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A-1195-82
Robert James Finlay (appelant) (demandeur) c.
Ministre des Finances du Canada, ministre de la Santé nationale et du Bien-être social du Canada et procureur général du Canada (intimés) (défen- deurs)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Heald et juge suppléant Lalande—Winnipeg, 12 janvier; Ottawa, 25 avril 1983.
Pratique Parties Qualité pour agir Régime d'assis- tance publique du Canada Le demandeur touche des allo cations sociales en vertu de la Loi sur l'assistance sociale du Manitoba Il prétend être une »personne nécessiteuse» au sens de l'art. 2 du Régime, étant de ce fait particulièrement concerné par l'application en bonne et due forme du Régime Il sollicite un jugement déclarant que les contributions versées par le Canada au Manitoba en vertu du Régime sont illégales pour le motif que la législation manitobaine ne fournit pas le niveau d'assistance sociale requis par le Régime et l'accord conclu en vertu de celui-ci La déclaration est radiée vu l'absence de la qualité pour agir et d'un droit d'action La question des versements illégaux peut faire l'objet d'un juge- ment déclaratoire La question en litige se pose directement indépendamment de l'issue de la contestation de la législation
La question de la qualité pour agir relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour et se limite aux cas qui soulèvent des questions d'ordre juridique dans l'intérêt public Le problème de la légalité des versements concerne l'appelant, les bénéficiaires du Régime et le public en général Appel accueilli Déclaration rétablie Régime d'assistance publi- que du Canada, S.R.C. 1970, chap. C-1, art. 2, 4, 6(2), 7(1), 9(1)g), 19 Loi sur l'assistance sociale, R.S.M. 1970, chap. S160, art. 9(1)e), 11(5)b), 20(3) (ajouté par S.M. 1980, chap. 37, art. 10) Loi sur les municipalités, S.M. 1970, chap. 100, art. 444 Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 419(1).
Santé et bien-être social Régime d'assistance publique du Canada Le demandeur touche des allocations sociales en vertu de la Loi sur l'assistance sociale du Manitoba Il sollicite un jugement déclarant que les contributions versées par le Canada au Manitoba en vertu du Régime sont illégales pour le motif que la législation manitobaine ne fournit pas le niveau d'assistance sociale requis par le Régime et par l'accord conclu en vertu de celui-ci Le demandeur sollicite égale- ment une injonction interdisant au ministre de la Santé natio-
nale et du Bien-être social de faire ces paiements Déclara- tion radiée vu l'absence de la qualité pour agir et d'un droit
d'action Injonction refusée Appel Aucune urgence nécessitant la prise de mesures immédiates La question de la qualité pour agir relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour Elle se limite aux cas qui soulèvent des questions d'intérêt public Le problème de la légalité des paiements concerne l'appelant, les autres bénéficiaires du Régime et le public en général Il s'agit d'une question pouvant faire
l'objet d'un jugement déclaratoire Refus de l'injonction confirmé, déclaration rétablie Régime d'assistance publique du Canada, S.R.C. 1970, chap. C-1, art. 2, 4, 6(2), 7(1), 9(1)g), 19 Loi sur l'assistance sociale, R.S.M. 1970, chap. S160, art. 9(1)e), 11(5)b), 20(3) (ajouté par S.M. 1980, chap. 37, art. 10) Loi sur les municipalités, S.M. 1970, chap. 100, art. 444.
Contrôle judiciaire Recours en equity Injonctions Le demandeur touche des allocations sociales en vertu de la Loi sur l'assistance sociale du Manitoba Il sollicite un jugement déclarant que les contributions versées par le Canada au Manitoba en vertu du Régime d'assistance publique du Canada sont illégales pour le motif que la législation manito- baine ne fournit pas le niveau d'assistance sociale requis par le Régime et par l'accord conclu en vertu de celui-ci Appels du rejet d'un avis de requête introductif d'instance et d'une demande d'injonction interlocutoire visant à interdire au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social d'effec- tuer ces paiements La procédure sommaire introduite par voie d'avis de requête introductif d'instance n'est pas une façon convenable de soulever et faire trancher les questions en litige
Aucune urgence nécessitant la prise de mesures immédiates
Situation existant depuis un certain temps Appels rejetés Régime d'assistance publique du Canada, S.R.C. 1970, chap. C-1, art. 2, 4, 6(2), 7(1), 9(1)g), 19 Loi sur l'assistance sociale, R.S.M. 1970, chap. S160, art. 9(1)e), 11(5)b), 20(3) (ajouté par S.M. 1980, chap. 37, art. 10) Loi sur les municipalités, S.M. 1970, chap. 100, art. 444.
L'appelant est un résident du Manitoba. Les allocations qu'il touche en vertu de la Loi sur l'assistance sociale du Manitoba constituent sa seule source de revenu. Il prétend, par consé- quent, être une «personne nécessiteuse» au sens de l'article 2 du Régime d'assistance publique du Canada et il se dit particuliè- rement concerné par l'application en bonne et due forme du Régime et de l'accord Canada-Manitoba conclu en vertu de ce Régime. Le demandeur a présenté un avis de requête introduc- tif d'instance en vue d'obtenir une injonction interdisant au ministre des Finances de faire et d'autoriser le paiement de contributions à la province du Manitoba en vertu du paragra- phe 7(1) du Régime. Par voie de déclaration, il a sollicité un jugement déclarant que les paiements faits à même le Fonds du revenu consolidé du Canada au Manitoba sont illégaux puisque la législation manitobaine en matière d'assistance sociale ne fournit pas aux personnes nécessiteuses le niveau d'assistance sociale requis par le Régime et l'accord. Le demandeur a également sollicité un jugement déclarant que les fonds versés au Manitoba constituent un plus-payé au sens du Régime et il a demandé une injonction interlocutoire.
Il s'agit d'un appel de la décision de la Division de première instance qui a rejeté la demande d'injonction interlocutoire et radié la déclaration vu l'absence de la qualité pour agir et d'un droit d'action. L'appelant a également interjeté appel (A-1187-82) du rejet de son avis de requête introductif d'instance.
Arrêt (le juge Heald dissident en partie): la déclaration est rétablie et les appels du rejet de la demande d'injonction interlocutoire et de la requête introductive visant à obtenir une injonction sont rejetés.
Le juge en chef Thurlow: En ce qui concerne l'injonction, une procédure sommaire introduite au moyen d'un avis de requête
introductif d'instance n'est pas une façon convenable de soule- ver et faire trancher les questions en litige. Étant donné que la situation existe depuis quelques années, il n'y a aucune urgence qui exigerait la prise immédiate d'une injonction et les ques tions peuvent être plus facilement identifiées et tranchées dans le cadre de l'autre recours utilisé par l'appelant. Quant à l'appel du rejet d'une injonction interlocutoire, il ne s'agit pas d'un cas il y a lieu d'accorder un tel redressement.
Dans l'arrêt LeBlanc et autre c. La Ville de Transcona, la Cour suprême du Canada a reconnu le fait que les allégations contenues dans la déclaration pourraient soulever un problème qui doit être réglé entre le gouvernement du Canada et une province. La demande est dirigée contre les autorités fédérales chargées d'appliquer une loi fédérale qui autorise, dans des circonstances précises, le paiement de sommes d'argent à même le Fonds du revenu consolidé du Canada. Si les paiements sont effectivement faits illégalement, on peut demander un jugement déclaratoire à cet effet. En l'espèce, la question d'une dépense illégale se pose directement, indépendamment de l'issue de la contestation de la législation. Il s'agit par conséquent d'un cas qui semble plus convaincant que les arrêts Thorson et Borowski de la Cour suprême du Canada l'illégalité présumée de la dépense des fonds publics était une simple conséquence qui découlait du fait que les dispositions législatives ont été décla- rées ultra vires ou inopérantes. Ce qui est en jeu est le droit des citoyens canadiens d'exiger que le Fonds du revenu consolidé soit utilisé en conformité avec la loi: cette question est suscepti ble d'être tranchée par un tribunal.
