A-1195-82
Robert James Finlay (appelant) (demandeur)
c.
Ministre des Finances du Canada, ministre de la
Santé nationale et du Bien-être social du Canada
et procureur général du Canada (intimés) (défen-
deurs)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Heald et
juge suppléant Lalande—Winnipeg, 12 janvier;
Ottawa, 25 avril 1983.
Pratique — Parties — Qualité pour agir — Régime d'assis-
tance publique du Canada — Le demandeur touche des allo
cations sociales en vertu de la Loi sur l'assistance sociale du
Manitoba — Il prétend être une »personne nécessiteuse» au
sens de l'art. 2 du Régime, étant de ce fait particulièrement
concerné par l'application en bonne et due forme du Régime
Il sollicite un jugement déclarant que les contributions versées
par le Canada au Manitoba en vertu du Régime sont illégales
pour le motif que la législation manitobaine ne fournit pas le
niveau d'assistance sociale requis par le Régime et l'accord
conclu en vertu de celui-ci — La déclaration est radiée vu
l'absence de la qualité pour agir et d'un droit d'action — La
question des versements illégaux peut faire l'objet d'un juge-
ment déclaratoire — La question en litige se pose directement
indépendamment de l'issue de la contestation de la législation
La question de la qualité pour agir relève du pouvoir
discrétionnaire de la Cour et se limite aux cas qui soulèvent
des questions d'ordre juridique dans l'intérêt public — Le
problème de la légalité des versements concerne l'appelant, les
bénéficiaires du Régime et le public en général — Appel
accueilli — Déclaration rétablie — Régime d'assistance publi-
que du Canada, S.R.C. 1970, chap. C-1, art. 2, 4, 6(2), 7(1),
9(1)g), 19 — Loi sur l'assistance sociale, R.S.M. 1970, chap.
S160, art. 9(1)e), 11(5)b), 20(3) (ajouté par S.M. 1980, chap.
37, art. 10) — Loi sur les municipalités, S.M. 1970, chap. 100,
art. 444 — Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663,
Règle 419(1).
Santé et bien-être social Régime d'assistance publique du
Canada — Le demandeur touche des allocations sociales en
vertu de la Loi sur l'assistance sociale du Manitoba — Il
sollicite un jugement déclarant que les contributions versées
par le Canada au Manitoba en vertu du Régime sont illégales
pour le motif que la législation manitobaine ne fournit pas le
niveau d'assistance sociale requis par le Régime et par l'accord
conclu en vertu de celui-ci — Le demandeur sollicite égale-
ment une injonction interdisant au ministre de la Santé natio-
nale et du Bien-être social de faire ces paiements Déclara-
tion radiée vu l'absence de la qualité pour agir et d'un droit
d'action — Injonction refusée Appel — Aucune urgence
nécessitant la prise de mesures immédiates — La question de
la qualité pour agir relève du pouvoir discrétionnaire de la
Cour — Elle se limite aux cas qui soulèvent des questions
d'intérêt public — Le problème de la légalité des paiements
concerne l'appelant, les autres bénéficiaires du Régime et le
public en général — Il s'agit d'une question pouvant faire
l'objet d'un jugement déclaratoire — Refus de l'injonction
confirmé, déclaration rétablie — Régime d'assistance publique
du Canada, S.R.C. 1970, chap. C-1, art. 2, 4, 6(2), 7(1), 9(1)g),
19 — Loi sur l'assistance sociale, R.S.M. 1970, chap. S160,
art. 9(1)e), 11(5)b), 20(3) (ajouté par S.M. 1980, chap. 37, art.
10) — Loi sur les municipalités, S.M. 1970, chap. 100, art.
444.
Contrôle judiciaire — Recours en equity — Injonctions —
Le demandeur touche des allocations sociales en vertu de la
Loi sur l'assistance sociale du Manitoba — Il sollicite un
jugement déclarant que les contributions versées par le Canada
au Manitoba en vertu du Régime d'assistance publique du
Canada sont illégales pour le motif que la législation manito-
baine ne fournit pas le niveau d'assistance sociale requis par le
Régime et par l'accord conclu en vertu de celui-ci — Appels
du rejet d'un avis de requête introductif d'instance et d'une
demande d'injonction interlocutoire visant à interdire au
ministre de la Santé nationale et du Bien-être social d'effec-
tuer ces paiements — La procédure sommaire introduite par
voie d'avis de requête introductif d'instance n'est pas une façon
convenable de soulever et faire trancher les questions en litige
— Aucune urgence nécessitant la prise de mesures immédiates
— Situation existant depuis un certain temps — Appels
rejetés — Régime d'assistance publique du Canada, S.R.C.
1970, chap. C-1, art. 2, 4, 6(2), 7(1), 9(1)g), 19 — Loi sur
l'assistance sociale, R.S.M. 1970, chap. S160, art. 9(1)e),
11(5)b), 20(3) (ajouté par S.M. 1980, chap. 37, art. 10) — Loi
sur les municipalités, S.M. 1970, chap. 100, art. 444.
L'appelant est un résident du Manitoba. Les allocations qu'il
touche en vertu de la Loi sur l'assistance sociale du Manitoba
constituent sa seule source de revenu. Il prétend, par consé-
quent, être une «personne nécessiteuse» au sens de l'article 2 du
Régime d'assistance publique du Canada et il se dit particuliè-
rement concerné par l'application en bonne et due forme du
Régime et de l'accord Canada-Manitoba conclu en vertu de ce
Régime. Le demandeur a présenté un avis de requête introduc-
tif d'instance en vue d'obtenir une injonction interdisant au
ministre des Finances de faire et d'autoriser le paiement de
contributions à la province du Manitoba en vertu du paragra-
phe 7(1) du Régime. Par voie de déclaration, il a sollicité un
jugement déclarant que les paiements faits à même le Fonds du
revenu consolidé du Canada au Manitoba sont illégaux puisque
la législation manitobaine en matière d'assistance sociale ne
fournit pas aux personnes nécessiteuses le niveau d'assistance
sociale requis par le Régime et l'accord. Le demandeur a
également sollicité un jugement déclarant que les fonds versés
au Manitoba constituent un plus-payé au sens du Régime et il a
demandé une injonction interlocutoire.
