A-498-82
Narinder Singh Gill (requérant)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Heald et
juge suppléant Lalande—Winnipeg, 10 janvier;
Ottawa, 25 janvier 1983.
Immigration — Demande d'examen et d'annulation d'une
ordonnance d'expulsion — Suite â la revendication du statut
de réfugié, l'arbitre a ajourné l'enquête prévue à l'art. 27 — Le
statut de réfugié est refusé au requérant après épuisement de
tous les recours disponibles — Le requérant avait-il le droit, à
la reprise de l'enquête, de revendiquer une deuxième fois le
statut de réfugié et d'obtenir un deuxième ajournement au
motif que la procédure suivie la première fois ne respectait pas
l'arrêt Ergul c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration?
— Interprétation des art. 45 et 46 de la Loi sur l'immigration
de 1976 — Demande rejetée — Loi sur l'immigration de 1976,
S.C. 1976-77, chap. 52, art. 27, 32(6), 45, 46, 70, 71 —
Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 35.
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Immigration
— Ordonnance d'expulsion — Suite au refus d'accorder le
statut de réfugié après avoir épuisé tous les recours disponi-
bles, le requérant avait-il le droit de déposer une deuxième
demande de statut de réfugié et d'obtenir un deuxième ajour-
nement de l'enquête au motif que la procédure suivie la
première fois ne respectait pas l'arrêt Ergul c. Le ministre de
l'Emploi et de l'Immigration? — Interprétation des art. 45 et
46 de la Loi sur l'immigration de 1976 — Demande rejetée —
Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 27,
32(6), 45, 46, 70, 71 — Règlement sur l'immigration de 1978,
DORS/78-172, art. 35 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
Au cours d'une enquête en vertu de l'article 27 de la Loi sur
l'immigration de 1976, le requérant a revendiqué le statut de
réfugié au sens de la Convention. L'enquête a été ajournée, et
après épuisement de tous les recours disponibles, le requérant
s'est vu refuser le statut de réfugié. A la reprise de l'enquête, le
requérant a demandé un nouvel ajournement pour faire une
deuxième revendication du statut de réfugié. L'arbitre a refusé
d'accéder à sa demande et a rendu une ordonnance d'expulsion.
Le requérant prétend que l'arbitre a commis une erreur suscep
tible d'examen et d'annulation parce qu'il n'avait pas rendu de
décision relativement à «l'interdiction ou à l'expulsion de
séjour» avant l'ajournement et qu'en conséquence, selon l'arrêt
Ergul, l'enquête n'avait pas été ajournée ni reprise conformé-
ment aux articles 45 et 46 respectivement, ce qui donnait droit
au requérant à un «premier» ajournement en vertu de l'article
45 pour que sa revendication du statut de réfugié soit
déterminée.
Arrêt: la demande est rejetée. Les juges qui ont rendu l'arrêt
Ergul ont adopté une interprétation trop restrictive des termes
utilisés aux articles 45 et 46, qui ne tient pas compte de
l'économie générale de la Loi. Ce raisonnement ne prend pas en
considération les obligations que le paragraphe 32(6) impose à
l'arbitre avant qu'il rende sa décision d'interdiction ou d'expul-
sion et qu'il émette un avis d'interdiction de séjour: l'arbitre
doit examiner tous les faits de l'espèce et préciser une date dans
l'avis d'interdiction de séjour. Cette obligation serait également
irréaliste puisque l'arbitre ne peut en pratique fixer la date du
départ à ce moment. Il semble évident que c'est au moment où
il rend sa décision finale d'interdiction ou d'expulsion que
l'arbitre doit examiner tous ces faits. Il faut préférer l'interpré-
tation retenue dans Brannson à celle de l'arrêt Ergul parce
qu'elle cadre bien avec l'économie de la Loi et qu'elle est
conforme à l'intention du législateur. Par conséquent, l'ajourne-
ment initial en l'espèce constituait un ajournement en vertu de
l'article 45 et la reprise de l'enquête, une reprise en vertu de
l'article 46. La procédure suivie par l'arbitre était donc
appropriée.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Brannson c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration,
[1981] 2 C.F. 141 (C.A.).
DÉCISION ÉCARTÉE:
Ergul c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration,
[1982] 2 C.F. 98 (C.A.).
DÉCISION CITÉE:
Vakili c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, et
autres, jugement en date du 16 décembre 1982, Division
d'appel de la Cour fédérale, A-482-82, encore inédit.
AVOCATS:
K. Zaifman pour le requérant.
B. Hay pour l'intimé.
PROCUREURS:
Margolis, Kaufman, Cassidy, Zaifman,
Swartz, Winnipeg, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: La Cour est saisie d'une
demande d'examen et d'annulation, en vertu de
l'article 28, d'une ordonnance d'expulsion pronon-
cée le 11 juin 1982 par l'arbitre K. C. Flood contre
le requérant.