En ce qui concerne la question de la qualité pour agir, l'appelant, à titre de personne nécessiteuse, fait évidemment partie de la catégorie de personnes auxquelles le législateur entendait venir en aide au moyen du Régime d'assistance publique du Canada. Il a le droit de faire trancher la question tout autant que l'intimé dans l'affaire Borowski on a jugé que ce dernier répondait au critère de la qualité pour agir, ayant prouvé qu'il était directement touché par la législation et qu'il n'y avait pas d'autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour. Le fait que l'appelant ne peut prétendre être un contribuable ne joue pas contre lui. Il ressort des jugements rendus par la Cour suprême dans les causes Thorson, McNeil et Borowski que la Cour a le pouvoir discré- tionnaire, dans de tels cas, pour reconnaître la qualité requise pour intenter une action visant à obtenir un jugement déclara- toire. Ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé avec réserve et se limiter aux cas qui soulèvent des questions d'ordre juridique qu'il est important de résoudre pour l'intérêt public. La ques tion en litige—c'est-à-dire la légalité des paiements faits en vertu de l'accord Canada-Manitoba--revêt pour l'appelant, pour la catégorie des personnes qui sont censées bénéficier du Régime et pour le public en général une importance suffisante pour permettre à l'appelant de soulever cette question.
Le juge suppléant Lalande: Il ne fait aucun doute que la question soumise à la Cour est d'intérêt public et que l'appelant a vraiment un intérêt particulier. Il semble en outre qu'il n'existe pas de manière raisonnable et efficace dont l'appelant peut soumettre la question à la Cour, autrement que par une action visant à obtenir un jugement déclaratoire. À moins d'avoir examiné attentivement les dispositions du Régime et de l'accord conclu avec le Manitoba, il n'est pas possible de dire si le point de vue de l'appelant est indéfendable ou manifestement insoutenable.
Le juge Heald (dissident en partie): L'appel portant sur la déclaration et sur la question de la qualité pour agir devrait être rejeté. Il ressort clairement des dispositions du Régime que, lorsque le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social délivre son certificat autorisant le paiement de contributions et lorsqu'il exerce les autres fonctions qui lui sont imposées par ce Régime, il agit à titre de préposé représentant la Couronne et non à titre de personne désignée. De plus, il n'y a rien dans le Régime qui oblige le Ministre à s'acquitter d'une obligation envers un particulier. L'obligation qui lui est imposée est une obligation envers le Canada qui consiste à trancher une ques tion administrative toutes les fois qu'il délivre un certificat, question qui est de savoir si la province s'est conformée à toutes les conditions requises pour pouvoir recevoir ledit paiement. Le Régime ne confère aucun droit à l'appelant dans la présente affaire. Le droit qu'il peut avoir de réclamer l'assistance publi- que lui est conféré par les dispositions de la Loi sur l'assistance sociale du Manitoba. Il a exercé, sans succès, le droit d'appel que lui confère cette loi.
Quant à la question de la qualité pour agir de l'appelant, les arrêts Thorson, McNeil et Borowski ne peuvent s'appliquer en l'espèce. Le critère énoncé dans ces décisions est le suivant: la qualité pour agir ne doit être reconnue que dans les actions visant à faire déclarer une loi nulle. Dans le présent cas, l'appelant ne conteste pas la validité du Régime: c'est l'applica- tion de cette loi fédérale qu'il veut attaquer. Par conséquent, il ne s'agit pas d'un cas auquel s'appliquent les motifs énoncés dans les affaires Thorson, McNeil ou Borowski. Il s'ensuit qu'il faut appliquer la règle générale énoncée par le juge en chef Laskin dans l'affaire Borowski, règle selon laquelle un citoyen et/ou un contribuable ne peuvent «s'en remettre à la cour compétente pour obtenir une décision sur l'interprétation ou l'application d'une loi, ou sur sa validité, lorsque cette personne n'est pas directement touchée par la loi ou qu'elle n'est pas menacée de sanctions pour une infraction possible à la loi». Puisque le Régime ne confère aucun droit à l'appelant et puisqu'il ne constitue pas une loi pénale, l'appelant n'a pas la qualité requise pour agir.
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Macllreith v. Hart et al. (1907), 39 R.C.S. 657.
DISTINCTION FAITE AVEC:
La compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Limitée et autre c. Le ministre du Revenu national et autres [No. II, [1976] 2 C.F. 500 (C.A.), confirmant [1976] 1 C.F. 314 (1fe inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
LeBlanc et autre c. La Ville de Transcona, [1974] R.C.S. 1261; Paterson v. Bowes (1853), 4 Gr. 170 (Ch.); Le ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575; 39 N.R. 331; Thorson c. Le Procu- reur Général du Canada, et autres, [1975] 1 R.C.S. 138; The Nova Scotia Board of Censors et autre c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265; (1975), 5 N.R. 43; Finlay and Director of Welfare (Winnipeg South/West) (1976), 71 D.L.R. (3d) 597 (C.A. Man.); Beattie and The Director of Social Services (Winnipeg South/West) (jugement en date du 15 mai 1978, C.A. Man., non publié).
DÉCISIONS CITÉES:
Re Lofstrom and Murphy et al. (1971), 22 D.L.R. (3d) 120 (C.A. Sask.); Smith v. The Attorney General of Ontario, [1924] R.C.S. 331; Solosky c. Sa Majesté La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821; Carota c. Jamieson et autre, [1977] 1 C.F. 19 (1" inst.); [1977] 2 C.F. 239 (C.A.), confirmant [1977] 1 C.F. 504 (1" inst.); Regina v. Minister of Natural Resources of Saskatchewan, [1973] 1 W.W.R. 193 (C.A. Sask.); The Queen v. The Lords Commissioners of the Treasury (1872), 7 Q.B. 387; The Queen v. The Secretary of State for War, [1891] 2 Q.B. 326 (C.A.).
AVOCATS:
G. Patrick S. Riley pour l'appelant (deman-
deur).
Harry Glinter pour les intimés (défendeurs).
PROCUREURS:
G. Patrick S. Riley, Winnipeg, pour l'appe- lant (demandeur).
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés (défendeurs).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: L'appelant a engagé deux procédures devant la Division de pre- mière instance, la première par voie d'avis de requête introductif d'instance et la seconde par voie de déclaration. Les deux procédures soule- vaient la même question.
La requête introductive d'instance, dans laquelle le ministre des Finances du Canada et le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social du Canada étaient désignés à titre d'intimés, visait à obtenir une injonction interdisant au ministre des Finances de payer toute autre contribution à la province du Manitoba et interdisant au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de déli- vrer des certificats autorisant ces paiements, pou- voirs qui leur sont conférés par le Régime d'assis- tance publique du Canada [S.R.C. 1970, chap. C-1], tant que:
[TRADUCTION] 1. La Loi sur l'assistance sociale, R.S.M., chap. S160 continue d'autoriser, en vertu de son paragraphe 20(3) et d'autres articles, la réduction des allocations sociales au-des- sous du niveau des besoins actuels essentiels de la vie dans le but de recouvrer des dettes présumées;
2. ... toutes les allocations sociales versées par les municipali- tés du Manitoba demeurent, du point de vue du droit, un prêt et non un don, comme le précise l'article 444 de la Loi sur les municipalités, S. M. 1970, chap. 100;
3. ... le Manitoba permet à ses municipalités de déterminer le montant de ses allocations sociales, indépendamment des auto- rités provinciales, comme le permet actuellement l'alinéa 1 l(5)b) de la Loi sur l'assistance sociale.
L'appelant a joint à sa demande un affidavit énonçant le fondement de sa demande de redresse- ment. Cette demande a été contestée par le procu- reur général du Canada qui a présenté une requête incidente visant à obtenir différentes ordonnances, notamment la radiation de l'avis de requête intro- ductif d'instance. À l'audience, la demande de l'appelant a été rejetée sans dépens. Il n'y a pas eu de motifs écrits ni d'ordonnance concernant la demande des intimés. L'appelant a alors interjeté appel.
