T-2807-83
Enquête énergie (requérante)
c.
Commission de contrôle de l'énergie atomique et
Hydro -Ontario (intimées)
et
Procureur général du Canada (intervenant)
Division de première instance, juge Reed—
Toronto, 15 et 16 février; Ottawa, 9 avril 1984.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Certiorari —
La décision d'octroi de permis rendue par la Commission de
contrôle de l'énergie atomique est contestée parce qu'un
membre de celle-ci a fait preuve de parti pris visant un but
lucratif — Ce membre était président d'une société traitant
avec la demanderesse de permis — L'obligation d'agir équita-
blement s'applique à la fonction administrative d'octroi de
permis de la Commission — Cette obligation comporte la
condition que l'auteur d'une décision soit impartial — Ne
détenant aucun intérêt pécuniaire direct, au sens que la juris
prudence a donné à ce concept, le membre n'a pas fait preuve
de parti pris — Le fait que la Loi autorise la nomination de
membres à temps partiel à la Commission n'autorise pas les
partis pris visant un but lucratif — La doctrine de nécessité ne
s'applique pas — La requérante a qualité pour agir — La
question de savoir s'il y a crainte raisonnable de partialité n'a
pas été soulevée — Rejet de la demande de bref de certiorari
— Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, S.R.C. 1970,
chap. A-19, art. 8.
Contrôle judiciaire — Recours en equity — Jugements
déclaratoires — Qualité pour agir — Validité de la décision
d'octroi de permis rendue par la Commission de contrôle de
l'énergie atomique — Allégation de parti pris visant un but
lucratif — Obligation d'agir équitablement — Il est requis que
l'auteur d'une décision soit impartial — Une société sans but
lucratif qui conduit des recherches et qui s'occupe de la
sensibilisation du public a-t-elle qualité pour demander un
jugement déclaratoire? — La qualité pour agir est plus éten-
due dans une demande de bref de certiorari — Renvoi à la
doctrine — Examen des arrêts Thorson, McNeil et Borowski
— La question de la compétence législative constitutionnelle
n'est pas la condition sine qua non de ces décisions — Celles-ci
n'ouvrent pas la porte à une avalanche de litiges — Leur
application n'étend pas trop largement les règles quant à la
qualité pour agir — La requérante a qualité pour agir, mais la
demande de jugement déclaratoire est rejetée parce qu'il y a
absence de parti pris direct visant un but lucratif.
Pratique — Parties — Qualité pour agir — La requérante
sollicite un bref de certiorari et un jugement déclaratoire
contre la décision administrative d'octroi de permis rendue par
la Commission de contrôle de l'énergie atomique — Contesta-
tion fondée sur l'allégation de parti pris visant un but lucratif
de la part d'un membre de la Commission — L'octroi de la
qualité pour agir dans les demandes de bref de certiorari est
une question discrétionnaire — Le fait que la requérante soit
un groupe d'intérêts sérieux et qu'elle ait fait des observations
devant la Commission relativement à la décision contestée
justifie l'octroi de la qualité pour demander un bref de certio-
rari — La requérante a qualité pour agir dans l'action en
jugement déclaratoire pour les motifs suivants: 1) une question
susceptible d'être tranchée par voie judiciaire a été soulevée, 2)
la requérante a, à titre de citoyenne, un intérêt véritable quant
d la validité de la décision soulevant une question d'intérêt
public, 3) il n'y a pas d'autre manière raisonnable et efficace
de saisir les tribunaux de ces questions — Loi sur le contrôle
de l'énergie atomique, S.R.C. 1970, chap. A-19, art. 8.
Énergie — La décision d'octroi de permis de la Commission
de contrôle de l'énergie atomique est contestée parce qu'un
membre de la Commission, en tant que président d'une société
fournissant des câbles résistant aux rayonnements pour des
réacteurs nucléaires à la demanderesse de permis, a fait preuve
de parti pris visant un but lucratif — La requérante Enquête
énergie a qualité pour agir tant dans la demande de bref de
certiorari que dans la demande de jugement déclaratoire —
Ne détenant aucun intérêt pécuniaire direct, au sens que la
jurisprudence a donné à ce concept, le membre de la Commis
sion n'a pas fait preuve de parti pris — Le fait que la Loi
autorise la nomination de membres à temps partiel à la
Commission n'autorise pas les partis pris visant un but lucratif
— La doctrine de nécessité n'est pas applicable — Loi sur le
contrôle de l'énergie atomique, S.R.C. 1970, chap. A-19,
art. 8.
La décision de la Commission de contrôle de l'énergie atomi-
que de renouveler le permis d'exploitation de la centrale atomi-
que Picquering «B» de l'Hydro-Ontario est contestée par voie de
demande de bref de certiorari et d'action en jugement déclara-
toire. Ces procédures reposent sur l'allégation de parti pris
visant un but lucratif dont aurait fait preuve un membre de la
Commission, M. Olsen, qui était, à l'époque de la décision,
président d'une société vendant des câbles résistant aux rayon-
nements à l'Hydro-Ontario. Les questions soulevées sont: 1) La
doctrine d'équité est-elle applicable à la fonction d'octroi de
permis de la Commission et cette doctrine exige-t-elle que les
membres de la Commission n'aient pas de parti pris? 2) M.
Olsen avait-il, dans l'issue de la décision, un avantage pécu-
niaire suffisant pour constituer un parti pris? 3) La requérante
a-t-elle qualité pour contester la décision de la Commission?
Jugement: tant la requête en bref de certiorari que l'action
en jugement déclaratoire sont rejetées.
La doctrine d'équité s'applique aux décisions administratives
de la Commission telles que celle contestée en l'espèce et
comporte la condition que l'auteur d'une décision soit impartial.
Puisqu'aucun contrat avec la société de M. Olsen ne dépendait
directement de la décision d'octroi de permis et puisque
l'Hydro-Ontario achetait des câbles résistant aux rayonnements
par voie de soumission, M. Olsen ne détenait pas un intérêt
pécuniaire suffisant pour constituer un parti pris.
Le fait que la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique
autorise la nomination de membres à temps partiel à la Com
mission n'autorise pas les partis pris visant un but lucratif. La
doctrine de nécessité ne s'applique pas non plus pour légitimer
ce parti pris.
