A-1009-83
Rosann Cashin (requérante)
c.
Société Radio-Canada et Commission canadienne
des droits de la personne (intimées)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Heald
et Mahoney—Halifax, 11 avril; Ottawa, 30 avril
1984.
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Droits de la
personne — CBC a refusé de rengager une journaliste après la
nomination de l'époux de celle-ci au conseil d'administration
de Petro -Canada — La Commission a considéré que la néces-
sité que le public soit persuadé de l'impartialité constituait
une exigence professionnelle normale empêchant que l'omis-
sion de renouveler le contrat soit un acte discriminatoire — Le
refus de l'enquêteur de donner à la requérante les éléments de
preuve réels invoqués contre elle et l'occasion de les contester
constitue un déni de justice naturelle — Il y avait lieu de
permettre un contre-interrogatoire parce que la Commission
exerçait une fonction judiciaire et qu'il appartenait à l'em-
ployeur d'expliquer ses motifs — Lorsque les principes de
justice naturelle doivent être observés, la Commission doit
nommer un tribunal habilité à statuer sur la question selon les
procédures prévues à l'art. 40(1) — Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 28 — Loi canadienne sur
les droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33, art. 7, 10,
14a), 32, 33, 35(1),(4), 39(1), 40(1).
Droits de la personne — Plainte portant que le refus de
renouveler le contrat d'une annonceuse à la radio, visiblement
parce que la nomination de son époux au conseil d'administra-
tion de Petro -Canada pourrait amener le public à douter de
son objectivité dans ses reportages, constitue un acte discrimi-
natoire en raison du sexe et de la situation de famille de
celle-ci — Annulation de la décision par laquelle la Commis
sion a statué que la nécessité que le public soit persuadé de
l'impartialité était une exigence professionnelle normale — La
requérante a subi un déni de justice naturelle parce qu'elle
s'est vu refuser les éléments de preuve réels invoqués contre
elle et qu'il ne lui a pas été donné l'occasion de les contester.
Pratique — Parties — Selon la Cour suprême du Canada
dans l'arrêt Northwestern Utilities Ltd. et autre c. La ville
d'Edmonton, il n'est pas approprié pour la Commission cana-
dienne des droits de la personne de contester la demande de
contrôle judiciaire fondée sur un déni de justice naturelle —
Le rôle du tribunal qui fait l'objet du contrôle se limite à la
présentation d'explications sur le dossier dont il était saisi et
d'observations sur la question de sa compétence.
Demande visant l'annulation de la décision par laquelle la
Commission canadienne des droits de la personne a rejeté la
plainte selon laquelle la requérante avait été victime d'un acte
discriminatoire en raison de son sexe et de sa situation de
famille. CBC a refusé de renouveler le contrat de la requérante
après que son mari a été nommé au conseil d'administration de
Petro -Canada pour le motif qu'on pourrait douter de son
objectivité en tant que journaliste. La Commission a considéré
que la nécessité que le public soit persuadé de l'objectivité de la
requérante constituait une exigence professionnelle normale.
Elle a aussi admis que la nomination de l'époux de la requé-
rante à Petro -Canada constituait la «goutte qui fait déborder le
vase», étant donné que la requérante n'était pas passée sur les
ondes depuis cette nomination et qu'il n'existait pas de preuve
que la conduite de son époux, en tant qu'administrateur, avait
donné lieu à controverse comme cela avait été le cas pour sa
présidence du syndicat. L'enquêteur a rencontré les deux par
ties et a eu de nombreuses conversations téléphoniques, mais il
a refusé de donner à la requérante les éléments de preuve réels
invoqués contre elle. De plus, il n'a pas donné à la requérante
l'occasion de contester les é ém_eals de_prreuvee précis invoque
contre elle. CBC n'était pas représentée à l'audience, mais la
Commission l'était et elle a contesté la demande alors qu'elle
reposait sur une allégation de déni de justice naturelle.
Arrêt: la demande est accueillie.
Le juge Mahoney (avec l'appui du juge Heald): Les exigen-
ces de la justice naturelle n'ont pas été respectées. La requé-
rante ne pouvait avoir la possibilité de se défendre si on ne lui
donnait pas l'occasion de contester directement les témoignages
invoqués contre elle et de vérifier la crédibilité de leurs auteurs.
La requérante doit aussi se soumettre à la même vérification.