À la suite d'un rapport préparé en vertu de
l'article 27 de la Loi sur l'immigration de 1976
[S.C. 1976-77, chap. 52], l'arbitre Flood a tenu
l'enquête prévue par la Loi et, se fondant sur la
preuve produite à l'enquête, a conclu:
a) que le requérant était une personne visée à
l'alinéa 27(2)b) de la Loi, parce qu'il avait pris
un emploi au Canada en violation du Règlement
sur l'immigration de 1978 [DORS/78-172];
b) que le requérant était aussi une personne
visée à l'alinéa 27(2)e) de la Loi, parce qu'il
était entré au Canada en qualité de visiteur et y
était demeuré après avoir perdu cette qualité;
c) que le requérant était également une personne
visée à l'alinéa 27(2)f) de la Loi, parce qu'il
était une personne se trouvant au Canada, autre
qu'un citoyen canadien ou un résident perma
nent, et qu'il s'était dérobé à une enquête prévue
par la Loi sur l'immigration de 1976.
À ce moment-là, le requérant a revendiqué le
statut de réfugié au sens de la Convention. Les
notes sténographiques montrent qu'il y a alors eu
l'échange de propos suivants (page 20 du dossier
conjoint):
[TRADUCTION] L'ARBITRE: Monsieur Gill, je vais faire lecture
de l'article 45 de la Loi sur l'immigration et j'aimerais que Mme
Nanra vous le traduise car je veux être certain que vous en
comprenez le sens.
«Une enquête, au cours de laquelle la personne en cause
revendique le statut de réfugié au sens de la Convention,, doit
être ajournée et un agent d'immigration supérieur doit procé-
der à l'interrogatoire sous serment de la personne au sujet de
sa revendication.»
«Réfugié au sens de la Convention désigne toute personne
qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa
race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à
un groupe social ou de ses opinions politiques a) se trouve
hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait
de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce
pays, ou b) qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors
du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut
ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.»
Selon cette définition, croyez-vous être un réfugié au sens de la
Convention?
MONSIEUR GILL: oui.
L'ARBITRE: Dans ce cas, l'enquête est ajournée afin de vous
permettre de revendiquer le statut de réfugié. Vous serez
interrogé sous serment par un agent d'immigration supérieur au
sujet de votre revendication. A ce moment-là, vous aurez le
droit d'être représenté par un avocat si vous le désirez. Une
copie des déclarations que vous aurez faites à l'agent d'immi-
gration supérieur vous sera remise, et vous aurez l'occasion
d'examiner ces déclarations avant qu'elles ne soient transmises
au comité consultatif sur le statut de réfugié. Le comité étu-
diera votre revendication et transmettra au Ministre une
recommandation dans laquelle il indiquera s'il croit que vous
êtes un réfugié au sens de la Convention.
Il y a eu ensuite une discussion sur la question de
savoir si le requérant pouvait être mis en liberté,
et, après cela, l'enquête a été ajournée.
Par la suite, le Ministre intimé a rejeté la reven-
dication par le requérant du statut de réfugié au
sens de la Convention, la Commission d'appel de
l'immigration a refusé de laisser la demande de
réexamen suivre son cours et a décidé, conformé-
ment au paragraphe 71(1) de la Loi, que le requé-
rant n'était pas un réfugié au sens de la Conven
tion. Le requérant a alors présenté à la Cour
fédérale une demande d'examen et d'annulation,
en vertu de l'article 28, de la décision de la Com
mission d'appel de l'immigration. Cette demande a
été rejetée avec dépens [Cour fédérale, A-47-81,
jugement en date du 25 janvier 1983 (C.A.)], et
l'arbitre Flood a repris l'enquête. Les notes sténo-
graphiques révèlent qu'au début de la reprise, l'ar-
bitre a déclaré (page 21 du dossier conjoint):
[TRADUCTION] Il s'agit de la reprise d'une enquête concernant
Narinder Singh Gill. Cette enquête est reprise en application de
l'article 35(1) du Règlement.
Voici l'article 35 du Règlement sur l'immigration
de 1978:
35. (1) L'arbitre qui préside l'enquête peut l'ajourner à tout
moment afin de veiller à ce qu'elle soit complète et régulière.
(2) L'enquête ajournée selon le présent règlement ou le
paragraphe 29(5) de la Loi doit reprendre à l'heure et à
l'endroit prescrits par l'arbitre présidant l'enquête.
(3) L'enquête ajournée selon la Loi ou le présent règlement
peut, avec le consentement de la personne en cause ou lorsque
aucune preuve réelle n'a été produite, être reprise par un arbitre
autre que celui qui a présidé l'enquête ajournée.
(4) Lorsqu'une preuve réelle a été produite à une enquête
ajournée et que la personne en cause refuse de consentir à la
reprise de l'enquête par un arbitre autre que celui qui a présidé
l'enquête ajournée, il faut recommencer l'enquête.
