A-1932-83
Yasuda Fire & Marine Insurance Co. Ltd. (appe-
lante) (demanderesse)
c.
Le navire Nosira Lin et ses propriétaires (Nosira
Shipping Ltd.) (Intimés) (défendeurs)
Cour d'appel, juges Pratte, Le Dain et Hugessen
—Québec, 13 février; Ottawa, 6 mars 1984.
Conflit de lois — Forum non conveniens — Appel d'une
ordonnance radiant la déclaration parce qu'un tribunal cana-
dien n'est pas le tribunal qui convient — Appel accueilli — La
Division de première instance ne devrait ni rejeter ni radier
l'action au motif de forum non conveniens puisque les faits
peuvent changer de sorte que le tribunal canadien devient
l'instance appropriée — La radiation de la déclaration n'at-
teindrait aucune fin utile si on n'y dénotait rien de
répréhensible.
Compétence — Division de première instance — L'intimé
fait valoir que, dans une action in rem intentée contre un
navire, il doit être expressément allégué dans la déclaration
que le navire a pour propriétaire en equity celui qui en était
propriétaire en equity au moment où la cause d'action a pris
naissance — L'art. 43(3) de la Loi sur la Cour fédérale ne
traite pas de la teneur de la déclaration — Lorsqu'on poursuit
in rem, par là on soutient implicitement que l'action peut être
intentée in rem — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970
(2e Supp.), chap. 10, art. 43(3) — Règles de la Cour fédérale,
C.R.C., chap. 663, Règle 1002(5).
Pratique — Suspension d'instance — La Cour tient de l'art.
50(1)b) de la Loi sur la Cour fédérale le pouvoir de suspendre
les procédures lorsqu'il est dans l'intérêt de la justice de le
faire — Le juge de première instance a eu tort de considérer
que la question était de savoir si l'action pouvait être instruite
dans un endroit plus commode que le Canada — Le critère est
de savoir s'il est dans l'intérêt de la justice de suspendre les
procédures, tel qu'il est exposé à l'art. 50(1)b) — Les principes
directeurs sont formulés dans MacShannon v Rockware Glass
Ltd, [1978] 1 All E.R. 625 (H.L.) — La Cour doit être
persuadée qu'il existe un autre tribunal où justice peut être
faite avec des inconvénients et des frais beaucoup moindres, et
la suspension ne doit pas priver le demandeur d'un avantage
personnel ou juridique légitime — Il n'a pas été rapporté la
preuve de l'inconvénient et des frais entraînés par un procès au
Canada — L'appel formé contre une ordonnance de la Division
de première instance radiant la déclaration est accueilli — Loi
sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art.
50(1)b).
Appel est interjeté d'une ordonnance de la Division de pre-
mière instance radiant la déclaration au motif qu'un tribunal
canadien n'est pas le tribunal qui convient pour connaître de
l'action. Devant la Division de première instance, l'intimé, en
plus d'opposer l'exception de forum non conveniens, avait fait
valoir que l'action n'avait pas été valablement signifiée et que la
Cour n'avait pas compétence pour l'entendre. Ce dernier argu
ment reposait sur la proposition que, dans une action in rem
intentée contre un navire, il doit être expressément allégué dans
la déclaration que le navire a «pour propriétaire en equity celui
qui en était propriétaire en equity au moment où la cause
d'action a pris naissance». Le premier juge a statué que l'action
pouvait être instruite dans un endroit plus commode que le
Canada, parce que ni les parties ni la cause d'action n'avaient
quelque rapport avec le Canada. Il s'est appuyé sur le principe
énoncé dans l'arrêt Antares Shipping Corporation c. Le Navire
«Capricorn» et autres, [1977] 2 R.C.S. 422, selon lequel la
considération primordiale doit être l'existence d'un autre tribu
nal plus commode et plus approprié à la poursuite de l'action et
à la réalisation des fins de la justice. L'appelante soutient que le
juge de première instance a commis une erreur en concluant
que l'action de l'appelante ne devrait pas être instruite au
Canada ou que c'est à tort qu'il a rejeté l'action au lieu de la
suspendre.