L'attention de la Commission est attirée sur l'arrêt North
western Utilities Ltd. et autre c. La ville d'Edmonton où la
Cour suprême du Canada a statué que le rôle d'un tribunal
administratif dont une décision est contestée devant la Cour
devrait se limiter à la présentation d'explications sur le dossier
dont il était saisi et d'observations sur la question de sa
compétence.
Le juge en chef Thurlow (avec l'appui du juge Heald): Le
fait que la fonction de la Commission en l'espèce était pure-
ment judiciaire et qu'il appartenait en outre à CBC d'expliquer
ce qui avait motivé sa décision, nécessitait l'adoption d'une
procédure permettant le contre-interrogatoire. Lorsque les prin-
cipes de justice naturelle doivent être observés, il ne suffit pas
d'affirmer pour s'y soustraire que la Commission n'est pas
organisée de manière à lui permettre de tenir des audiences. S'il
est difficile, d'un point de vue pratique, pour la Commission de
satisfaire aux exigences de la justice naturelle en se conformant
à ses propres règles de procédure, elle peut n'avoir d'autre choix
que de nommer un tribunal habilité à statuer sur la question,
selon les procédures prévues au paragraphe 40(1).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Kane c. Conseil d'administration (Université de la
Colombie-Britannique), [1980] 1 R.C.S. 1105; 31 N.R.
214; Northwestern Utilities Ltd. et autre c. La ville
d'Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684.
DÉCISION CITÉE:
Commission ontarienne des droits de la personne et
autres c. Municipalité d'Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202;
40 N.R. 159.
AVOCATS:
Ronald A. Pink et J. Fichaud pour la
requérante.
R. Duval pour la Commission canadienne des
droits de la personne.
Personne n'a comparu pour la Société
Radio-Canada.
PROCUREURS:
Kitz, Matheson, Green & Maclsaac, Halifax,
pour la requérante.
Commission des droits de la personne pour la
Commission des droits de la personne.
Société Radio-Canada pour la Société Radio-
Canada.
Ce gui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Je suis d'accord
avec les motifs de jugement du juge Mahoney et la
décision qu'il a rendue sur la demande, mais j'ai-
merais ajouter deux commentaires.
Tout d'abord, aucune règle générale ne dit que,
pour assurer le respect des principes de justice
naturelle, il faut tenir une audience et donner à la
personne dont les droits pourraient être touchés
par la décision d'une autorité administrative la
possibilité d'examiner tous les documents et de
contre-interroger les témoins. Cependant, vu -la
nature de la décision qu'il fallait rendre en l'es-
'pèce,c'est-a-di déterminer si CBC avait, en réa-
lité, refusé de renouveler le contrat de la requé-
rante parce que les exigences professionnelles
normales exigeaient que l'image de cette dernière
dans le public soit celle d'une personne objective
dans l'exercice de ses fonctions, et le fait qu'il
appartenait à CBC d'expliquer ce qui avait motivé
sa décision, la situation exigeait manifestement, à
mon avis, qu'il soit donné à la requérante l'occa-
sion de vérifiez. par contre-interrogatoire les motifs
avancés par CBC pour sa décision.
En ce qui concerne ce point du litige, la fonction
de la Commission n'était, à mon avis, ni adminis
trative ni quasi judiciaire. Il s'agissait d'une fonc-
tion purement judiciaire, c'est-à-dire une fonction
itneleestiihmission ne pouvait remplir de manière
appropriée sans suivre une procédure dans laquelle
la version de l'une des parties ne pouvait être
retenue comme représentant la vérité sans que la
partie adverse ait la possibilité de soumettre cette
version des faits à ce que l'on a appelé l'effet
«purifiant» du contre-interrogatoire.
J'ajouterai le commentaire suivant: lorsque les
principes de justice naturelle doivent être observés,
il ne suffit pas d'affirmer pour s'y soustraire que la
Commission n'est pas organisée de manière à lui
permettre, dans ses procédures, de tenir des
audiences pour entendre les témoins et donner
l'occasion aux parties adverses de les contre-inter-
roger. Il ne fait pas de doute que la Commission
est maître de sa propre procédure. Toutefois, son
pouvoir de prescrire la procédure dans un cas
comme celui en l'espèce est lui-même subordonné
aux principes de justice naturelle et à ce que la
justice naturelle exige dans ce cas particulier.