La Cour, exerçant son pouvoir discrétionnaire reconnu à cet
égard, accorde à la requérante la qualité pour demander un
bref de certiorari parce que, même si la requérante ne se
qualifie pas comme une personne lésée, elle est un groupe
d'intérêts sérieux qui a fait des observations devant la Commis
sion relativement à la décision contestée.
La requérante a également qualité en ce qui concerne l'action
en jugement déclaratoire parce que, appliquant les arrêts
Thorson, McNeil et Borowski rendus par la Cour suprême, qui
ne s'appliquent pas uniquement à des affaires où la qualité pour
agir est revendiquée pour contester la constitutionnalité d'une
loi, 1) une question susceptible d'être tranchée par voie judi-
ciaire a été soulevée, 2) la requérante a, à titre de citoyenne, un
intérêt véritable quant à la validité de la décision qui soulève
une question d'intérêt public, 3) il n'y a pas d'autre manière
raisonnable et efficace de saisir les tribunaux de la question.
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of
Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311; S.E.A.P.
c. La Commission de contrôle de l'énergie atomique et
autre, [1977] 2 C.F. 473 (C.A.); AGIP S.p.A. c. La
Commission de contrôle de l'énergie atomique, et autres,
[1979] 1 C.F. 223; 87 D.L.R. (3d) 530 (C.A.); Croy, et
autres c. La Commission de contrôle de l'énergie atomi-
que, et autres, [1981] 1 C.F. 515; 105 D.L.R. (3d) 625
(C.A.); Thorson c. Procureur général du Canada et al.,
[1975] 1 R.C.S. 138; Nova Scotia Board of Censors c.
McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265; 55 D.L.R. (3d) 632;
Ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski,
[1981] 2 R.C.S. 575; 130 D.L.R. (3d) 588; In the Matter
of a Suit of Forster against Mary Owen Forster and
Berridge (1863), 4 B. & S. 187; 122 E.R. 430 (K.B.
Div.); The Queen v. The Justices of Surrey (1870), Law
Rep. 5 Q.B. 466; The King v. Groom, et al., [1901] 2
K.B. 157; The King v. Richmond Confirming Authority,
[1921] 1 K.B. 248; The King v. Stafford Justices, [1940]
2 K.B. 33; Re Corporation of District of Surrey, Munici
pal By -Law, 1954, No. 1291 (1956), 6 D.L.R. (2d) 768
(C.S.C.-B.); La compagnie Rothmans de Pall Mall
Canada Limitée et autre c. Le Ministre du Revenu
national, et autres, [1976] 2 C.F. 500 (C.A.); Martineau
c. Comité de discipline de l'Institution de Matsqui,
[1980] 1 R.C.S. 602; 106 D.L.R. (3d) 385; Canadian
Broadcasting League c. Le Conseil de la radiodiffusion
et des télécommunications canadiennes, et autres, [1980]
1 C.F. 396; 101 D.L.R. (3d) 669 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Regina v. Birmingham City Justice, [1970] 1 W.L.R.
1428 (Q.B.); McInnes v. Onslow -Fane et al., [1978] 1
W.L.R. 1520 (Ch.D.); Regina v. Secretary of State for
the Environment, [1982] Q.B. 593; In the Matter of
Hopkins (1858), El. Bl. & El. 100, 120 E.R. 445 (K.B.
Div.); Reg. v. Hammond et al. (1863), 9 L.T. Rep. N.S.
423 (Bail Ct.); The Queen v. Gaisford, [1892] 1 Q.B.
381; The King v. Hendon Rural District Council, [1933]
2 K.B. 696; Beer v. Rural Municipality of Fort Garry
(1958), 66 Man. R. 385 (C.A.); Regina v. Barnsley
Licensing Justices, [1960] 2 Q.B. 167; Ladies of the
Sacred Heart of Jesus (Convent of the Sacred Heart) v.
Armstrong's Point Association et al. (1961), 29 D.L.R.
(2d) 373 (C.A. Man.); Reg. v. Hain and others, Licen-
sing Justices (1896), 12 T.L.R. 323 (Q.B. Div.); Camino
Management Ltd. et al. v. Manitoba Securities Commn.
et al., [1979] 2 W.W.R. 594 (B.R. Man.); Re Webb and
Ontario Housing Corporation (1978), 93 D.L.R. (3d)
187 (C.A. Ont.)
AVOCATS:
A. J. Roman and D. Poch pour la requérante.
Personne n'a comparu pour la Commission de
contrôle de l'énergie atomique, intimée.
Ian Blue pour l'intimée Hydro -Ontario.
P. Evraire, c.r. et M. J. B. Wood pour le
procureur général du Canada, intervenant.
PROCUREURS:
A. J. Roman, Toronto, pour la requérante.
Cassels, Brock, Toronto, pour l'intimée
Hydro -Ontario.
Le sous-procureur général du Canada pour le
procureur général du Canada, intervenant.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE REED: Le présent jugement se rapporte
à deux actions intentées simultanément, visant à
l'obtention de l'une des deux formes de redresse-
ment possibles concernant la même cause d'action.
Il s'agit d'abord d'une requête pour un bref de
certiorari introduite pour faire annuler une déci-
sion par laquelle la Commission de contrôle de
l'énergie atomique a accordé à l'Hydro-Ontario un
permis pour exploiter les groupes 5 et 6 de la
centrale atomique Pickering «B». L'autre est une
action en jugement qui déclarerait que cette déci-
sion d'accorder le permis est invalide.
Les faits
Le 27 juin 1983, la Commission de contrôle de
l'énergie atomique (C.C.E.A.) diffusait un bulletin
de nouvelles disant que [TRADUCTION] «sous
réserve de sa confirmation à la prochaine réunion»,
elle approuverait le renouvellement du permis
d'exploitation de la centrale atomique Pickering
«B» de l'Hydro-Ontario.
Le 2 septembre 1983, Enquête énergie, la requé-
rante, a demandé à comparaître devant la
C.C.E.A. pour présenter des observations relatives
à la décision qui allait être rendue d'accorder le
permis. Le 7 septembre 1983, la C.C.E.A. a
demandé à la requérante de préciser l'objet de ses
préoccupations pour que celles-ci puissent faire
l'objet d'un examen adéquat.
