T-1605-83
John A. Ziegler, Maple Leaf Gardens Limited,
Northstar Hockey Partnership, Le Club de
Hockey Canadien Inc., Meadowlanders Inc.,
Nassau Sports Limited, New York Rangers
Hockey Club, Philadelphia Hockey Club Inc.,
Pittsburgh Penguins Inc., Le Club de Hockey les
Nordiques (1979) Inc., Boston Professional
Hockey Association Inc., Niagara Frontier
Hockey Corporation, Calgary Flames Hockey
Club, Chicago Blackhawk Team Inc., Detroit Red
Wings Inc., Edmonton World Hockey Enterprises
Ltd., Hartford Whalers Hockey Club, California
Sports, Washington Hockey Limited Partnership,
8 Hockey Ventures Inc., Northwest Sports Enter
prises Limited, John Krumpe, Paul Martha,
Marcel Aubut, Paul Mooney, Robert Swados,
William Wirtz, Brian O'Neill, Seymour Knox,
Michael Ditch, Howard Baldwin, Dr Gerry Buss,
George Gund, Robert Butera, Harold Ballard et
Barry Shenkarow (requérants)
c.
Lawson A. W. Hunter, directeur des enquêtes et
recherches, nommé en vertu de la Loi relative aux
enquêtes sur les coalitions et O. G. Stoner, prési-
dent de la Commission sur les pratiques restricti-
ves du commerce, nommé en vertu de la Loi
relative aux enquêtes sur les coalitions (intimés)
Division de première instance, juge en chef adjoint
Jerome—Ottawa, 15 juillet et 9 août 1983.
Coalitions — Prohibition — Certiorari — Le pouvoir que
possède la Commission sur les pratiques restrictives du com
merce en vertu de l'art. 17 de la Loi relative aux enquêtes sur
les coalitions d'assigner des témoins et d'exiger la production
de documents par subpoenas est-il contraire aux art. 2, 7 et 8
de la Charte et à l'art. 2d) de la Déclaration canadienne des
droits? — Le pouvoir conféré par l'art. 17 n'est pas soumis
aux garanties de protection de la vie privée et aux garanties
contre les fouilles, perquisitions et saisies — Distinction faite
avec l'arrêt Southam Inc. v. Director of Investigation and
Research of the Combines Investigation Branch et al., [1983] 3
W.W.R. 385 (C.A. Alb.), la question en l'espèce portant sur le
pouvoir d'assigner des témoins et d'exiger la production de
documents et non sur les perquisitions, fouilles et saisies —
Formalités préalables à la délivrance de subpoenas — Les
ordonnances rendues en application de l'art. 17 ne privent pas
les requérants de la protection contre l'auto-incrimination
garantie par l'art. 2d) de la Déclaration canadienne des droits
— Les requérants jouissent de la protection prévue à l'art. 5 de
la Loi sur la preuve au Canada accordée aux témoins qui ne
sont pas accusés — L'art. 20 de la Loi relative aux enquêtes
sur les coalitions confirme expressément la protection prévue à
l'art. 5 — La demande de prohibition et de certiorari est
rejetée — Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C.
1970, chap. C-23, art. 17, 20 — Déclaration canadienne des
droits, S.R.C. 1970, Appendice III, art. 2d) — Loi sur la
preuve au Canada, S.R.C. 1970, chap. E-10, art. 5 — Charte
canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 2, 7 et 8.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Coalitions —
L'art. 17 de la Loi est-il inopérant parce que contraire aux art.
2, 7 et 8 de la Charte — Liberté contre les fouilles, perquisi-
tions et saisies — Distinction faite avec l'arrêt Southam Inc. v.
Director of Investigation and Research of the Combines Inves
tigation Branch et al., 1 - 1983J 3 W.W.R. 385 (C.A. Alb.) — La
question soulevée en l'espèce ne porte pas sur les fouilles,
perquisitions et saisies mais sur l'assignation de personnes ou
la production de documents par subpoenas devant la Commis
sion — Le pouvoir accordé par l'art. 17 n'est pas assujetti aux
protections garanties par la Charte — Charte canadienne des
droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitu-
tionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.), art. 2, 7 et 8 — Loi relative aux enquêtes sur
les coalitions, S.R.C. 1970, chap. C-23, art. 17.