Il s'agit d'un appel de la décision de la Division de première
instance qui a rejeté la demande d'injonction interlocutoire et
radié la déclaration vu l'absence de la qualité pour agir et d'un
droit d'action. L'appelant a également interjeté appel
(A-1187-82) du rejet de son avis de requête introductif
d'instance.
Arrêt (le juge Heald dissident en partie): la déclaration est
rétablie et les appels du rejet de la demande d'injonction
interlocutoire et de la requête introductive visant à obtenir une
injonction sont rejetés.
Le juge en chef Thurlow: En ce qui concerne l'injonction, une
procédure sommaire introduite au moyen d'un avis de requête
introductif d'instance n'est pas une façon convenable de soule-
ver et faire trancher les questions en litige. Étant donné que la
situation existe depuis quelques années, il n'y a aucune urgence
qui exigerait la prise immédiate d'une injonction et les ques
tions peuvent être plus facilement identifiées et tranchées dans
le cadre de l'autre recours utilisé par l'appelant. Quant à l'appel
du rejet d'une injonction interlocutoire, il ne s'agit pas d'un cas
où il y a lieu d'accorder un tel redressement.
Dans l'arrêt LeBlanc et autre c. La Ville de Transcona, la
Cour suprême du Canada a reconnu le fait que les allégations
contenues dans la déclaration pourraient soulever un problème
qui doit être réglé entre le gouvernement du Canada et une
province. La demande est dirigée contre les autorités fédérales
chargées d'appliquer une loi fédérale qui autorise, dans des
circonstances précises, le paiement de sommes d'argent à même
le Fonds du revenu consolidé du Canada. Si les paiements sont
effectivement faits illégalement, on peut demander un jugement
déclaratoire à cet effet. En l'espèce, la question d'une dépense
illégale se pose directement, indépendamment de l'issue de la
contestation de la législation. Il s'agit par conséquent d'un cas
qui semble plus convaincant que les arrêts Thorson et Borowski
de la Cour suprême du Canada où l'illégalité présumée de la
dépense des fonds publics était une simple conséquence qui
découlait du fait que les dispositions législatives ont été décla-
rées ultra vires ou inopérantes. Ce qui est en jeu est le droit des
citoyens canadiens d'exiger que le Fonds du revenu consolidé
soit utilisé en conformité avec la loi: cette question est suscepti
ble d'être tranchée par un tribunal.
En ce qui concerne la question de la qualité pour agir,
l'appelant, à titre de personne nécessiteuse, fait évidemment
partie de la catégorie de personnes auxquelles le législateur
entendait venir en aide au moyen du Régime d'assistance
publique du Canada. Il a le droit de faire trancher la question
tout autant que l'intimé dans l'affaire Borowski où on a jugé
que ce dernier répondait au critère de la qualité pour agir,
ayant prouvé qu'il était directement touché par la législation et
qu'il n'y avait pas d'autre manière raisonnable et efficace de
soumettre la question à la Cour. Le fait que l'appelant ne peut
prétendre être un contribuable ne joue pas contre lui. Il ressort
des jugements rendus par la Cour suprême dans les causes
Thorson, McNeil et Borowski que la Cour a le pouvoir discré-
tionnaire, dans de tels cas, pour reconnaître la qualité requise
pour intenter une action visant à obtenir un jugement déclara-
toire. Ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé avec réserve et
se limiter aux cas qui soulèvent des questions d'ordre juridique
qu'il est important de résoudre pour l'intérêt public. La ques
tion en litige—c'est-à-dire la légalité des paiements faits en
vertu de l'accord Canada-Manitoba--revêt pour l'appelant,
pour la catégorie des personnes qui sont censées bénéficier du
Régime et pour le public en général une importance suffisante
pour permettre à l'appelant de soulever cette question.
Le juge suppléant Lalande: Il ne fait aucun doute que la
question soumise à la Cour est d'intérêt public et que l'appelant
a vraiment un intérêt particulier. Il semble en outre qu'il
n'existe pas de manière raisonnable et efficace dont l'appelant
peut soumettre la question à la Cour, autrement que par une
action visant à obtenir un jugement déclaratoire. À moins
d'avoir examiné attentivement les dispositions du Régime et de
l'accord conclu avec le Manitoba, il n'est pas possible de dire si
le point de vue de l'appelant est indéfendable ou manifestement
insoutenable.
Le juge Heald (dissident en partie): L'appel portant sur la
déclaration et sur la question de la qualité pour agir devrait être
rejeté. Il ressort clairement des dispositions du Régime que,
lorsque le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social
délivre son certificat autorisant le paiement de contributions et
lorsqu'il exerce les autres fonctions qui lui sont imposées par ce
Régime, il agit à titre de préposé représentant la Couronne et
non à titre de personne désignée. De plus, il n'y a rien dans le
Régime qui oblige le Ministre à s'acquitter d'une obligation
envers un particulier. L'obligation qui lui est imposée est une
obligation envers le Canada qui consiste à trancher une ques
tion administrative toutes les fois qu'il délivre un certificat,
question qui est de savoir si la province s'est conformée à toutes
les conditions requises pour pouvoir recevoir ledit paiement. Le
Régime ne confère aucun droit à l'appelant dans la présente
affaire. Le droit qu'il peut avoir de réclamer l'assistance publi-
que lui est conféré par les dispositions de la Loi sur l'assistance
sociale du Manitoba. Il a exercé, sans succès, le droit d'appel
que lui confère cette loi.
Quant à la question de la qualité pour agir de l'appelant, les
arrêts Thorson, McNeil et Borowski ne peuvent s'appliquer en
l'espèce. Le critère énoncé dans ces décisions est le suivant: la
qualité pour agir ne doit être reconnue que dans les actions
visant à faire déclarer une loi nulle. Dans le présent cas,
l'appelant ne conteste pas la validité du Régime: c'est l'applica-
tion de cette loi fédérale qu'il veut attaquer. Par conséquent, il
ne s'agit pas d'un cas auquel s'appliquent les motifs énoncés
dans les affaires Thorson, McNeil ou Borowski. Il s'ensuit qu'il
faut appliquer la règle générale énoncée par le juge en chef
Laskin dans l'affaire Borowski, règle selon laquelle un citoyen
et/ou un contribuable ne peuvent «s'en remettre à la cour
compétente pour obtenir une décision sur l'interprétation ou
l'application d'une loi, ou sur sa validité, lorsque cette personne
n'est pas directement touchée par la loi ou qu'elle n'est pas
menacée de sanctions pour une infraction possible à la loi».
