A-263-82
A-803-82
Roderick Ross Stevenson (requérant)
v.
Commission canadienne des droits de la personne,
Air Canada et Rollie E. Cook et Norman J. Foster
en leur nom et au nom de tous les membres de
l'Association canadienne des pilotes de lignes
aériennes (intimés)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Heald et
juge suppléant McQuaid—Toronto, 21 juin;
Ottawa, 8 septembre 1983.
Déclaration des droits — Égalité devant la loi — Politique
de la compagnie aérienne et du syndicat exigeant des pilotes
qu'ils prennent leur retraite à l'âge de 60 ans — L'art. 14c) de
la Loi canadienne sur les droits de la personne ne viole pas la
garantie à l'égalité prévue à l'art. lb) de la Déclaration
canadienne des droits en limitant la protection accordée contre
la discrimination fondée sur l'âge en matière d'emploi aux
personnes qui n'ont pas atteint l'âge normal de la retraite — Il
incombe au requérant de démontrer que la loi discriminatoire
contrevient au principe de l'égalité devant la Loi — L'art. 14c)
a été adopté afin de réaliser un objectif fédéral régulier — La
distinction établie à l'art. 14c) n'est ni arbitraire ni superflue
— Il est possible de contrevenir à la Déclaration même s'il n'y
a pas de discrimination fondée sur un motif prévu à l'art. 1 —
La Déclaration n'accorde pas de garantie absolue contre la
discrimination fondée sur l'âge — La Cour ne peut statuer à
l'encontre d'une loi du Parlement — Loi canadienne sur les
droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33, art. 3, 7, 9, 10,
11, 12, 13, 14, 15, 16, 17 — Déclaration canadienne des droits,
S.R.C. 1970, Appendice III, art. lb) — Charte canadienne des
droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitu-
tionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.), art. 15 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28 — Federal Aviation Admi
nistration Regulations, 14 CFR (U.S.) — Convention sur
l'aviation civile internationale (ouverte à la signature le 7
décembre 1944), RTC 1944/36, pp. 34 56; 15 RTNU 295;
annexe 1 (adoptée le 14 avril 1948).
Droits de la personne — Discrimination fondée sur l'âge —
Politique de la compagnie aérienne et du syndicat exigeant des
pilotes qu'ils prennent leur retraite à 60 ans — L'art. 14c) de
la Loi canadienne sur les droits de la personne ne contrevient
pas à la garantie à l'égalité établie à l'art. lb) de la Déclara-
tion canadienne des droits en limitant la protection accordée
contre la discrimination fondée sur l'âge en matière d'emploi
aux personnes qui n'ont pas atteint l'âge normal de la retraite
— L'art. 14c) a été adopté afin de réaliser un objectif fédéral
régulier — La distinction établie à l'art. 14c) n'est ni arbitraire
ni superflue — L'exception prévue à l'art. 14c) s'applique-
t-elle à l'art. 10 de la Loi et si oui, justifie-t-elle l'attitude du
syndicat? — Portée des art. 9 et 10 — Le droit à la protection
contre la discrimination fondée sur l'âge est accordée par la
Loi et non par la Déclaration — Loi canadienne sur les droits
de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33, art. 3, 7, 9, 10, 11, 12,
13, 14, 15, 16, 17 — Déclaration canadienne des droits, S.R.C.
1970, Appendice 111, art. lb) — Federal Aviation Administra
tion Regulations, 14 CFR (U.S.) — Convention sur l'aviation
civile internationale (ouverte à la signature le 7 décembre
1944), RTC 1944/36, pp. 34 56; 15 RTNU 295; annexe 1
(adoptée le 14 avril 1948).
Aéronautique — Politique de la compagnie aérienne et du
syndicat exigeant des pilotes qu'ils prennent leur retraite à
l'âge de 60 ans — Cette politique est acceptable car l'art. 14c)
de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit que
le fait de mettre fin à l'emploi en appliquant «la règle de l'âge
de la retraite en vigueur» ne constitue pas une pratique discri-
minatoire — L'art. 14c) ne contrevient pas à la garantie à
l'égalité devant la loi établie à l'art. lb) de la Déclaration des
droits — La distinction établie à l'art. 14c) n'est ni arbitraire
ni superflue — Âge normal de la retraite dans le secteur de
l'aviation — Sécurité aérienne — Loi canadienne sur les droits
de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33, art. 3, 7, 9, 10, 14 —
Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice 111,
art. lb) — Federal Aviation Administration Regulations, 14
CFR (U.S.) — Convention sur l'aviation civile internationale
(ouverte à la signature le 7 décembre 1944), RTC 1944/36, pp.
34 56; 15 RTNU 295; annexe I (adoptée le 14 avril 1948).
Le requérant était employé à Air Canada comme pilote. 11
était également membre de l'Association canadienne des pilotes
de lignes aériennes (ACPLA) qui est l'agent négociateur des
pilotes de la compagnie. La ligne de conduite et l'usage en
cours à Air Canada consistaient à forcer les pilotes à prendre
leur retraite à l'âge de 60 ans. L'ACPLA a appuyé cette
politique. De fait, cinq mois avant que le requérant n'atteigne
l'âge de 60 ans, Air Canada et l'ACPLA ont inclus le régime de
retraite de la compagnie dans leur convention collective, y
compris, par voie de conséquence, la clause prévoyant la mise à
la retraite forcée à 60 ans.
Au moment où il a atteint l'âge de 60 ans, le requérant ne
souffrait d'aucun problème de santé qui aurait pu diminuer sa
capacité à exercer les fonctions de pilote. Malgré cela, Air
Canada l'a mis en retraite forcée.
Neuf mois plus tôt, le requérant a déposé deux plaintes
auprès de la Commission canadienne des droits de la personne,
l'une contre Air Canada, l'autre contre l'ACPLA, alléguant
que la compagnie aérienne et l'ACPLA avaient pratiqué une
discrimination fondée sur l'âge et avaient du même coup violé
les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la
personne. Les deux plaintes ont été rejetées pour le motif que la
politique d'Air Canada de mise à la retraite forcée à 60 ans
relève de l'exception prévue à l'alinéa 14c) de la Loi, qui prévoit
que le fait de mettre fin à un emploi en appliquant «la règle de
l'âge de la retraite en vigueur» ne constitue pas un acte
discriminatoire.
Le requérant a demandé à la Cour d'appel d'annuler les
décisions de la Commission. Il a notamment soutenu que
l'alinéa 14c) portait atteinte au droit à l'égalité devant la Loi
qui lui est accordé par l'alinéa lb) de la Déclaration des droits.
Arrêt (le juge en chef Thurlow dissident en partie): les
demandes doivent être rejetées.
Le juge Heald: La discrimination fondée sur l'âge n'est pas
expressément prohibée par la Déclaration des droits. Toutefois,
même si une loi fédérale n'établit pas de distinction illicite pour
un des motifs mentionnés expressément à l'article I de la
Déclaration, elle viole néanmoins la Déclaration si elle élimine
l'un des droits ou l'une des libertés fondamentales mentionnés
dans cet article.
L'appelant a soutenu que le critère applicable lorsque l'on
veut déterminer s'il y a eu déni d'égalité devant la loi est celui
qu'a proposé le juge Mclntyre dans l'arrêt MacKay c. La
Reine, savoir: l'inégalité créée par la loi contestée est-elle
arbitraire, fantaisiste ou superflue, ou a-t-elle un fondement
rationnel et acceptable en tant que dérogation nécessaire au
principe général de l'application universelle de la loi pour faire
face à des conditions particulières et atteindre un objectif social
nécessaire et souhaitable? Ce critère diffère toutefois du critère
formulé par le juge Ritchie au nom de la majorité dans l'arrêt
MacKay. Selon le juge Ritchie, la partie qui vise à rendre une
loi inopérante doit démontrer qu'en adoptant la Loi, le Parle-
ment ne cherchait pas à atteindre un objectif fédéral régulier.
En l'espèce, le requérant ne s'est pas acquitté de cette charge.
Même si l'on appliquait le critère formulé par le juge Mcln-
tyre, on ne pourrait pas statuer que l'alinéa 14c) est contraire à
la loi. Le requérant a soutenu que l'alinéa 14c) prive arbitraire-
ment les employés qui ont atteint «l'âge de la retraite en
vigueur» de la protection contre la discrimination fondée sur
l'âge. Toutefois, comme l'a dit le juge Pratte dans l'arrêt
Procureur général du Canada c. Bliss, la distinction que crée la
loi entre des personnes est pertinente, et par conséquent ne
porte pas atteinte au droit à l'égalité devant la loi, «s'il existe un
lien logique entre son fondement et les conséquences qui en
découlent». Ce lien logique existe bel et bien dans le cas de la
distinction établie à l'alinéa 14c). 60 ans est l'âge normal de la
retraite pour les pilotes de lignes dans la plupart des compa-
gnies aériennes canadiennes ainsi que dans d'autres milieux.
D'après l'ACPLA, la mise à la retraite à 60 ans est compatible
avec les connaissances médicales actuelles. Cette politique ne
tient pas compte des différences qui peuvent exister entre divers
individus quant à leurs capacités à l'âge de la retraite, mais la
seule autre politique envisageable serait d'autoriser les pilotes à
continuer de voler jusqu'à ce qu'ils aient fait la preuve de leur
incompétence, ce qui irait à l'encontre de la sécurité aérienne
et, par conséquent, de l'intérêt public.
Quant à la plainte dirigée contre l'ACPLA, le requérant a
soutenu que lorsque l'acte discriminatoire allégué est défini à
l'article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
l'alinéa 14c) ne doit pas être considéré comme prévoyant une
exception à la catégorie des «actes discriminatoires». Il a sou-
tenu que si l'article 7 de la Loi et l'alinéa 14c) ont des objets
identiques, on ne peut établir le même lien entre l'article 10 et
l'alinéa 14c). Ce n'est toutefois pas exact. L'alinéa 10b) traite
«des ententes, touchant ... tout autre aspect d'un emploi», et la
cessation de l'emploi dont parle l'alinéa I4c) touche clairement
un aspect de l'emploi.
On a en outre soutenu qu'en acquiesçant à la politique de
mise à la retraite d'Air Canada, l'ACPLA a adopté une
politique ou un usage qui privait ou était susceptible de priver le
requérant d'un emploi comme pilote, et a donc violé les disposi
tions de l'alinéa 10a). Cet argument est lui aussi inacceptable.
Dès que le fait de la cessation de l'emploi d'une personne a été
établi parce qu'elle a atteint l'âge normal de la retraite, l'alinéa
14c) entre en jeu. Celui-ci prévoit donc une exception à l'article
7 ainsi qu'à toutes les dispositions de l'article 10, et exonère
l'employeur et le syndicat de tout blâme pour une violation de
cet article 10. Le Parlement ne peut avoir voulu qu'un syndicat
soit considéré comme ayant agi de façon irrégulière alors qu'un
employeur ayant agi de la même façon ne serait pas blâmé.
Le juge suppléant McQuaid: L'article 9 de la Loi n'a aucune
application en l'espèce. Cet article se limite aux relations
internes qui existent entre le syndicat et ses membres, et aux
politiques ou règlements internes du syndicat.
L'article 10 est lui aussi sans pertinence. Il ne traite pas
d'une situation de mise en retraite mais concerne plutôt les
procédures initiales d'embauche ainsi que les questions résul-
tant de l'embauche. L'expression «tout autre aspect d'un emploi
présent ou éventuel», à l'alinéa 10b), se rapporte directement
aux mots la précédant immédiatement.