L'avocat du requérant a alors objecté, en se fon
dant sur l'arrêt Ergul c. Le ministre de l'Emploi et
de l'Immigration' de la Cour fédérale, que l'arbi-
tre était incompétent pour reprendre l'enquête.
L'arbitre a fait une distinction entre la présente
affaire et l'arrêt Ergul: dans l'affaire Ergul, après
le prononcé de la décision définitive concernant le
statut de réfugié, l'enquête avait été reprise par un
autre arbitre que celui qui avait présidé l'enquête
avant son ajournement, tandis qu'en l'espèce, c'est
le même arbitre qui a présidé l'enquête initiale
' [1982] 2 C.F. 98 [C.A.].
avant son ajournement et la reprise de cette
enquête après qu'une décision définitive eut été
prise concernant la revendication du statut de réfu-
gié. En conséquence, il a jugé qu'il était compétent
pour reprendre l'enquête et pour décider en vertu
du paragraphe 32(6) de la Loi s'il convenait en
l'espèce de rendre une ordonnance d'expulsion ou
d'émettre un avis d'interdiction de séjour. Cepen-
dant, au moment où l'arbitre s'apprêtait à enten-
dre les témoignages relatifs à la décision qu'il
devait rendre en application du paragraphe 32(6),
l'avocat du requérant a présenté une deuxième
revendication du statut de réfugié et a demandé
que l'enquête soit ajournée conformément aux dis
positions du paragraphe 45 (1) de la Loi 2 . L'arbitre
a alors différé sa décision concernant cette der-
nière requête jusqu'à ce qu'il ait décidé selon les
prescriptions du paragraphe 32(6), s'il y avait lieu,
en l'espèce, de rendre une ordonnance d'expulsion
ou d'émettre un avis d'interdiction de séjour. Il a
expliqué comme suit la raison pour laquelle il a
décidé de reporter sa décision (page 28 du dossier
conjoint):
[TRADUCTION] Je crois qu'il ressort clairement de l'arrêt
ERGUL que je dois au moins rendre une décision sur l'interdic-
tion de séjour ou l'expulsion de la personne avant d'examiner
une demande d'ajournement fondée sur 45(1).
Il a alors entendu les témoignages relatifs à la
décision qu'il devait rendre en application du para-
graphe 32(6) et conclu (page 35 du dossier
conjoint):
[TRADUCTION] Étant donné les faits dans votre cas et étant
donné que je crois que vous n'avez pas l'intention de quitter ce
pays, j'ordonne que vous soyez expulsé du Canada.
Il a ensuite examiné la demande d'ajournement
présentée par l'avocat du requérant pour permettre
à ce dernier de revendiquer une deuxième fois le
statut de réfugié. Il a rejeté cette demande et a
déclaré ce qui suit (pages 37 et 38 du dossier
conjoint):
z Ledit paragraphe 45(1) est ainsi rédigé:
45. (1) Une enquête, au cours de laquelle la personne en
cause revendique le statut de réfugié au sens de la Conven
tion, doit être poursuivie. S'il est établi qu'à défaut de cette
revendication, l'enquête aurait abouti à une ordonnance de
renvoi ou à un avis d'interdiction de séjour, elle doit être
ajournée et un agent d'immigration supérieur doit procéder à
l'interrogatoire sous serment de la personne au sujet de sa
revendication.
[TRADUCTION] Rien dans l'arrêt ERGUL ne laisse entendre
qu'il faut accorder à la personne en cause une seconde occasion
de revendiquer le statut de réfugié.
Dans votre cas, il me semble que la Loi exige que l'on vous
donne à l'enquête une occasion de revendiquer le statut de
réfugié et de présenter cette revendication devant le comité
consultatif sur la statut de réfugié, la Commission d'appel de
l'immigration et la Cour fédérale. Cela a maintenant été fait, et
je ne suis pas en mesure d'examiner leurs décisions ni de les
critiquer.
Il me semble que selon l'économie générale de la Loi, il faut
que l'on vous donne cette possibilité. Vous l'avez eue. Cette
obligation a été remplie et puisque la Cour n'a pas expressé-
ment déclaré que cette façon de procéder était entachée d'une
irrégularité, en raison d'un ajournement prématuré, je ne crois
pas être maintenant obligé d'ajourner la présente enquête afin
de vous permettre de présenter une deuxième revendication du
statut de réfugié. En conséquence, la demande d'ajournement
fondée sur l'article 45(1) est rejetée.
L'avocat du requérant a prétendu que les disposi
tions précitées du paragraphe 45(1) de la Loi
rendaient obligatoire l'ajournement de l'enquête
au cours de laquelle une personne revendiquait le
statut de réfugié. Il a parlé, à ce propos, d'ajourne-
ment légal. Il a en outre soutenu que c'était l'arti-
cle 46 de la Loi' qui exigeait la reprise de l'enquête
dès qu'une décision définitive avait été prise con-
cernant la revendication du statut de réfugié.
