A-11-82
La Reine (appelante)
c.
Hugh Waddell Limited (intimée)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Heald et
juge suppléant McQuaid—Toronto, 22 juin 1983.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Gains en capital
— Il a été décidé que la juste valeur marchande, au jour de
l'évaluation, de chaque action représentée par un certificat de
convention de vote fiduciaire de C.T.C. Dealer Holdings Lim
ited était de 40,50 $ — Le certificat a établi une formule de
vente et d'achat d'actions — L'appelante fait valoir que le juge
de première instance a commis une erreur (1) en ne décidant
pas que le prix établi selon la formule déterminait de façon
concluante la juste valeur marchande et en ne l'adoptant pas
en tant que tel; (2) en concluant que les acquéreurs seraient
prêts à payer une prime en sus du cours des actions en raison
de la valeur de rétention — Appel rejeté — Le prix établi
selon la formule constitue le prix minimum qu'on peut obtenir
en tout temps — Il ne représente pas la juste valeur mar-
chande au sens de la Loi — La conclusion quant au paiement
d'une prime reposait sur la preuve — Aucune erreur de fait ou
de droit n'a été commise — Loi de l'impôt sur le revenu, S.C.
1970-71-72, chap. 63.
AVOCATS:
W. Lefebvre, c.r., S. Van Der Hout et M.
Joubert pour l'appelante.
W. D. Goodman, c.r., et Joanne Swystun pour
l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelante.
Goodman & Carr, Toronto, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Il ne sera pas
nécessaire de vous entendre M. Goodman et Mile
Swystun.
Dans le présent appel, il s'agit de déterminer si
le premier juge [[1982] 2 C.F. 571] a commis une
erreur en concluant que la juste valeur marchande,
au 31 décembre 1971, des droits de l'intimée affé-
rents à une convention de vote fiduciaire représen-
tant 3 345 actions de C.T.C. Dealer Holdings
Limited, était de 40,50 $ multipliée par 3 345,
comme l'a prétendu l'intimée, ou de 33,35 $ multi-
pliée par 3 345, comme l'a soutenu l'appelante.
Les droits en question étaient soumis aux condi
tions d'une déclaration de fiducie qui réservait le
droit exclusif de posséder des actions à un groupe
de quelque 259 propriétaires associés de Canadian
Tire Corporation et qui établissait une formule de
détermination du prix de vente des actions. Cette
formule déterminait le prix en faisant la moyenne
des prix à la Bourse pendant une année pour les
actions de Canadian Tire Corporation. Les actions
votantes de C.T.C. Dealer Holdings Limited cor-
respondaient exactement au nombre d'actions
détenues par cette société dans Canadian Tire
Corporation, ce nombre étant, en 1963, initiale-
ment de 20 000 actions, achetées au prix de
1 020 699 $ et étant passé, au 31 décembre 1971,
simplement par le fractionnement des actions, à
300 000 actions valant 12 150 000 $ à raison d'une
valeur marchande de 40,50 $ l'action. C.T.C.
Dealer Holdings Limited était une société consti-
tuée pour acquérir et détenir le bloc particulier
d'actions dans l'intérêt de ses membres.
Le juge de première instance a conclu qu'en plus
du prix établi selon la formule, les droits de l'inti-
mée avaient ce qu'il a appelé une valeur de «réten-
tion», et que les autres détenteurs de certificat
seraient prêts à payer une prime en sus du prix
établi selon la formule pour acquérir les actions de
l'intimée.
La déclaration de fiducie aurait interdit ce mode
d'achat. D'autre part, à l'époque en cause, l'inti-
mée, bien que dans l'impossibilité de demander
plus que le prix établi selon la formule, n'était ni
tenue ni pressée de vendre.
L'avocat de l'appelante fait valoir que c'était
une erreur de ne pas décider que le prix établi
selon la formule déterminait de façon concluante
la juste valeur marchande, et de ne pas l'adopter
en tant que tel. À notre avis, le prix établi selon la
formule était le prix minimum qu'auraient rap
porté les actions de l'intimée et on aurait pu
l'obtenir en tout temps. Nous ne pensons pas qu'il
représente la juste valeur marchande au sens de la
Loi de l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap.
148, mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1].
L'avocat fait également valoir que le juge de
première instance a eu tort de conclure que les
acquéreurs auraient été prêts à payer une prime en
sus du cours des actions simplement parce qu'il
fallait tenir compte d'une valeur de rétention.