L'article 7 ne confère pas à un citoyen une protection absolue
contre tout acte discriminatoire. Certains autres articles de la
Loi commencent par déclarer en termes absolus qu'une certaine
conduite constitue une pratique discriminatoire, mais qualifient
par la suite cette conduite en prévoyant certaines exceptions.
De même, l'article 7 énonce un principe, et l'alinéa 14c) définit
alors les limites qui circonscrivent la portée de l'article 7. Le
caractère absolu des termes de l'article 7, de même que celui
des termes employés au début d'autres dispositions, ne permet-
tent pas de conclure que les dispositions prévoyant des excep
tions sont inopérantes.
Même si l'on peut interpréter l'alinéa 14c) comme créant
deux groupes distincts, cela ne le rendrait pas nécessairement
inopérant. Une loi établissant une telle distinction sera réputée
contraire à la loi si la personne qui en conteste la validité réussit
à démontrer qu'en l'adoptant, le Parlement ne poursuivait pas
un objectif fédéral régulier. À ce sujet, l'arrêt MacKay suggère
de se poser trois questions lorsqu'il s'agit d'une loi discrimina-
toire. La distinction qu'établit la loi est-elle raisonnable et
pertinente? A-t-elle un fondement rationnel ou est-elle fantai-
siste et arbitraire? La dérogation au principe de l'application
universelle de la loi est-elle raisonnablement nécessaire pour
satisfaire aux conditions particulières dictées par l'objectif
social nécessaire et souhaitable recherché? Si on répond par
l'affirmative à chacune de ces trois questions, c'est qu'un
objectif fédéral régulier est en jeu et que toute distinction
établie par la loi n'est pas incompatible avec la Déclaration des
droits.
L'alinéa 14c) crée indubitablement deux groupes distincts:
pourtant, la distinction créée par l'établissement de l'âge
normal de la retraite, dans la mesure où elle s'applique au
requérant, est raisonnable, pertinente et nécessaire pour attein-
dre un objectif social souhaitable. Elle vise à assurer aux
travailleurs les plus âgés une retraite digne et ordonnée, com-
portant de plus un certain degré de sécurité financière, tout en
permettant à ceux qui n'ont pas encore atteint l'âge de la
retraite de progresser dans leur secteur professionnel et de
contribuer au mieux-être de la société.
Le juge en chef Thurlow (dissident en partie): Le fait que
l'âge ne soit pas l'un des motifs de discrimination énumérés à
l'article 1 de la Déclaration des droits n'exclut pas l'application
de cet article en l'espèce; toutefois, la Déclaration en elle-même
n'accorde pas de protection légale contre la discrimination
fondée sur l'âge en ce qui concerne l'emploi. Ce droit n'a pris
naissance qu'au moment où a été promulguée la Loi canadienne
sur les droits de la personne. Avant cette Loi, rien dans la
Déclaration n'aurait pu empêcher Air Canada de fixer l'âge de
la retraite de ses pilotes. La question est de savoir si les
dispositions de la Loi qui portent sur la discrimination fondée
sur l'âge créent une situation d'inégalité devant la loi et contre-
viennent de ce fait à la Déclaration.
Si elle accorde une protection contre toute discrimination
fondée sur l'âge, la loi ne confère, ab initio, qu'un droit
restreint. Elle confère ce droit uniquement aux personnes qui ne
sont pas visées par les exceptions énoncées à l'article 14; quant
aux personnes visées par les exceptions, elles ne jouissent
d'aucune protection. L'alinéa 14c) fait partie de la définition de
la catégorie de personnes au profit desquelles les interdictions
contre la discrimination ont été adoptées.
D'après le jugement rendu à la majorité dans l'arrêt
MacKay, lorsqu'on allègue que le droit à l'égalité devant la loi
a été nié, il s'agit avant tout de savoir si la loi en cause
cherchait à accomplir un objectif fédéral régulier suivant le
sens que certains jugements de la Cour suprême ont donné à
cette expression. Aucune de ces décisions ne laisse entendre
qu'il faille répondre à cette question en tenant compte du
caractère arbitraire ou nécessaire d'une loi adoptée en vue
d'atteindre un objectif fédéral régulier, bien que ces facteurs
puissent avoir quelque incidence.
Mais, que l'on adopte le raisonnement du juge R itchie ou
celui du juge McIntyre (aussi dans l'affaire MacKay), la
prétention du requérant selon laquelle on a enfreint l'alinéa 1 b)
est sans fondement. Indépendamment des critères applicables,
le respect qu'un tribunal doit au jugement du Parlement
l'oblige à ne pas surimposer son propre jugement à celui du
Parlement, niant par le fait même la législation adoptée par ce
dernier, à moins qu'il ait devant lui beaucoup plus que le simple
argument selon lequel la distinction qui créerait une inégalité
est arbitraire ou superflue. En l'espèce, on n'a pas démontré
qu'en restreignant la protection accordée contre la discrimina
tion fondée sur l'âge en matière d'emploi aux personnes n'ayant
pas atteint l'âge normal de la retraite, le Parlement ne poursui-
vait pas un objectif fédéral régulier; il n'a pas été démontré non
plus que le fondement de la distinction établie par la Loi était
arbitraire ou superflue. La Loi n'est pas arbitraire parce qu'elle
n'oblige pas un employeur à garder des employés ayant atteint
l'âge normal de la retraite ou parce qu'elle déclare ne conférer
un droit à des personnes que jusqu'à ce qu'elles atteignent l'âge
de la retraite mais pas après. Il ne faut pas non plus considérer
qu'une disposition comme l'alinéa 14c) est superflue parce que
sans elle, un employeur serait obligé de garder un employé
jusqu'à ce qu'il puisse démontrer son incompétence, ce qui
créerait une situation dangereuse. De plus, lorsque le Parlement
crée un nouveau droit afin de réaliser un objectif fédéral
régulier, la définition par le Parlement des catégories de per-
sonnes à qui ce droit est conféré est essentielle à la poursuite de
cet objectif.
Dans son argumentation contre I'ACPLA, le requérant a
allégué que le syndicat avait conclu l'accord concernant le
régime de pension en contravention à l'article 10. Cette entente
a toutefois été conclue après le dépôt de la plainte et par
conséquent ne peut être prise en considération pour décider du
sort de la présente demande. On a par ailleurs soutenu que
l'ACPLA, en contravention à l'article 10, n'a pas agi de
manière à modifier la ligne de conduite et l'usage en cours à
Air Canada et a donc limité les chances d'emploi des membres
les plus âgés de l'ACPLA.
L'alinéa 14c) ne peut être considéré comme se rapportant de
quelque manière à la conduite de l'ACPLA dont faisait men
tion la plainte ni à un acte discriminatoire interdit par l'article
10. Le fait que l'interprétation de la Commission a été raison-
nable ne justifie pas le maintien de sa décision et la non-inter
vention de la Cour; bien que le principe invoqué pour justifier
cette interprétation s'applique à l'interprétation de conventions
collectives, il ne s'applique pas à l'interprétation des lois. En
conséquence, la décision de la Commission concernant
l'ACPLA doit être annulée.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Curr c. La Reine, [1972] R.C.S. 889; 26 D.L.R. (3d)
603; MacKay c. La Reine, [ 1980] 2 R.C.S. 370; 114
D.L.R. (3d) 393; R. c. Burnshine, [1975] 1 R.C.S. 693;
44 D.L.R. (3d) 584; Le procureur général du Canada c.
Bliss, [1978] 1 C.F. 208; 77 D.L.R. (3d) 609 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Prata c. Le Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immi-
gration, [1976] 1 R.C.S. 376; 52 D.L.R. (3d) 383; Bliss
c. Le procureur général du Canada, [1979] 1 R.C.S.
183; 92 D.L.R. (3d) 417; McLeod et autre c. Egan et
autre, [1975] 1 R.C.S. 517; Le procureur général du
Canada c. Lavell, [1974] R.C.S. 1349; 38 D.L.R. (3d)
481; Ridge v. Baldwin and Others, [1964] A.C. 40
(H.L.).
AVOCATS:
I. G. Scott, c.r. et R. Wells pour le requérant.
A. Whiteley pour l'intimée, la Commission
canadienne des droits de la personne.
R. P. Saul pour l'intimée, Air Canada.
A. E. Golden, c.r. pour les intimés, Rollie E.
Cook et Norman J. Foster.
PROCUREURS:
Cameron, Brewin & Scott, Toronto, pour le
requérant.
Commission canadienne des droits de la per-
sonne, Division juridique, Ottawa, pour l'inti-
mée, la Commission canadienne des droits de
la personne.
Air Canada Law Branch, Montréal, pour l'in-
timée, Air Canada.
Golden, Levinson, Toronto, pour les intimés,
Rollie E. Cook et Norman J. Foster.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus dans la cause A-263-82 par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: II s'agit d'une
demande d'examen et d'annulation d'une décision
de la Commission canadienne des droits de la
personne rendue le 23 mars 1982 et rejetant la
plainte du requérant qui soutenait que la ligne de
conduite et l'usage en cours chez son employeur,
Air Canada, consistant à forcer les pilotes à pren-
dre leur retraite dès qu'ils atteignent l'âge de 60
ans, enfreint les articles 7 et 10 de la Loi cana-
dienne sur les droits de la personne [S.C. 1976-77,
chap. 33]. La Cour a entendu en même temps une
autre demande, sous le numéro de greffe
A-803-82, en vue d'obtenir l'examen et l'annula-
tion d'une décision de la même Commission,
publiée le 20 mai 1982, rejetant une autre plainte
du requérant selon laquelle son syndicat, l'Associa-
tion canadienne des pilotes de lignes 4 aériennes,
n'avait pas pris les mesures nécessaires pour modi
fier la ligne de conduite et l'usage en cours à Air
Canada consistant à obliger les pilotes à prendre
leur retraite à 60 ans et avait donc limité les
chances d'emploi ou d'avancement de ces pilotes,
en contravention des articles 9 et 10 de la Loi
canadienne sur les droits de la personne. Les deux
plaintes étaient datées du 24 novembre 1980.
Pour obtenir le redressement recherché dans ces
deux demandes, le requérant soutient que la Com
mission canadienne des droits de la personne a
commis une erreur de droit en appliquant les
dispositions de la Loi canadienne sur les droits de
la personne d'une manière qui supprime ou
enfreint le droit du requérant à l'égalité devant la
loi au sens de l'alinéa lb)' de la Déclaration
canadienne des droits [S.R.C. 1970, Appendice
III]. Puisque l'article 15 de la Charte canadienne
des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)]
n'était pas encore en vigueur, l'avocat du requé-
rant n'a pas soutenu dans son argumentation que
la Commission avait fait une erreur en ne l'appli-
quant pas. Les présents motifs s'appliquent aux
deux demandes.
1 1. II est par les présentes reconnu et déclaré que les droits
de l'homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont
existé et continueront à exister pour tout individu au Canada
quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa
religion ou son sexe:
b) le droit de l'individu à l'égalité devant la loi et à la
protection de la loi;
Les faits sont simples. Il n'est pas contesté
qu'Air Canada applique la ligne de conduite men-
tionnée dans les plaintes et que, conformément à
celle-ci, le l er septembre 1981, c'est-à-dire neuf
mois environ après le dépôt des plaintes, le requé-
rant a été mis à la retraite par Air Canada, parce
qu'il avait atteint l'âge de 60 ans, après 37 ans de
service comme pilote de cette compagnie, bien
qu'il fût en bonne santé et pleinement qualifié pour
remplir les fonctions de pilote. Son syndicat,
l'ACPLA, soutient la politique d'Air Canada qui
prévoit la mise à la retraite des pilotes à l'âge de
60 ans et n'a rien fait pour l'amener à changer de
politique; cinq mois environ avant la date de mise
à la retraite forcée du requérant, le syndicat a en
fait conclu un accord avec Air Canada pour
inclure ce régime de retraite dans la convention
collective. La Commission a estimé que 60 ans
était l'âge normal de la retraite des pilotes de
lignes aériennes et cette conclusion n'est pas con-
testée, si je comprends bien l'argumentation des
parties. De toute façon, il s'agissait d'une question
de fait soumise à la Commission. Les débats con-
cernant la décision sur la plainte dirigée contre Air
Canada ont porté exclusivement sur l'article 7 et
aucun argument n'était fondé sur l'article 10.