Les requérants cherchent à empêcher les intimés de procéder
en vertu d'ordonnances rendues en application de l'article 17 de
la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions ou, subsidiaire-
ment, à obtenir l'annulation de ces ordonnances pour le motif
que le pouvoir que l'article 17 confère à la Commission d'exi-
ger, par subpoenas, la comparution de témoins ou la production
de documents est contraire à la protection de la vie privée et à
la protection contre les fouilles, perquisitions et saisies garanties
par les articles 2, 7 et 8 de la Charte et que les ordonnances
enfreignent la protection contre l'auto-incrimination accordée
par l'alinéa 2d) de la Déclaration canadienne des droits.
Jugement: la requête est rejetée. Le pouvoir conféré par
l'article 17 n'est pas assujetti à la protection de la vie privée et à
la protection contre les fouilles, perquisitions et saisies garanties
en vertu de la Charte. Il ne s'agit pas en l'espèce de fouilles, de
perquisitions ou de saisies, mais de la compétence d'exiger la
comparution de personnes ou la production de documents
devant la Commission par voie de subpoena. Il s'ensuit que
l'arrêt Southam Inc. v. Director of Investigation and Research
of the Combines Investigation Branch et al., [1983] 3 W.W.R.
385 (C.A. Alb.) qui a annulé la compétence des intimés de
lancer des mandats et de les exécuter ne peut s'appliquer. Il y a
des formalités à observer avant d'obtenir les sommations pré-
vues à l'article 17: le directeur des enquêtes et recherches doit
demander les subpoenas à un membre de la Commission sur les
pratiques restrictives du commerce; cette demande doit être
faite par écrit et conformément aux exigences du commissaire
qui les délivre; en vertu du paragraphe 17(3), les intimés ne
peuvent imposer aucune peine pour refus d'obtempérer sauf par
demande à la Cour; enfin, celui qui reçoit le subpoena a le
droit, dès signification de celui-ci, de consulter un avocat sur
l'opportunité de s'y conformer, de comparaître, de témoigner et
de produire des documents. La comparaison de la procédure
prévue à l'article 17 avec les fouilles, perquisitions et saisies
abusives ne tient manifestement pas.
Les requérants ne sont pas non plus, du fait de leur convoca
tion à la procédure préliminaire en cause, privés de la protec-
tion contre l'auto-incrimination. L'alinéa 2d) de la Déclaration
canadienne des droits a non seulement établi le principe bien
connu de droit pénal selon lequel personne n'est tenu de fournir
un témoignage qui tend à l'incriminer, mais il enjoint de plus
aux cours de déclarer inopérante toute disposition de la loi qui
peut s'interpréter et s'appliquer de façon à enlever cette protec
tion. Les requérants jouissent de la protection prévue à l'article
5 de la Loi sur la preuve au Canada pour les personnes qui ne
sont pas accusées. L'article 20 de la Loi relative aux enquêtes
sur les coalitions confirme expressément cette protection. Bien
que ces deux articles visent seulement les dépositions orales, le
principe n'a jamais été différent et la Cour n'a pas été convain-
cue du contraire.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Southam Inc. v. Director of Investigation and Research
of the Combines Investigation Branch et al., [1983] 3
W.W.R. 385 (C.A. Alb.).
DÉCISIONS CITÉES:
Stevens, et autres c. La Commission sur les pratiques
restrictives du commerce, [1979] 2 C.F. 159 (11e inst.);
Curr c. Sa Majesté La Reine, [1972] R.C.S. 889; 26
D.L.R. (3d) 603.
AVOCATS:
A. M. Gans, J. Pelletier et J. R. Sproat pour
les requérants.
B. Finlay, M. Rosenberg et S. Fréchette pour
les intimés.
PROCUREURS:
Miller, Thomson, Sedgewick, Lewis & Healy,
Toronto, pour les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: Les requé-
rants cherchent à empêcher les intimés de procéder
en vertu de certaines ordonnances rendues en
application de l'article 17 de la Loi relative aux
enquêtes sur les coalitions [S.R.C. 1970, chap.