Arrêt: l'appel est accueilli. L'argument quant à la significa
tion s'est révélé sans fondement puisqu'on a déposé un affidavit
de signification indiquant que la déclaration avait été signifiée
au navire de la manière prescrite par la Règle 1002(5). Quant à
l'argument portant sur la compétence, le paragraphe 43(3) de
la Loi sur la Cour fédérale ne traite pas de la teneur de la
déclaration. Lorsqu'un demandeur poursuit in rem, il soutient
implicitement que son action peut être intentée in rem. La
Division de première instance ne devrait ni rejeter une action ni
la radier au motif que l'affaire devrait être instruite par un
tribunal étranger, puisque les faits qui exigent que l'affaire soit
entendue par un tribunal étranger peuvent changer de sorte que
le tribunal canadien devient l'instance appropriée. La Cour
tient de l'alinéa 50(1)b) de la Loi sur la Cour fédérale le
pouvoir de suspendre les procédures lorsqu'«il est dans l'intérêt
de la justice de suspendre les procédures». La radiation de la
déclaration n'atteindrait aucune fin utile si on n'y dénotait rien
de répréhensible. Le juge de première instance, en considérant
que la question qu'il devait trancher était de savoir si l'action
pouvait être instruite dans un endroit plus commode que le
Canada, a fondé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire sur un
principe erroné. La véritable question exposée à l'alinéa
50(1)b) de la Loi sur la Cour fédérale est de savoir s'il est dans
l'intérêt de la justice de suspendre les procédures. Les principes
directeurs, exposés dans MacShannon v Rockware Glass Ltd,
[1978] 1 All E.R. 625 (H.L.), sont que la Cour doit être
persuadée qu'il existe un autre tribunal où justice peut être
faite avec des inconvénients ou des dépenses beaucoup moin-
dres, et que la suspension ne doit pas priver le demandeur d'un
avantage personnel ou juridique légitime. Puisqu'il n'a pas été
rapporté la preuve des inconvénients et des dépenses entraînés
par un procès au Canada plutôt qu'au Japon, il est impossible
de dire que justice serait faite au Japon avec des inconvénients
et des dépenses beaucoup moindres qu'au Canada.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
MacShannon v Rockware Glass Ltd, [1978] 1 All E.R.
625 (H.L.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Magnolia Ocean Shipping Corporation c. Navire «Sole -
dad Maria», et autres, jugement en date du 30 avril
1981, Division de première instance de la Cour fédérale,
T-744-81, non publié.
DÉCISION EXAMINÉE:
Antares Shipping Corporation c. Le Navire «Capricorn»
et autres, [1977] 2 R.C.S. 422.
DÉCISIONS CITÉES:
Atlantic Star (Owners) v. Bona Spes (Owner), [1974]
A.C. 436; [1973] 2 All E.R. 175 (H.L.); Castanho v.
Brown & Root (U.K.) Ltd. et al., [1980] 3 W.L.R. 991;
[1981] 1 All E.R. 143 (H.L.).
AVOCATS:
Vincent Prager pour l'appelante (demande-
resse).
Guy Vaillancourt pour les intimés (défen-
deurs).
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb,
Montréal, pour l'appelante (demanderesse).
Langlois, Drouin & Associés, Québec, pour
les intimés (défendeurs).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Appel est interjeté d'une
ordonnance de la Division de première instance (le
juge Rouleau) [ordonnance en date du 2 décembre
1983, T-1607-83, encore inédite] radiant la décla-
ration déposée par l'appelante, au motif qu'un
tribunal canadien n'est pas le tribunal qui convient
pour entendre l'action de l'appelante. Le débat sur
l'appel a été mené par les deux parties comme si ce
jugement avait, en fait, rejeté l'action.
Devant l'instance inférieure, l'intimé, en plus
d'opposer l'exception de forum non conveniens,
avait fait valoir que l'action n'avait pas été valable-
ment signifiée et que, en tout état de cause, la
Cour n'avait pas compétence pour l'entendre.
Étant donné sa conclusion sur la question du
forum conveniens, le juge Rouleau n'a pas donné
son avis sur ces deux points additionnels.
L'argument de l'intimé selon lequel l'action
n'avait pas été valablement signifiée reposait sur
l'idée que cette action in rem, au lieu d'être signi-
fiée au navire Nosira Lin, comme l'exige la Règle
1002(5) [Règles de la Cour fédérale, C.R.C.,
chap. 663], avait été signifiée à son capitaine. A
l'audition de l'appel, cette idée s'est révélée sans
fondement lorsque l'appelante, sur autorisation de
la Cour, a déposé un affidavit de signification
indiquant, contrairement à ce que l'intimé suppo-
sait, que la déclaration avait en fait été signifiée au
navire, de la manière prescrite par les Règles.