Le requérant s'attaque à la situation d'inégalité
devant la loi qu'il estime résulter du fait que les
personnes atteignant l'âge normal de la retraite
sont obligées de prendre leur retraite en raison de
leur âge seulement et sont donc victimes d'un
traitement plus sévère que des personnes occupant
des postes semblables mais n'ayant pas atteint cet
âge.
On peut souligner ici que, bien que l'âge ne soit
pas mentionné comme l'un des motifs de discrimi
nation énumérés à l'article 1 de la Déclaration
canadienne des droits, cet état de fait n'exclut pas
automatiquement l'application de cet article (voir
Curr c. La Reine 2 ). Toutefois le requérant, ni en
1960, date de promulgation de la Déclaration, ni
avant, ni jusqu'à l'entrée en vigueur des disposi
tions pertinentes de la Loi canadienne sur les
droits de la personne en 1978, n'avait de protec
tion légale contre la discrimination fondée sur
l'âge en ce qui concerne son emploi à Air Canada.
2 [1972] R.C.S. 889; 26 D.L.R. (3d) 603, le juge Laskin [tel
était alors son titre], à la p. 896 R.C.S., p. 611 D.L.R.
Il n'avait rien d'équivalent à un statut d'inamovibi-
lité, à vie ou pour une durée déterminée, et rien
dans la Déclaration canadienne des droits n'aurait
pu empêcher Air Canada de fixer l'âge de la
retraite de ses pilotes ni de mettre à la retraite
d'office le requérant dès qu'il aurait atteint cet
âge. C'est en fait ce qui est apparemment arrivé, le
seul élément additionnel étant que la Commission
a conclu que l'âge de 60 ans, âge de la retraite fixé
par Air Canada, est l'âge normal de la retraite
pour des pilotes de lignes aériennes au sens de
l'alinéa 14c) de la Loi canadienne sur les droits de
la personne. La question en litige est donc de
savoir si cette Loi, dans ses dispositions prohibant
toute distinction fondée sur l'âge, crée une situa
tion d'inégalité devant la loi qui est en conflit, et
donc incompatible, avec l'alinéa l b) de la Décla-
ration canadienne des droits.
La Loi canadienne sur les droits de la personne
prévoit notamment:
3. Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinc
tion illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine
nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, la
situation de famille ou l'état de personne graciée et, en matière
d'emploi, sur un handicap physique.
7. Constitue un acte discriminatoire le fait
a) de refuser d'employer ou de continuer d'employer un
individu, ou
b) de défavoriser un employé,
directement ou indirectement, pour un motif de distinction
illicite.
10. Constitue un acte discriminatoire le fait pour l'employeur
ou l'association d'employés
a) de fixer ou d'appliquer des lignes de conduite, ou
b) de conclure des ententes, touchant le recrutement, les
mises en rapport, l'engagement, les promotions, la formation,
l'apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d'un
emploi présent ou éventuel
pour un motif de distinction illicite, d'une manière susceptible
d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu
ou d'une catégorie d'individus.
14. Ne constituent pas des actes discriminatoires
a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions,
conditions ou préférences de l'employeur qui démontre qu'ils
sont fondés sur des exigences professionnelles normales;
b) le fait de refuser ou de cesser d'employer un individu
(i) qui n'a pas atteint l'âge minimal, ou
(ii) qui a atteint l'âge maximal
prévu pour l'emploi en question par la loi ou par les règle-
ments que peut établir le gouverneur en conseil pour l'appli-
cation du présent alinéa;
c) le fait de mettre fin à un emploi en appliquant la règle de
l'âge de la retraite en vigueur dans le secteur professionnel
concerné;
d) le fait que les conditions et modalités d'une caisse ou d'un
régime de retraite constitués par l'employeur prévoient la
dévolution ou le blocage obligatoires des cotisations à des
âges déterminés ou déterminables conformément à l'article
10 de la Loi sur les normes des prestations de pension; ni
e) le fait qu'un individu soit, ailleurs qu'en matière d'emploi,
l'objet de distinctions fondées sur l'âge et reconnues comme
raisonnables par ordonnance de la Commission des droits de
la personne en vertu du paragraphe 22(2).
Il me semble que si cette Loi prévoit pour la
première fois la protection contre toute discrimina
tion fondée sur l'âge en matière d'emploi, elle
confère ce droit uniquement aux personnes qui ne
font pas partie des exceptions énumérées à l'article
14. Elle ne confère pas ce droit aux personnes
visées par les exceptions. En outre, pour ce qui
concerne les personnes visées par le paragraphe
14c), la Loi confère ce droit uniquement aux
employés n'ayant pas atteint l'âge de la retraite en
vigueur dans le secteur professionnel concerné. À
mon avis, la Loi, même si elle était contraire aux
dispositions de la Déclaration canadienne des
droits, ne pourrait être interprétée comme confé-
rant ce droit aux personnes visées par les excep
tions, car cela reviendrait à conclure qu'une dispo
sition de la Loi est inopérante et, en outre,
reviendrait à modifier la Loi et à augmenter la
portée des dispositions adoptées par le Parlement.
A mon sens, conclure que l'alinéa 14c), qui en
substance fait partie de la définition des personnes
au profit desquelles les nouvelles interdictions ont
été promulguées, contrevient à l'alinéa l b) de la
Déclaration canadienne des droits aurait pour
effet de rendre inopérantes les dispositions confé-
rant ce droit plutôt que d'étendre le nouveau droit
à des personnes auxquelles il n'aurait pas été
conféré.
La thèse du requérant consiste à dire: que l'ali-
néa 14c) a pour effet d'établir une distinction entre
deux catégories d'employés fédéraux, donnant aux
plus jeunes employés le bénéfice des droits en
matière de discrimination fondée sur l'âge tout en
en privant les personnes qui ont atteint «l'âge de la
retraite en vigueur»; que le critère à appliquer aux
affaires relatives à l'égalité devant la loi a été
défini par le juge McIntyre, dans l'arrêt MacKay
c. La Reine 3 , et qu'il dépend de la question de
savoir si l'inégalité de traitement est arbitraire,
fantaisiste ou superflue ou si elle a un fondement
rationnel et acceptable en tant que dérogation au
principe général de l'application universelle de la
loi, pour faire face à des conditions particulières et
atteindre un objectif social nécessaire et souhaita-
ble; que si l'alinéa 14c) est interprété de manière à
priver du bénéfice des droits garantis en matière de
discrimination fondée sur l'âge ceux qui ont
dépassé l'âge normal de la retraite, même lorsque
cet âge ne peut pas être lié de façon rationnelle à
la capacité de ces personnes de travailler avec
sûreté et efficacité, l'inégalité créée par l'alinéa
14c) est arbitraire, fantaisiste et superflue et, en
conséquence, que la disposition est inopérante
compte tenu de l'alinéa 1 b) de la Déclaration
canadienne des droits; que la Commission a
commis une erreur dans l'interprétation et l'appli-
cation de l'alinéa 14c) car elle n'a pas su l'interpré-
ter comme autorisant la mise à la retraite obliga-
toire à un âge donné dans les seuls cas où l'âge
choisi est en rapport avec la capacité de travailler.
Selon cette interprétation, toujours selon l'argu-
mentation du requérant, l'alinéa 14c) n'établirait
pas de distinction arbitraire entre des catégories ou
des groupes, mais se bornerait à viser un objectif
social souhaitable et constituerait une dérogation
rationnellement justifiée au principe général de
l'application universelle de la loi pour faire face à
des conditions particulières.
Je ne suis pas d'accord avec la thèse du
requérant.
Tout d'abord le critère appliqué par le juge
Ritchie, qui a rédigé les motifs majoritaires de la
Cour dans l'arrêt MacKay, consistait uniquement
à déterminer s'il avait été démontré qu'en adoptant
la loi attaquée, le Parlement ne cherchait pas à
accomplir un objectif fédéral régulier au sens de
cette expression dans les arrêts Curr 4 , Pratas,
Burnshine 6 et Bliss 7 . À mon avis, aucun de ces
3 [1980] 2 R.C.S. 370; 114 D.L.R. (3d) 393.
° [1972] R.C.S. 889; 26 D.L.R. (3d) 603.
5 Prata c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion, [1976] 1 R.C.S. 376; 52 D.L.R. (3d) 383.
6 R. c. Burnshine, [1975] 1 R.C.S. 693; 44 D.L.R. (3d) 584.
Bliss c. Le procureur général du Canada, [1979] 1 R.C.S.
183; 92 D.L.R. (3d) 417.
arrêts n'impose un critère fondé sur le caractère
arbitraire ou fantaisiste ou le caractère nécessaire
d'une dérogation visant à atteindre un objectif
social souhaitable, pour déterminer si la loi adop-
tée afin d'accomplir un objectif fédéral régulier est
constitutionnelle, quoique ces considérations puis-
sent avoir une incidence, bien sûr, sur la résolution
du problème. Indépendamment des critères appli-
cables, j'estime que le respect que l'on doit au
jugement du Parlement qui adopte la législation
signifie qu'avant de surimposer son propre juge-
ment ou de le substituer à ce que le Parlement a
voté, pour en annuler les effets, un tribunal devrait
avoir devant lui plus que le simple argument selon
lequel la distinction attaquée, en raison de l'inéga-
lité qu'elle crée, est arbitraire, fantaisiste ou super-
flue ou encore qu'elle n'a pas de fondement ration-
nel. Voici ce que disait le juge Laskin (tel était
alors son titre) dans l'arrêt Curre:
A supposer que grâce à la disposition «ne s'en voir privé que par
l'application régulière de la lois, il est possible de contrôler le
fond de la législation fédérale—question qui n'a pas directe-
ment été soulevée dans l'affaire Regina c. Drybones—il fau-
drait avancer des raisons convaincantes pour que la Cour soit
fondée à exercer en l'espèce une compétence conférée par la loi
(par opposition à une compétence conférée par la constitution)
pour enlever tout effet à une disposition de fond dûment
adoptée par un Parlement compétent à cet égard en vertu de la
constitution et exerçant ses pouvoirs conformément au principe
du gouvernement responsable, lequel constitue le fondement de
l'exercice du pouvoir législatif en vertu de l'Acte de l'Amérique
du Nord britannique. Ces raisons doivent se rapporter à des
normes objectives et faciles à appliquer, qui doivent guider les
tribunaux, si on veut que l'application régulière dont il est
question à l'alinéa (a) de l'art. 1, permette d'annuler une loi
fédérale par ailleurs valide.
et plus loin:
Le Parlement a traité d'une façon précise de certains genres de
discrimination; il a employé des termes courants, quoique géné-
raux, pour définir les garanties légales de liberté de religion, de
parole, de réunion, d'association et de la presse; il a été encore
plus précis dans l'énumération qu'il a faite à l'article 2, bien
que même cet article soulève des difficultés d'interprétation.