Le 12 septembre 1983, la requérante a soumis à
la C.C.E.A., par écrit, plusieurs préoccupations
d'ordre technique, et a contesté avec vigueur la
participation de M. Olsen dans le processus déci-
sionnel. Enquête énergie écrivait notamment ce qui
suit:
[TRADUCTION] Nous contestons la participation de M. Olsen
étant donné ses intérêts apparemment incompatibles en matière
d'énergie atomique. M. Olsen est président de I'AMEEEC, le
groupe de pression de l'industrie électrique; il est membre de
l'Association nucléaire canadienne (le groupe de pression de
l'industrie atomique); il est président de l'Electrical Industry
Task Force qui fait des pressions pour promouvoir un usage
plus étendu de l'électricité en Ontario. M. Olsen est également
président de la société Phillips Cables.
Voici les détails des contrats connus intervenus entre l'Hydro-
Ontario et Phillips Cables (les fournitures pour des centrales
nucléaires sont soulignées):
Mai 1981 740 000 $ de câbles pour Pickering B
Juin 1981 60 000 $* de fil de cuivre, General Stores
Juillet 1981 100 000 $ de câbles (1' 0 année) pour Picke-
ring B
Août 1981 100 000 $ de conducteur en cuivre pour
Central Stores
Août 1981 350 000 $ de câbles en aluminium pour
Central Stores
Septembre 1981 150 000 $ câbles pour Atikokan (chauffe au
charbon) GS
Septembre 1981 230 000 $ de câbles de transport d'énergie
pour la station de transformation de
Bramalea
Janvier 1982 140 000 $ de câbles en cuivre pour Central
Stores
Avril 1982 140 000 $ de câbles en cuivre pour Central
Stores
Avril 1982 150 000 $ de câbles de commande pour Pic-
kering B
Août 1982 200 000 $ de câbles de commande pour CA
Darlington
Mars 1983 270 000 $ de câbles de transport d'énergie
pour CA Darlington
* Estimation: le montant inscrit est de 120 000 $ et Phillips est
l'une des deux sociétés nommées.
Nous demandons la suspension de la décision antérieure de la
Commission et la convocation de celle-ci hors la présence de M.
Olsen afin qu'elle examine de nouveau l'opportunité d'accorder
le permis à Pickering «B».
Le 20 septembre 1983, la C.C.É.A. a confirmé
sa décision d'accorder un permis pour les groupes
5 et 6 de Pickering.
Le 24 octobre 1983, la C.C.É.A. a répondu à la
lettre en date du 12 septembre 1983 d'Enquête
énergie, disant que, selon la Commission, [TRA-
DUCTION] «n'était nullement fondée l'accusation»
de conflit d'intérêt portée contre M. Olsen. Dans
sa réponse, la C.C.E.A. a également répondu aux
préoccupations d'ordre technique soulevées par
Enquête énergie.
Parmi les faits susmentionnés, le seul qui ait fait
l'objet d'un débat devant moi portait sur la nature
exacte des intérêts de M. Olsen. Dans son exposé
des faits, l'Hydro-Ontario reconnaît que:
[TRADUCTION] Il est président de Phillips Cables Ltd. (»Phil-
lips Cables»), une société canadienne de renom dont le chiffre
d'affaires annuel est de 200 millions de dollars. Actuellement, il
est également président de l'Association des manufacturiers
d'équipement électrique et électronique du Canada. Phillips
Cables a traité des affaires avec l'Hydro-Ontario par voie
d'adjudication.
L'Hydro-Ontario a également fait mention
d'une lettre jointe comme pièce à l'un des affida
vits, et je considère que cette mention reconnaît le
fait, exposé dans cette lettre, que M. Olsen était
président d'un groupe d'étude spécial sur l'énergie
électrique en Ontario.
Le paragraphe 13 d'un affidavit daté du 23
novembre 1983, signé par Norman Rubin et
déposé à l'appui de la demande d'Enquête énergie
est ainsi conçu:
[TRADUCTION] Phillips Cables Limited a vendu à l'Hydro-
Ontario d'importantes quantités de câbles résistants aux rayon-
nements pour des réacteurs nucléaires, notamment des câbles
pour les groupes 5 et 6 susmentionnés de Pickering «B». La
pièce sous la cote «I» se compose de deux exemplaires de l'avis,
donné par l'Hydro-Ontario, d'une récente adjudication de con-
trats importants, notamment de contrats alloués à Phillips
Cables Limited pour un total de 3 280 000 $, dont 1 460 000 $
pour l'achat de câbles pour des centrales nucléaires, et dont
990 000 $ pour des câbles pour Pickering «B».
L'avocat du procureur général et celui d'Hydro-
Ontario ont admis ces faits mais seulement parce
que l'avocat d'Enquête énergie a aussi admis que
les achats effectués par l'Hydro-Ontario avaient
été faits selon un processus de soumission et que,
même si le processus de soumission n'entraîne pas
nécessairement l'adjudication au plus bas soumis-
sionnaire, les décisions avaient été prises selon des
critères objectifs. Il convient de souligner que le
paragraphe 14 du même affidavit a été contesté
comme ouï-dire, ce qu'il est clairement, et aucune
admission n'a été faite quant à sa teneur.
Les questions soulevées par la présente demande
sont: 1) La doctrine d'équité énoncée par la Cour
suprême dans l'arrêt Nicholson c. Haldimand-
Norfolk Regional Board of Commissioners of
Police, [1979] 1 R.C.S. 311 est-elle applicable à la
fonction d'octroi de permis de la Commission de
contrôle de l'énergie atomique et, particulière-
ment, cette doctrine d'équité exige-t-elle que les
membres de la Commission n'aient pas de parti
pris? 2) M. Olsen avait-il, dans l'issue de cette
décision, un avantage pécuniaire suffisant pour
constituer un parti pris visant un but lucratif au
sens de la définition de ce terme? 3) En tout état
de cause, la requérante Enquête énergie a-t-elle
qualité pour contester la décision de la Commis
sion?