Puisque le Régime ne confère aucun droit à l'appelant et
puisqu'il ne constitue pas une loi pénale, l'appelant n'a pas la
qualité requise pour agir.
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Macllreith v. Hart et al. (1907), 39 R.C.S. 657.
DISTINCTION FAITE AVEC:
La compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Limitée
et autre c. Le ministre du Revenu national et autres [No.
II, [1976] 2 C.F. 500 (C.A.), confirmant [1976] 1 C.F.
314 (1fe inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
LeBlanc et autre c. La Ville de Transcona, [1974] R.C.S.
1261; Paterson v. Bowes (1853), 4 Gr. 170 (Ch.); Le
ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski,
[1981] 2 R.C.S. 575; 39 N.R. 331; Thorson c. Le Procu-
reur Général du Canada, et autres, [1975] 1 R.C.S. 138;
The Nova Scotia Board of Censors et autre c. McNeil,
[1976] 2 R.C.S. 265; (1975), 5 N.R. 43; Finlay and
Director of Welfare (Winnipeg South/West) (1976), 71
D.L.R. (3d) 597 (C.A. Man.); Beattie and The Director
of Social Services (Winnipeg South/West) (jugement en
date du 15 mai 1978, C.A. Man., non publié).
DÉCISIONS CITÉES:
Re Lofstrom and Murphy et al. (1971), 22 D.L.R. (3d)
120 (C.A. Sask.); Smith v. The Attorney General of
Ontario, [1924] R.C.S. 331; Solosky c. Sa Majesté La
Reine, [1980] 1 R.C.S. 821; Carota c. Jamieson et autre,
[1977] 1 C.F. 19 (1" inst.); [1977] 2 C.F. 239 (C.A.),
confirmant [1977] 1 C.F. 504 (1" inst.); Regina v.
Minister of Natural Resources of Saskatchewan, [1973]
1 W.W.R. 193 (C.A. Sask.); The Queen v. The Lords
Commissioners of the Treasury (1872), 7 Q.B. 387; The
Queen v. The Secretary of State for War, [1891] 2 Q.B.
326 (C.A.).
AVOCATS:
G. Patrick S. Riley pour l'appelant (deman-
deur).
Harry Glinter pour les intimés (défendeurs).
PROCUREURS:
G. Patrick S. Riley, Winnipeg, pour l'appe-
lant (demandeur).
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés (défendeurs).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: L'appelant a
engagé deux procédures devant la Division de pre-
mière instance, la première par voie d'avis de
requête introductif d'instance et la seconde par
voie de déclaration. Les deux procédures soule-
vaient la même question.
La requête introductive d'instance, dans laquelle
le ministre des Finances du Canada et le ministre
de la Santé nationale et du Bien-être social du
Canada étaient désignés à titre d'intimés, visait à
obtenir une injonction interdisant au ministre des
Finances de payer toute autre contribution à la
province du Manitoba et interdisant au ministre de
la Santé nationale et du Bien-être social de déli-
vrer des certificats autorisant ces paiements, pou-
voirs qui leur sont conférés par le Régime d'assis-
tance publique du Canada [S.R.C. 1970, chap.
C-1], tant que:
[TRADUCTION] 1. La Loi sur l'assistance sociale, R.S.M., chap.
S160 continue d'autoriser, en vertu de son paragraphe 20(3) et
d'autres articles, la réduction des allocations sociales au-des-
sous du niveau des besoins actuels essentiels de la vie dans le
but de recouvrer des dettes présumées;
2. ... toutes les allocations sociales versées par les municipali-
tés du Manitoba demeurent, du point de vue du droit, un prêt et
non un don, comme le précise l'article 444 de la Loi sur les
municipalités, S. M. 1970, chap. 100;
3. ... le Manitoba permet à ses municipalités de déterminer le
montant de ses allocations sociales, indépendamment des auto-
rités provinciales, comme le permet actuellement l'alinéa
1 l(5)b) de la Loi sur l'assistance sociale.
L'appelant a joint à sa demande un affidavit
énonçant le fondement de sa demande de redresse-
ment. Cette demande a été contestée par le procu-
reur général du Canada qui a présenté une requête
incidente visant à obtenir différentes ordonnances,
notamment la radiation de l'avis de requête intro-
ductif d'instance. À l'audience, la demande de
l'appelant a été rejetée sans dépens. Il n'y a pas eu
de motifs écrits ni d'ordonnance concernant la
demande des intimés. L'appelant a alors interjeté
appel.
En admettant que l'injonction constituerait une
forme de redressement appropriée pour remédier à
la situation décrite dans l'affidavit de l'appelant, je
suis d'avis qu'une procédure sommaire introduite
au moyen d'un avis de requête introductif d'ins-
tance auquel est joint un affidavit n'est pas une
façon convenable de soulever et faire trancher les
questions apparaissant dans le dossier et que la
demande de redressement devrait être rejetée car,
étant donné que la situation existe depuis quelques
années, le dossier ne révèle aucune urgence qui
exigerait la prise immédiate d'une injonction
contre les intimés, et les questions peuvent être
plus facilement identifiées et tranchées dans le
cadre de l'autre recours utilisé par l'appelant. Je
confirmerais donc le rejet d'une injonction deman-
dée dans la requête introductive d'instance.
Dans sa déclaration, l'appelant demande, en
plus d'une injonction, un jugement déclarant que
les paiements et les certificats émanant des Minis-
tres sont illégaux, ainsi qu'un jugement déclarant
que les paiements faits au Manitoba sont des
plus-payés. Les deux mêmes Ministres et le procu-
reur général du Canada y sont désignés à titre de
défendeurs. En produisant sa déclaration, l'appe-
lant a présenté une demande d'injonction interlo-
cutoire et une requête visant à obtenir des directi
ves spéciales. Les défendeurs ont répondu en
produisant une requête en radiation de la déclara-
tion pour les motifs suivants:
a) l'appelant n'avait pas la qualité requise par la
loi pour poursuivre son action' et
b) subsidiairement, si l'appelant a la qualité
requise pour poursuivre son action, la déclara-
tion ne révélait aucun motif raisonnable permet-
tant d'obtenir le redressement demandé dans la
mesure où, notamment, elle ne fait valoir aucun
droit d'action contre les Ministres de la Cou-
ronne désignés à titre de défendeurs.