C'est avec une extrême prudence que j'aborde les termes très
généraux de l'alinéa (a) de l'art. 1, même s'ils sont tempérés
par l'expression «ne s'en voir privé que par l'application régu-
lière de la loi», dont le sens premier anglais a été éclipsé par les
exigences constitutionnelles américaines, lorsqu'on me demande
de les appliquer pour annuler des dispositions législatives de
fond validement adoptées par un Parlement dans lequel des
représentants élus par le peuple jouent un rôle primordial. En
l'espèce, pour décider que l'art. 223 enfreint le droit de l'appe-
lant de ne se voir privé de la sécurité de sa personne que par
l'application régulière de la loi, il faut certainement qu'il y ait
B [1972] R.C.S 889; 26 D.L.R. (3d) 603, aux pp. 899-900 et
902-903 R.C.S., pp. 613-614 et 615-616 D.L.R.
plus qu'une substitution d'un jugement personnel au jugement
du Parlement. Rien au dossier, que ce soit une preuve ou une
matière extrinsèque recevable, ne peut étayer pareille décision.
De plus, je suis d'avis que les tribunaux peuvent reconnaître
judiciairement que le Parlement a agi dans un domaine d'une
grande importance sociale, soit le coût, en vie[s] humaines et en
argent, des accidents de la route dus à la conduite d'un véhicule
par une personne en état d'ébriété, lorsqu'il a adopté l'art. 223
et les dispositions connexes du Code criminel. Cette Cour sait
que même lorsqu'on lui demande de statuer sur la constitution-
nalité d'une loi, elle doit se garder de faire de la sagesse de la
loi contestée le critère de sa constitutionnalité. A fortiori, il en
est ainsi lorsqu'elle évalue une loi en partant d'une norme
statutaire, pareille évaluation pouvant rendre inopérantes des
mesures législatives fédérales.
Il y a lieu de se rappeler que l'alinéa 14c) ne
s'applique pas seulement au cas du requérant ou à
celui des pilotes de lignes aériennes. C'est une
disposition d'application générale définissant une
des limites apportées à la nouvelle interdiction de
toute discrimination fondée sur l'âge en matière
d'emploi. Rien dans le dossier qui nous a été
soumis ne démontre, à mon avis, ni ne donne des
raisons convaincantes de penser qu'en restreignant
l'application de l'interdiction à des personnes
autres que celles qui ont atteint «l'âge de la retraite
en vigueur» dans le secteur professionnel concerné
et donc en n'étendant pas cette protection à ceux
qui ont atteint cet âge, le Parlement ne poursuivait
pas un objectif fédéral régulier. Il n'a pas été
démontré non plus que le fondement de cette
distinction était irrationnel, en tant que mesure
arbitraire, fantaisiste ou même superflue. Avant
l'adoption de la Loi canadienne sur les droits de la
personne, un employeur avait le droit de choisir le
groupe d'âge dans lequel il sélectionnerait les per-
sonnes devant occuper des emplois particuliers. La
Loi a largement abrogé ce droit, mais elle n'est pas
allée jusqu'à obliger l'employeur à garder des
employés ayant atteint l'âge normal de la retraite.
Je ne vois en cela rien d'arbitraire ni de fantaisiste.
Je n'estime pas non plus qu'il soit arbitraire ou
fantaisiste de conférer un nouveau droit à des
personnes jusqu'à ce qu'elles atteignent l'âge de la
retraite en vigueur dans le secteur professionnel
concerné, mais pas après. La détermination de
l'âge de la retraite en vigueur peut présenter des
problèmes mais là n'est pas la question. On peut
souligner également que l'interdiction est d'appli-
cation générale et confère à tous les employés les
mêmes droits jusqu'à l'âge de la retraite.
De plus, je ne peux conclure qu'une telle disposi
tion ne soit pas nécessaire. Sans elle, un employeur
serait obligé de garder un employé au-delà de l'âge
auquel il reste compétent et jusqu'à ce qu'il puisse
démontrer son incompétence. Une telle situation
serait souvent dangereuse à la fois pour l'employé
et pour d'autres ainsi que pour les biens de l'em-
ployeur. Ceci constitue donc, à mon avis, un fonde-
ment rationnel pour ce qui est du choix de l'âge
normal de la retraite comme limite à l'interdiction
faite par la loi, limite que j'estime nécessaire à
l'accomplissement de l'objectif social souhaitable
visé par l'interdiction de la discrimination fondée
sur l'âge en matière d'emploi.
De plus, lorsque le Parlement a, en vertu de la
Constitution, la compétence législative sur une
question et sur l'objectif fédéral régulier qu'il
poursuit, il lui appartient à mon avis, lorsqu'il crée
un nouveau droit qui jusqu'alors n'était pas garanti
par la loi, d'en définir les limites et les catégories
de personnes auxquelles il est conféré, et j'estime
qu'en outre, la définition du droit et de ces catégo-
ries de personnes est un élément de l'objectif fédé-
ral régulier ainsi poursuivi et même un élément
nécessaire de cet objectif. Sous cet angle, la situa
tion en cause est similaire à celle de l'affaire
Prata 9 .
En conséquence, que l'on applique le raisonne-
ment du juge Maclntyre ou celui du juge Ritchie
dans l'arrêt MacKay, l'argumentation du requé-
rant reposant sur l'alinéa 1 b) de la Déclaration
canadienne des droits n'est pas fondée, à mon avis,
et la demande concernant la décision sur la plainte
dirigée contre Air Canada doit être rejetée.
Un autre point a été soulevé cependant en ce qui
concerne la demande de révision de la décision
rendue sur la plainte dirigée contre l'ACPLA.
Cette décision a été formulée de la manière sui-
vante dans une lettre du 20 mai 1982 que le
président de la Commission a adressée au
requérant:
[TRADUCTION] La Commission canadienne des droits de la
personne a examiné votre plainte contre l'Association cana-
dienne des pilotes de lignes aériennes dans laquelle vous allé-
guiez la discrimination fondée sur l'âge.
La politique de la société Air Canada, avec laquelle l'Asso-
ciation est en accord, relève de l'exception prévue à l'alinéa
9 [1976] 1 R.C.S. 376; 52 D.L.R. (3d) 383.
14c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. En
conséquence, la Commission a jugé nécessaire de rejeter votre
plainte.
On a dit que la Commission a commis une erreur
parce qu'elle a interprété l'alinéa 14c) de la Loi
canadienne sur les droits de la personne comme
prévoyant une exception à l'interdiction faite à
l'article 10 comme à celle de l'article 7. Pour plus
de commodité, je cite de nouveau les dispositions
pertinentes:
3. Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinc
tion illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine
nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, la
situation de famille ou l'état de personne graciée et, en matière
d'emploi, sur un handicap physique.
7. Constitue un acte discriminatoire le fait
a) de refuser d'employer ou de continuer d'employer un
individu, ou
b) de défavoriser un employé,
directement ou indirectement, pour un motif de distinction
illicite.
10. Constitue un acte discriminatoire le fait pour l'employeur
ou l'association d'employés
a) de fixer ou d'appliquer des lignes de conduite, ou
b) de conclure des ententes, touchant le recrutement, les
mises en rapport, l'engagement, les promotions, la formation,
l'apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d'un
emploi présent ou éventuel
pour un motif de distinction illicite, d'une manière susceptible
d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu
ou d'une catégorie d'individus.
14. Ne constituent pas des actes discriminatoires
c) le fait de mettre fin à un emploi en appliquant la règle de
l'âge de la retraite en vigueur dans le secteur professionnel
concerné;
Dans l'exposé de son argumentation, l'avocat du
requérant s'est fondé sur l'allégation selon laquelle
l'ACPLA, en contravention de l'article 10, avait
conclu une «entente touchant un aspect d'un
emploi» défavorisant le requérant dans son emploi,
pour un motif de distinction illicite. Puisque cette
entente a été conclue après le dépôt de la plainte,
j'estime qu'elle ne peut pas être prise en considéra-
tion pour décider du sort de la présente demande.
Toutefois, au cours des débats, l'avocat s'est égale-
ment appuyé sur la conduite adoptée par
l'ACPLA, telle que décrite dans la plainte, c'est-à-
dire le fait que l'association n'ait pas agi de
manière à modifier la ligne de conduite adoptée
par Air Canada et ait donc limité les chances
d'emploi ou d'avancement des membres les plus
âgés du syndicat, en contravention de l'article 10
de la Loi.
La réponse de l'avocat de l'ACPLA à cet argu
ment du requérant a été de dire que la mise à la
retraite prévue à l'alinéa 14c) est visée par l'ex-
pression «tout autre aspect d'un emploi» à l'alinéa
10b), et que cet alinéa 14c) est donc une exception
expresse aux actes discriminatoires décrits et inter-
dits par l'article 10, et que, même si la Commis
sion avait commis une erreur en donnant cette
interprétation à la Loi, puisque cette interprétation
était raisonnable et pouvait être justifiée par la
formulation en cause, la Cour ne devrait pas inter-
venir pour imposer sa propre interprétation.
À mon avis, l'alinéa 14c) ne peut être considéré
comme se rapportant de quelque manière à la
conduite de l'ACPLA dont faisait mention la
plainte ni à un acte discriminatoire interdit par
l'article 10. J'estime qu'il en découle que la Com
mission a commis une erreur de droit en rejetant la
plainte en se fondant sur le motif que la politique
adoptée par Air Canada et approuvée par l'AC-
PLA relevait de l'exception prévue à l'alinéa 14c).
En outre, le principe invoqué pour justifier l'inter-
prétation de la Commission s'applique à l'interpré-
tation de documents comme les conventions collec
tives et ne s'applique pas à l'interprétation des
lois 10 . En conséquence, j'annulerais la décision et
renverrais la question à la Commission, pour
nouvel examen et nouvelle décision de la plainte
qui soit fondée sur le principe que l'alinéa 14c) ne
s'appliquait pas aux questions qu'elle soulevait.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus dans la cause A-803-82 par
LE JUGE EN CHEF THURLOW (dissident): Pour
les motifs exposés à l'égard de la demande portant
le n° du greffe A-263-82 (ci-joints), j'annulerais la
décision de la Commission canadienne des droits
de la personne en date du 20 mai 1982 et je
renverrais l'affaire à la Commission pour nouvel
examen et décision sur la plainte du requérant,
tenant compte de ma conclusion selon laquelle
10 Voir McLeod et autre c. Egan et autre, [1975] 1 R.C.S.
517, le juge en chef Laskin, aux pp. 518-519.
l'alinéa 14c) de la Loi canadienne sur les droits de
la personne ne s'applique pas aux questions soule-
vées dans la plainte.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus dans les causes A-263-82 et
A-803-82 par
LE JUGE HEALD: Ces deux demandes fondées
sur l'article 28 [Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2e Supp.), chap. 10] visent à l'examen et à
l'annulation de deux décisions de la Commission
canadienne des droits de la personne (la Commis
sion) datées du 23 mars et du 20 mai 1982.
La décision du 23 mars 1982 rejetait une plainte
déposée par le requérant portant que son
employeur, l'intimée Air Canada, avait mis fin à
son emploi en raison de son âge, en contravention
des articles 3 et 7 de la Loi canadienne sur les
droits de la personne. La décision du 20 mai 1982,
rejetait la plainte du requérant dans laquelle il
alléguait que l'Association canadienne des pilotes
de lignes aériennes (ACPLA), son syndicat, avait
enfreint les articles 9 et 10 de la Loi canadienne
sur les droits de la personne puisque par ses
agissements il avait porté atteinte à ses chances
d'emploi en concluant une convention collective
avec Air Canada prétendant obliger cette compa-
gnie à mettre fin à son emploi pour un motif de
distinction illicite. Le requérant a été employé par
Air Canada comme pilote pendant environ 37 ans.
Il a été forcé de prendre sa retraite le 1" septembre
1981 parce qu'il avait atteint l'âge de 60 ans. Le 3
avril 1981, Air Canada et l'ACPLA avaient signé
un «protocole d'accord» incorporant le régime de
retraite des pilotes d'Air Canada dans la conven
tion collective signée par les parties. Il était prévu
dans une clause de ce régime de retraite que l'âge
de retraite obligatoire des pilotes était de 60 ans.