En admettant que l'injonction constituerait une forme de redressement appropriée pour remédier à la situation décrite dans l'affidavit de l'appelant, je suis d'avis qu'une procédure sommaire introduite au moyen d'un avis de requête introductif d'ins- tance auquel est joint un affidavit n'est pas une façon convenable de soulever et faire trancher les questions apparaissant dans le dossier et que la demande de redressement devrait être rejetée car, étant donné que la situation existe depuis quelques années, le dossier ne révèle aucune urgence qui exigerait la prise immédiate d'une injonction contre les intimés, et les questions peuvent être plus facilement identifiées et tranchées dans le cadre de l'autre recours utilisé par l'appelant. Je confirmerais donc le rejet d'une injonction deman- dée dans la requête introductive d'instance.
Dans sa déclaration, l'appelant demande, en plus d'une injonction, un jugement déclarant que les paiements et les certificats émanant des Minis- tres sont illégaux, ainsi qu'un jugement déclarant que les paiements faits au Manitoba sont des plus-payés. Les deux mêmes Ministres et le procu- reur général du Canada y sont désignés à titre de défendeurs. En produisant sa déclaration, l'appe- lant a présenté une demande d'injonction interlo- cutoire et une requête visant à obtenir des directi ves spéciales. Les défendeurs ont répondu en produisant une requête en radiation de la déclara- tion pour les motifs suivants:
a) l'appelant n'avait pas la qualité requise par la loi pour poursuivre son action' et
b) subsidiairement, si l'appelant a la qualité requise pour poursuivre son action, la déclara- tion ne révélait aucun motif raisonnable permet- tant d'obtenir le redressement demandé dans la mesure où, notamment, elle ne fait valoir aucun droit d'action contre les Ministres de la Cou- ronne désignés à titre de défendeurs.
Le juge de première instance a rejeté l'injonc- tion et en réponse à la demande des intimés, il a radié la déclaration pour les deux motifs en ques tion. L'appelant a interjeté appel de cette décision.
Dans la mesure l'appel porte sur le rejet d'une injonction interlocutoire, je suis d'avis qu'il ne s'agit pas d'une affaire donnant lieu à une injonction interlocutoire et que l'appel de ce rejet ne peut être accueilli.
Il reste à examiner les questions de savoir si l'appelant a qualité pour intenter l'action et si la déclaration révélait un droit d'action soutenable permettant d'obtenir un jugement déclaratoire. Comme la réponse à cette dernière question porte sur le problème de la qualité pour agir, j'examine- rai cette question en premier lieu.
Une ordonnance radiant une déclaration pour le motif qu'elle ne révèle aucun droit d'action soute- nable ne doit être rendue que s'il apparaît claire- ment que l'action telle que formulée est indéfenda- ble et que le contenu de cette déclaration ne pourrait, par une modification recevable, révéler un droit d'action soutenable. Dans une requête visant à obtenir une telle ordonnance, les alléga- tions contenues dans la déclaration doivent être considérées comme véridiques.
Je mets l'accent sur cet aspect du litige dans mes motifs. Dans le présent cas, la déclaration conte- nait des allégations selon lesquelles les paiements
' On ne semble pas avoir prêté attention à l'observation suivante du juge Collier dans l'affaire Carota c. Jamieson et autre, [1977] 1 C.F. 19 (lie inst.), à la p. 25:
Je suis d'avis qu'en l'espèce le demandeur a qualité pour intenter cette action. Quoi qu'il en soit, c'est une question qu'il n'y a pas lieu de trancher à l'occasion d'une requête préliminaire de ce genre. Elle devrait faire l'objet d'une présentation d'une preuve complète, de plaidoiries et de débats, au cours d'une audition. Elle devrait tout au moins faire l'objet d'une audition régulière sur un point de droit après que tous les faits pertinents servant à trancher ce point en litige auraient été établis.
faits à même le Fonds du revenu consolidé du Canada à la province du Manitoba sont illégaux ou sans fondement législatif, puisque ni la législa- tion manitobaine en matière d'assistance sociale ni la province du Manitoba ne fournissent aux per- sonnes nécessiteuses telles que l'appelant le niveau d'assistance sociale requis par le Régime d'assis- tance publique du Canada et par l'accord conclu entre le Canada et le Manitoba sous le régime de cette loi.
Le juge Spence a reconnu, je pense, le fait que ces allégations pourraient soulever un problème qui doit être réglé entre le gouvernement du Canada et une province, lorsqu'il a déclaré dans l'affaire LeBlanc et autre c. La Ville de Transcona 2 :
On peut faire valoir que la province du Manitoba, en contri- buant à une partie de l'assistance municipale payée par la Ville de Transcona, ne subvient pas aux besoins de personnes nécessi- teuses conformément à cette exigence que contient le Régime d'assistance publique du Canada étant donné que le pro gramme appliqué n'est pas un programme établi par la pro vince. A mon avis, il s'agit d'une question qui doit être réglée entre la province du Manitoba et le gouvernement du Canada, et qui ne peut avoir aucune application dans un appel interjeté par le présent appelant d'un refus de la Ville de Transcona de lui octroyer une allocation municipale.
Le Régime d'assistance publique du Canada' commence par le préambule suivant:
CONSIDÉRANT que le Parlement du Canada, reconnaissant que l'instauration de mesures convenables d'assistance publique pour les personnes nécessiteuses et que la prévention et l'élimi- nation des causes de pauvreté et de dépendance de l'assistance publique intéressent tous les Canadiens, désire encourager l'amélioration et l'élargissement des régimes d'assistance publi- que et des services de bien-être social dans tout le Canada en partageant dans une plus large mesure avec les provinces les frais de ces programmes; A ces causes, Sa Majesté, sur l'avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, décrète:
Voici les dispositions de la Loi applicables au présent cas:
2. Dans la présente loi
«assistance publique» signifie aide sous toutes ses formes aux personnes nécessiteuses ou à leur égard en vue de fournir, ou de prendre les mesures pour que soient fournis, l'ensemble ou l'un quelconque ou plusieurs des services suivants:
2 [1974] R.C.S. 1261, la p. 1268.
3 S.R.C. 1970, chap. C-1.
a) la nourriture, le logement, le vêtement, le combustible, les services d'utilité publique, les fournitures ménagères et les services répondant aux besoins personnels (ci-après appelés «besoins fondamentaux»),
«personne nécessiteuse» signifie
a) une personne qui, par suite de son incapacité d'obtenir un emploi, de la perte de son principal soutien de famille, de sa maladie, de son invalidité, de son âge ou de toute autre cause acceptable pour l'autorité provinciale, est reconnue incapable (sur vérification par l'autorité provinciale qui tient compte des besoins matériels de cette personne et des revenus et ressources dont elle dispose pour satisfaire ces besoins) de subvenir convenablement à ses propres besoins ou à ses propres besoins et à ceux des personnes qui sont à sa charge ou de l'une ou plusieurs d'entre elles ...
4. Sous réserve des dispositions de la présente loi, le Ministre peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, conclure avec toute province un accord prévoyant le paiement, par le Canada à la province, de contributions aux frais encourus par la province et des municipalités de la province, au titre
a) de l'assistance publique fournie par des organismes approuvés par la province ou à la demande de ceux-ci, et
b) des services de bien-être social fournis dans la province par des organismes approuvés par la province,
en conformité de la législation provinciale.
6. ...