C-23] ou, subsidiairement, par voie de certiorari, à
faire annuler ces ordonnances pour le motif que
l'article 17 est sans effet parce que contraire aux
articles 2, 7 et 8 de la Loi constitutionnelle de
1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.)] et de l'alinéa 2d) de la Déclara-
tion canadienne des droits [S.R.C. 1970, Appen-
dice III].
17. (1) Sur demande ex parte du directeur, ou de sa propre
initiative, un membre de la Commission peut ordonner que
toute personne résidant ou présente au Canada soit interrogée
sous serment devant lui ou devant toute autre personne
nommée à cette fin par l'ordonnance de ce membre, ou produise
à ce membre ou à cette autre personne des livres, documents,
archives ou autres pièces, et peut rendre les ordonnances qu'il
estime propres à assurer la comparution et l'interrogatoire de ce
témoin et la production par ce dernier de livres, documents,
archives ou autres pièces, et il peut autrement exercer, en vue
de l'exécution de ces ordonnances ou de la punition pour défaut
de s'y conformer, les pleins pouvoirs exercés par toute cour
supérieure au Canada quant à l'exécution des brefs d'assigna-
tion ou à la punition en cas de défaut de s'y conformer.
(2) Toute personne assignée sous le régime du paragraphe
(1) est habile à agir comme témoin et peut être contrainte à
rendre témoignage.
(3) Un membre de la Commission ne doit pas exercer le
pouvoir d'infliger une peine à quelque personne en vertu de la
présente loi, pour désobéissance ou autrement, à moins que, sur
requête de ce membre, un juge de la Cour fédérale du Canada
ou d'une cour supérieure ou d'une cour de comté, n'ait certifié,
comme un tel juge peut le faire, que ce pouvoir peut être exercé
en la matière révélée dans la requête, et que ce membre n'ait
donné à cette personne un avis de vingt-quatre heures de
l'audition de la requête ou tel avis plus court que le juge
estimera raisonnable.
(4) Tous les livres, pièces, archives ou autres documents
produits volontairement ou en conformité d'une ordonnance
rendue sous le régime du paragraphe (1) doivent, dans les
trente jours, être livrés au directeur, lequel, par la suite, sera
responsable de leur garde et devra, dans les soixante jours après
les avoir reçus, en remettre l'original ou une copie à la personne
de qui ils ont été reçus.
(5) Un juge de paix devant qui est produite une chose saisie
en conformité d'un mandat de perquisition décerné à l'égard
d'une infraction à la présente loi, peut, sur requête du directeur,
ordonner que cette chose soit livrée au directeur, et ce dernier
doit disposer de toute chose qui lui est ainsi livrée comme si la
livraison de la chose en question lui avait été faite selon le
paragraphe (4).
(6) Toute personne assignée en conformité du présent article
a droit aux mêmes honoraires et allocations pour ce faire que si
elle avait été assignée à comparaître devant une cour supérieure
de la province où elle est ainsi assignée.
(7) Le Ministre peut décerner des commissions en vue de
recueillir des témoignages dans un autre pays, et il peut rendre
toutes ordonnances appropriées à cette fin et pour le renvoi et
l'utilisation des témoignages ainsi obtenus.
(8) Les ordonnances aux témoins décernées en conformité du
présent article doivent être signées par un membre de la
Commission.
Les avocats des requérants reconnaissent que la
requête ne conteste pas la compétence du Parle-
ment d'adopter des lois pour empêcher les coali
tions ou de renforcer ces lois par les pouvoirs
d'enquête de la Loi relative aux enquêtes sur les
coalitions et par la Commission sur les pratiques
restrictives du commerce. Les avocats ont aussi
reconnu que la requête ne conteste pas la compé-
tence du Parlement de renforcer ces dispositions
législatives par l'attribution du pouvoir d'exiger
sous forme de sommation ou de subpoenas la
présentation à la Commission de témoignages ou
de documents qui relèvent de l'objet de ces enquê-
tes. La requête soulève deux questions: Est-ce que
le pouvoir ou la compétence que l'article 17 con-
fère à la Commission sont contraires à la protec
tion de la vie privée et à la protection contre les
fouilles, perquisitions et saisies abusives exprimées
dans la Charte canadienne des droits et libertés,
Partie I, Loi constitutionnelle de 1982; et ces
ordonnances enfreignent-elles la protection contre
l'auto-incrimination mentionnée à la Déclaration
canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice
III, alinéa 2d)? Les dispositions pertinentes de la
Charte canadienne des droits et libertés sont ainsi
conçues:
2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes:
a) liberté de conscience et de religion;
b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y
compris la liberté de la presse et des autres moyens de
communication;
c) liberté de réunion pacifique;
d) liberté d'association.