Selon la preuve non contestée soumise à la Com
mission, le requérant avait passé un examen médi-
cal complet, un mois environ avant son soixan-
tième anniversaire, qui n'avait révélé aucune
anomalie physique, ni aucune maladie qui puisse
diminuer la capacité du requérant de continuer à
exercer les fonctions de pilote à Air Canada après
avoir atteint l'âge de 60 ans.
La Commission a rendu sa décision du 23 mars
1982 sous forme de lettre au requérant rédigée par
le président de la Commission, M. R. G. L. Fair-
weather. Le dispositif de cette décision dit (dossier
d'appel, A-263-82, page 7):
[TRADUCTION] Dans sa décision d'octobre 1981 au sujet de
l'affaire Douglas Campbell c. Air Canada, le tribunal des droits
de la personne a statué que l'âge obligatoire de la retraite à
soixante ans appliqué par Air Canada au personnel de bord
relevait de l'exception prévue à l'alinéa 14c) de la Loi cana-
dienne sur les droits de la personne.
La Commission estime que le même raisonnement s'applique
au cas des pilotes et doit donc rejeter vos deux plaintes".
La décision du 20 mai 1982, également rendue
sous forme de lettre du président de la Commis
sion, M. Fairweather, au requérant, dit notam-
ment ceci:
[TRADUCTION] La politique d'Air Canada, avec l'accord de
l'Association, relève de l'exception prévue à l'alinéa 14c) de la
Loi canadienne des droits de la personne. La Commission a
donc jugé nécessaire de rejeter votre plainte.
Je crois qu'il y a lieu de citer maintenant les
articles applicables de la Loi canadienne sur les
droits de la personne pour mieux étudier les ques
tions soulevées par ces demandes. Les articles en
question disent:
3. Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinc
tion illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine
nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, la
situation de famille ou l'état de personne graciée et, en matière
d'emploi, sur un handicap physique.
7. Constitue un acte discriminatoire le fait
a) de refuser d'employer ou de continuer d'employer un
individu, ou
b) de défavoriser un employé,
directement ou indirectement, pour un motif de distinction
illicite.
9. (1) Constitue un acte discriminatoire le fait pour l'associa-
tion d'employés
a) d'empêcher l'adhésion pleine et entière d'un individu,
b) d'expulser ou de suspendre un adhérent, ou
e) d'établir, à l'endroit d'un adhérent, des restrictions, des
différences ou des catégories ou de prendre toutes autres
mesures susceptibles
(i) de le priver de ses chances d'emploi ou d'avancement,
ou
(ii) de limiter ses chances d'emploi ou d'avancement, ou,
d'une façon générale, de nuire à sa situation
pour un motif de distinction illicite.
" Les deux plaintes mentionnées dans la décision sont la
plainte du requérant en son nom propre et une autre plainte
formée par le requérant au nom de M. G. Church, un collègue
pilote.
(2) Ne constitue pas un acte discriminatoire au sens du
paragraphe (1) le fait pour l'association d'employés d'empêcher
une adhésion ou d'expulser ou de suspendre un adhérent en
appliquant la règle de l'âge normal de la retraite en vigueur
pour le genre de poste occupé par l'individu concerné.
(3) Pour l'application du présent article et des articles 10 et
46, «association d'employés» s'entend des syndicats ou autres
groupements d'employés, y compris leurs sections locales, char-
gés notamment de négocier avec l'employeur les conditions de
travail de leurs adhérents.
10. Constitue un acte discriminatoire le fait pour l'employeur
ou l'association d'employés
a) de fixer ou d'appliquer des lignes de conduite, ou
b) de conclure des ententes, touchant le recrutement, les
mises en rapport, l'engagement, les promotions, la formation,
l'apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d'un
emploi présent ou éventuel
pour un motif de distinction illicite, d'une manière susceptible
d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu
ou d'une catégorie d'individus.
14. Ne constituent pas des actes discriminatoires
a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions,
conditions ou préférences de l'employeur qui démontre qu'ils
sont fondés sur des exigences professionnelles normales;
b) le fait de refuser ou de cesser d'employer un individu
(i) qui n'a pas atteint l'âge minimal, ou
(ii) qui a atteint l'âge maximal
prévu pour l'emploi en question par la loi ou par les règle-
ments que peut établir le gouverneur en conseil pour l'appli-
cation du présent alinéa;
c) le fait de mettre fin à un emploi en appliquant la règle de
l'âge de la retraite en vigueur dans le secteur professionnel
concerné;
d) le fait que les conditions et modalités d'une caisse ou d'un
régime de retraite constitués par l'employeur prévoient la
dévolution ou le blocage obligatoires des cotisations à des
âges déterminés ou déterminables conformément à l'article
10 de la Loi sur les normes des prestations de pension; ni
e) le fait qu'un individu soit, ailleurs qu'en matière d'emploi,
l'objet de distinctions fondées sur l'âge et reconnues comme
raisonnables par ordonnance de la Commission des droits de
la personne en vertu du paragraphe 22(2).
Les deux demandes fondées sur l'article 28 ont été
plaidées ensemble et il a été admis par les parties
que la question principale dans les deux cas était
de déterminer si la Commission avait fait une
erreur en appliquant l'alinéa 14c) de la Loi cana-
dienne sur les droits de la personne de manière à
priver le requérant de son droit à l'égalité devant
la loi ou à porter atteinte à ce droit protégé par
l'alinéa l b) de la Déclaration canadienne des
droits 12 .
L'avocat du requérant, dans un premier argu
ment, soutient que la discrimination fondée sur
l'âge n'est pas expressément prohibée par la
Déclaration canadienne des droits mais que toute-
fois une loi fédérale qui éliminerait un des droits
ou libertés fondamentales mentionnés dans la
Déclaration, dont le droit à l'égalité devant la loi et
à la protection de la loi prévu à l'alinéa lb) précité,
doit être considérée comme une transgression
même si elle n'entraîne pas de discrimination
fondée sur la race, l'origine nationale, la couleur,
la religion ou le sexe. A l'appui de cet argument,
l'avocat a cité un certain nombre de décisions de la
Cour suprême du Canada 13 . Si je comprends bien
les avocats d'Air Canada et de l'ACPLA, ces
derniers ne sont pas en désaccord avec l'argument
et, comme il est bien étayé par les arrêts précités
de la Cour suprême du Canada, je l'accepte
comme exposé correct du droit.
Le deuxième argument de l'avocat du requérant
consiste à dire que l'alinéa 14c) de la Loi cana-
dienne sur les droits de la personne est une loi du
Canada qui enfreint le droit du requérant «à l'éga-
lité devant la loi» puisqu'elle crée deux groupes
distincts d'employés fédéraux, ceux qui sont proté-
gés contre la discrimination fondée sur l'âge, sur
les lieux du travail, et un groupe séparé, dont fait
partie le requérant, réunissant ceux qui ont atteint
«l'âge de la retraite en vigueur» et qui sont arbi-
trairement privés de la protection contre la discri
mination fondée sur l'âge du fait même de l'exis-
tence de l'alinéa 14c). Selon son argument, le
Parlement ne peut retirer à la légère ou arbitraire-
ment le droit à la protection contre la discrimina
tion fondée sur l'âge et l'alinéa 14c) est purement
12 Cet alinéa l b) dit:
1. I1 est par les présentes reconnu et déclaré que les droits
de l'homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont
existé et continueront à exister pour tout individu au Canada
quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa
religion ou son sexe:
b) le droit de l'individu à l'égalité devant la loi et à la
protection de la loi;
13 Voir Curr c. La Reine, [1972] R.C.S. 889, aux pp. 892 et
896-897; 26 D.L.R. (3d) 603, aux pp. 608 et 611; Le procureur
général du Canada c. Lavell, [1974] R.C.S. 1349, aux pp.
1362-1363; 38 D.L.R. (3d) 481, à la p. 492; R. c. Burnshine,
[1975] 1 R.C.S. 693, à la p. 700; 44 D.L.R. (3d) 584, aux pp.
588-589; Bliss c. Le procureur général du Canada, [1979] 1
R.C.S. 183, à la p. 191; 92 D.L.R. (3d) 417, aux pp. 422 et
423.
arbitraire et contrevient donc à l'alinéa lb) de la
Déclaration canadienne des droits. Je ne puis
accepter cet argument. La question de «l'égalité
devant la loi» a été traitée par la présente Cour
dans l'arrêt Le procureur général du Canada c.
Bliss 14 . Cet arrêt portait sur la validité de l'article
46 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage
[S.C. 1970-71-72, chap. 48] qui avait pour effet de
priver la requérante de son droit de demander des
prestations d'assurance-chômage dont elle aurait
pu bénéficier si elle n'avait pas été enceinte puis-
que l'article imposait aux femmes enceintes des
conditions différentes de celles imposées aux autres
personnes. Mon collègue le juge Pratte, parlant au
nom de la Cour, disait ceci à la [page 213 C.F.]
page 613 D.L.R. 15 :
La question qu'il faut déterminer en l'espèce n'est donc pas
celle de savoir si l'intimée a été victime de discrimination en
raison du sexe mais plutôt si elle a été privée du «droit ... à
l'égalité devant la loi» consacré par l'article lb) de la Déclara-
tion canadienne des droits. Ceci étant dit, je désire ajouter que
je ne puis partager l'opinion du juge-arbitre que l'application de
l'article 46 l'intimée constituait de la discrimination à son
égard en raison du sexe. A supposer que l'on eût fait de la
«discrimination contre» l'intimée, ce n'aurait pas été en raison
de son sexe. En effet, l'article 46 vise les femmes enceintes,
mais non celles qui ne le sont pas, et encore moins les hommes.
Si l'article 46 ne traite pas les femmes enceintes en chômage
comme d'autres chômeurs, hommes ou femmes, c'est, à mon
sens, parce qu'elles sont enceintes et non parce qu'elles sont des
femmes.
À la [page 214 C.F.] page 614 D.L.R. du recueil,
le juge Pratte dit:
Il va de soi que les droits et devoirs des individus varient
selon leur situation. Voilà juste une autre façon de dire que ces
droits et obligations devraient être les mêmes dans des situa
tions identiques. En gardant cette idée en tête, on peut conce-
voir «le droit ... à l'égalité devant la loi» comme le droit d'une
personne d'être traitée par la loi de la même façon que d'autres
personnes dans la même situation. Cependant, cette définition
serait incomplète, puisque l'on ne peut jamais dire que deux
personnes sont exactement dans la même situation. Il est
toujours possible d'établir des distinctions. Là où la loi crée des
distinctions entre les personnes de façon à les traiter différem-
ment, ces distinctions peuvent être pertinentes ou non pertinen-
tes. Une distinction est pertinente s'il existe un lien logique
entre son fondement et les conséquences qui en découlent; une
distinction est non pertinente si ce lien logique est inexistant. A
la lumière de ces remarques, le droit à l'égalité devant la loi
pourrait être défini comme le droit de l'individu d'être traité
par la loi comme d'autres que l'on jugerait être dans la même
14 [1978] 1 C.F. 208; 77 D.L.R. (3d) 609 (C.A.).