Selon lui, il s'agirait d'une reprise légale. L'avocat
3 L'article 46 dit:
46. (1) L'agent d'immigration supérieur, informé confor-
mément au paragraphe 45(5) que la personne en cause n'est
pas un réfugié au sens de la Convention, doit faire reprendre
l'enquête, dès que les circonstances le permettent, par l'arbi-
tre qui en était chargé ou par un autre arbitre, à moins que la
personne en cause ne demande à la Commission, en vertu du
paragraphe 70(1), de réexaminer sa revendication; dans ce
cas, l'enquête est ajournée jusqu'à ce que la Commission
notifie sa décision au Ministre.
(2) L'arbitre chargé de poursuivre l'enquête en vertu du
paragraphe (1), doit, comme si la revendication du statut de
réfugié n'avait pas été formulée, prononcer le renvoi ou
l'interdiction de séjour de la personne
a) à qui le Ministre n'a pas reconnu le statut de réfugié au
sens de la Convention, si le délai pour demander le réexa-
men de sa revendication prévu au paragraphe 70(1) est
expiré; ou
b) à qui la Commission n'a pas reconnu le statut de réfugié
au sens de la Convention.
a mentionné ensuite la déclaration précitée de
l'arbitre Flood (page 20 du dossier conjoint) selon
laquelle l'enquête en question était reprise en
application du paragraphe 35 (1) précité du Règle-
ment sur l'immigration de 1978.
Partant de là, l'avocat a allégué que le paragra-
phe 45(1) dispose que les ajournements aux fins
d'une décision sur le statut de réfugié doivent
toujours être accordés en vertu de cet article de la
Loi, et qu'une fois rendue cette décision sur la
revendication du statut de réfugié, les reprises
d'enquête doivent toujours s'effectuer en vertu de
l'article 46 de la Loi, et qu'en conséquence, l'en-
quête reprise en application du paragraphe 35(1)
du Règlement était irrégulière et invalide. À son
avis, puisque l'enquête n'avait pas été ajournée en
vertu de l'article 45 ni reprise en vertu de l'article
46, le requérant avait donc le droit de présenter
une deuxième fois une revendication du statut de
réfugié, ce qui entraînerait l'ajournement de l'en-
quête en vertu de l'article 45, une décision sur
cette deuxième revendication et finalement, la
reprise de l'enquête conformément à l'article 46,
une fois la décision rendue sur la revendication du
statut de réfugié. Il a par conséquent soutenu que
l'arbitre avait commis une erreur susceptible
d'examen et d'annulation en rejetant la deuxième
revendication du statut de réfugié présentée par le
requérant et la demande d'ajournement l'accompa-
gnant. Il a déclaré qu'en refusant d'accorder
l'ajournement prévu à l'article 45, l'arbitre a privé
le requérant de son droit légal à l'ajournement
prévu à cet article.
En ce qui concerne ces arguments, je voudrais
d'abord faire remarquer qu'ainsi que l'a soutenu
l'avocat du requérant, ce sont les dispositions de
l'article 45 de la Loi qui prévoient qu'une enquête
doit obligatoirement être ajournée lorsqu'il y est
présenté une revendication du statut de réfugié. Il
ressort clairement des notes sténographiques (page
20 précitée du dossier conjoint) que l'arbitre visait
à ajourner l'enquête en vertu de l'article 45 puis-
qu'il a lu au requérant les passages applicables du
paragraphe 45(1), et qu'il a ensuite ajourné l'en-
quête pour permettre l'examen de sa revendication.
L'ajournement a été accordé le 19 février 1980 et
l'enquête a été reprise le 11 juin 1982. Entre
temps, c'est-à-dire le 9 octobre 1981, la Cour
fédérale a rendu son jugement dans l'affaire
Ergul. Les faits dans cette affaire sont semblables
à ceux de l'espèce à une seule exception près: dans
le premier cas, un arbitre différent présidait la
reprise de l'enquête qui a suivi la décision rendue
sur le statut de réfugié. Le requérant n'avait pas
consenti au changement d'arbitre et soutenait, en
se fondant sur le règlement 35(3), précité, qu'étant
donné qu'une preuve réelle avait été produite, l'en-
quête ne pouvait être reprise par un nouvel arbitre.
Il s'appuyait également sur le règlement 35(4)
précité pour alléguer qu'étant donné les faits, le
nouvel arbitre avait commis une erreur en ne
recommençant pas l'enquête. La Cour a accueilli
la demande du requérant fondée sur l'article 28.
Le fondement de sa décision est exposé aux pages
101 et 102 du recueil de la manière suivante:
Il me paraît évident que le paragraphe 35(3) du Règlement
ne peut s'appliquer à une enquête reprise en vertu de l'article
46 de la Loi. S'il s'appliquait, il en résulterait que ce Règlement
rendrait illégal une manière de procéder que la Loi autorise
expressément. Il ne peut en être ainsi. Un règlement adopté par
le gouverneur en conseil ne peut avoir pour effet de modifier la
Loi.