(2) Un accord doit prévoir que la province
a) fournira l'aide financière ou une autre forme d'assistance publique à toute personne de la province qui est une personne nécessiteuse visée à l'alinéa a) de la définition de «personne nécessiteuse» à l'article 2, ou à l'égard d'une telle personne, dans une mesure ou d'une manière compatibles avec ses besoins fondamentaux;
b) tiendra compte, en décidant si une personne est visée par l'alinéa a) et en déterminant l'assistance publique à fournir à cette personne, de ses besoins matériels et des revenus et ressources dont elle dispose pour les satisfaire;
Il va de soi que par ses allégations, l'appelant n'entend pas réclamer et ne réclame pas du Mani- toba, que ce soit en vertu de ses lois ou de l'accord Canada-Manitoba, une allocation sociale supé- rieure à celle qu'il reçoit du Manitoba ou un jugement déclarant que le gouvernement du Mani- toba ne respecte pas ses propres lois. Il n'y a pas plus droit que l'appelant dans l'affaire Re Lof- strom and Murphy et al. 4 . Il ne peut le faire, non plus, puisqu'il s'est adressé aux cours manitobaines et qu'il a été débouté. En ce qui concerne l'accord Canada-Manitoba, il pourrait difficilement faire
4 (1971), 22 D.L.R. (3d) 120 (C.A. Sask.).
valoir un droit d'action contre le Manitoba en alléguant que cette province reçoit du Canada des sommes d'argent auxquelles elle n'a pas droit.
La situation est cependant différente en l'espèce. La demande est dirigée non pas contre le Mani- toba mais contre les autorités fédérales chargées d'appliquer une loi fédérale qui autorise, unique- ment dans des circonstances précises, le paiement de sommes d'argent à même le Fonds du revenu consolidé du Canada. Si les paiements sont effecti- vement faits illégalement, il me semble qu'il peut obtenir un jugement déclaratoire à cet effet. Ce fut le motif invoqué avec succès dans l'affaire Macll- reith v. Hart et a1. 5 qui a soulevé la question de la légalité d'une dépense de fonds municipaux. Le fondement était le même dans l'affaire Paterson v. Bowes 6 : la demande y était dirigée contre le maire de Toronto pour l'obliger à rembourser à la ville des bénéfices tirés d'une opération conclue avec un entrepreneur qui traitait avec celle-ci. Voici ce qu'a déclaré le juge en chef Laskin dans l'affaire Le ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski 7 après avoir souligné cet aspect de la situation dans la cause Macllreith v. Hart et al. la page 580]:
Dans le domaine provincial et fédéral, la question d'une dépense illégale, ou peut-être inconstitutionnelle, ne devrait pas se poser en soi, mais, en somme, uniquement (comme on le dit en l'espèce) comme accessoire à l'application d'une loi contes- tée; la contestation de la dépense dépendrait alors du résultat de la contestation de la loi.
En l'espèce, la contestation se pose directement et il s'agit donc, à mon avis, d'un cas plus convain- cant que les affaires Thorson [voir infra, note 9] et Borowski l'illégalité présumée de la dépense des fonds publics était une simple conséquence qui découlait du fait que les dispositions législatives que les appelants voulaient attaquer, ont été décla- rées ultra vires dans un cas et inopérantes dans l'autre. Le présent cas s'apparente directement à l'affaire Macllreith v. Hart et al., les seules diffé- rences étant que c'est une dépense fédérale qui est censée être illégale et que l'appelant ne prétend pas fonder sa qualité pour agir sur son statut de contribuable.
5 (1907), 39 R.C.S. 657.
6 (1853), 4 Gr. 170 (Ch.).
7
[1981] 2 R.C.S. 575.
Étant admis pour les fins du présent appel que les allégations de la déclaration sont véridiques, et il n'est pas inconcevable qu'elles puissent l'être, on peut immédiatement se demander comment la population peut mettre un frein à cette illégalité autrement que par le biais d'un jugement déclara- toire d'une cour qui a juridiction en la matière. La question n'est pas d'ordre constitutionnel et elle ne met pas en cause non plus la Déclaration cana- dienne des droits [S.R.C. 1970, Appendice III]. D'autre part, la loi concernée n'est pas une loi réglementaire du genre de celle dont il est question dans l'affaire Smith v. The Attorney General of Ontario'. Ce qui est en jeu est le droit des citoyens canadiens d'exiger que le Fonds du revenu conso- lidé du Canada soit utilisé en conformité avec la loi. Il me semble que cela soulève une question du genre de celle dont le juge Laskin (tel était alors son titre) a fait mention dans l'affaire Thorson c. Le Procureur Général du Canada, et autres' lors- qu'il a déclaré à la page 158:
Quant à moi, je ne crois pas qu'il était nécessaire de restrein- dre la doctrine de l'arrêt Macllreith v. Hart pour décider l'affaire Smith comme elle l'a été. Ces deux dernières affaires comportaient deux situations complètement différentes. L'af- faire Smith mettait en jeu une loi qui réglementait, voire même interdisait, et qui créait des infractions et prescrivait des peines; l'affaire Macllreith v. Hart mettait en jeu un droit public, qui n'était pas assorti de sanctions contre des contribuables ou catégories de contribuables, et il aurait été étonnant que, dans pareil cas, il n'y eût aucun moyen judiciaire de contrôler une dépense illégale de deniers publics ou recouvrer l'argent.
À mon avis, la question soulevée est susceptible d'être tranchée par un tribunal et la déclaration ne devrait pas être radiée pour le motif qu'elle ne révèle aucun droit d'action soutenable.
Je me penche maintenant sur la question de la qualité de l'appelant pour poursuivre son action. Celui-ci ne prétend pas fonder sa qualité pour agir sur son statut de contribuable fédéral. Il allègue qu'il est un résident du Manitoba et une «personne nécessiteuse» au sens du Régime d'assistance publique du Canada. A ce titre, il fait évidemment partie de la catégorie de personnes auxquelles le législateur entendait venir en aide au moyen du Régime d'assistance publique du Canada. Ni la province du Manitoba ni ses municipalités n'ont intérêt à soumettre la question aux tribunaux et le
8 [1924] R.C.S. 331.
9 [1975] 1 R.C.S. 138.
procureur général du Canada est un défendeur dans cette action; il agit pour le compte des autres défendeurs en vue d'empêcher que la question fasse l'objet d'un procès.
Dans ces circonstances, on peut se demander pourquoi la loi empêcherait une personne qui fait partie de la catégorie des bénéficiaires du Régime d'assistance publique du Canada et qui allègue qu'elle n'obtient pas l'aide qui y est prévue parce que le Manitoba ne la lui fournit pas, d'intenter une action pour faire statuer sur la question de la légalité des paiements faits au Manitoba en vertu de la Loi. En tentant de poursuivre son action, l'appelant n'est d'aucune façon un simple trouble- fête et il me semble qu'il a le droit de faire trancher la question tout autant que l'intimé dans l'affaire Borowski. Voici ce qu'a déclaré le juge Martland à la page 598 de ses motifs après avoir examiné les affaires Thorson et McNeil 10 :
Selon mon interprétation, ces arrêts décident que pour établir l'intérêt pour agir à titre de demandeur dans une poursuite visant à déclarer qu'une loi est invalide, si cette question se pose sérieusement, il suffit qu'une personne démontre qu'elle est directement touchée ou qu'elle a, à titre de citoyen, un intérêt véritable quant à la validité de la loi, et qu'il n'y a pas d'autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour. A mon avis, l'intimé répond à ce critère et devrait être autorisé à poursuivre son action.
Le fait que dans une telle action, le demandeur ne peut prétendre être un contribuable ne joue pas contre lui. C'est ce qui ressort de l'extrait susmen- tionné et de l'affaire Paterson v. Bowes le statut d'habitant de Toronto a été jugé suffisant, ainsi que des motifs du juge Laskin (tel était alors son titre) qui, dans l'affaire Thorson, a déclaré ce qui suit aux pages 162 et 163:
Je reconnais que toute tentative de déterminer la qualité pour agir, dans une action de contribuable fédéral, d'après la charge fiscale ou la dette qui résultera probablement d'une dépense illégale, par analogie avec un des motifs donnés pour sanction- ner les actions de contribuables municipaux, est aussi irréelle que dans les affaires de contribuable municipal. A cour [sic] sûr l'intérêt d'un contribuable fédéral peut être aussi important que celui d'un contribuable municipal à cet égard. Ce n'est pas le seul gaspillage allégué de deniers publics qui étayera la qualité pour agir mais plutôt le droit des citoyens au respect de la constitution par le Parlement, quand la question que soulève la conduite du Parlement est réglable par les voies de justice en tant que question de droit.