15 Cet extrait du jugement du juge Pratte a été cité et
approuvé par le juge Ritchie qui a prononcé l'arrêt de la Cour
suprême du Canada: [1979] 1 R.C.S. 183, aux pp. 190-191; 92
D.L.R. (3d) 417, la p. 422.
situation, si l'on ne s'en tenait qu'à des faits pertinents. Selon
cette définition, que l'avocat de l'intimée ne renierait pas, je
crois, une personne serait privée de son droit à l'égalité devant
la loi si elle subissait un traitement plus sévère que d'autres à
cause d'une distinction non pertinente que l'on établirait entre
elle et ces autres personnes. Si, toutefois, la différence de
traitement était fondée sur une distinction pertinente (ou
encore que l'on pourrait concevoir comme susceptible d'être
pertinente), on ne violerait pas alors le droit à l'égalité devant
la loi.
Je suis d'accord avec cette opinion et je crois
qu'elle peut être appliquée, et devrait l'être, dans
les circonstances de l'espèce. A mon avis, compte
tenu des faits, la distinction imposée par l'alinéa
14c) est une distinction «pertinente» puisque «il
existe un lien logique entre son fondement et les
conséquences qui en découlent». L'alinéa 14c) fait
une distinction entre les personnes qui ont atteint
l'âge normal de la retraite et les employés plus
jeunes de la même catégorie qui eux n'ont pas
atteint cet âge. La catégorie prise en considération
en l'espèce est celle des pilotes de lignes aériennes.
Le dossier établit que 60 ans est l'âge normal de la
retraite appliquée invariablement à Air Canada et
dans de nombreuses autres compagnies aériennes
canadiennes. C'est l'âge de retraite généralement
choisi dans l'industrie aéronautique par les princi-
paux transporteurs aériens canadiens et améri-
cains. Les Federal Aviation Administration Regu
lations des États-Unis [14 CFR] interdisent aux
lignes aériennes commerciales l'affectation d'un
pilote qui a atteint l'âge de 60 ans au poste de
commandant de bord ou de co-pilote. Les normes
et recommandations formulées à l'annexe 1 de la
convention de Chicago dite Convention sur l'avia-
tion civile internationale [Convention ouverte à la
signature le 7 décembre 1944, RTC 1944/36, pp.
34 à 56; 15 RTNU 295; annexe 1 adoptée le 14
avril 1948] fixent à 60 ans l'âge de la retraite des
commandants de bord ou co-pilotes affectés aux
services internationaux aériens réguliers ou aux
opérations de transports aériens internationaux
non réguliers. En outre, après examen approfondi
de la question, l'ACPLA, c'est-à-dire l'association
qui représente la majorité des pilotes de lignes
aériennes au Canada, a conclu que la mise à la
retraite à 60 ans est compatible avec les connais-
sances médicales actuelles et constitue une exi-
gence nécessaire pour les pilotes de lignes aérien-
nes. Il est vrai qu'une telle politique ne tient pas
compte des différences qui peuvent exister entre
divers individus quant à leurs capacités à l'âge de
la retraite. Il est tout aussi vrai cependant que la
seule autre politique envisageable serait d'autoriser
les pilotes à continuer de voler jusqu'à ce qu'ils
aient fait la preuve de leur incompétence. Une telle
politique ne serait pas en accord avec les principes
de sécurité aérienne et serait donc contraire à
l'intérêt du public. En conséquence, j'estime que la
distinction établie par l'application de l'alinéa 14c)
aux faits de l'espèce constitue une distinction perti-
nente car il existe un lien logique et rationnel entre
la disposition prévoyant la retraite obligatoire à 60
ans et les conséquences découlant de cette distinc
tion. Sur ce fondement, je ne peux donc conclure
que l'alinéa 14c) est une disposition arbitraire et
fantaisiste. Je rejetterais donc le deuxième argu
ment de l'avocat.
Le troisième argument de l'avocat du requérant
repose sur la formulation suivante du critère à
appliquer en matière d'égalité devant la loi: l'iné-
galité que peut créer la législation touchant une
catégorie particulière est-elle arbitraire, fantaisiste
ou superflue ou a-t-elle un fondement rationnel et
acceptable en tant que dérogation nécessaire au
principe général de l'application universelle de la
loi pour faire face à des conditions particulières et
atteindre un objectif social nécessaire et souhaita-
ble? Ce critère est tiré du jugement du juge McIn-
tyre dans l'arrêt MacKay c. La Reine 16 .
Les motifs de jugement prononcés par le juge
McIntyre avaient reçu l'appui du juge Dickson
mais les motifs majoritaires de la Cour ont été
prononcés par le juge Ritchie. Je conviens avec
l'avocat du requérant que la jurisprudence récente
de la Cour suprême du Canada a établi qu'une
législation qui traite d'une catégorie d'individus
différemment d'une autre n'enfreint pas les dispo
sitions relatives à l'égalité devant la loi de la
Déclaration des droits si cette différence de traite-
ment est liée à la poursuite d'un «objectif fédéral
régulier». Toutefois, je ne suis pas convaincu que
l'avocat a raison de dire que: [TRADUCTION]
«quoique le juge Ritchie n'adopte pas expressé-
ment la définition que donne le juge McIntyre du
critère fondé sur «l'objectif fédéral régulier», le
raisonnement du juge Ritchie est parallèle à celui
du juge McIntyre. Pour cette raison, la définition
que donne le juge McIntyre peut être considérée
comme la meilleure définition disponible du critère
16 [1980] 2 R.C.S. 370; 114 D.L.R. (3d) 393.
appliqué en matière d'égalité devant la loi.» Je dis
cela parce qu'au début de ses motifs, à la page
401, le juge McIntyre déclare: «bien que je sous-
crive à la conclusion du juge Ritchie, j'arrive à
cette conclusion pour d'autres raisons et je crois
devoir exposer l'opinion distincte que j'ai sur les
questions que soulève ce pourvoi.» En outre, je
pense que la ratio de la majorité dans l'arrêt
MacKay, telle qu'exprimée par le juge Ritchie,
consiste à dire que pour invoquer avec succès
l'alinéa lb) de la Déclaration des droits afin de
rendre inopérante une loi fédérale validement
adoptée, il faut convaincre la Cour qu'en adoptant
la législation incriminée, le Parlement ne cherchait
pas à atteindre un objectif fédéral régulier ".
Selon mon appréciation de la preuve soumise en
l'espèce, le requérant ne s'est pas acquitté de cette
charge. Si j'ai conclu qu'il existe une différence
entre le critère formulé par le juge Dickson et le
juge McIntyre, d'une part, et celui qui avait été
formulé par le juge Ritchie pour la majorité, de
l'autre, je tiens à souligner en outre qu'au vu des
faits et du dossier en l'espèce, je serais disposé à
décider, en me fondant sur l'un ou l'autre critère,
que les dispositions de l'alinéa 14c) ont un fonde-
ment rationnel et acceptable en tant que déroga-
tion nécessaire au principe général de l'application
universelle de la loi pour atteindre un objectif
social nécessaire et souhaitable. J'en viens à cette
conclusion pour les motifs donnés ci-dessus au
sujet du deuxième argument du requérant.
Le dernier argument de l'avocat du requérant se
rapporte spécifiquement à la décision de la Com
mission en date du 20 mai 1982 par laquelle était
rejetée la plainte du requérant contre son syndicat,
l'ACPLA. L'argument était que l'alinéa 14c) ne
devait pas être considéré comme prévoyant une
exception aux interdictions formulées à l'article 10
comme à celles prévues à l'article 7. L'avocat
soutient que l'alinéa 14c) s'applique à l'article 7
parce que ce dernier article mentionne le refus
d'employer et que l'alinéa 14c) traite de la même
question. Toutefois, selon l'avocat, on ne peut éta-
blir le même lien entre l'article 10 et l'alinéa 14c).
Je ne suis pas d'accord. L'alinéa 10b) traite «d'en-
tentes, touchant le recrutement, les mises en rap
port, l'engagement, les promotions, la formation,
l'apprentissage, les mutations ou tout autre aspect
17 Le juge Ritchie aux pp. 393 et 394 R.C.S.
d'un emploi ...» (c'est moi qui souligne). L'alinéa
14c) parle de la cessation d'emploi. A mon avis,
une disposition concernant la cessation d'un emploi
touche clairement un aspect de l'emploi et, par
conséquent, l'article 10 et l'alinéa 14c), au même
titre que l'article 7 et l'alinéa 14c), traitent de la
même question. Pour ces motifs je rejetterais éga-
lement cet argument.
Dans son exposé des faits et du droit, l'avocat du
requérant semblait restreindre ses arguments à la
non-application de l'alinéa 14c) aux dispositions de
l'alinéa b) de l'article 10 de la Loi canadienne sur
les droits de la personne. De même, l'avocat du
syndicat, comme il était en droit de le faire, a
limité sa réponse à l'alinéa 10b) et à la question de
l'application de l'alinéa 14c) à cet alinéa. Toute-
fois, à l'audition de l'appel, l'avocat du requérant a
étendu son argument pour y inclure l'alinéa 10a).
Si je comprends bien cet argument, il soutient
qu'en raison de l'acquiescement et de l'accord
donnés par l'ACPLA à la politique de mise à la
retraite de la compagnie, le syndicat a adopté une
attitude revenant à fixer ou à appliquer des lignes
de conduite d'une manière susceptible d'annihiler
les chances futures d'emploi du requérant comme
pilote, en raison de son âge, et a donc violé les
dispositions de l'alinéa 10a).
Indépendamment de toute autre considération,
j'estime que l'avocat n'a pas eu l'occasion suffi-
sante de répondre à cet argument puisqu'il n'a pas
été soulevé par le requérant dans son exposé et, si
j'avais conclu que cet argument était fondé, je me
serais prononcé en faveur d'un report de la déci-
sion sur la plainte dirigée contre le syndicat pour
que la base ainsi élargie de la plainte soit pleine-
ment débattue. Toutefois je rejette l'argument en
cause parce que je crois que l'alinéa 14c) dispense
un syndicat, comme un employeur, des dispositions
de l'article 10 dans la mesure où les exigences
prévues à l'alinéa 14c) sont remplies, dans un cas
donné. J'estime - que compte tenu des faits de l'es-
pèce, l'emploi du requérant a cessé parce qu'il a
atteint l'âge normal de la retraite pour les pilotes
de lignes aériennes. Cela étant, les dispositions des
articles 7 et 10 concernant les actes discriminatoi-
res ne s'appliquent pas. Toute autre conclusion
aurait pour résultat de déclarer l'employeur inno
cent et le syndicat coupable à l'égard de la même
politique ou ligne de conduite, et je doute qu'un tel
résultat ait jamais été voulu. À mon avis, les
paramètres de l'alinéa 14c) ne peuvent être res-
treints à l'acte subjectif d'un employeur qui met
fin à l'emploi d'un employé. L'alinéa 14c) traite
plutôt des circonstances objectives qui y sont décri-
tes. En d'autres termes, dès qu'a été établi le fait
de la cessation d'emploi à l'âge normal de la
retraite, toute mesure liée à cette cessation d'em-
ploi, qui pourrait être autrement considérée
comme discriminatoire en vertu de la Loi et donc
interdite, ne peut plus l'être en raison de la protec
tion générale accordée par l'alinéa 14c). Prenant
ensemble et en contexte l'article 10 et l'alinéa
14c), je suis convaincu que le Parlement avait la
claire intention de couvrir, par la protection accor-
dée par l'alinéa 14c), toutes les dispositions de
l'article 10 comme celles de l'article 7. Les deux
articles commencent par «Constitue un acte discri-
minatoire ...» L'alinéa 14c) limite les paramètres
normaux et usuels de ces termes ainsi utilisés et
déclare ainsi que certains actes qui seraient autre-
ment considérés comme discriminatoires sont répu-
tés non discriminatoires. C'est l'«acte» qui est
réputé non discriminatoire indépendamment de
celui qui l'a établi ou appliqué.
Par ces motifs je conclus que la plainte du
requérant contre le syndicat n'est pas fondée.
