu, conformément à l'article 171.1 du Code, une ordonnance réglant les modalités de la première convention collective entre les parties. Le CCRT a statué que le conseil de bande et le conseil scolaire ont refusé de négocier avec la Teachers' Society, qu'ils ont mis fin au contrat des enseignants requérants, s'ingérant ainsi dans la représenta- tion des employés en contravention de l'alinéa 184(1)a) du Code, et qu'ils ont violé l'article 186 en usant de menaces et de coercition. L'ordonnance du CCRT a été déposée à la Cour fédérale, conformément au paragraphe 123(1) du Code. Devant le refus prolongé de la bande et du conseil scolaire de négocier et de réinstaller les enseignants dans leurs postes, la tenue d'une audience pour permettre aux parties d'exposer leurs raisons a été ordonnée. Même s'ils avaient été dûment assignés, les intimés n'ont pas comparu à ladite audience parce qu'ils ne voulaient pas admettre la compétence du CCRT ou de la Cour. Leur position, qui a été annoncée au cours d'une conférence de presse, reposait sur la Déclaration des Premières Nations con- cernant l'autodétermination.
Jugement: les intimés sont coupables d'outrage au tribunal.
La Cour ne devrait pas permettre qu'il soit porté atteinte au bon ordre et à l'administration de la justice, ni à la dignité de la Cour ou à celle d'autres organismes créés par la loi. La Cour suprême du Canada dans l'arrêt Francis et la Cour d'appel de la Saskatchewan dans l'arrêt Whitebear Band Council ont clairement démontré la compétence du CCRT pour agir dans cette affaire. Le CCRT a la responsabilité de reconnaître l'existence de la liberté d'association et du droit de négocier collectivement et librement, et le Canada a assumé à cet égard une responsabilité à l'échelle internationale. En tant que ques tion d'intérêt public depuis longtemps au Canada, elle ne devrait pas faire l'objet d'affrontements et de provocations. La désobéissance ne peut être tolérée, surtout lorsque la protection d'enseignants, la négociation collective et la liberté d'associa- tion sont en jeu. Ce n'est ni à la Cour ni au CCRT qu'il faut s'adresser pour obtenir une solution politique.
Suivant la Règle 355(2) de la Cour fédérale, une amende maximale de 5 000 $ ou un emprisonnement d'au plus un an peut être imposé dans les cas d'outrage au tribunal. Il n'existe pas de telles limites lorsqu'il s'agit de corporations. Le conseil de bande se voit infliger une amende de 15 000 $, le chef, une
amende de 5 000 $, et chaque membre de la bande, une amende de 1 000 $. La Cour impose une amende moins élevée au conseil scolaire et à ses membres et aux surintendants à l'édu- cation parce qu'ils n'avaient d'autre choix que d'obéir aux instructions du chef et du conseil de bande. À défaut de paiement de leurs amendes, les particuliers intimés sont passi- bles d'une peine d'emprisonnement.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS SUIVIES:
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Francis et autres, [1982] 2 R.C.S. 72; Whitebear Band Council v. Carpenters Provincial Council of Saskatchewan et al., [1982] 3 W.W.R. 554 (C.A. Sask.).
AVOCATS:
Mel Myers, c.r., pour les requérants (plai-
gnants).
Robert Watson pour les intimés.
PROCUREURS:
Skwark, Myers, Kussin, Weinstein, Winni-
peg, pour les requérants (plaignants).
Robert Watson, Winnipeg, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE ROULEAU: La présente affaire découle de l'inobservation d'une ordonnance du Conseil canadien des relations du travail en date du 23 août 1984 et modifiée par une autre ordonnance rendue ce même jour. Par une ordonnance de justification datée du 17 octobre 1984, la Cour fédérale a cité les intimés à comparaître devant elle à Winnipeg, le 29 octobre 1984 14 heures. J'étais présent à l'heure fixée et j'ai constaté que l'ordonnance avait été signifiée à toutes les parties. Aucun des intimés ne s'est présenté.
