A-878-82
Procureur général du Canada (requérant)
c.
Lydia Dodsworth (intimée)
Cour d'appel, juges Heald, Urie et Mahoney—
Winnipeg, 23 et 25 mai 1984.
Assurance-chômage — L'intimée a laissé son emploi pour
accompagner son mari dans la réserve indienne où il avait
accepté un nouvel emploi — Peu de chances de trouver un
emploi puisque les Indiens inscrits ont la priorité pour les
emplois, que la localité la plus proche est à 15 ou 22 milles et
que l'intimée ne peut trouver de moyen de transport — L'inti-
mée a été considérée immédiatement inadmissible aux presta-
tions par application de l'art. 25a) de la Loi parce qu'elle
n'était pas disponible pour travailler — Le Conseil arbitral a
conclu que l'intimée était disponible pour travailler — Le
juge-arbitre a décidé que l'intimée avait droit à un délai
raisonnable, fixé à deux mois, pour essayer de se trouver un
emploi — Le requérant prétend que lorsqu'il n'y a aucune
chance réelle d'obtenir un emploi, l'absence de délai est un
délai raisonnable — Dans l'intérêt public, lorsqu'un presta-
taire déménage pour préserver l'unité familiale, ce déménage-
ment doit être considéré comme ayant été imposé au presta-
taire — La perte d'un emploi et l'absence de possibilités
d'emploi sont indépendantes de la volonté de l'intimée et elle
ne doit pas être immédiatement considérée comme non dispo-
nible pour travailler — Rejet de la demande d'examen de la
décision du juge-arbitre — On doit accorder à la prestataire
une véritable chance de trouver un emploi — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28 — Loi de
1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48,
art. 25a) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 36).
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
CUB-3978.
AVOCAT:
Donald J. Rennie pour le requérant.
Personne n'a comparu pour l'intimée.
PROCUREUR:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
L'INTIMÉE POUR SON PROPRE COMPTE:
Lydia Dodsworth, Fort Severn.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: L'intimée a laissé son
emploi de fille de cuisine dans un restaurant de
Brantford (Ontario) le 17 septembre 1981 pour
accompagner son mari, enseignant, qui avait
accepté un emploi à Osnaburgh House (Ontario).
Osnaburgh House se trouve dans une réserve
indienne, à 178 kilomètres au nord-est de Red
Lake. Les Indiens inscrits qui résident dans la
réserve ont la priorité pour accepter toute possibi-
lité d'emploi. La localité la plus proche où l'inti-
mée aurait pu raisonnablement s'attendre à obte-
nir ut emploi est Pickle Lake, qu'on situe
habituellement à 15 ou 22 milles de la réserve.
L'intimée a dit qu'elle ne pouvait trouver de
moyen de transport jusqu'à Pickle Lake. Elle n'a
fixé aucune condition déraisonnable quant au
genre d'emploi, au salaire et aux heures de travail
pour accepter une offre d'emploi.
L'intimée a présenté une demande initiale de
prestations le 30 septembre 1981. Par avis en date
du 12 novembre 1981, on a suspendu ses presta-
tions parce qu'elle n'avait pas répondu à une
demande de renseignements. Après qu'elle eut
remédié à son omission, on l'a informée, par avis
en date du 10 décembre 1981, qu'elle était consi-
dérée rétroactivement inadmissible au bénéfice des
prestations à partir du 20 septembre 1981, confor-
mément à l'alinéa 25a) de la Loi de 1971 sur
l'assurance-chômage'.
25. Un prestataire n'est pas admissible au service des presta-
tions initiales pour tout jour ouvrable d'une période de presta-
tions pour lequel il ne peut prouver qu'il était
a) soit capable de travailler et disponible il cette fin et
incapable d'obtenir un emploi convenable ce jour-là .. .
Le Conseil arbitral a conclu que l'intimée était
en fait disponible pour travailler au sens qu'envi-
sage l'alinéa 25a). Il a accueilli son appel. Le
juge-arbitre a accueilli en partie l'appel de la
Commission et a décidé que l'intimée aurait dû
profiter d'un délai raisonnable, qu'il a fixé à deux
mois, pour essayer de se trouver un emploi conve-
nable avant qu'elle soit considérée inadmissible.
' S.C. 1970-71-72, chap. 48 (mod. par S.C. 1976-77, chap.
54, art. 36).
L'inadmissibilité rétroactive au bénéfice des
prestations a, effectivement, refusé à l'intimé le
service de prestations pour une période au cours de
laquelle elle eut pu chercher un emploi convenable.
Selon le requérant, dans les circonstances présen-
tes, où l'intimée n'avait aucune chance réelle d'ob-
tenir un emploi convenable, l'absence de délai était
un délai raisonnable.
À mon avis, dans l'intérêt public, il faut considé-
rer le déménagement de l'intimée comme un démé-
nagement qu'elle était tenue de faire et non sim-
plement comme un cas où elle avait un motif
valable de le faire. Le cas d'un prestataire qui
déménage avec son conjoint afin de préserver
l'unité familiale est, à mon avis, une question fort
différente de celle, par exemple, que le juge-arbitre
a examinée dans l'affaire CUB -3978 dans laquelle
une prestataire de dix-huit ans a déménagé avec
ses parents malades et s'est trouvée dans la même
situation que l'intimée. Aussi louables qu'aient été
les motifs de la prestataire, il s'agissait de motifs
personnels, non dictés par des considérations d'in-
térêt public.
À mon avis, la question est la suivante: est-ce
qu'un prestataire qui doit, pour des raisons entière-
ment indépendantes de sa volonté, abandonner un
emploi et déménager dans une région où les chan
ces d'emploi sont faibles ou à peu près inexistantes
peut être immédiatement considéré comme ayant
prouvé son indisponibilité au travail? Il me semble
que la situation de ce prestataire doit, à juste titre,
être assimilée à celle d'un prestataire qui a été
congédié, sans avoir déménagé, dans une région où
les chances d'emploi convenable sont extrêmement
rares. En d'autres termes, il faut considérer que la
perte de l'emploi et la difficulté de trouver un
nouvel emploi résultent de motifs entièrement
indépendants de la volonté du prestataire.
C'est le cas de l'intimée. On aurait dû lui accor-
der une véritable chance de trouver un emploi dans
son nouveau lieu de résidence, indépendamment du
fait que ses chances de succès soient minces, avant
d'exiger qu'elle étende à une plus vaste région sa
recherche d'un emploi comme condition prouvant
sa disponibilité. Il m'est impossible de conclure
que le juge-arbitre s'est trompé en fixant à deux
mois la période raisonnable en l'espèce. Je rejette-
rais cette demande faite en vertu de l'article 28.
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
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