En conséquence, je rejetterais les deux deman-
des fondées sur l'article 28.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus dans les causes A-263-82 et
A-803-82 par
LE JUGE SUPPLÉANT MCQUAID: On demande,
en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale, l'examen et l'annulation de deux déci-
sions de la Commission canadienne des droits de la
personne, datées respectivement du 23 mars et du
20 mai 1982.
Dans la première, la Commission a rejeté la
plainte déposée par Stevenson dans laquelle il
affirmait que son employeur, Air Canada, avait
mis fin à son emploi en raison de son âge, en
contravention des articles 3 et 7 de la Loi cana-
dienne sur les droits de la personne; dans la
deuxième, la Commission a rejeté la plainte dépo-
sée par Stevenson dans laquelle il déclarait que le
syndicat dont il était membre, l'Association cana-
dienne des pilotes de lignes aériennes, avait
enfreint les articles 9 et 10 de cette Loi parce qu'il
avait nui à ses chances d'emploi en concluant une
convention collective avec Air Canada qui, selon
lui, obligeait Air Canada à mettre fin à son emploi
en se fondant sur un motif de distinction illicite, en
l'occurrence son âge.
L'article 3 de la Loi canadienne sur les droits de
la personne dit:
3. Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinc
tion illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine
nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, la
situation de famille ou l'état de personne graciée et, en matière
d'emploi, sur un handicap physique.
L'article 7:
7. Constitue un acte discriminatoire le fait
a) de refuser d'employer ou de continuer d'employer un
individu, ou
b) de défavoriser un employé,
directement ou indirectement, pour un motif de distinction
illicite.
Les extraits pertinents de l'article 9:
9. (1) Constitue un acte discriminatoire le fait pour l'associa-
tion d'employés
c) d'établir, à l'endroit d'un adhérent, des restrictions, des
différences ou des catégories ou de prendre toutes autres
mesures susceptibles
(i) de le priver de ses chances d'emploi ou d'avancement,
ou
(ii) de limiter ses chances d'emploi ou d'avancement, ou,
d'une façon générale, de nuire à sa situation
pour un motif de distinction illicite.
(2) Ne constitue pas un acte discriminatoire au sens du
paragraphe (1) le fait pour l'association d'employés d'empêcher
une adhésion ou d'expulser ou de suspendre un adhérent en
appliquant la règle de l'âge normal de la retraite en vigueur
pour le genre de poste occupé par l'individu concerné.
Et enfin l'article 10:
10. Constitue un acte discriminatoire le fait pour l'employeur
ou l'association d'employés
a) de fixer ou d'appliquer des lignes de conduite, ou
b) de conclure des ententes, touchant le recrutement, les
mises en rapport, l'engagement, les promotions, la formation,
l'apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d'un
emploi présent ou éventuel
pour un motif de distinction illicite, d'une manière susceptible
d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu
ou d'une catégorie d'individus.
Bien que cela ne soit pas nécessaire aux fins de
la présente décision, je dirai qu'à mon avis, l'article
3 vise simplement à décrire en termes généraux ce
qui constitue aux termes de la Loi des motifs de
distinction illicite, mais que cet article ne peut
constituer le fondement d'une plainte.
Les faits essentiels ne sont pas en litige. Le
requérant Stevenson, commandant de bord, était
employé à Air Canada, comme pilote; depuis
trente-sept ans environ. Il était également membre
de l'Association canadienne des pilotes de lignes
aériennes (ACPLA), association d'employés ou
syndicat représentant la plupart, sinon la totalité,
des pilotes commerciaux au Canada et qui, en fait,
représentait les pilotes d'Air Canada, dont Steven-
son, comme agent négociateur avec cette compa-
gnie.
Depuis plusieurs années, avant les dates impor-
tantes en l'espèce, Air Canada avait établi un
régime de retraite couvrant ses pilotes, dont Ste-
venson, et prévoyant notamment la retraite obliga-
toire des pilotes à l'âge de 60 ans. Par «protocole
d'accord» en date du 3 avril 1981, signé par
l'ACPLA, ce régime de retraite avait été incorporé
dans la convention collective alors en vigueur. Le
résultat évident et inévitable d'une telle mesure a
été d'incorporer à la convention collective la clause
prévoyant la retraite obligatoire à l'âge de 60 ans.
M. Stevenson a eu 60 ans le 1er septembre 1981
et, à cette date, conformément aux dispositions de
la convention collective, Air Canada l'a mis à la
retraite obligatoire et, à toutes fins utiles, a mis fin
à son emploi comme pilote actif de ses services.
Il convient de noter deux points importants. Air
Canada n'allègue pas que la capacité physique de
Stevenson de continuer d'exercer ses fonctions de
pilote commercial ait été, de quelque manière, un
des facteurs qui a donné lieu à sa retraite. En fait,
l'ensemble de la preuve du dossier paraît établir de
manière concluante qu'il répond toujours aux
normes physiques et psychologiques établies par
l'industrie à l'égard de personnes exerçant les fonc-
tions de commandant de bord responsable des plus
gros avions commerciaux de transport de passa-
gers. Le deuxième point à signaler, quel que soit
son poids, est que le syndicat ACPLA, comme
partie à la convention collective signée avec Air
Canada, qui incorpore par renvoi la disposition
relative à la retraite obligatoire, appuie la thèse
d'Air Canada et a donc été constitué partie inti-
mée dans les présentes procédures.
La Commission canadienne des droits de la
personne a étudié les deux plaintes déposées par
Stevenson, l'une contre Air Canada et l'autre
contre l'ACPLA, et les a rejetées l'une et l'autre,
aux dates précitées, au motif qu'elles relevaient
toutes les deux de l'exception prévue à l'alinéa
14c) de la Loi canadienne sur les droits de la
personne:
14. Ne constituent pas des actes discriminatoires
c) le fait de mettre fin à un emploi en appliquant la règle de
l'âge de la retraite en vigueur dans le secteur professionnel
concerné;
La thèse fondamentale du requérant, et le seul
motif invoqué dans ces demandes, est à la fois
simple et frappant: l'alinéa 14c) de la Loi cana-
dienne sur les droits de la personne contrevient à
l'alinéa l b) de la Déclaration canadienne des
droits, parce que l'alinéa 14c) prive le requérant
Stevenson de son droit à l'égalité devant la loi,
garanti par l'alinéa 1 b), et en conséquence, l'alinéa
14c) est inopérant, nul et sans effet, et ne peut être
invoqué en défense ou en réponse aux plaintes
déposées.
La disposition pertinente de la Déclaration des
droits, qui reste en vigueur comme une des assises
fondamentales du droit législatif canadien et qui
n'a pas été touchée par l'adoption ultérieure de la
Loi constitutionnelle de 1982, dit:
1. Il est par les présentes reconnu et déclaré que les droits de
l'homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont
existé et continueront à exister pour tout individu au Canada
quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa
religion ou son sexe:
b) le droit de l'individu à l'égalité devant la loi et à la
protection de la loi;
On peut faire observer que cet article dans son
énumération des motifs illicites de distinction, ne
fait aucune mention de l'élément «âge». Ce point
n'est toutefois pas en litige puisqu'il a été admis
par tous les avocats que la jurisprudence applica
ble à la question a établi que l'énumération faite à
l'article 1 de la Déclaration canadienne des droits
n'est ni exclusive ni expressément limitée aux élé-
ments de distinction illicite mentionnés, mais doit
être interprétée comme incluant également toute
discrimination fondée sur d'autres motifs, y com-
pris l'âge ' 8 .
Compte tenu des rapports d'employeur et
employé qui existaient entre Air Canada et le
requérant, la compagnie aurait été en droit, en
common law, de licencier Stevenson à tout
moment, avec ou sans motif, et celui-ci n'aurait
disposé que d'un recours fondé sur la rupture d'un
contrat, s'il lui était possible d'en apporter la
preuve ' 9 . Sous réserve de cette possibilité pour
l'employé de demander des dommages-intérêts par
ce recours, il aurait évidemment été loisible à
l'employeur de renvoyer son employé en raison,
par exemple, de son âge.
Ce principe de common law a été modifié et
limité par l'article 1 de la Déclaration canadienne
des droits qui interdit toute distinction illicite
contre une personne (y compris un employé)
fondée sur un des motifs énumérés, ainsi que tout
autre motif que la Cour pourrait juger être de
caractère discriminatoire, qui pourrait entraîner
une inégalité devant la loi, une différence entre le
traitement accordé à un groupe par rapport à celui
appliqué à un autre groupe. Il a été statué qu'il ne
s'agissait pas d'un droit absolu mais que ce droit
était lui-même limité lorsque la différence de trai-
tement résultait d'une loi adoptée afin d'atteindre
un objectif fédéral régulier 2 °.
Ce que couvre l'expression «objectif fédéral
régulier» sera étudié ci-après.
La Loi canadienne sur les droits de la personne
a été adoptée après la Déclaration des droits et lui
est subordonnée; en cas de conflit évident, les
dispositions de la Déclaration des droits prévalent.
Pour étudier la thèse de Stevenson, dans sa
demande, il convient d'examiner cinq articles dis-
tincts de la Loi. J'ai déjà traité de son argument
relatif à l'article 3 et je n'y reviendrai pas.
'$ Curr c. La Reine, [1972] R.C.S. 889; 26 D.L.R. (3d) 603.
19 Ridge v. Baldwin and Others, [1964] A.C. 40 (H.L.).
20 MacKay c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370; 114 D.L.R.
(3d) 393.
À première vue, l'article 7 aurait pour but d'in-
clure dans les actes prohibés par la Loi le fait de
mettre fin à un emploi, c'est-à-dire de retirer
quelqu'un des effectifs des personnes employées
activement, pour le placer sur la liste des personnes
mises à la retraite obligatoire, en raison de leur
âge. On ne peut dire toutefois qu'il s'agisse d'une
interdiction absolue, car il faut la lire en corréla-
tion avec les restrictions apportées à l'article 14 et,
en particulier, à l'alinéa c) de cet article. À suppo-
ser pour le moment que l'alinéa 14c) soit une
disposition ayant plein effet, nonobstant la Décla-
ration des droits, l'article 7 confère seulement à
l'employé un droit limité et restreint. Si en revan-
che l'alinéa 14c) était inopérant, comme le soutient
le requérant, l'article 7 serait de ce point de vue
absolu.
Selon mon interprétation de l'article 9 de la Loi,
j'estime que les arguments avancés par le requé-
rant à son égard ne sont pas pertinents. Cet article
me paraît se limiter aux relations internes qui
existent entre l'association des employés ou le syn-
dicat, et ses membres et aux politiques ou règle-
ments internes que le syndicat pourrait avoir et qui
pourraient aboutir à la discrimination contre un
membre pour un des motifs de distinction illicite,
avec pour résultat que le membre, dans les cas
d'exclusivité syndicale par exemple, me serait pas
en mesure de continuer son emploi normal. Je
pourrais faire observer en passant que lorsque la
question a été directement posée à l'avocat du
requérant, il n'a pas été capable de dire à la Cour
que l'adhésion de son client à ce syndicat,
l'ACPLA, serait de quelque manière touchée par
sa mise â la retraite obligatoire ou qu'il cesserait
de faire partie de ladite organisation. Même si l'on
pouvait soutenir que l'article était pertinent, pour
une autre raison, la disposition relative à «l'âge
normal de la retraite» au paragraphe (2) (qui sera
examiné ci-après dans le cadre de l'étude des
incidences de l'alinéa 14c)) pourrait bien consti-
tuer un facteur d'exclusion en ce qui concerne
l'article 9.