Le juge de première instance a rejeté l'injonc-
tion et en réponse à la demande des intimés, il a
radié la déclaration pour les deux motifs en ques
tion. L'appelant a interjeté appel de cette décision.
Dans la mesure où l'appel porte sur le rejet
d'une injonction interlocutoire, je suis d'avis qu'il
ne s'agit pas d'une affaire donnant lieu à une
injonction interlocutoire et que l'appel de ce rejet
ne peut être accueilli.
Il reste à examiner les questions de savoir si
l'appelant a qualité pour intenter l'action et si la
déclaration révélait un droit d'action soutenable
permettant d'obtenir un jugement déclaratoire.
Comme la réponse à cette dernière question porte
sur le problème de la qualité pour agir, j'examine-
rai cette question en premier lieu.
Une ordonnance radiant une déclaration pour le
motif qu'elle ne révèle aucun droit d'action soute-
nable ne doit être rendue que s'il apparaît claire-
ment que l'action telle que formulée est indéfenda-
ble et que le contenu de cette déclaration ne
pourrait, par une modification recevable, révéler
un droit d'action soutenable. Dans une requête
visant à obtenir une telle ordonnance, les alléga-
tions contenues dans la déclaration doivent être
considérées comme véridiques.
Je mets l'accent sur cet aspect du litige dans mes
motifs. Dans le présent cas, la déclaration conte-
nait des allégations selon lesquelles les paiements
' On ne semble pas avoir prêté attention à l'observation
suivante du juge Collier dans l'affaire Carota c. Jamieson et
autre, [1977] 1 C.F. 19 (lie inst.), à la p. 25:
Je suis d'avis qu'en l'espèce le demandeur a qualité pour
intenter cette action. Quoi qu'il en soit, c'est une question
qu'il n'y a pas lieu de trancher à l'occasion d'une requête
préliminaire de ce genre. Elle devrait faire l'objet d'une
présentation d'une preuve complète, de plaidoiries et de
débats, au cours d'une audition. Elle devrait tout au moins
faire l'objet d'une audition régulière sur un point de droit
après que tous les faits pertinents servant à trancher ce point
en litige auraient été établis.
faits à même le Fonds du revenu consolidé du
Canada à la province du Manitoba sont illégaux
ou sans fondement législatif, puisque ni la législa-
tion manitobaine en matière d'assistance sociale ni
la province du Manitoba ne fournissent aux per-
sonnes nécessiteuses telles que l'appelant le niveau
d'assistance sociale requis par le Régime d'assis-
tance publique du Canada et par l'accord conclu
entre le Canada et le Manitoba sous le régime de
cette loi.
Le juge Spence a reconnu, je pense, le fait que
ces allégations pourraient soulever un problème
qui doit être réglé entre le gouvernement du
Canada et une province, lorsqu'il a déclaré dans
l'affaire LeBlanc et autre c. La Ville de
Transcona 2 :
On peut faire valoir que la province du Manitoba, en contri-
buant à une partie de l'assistance municipale payée par la Ville
de Transcona, ne subvient pas aux besoins de personnes nécessi-
teuses conformément à cette exigence que contient le Régime
d'assistance publique du Canada étant donné que le pro
gramme appliqué n'est pas un programme établi par la pro
vince. A mon avis, il s'agit là d'une question qui doit être réglée
entre la province du Manitoba et le gouvernement du Canada,
et qui ne peut avoir aucune application dans un appel interjeté
par le présent appelant d'un refus de la Ville de Transcona de
lui octroyer une allocation municipale.
Le Régime d'assistance publique du Canada'
commence par le préambule suivant:
CONSIDÉRANT que le Parlement du Canada, reconnaissant
que l'instauration de mesures convenables d'assistance publique
pour les personnes nécessiteuses et que la prévention et l'élimi-
nation des causes de pauvreté et de dépendance de l'assistance
publique intéressent tous les Canadiens, désire encourager
l'amélioration et l'élargissement des régimes d'assistance publi-
que et des services de bien-être social dans tout le Canada en
partageant dans une plus large mesure avec les provinces les
frais de ces programmes; A ces causes, Sa Majesté, sur l'avis et
du consentement du Sénat et de la Chambre des communes du
Canada, décrète:
Voici les dispositions de la Loi applicables au
présent cas:
2. Dans la présente loi
«assistance publique» signifie aide sous toutes ses formes aux
personnes nécessiteuses ou à leur égard en vue de fournir, ou
de prendre les mesures pour que soient fournis, l'ensemble ou
l'un quelconque ou plusieurs des services suivants:
2 [1974] R.C.S. 1261, la p. 1268.
3 S.R.C. 1970, chap. C-1.
a) la nourriture, le logement, le vêtement, le combustible, les
services d'utilité publique, les fournitures ménagères et les
services répondant aux besoins personnels (ci-après appelés
«besoins fondamentaux»),
«personne nécessiteuse» signifie
a) une personne qui, par suite de son incapacité d'obtenir un
emploi, de la perte de son principal soutien de famille, de sa
maladie, de son invalidité, de son âge ou de toute autre cause
acceptable pour l'autorité provinciale, est reconnue incapable
(sur vérification par l'autorité provinciale qui tient compte
des besoins matériels de cette personne et des revenus et
ressources dont elle dispose pour satisfaire ces besoins) de
subvenir convenablement à ses propres besoins ou à ses
propres besoins et à ceux des personnes qui sont à sa charge
ou de l'une ou plusieurs d'entre elles ...
4. Sous réserve des dispositions de la présente loi, le Ministre
peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, conclure
avec toute province un accord prévoyant le paiement, par le
Canada à la province, de contributions aux frais encourus par
la province et des municipalités de la province, au titre
a) de l'assistance publique fournie par des organismes
approuvés par la province ou à la demande de ceux-ci, et
b) des services de bien-être social fournis dans la province par
des organismes approuvés par la province,
en conformité de la législation provinciale.