10 The Nova Scotia Board of Censors et autre c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265.
Si je comprends bien les jugements rendus par la Cour suprême dans les causes Thorson, McNeil et Borowski, la Cour a le pouvoir discrétionnaire, dans de tels cas, pour reconnaître la qualité requise pour intenter une action visant à obtenir un juge- ment déclaratoire. Les règles élaborées par la Cour à ce sujet ne sont que des principes qui devraient être appliqués à l'occasion de l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Elles montrent qu'il faut exercer ce pouvoir avec réserve et qu'il doit se limiter aux cas qui soulèvent des questions d'ordre juridique qu'il est important de résoudre pour l'in- térêt public. Sinon, les tribunaux seraient inondés de réclamations spécieuses. L'affaire Thorson sou- levait des questions d'ordre constitutionnel. L'af- faire McNeil soulevait également une question d'ordre constitutionnel, c'est-à-dire la validité d'une loi provinciale régissant le fonctionnement de la commission de censure. Cette affaire, dans laquelle on contestait également des dispositions réglementaires, était, à cet égard, analogue, malgré certaines différences, à la situation qui s'était présentée dans la cause Smith v. The Attor ney General of Ontario. L'affaire Borowski soule- vait la question générale de savoir si les disposi tions du Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34] permettant l'avortement étaient inopérantes en raison du fait qu'elles étaient contraires à la Déclaration canadienne des droits et si les dépen- ses de fonds publics visant à subventionner les avortements thérapeutiques effectués en vertu de ces dispositions étaient, par conséquent, illégales.
La présente question ne ressemble à aucun de ces cas. Elle n'est pas aussi frappante. Il me semble néanmoins qu'elle est suffisamment impor- tante et que, dans l'intérêt de l'appelant et de la catégorie des personnes qui sont censées bénéficier du Régime et dans celui du public en général, l'appelant devrait être autorisé à soulever cette question. À mon avis, on n'aurait pas refuser de lui reconnaître la qualité pour agir et sa déclara- tion n'aurait pas être radiée.
J'accueillerais l'appel et je rétablirais la déclara- tion. Pour les motifs que j'ai énoncés, il ne s'agit pas, à mon avis, d'un cas donnant ouverture à une injonction interlocutoire. Je rejetterais par consé- quent l'appel du rejet de la demande de l'appelant visant à obtenir une telle injonction. Pour les mêmes motifs, je rejetterais l'appel du rejet par la
Division de première instance de la demande intro- ductive d'instance de l'appelant visant à obtenir une injonction. Les intimés bénéficient d'un délai de trente jours à compter de la date du présent jugement pour produire une défense à la présente action. Je n'adjugerais aucuns dépens en première instance ou en appel.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD (dissident en partie): Les pré- sents appels des jugements de la Division de pre- mière instance ont été entendus en même temps à la suite d'un accord conclu entre les avocats. L'ap- pel A-1187-82 porte sur un jugement rejetant l'avis introductif d'instance par lequel l'appelant demandait une injonction interdisant aux Minis- tres intimés d'autoriser et de faire des paiements à la province du Manitoba en vertu du paragraphe 7(1) du Régime d'assistance publique du Canada, S.R.C. 1970, chap. C-1 (ci-après appelé le Régime) ". L'appel A-1195-82 porte sur un autre jugement qui a rejeté la demande du deman- deur-appelant visant à obtenir une injonction inter- locutoire et qui a radié la déclaration du deman- deur en vertu du paragraphe 419(1) des Règles [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663]. Le juge des requêtes n'a pas prononcé de motifs en rendant son jugement dans l'appel A-1187-82. Dans l'appel A-1195-82, l'ordonnance même précise les motifs sur lesquels elle se fonde:
a) le demandeur n'a pas la qualité requise par la loi pour poursuivre son action; et
b) la déclaration ne révèle aucun motif raison- nable permettant d'obtenir le redressement demandé.
Les questions qui nous ont été soumises dans les deux appels sont identiques et elles sont également identiques à celles qui ont été débattues devant le juge des requêtes, tel qu'expliqué en détail plus haut.
" 7. (1) Les contributions ou les avances sur lesdites contri butions doivent, dès présentation du certificat du Ministre, être payées sur le Fonds du revenu consolidé aux époques et de la manière qui peuvent être prescrites, mais tous ces paiements sont assujettis aux conditions spécifiées dans la présente Partie et dans les règlements et à l'observation des conventions et des engagements contenus dans un accord.
Les faits exposés dans la déclaration peuvent être résumés de la façon suivante. Le demandeur est un résident du Manitoba qui, en raison d'une maladie et d'une incapacité graves, ne peut subve- nir adéquatement à ses besoins. Les allocations sociales qu'il touche en vertu de la Loi sur l'assis- tance sociale du Manitoba constituent sa seule source de revenu. Il prétend, par conséquent, être une «personne nécessiteuse» suivant les termes du Régime 12 . Il allègue que toutes les contributions versées par le gouvernement du Canada à la pro vince du Manitoba au titre d'assistance sociale fournie par la province en vertu du paragraphe 7(1) du Régime sont assujetties aux conditions prévues à la Partie I du Régime, aux règlements promulgués en application de celle-ci et aux accords conclus entre le Canada et le Manitoba. Il soutient que les paiements faits par le Canada au Manitoba vont à l'encontre de ladite Partie I parce que:
1. En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la législation provinciale, le directeur du Bien-
12 «Personne nécessiteuse» est définie à l'article 2 du Régime de la façon suivante:
2. Dans la présente loi
«personne nécessiteuse» signifie
a) une personne qui, par suite de son incapacité d'obtenir un emploi, de la perte de son principal soutien de famille, de sa maladie, de son invalidité, de son âge ou de toute autre cause acceptable pour l'autorité provinciale, est reconnue incapable (sur vérification par l'autorité provin- ciale qui tient compte des besoins matériels de cette per- sonne et des revenus et ressources dont elle dispose pour satisfaire ces besoins) de subvenir convenablement à ses propres besoins ou à ses propres besoins et à ceux des personnes qui sont à sa charge ou de l'une ou plusieurs d'entre elles, ou
b) une personne âgée de moins de vingt et un ans qui est confiée aux soins ou à la garde d'une autorité chargée du bien-être social de l'enfance ou placée sous le contrôle ou la surveillance d'une telle autorité, ou une personne qui est un enfant placé en foyer nourricier selon la définition des règlements, et, aux fins de l'alinéa e) de la définition de «assistance publique», comprend une personne décédée qui était une personne visée par l'alinéa a) ou b) de la présente définition au moment de son décès ou qui, bien qu'elle ne fût pas une telle personne au moment de son décès, aurait été reconnue être une telle personne si une demande d'assistance publique avait été faite pour elle ou à son égard immédiatement avant son décès;
être social de Winnipeg a déduit 5 % de ses prestations mensuelles d'assistance sociale pen dant une période de 46 mois pour recouvrer un plus-payé, ce qui, de l'avis de l'appelant, ne respectait pas l'engagement de la province, dans le cadre du Régime (alinéa 6(2)a)) 13 , à fournir l'aide financière à toute personne nécessiteuse dans une mesure «compatible avec ses besoins fondamentaux».
2. Avant de toucher les allocations sociales en vertu de la législation provinciale, l'appelant a bénéficié de l'aide de la ville de Winnipeg. En vertu de l'article 444 de la Loi sur les municipa- lités du Manitoba, cette aide est présumée être une dette. À son avis, cette disposition constitue également une violation par le Manitoba de son engagement visé à l'alinéa 6(2)a) précité du Régime.