Le pouvoir de la Commission de décider si elle
doit constituer un tribunal n'est pas non plus en
cause. Cependant, s'il est difficile, d'un point de
vue pratique, pour la Commission de satisfaire aux
exigences de la justice naturelle dans un cas précis
en se conformant à ses propres règles de procé-
dure, elle peut en définitive n'avoir d'autre choix
que de nommer un tribunal qui est habilité à
statuer sur la question, selon les procédures pré-
vues au paragraphe 40(1) de la Loi.
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: La requérante sollicite, sur
le fondement de l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale', l'annulation d'une décision de la Com
mission canadienne des droits de la personne,
appelée ci-après «la Commission», rejetant la
plainte selon laquelle elle avait été victime, dans
son travail, d'un acte discriminatoire en raison de
son sexe et de sa situation de famille, en violation
des articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les
droits de la personne 2 . La Commission a enquêté
sur sa plainte, mais n'a pas constitué de tribunal
chargé d'examiner la plainte comme elle aurait pu
le faire en vertu du paragraphe 39(1) de la Loi. La
Commission a statué que:
[TRADUCTION] le refus de CBC Radio de renouveler votre
contrat de rédactrice/communicatrice était fondé sur des exi-
gences professionnelles normales comme le prévoit l'alinéa 14a)
de la [Loi].
' S.R.C. 1970 (2° Supp.), chap. 10.
2 S.C. 1976-77, chap. 33.
Il n'est pas contesté que la décision peut faire
l'objet d'un examen en vertu de l'article 28.
L'alinéa 14a) porte:
14. Ne constituent pas des actes discriminatoires
a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions,
conditions ou préférences de l'employeur qui démontre qu'ils
sont fondés sur des exigences professionnelles normales;
Il incombe à l'employeur de démontrer que les
mesures qui, en d'autres circonstances, auraient
constitué des actes discriminatoires étaient fondées
sur des exigences professionnelles normales'.
La procédure suivie par la Commission était
l'une de celles qui s'offrent à elle aux termes de la
Partie III de la Loi. Ayant constaté qu'elle était
validement saisie de la plainte (article 32) et
qu'elle n'avait aucun motif de refuser d'en connaî-
tre (article 33), la Commission était tenue de
statuer sur cette plainte. Elle l'a fait en désignant,
par application du paragraphe 35(1), une personne
chargée d'enquêter sur la plainte. Le paragraphe
35(4) autorise le gouverneur en conseil à établir
des règlements fixant la procédure à suivre par les
enquêteurs et les modalités de conduite des enquê-
tes, mais aucun règlement de ce genre n'a encore
été établi. Il ne fait aucun doute que la décision de
la Commission repose entièrement sur le rapport
de l'enquêteur. Il résulte de l'économie de la Loi
que, la Commission ayant choisi de statuer sur la
plainte en procédant par voie d'enquête, il n'est pas
possible de dissocier sa décision de toute erreur de
la part de l'enquêteur donnant droit au recours
prévu à l'article 28.
La requérante avait occupé différents emplois à
la Société Radio-Canada, appelée ci-après «CBC»,
à St-Jean, Terre-Neuve, depuis août 1976, et tra-
vaillait sur les ondes de CBC Radio depuis au
moins novembre 1979. Son époux était, et est
encore, président du Newfoundland and Labrador
Fishermen, Food and Allied Workers Union. Le
24 mai 1981, la requérante a signé avec CBC un
contrat de travail de 13 semaines. En juillet 1981,
son époux a été nommé au conseil d'administration
de Petro -Canada. Il semble en fait qu'après la,
nomination de son mari, la requérante n'ait pas
passé sur les ondes étant donné que les employés
' Commission ontarienne des droits de la personne et autres
c. Municipalité d'Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202; 40 N.R.
159.
de CBC étaient en grève et qu'elle a refusé de
franchir les lignes de piquetage bien qu'elle ne fit
pas partie de leur syndicat. Lorsque son contrat est
arrivé à échéance, à la fin d'août 1981, CBC a
refusé de le renouveler. Le motif invoqué était, en
peu de mots, que l'identification de la requérante à
son époux pouvait raisonnablement amener le
public à douter de son entière objectivité dans ses
reportages.