Conformément à l'article 171.1 du Code cana- dien du travail [S.R.C. 1970, chap. L-1 (ajouté par S.C. 1977-78, chap. 27, art. 62 et mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 47, art. 53)], le ministre du Travail a ordonné au Conseil canadien des relations du travail de faire enquête sur le diffé- rend existant entre les parties et, si le Conseil le jugeait opportun, de régler les modalités de la première convention collective entre elles. En con- séquence, des audiences ont été tenues à Winnipeg (Manitoba) les 21 et 22 août 1984.
Le Conseil a statué premièrement que les inti- més, la bande indienne de Fort Alexander et le conseil scolaire de Fort Alexander faisant partie de l'administration de l'éducation Sagkeeng (Sag- keeng Education Authority), réserve de Fort Alexander, ont refusé de négocier avec la section locale 65 de la Manitoba Teachers' Society; deuxièmement, que la bande indienne et le conseil scolaire intimés ont mis fin au contrat des ensei- gnants Samuel Klippenstein, Jon Mills, Patricia Morrisseau et John A. Courchene à compter du 31 août 1984, et ont ainsi violé l'alinéa 184(1)a) [ajouté par S.C. 1972, chap. 18, art. 1] du Code en s'ingérant dans la représentation des employés par la Manitoba Teachers' Society et sa section locale; et troisièmement, qu'ils ont contrevenu à l'article 186 [ajouté par S.C. 1972, chap. 18, art. 1] du Code en usant de menaces et de coercition pour essayer de contraindre les employés à s'abstenir de devenir ou à cesser d'être membres de la Manitoba Teachers' Society.
C'est à la suite de ces conclusions que, par une ordonnance datée du 23 août 1984 et conformé- ment à l'article 171.1 du Code canadien du tra vail, le Conseil canadien des relations du travail a réglé les modalités de la première convention col lective entre la Teachers' Association, section locale 65, le conseil de bande et le conseil scolaire. Il a conclu que les quatre enseignants du conseil scolaire étaient dignes de confiance et que leurs contrats n'avaient pas été renouvelés; que le conseil de bande s'était ingéré dans la représentation des employés par la Manitoba Teachers' Society, et qu'il avait essayé par des menaces et par coercition de contraindre ces employés à s'abstenir de devenir ou à cesser d'être membres de la Manitoba Tea chers' Society.
Le Conseil a également fait les constatations suivantes: le chef de la bande indienne de Fort Alexander était Kenneth Courchene; les conseillers de la bande comprenaient Paul Guimond, Nelly Abraham, Rene Spence et Henry Courchene; Carl Fontaine était président du conseil scolaire de Fort Alexander faisant partie de l'administration de l'éducation Sagkeeng (Sagkeeng Education Authority); le conseil scolaire se composait de Mary Starr, Wayne Fontaine, Josephine Swampy et Martha Prince; le surintendant à l'éducation était David Courchene fils et le surintendant adjoint était Pat Bruyere.
Le Conseil a ordonné à ces intimés de cesser de violer les alinéas 184(1)a) et 184(3)a) [mod. par S.C. 1977-78, chap. 27, art. 65; 1980-81-82-83, chap. 47, art. 53] et l'article 186 du Code canadien du travail. Il a en outre ordonné que les avis de non-rengagement des quatre enseignants, datés du 25 avril 1984 et devant prendre effet le 31 août 1984, soient annulés et que lesdits enseignants soient réinstallés dans leurs postes; il a également statué qu'on ne pouvait interdire l'accès de la réserve indienne de Fort Alexander aux personnes désignées ni les empêcher par ailleurs d'y pénétrer aux fins d'exercer leurs fonctions à titre d'em- ployés des écoles de la réserve indienne de Fort Alexander.
L'ordonnance du Conseil canadien des relations du travail a été déposée à la Cour fédérale du Canada le 28 août 1984, conformément au para- graphe 123(1) [mod. par S.C. 1977-78, chap. 27, art. 43] du Code canadien du travail.
Un représentant de la Manitoba Teachers' Society ainsi que les enseignants Samuel Klippens- tein, Jon Mills, Patricia Morrisseau et John A. Courchene ont témoigné au cours de l'audience tenue le 29 octobre 1984 pour permettre aux par ties d'exposer leurs raisons. Il ressort clairement de leurs témoignages que le conseil de bande et le conseil scolaire ont refusé de négocier avec la Manitoba Teachers' Society depuis le prononcé de l'ordonnance. Il est également évident que, en dépit des efforts des quatre enseignants pour retourner à leur travail et pour se faire rengager par le conseil scolaire, ils n'ont pas pu reprendre leur emploi qui devait débuter le Zef septembre 1984. Les intimés ont omis d'annuler les avis de non-rengagement et de réinstaller les enseignants dans leurs postes. Ils ont refusé de se conformer à la première convention collective dont le Conseil canadien des relations du travail avait fixé les modalités dans son ordonnance du 23 août.