3. La législation manitobaine autorise la pro vince à déléguer à ses municipalités le pouvoir de fixer les taux d'assistance publique prévus dans la définition de «personne nécessiteuse» à l'article 2 du Régime. Il en résulte que les allocations versées par les municipalités varient dans une certaine mesure, suivant le coût de la vie dans les différentes régions, et sont habituel- lement moins élevées que le montant fixé par la législation provinciale. Le demandeur prétend donc que cet arrangement entre la province et chacune de ses nombreuses municipalités consti- tue également une violation par le Manitoba de ses engagements prévus à l'alinéa 6(2)a) du Régime.
La déclaration vise ensuite à obtenir un juge- ment déclarant que les contributions versées par le gouvernement du Canada au Manitoba, conformé- ment au paragraphe 7(1) du Régime, sont illégales aussi longtemps que les pratiques expliquées en détail aux paragraphes 1 à 3 précités se poursui- vent; elle vise également à obtenir une injonction
13 L'alinéa 6(2)a) du Régime est ainsi rédigé:
6. ...
(2) Un accord doit prévoir que la province
a) fournira l'aide financière ou une autre forme d'assis- tance publique à toute personne de la province qui est une personne nécessiteuse visée à l'alinéa a) de la définition de «personne nécessiteuse» à l'article 2, ou à l'égard d'une telle personne, dans une mesure ou d'une manière compati bles avec ses besoins fondamentaux;
interdisant de faire ces paiements et un jugement déclarant que toutes les sommes d'argent versées
au Manitoba depuis le 20 mars 1967 titre de contributions constituent un plus-payé au sens de l'alinéa 9(1)g) du Régime.
Pour bien comprendre les questions soulevées en l'espèce, je pense qu'il convient de résumer les dispositions du Régime d'assistance publique du Canada. L'article 4 permet au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, avec l'approbation du gouverneur en conseil, de conclure avec toute province un accord prévoyant le paiement, par le Canada à la province, de contributions aux pro grammes provinciaux et municipaux de bien-être social et d'assistance publique qui ont été prévus par la législation provinciale. L'alinéa 6(2)a) pré- cité exige notamment que l'accord fédéral-provin cial prévu à l'article 4 contienne un engagement par la province à fournir l'aide financière aux personnes nécessiteuses (telles que définies à l'arti- cle 2 du Régime) d'une manière «compatible» avec leurs besoins fondamentaux et matériels et compte tenu également des revenus et ressources d'un requérant pour satisfaire ces besoins.
L'article 7 précité prévoit que les contributions ou paiements faits en vertu du Régime et des accords sont assujettis aux conditions de la Partie I du Régime, aux règlements et aux conditions de l'accord fédéral-provincial et il prévoit que ces paiements doivent, dès présentation du certificat du ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, être faits sur le Fonds du revenu consolidé.
En vertu de l'article 19, le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social doit préparer un rapport annuel sur l'application de tous les accords conclus en vertu du Régime et sur les paiements faits à chacune des provinces conformément à ces accords. Cet article exige en outre que le rapport du Ministre soit présenté au Parlement.
À mon avis, il ressort clairement des dispositions du Régime précité que lorsque le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social délivre son certificat en vertu de l'article 7 et lorsqu'il exerce les autres fonctions qui lui sont imposées par ce Régime, il agit à titre de préposé, d'agent ou de fonctionnaire représentant la Couronne et non à
titre de personne désignée 14 . De plus, je ne vois rien dans le Régime qui oblige le Ministre à s'acquitter d'une obligation envers un particulier. L'obligation qui lui est imposée par le Régime est une obligation envers le Canada qui consiste à trancher une question administrative toutes les fois qu'il délivre un certificat de paiement à une pro- vince—question qui est de savoir si la province s'est conformée à toutes les conditions requises pour pouvoir recevoir ledit paiement. À cet égard, je pense que la décision rendue par la Cour d'appel de la Saskatchewan dans l'affaire Re Lofstrom and Murphy et al. 15 est convaincante. Dans cette affaire, l'appelant prétendait qu'un règlement adopté en application de la Saskatchewan Assis tance Act, 1966 [S.S. 1966, chap. 32] était nul parce que, notamment, il contrevenait aux disposi tions législatives du Régime. En rejetant cet argu ment, voici ce qu'a déclaré, à la page 122, le juge en chef Culliton qui parlait au nom de la Cour:
[TRADUCTION] La Partie I du Régime d'assistance publique du Canada ne confère à aucun résident de cette province le droit de recevoir l'assistance publique. Elle ne fait qu'autoriser le gouvernement du Canada à conclure un accord de partage des frais avec un gouvernement provincial sur l'assistance sociale fournie par la province et elle précise les domaines ces frais peuvent être partagés. Pour s'assurer que l'accord est conforme à l'autorisation accordée par la Loi, celle-ci prévoit l'incorporation dans ledit accord de certaines conditions préci- ses. Cette Loi ne restreint en rien la compétence législative d'une législature provinciale dans le domaine de l'assistance sociale. Si, après avoir conclu un accord, une province adopte une loi et des règlements contraires aux conditions de l'accord, cela concernerait uniquement les gouvernements et toucherait seulement les obligations et droits respectifs prévus dans l'ac- cord. Si la loi et les règlements adoptés par une province allaient à l'encontre des dispositions de l'accord, cela ne ren- drait pas cette loi et ces règlements nuls dans la mesure la province a compétence pour les adopter.
À mon avis, c'est en vertu des dispositions de la Saskatche- wan Assistance Act, 1966 qu'un résident de la Saskatchewan a le droit de réclamer l'assistance publique. Le Régime d'assis- tance publique du Canada ne lui accorde aucun droit.
Je souscris à ce point de vue. Le Régime ne confère aucun droit à l'appelant dans la présente
14 Comparer avec les causes suivantes: Regina v. Minister of Natural Resources of Saskatchewan, [1973] 1 W.W.R. 193 (C.A. Sask.), aux pp. 198 et 199, le juge en chef Culliton; La compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Limitée et autre c. Le ministre du Revenu national et autres, [1976] 1 C.F. 314 (1" inst.), aux pp. 320 et 321; The Queen v. The Lords Commissioners of the Treasury (1872), 7 Q.B. 387, la p. 394; The Queen v. The Secretary of State for War, [1891] 2 Q.B. 326 (C.A.), à la p. 338.
15 (1971), 22 D.L.R. (3d) 120 (C.A. Sask.).
affaire. Le droit qu'il peut avoir de réclamer l'as- sistance publique lui est conféré par les disposi tions de la Loi sur l'assistance sociale du Mani- toba. Il a exercé, sans succès, le droit d'appel que lui confère cette loi 16 .
Quant à la question de savoir si l'appelant a la qualité requise pour poursuivre la présente action, je pense que le juge des requêtes a également eu raison de débouter l'appelant sur cette question. Je ne crois pas que les décisions rendues par la Cour suprême du Canada dans les affaires Thorson et McNeil 17 s'appliquent en l'espèce. Comme l'a fait remarquer le juge Martland dans l'affaire Borowski'', l'opposition à la loi en question, dans les causes Thorson et McNeil précitées, était fondée sur leur présumée inconstitutionnalité. Je suis également d'avis que la décision rendue dans l'affaire Borowski, précitée, n'est d'aucun secours à l'appelant dans le présent cas. Dans cette affaire, l'intimé demandait un jugement déclaratoire por- tant que l'application de la Déclaration canadienne des droits rendait nuls et inopérants certains para- graphes du Code criminel. En examinant les affai- res Thorson et McNeil, le juge Martland, parlant au nom de la majorité, a déclaré ce qui suit à la page 598 [R.C.S.]:
Selon mon interprétation, ces arrêts décident que pour établir l'intérêt pour agir à titre de demandeur dans une poursuite visant à déclarer qu'une loi est invalide, si cette question se pose sérieusement, il suffit qu'une personne démontre qu'elle est directement touchée ou qu'elle a, à titre de citoyen, un intérêt véritable quant à la validité de la loi, et qu'il n'y a pas d'autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour. A mon avis, l'intimé répond à ce critère et devrait être autorisé à poursuivre son action.