6. ...
(2) Un accord doit prévoir que la province
a) fournira l'aide financière ou une autre forme d'assistance
publique à toute personne de la province qui est une personne
nécessiteuse visée à l'alinéa a) de la définition de «personne
nécessiteuse» à l'article 2, ou à l'égard d'une telle personne,
dans une mesure ou d'une manière compatibles avec ses
besoins fondamentaux;
b) tiendra compte, en décidant si une personne est visée par
l'alinéa a) et en déterminant l'assistance publique à fournir à
cette personne, de ses besoins matériels et des revenus et
ressources dont elle dispose pour les satisfaire;
Il va de soi que par ses allégations, l'appelant
n'entend pas réclamer et ne réclame pas du Mani-
toba, que ce soit en vertu de ses lois ou de l'accord
Canada-Manitoba, une allocation sociale supé-
rieure à celle qu'il reçoit du Manitoba ou un
jugement déclarant que le gouvernement du Mani-
toba ne respecte pas ses propres lois. Il n'y a pas
plus droit que l'appelant dans l'affaire Re Lof-
strom and Murphy et al. 4 . Il ne peut le faire, non
plus, puisqu'il s'est adressé aux cours manitobaines
et qu'il a été débouté. En ce qui concerne l'accord
Canada-Manitoba, il pourrait difficilement faire
4 (1971), 22 D.L.R. (3d) 120 (C.A. Sask.).
valoir un droit d'action contre le Manitoba en
alléguant que cette province reçoit du Canada des
sommes d'argent auxquelles elle n'a pas droit.
La situation est cependant différente en l'espèce.
La demande est dirigée non pas contre le Mani-
toba mais contre les autorités fédérales chargées
d'appliquer une loi fédérale qui autorise, unique-
ment dans des circonstances précises, le paiement
de sommes d'argent à même le Fonds du revenu
consolidé du Canada. Si les paiements sont effecti-
vement faits illégalement, il me semble qu'il peut
obtenir un jugement déclaratoire à cet effet. Ce fut
le motif invoqué avec succès dans l'affaire Macll-
reith v. Hart et a1. 5 qui a soulevé la question de la
légalité d'une dépense de fonds municipaux. Le
fondement était le même dans l'affaire Paterson v.
Bowes 6 : la demande y était dirigée contre le maire
de Toronto pour l'obliger à rembourser à la ville
des bénéfices tirés d'une opération conclue avec un
entrepreneur qui traitait avec celle-ci. Voici ce
qu'a déclaré le juge en chef Laskin dans l'affaire
Le ministre de la Justice du Canada et autre c.
Borowski 7 après avoir souligné cet aspect de la
situation dans la cause Macllreith v. Hart et al. [à
la page 580]:
Dans le domaine provincial et fédéral, la question d'une
dépense illégale, ou peut-être inconstitutionnelle, ne devrait pas
se poser en soi, mais, en somme, uniquement (comme on le dit
en l'espèce) comme accessoire à l'application d'une loi contes-
tée; la contestation de la dépense dépendrait alors du résultat de
la contestation de la loi.
En l'espèce, la contestation se pose directement et
il s'agit donc, à mon avis, d'un cas plus convain-
cant que les affaires Thorson [voir infra, note 9] et
Borowski où l'illégalité présumée de la dépense des
fonds publics était une simple conséquence qui
découlait du fait que les dispositions législatives
que les appelants voulaient attaquer, ont été décla-
rées ultra vires dans un cas et inopérantes dans
l'autre. Le présent cas s'apparente directement à
l'affaire Macllreith v. Hart et al., les seules diffé-
rences étant que c'est une dépense fédérale qui est
censée être illégale et que l'appelant ne prétend pas
fonder sa qualité pour agir sur son statut de
contribuable.
5 (1907), 39 R.C.S. 657.
6 (1853), 4 Gr. 170 (Ch.).
7
[1981] 2 R.C.S. 575.
Étant admis pour les fins du présent appel que
les allégations de la déclaration sont véridiques, et
il n'est pas inconcevable qu'elles puissent l'être, on
peut immédiatement se demander comment la
population peut mettre un frein à cette illégalité
autrement que par le biais d'un jugement déclara-
toire d'une cour qui a juridiction en la matière. La
question n'est pas d'ordre constitutionnel et elle ne
met pas en cause non plus la Déclaration cana-
dienne des droits [S.R.C. 1970, Appendice III].
D'autre part, la loi concernée n'est pas une loi
réglementaire du genre de celle dont il est question
dans l'affaire Smith v. The Attorney General of
Ontario'. Ce qui est en jeu est le droit des citoyens
canadiens d'exiger que le Fonds du revenu conso-
lidé du Canada soit utilisé en conformité avec la
loi. Il me semble que cela soulève une question du
genre de celle dont le juge Laskin (tel était alors
son titre) a fait mention dans l'affaire Thorson c.
Le Procureur Général du Canada, et autres' lors-
qu'il a déclaré à la page 158:
Quant à moi, je ne crois pas qu'il était nécessaire de restrein-
dre la doctrine de l'arrêt Macllreith v. Hart pour décider
l'affaire Smith comme elle l'a été. Ces deux dernières affaires
comportaient deux situations complètement différentes. L'af-
faire Smith mettait en jeu une loi qui réglementait, voire même
interdisait, et qui créait des infractions et prescrivait des peines;
l'affaire Macllreith v. Hart mettait en jeu un droit public, qui
n'était pas assorti de sanctions contre des contribuables ou
catégories de contribuables, et il aurait été étonnant que, dans
pareil cas, il n'y eût aucun moyen judiciaire de contrôler une
dépense illégale de deniers publics ou recouvrer l'argent.
À mon avis, la question soulevée est susceptible
d'être tranchée par un tribunal et la déclaration ne
devrait pas être radiée pour le motif qu'elle ne
révèle aucun droit d'action soutenable.
Je me penche maintenant sur la question de la
qualité de l'appelant pour poursuivre son action.