Quant à l'argument selon lequel la Division de
première instance n'avait pas compétence pour
connaître de l'action, il reposait sur la proposition
que, dans un cas comme celui en l'espèce, la
Division de première instance est incompétente
pour entendre une action in rem intentée contre un
navire, à moins qu'il ne soit expressément allégué
dans la déclaration que le navire défendeur,
comme l'exige le paragraphe 43(3) de la Loi sur la
Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2c Supp.), chap. 10]
a «pour propriétaire en equity celui qui en était
propriétaire en equity au moment où la cause
d'action a pris naissance». À mon avis, le paragra-
phe 43(3) n'étaie pas la prétention de l'intimé,
puisqu'il ne traite ni directement ni indirectement
de la teneur de la déclaration. Lorsqu'un deman-
deur poursuit in rem, il soutient implicitement que
les faits sont tels que son action peut être intentée
in rem. Par conséquent, on ne saurait dire que la
déclaration d'une action in rem où il n'est pas
expressément allégué que les exigences du para-
graphe 43(3) sont respectées ne révèle aucune
cause d'action relevant de la compétence de cette
Cour.
La seule véritable question soulevée par le pré-
sent appel est donc de savoir si la Division de
première instance a eu raison de radier la déclara-
tion de l'appelante au motif qu'un tribunal cana-
dien est forum non conveniens. Sur ce point, l'avo-
cat de l'appelante a avancé deux arguments. En
premier lieu, il fait valoir que si l'on suppose que le
juge Rouleau avait raison de conclure que l'action
de l'appelante ne devait pas être instruite au
Canada, il n'aurait dû ni radier la déclaration ni
rejeter l'action, mais il aurait dû plutôt suspendre
l'action; en second lieu, il soutient que le juge a eu
tort de conclure que l'action de l'appelante ne
devrait pas être instruite au Canada.
Il est constant que la Division de première ins
tance peut suspendre une action, au motif que
l'affaire devrait être jugée par un tribunal étran-
ger. Selon le premier argument de l'appelante, en
pareil cas, la Cour ne devrait ni rejeter l'action ni
radier la déclaration. Je souscris à cet argument.
La Cour tient de l'alinéa 50(1)b) de la Loi sur la
Cour fédérale le pouvoir de suspendre les procédu-
res lorsqu'«il est dans l'intérêt de la justice de
suspendre les procédures». En vertu de cet alinéa,
il est clair que la Cour peut suspendre une action
qui, à son avis, devrait être intentée devant un
tribunal étranger. Toutefois, dans un tel cas, la
Cour ne devrait pas, normalement, rejeter l'ac-
tion', puisque les faits qui exigent que l'affaire soit
entendue par un tribunal étranger peuvent changer
de sorte que le tribunal canadien devient l'instance
appropriée. Qui plus est, la Cour ne devrait pas
non plus, en pareils cas, radier la déclaration,
puisqu'une telle ordonnance n'atteindrait aucune
fin utile dans un cas où la déclaration elle-même
ne dénote rien de répréhensible. Ces considérations
donnent probablement la raison pour laquelle, à
part la décision attaquée et l'ordonnance rendue
par la Division de première instance dans l'affaire
Soledad Mariai, je n'ai pu trouver aucune déci-
sion qui rejette une action ou radie une déclaration
au motif qu'on devrait saisir de l'affaire un tribu
nal étranger.
L'appelante fait valoir principalement que le
juge de première instance a eu tort de conclure que
son action ne devrait pas être instruite au Canada.
L'avocat reconnaît que le juge avait un pouvoir
discrétionnaire à exercer, mais il soutient que
l'exercice de son pouvoir discrétionnaire reposait
sur un fondement erroné.
Le passage suivant de ses motifs révèle les prin-
cipes qui ont guidé le juge dans l'exercice de son
pouvoir discrétionnaire [aux pages 3 et 4]:
Bien qu'il soit clair que la compétence maritime de cette
Cour n'est pas limitée à des affaires survenant à l'intérieur du
Canada, je peux exercer mon pouvoir discrétionnaire; à cet
égard, je devrais m'occuper de ce qui constitue l'élément de
première importance, c'est-à-dire l'instance appropriée. La
question se pose de savoir s'il existe une autre instance, plus
appropriée que celle-ci pour connaître de l'action. L'instance
appropriée exige un juste équilibre entre la convenance pour
toutes les parties et l'inconvénient de juger une affaire dans un
pays lorsque la cause d'action a pris naissance dans un autre.