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa
personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en confor-
mité avec les principes de justice fondamentale.
8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les
perquisitions ou les saisies abusives.
Dans l'arrêt récent Southam Inc. v. Director of
Investigation and Research of the Combines
Investigation Branch et al.', une formation de cinq
juges de la Cour d'appel de l'Alberta a annulé à
l'unanimité la compétence des intimés de lancer
des mandats de perquisition et de les exécuter. Peu
de temps après l'arrêt Southam, les intimés ont
obtenu des mandats de perquisition en vertu de la
même procédure dans plusieurs provinces autres
que l'Alberta et, à l'occasion d'une requête présen-
tée à Toronto, mon collègue le juge Collier a suivi
le raisonnement de là Cour d'appel de l'Alberta et
annulé les mandats. Je souligne qu'aucune des
décisions ne met en cause la compétence des inti-
' [I983] 3 W.W.R. 385 (C.A. Alb.).
més de procéder à une enquête ou de l'appuyer par
des mandats de perquisition. Le fondement de ces
décisions est que les dispositions sont inopérantes
parce qu'elles permettent aux intimés d'obtenir des
mandats de perquisition ou de les exécuter prati-
quement de leur propre chef, sans aucune garantie
de protection de la vie privée reconnue par la
common law, nos lois criminelles et maintenant
par la Charte. Si j'avais à trancher la même
question, je n'hésiterais nullement à appliquer le
raisonnement de la Cour d'appel de l'Alberta,
comme l'a fait mon collègue le juge Collier, mais il
ne s'agit pas ici de perquisitions et de saisies, mais
de la compétence d'exiger la comparution de per-
sonnes ou la production des documents devant la
Commission, par voie de subpoena. Il n'y a ni
intrusion chez quelque citoyen ni saisie de biens.
Nous sommes en présence de sommations que les
intimés ne peuvent obtenir avant d'avoir rempli les
formalités nécessaires à l'institution d'une enquête.
De plus, il y a une autre formalité à observer: le
directeur des enquêtes et recherches doit demander
les subpoenas en cause à un membre de la Com
mission sur les pratiques restrictives du commerce.
Il suffit, bien sûr, que cette demande soit faite par
l'une des administrations des intimés à l'autre,
mais la demande doit cependant être faite par écrit
et conformément aux exigences du commissaire
qui la délivre. Je crois qu'on peut fort bien compa-
rer cette situation à celle ou quelqu'un peut, à
l'occasion de toute procédure civile ou criminelle
dans quelque cour que ce soit, être appelé à rem-
plir l'obligation qui lui incombe de témoigner sous
serment par subpoena ou sommation qui sont déli-
vrés sur simple demande. Enfin, selon mon inter-
prétation du paragraphe 17(3), les intimés ne peu-
vent imposer aucune peine pour refus
d'obtempérer s'ils ne se présentent pas d'abord
devant cette Cour, après signification aux requé-
rants de leur intention de le faire. Si l'on considère
de plus le droit des requérants de consulter leurs
avocats dès la réception du subpoena, sur l'oppor-
tunité de s'y conformer, de comparaître, de dépo-
ser et de produire des documents, la comparaison
avec les fouilles, perquisitions et saisies injustifiées
ne tient absolument pas. Je ne puis admettre la
prétention que le pouvoir que donne l'article 17 est
assujetti aux garanties de protection de la vie
privée et à la protection contre les fouilles, perqui-
sitions et saisies abusives enchâssées dans la
Charte des droits et expressément confirmées dans
l'arrêt Sou tham.