Aucun des intimés nommés ni aucun représen- tant autorisé du conseil de la bande indienne de Fort Alexander ou du conseil scolaire de Fort Alexander n'a comparu à l'audience tenue pour permettre aux parties d'exposer leurs raisons. L'avocat engagé par les intimés a comparu et a été entendu par la Cour. Il a d'abord fait remarquer qu'on lui avait donné pour instructions d'informer la Cour qu'aucun des intimés ne comparaîtrait
même s'ils avaient tous été dûment assignés et qu'aucun d'eux ne voulait admettre la compétence du Conseil canadien des relations du travail ou de la Cour fédérale du Canada.
À la suite des ordonnances du Conseil canadien des relations du travail, le chef du conseil de bande a tenu une conférence de presse; CBC -TV y a assisté et une bande magnétoscopique de la confé- rence de presse a été présentée à la Cour. Le chef a commencé sa conférence par les remarques suivantes:
[TRADUCTION] La bande indienne de Fort Alexander ainsi que l'administration de l'éducation Sagkeeng ont choisi de contester l'autorité du Conseil canadien des relations du travail en ce qui concerne les activités des Indiens et les réserves indiennes. C'est la déclaration du gouvernement des Premières Nations indien- nes sur l'autodétermination plutôt que l'antisyndicalisme qui est le fondement de cette décision.
Il a poursuivi en disant:
[TRADUCTION] La communauté s'est réunie il y a deux jours et s'est montrée déterminée quant à son intention de refuser de réinstaller les enseignants concernés dans leurs fonctions, et elle a décidé que nous n'interjetterons pas appel, mais que nous allons plutôt nous en tenir fermement à notre décision de maintenir le renvoi desdits enseignants.
L'un des témoins, John A. Courchene, qui fait partie des enseignants suspendus et qui est membre de la bande indienne de Fort Alexander a déclaré dans son témoignage que le conseil scolaire tel qu'il existe actuellement a été nommé par le chef il y a environ dix-huit mois et que les mem- bres précédents du conseil scolaire avaient été élus en même temps que ceux du conseil de bande. Toutefois, le chef et son conseil étant insatisfaits des résultats de l'élection auraient décidé d'eux- mêmes d'exiger la démission des membres du con- seil scolaire et de les remplacer sans procéder à une élection en bonne et due forme.
J'ai examiné brièvement la jurisprudence con- cernant les bandes indiennes et la compétence des commissions de relations du travail fédérales et provinciales. En analysant la compétence de ces commissions sur les réserves indiennes, je me suis penché sur les arrêts suivants: Alliance de la Fonction publique du Canada c. Francis et autres, [1982] 2 R.C.S. 72; Whitebear Band Council v. Carpenters Provincial Council of Saskatchewan et al., [1982] 3 W.W.R. 554 (décision de la Cour d'appel de la Saskatchewan). Ces arrêts m'ont convaincu que le Conseil canadien des relations du
travail était compétent pour connaître de cette affaire et qu'il était tout à fait habilité à rendre l'ordonnance du 23 août 1984.
Il m'incombe maintenant de déterminer com ment je dois me prononcer sur ce refus d'obéir à une ordonnance de cette Cour. Les Règles 354 et 355 de la Cour [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] portent:
Règle 354. (1) Toute personne présente à une séance de la Cour ou d'un protonotaire doit s'y comporter avec respect, garder le silence et s'abstenir de manifester son approbation ou sa désap- probation de ce qui s'y passe.
(2) L'observation de l'alinéa (1) est obligatoire en tout lieu un juge exerce les fonctions de son état.
(3) Toute personne qui contrevient à l'alinéa (1) ou qui n'obéit pas dans l'instant à l'ordre d'un juge, d'un protonotaire ou d'un officier sous leur autorité est coupable d'outrage au tribunal, et, s'il est un officier de justice, le tribunal peut le suspendre de sa fonction.