Doctrine d'équité
Toutes les parties reconnaissent que la fonction
d'octroi de permis de la C.C.E.A. est une fonction
administrative et non une fonction quasi judiciaire
ou judiciaire. Cette opinion repose sur l'absence,
dans la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique
[S.R.C. 1970, chap. A-19], de dispositions qui
obligent la Commission à siéger en public, à tenir
des audiences ou à donner avis d'une demande et
sur le fait qu'elle n'est pas tenue de suivre ou
d'adopter des procédures analogues à celles d'un
tribunal. Voir les arrêts S.E.A.P. c. La Commis
sion de contrôle de l'énergie atomique et autre,
[1977] 2 C.F. 473 (C.A.), aux pages 475 et 476;
AGIP S.p.A. c. La Commission de contrôle de
l'énergie atomique, et autres, [1979] 1 C.F. 223,
aux pages 228 et 229; 87 D.L.R. (3d) 530 (C.A.),
aux pages 534 et 535; Croy, et autres c. La
Commission de contrôle de l'énergie atomique, et
autres, [1981] 1 C.F. 515, aux pages 517, 518, 522
et 523; 105 D.L.R. (3d) 625 (C.A.) aux pages 627,
630 et 631.
Il semble donc clair que la doctrine d'équité
énoncée par la Cour suprême dans l'arrêt
Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board
of Commissioners of Police, [1979j 1 R.C.S. 311,
s'applique aux décisions de la C.C.E.A. relatives à
l'octroi de permis. Dans cette affaire, le juge en
chef Laskin expliquait cette doctrine en ces
termes, à la page 324:
J'accepte donc aux fins des présentes et comme un principe de
common law ce que le juge Megarry a déclaré dans Bates v.
Lord Hailsham, à la p. 1378: [TRADUCTION] «dans le domaine
de ce qu'on appelle le quasi-judiciaire, on applique les règles de
justice naturelle et, dans le domaine administratif ou exécutif,
l'obligation d'agir équitablement..
L'apparition d'une notion d'équité, moins exigeante que la
protection procédurale de la justice naturelle traditionnelle, est
commentée dans de Smith, Judicial Review of Administrative
Action, précité, à la p. 208:
[TRADUCTION] C'est un principe bien établi à l'égard de
l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire que celui qui en est
titulaire doit agir équitablement, si vague que soit la signifi
cation de cette expression. Depuis 1967, les juges ont souvent
fait appel à la notion d'obligation d'agir équitablement pour
marquer l'obligation implicite de respecter certaines procédu-
res. Cela signifie en général l'obligation de respecter les
principes élémentaires de justice naturelle à une fin limitée,
dans l'exercice de fonctions qui, à l'analyse, ne sont pas
judiciaires mais administratives ...
L'apparition de cette notion résulte de la constatation qu'il
est souvent très difficile, sinon impossible, de répartir les fonc-
tions créées par la loi dans les catégories judiciaire, quasi-judi-
ciaire ou administrative; de plus il serait injuste de protéger
certains au moyen de la procédure tout en la refusant complète-
ment à d'autres lorsque l'application des décisions prises en
vertu de la loi entraînent les mêmes conséquences graves pour
les personnes visées, quelle que soit la catégorie de la fonction
en question. Voir Mullan, Fairness: The New Natural Justice
(1975), 25 Univ. of Tor. L.J. 281.
Ainsi qu'il ressort des passages précités, les con
ditions d'équité peuvent être différentes de celles
posées par les règles de justice naturelle et moins
exigeantes que celles-ci. Elles peuvent très bien
varier en fonction de la nature exacte de la fonc-
tion administrative à laquelle elles s'appliquent. De
plus, toute la jurisprudence canadienne n'a jus-
qu'ici abordé l'équité que sur les aspects de la
procédure: le droit à l'avis et le droit d'être informé
des circonstances de l'affaire. On ne m'a cité
aucune jurisprudence canadienne qui ait discuté de
la question de savoir si l'obligation de ne pas avoir
de parti pris s'appliquait aussi. À cet égard, on m'a
renvoyé à deux décisions du Royaume-Uni: Regina
v. Birmingham City Justice, [1970] 1 W.L.R.
1428 (Q.B.); McInnes v. Onslow -Fane et al.,
[1978] 1 W.L.R. 1520 (Ch.D.), approuvée par
Regina v. Secretary of State for the Environment,
[ 1982] Q.B. 593. A mon avis, aucune de ces
décisions ne préconise exactement la proposition
avancée, bien qu'on y trouve effectivement des
opinions qui l'appuient. Je suis certain que l'obli-
gation d'agir équitablement énoncée par la Cour
suprême dans l'arrêt Nicholson doit comporter la
condition que l'auteur d'une décision soit impar
tial. Toute autre conclusion saperait entièrement le
concept de l'exigence d'une obligation d'équité.
Il serait en fait anormal qu'il faille, dans la prise
d'une décision administrative, suivre les règles
d'équité sur le plan de la procédure et qu'il ne soit
pas nécessaire que l'auteur d'une décision soit
impartial. La partialité d'un tribunal constituerait
un défaut d'équité beaucoup plus grave que la
non-observation des exigences quant à la
procédure.
Parti pris direct visant un but lucratif?
Il est donc nécessaire d'examiner les faits de
l'espèce pour voir s'ils comportent une partialité à
un degré qui enfreigne le principe d'équité. Il n'a
été allégué que le parti pris visant un but lucratif.
Aucune allégation d'une crainte raisonnable de
partialité n'a été faite.
La règle relative au parti pris visant un but
lucratif, telle qu'elle a été exprimée, est qu'un
intérêt pécuniaire direct, si insignifiant soit-il,
constitue un parti pris; voir: Mullan, Administra
tive Law, vol. 1, Can. Ency. Dig. (3 e éd., 1979), à
la page 3-128; S. A. de Smith, Judicial Review of
Administrative Action, (4 e éd., 1980), la page
258.
En l'espèce, on prétend que l'intérêt pécuniaire
de M. Olsen a pris naissance du fait de ses rela
tions d'affaires avec l'Hydro-Ontario. Auparavant,
il avait vendu à l'Hydro-Ontario des câbles résis-
tant aux rayonnements. Il est clair qu'il pourrait
espérer le faire encore à l'avenir. Mais, à mon avis,
M. Olsen ne détenait, à la date des auditions en
question, soit les 27 juin 1983 et 12 septembre
1983, aucun intérêt pécuniaire direct, au sens que
la jurisprudence a donné à ce concept. Il n'existait
aucun contrat dont l'effet était sous condition sus-
pensive en attendant l'issue des nouveaux permis
accordés à l'Hydro-Ontario. Il n'était nullement
certain que M. Olsen vendrait encore des câbles à
l'Hydro-Ontario pour les groupes Pickering, au
cours de la validité du nouveau permis. Aussi
l'avocat de la requérante a-t-il reconnu que l'achat
de ces câbles par l'Hydro-Ontario avait été effec-
tué par voie de soumission. À ,la date de l'audition,
on pouvait tout au plus dire de M. Olsen qu'il
pouvait raisonnablement s'attendre à un gain
pécuniaire en raison de l'obtention des permis.