La Commission a considéré dans sa décision que
la nécessité que le public soit persuadé de l'impar-
tialité de la requérante constituait une exigence
professionnelle normale. Elle a aussi clairement
admis que la nomination de l'époux de la requé-
rante à Petro -Canada constituait en elle-même la
«goutte qui fait déborder le vase», étant donné que
la requérante n'était pas passée sur les ondes
depuis cette nomination et qu'il n'existait pas de
preuve que la conduite de son époux, en sa qualité
d'administrateur, avait donné lieu à controverse ou
présenté un intérêt pour le public comme cela avait
été le cas à quelques reprises pour sa présidence du
syndicat.
L'enquêteur a eu raison, à mon avis, de considé-
rer que le principal point en litige consistait à
déterminer si le refus de renouveler le contrat avait
été de bonne foi et non pas simplement de détermi-
ner si les exigences professionnelles étaient elles-
mêmes normales. Il a rencontré la requérante une
seule fois mais il a rencontré les dirigeants de CBC
à deux reprises. Il a eu de nombreuses conversa
tions téléphoniques à ce sujet. S'il est vrai que la
requérante a eu la possibilité de donner sa propre
version des faits et avait manifestement une idée
générale des moyens soulevés contre elle, elle s'est
toutefois vu refuser les éléments de preuve réels et
n'a jamais eu l'occasion de contester les éléments
de preuve précis qui étaient invoqués contre elle.
La décision de la Cour suprême du Canada dans
Kane c. Conseil d'administration (Université de la
Colombie-Britannique) ° est applicable en l'espèce.
Les quelques extraits qui suivent sont tirés du
jugement de la majorité rendu par le juge Dickson
(tel était alors son titre); dans plusieurs de ces
extraits, le juge cite et approuve d'autres décisions:
° [1980] 1 R.C.S. 1105, aux pp. 1113 et s. 31 N.R. 214, aux
pp. 221 et s.
3. Une justice de haute qualité est exigée lorsque le droit
d'une personne d'exercer sa profession ou de garder son emploi
est en jeu ...
4. Le tribunal doit entendre équitablement les deux parties
au litige afin de leur donner la possibilité [traduction] «de
rectifier ou de contredire toute déclaration pertinente préjudi-
ciable à leurs points de vue»...
. [TRADUCTION] [une partie doit] « ... connaître la preuve
réunie contre [elle]. [Cette dernière] doit être informé[e] des
témoignages et des déclarations qui l'intéressent et avoir la
possibilité de les rectifier ou de les contredire ... Quiconque
appelé à rendre une décision ne doit pas recueillir des témoigna-
ges ou entendre des arguments d'une partie dans le dos de
l'autre.»
Bien que la loi autorise la Commission à obtenir des rensei-
gnements autrement que sous la sanction d'un serment ou
d'une affirmation ... elle n'est pas pour autant autorisée à
s'écarter des règles de justice naturelle ...
6. La Cour ne cherchera pas à savoir si la preuve a de fait
joué au détriment de l'une des parties; il suffit que cette
possibilité existe ...
Il a aussi déclaré [à la page 1113 R.C.S.; à la page
221 N.R.]:
Dans chaque cas, les exigences de la justice naturelle varient
selon [TRADUCTION] «les circonstances de l'affaire, la nature
de l'enquête, les règles qui régissent le tribunal, la question
traitée, etc.»
En l'espèce, les exigences de la justice naturelle
n'ont pas été respectées. Je ne vois pas comment la
requérante peut avoir eu la possibilité de se défen-
dre si on ne lui a pas donné l'occasion de contester
directement les témoignages invoqués contre elle et
de vérifier la crédibilité de leurs auteurs. Elle doit
évidemment se soumettre à la même vérification.
Il se peut que la Commission puisse trouver un
moyen de faire le nécessaire pour statuer sur la
présente plainte tout en respectant les limites
imposées à son processus d'enquête. Dans le cas
contraire, elle dispose d'une autre procédure qui
semble mieux adaptée à un cas de ce genre.
CBC n'était pas représentée à l'audience, mais
la Commission l'était. Cette dernière a contesté la
demande alors qu'elle reposait manifestement sur
une allégation de déni de justice naturelle. J'aime-
rais attirer l'attention de la Commission sur l'ex-
trait suivant d'un jugement de la Cour suprême du
Canada 5 qui énonce non seulement les principes de
droit applicables, mais aussi leur fondement.