Je ne crois pas non plus que l'article 10 présente
un intérêt quelconque pour la thèse soutenue par le
requérant. A mon avis, cet article ne traite pas
d'une situation de mise à la retraite mais concerne
plutôt les procédures initiales d'embauche ainsi
que les questions relatives à la formation et autres
modalités résultant de l'embauche. Je considère
que l'expression «tout autre aspect d'un emploi
présent ou éventuel», à l'alinéa b), se rapporte
directement aux mots qui la précèdent immédiate-
ment.
L'importante question de fond soumise à la
Cour réside dans la thèse du requérant selon
laquelle l'alinéa 14c) de la Loi canadienne sur les
droits de la personne est rendu inopérant par les
dispositions dérogatoires de la Déclaration des
droits en ce qu'il enfreint son droit à l'égalité
devant la loi puisque l'alinéa 14c) est, en soi, un
acte discriminatoire; selon l'argument du requé-
rant, cet alinéa vise à établir une distinction illicite
à son égard dans son emploi, car il prive ceux qui
ont atteint l'âge de la retraite de leur droit à
l'égalité avec ceux qui n'ont pas encore atteint
l'âge de la retraite, créant ainsi deux groupes
distincts et identifiables, égaux en tous autres
points sauf en ce qui concerne l'âge, mais traités
différemment pour ce motif particulier.
En bref, le requérant prétend que l'alinéa 14c) le
prive arbitrairement de la protection accordée par
l'article 7 et que cet alinéa doit donc être déclaré
inopérant.
À mon avis, l'argument selon lequel l'article 7
confère à quiconque une protection absolue contre
tout acte discriminatoire ne saurait être retenu. Si
tel était le cas, une large part de la Partie I de la
Loi canadienne sur les droits de la personne serait
inopérante. L'article 9 commence par les mots
cruciaux: «Constitue un acte discriminatoire», et
pourtant le paragraphe (2) de cet article comporte
une exception. Les articles 11, 12 et 13 comportent
des restrictions du même type. Les articles 15, 16
et 17 excluent expressément certaines activités qui
seraient autrement réputées constituer des actes
discriminatoires aux termes de la Loi.
En fait, l'article 7 ne fait qu'énoncer un principe
sous forme de disposition législative comme le fait
par exemple le paragraphe 11(1). L'alinéa 14c) ne
fait que définir, également sous forme de disposi
tion législative, un des paramètres que le Parle-
ment a déclaré devoir être appliqués à l'article 7,
comme le font par exemple le paragraphe (2) et les
paragraphes suivants de l'article 11. Le paragra-
phe 11(1) est formulé en termes tout aussi absolus
que ceux de l'article 7, mais il serait téméraire
d'apposer la mention «inopérantes» à ces disposi
tions sur le fondement des arguments du
requérant.
Si on pouvait effectivement interpréter l'alinéa
14c) comme créant deux groupes distincts, ce fait,
de lui-même, ne serait pas nécessairement fatal. Il
a été statué dans l'arrêt R. c. Burnshine 21 que ce
genre de disposition législative peut bien être
valide si elle est adoptée dans le but d'accomplir
un objectif fédéral régulier et, en outre, qu'il
incombe à celui qui cherche à faire déclarer inopé-
rante une telle disposition de convaincre la Cour
qu'en adoptant l'article en cause le Parlement ne
cherchait pas à accomplir ce genre d'objectif. Il
n'est pas nécessaire non plus, pour garantir l'éga-
lité devant la loi, de traiter chaque personne d'une
manière identique à toutes les autres sauf dans les
cas où leurs situations respectives sont identiques;
lorsque la loi prévoit une distinction dans le traite-
ment accordé à divers individus, elle n'enfreint pas
automatiquement la Déclaration des droits lors-
qu'il peut être établi qu'il existe un lien logique
entre le fondement de la distinction et les consé-
quences qui en découlent.
L'expression «objectif fédéral régulier» n'appa-
raît ni dans la Déclaration des droits ni dans la Loi
canadienne sur les droits de la personne, car il
s'agit d'une notion créée par le judiciaire afin
d'essayer de définir le critère approprié. Il est
décrit, plutôt que précisément défini, dans la juris
prudence. Dans MacKay c. La Reine 22 , le juge
McIntyre dit à [la page 406 R.C.S.] la page 423
D.L.R.:
Le problème se soulève cependant lorsque l'on tente d'établir
un fondement acceptable à la définition de ces catégories
distinctes, et la nature de la loi particulière en cause. Dans ce
contexte, égalité ne doit pas être synonyme de simple applica
tion universelle. Bien des circonstances et conditions différentes
touchent des groupes différents ce qui dicte des traitements
différents. La question à résoudre dans chaque cas est celle de
savoir si l'inégalité qui peut être créée par la loi vis-à-vis d'une
catégorie particulière—ici les militaires—est arbitraire, fantai-
siste ou superflue, ou si elle a un fondement rationnel et
acceptable en tant que dérogation nécessaire au principe géné-
ral de l'application universelle de la loi pour faire face à des
conditions particulières et atteindre un objectif social nécessaire
et souhaitable.
21 [1975] 1 R.C.S. 693; 44 D.L.R. (3d) 584.
22 MacKay c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370; 114 D.L.R.
(3d) 393.
La notion ainsi décrite n'est pas incompatible
avec l'approche générale adoptée par le juge en
chef Laskin dans ses motifs dissidents, telle qu'elle
a été définie [aux pages 375 et 376 R.C.S. et] à la
page 398 D.L.R.:
Un traitement spécial et une réglementation spéciale des forces
armées à ce titre constituent une classification raisonnable qui,
tant que la réglementation ne comporte aucune discrimination
non pertinente, est sans doute compatible avec la Déclaration
canadienne des droits.
Le juge Ritchie prononçant la décision majori-
taire de la Cour, déclare à [la page 400 R.C.S.] la
page 418 D.L.R.:
On voit donc, comme je l'ai dit, que la Loi sur la défense
nationale vise une catégorie particulière d'individus et, comme
elle est adoptée en cherchant l'accomplissement d'un objectif
fédéral régulier, les dispositions de l'al. lb) de la Déclaration
des droits ne requièrent pas qu'elle se conforme aux mêmes
exigences que les autres lois fédérales. (Voir Prata c. Le
ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration ...) 23
L'arrêt MacKay traitait d'une affaire portée en
cour martiale en vertu de la Loi sur la défense
nationale, mais les principes qui y sont énoncés
sont applicables en l'espèce. Dans les cas où la
législation pourrait à première vue paraître discri-
minatoire, il faut d'abord l'examiner dans son
propre contexte afin de déterminer la raison de
cette distinction apparente entre deux catégories
ou groupes identifiables. Cette distinction est-elle
raisonnable et pertinente? A-t-elle un fondement
rationnel ou au contraire est-elle fantaisiste et
arbitraire? La dérogation au principe de l'applica-
tion universelle de la loi était-elle raisonnablement
nécessaire pour satisfaire aux conditions particu-
lières dictées par l'objectif social nécessaire et
souhaitable recherché?
S'il est possible de répondre par l'affirmative à
ces trois questions, on peut statuer qu'une discri
mination apparente découlant de la loi n'est pas
incompatible avec la Déclaration des droits, puis-
qu'elle relève alors des larges paramètres de la
définition d'un objectif fédéral régulier.
L'alinéa 14c) crée indubitablement deux grou-
pes distincts, le premier réunissant ceux dont l'em-
ploi a pris fin parce que ses membres ont atteint
l'âge de la retraite imposée normalement à des
employés travaillant à des postes semblables à
ceux qu'ils occupent, et l'autre groupe réunissant
23 [L'arrêt Prata est publié à] [1976] 1 R.C.S. 376; 52
D.L.R. (3d) 383.
ceux qui n'ont pas encore atteint cet âge.
Dans le contexte social d'aujourd'hui, la retraite
peut être considérée comme un événement normal
de la carrière d'un employé. Notre structure
sociale le reconnaît puisque, par exemple, l'État,
qui est essentiellement la communauté collective
de la nation, prévoit que des fonds de retraite ou
des pensions seront disponibles non seulement pour
ses propres employés mais aussi pour tous les
employés qui ont atteint l'âge légal de la retraite,
65 ans. La plupart des employeurs de l'industrie et
du commerce ont des régimes de retraite similaires
pour leurs employés, indépendamment et en com-
plément du régime de retraite prévu par l'État.
Parmi ces employeurs du monde commercial, on
trouve Air Canada dont le requérant a été si
longtemps l'employé. De plus, la propre organisa
tion syndicale du requérant dont ce dernier a été et
continue d'être un membre actif, et qui parle au
nom de pilotes de lignes aériennes, dont le requé-
rant, dans ce secteur industriel, a non seulement
accepté mais approuvé le programme relatif au
régime de retraite et de pension établi par l'em-
ployeur, confirmant ainsi l'idée qu'en ce qui con-
cerne les pilotes de lignes aériennes, comme groupe
distinct, l'âge de 60 ans est l'âge normal de la
retraite pour les membres de ce groupe; en corol-
laire, ceux qui ont atteint cet âge ont aussi droit à
certaines prestations qui ne sont pas à la portée de
leurs collègues qui n'ont pas atteint cet âge.
Il n'y a rien de magique dans le choix de l'âge
de 60 ans comme âge approprié de la retraite pour
un pilote de lignes aériennes. On peut soutenir,
comme dans le cas du requérant, qu'il est physi-
quement et psychologiquement tout aussi compé-
tent aujourd'hui comme pilote qu'il l'était il y a 20
ans. On pourrait également soutenir, dans la même
veine, que dans certains cas il pourrait y avoir lieu
de demander que l'on mette fin à l'emploi de
pilotes qui n'ont pas atteint cet âge, pour diverses
raisons physiques ou psychologiques. Cependant,
l'employeur avec l'accord de l'association des
employés a jugé souhaitable de déterminer «l'âge
normal de la retraite» et l'a fixé à 60 ans.
Il incombe à celui qui prétend que la Loi en
cause est inopérante parce qu'elle n'a pas pour but
d'atteindre un objectif fédéral régulier, de convain-
cre la Cour que toute distinction crée par cette
Loi n'est ni raisonnable ni pertinent, qu'elle n'a
pas de fondement rationnel, qu'elle est fantaisiste
et arbitraire et qu'elle ne constitue pa i s une déroga-
tion nécessaire et normale à la nor e de l'univer-
salité. À mon avis, il n'a pas réussi à(lle faire.
Bien au contraire, j'estime que la distinction
créée par l'établissement de l'âge normal de la
retraite, en ce qu'elle s'applique au requérant, est à
la fois raisonnable et pertinente et, dans le con-
texte social actuel, à la fois nécessaire et raisonna-
ble pour atteindre un objectif social souhaitable;
elle vise en effet à assurer une retraite digne et
ordonnée de la vie active, comportant de plus un
certain degré de sécurité financière, pour ceux qui
ont consacré l'essentiel de leurs années de travail à
l'établissement d'un mode de vie dont nous bénéfi-
cions tous, en donnant, de plus, à ceux de l'autre
groupe, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas encore
atteint cet âge, la possibilité de progresser dans
leur propre secteur professionnel et de faire leur
propre contribution à l'amélioration de ce mode de
vie. On ne peut douter que la poursuite de cette fin
est un objectif fédéral régulier. Cela étant, on ne
peut soutenir que l'alinéa 14c) est incompatible
avec la Déclaration des droits et, en conséquence,
j'estime et conclus que l'alinéa 14c) de la Loi
canadienne sur les droits de la personne n'est pas
inopérant, mais bien au contraire pleinement
applicable.
Je confirmerais donc les décisions de la Com
mission datées respectivement du 23 mars et du 20
mai 1982 et je rejetterais la demande du requérant
en l'espèce.
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