Règle 355. (1) Est coupable d'outrage au tribunal quiconque désobéit à un bref ou une ordonnance de la Cour ou d'un de ses juges, ou agit de façon à gêner la bonne administration de la justice, ou à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour. En particulier, un officier de la justice qui ne fait pas son devoir, et un shérif ou huissier qui n'exécute pas immédiate- ment un bref ou qui ne dresse pas le procès-verbal d'exécution y afférent ou qui, enfreint une règle dont la violation le rend passible d'une peine, est coupable d'outrage au tribunal.
(2) Sauf disposition contraire, quiconque est coupable d'ou- trage au tribunal est passible d'une amende qui, dans le cas d'un particulier ne doit pas dépasser $5,000 ou d'un emprison- nement d'un an au plus. L'emprisonnement et, dans le cas d'une corporation, une amende, pour refus d'obéissance à un bref ou une ordonnance, peuvent être renouvelés jusqu'à ce que la personne condamnée obéisse.
(3) Quiconque se rend coupable d'outrage au tribunal en présence du juge dans l'exercice de ses fonctions peut être condamné sur-le-champ, pourvu qu'on lui ait demandé de justifier son comportement.
(4) Une personne ne peut être condamnée pour outrage au tribunal commis hors de la présence du juge que s'il lui a été signifié une ordonnance de justification lui enjoignant de com- paraître devant la Cour, au jour et à l'heure fixés pour entendre la preuve des actes dont il est accusé et pour présenter, le cas échéant, sa défense en exposant les raisons de sa conduite. Cette ordonnance, rendue par le juge soit de sa propre initia tive, soit sur demande, doit obligatoirement être signifiée à personne, à moins qu'un autre mode de signification ne soit autorisé pour des raisons valables. La demande d'ordonnance de justification enjoignant d'exposer les raisons peut être pré- sentée sans qu'il soit nécessaire de la faire signifier.
(5) La procédure prévue à l'alinéa (4) n'exclut pas une demande d'incarcération en vertu du chapitre I de la Partie VII. L'une ou l'autre de ces deux méthodes de procédure peut être appliquée, mais le fait de s'être engagé dans l'une de ces deux voies supprime la possibilité de s'engager dans l'autre. Les
autres dispositions de la présente Règle n'excluent pas les pouvoirs inhérents à la Cour; et la présente Règle ainsi que les pouvoirs inhérents à la Cour peuvent être invoqués en toute circonstance appropriée.
L'avocat des intimés a déposé devant la Cour une déclaration rédigée au nom du conseil de bande de la réserve de Fort Alexander ainsi qu'une copie de la Déclaration du conseil conjoint des Premières Nations de la Fraternité des Indiens du Canada. Le texte soumis à la Cour porte à la page 2:
[TRADUCTION] Le créateur nous a transmis des règles régissant nos rapports et définissant nos droits et nos responsabilités et l'ensemble de notre riche héritage culturel, ainsi que les valeurs qui nous ont encouragés à nous montrer disposés à envisager le partage de nos terres dans le respect mutuel des autres peuples en quête d'un avenir ils seraient libérés de l'oppression sociale, politique, religieuse ou économique existant dans leurs propres pays d'origine.
Il est ironique de constater que les intimés lais- sent entendre à la Cour qu'il faut respecter le droit d'une personne de se soustraire à l'oppression sociale, politique, religieuse ou économique, mais qu'ils ont omis pour leur part de respecter la volonté des membres de la bande qui avaient pré- cédemment élu un conseil scolaire; ils ont refusé aux enseignants, dont un bon nombre sont mem- bres de la bande, le droit de se syndiquer, et ils ne veulent pas reconnaître le droit et la liberté d'asso- ciation ni le droit de négocier collectivement et librement.