Cependant, il me paraît plus difficile de déterminer si l'en-
quête en question a été reprise en conformité avec l'article 46.
Si c'est le cas, cette enquête pouvait être reprise devant un
autre arbitre sans le consentement du requérant (paragraphe
46(1)), mais si ce n'est pas le cas, un autre arbitre ne pouvait
reprendre cette enquête sans le consentement du requérant
(paragraphe 35(3) du Règlement).
Le paragraphe 46(2) précise les devoirs d'un arbitre qui
reprend une enquête ajournée en vertu du paragraphe 45(1). II
ne s'agit pas de faire une enquête ni de décider quoi que ce soit
mais, simplement, de «prononcer l'ordonnance ou l'interdiction
de séjour de la personne« comme si la personne visée par
l'enquête n'avait pas revendiqué le statut de réfugié. Le para-
graphe 46(2) n'exige pas de l'arbitre qu'il fasse autre chose
parce que, la plupart du temps, c'est la seule chose qui reste à
faire pour mettre fin à l'enquête. Si l'on rapproche le paragra-
phe 45(1) du paragraphe 46(2), il me paraît en ressortir
clairement que l'arbitre qui a commencé l'enquête doit, avant
de l'ajourner, non seulement conclure au bien-fondé des alléga-
tions contenues dans le rapport sur la personne visée par
l'enquête mais décider également s'il convient de prononcer le
renvoi ou l'interdiction de séjour de cette personne.
Si un arbitre commence une enquête au cours de laquelle la
personne revendique le statut de réfugié et ajourne l'enquête
sans avoir décidé ce qu'exige le paragraphe 45(1), l'enquête
n'est pas véritablement ajournée en vertu du paragraphe 45(1).
Et lorsque cette enquête est reprise par la suite, cette reprise
n'est pas régie par le paragraphe 46(1) puisque l'enquête n'est
pas reprise à la seule fin mentionnée au paragraphe 46(2) mais
également dans le but d'arriver à la décision qui aurait dû
normalement être prise avant l'ajournement. Par conséquent,
dans un tel cas, le paragraphe 35(3) du Règlement s'applique et
l'enquête ne peut être reprise par un arbitre différent de celui
qui a commencé l'enquête, sans le consentement de la personne
concernée.
En l'espèce, il est admis que l'arbitre qui a commencé
l'enquête l'a ajournée dès qu'il a conclu que les allégations
contenues dans le rapport préparé en vertu de l'article 27
étaient bien fondées, sans avoir décidé s'il convenait de pronon-
cer l'expulsion ou l'interdiction de séjour de la personne. Par
conséquent, cette enquête ne pouvait être reprise par un autre
arbitre sans le consentement du requérant.
Par ces motifs, je suis d'avis d'accueillir cette requête, d'an-
nuler la décision attaquée et de renvoyer cette affaire devant
l'agent d'immigration supérieur approprié qui prendra les
mesures voulues pour que l'enquête au sujet du requérant soit
reprise par l'arbitre qui l'a commencée ou, si cela est impossi
ble, pour qu'une nouvelle enquête soit instituée.
À mon avis, le raisonnement adopté dans l'arrêt
Ergul est le suivant: avant d'ajourner l'enquête
aux fins d'une décision sur le statut de réfugié,
l'arbitre doit, après avoir déterminé si les alléga-
tions contenues dans le rapport préparé conformé-
ment à l'article 27 sont exactes, décider en outre
s'il y a lieu, étant donné les faits, de prononcer une
ordonnance d'expulsion ou une interdiction de
séjour". Cette conclusion des juges de la Cour qui
entendaient l'affaire Ergul découle apparemment
de leur interprétation des paragraphes 45(1) et
46(2) considérés en fonction l'un de l'autre. Selon
eux, le devoir de l'arbitre à la reprise de l'enquête
était de prononcer l'ordonnance ou l'interdiction
de séjour qu'il aurait prononcée s'il n'y avait pas
eu de revendication du statut de réfugié. En toute
déférence, je pense que les juges qui ont rendu
l'arrêt Ergul ont adopté une interprétation trop
restrictive des termes utilisés aux articles 45 et 46,
qui ne tient pas compte de l'économie générale de
la Loi. Les articles 45 et 46 font partie de la
section de la Loi traitant de la Reconnaissance du
statut de réfugié. Toutefois, il semble évident qu'il
faut, si possible, interpréter ces articles sans défor-
mer ni contrarier les objectifs manifestes des
autres dispositions de la Loi. À ce propos, je fais
4 On appelle parfois décision d'interdiction ou d'expulsion
cette décision que, conformément au paragraphe 32(6), il fal-
lait rendre dans Ergul et qu'il faut également rendre en
l'espèce.
particulièrement allusion au paragraphe 32(6) de
la Lois qui expose le devoir de l'arbitre relative-
ment aux personnes non admissibles 6 visées dans
certains alinéas. Conformément au paragraphe
32(6), l'arbitre doit rendre une décision d'interdic-
tion ou d'expulsion:
a) eu égard aux circonstances de l'espèce et
b) après avoir déterminé si la personne en cause
quittera le Canada dans le délai imparti.