Si je comprends bien ce critère, énoncé dans les affaires Thorson, McNeil et Borowski précitées, la qualité pour agir ne doit être reconnue que dans les actions visant à faire déclarer une loi nulle. Il n'en est pas ainsi du présent cas. Le jugement déclara-
16 Conformément à l'alinéa 9(1)e) de cette Loi, l'appelant a interjeté appel de la décision du directeur du Bien-être social de Winnipeg de déduire de 46 de ses versements mensuels d'assis- tance sociale 5 % de ses prestations, tel qu'indiqué précédem- ment. Son appel à la Commission d'appel a été rejeté, ainsi que son appel à la Cour d'appel du Manitoba (1976), 71 D.L.R. (3d) 597.
17 Thorson c. Le Procureur Général du Canada, et autres, [1975] 1 R.C.S. 138; The Nova Scotia Board of Censors et autre c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265; (1975), 5 N.R. 43.
18 Le ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575,à la p. 596; 39 N.R. 331, la p. 341.
toire demandé en l'espèce, comme il a déjà été dit, porte sur la validité d'un acte administratif, c'est-à-dire sur le paiement par le Canada au Manitoba en contravention, dit-on, de certaines dispositions du Régime. La question soulevée en l'espèce est semblable à celle qui a été examinée par le juge Le Dain dans l'affaire La compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Limitée et autre c. Le ministre du Revenu national et autres (N° 11 19 c'est-à-dire: «... une question d'interprétation administrative nécessaire à l'application de la loi en vigueur». Dans le présent cas, l'appelant ne cherche pas à obtenir un jugement déclaratoire contestant la validité du Régime. C'est l'applica- tion de cette loi fédérale qu'il veut attaquer. Je pense, par conséquent, qu'il ne s'agit pas d'un cas auquel s'appliquent les motifs énoncés dans les affaires Thorson, McNeil ou Borowski. Puisqu'il en est ainsi, je crois qu'il faudrait appliquer la règle générale énoncée par le juge en chef Laskin dans l'affaire Borowski 20 , règle selon laquelle un citoyen et/ou un contribuable ne peuvent «s'en remettre à la cour compétente pour obtenir une décision sur l'interprétation ou l'application d'une loi, ou sur sa validité, lorsque cette personne n'est pas directement touchée par la loi ou qu'elle n'est pas menacée de sanctions pour une infraction pos sible à la loi». Puisque, à mon avis, le Régime ne confère aucun droit à l'appelant en l'espèce et puisqu'il ne constitue pas une loi pénale, celui-ci ne peut avoir la qualité requise pour obtenir le juge- ment déclaratoire qu'il demande dans sa déclara- tion.
Par ces motifs, je rejetterais les deux appels. Puisque les intimés ne réclament pas de dépens, je ne rendrais pas d'ordonnance à cet effet.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE: Il s'agit d'un appel (A-1195-82) de deux jugements de la Divi sion de première instance en date du 17 novembre 1982. En vertu du premier jugement, la requête de l'appelant visant à obtenir une injonction interlo- cutoire dans le but d'interdire au ministre des Finances du Canada de faire d'autres paiements à
19 [1976] 2 C.F. 500 (C.A.), à la p. 510.
20 R.C.S., à la p. 578; N.R., aux pp. 344 et 345.
la province du Manitoba en vertu du paragraphe 7(1) du Régime d'assistance publique du Canada, S.R.C. 1970, chap. C-1, a été rejetée. Quant au second jugement, la requête des intimés visant à radier la déclaration y a été accordée pour les motifs énoncés dans la requête, savoir, l'absence de qualité pour agir de la part de l'appelant et l'ab- sence de motifs raisonnables dans sa déclaration aux fins d'obtenir le redressement demandé dans l'action. Il n'y a pas d'autres motifs versés au dossier.
Dans sa déclaration, l'appelant réclamait un jugement déclarant que le paiement de contribu tions par le ministre des Finances en vertu du paragraphe 7(1) est illégal tant que la Loi sur l'assistance sociale du Manitoba
[TRADUCTION] ... continue d'autoriser la réduction des alloca tions au-dessous du niveau des besoins fondamentaux en vue de recouvrer des créances; tant que toutes les allocations versées par les municipalités du Manitoba demeurent, du point de vue du droit, un prêt et non un don; ou tant que le Manitoba permet à ses municipalités de fixer leurs propres taux d'assistance publique indépendamment des autorités provinciales.
L'appelant réclamait aussi une injonction inter- disant au ministre des Finances et au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social d'accom- plir les actes suivants, savoir, payer des contribu tions et délivrer des certificats, actes que l'appelant veut faire déclarer illégaux.
Il ressort manifestement de cette simple déclara- tion qu'il ne s'agit pas d'un cas d'injonction inter- locutoire et que l'appel de l'ordonnance qui l'a refusée devrait lui-même être rejeté.
L'appelant allègue qu'il est une «personne néces- siteuse» au sens du Régime d'assistance publique du Canada et un résident de la province du Mani- toba; que celle-ci ne respecte pas et n'a jamais respecté intégralement son accord avec le gouver- nement du Canada en vertu duquel elle s'est enga gée à fournir une aide financière ou une autre forme d'assistance publique à toute personne nécessiteuse «dans une mesure ou d'une manière compatibles avec ses besoins fondamentaux»; qu'il a été privé de 5 % de ses allocations sociales men- suelles pendant une période de 46 mois parce que la province a prétendu que ses fonctionnaires lui avaient versé une somme trop élevée, ce qui rédui- sait son allocation au-dessous du niveau de ses besoins fondamentaux; qu'en vertu de la Loi sur
les municipalités du Manitoba, l'assistance publi- que fournie par les municipalités dans cette pro vince constitue une dette qui doit être remboursée par le bénéficiaire et non un don; qu'en déléguant «pleinement» à ses municipalités le pouvoir de fixer les taux d'assistance publique, la province du Manitoba a contrevenu aux dispositions du Régime d'assistance publique du Canada en n'éta- blissant pas le critère qui est exigé dans la défini- tion de «personne nécessiteuse».
Aux fins de la présente instance, les allégations de l'appelant doivent être considérées comme vraies.
En ce qui concerne sa qualité pour agir, l'appe- lant soutient qu'à titre de personne nécessiteuse qui a subi un préjudice en étant privé de ses besoins fondamentaux, il est particulièrement con cerné par l'exécution et l'application en bonne et due forme du Régime d'assistance publique du Canada et de l'accord conclu avec la province du Manitoba en vertu de ce Régime.
L'avocat des intimés s'est fondé sur l'affaire La compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Limi- tée et autre c. Le ministre du Revenu national et autres [N° 1J 21 et il a déclaré qu'on ne pouvait établir de distinction entre cette cause et la pré- sente affaire en ce qui concerne la qualité pour agir. Je ne souscris pas à ce point de vue, les deux cas étant tout à fait différents.
Dans l'affaire Rothmans, les requérantes qui, à titre de fabricants de cigarettes, réclamaient un bref de prohibition et d'autres redressements de même nature, prétendaient que pour les fins de la définition de «cigarette» dans la Loi sur l'accise [S.R.C. 1970, chap. E-12], il faut tenir compte du bout filtre d'une cigarette lorsqu'il s'agit de déter- miner la longueur de la cigarette. Le Ministère était d'avis que le bout filtre ne devrait pas être inclus et on a prétendu que cela accordait aux autres fabricants un avantage qui causait un préju- dice aux requérantes. La Cour d'appel fédérale a jugé, à l'instar du juge de première instance, que les requérantes n'avaient la qualité requise pour obtenir aucun des redressements qu'elles récla- maient dans leur demande.