' À moins que, dans les circonstances, l'action soit vraiment
vexatoire.
2 Magnolia Ocean Shipping Corporation c. Navire «Soledad
Maria», et autres, décision non publiée de la Division de
première instance [de la Cour fédérale], rendue par le juge
Marceau le 30 avril 1981 et portant le n° de greffe T-744-81.
Les faits dans cette affaire étaient bien différents de ceux en
l'espèce.
Les principes généraux qui s'appliquent sont pertinemment
mentionnés par le juge Ritchie dans l'arrêt Antares Shipping
Corporation c. Le Navire «Capricorn» et autres, publié dans
[1977] 2 R.C.S. 422, aux pages 447 et 448:
En jugeant si la Cour fédérale a eu raison de refuser
d'exercer son pouvoir discrétionnaire en l'espèce, il convient
de se demander s'il ne faudrait pas appliquer la doctrine du
forum conveniens, et bien que la Cour fédérale ne semble pas
avoir accordé d'attention à cet aspect du problème, j'estime,
tout comme le juge en chef Laskin semble le faire, que c'est
là la question clé à trancher en l'espèce. Plusieurs décisions
décrivent sous différents aspects les divers facteurs qui
influent sur l'application de cette doctrine, et nous en men-
tionnerons quelques-uns ci-dessous; parmi eux, on peut citer
les avantages réciproques pour toutes les parties intéressées, y
compris le demandeur, l'inopportunité d'empiéter sur la juri-
diction d'un État étranger, l'inconvénient de juger une affaire
dans un pays lorsque la cause d'action a pris naissance dans
un autre, régi par des lois différentes, et ce qu'il en coûte
pour réunir des témoins étrangers.
Selon moi, cependant, la considération primordiale qui doit
guider la cour lorsqu'en exerçant son pouvoir discrétionnaire,
elle refuse d'accéder à une telle requête, doit être l'existence
d'un autre tribunal, plus commode et plus approprié à la
poursuite de l'action et à la réalisation des fins de la justice.
Il faut évidemment juger chaque cas selon les faits en cause
et, me semble-t-il, lorsqu'on examine si un tribunal plus
approprié s'offrait à l'appelante, les faits saillants que révèle
le dossier peuvent se résumer comme suit ... [C'est moi qui
souligne.]
À l'évidence, il s'agit d'un litige entre étrangers, au sujet d'un
navire étranger, où on demande l'exécution d'un contrat conclu
dans un pays étranger, sans prétendre aucunement qu'il y ait
quelque intérêt canadien en litige. L'interruption de l'action au
Canada ne va probablement pas causer de préjudice à un
défendeur ni à une autre partie intéressée.
Si je comprends bien ses motifs, le juge de
première instance a considéré que la question qu'il
devait trancher était de savoir si l'action pouvait
être instruite dans un endroit plus commode que le
Canada et, en dépit de sa mention de l'arrêt
Capricorn de la Cour suprême du Canada, il a
répondu à cette question par l'affirmative pour le
seul motif que, à son avis, ni les parties ni la cause
d'action n'avaient quelque rapport avec le Canada.
En décidant ainsi, j'estime que le juge a fondé
l'exercice de son pouvoir discrétionnaire sur un
principe erroné.
La véritable question à trancher lors d'une
demande de ce genre est exposée à l'alinéa 50(1)b)
de la Loi sur la Cour fédérale: est-il dans l'intérêt
de la justice de suspendre les procédures? On doit
répondre à cette question en tenant compte des
principes formulés par lord Diplock dans Mac-
Shannon y Rockware Glass Ltd, [1978] 1 All E.R.
625 (H.L.), à la p. 630 3 :
[TRADUCTION] "Pour justifier une suspension, deux conditions
doivent être remplies, l'une étant positive, l'autre négative: a) le
défendeur doit persuader la cour qu'il existe un autre tribunal
dont il relève et où justice peut être faite entre les parties avec
des inconvénients ou des frais beaucoup moindres, et b) la
suspension ne doit pas priver le demandeur d'un avantage
personnel ou juridique légitime dont il pourrait se prévaloir s'il
invoquait la compétence de la cour anglaise" ...