Si l'arrêt Ergul est fondé, l'arbitre doit rendre une
décision d'interdiction ou d'expulsion avant
d'ajourner l'enquête pour que soit tranchée la
question du statut de réfugié. Les articles 45, 70 et
71 définissent la marche à suivre pour la recon
naissance du statut de réfugié. L'article 45 dispose
que la personne qui revendique le statut de réfugié
doit être interrogée sous serment au sujet de sa
revendication. La revendication, accompagnée
d'une copie de l'interrogatoire, est transmise au
Ministre qui doit soumettre ces deux documents au
comité consultatif sur le statut de réfugié. Après
réception de l'avis du comité, le Ministre décide si
la personne est un réfugié au sens de la Conven
tion. L'article 70 donne le droit à la personne,
lorsque la décision du Ministre lui est défavorable,
de présenter à la Commission d'appel de l'immi-
gration une demande de réexamen de sa revendica-
tion. Les articles 70 et 71 obligent la Commission
à rendre une décision préliminaire en ce qui con
s Le paragraphe 32(6) dit:
32....
(6) L'arbitre, après avoir conclu que la personne faisant
l'objet d'une enquête est visée par le paragraphe 27(2), doit,
sous réserve des paragraphes 45(1) et 47(3), en prononcer
l'expulsion; cependant, dans le cas d'une personne non visée
aux alinéas 19(1)c), d), e), J) ou g) ou 27(2)c), h) ou i),
l'arbitre doit émettre un avis d'interdiction de séjour fixant à
ladite personne un délai pour quitter le Canada, s'il est
convaincu
a) qu'une ordonnance d'expulsion ne devrait pas être
rendue eu égard aux circonstances de l'espèce; et
b) que ladite personne quittera le Canada dans le délai
imparti.
6 Les requérants en l'espèce et dans l'affaire Ergul ont été
déclarés non admissibles en vertu d'alinéas qui, conformément
au paragraphe 32(6), exigent une décision d'interdiction ou
d'expulsion.
cerne chaque revendication et à décider s'il y a lieu
de croire que le demandeur pourra vraisemblable-
ment établir le bien-fondé de sa revendication à
l'audition. Pour ce faire, elle doit se fonder sur
l'interrogatoire sous serment exigé par l'article 45
et sur une déclaration sous serment du demandeur.
Le paragraphe 70(2) énumère les éléments que
peut contenir la déclaration sous serment. Si, à
partir de ces documents, la Commission se pro-
nonce favorablement pour le demandeur, la
demande suit son cours et le demandeur a droit à
une audition devant la Commission. Dans le cas
contraire, la Commission ne donne pas suite à la
demande et décide que la personne en cause n'est
pas un réfugié au sens de la Convention. Dans
l'affaire en instance, le Ministre s'est prononcé
contre la demande du requérant. La Commission a
également rendu, conformément à l'article 71, une
décision qui était défavorable au requérant; elle
n'a pas donné suite à sa demande et a décidé que le
requérant n'était pas un réfugié au sens de la
Convention. Le requérant a alors présenté une
demande d'examen et d'annulation, en vertu de
l'article 28, de la décision de la Commission. La
Cour fédérale a rejeté cette demande. L'enquête a
ensuite été reprise. Cette procédure d'appel en
trois étapes, à laquelle a droit toute personne
revendiquant le statut de réfugié, a duré près de
seize mois. Après avoir entendu un nombre consi-
dérable de demandes du même genre fondées sur
l'article 28, je peux affirmer qu'un délai de seize
mois n'est pas chose inhabituelle. Le temps requis
par les procédures d'appel varie d'une cause à
l'autre selon les faits particuliers de chaque cas,
mais une durée d'un an ou plus n'est pas rare.
La durée de la procédure est importante en ce
qui concerne le devoir imposé à l'arbitre par le
paragraphe 32(6) car, si la décision dans Ergul est
correcte et que l'arbitre doit rendre sa décision
avant qu'il soit statué sur le statut de réfugié,
l'arbitre se trouve dans une situation absurde. En
effet, avant de pouvoir émettre un avis d'interdic-
tion de séjour, il doit être convaincu que le requé-
rant quittera le Canada dans un délai imparti. La
date doit figurer dans l'avis. Étant donné qu'habi-
tuellement les procédures de reconnaissance du
statut de réfugié prennent un temps considérable,
comment pourrait-il être possible pour l'arbitre
d'émettre un avis d'interdiction de séjour? Quand
il ajourne l'enquête, il n'a en réalité aucune idée de
la date à laquelle elle sera reprise et terminée. Je
ne peux par conséquent imaginer un cas où il lui
serait possible, au moment où il ajourne l'enquête,
d'inscrire une' date réaliste dans l'avis d'interdic-
tion de séjour.