21 [1976] 2 C.F. 500 (C.A.), confirmant [1976] 1 C.F. 314 (1'e inst.).
Il s'agit, en l'espèce, d'un cas entièrement diffé- rent. L'appelant est un bénéficiaire du bien-être social qui demande un jugement déclaratoire pour déterminer le sens et la portée de certaines disposi tions du Régime d'assistance publique du Canada, compte tenu de la façon dont, prétend-il, les auto- rités provinciales ont appliqué la loi provinciale à son égard. La question à laquelle l'appelant demande aux tribunaux de répondre est de savoir si les dispositions des lois du Manitoba mention- nées dans sa déclaration touchent les droits qu'il prétend avoir en vertu du Régime d'assistance publique du Canada.
Comme l'a déclaré le juge Dickson de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Solosky c. Sa Majesté La Reine 22 , nous ne sommes pas restreints par le libellé utilisé dans la demande de redressement 23 . Ce qui importe avant tout dans le présent cas est de savoir s'il s'agit vraiment d'une question d'intérêt public et si le requérant a un intérêt particulier pour obtenir un jugement décla- ratoire sur celle-ci. A mon avis, il faut répondre à ces deux questions par l'affirmative.
Il y a un autre aspect de la question qu'il faut examiner en ce qui concerne la qualité pour agir: il s'agit de savoir, pour reprendre les termes du juge Martland dans l'affaire Le ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski 24 , s'il existe une autre «manière raisonnable et efficace de soumet- tre la question à la cour«.
Je mentionnerai tout d'abord un certain nombre de causes entendues par les tribunaux manito- bains.
Dans l'affaire Finlay and Director of Welfare (Winnipeg South/West) 25 , la Cour d'appel du Manitoba a décidé que le directeur du Bien-être social était autorisé par la législation manitobaine à réduire les allocations sociales mensuelles de l'appelant au-dessous du coût des besoins essentiels
22 [1980] 1 R.C.S. 821, la p. 830.
23 Voici ce qui est écrit à la p. 482, de Smith's Judicial Review of Administrative Action, 4' éd., Londres, Stevens & Sons Limited, 1980, en ce qui concerne les procédures relatives au jugement déclaratoire: [TRADUCTION] *Aucun autre recours judiciaire n'est aussi peu restreint par la procédure.>
24 [1981] 2 R.C.S. 575, la p. 598.
25 (1976), 71 D.L.R. (3d) 597 (C.A. Man.).
dans le but de recouvrer un plus-payé. Il n'est pas fait mention du Régime d'assistance publique du Canada dans les motifs de la Cour.
Dans l'affaire subséquente (non publiée) de Beattie and The Director of Social Services (Win- nipeg South/West), l'une des questions au sujet de laquelle l'autorisation d'interjeter appel a été accordée était de savoir si le comité consultatif des services sociaux a commis une erreur en permet- tant au directeur des Services sociaux de déduire un plus-payé en violation d'un accord conclu entre le gouvernement du Manitoba et celui du Canada. Voici comment le juge d'appel Hall a répondu à cette question dans les motifs qu'il a prononcés au nom de la Cour le 15 mai 1978:
[TRADUCTION] En réponse à la première question, nous sommes d'avis que l'existence et la violation possible de l'accord conclu entre les gouvernements provincial et fédéral concernant l'obligation de fournir des allocations sociales suffisantes pour satisfaire aux besoins essentiels des bénéficiaires n'ont aucun rapport avec la question du recouvrement des plus-payés à même les allocations sociales alors versées.
Le 30 mars 1978, la Division de première ins tance de la Cour fédérale (T-1240-78) a rejeté la demande présentée par Kathryn Beattie visant à obtenir un bref de prohibition, un bref de manda- mus et une injonction contre le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social.
Il semble qu'il n'existe pas de «manière raison- nable et efficace» dont l'appelant peut soumettre la question à la Cour, autrement que par une action visant à obtenir un jugement déclaratoire.
Le juge de première instance a également radié la déclaration pour le motif subsidiaire qu'elle ne révélait aucun fondement raisonnable permettant d'obtenir le redressement demandé.
L'appelant prétend essentiellement que la légis- lation manitobaine va à l'encontre de l'alinéa 2a) de l'accord conclu le 26 mars 1967 entre le gouver- nement du Canada et celui de la province du Manitoba. Il s'agit de l'accord autorisé par l'article
4 26 et dont le paragraphe 7(1) 27 du Régime d'as- sistance publique du Canada fait mention.
L'alinéa 2a) de l'accord prévoit ce qui suit:
[TRADUCTION] La province s'engage
a) à fournir l'aide financière ou une autre forme d'assistance publique à toute personne de la province du Manitoba qui est une personne nécessiteuse visée par le sous-alinéa (i) de l'alinéa g) de l'article 2 de la Loi dans une mesure ou d'une manière compatibles avec ses besoins fondamentaux;
L'article 2 de la Loi définit «personne nécessi- teuse» comme suit:
2....
a) une personne qui, par suite de son incapacité d'obtenir un emploi, de la perte de son principal soutien de famille, de sa maladie, de son invalidité, de son âge ou de toute autre cause acceptable pour l'autorité provinciale, est reconnue incapable (sur vérification par l'autorité provinciale qui tient compte des besoins matériels de cette personne et des revenus et ressources dont elle dispose pour satisfaire ces besoins) de subvenir convenablement à ses propres besoins ou à ses propres besoins et à ceux des personnes qui sont à sa charge ou de l'une ou plusieurs d'entre elles, ou
Il faut avoir examiné attentivement toutes les dispositions du Régime d'assistance publique du Canada et de l'accord, visé à l'article 4, conclu avec le Manitoba pour pouvoir établir le bien- fondé de la prétention de l'appelant. Cela n'ayant pas encore été fait, il n'est pas possible de dire si son point de vue est indéfendable ou manifeste- ment insoutenable.
Le présent cas ressemble à l'affaire Carota c. Jamieson et autre 28 le demandeur réclamait un
26 4. Sous réserve des dispositions de la présente loi, le Ministre peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, conclure avec toute province un accord prévoyant le paiement, par le Canada à la province, de contributions aux frais encourus par la province et des municipalités de la province, au titre
a) de l'assistance publique fournie par des organismes approuvés par la province ou à la demande de ceux-ci, et
b) des services de bien-être social fournis dans la province par
des organismes approuvés par la province,
en conformité de la législation provinciale.
27 7. (1) Les contributions ou les avances sur lesdites contri butions doivent, dès présentation du certificat du Ministre, être payées sur le Fonds du revenu consolidé aux époques et de la manière qui peuvent être prescrites, mais tous ces paiements sont assujettis aux conditions spécifiées dans la présente Partie et dans les règlements et à l'observation des conventions et des engagements contenus dans un accord.
28 [1977] 1 C.F. 19 (1" inst.); [1977] 1 C.F. 504 (1'° inst.), confirmé à [1977] 2 C.F. 239 (C.A.).
jugement déclaratoire portant qu'un accord conclu entre le gouvernement du Canada et celui de l'Île-du-Prince -Edouard était nul parce qu'il allait à l'encontre d'un article de la Loi sur le ministère de l'Expansion économique régionale, S.R.C. 1970, chap. R-4.
Je conclus que l'appelant devrait pouvoir sou- mettre à la Cour la question qu'il soulève.
L'appel dans l'affaire A-1195-82 devrait être accueilli et la déclaration rétablie. Les intimés devraient bénéficier d'un délai de trente jours à compter de la date du jugement rendu par cette Cour pour produire une défense dans la présente action.
Je suis d'accord avec le refus d'une injonction confirmé par le juge en chef concernant la requête introductive d'instance dans l'affaire A-1187-82.
Il ne devrait pas y avoir d'ordonnance concer- nant les dépens dans aucun des deux cas.
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