Voici les dispositions pertinentes de la Déclara-
tion canadienne des droits:
2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement du
Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonob-
stant la Déclaration canadienne des droits, doit s'interpréter et
s'appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou
enfreindre l'un quelconque des droits ou des libertés reconnus et
déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la
diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du
Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme
d) autorisant une cour, un tribunal, une commission, un
office, un conseil ou une autre autorité à contraindre une
personne à témoigner si on lui refuse le secours d'un avocat,
la protection contre son propre témoignage ou l'exercice de
toute garantie d'ordre constitutionnel;
La société repose sur le principe selon lequel les
sujets ne se contentent pas d'obéir aux lois valides,
mais collaborent complètement avec ceux qui ont
la charge de les édicter et de les mettre en vigueur.
Ce devoir comporte l'obligation de déposer sous
serment sur réception d'un subpoena valide. Notre
droit criminel repose aussi depuis plusieurs siècles
sur le principe selon lequel personne n'est tenu de
fournir un témoignage qui tend à l'incriminer. Ce
principe a deux applications: un accusé ne peut
être contraint de témoigner et aucune déclaration
faite par un accusé n'est recevable comme preuve à
moins qu'elle n'ait été faite volontairement. En
l'espèce, aucune accusation n'a évidemment été
portée et la procédure en vertu de laquelle les
requérants sont sommés de comparaître peut avoir
de nombreux autres aboutissements. A cet égard,
le raisonnement formulé par mon collègue le juge
Addy dans l'arrêt Stevens, et autres c. La Com
mission sur les pratiques restrictives du commer
ce 2 , s'applique parfaitement.
La seconde application tend à protéger les
témoins qui ne sont pas accusés; elle est exprimée
dans la Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970,
chap. E-10, article 5:
5. (I) Nul témoin n'est exempté de répondre à une question
pour le motif que la réponse à cette question pourrait tendre à
l'incriminer, ou pourrait tendre à établir sa responsabilité dans
une procédure civile à l'instance de la Couronne ou de qui que
ce soit.
(2) Lorsque, relativement à quelque question, un témoin
s'oppose à répondre pour le motif que sa réponse pourrait
tendre à l'incriminer ou tendre à établir sa responsabilité dans
une procédure civile à l'instance de la Couronne ou de qui que
ce soit, et si, sans la présente loi, ou sans la loi de quelque
2 [1979] 2 C.F. 159 [1" inst.].
législature provinciale, ce témoin exit été dispensé de répondre à
cette question, alors bien que ce témoin soit en vertu de la
présente loi ou d'une loi provinciale, forcé de répondre, sa
réponse ne peut pas être invoquée et n'est pas admissible à titre
de preuve contre lui dans une instruction ou procédure crimi-
nelle exercée contre lui par la suite, hors le cas de poursuite
pour parjure en rendant ce témoignage.
Il est assez remarquable que la protection accor-
dée ne l'emporte pas sur l'obligation du témoin de
déposer comme elle le fait dans le cas d'un accusé.
Au contraire, l'obligation de déposer y est confir-
mée, mais sous réserve de la protection applicable.
Il est aussi remarquable que, ni dans le cas de
l'accusé, ni dans celui du témoin, le principe n'a
été étendu à autre chose que la déposition orale
pour viser la preuve documentaire. En réalité, la
jurisprudence courante confirme l'exception à
l'égard d'un accusé (Curr c. Sa Majesté La
Reine) 3 , et par analogie, de manière encore plus
expresse, à l'égard d'un témoin.
En plus d'incorporer ce principe dans la Décla-
ration canadienne des droits l'alinéa 2d) enjoint
aux cours de déclarer inopérante toute loi qui
pourrait s'interpréter ou s'appliquer de manière à
abroger la protection contre l'auto-incrimination.
En l'espèce, je dois décider si les requérants sont
privés de cette protection parce qu'ils sont convo-
qués à ce genre de procédure préliminaire, et je
conclus qu'ils ne sont pas. Ils peuvent se prévaloir
de la protection exprimée à l'article 5 de la Loi sur
la preuve au Canada. En réalité, l'article 20 de la
Loi relative aux enquêtes sur les coalitions le
confirme expressément. Ces deux dispositions ont
trait aux seules dépositions orales, mais le principe
n'a jamais été différent et rien dans la plaidoirie
très fouillée des avocats des requérants ne m'a
convaincu du contraire.
En conséquence, la présente requête est rejetée
avec dépens.
3 [[1972] R.C.S. 889]; 26 D.L.R. (3d) 603.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.