De plus, les motifs dans Ergul laissent entendre
que l'arbitre, à la reprise de l'enquête en vertu du
paragraphe 46(2), doit prononcer l'interdiction de
séjour ou le renvoi décidé au moment de l'ajourne-
ment en vertu de l'article 45. Le juge Pratte,
exprimant alors l'opinion de la Cour, a déclaré à
cet égard [aux pages 101 et 102]:
Le paragraphe 46(2) n'exige pas de l'arbitre qu'il fasse autre
chose parce que, la plupart du temps, c'est la seule chose qui
reste à faire pour mettre fin à l'enquête.
En toute déférence, je ne saurais souscrire à ce
raisonnement car il ne tient pas compte des obliga
tions que le paragraphe 32(6) impose à l'arbitre
avant qu'il rende sa décision d'interdiction ou d'ex-
pulsion. Comme il a déjà été dit plus haut, l'arbitre
doit examiner tous les faits de l'espèce et être
convaincu que le requérant quittera le Canada
dans un délai imparti avant de pouvoir émettre un
avis d'interdiction de séjour. Il me semble évident
que c'est au moment où il rend sa décision finale
d'interdiction ou d'expulsion que l'arbitre doit exa
miner tous ces faits et non pas un an ou deux plus
tôt, car les faits peuvent avoir beaucoup changé et
la volonté ou la capacité du requérant, ou même
les deux, peuvent également avoir totalement
changé.
Si l'interprétation des articles 45 et 46 dans
Ergul est fondée, la décision de l'arbitre sur l'in-
terdiction ou l'expulsion rendue avant la décision
relative au statut de réfugié est donc, dans une
certaine mesure, dénuée de sens. Je conviens avec
l'avocat de l'intimé qu'il s'agit d'une décision dans
l'abstrait. En réalité, il ne s'agirait pas d'une déci-
sion mais plutôt de l'expression d'une opinion sur
une situation à un moment donné, des mois ou
même des années avant qu'il soit nécessaire de
rendre une décision d'interdiction ou d'expulsion.
L'avocat de l'intimé fait observer qu'avant l'ar-
rêt Ergul, la procédure choisie par l'arbitre en
l'espèce était uniformément adoptée par les arbi-
tres tenant des enquêtes pendant lesquelles le
statut de réfugié était revendiqué. La Cour a
approuvé cette procédure dans une décision anté-
rieure, Brannson c. Le ministre de l'Emploi et de
l'Immigration'. Le juge Ryan a déclaré aux pages
155 et 156 de cet arrêt:
A la reprise, l'arbitre devra se guider sur le fait que Mme
Healy a commis une erreur de droit en décidant que l'infraction
dont le requérant avait été déclaré coupable, constituerait
l'infraction prévue à l'article 339 du Code criminel, si elle avait
été commise au Canada. La nouvelle décision n'est pas défini-
tive. Elle peut être modifiée après une enquête reprise confor-
mément au paragraphe 46(1) de la Loi sur l'immigration de
1976. Citons à ce propos le passage suivant emprunté des
motifs du jugement prononcés le 8 février 1980 par le juge
Pratte dans Pincheira c. Le procureur général du Canada
([1980] 2 C.F. 265 [C.A.], à la page 267):
La conclusion à laquelle en arrive un arbitre au terme du
premier stade d'une enquête ajournée conformément à l'arti-
cle 45(1) n'est pas immuable; l'arbitre a le droit de la réviser
à tout moment au cours de l'enquête et il a même le devoir de
le faire s'il constate qu'elle est mal fondée ... .
Eu égard à la deuxième allégation d'erreur faite par le
requérant, je tiens à souligner que l'enquête pourra reprendre
devant M. Delaney ou devant un autre arbitre désigné, que le
requérant y consente ou non. Pour soutenir que le consentement
de l'intéressé est nécessaire en cas de reprise d'enquête confor-
mément au paragraphe 46(1) de la Loi, l'avocat du requérant
s'est fondé sur le paragraphe 35(3) du Règlement sur l'immi-
gration de 1978, DORS/78-172. Voici ce que prévoit l'article
35:
35. (1) L'arbitre qui préside l'enquête peut l'ajourner à
tout moment afin de veiller à ce qu'elle soit complète et
régulière.
(2) L'enquête ajournée selon le présent règlement ou le
paragraphe 29(5) de la Loi doit reprendre à l'heure et à
l'endroit prescrits par l'arbitre présidant l'enquête.
(3) L'enquête ajournée selon la Loi ou le présent règlement
peut, avec le consentement de la personne en cause ou
lorsque aucune preuve réelle n'a été produite, être reprise par
un arbitre autre que celui qui a présidé l'enquête ajournée.