Lorsqu'on applique ces principes aux faits de
l'espèce, il faut se rappeler que le dossier révèle les
faits suivants:
1. L'appelante réclame une indemnité pour les
avaries causées à une cargaison d'acier envoyée
du Brésil au Japon, à bord du navire intimé et
en vertu des connaissements émis au Brésil;
2. L'appelante est une personne morale japo-
naise;
3. Le navire intimé appartient actuellement à
une personne morale anglaise, est armé et dirigé
en Angleterre;
4. Le navire a été frété à temps par les proprié-
taires selon la formule New York Produce
Exchange, la charte-partie étant datée du 23
avril 1982, Londres, pour 22/24 mois civils à
MM. PHS Van Ommeren (Nederland) B.V. of
Rotterdam (Hollande); les litiges découlant de
la charte-partie, à laquelle l'appelante n'est pas
partie, devaient être entendus à Londres;
5. En vertu d'un sous-affrètement, auquel l'ap-
pelante n'était pas non plus partie, le navire s'est
rendu à Santos (Brésil), où il a reçu par la suite
la cargaison mentionnée dans la déclaration et
couverte par des connaissements constatant un
contrat de transport; ceux-ci ont été délivrés à
Santos (Brésil);
Cette décision, où lord Diplock a donné son interprétation
des discours majoritaires dans Atlantic Star (Owners) v. Bona
Spes (Owner), [1974] A.C. 436; [1973] 2 All E.R. 175 (H.L.),
a été confirmée par la Chambre des lords dans Castanho v.
Brown & Root (U.K.) Ltd. et al., [1980] 3 W.L.R. 991; [1981]
1 All E.R. 143, où la formulation de lord Diplock a été
qualifiée de [TRADUCTION] «distillation de principe». Je ne vois
aucune inconsistance entre la formulation de lord Diplock et la
décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire
Antares Shipping Corporation c. Le Navire «Capricorn» et
autres', [1977] 2 R.C.S. 422.
6. En vertu du contrat de transport, ladite car-
gaison a été transportée de Santos (Brésil) à
Osaka (Japon);
7. Les connaissements ont incorporé les Règles
de la Haye soit du pays d'expédition (Brésil)
soit du pays de destination (Japon); par consé-
quent, il faudra prouver à l'instruction ou bien le
droit brésilien, ou bien le droit japonais;
8. Le jugement devra tenir compte aussi de la
condition des marchandises au moment du char-
gement au Brésil, au cours du voyage et au
moment du déchargement au Japon;
9. Des avocats brésiliens ont été engagés par les
transporteurs pour défendre leurs droits contre
les expéditeurs qui, apparemment pour surmon-
ter l'obstacle que représentait la condition
imparfaite de la cargaison au moment du char-
gement au Brésil, ont émis une lettre de garantie
pour obtenir du transporteur des connaissements
nets;
10. La présente action a été signifiée au navire
défendeur [intimé] au port de Québec;
11. Le navire intimé n'a pas été saisi par l'appe-
lante, puisqu'une caution jugée suffisante par
celle-ci a été versée pour le compte du navire et
de ses propriétaires par la banque des affréteurs
à temps; cette caution était sous la forme d'une
lettre de crédit de la Chase Bank garantissant le
paiement du montant adjugé par un jugement
final d'un tribunal compétent;
12. Les propriétaires intimés se sont engagés à
ne pas contester la compétence des tribunaux
japonais; de plus, ils ont accepté que la prescrip
tion de l'action de l'appelante soit prorogée pour
expirer 90 jours après la décision de première
instance.
Ni l'appelante ni l'intimé ne semblent vouloir
que cette poursuite soit instruite au Brésil. La
question à laquelle il faut répondre est donc de
savoir si l'intimé a prouvé que justice serait faite
entre les parties au Japon avec des inconvénients et
des dépenses beaucoup moindres qu'au Canada. Il
n'a pas été rapporté la preuve de l'inconvénient et
des frais entraînés par un procès au Canada plutôt
qu'au Japon. Dans ces circonstances, bien que je
sois enclin à penser qu'il y aurait intérêt à ce que le
procès se déroule au Japon, je ne saurais dire que
cet intérêt existe certainement ou, s'il existe, qu'il
serait important.
Par ces motifs, je suis d'avis d'accueillir l'appel,
d'infirmer l'ordonnance de la Division de première
instance et de rejeter la demande de l'intimé.
J'adjugerais à l'appelante ses dépens dans les deux
instances.
LE JUGE LE DAIN: Je souscris aux motifs
ci-dessus.
LE JUGE HUGESSEN: Je souscris aux motifs
ci-dessus.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.