On ne m'a cité aucune décision, et je n'en ai pas
trouvé, selon laquelle ce genre d'expectative consti-
tue un parti pris direct visant un but lucratif.
Toute la jurisprudence relative au parti pris visant
un but lucratif que j'ai examinée porte sur des
particuliers qui, à titre de contribuable, d'agent
immobilier pour l'opération en question, ou d'ac-
tionnaire, avaient, à la date de l'audition, une sorte
de rapport direct avec le bénéficiaire d'une déci-
sion, de sorte qu'un avantage pécuniaire pouvait
certainement prendre naissance lors même que cet
avantage était minime. Les décisions classiques à
ce sujet sont: In the Matter of Hopkins (1858), El.
Bl. & El. 100, 120 E.R. 445 (K.B. Div.) et Reg. v.
Hammond et al. (1863), 9 L.T. Rep. N.S. 423
(Bail Ct.) où des magistrats qui étaient actionnai-
res dans une compagnie de chemin de fer ont été
déclarés inhabiles à connaître des accusations por-
tées contre des voyageurs de chemin de fer sans
billets; et The Queen v. Gaisford, [1892] 1 Q.B.
381, où un juge a été déclaré inhabile parce qu'il
était un contribuable dans la municipalité qui
bénéficierait de la décision. Voir aussi: The King v.
Hendon Rural District Council, [1933] 2 K.B.
696; Beer v. Rural Municipality of Fort Garry
(1958), 66 Man. R. 385 (C.A.) Regina v. Barnsley
Licensing Justices, [1960] 2 Q.B. 167; Ladies of
the Sacred Heart of Jesus (Convent of the Sacred
Heart) v. Armstrong's Point Association et al.
(1961), 29 D.L.R. (2d) 373 (C.A. Man.); Reg. v.
Hain and others, Licensing Justices (1896), 12
T.L.R. 323 (Q.B. Div.).
Toutefois, M. Olsen n'était pas en rapport direct
et certain avec l'Hydro-Ontario à la date des
décisions d'accorder le permis. L'intérêt de M.
Olsen semblerait clairement assimilable à celui
dont traite la jurisprudence relative à la «crainte
raisonnable de partialité». Toutefois, M. Roman,
l'avocat de la requérante, a affirmé, tant dans ses
conclusions écrites qu'orales, que la [TRADUC-
TION] «crainte raisonnable de partialité ... n'est
pas en litige en l'espèce.»
Parti pris autorisé?
Je dirais que je ne suis pas d'accord avec l'argu-
ment avancé par l'avocat de l'Hydro-Ontario selon
lequel la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique
autorise implicitement le parti pris visant un but
lucratif, parce qu'elle prévoit la nomination de
membres à temps partiel à la Commission. Je
conviens qu'il en découle que ces membres de la
Commission exerceront des activités commerciales
extérieures. Mais j'estime qu'il faudrait un texte
législatif beaucoup plus clair que le texte actuel
pour créer une exemption à la règle de common
law exigeant de l'auteur d'une décision qu'il soit
impartial.
De même, je ne suis pas d'accord que la doctrine
de nécessité s'applique. J'estime qu'il serait tout à
fait possible que la Commission se compose de
personnes expertes et bien informées dans le
domaine sans avoir à compter parmi ses membres
des personnes partiales qui aient un but lucratif ou
qui ont des intérêts qui engendrent une crainte
raisonnable de partialité.
Il ressort de la jurisprudence que les règles
d'équité, lorsqu'elles se rapportent au processus
décisionnel administratif, peuvent être moins stric-
tes que les règles de justice naturelle qui s'impo-
sent au processus décisionnel judiciaire ou quasi
judiciaire. A cet égard, l'avocat du procureur géné-
ral a cité les décisions Camino Management Ltd.
et al. v. Manitoba Securities Commn. et al.,
[1979] 2 W.W.R. 594 (B.R. Man.); Nicholson c.
Haldimand-Norfolk Regional Board of Commis
sioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311, aux pages
324 326; Re Webb and Ontario Housing Corpo
ration (1978), 93 D.L.R. (3d) 187 (C.A. Ont.), à
la page 195. Je soulignerais que, bien que ces
décisions indiquent que le parti pris n'existe pas
dans le processus décisionnel administratif simple-
ment parce que l'auteur de la décision a une
certaine compétence, certaines connaissances ou
même des préférences de politique, aucune ne
traite du cas où le parti pris est présumé avoir
découlé de la possibilité d'un gain pécuniaire.
La qualité pour agir
Logiquement, la question de la qualité pour agir
précède celle du parti pris, bien que j'aie choisi de
les aborder dans l'ordre inverse. En l'espèce, l'ar-
gument principal porte sur la question de savoir si
la requérante, Enquête énergie, a qualité pour
formuler cette demande.
L'avocat de la demanderesse s'est appuyé, dans
une grande mesure, sur les arrêts de la Cour
suprême Thorson c. Procureur général du Canada
et al., [1975] 1 R.C.S. 138; Nova Scotia Board of
Censors c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265; 55
D.L.R. (3d) 632, et Ministre de la Justice du
Canada et autre c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575;
130 D.L.R. (3d) 588. Il a soutenu qu'ils devraient
s'appliquer pour accorder à la requérante la qua-
lité pour agir en l'espèce. Après avoir examiné la
jurisprudence pertinente, je ne suis pas persuadé
qu'une analyse de ces décisions élargisse la ques
tion de la qualité pour agir en ce qui concerne une
demande de bref de certiorari. Elle semble conve-
nir mieux à une demande de jugement déclara-
toire.