Nous ne pensons pas que les motifs du premier
juge doivent être interprétés de cette manière. À
notre avis, sa conclusion qu'une prime aurait été
payée, à supposer qu'elle eût pu l'être, repose sur
la preuve.
À notre avis, les faits permettent de conclure
que bien qu'il ait pu y avoir des personnes dispo
sées à acheter, à l'époque en cause, au prix fixé
selon la formule, il n'y a pas eu vente à ce prix, et
qu'un propriétaire averti en mesure de conserver
ses actions pour les très importantes raisons pour
lesquelles la fiducie avait été établie, ainsi que
dans l'espoir d'une amélioration future des cours,
n'aurait pas été disposé à vendre au prix fixé selon
la formule et aurait plutôt conservé ses actions.
Le droit, à ce moment, de conserver ses actions
est aussi un droit de propriété d'un tel propriétaire,
droit qu'il abandonnerait dans une vente hypothé-
tique et qui, à notre avis, constitue un élément à
prendre en compte pour déterminer la juste valeur
marchande dans une situation de ce genre. À notre
avis, son existence dans l'espèce présente est étayée
par la preuve, et la décision du juge de première
instance quant à cette existence et à la valeur des
droits de l'intimée au 31 décembre 1971 devrait
être confirmée.
Je rejetterais l'appel avec dépens.
LE JUGE HEALD y souscrit.
LE JUGE SUPPLÉANT MCQUAID y souscrit.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Je souscris aux motifs du juge
en chef, et je voudrais simplement faire quelques
remarques supplémentaires.
L'appelante prétend que le juge de première
instance a commis deux erreurs. Premièrement, il
n'a pas jugé que le prix établi selon la formule
exposée dans la déclaration de fiducie déterminait
de façon concluante la juste valeur marchande des
certificats de convention de vote fiduciaire de l'in-
timée représentant des actions de la C.T.C. Dealer
Holdings Limited (ci-après appelée «D.H.L.»).
Deuxièmement, il a conclu [à la page 579] qu'«il y
avait une valeur de rétention afférente au présent
certificat représentant 3,345 actions de la D.H.L.
En conséquence, il y aurait une prime payable,
laquelle serait équivalente au montant en sus du
cours des actions Canadian Tire Corporation
Limited au jour de l'évaluation, cours établi,
comme nous l'avons dit plus haut, à $40.50
l'action.»
Le juge de première instance a examiné ces deux
questions et, compte tenu de la preuve produite, il
a conclu que la formule de détermination du prix
des certificats s'appliquait seulement aux ventes
volontaires de certificats aux propriétaires associés
Canadian Tire (il n'y a eu aucune de ces ventes
depuis la signature de la convention de fiducie en
1963) et aux ventes conclues par suite de la
retraite ou du décès des propriétaires associés
Canadian Tire vendeurs, et que la formule de
détermination du prix n'établissait pas ce qu'un
propriétaire associé paierait pour le certificat pour
pouvoir «succéder» à l'intimée. Compte tenu de la
preuve tant orale que documentaire, il a également
conclu que pendant au moins cinq ans au cours de
la période allant de 1963 1972, les propriétaires
associés qui avaient acheté les certificats D.H.L.
avaient en fait payé pour leur acquisition plus que
le prix auquel les actions de Canadian Tire Corpo
ration Limited auraient pu être achetées à la
Bourse de Toronto à la date pertinente, et en outre
que ces propriétaires étaient disposés à payer une
prime parce que les certificats avaient une «valeur
de rétention» permettant à un propriétaire associé
de les conserver jusqu'à ce qu'il se défasse de son
magasin Canadian Tire ou jusqu'à sa mort. À mon
avis, la preuve a également établi qu'il existait
l'autre avantage de permettre à un propriétaire
associé de se prévaloir dans l'avenir de la possibi-
lité d'acheter d'autres certificats D.H.L., au prix
établi selon la formule, à des propriétaires associés
prenant leur retraite ou à la succession de proprié-
taires associés défunts ou de propriétaires associés
qui, pour quelque raison que ce soit, voulaient
vendre leur certificat.
Par conséquent, je pense que les conclusions du
juge de première instance sont justifiées, compte
tenu des éléments de preuve portés à sa connais-
sance, et que pour y arriver, il n'a commis aucune
erreur de fait ou de droit.
Par ces motifs et pour ceux prononcés par le
juge en chef, je rejetterais l'appel avec dépens.
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Je souscris à ces
motifs.
LE JUGE SUPPLÉANT 1MCQUAID y souscrit.
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