5 Northwestern Utilities Ltd. et autre c. La ville d'Edmonton,
[1979] 1 R.C.S. 684, aux pp. 709 et s.
Cette Cour, à cet égard, a toujours voulu limiter le rôle du
tribunal administratif dont la décision est contestée à la présen-
tation d'explications sur le dossier dont il était saisi et d'obser-
vations sur la question de sa compétence, même lorsque la loi
lui confère le droit de comparaître. (Voir les arrêts The Labour
Relations Board of the Province of New Brunswick c. Eastern
Bakeries Limited et autres ([1961] R.C.S. 72); The Labour
Relations Board of Saskatchewan c. Dominion Fire Brick and
Clay Products Limited et autres ([1947] R.C.S. 336).) Lors-
que la loi donne à un tribunal administratif le droit de compa-
raître et de plaider, ce dernier aurait tout avantage à suivre les
principes énoncés par le juge Aylesworth dans l'arrêt Interna
tional Association of Machinists v. Genaire Ltd. and Ontario
Labour Relations Board ((1958), 18 D.L.R. (2d) 588), aux pp.
589 et 590:
[TRADUCTION] 11 ne fait aucun doute qu'en appel d'une
décision du Conseil, celui-ci peut se faire représenter par un
avocat qui plaidera sa cause devant le tribunal d'appel. Nous
estimons toutefois approprié que la plaidoirie traite non du
fond de l'affaire entre les parties qui ont comparu devant le
Conseil, mais plutôt de la compétence ou du défaut de
compétence de ce dernier. Si l'avocat du Conseil mène sa
plaidoirie de la sorte, l'impartialité du Conseil sera d'autant
mieux mise en valeur et sa dignité et son autorité en seront
d'autant mieux garanties. En même temps, le tribunal d'ap-
pel bénéficiera de toutes les observations que l'avocat du
Conseil jugera utiles de présenter sur la question de
compétence.
Lorsque la loi constitutive ou organique ne dit rien du rôle ni du
statut du tribunal dans les procédures d'appel ou d'examen
judiciaire, cette Cour a limité ledit rôle à la seule question de la
compétence pour rendre l'ordonnance contestée. (Voir Central
Broadcasting Company Ltd. c. Le Conseil canadien des rela
tions du travail et la Fraternité internationale des ouvriers en
électricité. Section locale n° 529 ([1977] 2 R.C.S. 112).)
Au sens ou j'ai employé ce mot ici, la «compétence» n'inclut
pas la transgression du pouvoir d'un tribunal par l'inobservation
des règles de justice naturelle. Dans un tel cas, lorsqu'une
partie aux procédures devant ce tribunal est également partie
aux procédures de révision, c'est le tribunal lui-même qui fait
l'objet de l'examen. Accorder au tribunal administratif la possi-
bilité de défendre sa conduite et en fait de se justifier donnerait
lieu à un spectacle auquel nos traditions judiciaires ne nous ont
pas habitués. Dans l'arrêt Re Conseil canadien des relations du
travail c. Transair Ltd. et autres ([1977] 1 R.C.S. 722), le juge
Spence a écrit à ce sujet (pp. 746-7):
Il est exact qu'on a souvent utilisé la conclusion selon laquelle
un tribunal administratif a manqué aux principes de justice
naturelle pour décider qu'il a renoncé à l'exercice de sa
compétence et par conséquent qu'il se trouvait dans l'impos-
sibilité de statuer, comme il prétendait le faire. Cependant,
j'estime que c'est là simplement une façon de permettre à la
Cour d'avoir recours au certiorari et non une question qui
touche à la compétence que le tribunal prétend avoir. Il est
évident qu'il n'appartient pas au Conseil qui voit sa façon
d'exercer ses fonctions contestée, de plaider en appel, à titre
d'intéressé, sur la question de savoir s'il a ou non agi confor-
mément aux principes de justice naturelle; c'est là un point
dont doivent débattre en a ppel les parties et non le tribunal
dont les actions sont soumises à l'examen.
J'annulerais la décision de la Commission et lui
renverrais la plainte de la requérante pour qu'elle
procède à un nouvel examen. Si la Commission
décidait de nommer un enquêteur, elle devrait
choisir une personne différente de celle qui a pro-
cédé à la première enquête.
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.