Celui-ci ne prétend pas fonder sa qualité pour agir
sur son statut de contribuable fédéral. Il allègue
qu'il est un résident du Manitoba et une «personne
nécessiteuse» au sens du Régime d'assistance
publique du Canada. A ce titre, il fait évidemment
partie de la catégorie de personnes auxquelles le
législateur entendait venir en aide au moyen du
Régime d'assistance publique du Canada. Ni la
province du Manitoba ni ses municipalités n'ont
intérêt à soumettre la question aux tribunaux et le
8 [1924] R.C.S. 331.
9 [1975] 1 R.C.S. 138.
procureur général du Canada est un défendeur
dans cette action; il agit pour le compte des autres
défendeurs en vue d'empêcher que la question
fasse l'objet d'un procès.
Dans ces circonstances, on peut se demander
pourquoi la loi empêcherait une personne qui fait
partie de la catégorie des bénéficiaires du Régime
d'assistance publique du Canada et qui allègue
qu'elle n'obtient pas l'aide qui y est prévue parce
que le Manitoba ne la lui fournit pas, d'intenter
une action pour faire statuer sur la question de la
légalité des paiements faits au Manitoba en vertu
de la Loi. En tentant de poursuivre son action,
l'appelant n'est d'aucune façon un simple trouble-
fête et il me semble qu'il a le droit de faire
trancher la question tout autant que l'intimé dans
l'affaire Borowski. Voici ce qu'a déclaré le juge
Martland à la page 598 de ses motifs après avoir
examiné les affaires Thorson et McNeil 10 :
Selon mon interprétation, ces arrêts décident que pour établir
l'intérêt pour agir à titre de demandeur dans une poursuite
visant à déclarer qu'une loi est invalide, si cette question se pose
sérieusement, il suffit qu'une personne démontre qu'elle est
directement touchée ou qu'elle a, à titre de citoyen, un intérêt
véritable quant à la validité de la loi, et qu'il n'y a pas d'autre
manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la
cour. A mon avis, l'intimé répond à ce critère et devrait être
autorisé à poursuivre son action.
Le fait que dans une telle action, le demandeur
ne peut prétendre être un contribuable ne joue pas
contre lui. C'est ce qui ressort de l'extrait susmen-
tionné et de l'affaire Paterson v. Bowes où le statut
d'habitant de Toronto a été jugé suffisant, ainsi
que des motifs du juge Laskin (tel était alors son
titre) qui, dans l'affaire Thorson, a déclaré ce qui
suit aux pages 162 et 163:
Je reconnais que toute tentative de déterminer la qualité pour
agir, dans une action de contribuable fédéral, d'après la charge
fiscale ou la dette qui résultera probablement d'une dépense
illégale, par analogie avec un des motifs donnés pour sanction-
ner les actions de contribuables municipaux, est aussi irréelle
que dans les affaires de contribuable municipal. A cour [sic]
sûr l'intérêt d'un contribuable fédéral peut être aussi important
que celui d'un contribuable municipal à cet égard. Ce n'est pas
le seul gaspillage allégué de deniers publics qui étayera la
qualité pour agir mais plutôt le droit des citoyens au respect de
la constitution par le Parlement, quand la question que soulève
la conduite du Parlement est réglable par les voies de justice en
tant que question de droit.
10 The Nova Scotia Board of Censors et autre c. McNeil,
[1976] 2 R.C.S. 265.
Si je comprends bien les jugements rendus par la
Cour suprême dans les causes Thorson, McNeil et
Borowski, la Cour a le pouvoir discrétionnaire,
dans de tels cas, pour reconnaître la qualité requise
pour intenter une action visant à obtenir un juge-
ment déclaratoire. Les règles élaborées par la Cour
à ce sujet ne sont que des principes qui devraient
être appliqués à l'occasion de l'exercice de ce
pouvoir discrétionnaire. Elles montrent qu'il faut
exercer ce pouvoir avec réserve et qu'il doit se
limiter aux cas qui soulèvent des questions d'ordre
juridique qu'il est important de résoudre pour l'in-
térêt public. Sinon, les tribunaux seraient inondés
de réclamations spécieuses. L'affaire Thorson sou-
levait des questions d'ordre constitutionnel. L'af-
faire McNeil soulevait également une question
d'ordre constitutionnel, c'est-à-dire la validité
d'une loi provinciale régissant le fonctionnement
de la commission de censure. Cette affaire, dans
laquelle on contestait également des dispositions
réglementaires, était, à cet égard, analogue,
malgré certaines différences, à la situation qui
s'était présentée dans la cause Smith v. The Attor
ney General of Ontario. L'affaire Borowski soule-
vait la question générale de savoir si les disposi
tions du Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34]
permettant l'avortement étaient inopérantes en
raison du fait qu'elles étaient contraires à la
Déclaration canadienne des droits et si les dépen-
ses de fonds publics visant à subventionner les
avortements thérapeutiques effectués en vertu de
ces dispositions étaient, par conséquent, illégales.
La présente question ne ressemble à aucun de
ces cas. Elle n'est pas aussi frappante. Il me
semble néanmoins qu'elle est suffisamment impor-
tante et que, dans l'intérêt de l'appelant et de la
catégorie des personnes qui sont censées bénéficier
du Régime et dans celui du public en général,
l'appelant devrait être autorisé à soulever cette
question. À mon avis, on n'aurait pas dû refuser de
lui reconnaître la qualité pour agir et sa déclara-
tion n'aurait pas dû être radiée.
J'accueillerais l'appel et je rétablirais la déclara-
tion. Pour les motifs que j'ai énoncés, il ne s'agit
pas, à mon avis, d'un cas donnant ouverture à une
injonction interlocutoire. Je rejetterais par consé-
quent l'appel du rejet de la demande de l'appelant
visant à obtenir une telle injonction. Pour les
mêmes motifs, je rejetterais l'appel du rejet par la
Division de première instance de la demande intro-
ductive d'instance de l'appelant visant à obtenir
une injonction. Les intimés bénéficient d'un délai
de trente jours à compter de la date du présent
jugement pour produire une défense à la présente
action. Je n'adjugerais aucuns dépens en première
instance ou en appel.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD (dissident en partie): Les pré-
sents appels des jugements de la Division de pre-
mière instance ont été entendus en même temps à
la suite d'un accord conclu entre les avocats. L'ap-
pel n° A-1187-82 porte sur un jugement rejetant
l'avis introductif d'instance par lequel l'appelant
demandait une injonction interdisant aux Minis-
tres intimés d'autoriser et de faire des paiements à
la province du Manitoba en vertu du paragraphe
7(1) du Régime d'assistance publique du Canada,
S.R.C. 1970, chap. C-1 (ci-après appelé le
Régime) ". L'appel n° A-1195-82 porte sur un
autre jugement qui a rejeté la demande du deman-
deur-appelant visant à obtenir une injonction inter-
locutoire et qui a radié la déclaration du deman-
deur en vertu du paragraphe 419(1) des Règles
[Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663].