Enquête énergie est une société sans but lucratif
qui conduit des recherches et qui s'occupe de la
sensibilisation du public en matière d'énergie. Son
financement provient de plus *de dix mille person-
nes de partout au Canada, ainsi que des sociétés,
de fondations et de plusieurs niveaux de gouverne-
ment. Elle est intervenue et a fait des observations
devant divers organismes gouvernementaux tels
que la Commission de contrôle de l'énergie atomi-
que, l'Office national de l'énergie, la Commission
de l'énergie de l'Ontario et l'enquête Berger. Elle a
publié une quantité de livres, de rapports, d'arti-
cles de revues et de journaux traitant de questions
relatives à l'énergie; elle a également participé à
des émissions de radio et de télévision, à des
réunions et à des conférences.
Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, Enquête éner-
gie a fait des observations devant la C.C.É.A.
relativement à l'octroi de permis pour les groupes 5
et 6 de la centrale nucléaire Pickering «B» de
l'Hydro-Ontario. Bien que la C.C.E.A. ait pris
l'habitude d'accepter de telles observations d'En-
quête énergie, elle n'est pas légalement tenue de le
faire. La loi ne l'oblige nullement à tenir des
audiences publiques. L'article 8 de la Loi sur le
contrôle de l'énergie atomique, S.R.C. 1970, chap.
A-19, dispose:
8. La Commission peut
a) édicter des règles pour la conduite de ses délibérations et
l'exécution de ses fonctions;
Un énoncé de politique de la Commission, en
vigueur le 17 mai 1983 et, intitulé «Politique et
ligne directrices portant sur les interventions
auprès de la Commission de contrôle de l'énergie
atomique», déclare:
La CCEA est consciente qu'il convient, dans l'exercice de ses
responsabilités en matière de réglementation, de fournir à toute
partie intéressée* la possibilité d'exposer ses vues à la Commis
sion au sujet des questions qu'elle traite. Elle est donc disposée
à recevoir des exposés écrits de points de vue (nommés .présen-
tations» ci-après) et, dans certains cas, à accorder à leurs
auteurs la possibilité de se présenter devant le Président et les
spécialistes concernés de la CCEA, ou aux réunions de la
Commission, à propos des questions qu'elle traite dans l'exer-
cice de ses responsabilités en matière de réglementation.
* Partie intéressée peut désigner tant un demandeur ou un
détenteur de permis, qu'un ou plusieurs particuliers, ainsi
que tout groupe d'intérêts spéciaux.
Le document donne en outre des directives détail-
lées quant à la façon dont ces présentations
devraient être faites, quant aux délais de présenta-
tion et à l'endroit où elles doivent être produites.
Selon mon interprétation de la jurisprudence, la
qualité pour agir dans une demande d'un bref de
certiorari a toujours été plus étendue que celle
applicable à d'autres types d'actions, notamment
celles visant à obtenir un jugement déclarant l'in-
constitutionnalité d'une loi (la question abordée
dans les affaires Thorson, McNeil et Borowski).
Je trouve le résumé suivant dans Judicial
Review of Administrative Action, de Smith (qua-
trième édition, 1980), la page 418:
[TRADUCTION] Il existe plusieurs opinions judiciaires inci-
dentes préconisant qu'un «tiers» peut obtenir un bref de certio-
rani. D'autre part, il n'y a pas lieu de douter du bien-fondé de la
remarque de lord Denning que la cour «n'a certes pas à écouter
un simple touche-à-tout qui se mêle des affaires qui ne le
regardent pas»; et une requête introduite par une telle personne
n'a été accueillie dans aucune cause anglaise publiée. On estime
que la règle actuelle peut être correctement exposée de la façon
suivante. Le bref de certiorari est une mesure discrétionnaire,
et le pouvoir discrétionnaire de la cour s'étend pour permettre
l'introduction d'une requête par un membre du public.
Dans «Judicial Review of Legislation in
Canada» (1968), la page 107, Strayer se livre à
cette analyse:
[TRADUCTION] Il semble que la condition d'un «intérêt» ne
s'impose nullement à un demandeur d'un bref de certiorari. La
règle générale en Angleterre est que même un «tiers» peut
demander un bref de certiorari quoique la cour puisse, usant de
son pouvoir discrétionnaire, rejeter la demande. Une «personne
lésée» (qui peut être une personne qui a subi un préjudice,
quelqu'insignifiant qu'il soit) a droit d'obtenir le bref...
Et, dans Mullan, «Administrative Law» (vol. 1,
Titre 3, Ency. Dig. 3» éd. 1979) la page 157, il
est dit:
[TRADUCTION] «... lorsqu'une requête est introduite par une
personne lésée, les tribunaux vont normalement accorder le
redressement ex debito justitiae ou «de plein droit»; particuliè-
rement lorsque l'erreur porte sur la compétence ... D'autre
part, lorsque ia demande est formulée par une personne qui
n'est pas lésée, l'octroi du redressement est purement facultatif
et dépend de la conception prépondérante de la cour, savoir si le
public a intérêt à ce que la décision contestée soit annulée.
À mon avis, ces propos sommaires reflètent
exactement la jurisprudence sur cette question. On
peut citer en premier lieu l'affaire In the Matter of
a Suit of Forster against Mary Owen Foster and
Berridge (1863), 4 B. & S. 187, à la page 199; 122
E.R. 430 (K.B. Div.), à la page 435:
[TRADUCTION] Je souscris entièrement à la proposition que,
bien que la cour écoute une personne qui est un tiers et qui
intervient pour faire savoir qu'un autre tribunal a outrepassé sa
compétence en confirmant un tort ou un grief, il ne s'agit pas
d'un cas ex debito justitiae, mais d'un cas où la Cour peut
légitimement exercer son pouvoir discrétionnaire, ce qui se
distingue du cas où une partie lésée a droit au redressement ex
debito justitiae...
Voir aussi The Queen v. The Justices of Surrey
(1870), Law Rep. 5 Q.B. 466; The King v. Groom,
et al., [1901] 2 K.B. 157; The King v. Richmond
Confirming Authority, [1921] 1 K.B. 248; The
King v. Stafford Justices, [1940] 2 K.B. 33.