Quoique provocantes, les déclarations du chef intimé ne doivent pas troubler indûment le Conseil canadien des relations du travail qui a la responsa- bilité de reconnaître l'existence de la liberté d'asso- ciation et du droit de négocier collectivement et librement. Le gouvernement du Canada a ratifié la Convention 87 de l'Organisation internationale du travail concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical; le Canada a assumé à cet égard une responsabilité à l'échelle internatio- nale. Il s'agit depuis longtemps au Canada d'une question d'intérêt public et elle ne devrait pas faire l'objet d'affrontements et de provocations. L'objec- tif de la Cour n'est pas de soulever des controver- ses, mais elle ne devrait pas permettre qu'il soit porté atteinte au bon ordre et à l'administration de la justice, ni à la dignité de la Cour ou à celle d'autres organismes créés par la loi.
Si les Premières Nations de ce pays cherchent à obtenir une solution politique, c'est au Parlement qu'elles doivent s'adresser et non au Conseil cana- dien des relations du travail ni à la Cour. Celle-ci ne peut tolérer la désobéissance, surtout lorsqu'il s'agit de la protection d'enseignants, de la négocia- tion collective et de la liberté d'association. Il incombe à la Cour de s'assurer que des organismes élus régulièrement, en l'espèce le conseil scolaire, ne soient pas forcés de suivre les ordres du conseil de bande et de mettre en application les démissions qui ont été imposées par un conseil intolérant, ces organismes étant autorisés à agir par leurs com- mettants et restant en fonction grâce à leur respect du processus électoral.
Compte tenu de la preuve, je suis convaincu qu'il y a eu violation flagrante d'une ordonnance de cette Cour. Suivant le paragraphe 355(2) des Règles de la Cour fédérale du Canada, quiconque est coupable d'outrage au tribunal est passible d'une amende qui ne doit pas dépasser 5 000 $ ou d'un emprisonnement d'un an au plus. Dans le cas d'une corporation ou d'un autre organisme dûment créé par la loi, il n'existe pas de limite quant à l'amende pour refus d'obéissance à un bref ou à une ordonnance.
Par conséquent, j'impose une amende de 15 000 $ au conseil de la bande indienne de Fort Alexander; j'impose en outre au chef Kenneth Courchene une amende de 5 000 $ qu'il devra verser dans les trente jours ou, à défaut, un empri- sonnement de trente jours, et finalement, une amende de 1 000 $ à chaque membre du conseil de la bande indienne de Fort Alexander. Ces derniers ont trente jours pour payer leur amende ou, à défaut, ils devront purger une peine d'emprisonne- ment de sept jours.
En ce qui concerne le conseil scolaire de Fort Alexander, les membres du conseil et les surinten- dants à l'éducation, j'estime qu'ils n'avaient d'au- tre choix que d'obéir aux instructions du chef et du conseil de bande, qu'il est possible que les mem- bres du conseil scolaire aient été nommés sans le vouloir et que les surintendants n'aient pu qu'ac- cepter les directives du chef et du conseil de bande.
J'impose donc une amende de 500 $ au conseil scolaire de Fort Alexander faisant partie de l'ad-
ministration de l'éducation Sagkeeng (Sagkeeng Education Authority), et à chacun des membres dudit conseil ainsi qu'aux surintendants à l'éduca- tion, une amende de 50 $ qu'ils devront verser dans un délai de trente jours ou, à défaut, un emprison- nement de trois jours.
Au Canada, les contestations d'ordre constitu- tionnel n'ont rien de nouveau. La Cour est cons- tamment appelée à connaître de contestations por- tant sur l'administration du gouvernement fédéral, mais il est rare que l'on constate un mépris aussi clair de nos institutions. Si le conseil de la bande indienne de Fort Alexander désire contester la constitutionnalité du Conseil canadien des rela tions du travail ou de cette Cour, il doit alors comparaître, faire valoir son point de vue, exposer ses motifs de contestation et utiliser tous les moyens juridiques qui sont à sa disposition. J'ai sérieusement envisagé la possibilité d'imposer une peine d'emprisonnement, mais j'espère que les amendes imposées sont suffisamment sévères pour que l'ordonnance soit observée. Il ne faudrait pas oublier que la désobéissance peut entraîner le pro- noncé d'autres ordonnances. Refuser obstinément de respecter une ordonnance pourrait être consi- déré comme une infraction continue et peut faire l'objet d'autres ordonnances de justification.
Il est manifestement dans l'intérêt public de préserver l'autorité de la justice dans ce pays et il est de mon devoir d'imposer à cet effet les peines appropriées.
Les requérants ont droit aux dépens.
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