Le juge des requêtes n'a pas prononcé de motifs en
rendant son jugement dans l'appel n° A-1187-82.
Dans l'appel n° A-1195-82, l'ordonnance même
précise les motifs sur lesquels elle se fonde:
a) le demandeur n'a pas la qualité requise par la
loi pour poursuivre son action; et
b) la déclaration ne révèle aucun motif raison-
nable permettant d'obtenir le redressement
demandé.
Les questions qui nous ont été soumises dans les
deux appels sont identiques et elles sont également
identiques à celles qui ont été débattues devant le
juge des requêtes, tel qu'expliqué en détail plus
haut.
" 7. (1) Les contributions ou les avances sur lesdites contri
butions doivent, dès présentation du certificat du Ministre, être
payées sur le Fonds du revenu consolidé aux époques et de la
manière qui peuvent être prescrites, mais tous ces paiements
sont assujettis aux conditions spécifiées dans la présente Partie
et dans les règlements et à l'observation des conventions et des
engagements contenus dans un accord.
Les faits exposés dans la déclaration peuvent
être résumés de la façon suivante. Le demandeur
est un résident du Manitoba qui, en raison d'une
maladie et d'une incapacité graves, ne peut subve-
nir adéquatement à ses besoins. Les allocations
sociales qu'il touche en vertu de la Loi sur l'assis-
tance sociale du Manitoba constituent sa seule
source de revenu. Il prétend, par conséquent, être
une «personne nécessiteuse» suivant les termes du
Régime 12 . Il allègue que toutes les contributions
versées par le gouvernement du Canada à la pro
vince du Manitoba au titre d'assistance sociale
fournie par la province en vertu du paragraphe
7(1) du Régime sont assujetties aux conditions
prévues à la Partie I du Régime, aux règlements
promulgués en application de celle-ci et aux
accords conclus entre le Canada et le Manitoba. Il
soutient que les paiements faits par le Canada au
Manitoba vont à l'encontre de ladite Partie I parce
que:
1. En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par
la législation provinciale, le directeur du Bien-
12 «Personne nécessiteuse» est définie à l'article 2 du Régime
de la façon suivante:
2. Dans la présente loi
«personne nécessiteuse» signifie
a) une personne qui, par suite de son incapacité d'obtenir
un emploi, de la perte de son principal soutien de famille,
de sa maladie, de son invalidité, de son âge ou de toute
autre cause acceptable pour l'autorité provinciale, est
reconnue incapable (sur vérification par l'autorité provin-
ciale qui tient compte des besoins matériels de cette per-
sonne et des revenus et ressources dont elle dispose pour
satisfaire ces besoins) de subvenir convenablement à ses
propres besoins ou à ses propres besoins et à ceux des
personnes qui sont à sa charge ou de l'une ou plusieurs
d'entre elles, ou
b) une personne âgée de moins de vingt et un ans qui est
confiée aux soins ou à la garde d'une autorité chargée du
bien-être social de l'enfance ou placée sous le contrôle ou
la surveillance d'une telle autorité, ou une personne qui est
un enfant placé en foyer nourricier selon la définition des
règlements, et, aux fins de l'alinéa e) de la définition de
«assistance publique», comprend une personne décédée qui
était une personne visée par l'alinéa a) ou b) de la présente
définition au moment de son décès ou qui, bien qu'elle ne
fût pas une telle personne au moment de son décès, aurait
été reconnue être une telle personne si une demande
d'assistance publique avait été faite pour elle ou à son
égard immédiatement avant son décès;
être social de Winnipeg a déduit 5 % de ses
prestations mensuelles d'assistance sociale pen
dant une période de 46 mois pour recouvrer un
plus-payé, ce qui, de l'avis de l'appelant, ne
respectait pas l'engagement de la province, dans
le cadre du Régime (alinéa 6(2)a)) 13 , à fournir
l'aide financière à toute personne nécessiteuse
dans une mesure «compatible avec ses besoins
fondamentaux».
2. Avant de toucher les allocations sociales en
vertu de la législation provinciale, l'appelant a
bénéficié de l'aide de la ville de Winnipeg. En
vertu de l'article 444 de la Loi sur les municipa-
lités du Manitoba, cette aide est présumée être
une dette. À son avis, cette disposition constitue
également une violation par le Manitoba de son
engagement visé à l'alinéa 6(2)a) précité du
Régime.
3. La législation manitobaine autorise la pro
vince à déléguer à ses municipalités le pouvoir
de fixer les taux d'assistance publique prévus
dans la définition de «personne nécessiteuse» à
l'article 2 du Régime. Il en résulte que les
allocations versées par les municipalités varient
dans une certaine mesure, suivant le coût de la
vie dans les différentes régions, et sont habituel-
lement moins élevées que le montant fixé par la
législation provinciale. Le demandeur prétend
donc que cet arrangement entre la province et
chacune de ses nombreuses municipalités consti-
tue également une violation par le Manitoba de
ses engagements prévus à l'alinéa 6(2)a) du
Régime.
La déclaration vise ensuite à obtenir un juge-
ment déclarant que les contributions versées par le
gouvernement du Canada au Manitoba, conformé-
ment au paragraphe 7(1) du Régime, sont illégales
aussi longtemps que les pratiques expliquées en
détail aux paragraphes 1 à 3 précités se poursui-
vent; elle vise également à obtenir une injonction
13 L'alinéa 6(2)a) du Régime est ainsi rédigé:
6. ...
(2) Un accord doit prévoir que la province
a) fournira l'aide financière ou une autre forme d'assis-
tance publique à toute personne de la province qui est une
personne nécessiteuse visée à l'alinéa a) de la définition de
«personne nécessiteuse» à l'article 2, ou à l'égard d'une
telle personne, dans une mesure ou d'une manière compati
bles avec ses besoins fondamentaux;
interdisant de faire ces paiements et un jugement
déclarant que toutes les sommes d'argent versées
au Manitoba depuis le 20 mars 1967 titre de
contributions constituent un plus-payé au sens de
l'alinéa 9(1)g) du Régime.