Cette règle a été appliquée par au moins un
tribunal canadien dans Re Corporation of District
of Surrey, Municipal By -Law, 1954, No. 1291
(1956), 6 D.L.R. (2d) 768 (C.S.C.-B.). Dans cette
affaire, la Cour suprême de la Colombie-Britanni-
que a autorisé un citadin à demander un bref de
certiorari pour faire infirmer une décision de la
Commission de planification municipale qui avait
permis à un club de reconstruire son immeuble
alors que, prétendait-on, il n'y avait pas suffisam-
ment d'espace pour le stationnement. La Cour a
décidé qu'une personne telle que le résident en
question pourrait être une personne lésée, dans le
sens requis par la jurisprudence, mais que, en tout
état de cause, si elle ne l'était pas, il s'agirait d'un
cas qui permettait à la Cour d'user de son pouvoir
discrétionnaire pour accorder au requérant la qua-
lité pour agir.
Dans l'affaire La compagnie Rothmans de Pall
Mall Canada Limitée et autre c. Le Ministre du
Revenu national, et autres, [1976] 2 C.F. 500
(C.A.), à la page 509, je remarque que le juge Le
Dain, qui rendait l'arrêt de la Cour, fait la distinc
tion entre un demandeur de bref de certiorari qui
est un tiers et celui qui est une personne lésée.
La qualité pour agir peut être définie différemment d'un
recours à l'autre, et il est possible que l'exigence ne soit pas
aussi stricte pour les brefs de certiorari et de prohibition,
lorsque l'on reconnaît à un tiers la qualité pour exercer l'action,
dans certaines circonstances, qu'elle ne l'est pour d'autres
recours.
De plus, il existe de nombreuses causes où un
intérêt minime ou indirect a été jugé suffisant pour
accorder à un requérant la qualité d'une personne
lésée. Et le juge Dickson, qui rendait l'arrêt de la
Cour suprême dans Martineau c. Comité de disci
pline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S.
602, la page 619; 106 D.L.R. (3d) 385, aux
pages 402 et 403, décrit en ces termes la fonction
du bref de certiorari, bien que ce soit en rapport
avec la qualité pour agir d'un personne lésée:
Le certiorari est issu du pouvoir de surveillance qu'ont assumé
les cours sur certains tribunaux pour garantir le bon fonction-
nement de l'appareil gouvernemental. Donner une interpréta-
tion étroite ou formaliste aux .droits» dans un sens individuel
est se méprendre sur l'objectif plus large du contrôle judiciaire
de l'activité de l'administration. On devrait, selon moi, partir de
la prémisse que tout organisme public qui exerce un pouvoir sur
des citoyens peut être assujetti au contrôle judiciaire, l'intérêt
individuel en cause n'étant qu'un des facteurs à considérer pour
résoudre la question de principe générale de la nature du
pouvoir de révision qu'il convient d'appliquer à un organisme
administratif particulier.
Par conséquent, même sans tenir compte des
affaires Thorson, McNeil et Borowski, je suis
d'avis que la situation de la requérante en l'espèce
justifie qu'on lui accorde la qualité pour demander
un bref de certiorari. Le fait qu'elle soit un groupe
d'intérêts publics sérieux et qu'elle ait fait des
observations devant la Commission de contrôle de
l'énergie atomique relativement à la décision con-
testée (même en vertu de la pratique de la Com
mission plutôt qu'en vertu d'un droit prévu par la
loi), semble, à mon avis, justifier l'exercice par la
Cour de son pouvoir discrétionnaire pour accorder
à la requérante la qualité pour agir. Il en est ainsi
lors même que la requérante n'aurait pas un inté-
rêt suffisant pour se qualifier comme une personne
lésée. Voir l'arrêt Canadian Broadcasting League
c. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécom-
munications canadiennes, et autres, [1980] 1 C.F.
396; 101 D.L.R. (3d) 669 (C.A.), une décision où
un défenseur de l'intérêt public dans le domaine de
la radiodiffusion qui comparaissait devant le
C.R.T.C. qui devait, selon la loi, tenir des audien
ces publiques, s'est vu confirmé son droit de con-
tester une décision de ce tribunal.
Étant parvenu à cette conclusion, il me reste
encore à essayer de comprendre la portée de l'ar-
gument quelque peu diversifié de la requérante en
ce qui concerne les affaires Thorson, McNeil et
Borowski.
J'ai examiné la question de savoir si une partie
de son argument n'était pas nette et aurait pu
reposer sur la distinction entre la qualité accordée
de plein droit dans une demande d'un bref de
certiorari et la qualité qui est accordée à la discré-
tion de la Cour seulement. Dans ce dernier cas, la
jurisprudence semble indiquer qu'il est fort possi
ble qu'un bref de certiorari soit refusé au motif
qu'il ne serait pas dans le meilleur intérêt du
public de l'accorder. À l'évidence, les considéra-
tions d'intérêt public en l'espèce peuvent très bien
entraîner le rejet de la demande de la requérante
tendant à l'obtention d'une ordonnance qui annule-
rait la décision de la C.C.É.A., même si on consta-
tait l'existence d'un parti pris. Toutefois, je ne
pense pas qu'on puisse s'appuyer sur les affaires
Thorson, McNeil et Borowski pour prétendre que
les règles de l'octroi facultatif de la qualité pour
agir dans une demande d'un bref de certiorari
devraient, d'une façon ou d'une autre, être conver-
ties en règles conférant la qualité de plein droit.
L'appelant n'a obtenu la qualité de plein droit dans
aucune de ces causes. Dans toutes ces causes, la
Cour a considéré l'octroi de la qualité pour agir
comme une question discrétionnaire pour les
tribunaux.
Il reste la question de l'applicabilité d'un argu
ment reposant sur les décisions Thorson, McNeil
et Borowski à la question de la qualité pour agir en
l'espèce en ce qui concerne la demande d'un juge-
ment déclaratoire.
Au début, il convient de souligner que l'avocat
de la requérante a expliqué la demande de redres-
sements subsidiaires (un bref de certiorari ou un
jugement déclaratoire) de la façon suivante. La
requérante préférerait un jugement déclaratoire
parce qu'il a une portée [TRADUCTION] «moins
draconienne» qu'un bref de certiorari, mais puis-
que la jurisprudence pourrait indiquer que la
requérante ne pourrait obtenir la qualité pour
demander un jugement déclaratoire, elle a jugé
opportun d'intenter des procédures simultanées
visant les deux formes de redressement.
Je prends comme point de départ la conclusion
tirée par le juge Martland dans l'arrêt Borowski,
[1981] 2 R.C.S. 575, la page 598; 130 D.L.R.