(4) Lorsqu'une preuve réelle a été produite à une enquête
ajournée et que la personne en cause refuse de consentir à la
reprise de l'enquête par un arbitre autre que celui qui a
présidé l'enquête ajournée, il faut recommencer l'enquête.
Cet article du Règlement doit s'interpréter à la lumière du
paragraphe 46(1) de la Loi même, lequel porte:
46. (1) L'agent d'immigration supérieur, informé confor-
mément au paragraphe 45(5) que la personne en cause n'est
pas un réfugié au sens de la Convention, doit faire reprendre
l'enquête, dès que les circonstances le permettent, par l'arbi-
tre qui en était chargé ou par un autre arbitre, à moins que la
personne en cause ne demande à la Commission, en vertu du
paragraphe 700), de réexaminer sa revendication; dans ce
cas, l'enquête est ajournée jusqu'à ce que la Commission
notifie sa décision au Ministre.
7 [1981] 2 C.F. 141 [C.A.].
Le paragraphe 46(1) est une disposition impérative. L'en-
quête doit reprendre dans le cas prévu. Je ne peux concevoir
que le paragraphe 35(3) du Règlement confère à l'intéressé le
pouvoir d'empêcher, par son refus, l'exécution d'une obligation
prévue par la loi; à mon avis, il ne s'applique pas en l'espèce. Ce
paragraphe du Règlement a un domaine d'application assez
large à part le cas de la reprise d'enquête conformément au
paragraphe 46 (1) de la Loi.
Je partage cette opinion. En conséquence, je crois
que c'est en vertu de l'article 45 que l'enquête a été
ajournée le 19 février 1980 et que c'est en vertu de
l'article 46 qu'elle a été reprise le 11 juin 1982,
même si l'arbitre a déclaré qu'il s'agissait d'un
ajournement en vertu de l'article 35 du Règlement.
L'arbitre a donc suivi la bonne procédure. Il en
résulte donc que le requérant n'avait pas le droit
de présenter une seconde revendication du statut
de réfugié et que l'arbitre a eu raison de refuser
cette revendication et la demande d'ajournement
qui l'accompagnait.
Avant de terminer, je ferai remarquer que dans
une décision très récente de la Cour fédérales, le
juge Pratte, qui avait rédigé les motifs du juge-
ment dans Ergul, a déclaré à la page 3 du
jugement:
Comme je l'ai indiqué à l'audience, cependant, les nombreux
inconvénients pratiques qui résultent de l'arrêt rendu dans
l'affaire Ergul me font maintenant douter de la valeur de cette
décision que cette Cour devra peut-être, un jour, déclarer ne
pas devoir être suivie.
Comme le juge Pratte, j'estime que l'arrêt Ergul
soulève du point de vue pratique de nombreux
problèmes dans l'application de la Loi sur l'immi-
gration de 1976. Mais, à mon avis, cela ne consti-
tue pas une raison suffisante pour refuser d'appli-
quer cet arrêt. Si l'interprétation donnée aux
termes utilisés aux articles 45 et 46 est la seule qui
puisse raisonnablement leur être attribuée, c'est le
Parlement qui devra, par les modifications qu'il
jugera nécessaires et souhaitables, remédier aux
problèmes administratifs et à l'incertitude en résul-
tant. Je crois cependant que la Cour a donné une
interprétation correcte de ces articles dans l'arrêt
Brannson (précité); cette interprétation cadre bien
avec l'économie de la Loi et elle est conforme à
8 Vakili c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, et
autres, n° du greffe A-482-82 [jugement en date du 16 décem-
bre 1982].
l'intention du législateur. Je suis convaincu que ces
deux articles signifient que lorsqu'il y a revendica-
tion du statut de réfugié pendant une enquête,
l'arbitre doit poursuivre cette enquête jusqu'au
moment où il est en mesure de décider si, en
l'absence de revendication du statut de réfugié, il y
aurait lieu de prononcer une ordonnance de renvoi
ou d'émettre un avis d'interdiction de séjour. Il
doit alors ajourner l'enquête pour qu'une décision
soit rendue sur cette revendication. Il ne doit tou-
tefois pas décider à ce moment-là laquelle des deux
ordonnances devrait être prononcée. Sa seule obli
gation est de conclure que l'une ou l'autre des
ordonnances devrait être prononcée. Il est ensuite
obligé, à la reprise de l'enquête en vertu du para-
graphe 46(2), de décider laquelle des deux ordon-
nances devrait être prononcée eu égard aux faits
de chaque cas. Il doit alors se conformer aux
dispositions du paragraphe 32(6) précité. À mon
avis, cette procédure, qui était suivie avant l'arrêt
Ergul, est appropriée parce qu'elle respecte le sens
véritable des termes utilisés dans la loi.
Par ces motifs, je rejetterais la demande fondée
sur l'article 28.
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Je souscris à ces
motifs.
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE: J'y souscris
également.
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