(3d) 588, la page 606:
Selon mon interprétation, ces arrêts [Thorson et McNeil]
décident que pour établir l'intérêt pour agir à titre de deman-
deur dans une poursuite visant à déclarer qu'une loi est inva-
lide, si cette question se pose sérieusement, il suffit qu'une
personne démontre qu'elle est directement touchée ou qu'elle a,
à titre de citoyen, un intérêt véritable quant à la validité de la
loi, et qu'il n'y a pas d'autre manière raisonnable et efficace de
soumettre la question à la cour.
Dans le cas de l'action intentée par la requé-
rante en l'espèce, il est clair qu'une question sus
ceptible d'être tranchée par voie judiciaire a été
soulevée: celle de la validité ou de l'invalidité de la
décision de la C.C.E.A. contestée pour sa partia-
lité. J'estime qu'il est également clair qu'on pour-
rait dire de la requérante qu'elle a, à titre de
citoyenne, un intérêt véritable quant à la validité
de cette décision. On peut dire que l'ensemble des
citoyens a intérêt à se persuader que les décisions
de ce genre sont rendues par un tribunal impartial;
il y a intérêt à s'assurer que les fonctionnaires qui
rendent les décisions du genre de celle en litige en
l'espèce le font sans qu'on puisse leur reprocher un
gain pécuniaire personnel.
En l'espèce,. il est également clair que si la
requérante n'est pas autorisée à contester la vali-
dité de la décision, il n'y a pas d'autre manière
raisonnable et utile de saisir les tribunaux de la
question. En Ontario, l'Hydro-Ontario n'a pas de
concurrents qui pourraient contester la décision de
la Commission; il apparaît qu'aucun des concur-
rents de Phillips Cables ne serait en mesure de
contester la décision de la Commission ni ne serait
intéressé à le faire. À l'audition, tant l'Hydro-
Ontario que le procureur général ont souligné que,
théoriquement, ils pouvaient contester la décision.
À l'évidence, l'Hydro-Ontario ne le ferait pas, et
bien qu'on n'ait pas demandé au procureur général
de le faire, le fait qu'il se porte à la défense de la
décision de la Commission montre clairement qu'il
ne l'aurait pas fait si on le lui avait demandé. A cet
égard, comme il semble qu'il n'y aurait pas d'autre
contestation efficace possible, la situation semble-
rait s'apparenter à celle de l'affaire Thorson,
encore plus même qu'à celle de l'affaire Borowski.
Dans les affaires Thorson, McNeil et Borowski,
la question en litige portait toutefois sur la consti-
tutionnalité d'une loi; il n'en est pas ainsi en
l'espèce. La question reste de savoir si les principes
posés dans ces décisions sont limités à des affaires
où on demande la qualité pour agir pour contester
la constitutionnalité d'une loi, ou s'ils pourraient
s'appliquer aussi à d'autres cas. L'interprétation de
ces trois arrêts m'amène à conclure que l'essentiel
des décisions de la Cour suprême ne résidait pas
dans le fait que la compétence législative constitu-
tionnelle était contestée. La règle fondamentale est
plutôt, semble-t-il, qu'il y avait une question sus
ceptible d'être tranchée par voie judiciaire, une
question normalement soumise au contrôle judi-
ciaire, et qu'une telle question ne devrait pas
échapper au contrôle judiciaire en raison de règles
trop strictes quant à la qualité pour agir. Je cite les
extraits suivants de la décision de la Cour dans
l'affaire Thorson c. Procureur général du Canada
et al., [1975] 1 R.C.S. 138, à la page 145:
La question de fond soulevée par l'action du demandeur est de
la compétence des tribunaux; et, prima facie, il serait étrange et
même alarmant qu'il n'y ait aucun moyen par lequel une
question d'abus de pouvoir législatif, matière traditionnellement
de la compétence des cours de justice, puisse être soumise à une
décision de justice.
et à la page 163:
Ce n'est pas le seul gaspillage allégué de deniers publics qui
étayera la qualité pour agir mais plutôt le droit des citoyens au
respect de la constitution par le Parlement, quand la question
que soulève la conduite du Parlement est réglable par les voies
de justice en tant que question de droit.
Certes, la division de la compétence législative
constitutionnelle peut être le domaine principal où
des questions susceptibles d'être tranchées par voie
judiciaire pourraient être à l'abri du contrôle judi-
ciaire, en l'absence de règles appropriées relatives
à la qualité pour agir, mais je ne trouve rien dans
les décisions Thorson, McNeil et Borowski qui
indique que la question de la compétence législa-
tive constitutionnelle soit la condition sine qua non
de ces décisions.
Il me semble que les principes qui sous-tendent
les décisions Thorson, McNeil et Borowski sont
applicables à l'espèce. Il existe une question d'inté-
rêt public comparable au droit au respect, par les
assemblées législatives, des limites que leur impose
la constitution; c'est le droit du public de faire
trancher par des tribunaux impartiaux les déci-
sions du genre de celle rendue par la C.C.É.A. Il
n'existe pas d'autre moyen raisonnable et utile de
saisir la Cour de la question. L'application des
principes de ces décisions à une affaire telle que
l'espèce n'ouvre pas la porte à une avalanche de
litiges; cette application n'étend pas non plus trop
largement les règles quant à la qualité pour agir.
Cela ne fait que permettre aux plaideurs suscepti-
bles d'introduire une requête en bref de certiorari
à présenter cette action plutôt comme une
demande de jugement déclaratoire. Dans ce sens,
on évite simplement ce qui serait par ailleurs la
situation anormale d'un plaideur tel que la requé-
rante à l'instance qui a qualité pour demander un
bref de certiorari mais qui n'a pas qualité pour
présenter cette même action sous la forme d'une
requête en jugement déclaratoire. C'est pour ces
motifs que j'estime que les décisions rendues par la
Cour suprême dans les affaires Thorson, McNeil
et Borowski s'étendent pour s'appliquer à une
situation telle que la présente.
Conclusion
Puisque je ne vois aucun parti pris direct visant
un but lucratif comme l'a allégué la requérante, et
puisque ce qui apparaît comme la question impor-
tante, la crainte raisonnable de partialité, n'a
jamais été soulevée en l'espèce, je dois rejeter tant
la requête en bref de certiorari que la demande de
jugement déclaratoire.
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