Pour bien comprendre les questions soulevées en
l'espèce, je pense qu'il convient de résumer les
dispositions du Régime d'assistance publique du
Canada. L'article 4 permet au ministre de la Santé
nationale et du Bien-être social, avec l'approbation
du gouverneur en conseil, de conclure avec toute
province un accord prévoyant le paiement, par le
Canada à la province, de contributions aux pro
grammes provinciaux et municipaux de bien-être
social et d'assistance publique qui ont été prévus
par la législation provinciale. L'alinéa 6(2)a) pré-
cité exige notamment que l'accord fédéral-provin
cial prévu à l'article 4 contienne un engagement
par la province à fournir l'aide financière aux
personnes nécessiteuses (telles que définies à l'arti-
cle 2 du Régime) d'une manière «compatible» avec
leurs besoins fondamentaux et matériels et compte
tenu également des revenus et ressources d'un
requérant pour satisfaire ces besoins.
L'article 7 précité prévoit que les contributions
ou paiements faits en vertu du Régime et des
accords sont assujettis aux conditions de la Partie I
du Régime, aux règlements et aux conditions de
l'accord fédéral-provincial et il prévoit que ces
paiements doivent, dès présentation du certificat
du ministre de la Santé nationale et du Bien-être
social, être faits sur le Fonds du revenu consolidé.
En vertu de l'article 19, le ministre de la Santé
nationale et du Bien-être social doit préparer un
rapport annuel sur l'application de tous les accords
conclus en vertu du Régime et sur les paiements
faits à chacune des provinces conformément à ces
accords. Cet article exige en outre que le rapport
du Ministre soit présenté au Parlement.
À mon avis, il ressort clairement des dispositions
du Régime précité que lorsque le ministre de la
Santé nationale et du Bien-être social délivre son
certificat en vertu de l'article 7 et lorsqu'il exerce
les autres fonctions qui lui sont imposées par ce
Régime, il agit à titre de préposé, d'agent ou de
fonctionnaire représentant la Couronne et non à
titre de personne désignée 14 . De plus, je ne vois
rien dans le Régime qui oblige le Ministre à
s'acquitter d'une obligation envers un particulier.
L'obligation qui lui est imposée par le Régime est
une obligation envers le Canada qui consiste à
trancher une question administrative toutes les fois
qu'il délivre un certificat de paiement à une pro-
vince—question qui est de savoir si la province
s'est conformée à toutes les conditions requises
pour pouvoir recevoir ledit paiement. À cet égard,
je pense que la décision rendue par la Cour d'appel
de la Saskatchewan dans l'affaire Re Lofstrom
and Murphy et al. 15 est convaincante. Dans cette
affaire, l'appelant prétendait qu'un règlement
adopté en application de la Saskatchewan Assis
tance Act, 1966 [S.S. 1966, chap. 32] était nul
parce que, notamment, il contrevenait aux disposi
tions législatives du Régime. En rejetant cet argu
ment, voici ce qu'a déclaré, à la page 122, le juge
en chef Culliton qui parlait au nom de la Cour:
[TRADUCTION] La Partie I du Régime d'assistance publique
du Canada ne confère à aucun résident de cette province le
droit de recevoir l'assistance publique. Elle ne fait qu'autoriser
le gouvernement du Canada à conclure un accord de partage
des frais avec un gouvernement provincial sur l'assistance
sociale fournie par la province et elle précise les domaines où
ces frais peuvent être partagés. Pour s'assurer que l'accord est
conforme à l'autorisation accordée par la Loi, celle-ci prévoit
l'incorporation dans ledit accord de certaines conditions préci-
ses. Cette Loi ne restreint en rien la compétence législative
d'une législature provinciale dans le domaine de l'assistance
sociale. Si, après avoir conclu un accord, une province adopte
une loi et des règlements contraires aux conditions de l'accord,
cela concernerait uniquement les gouvernements et toucherait
seulement les obligations et droits respectifs prévus dans l'ac-
cord. Si la loi et les règlements adoptés par une province
allaient à l'encontre des dispositions de l'accord, cela ne ren-
drait pas cette loi et ces règlements nuls dans la mesure où la
province a compétence pour les adopter.
À mon avis, c'est en vertu des dispositions de la Saskatche-
wan Assistance Act, 1966 qu'un résident de la Saskatchewan a
le droit de réclamer l'assistance publique. Le Régime d'assis-
tance publique du Canada ne lui accorde aucun droit.
Je souscris à ce point de vue. Le Régime ne
confère aucun droit à l'appelant dans la présente
14 Comparer avec les causes suivantes: Regina v. Minister of
Natural Resources of Saskatchewan, [1973] 1 W.W.R. 193
(C.A. Sask.), aux pp. 198 et 199, le juge en chef Culliton; La
compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Limitée et autre c.
Le ministre du Revenu national et autres, [1976] 1 C.F. 314
(1" inst.), aux pp. 320 et 321; The Queen v. The Lords
Commissioners of the Treasury (1872), 7 Q.B. 387, la p. 394;
The Queen v. The Secretary of State for War, [1891] 2 Q.B.
326 (C.A.), à la p. 338.
15 (1971), 22 D.L.R. (3d) 120 (C.A. Sask.).
affaire. Le droit qu'il peut avoir de réclamer l'as-
sistance publique lui est conféré par les disposi
tions de la Loi sur l'assistance sociale du Mani-
toba. Il a exercé, sans succès, le droit d'appel que
lui confère cette loi 16 .
Quant à la question de savoir si l'appelant a la
qualité requise pour poursuivre la présente action,
je pense que le juge des requêtes a également eu
raison de débouter l'appelant sur cette question. Je
ne crois pas que les décisions rendues par la Cour
suprême du Canada dans les affaires Thorson et
McNeil 17 s'appliquent en l'espèce. Comme l'a fait
remarquer le juge Martland dans l'affaire
Borowski'', l'opposition à la loi en question, dans
les causes Thorson et McNeil précitées, était
fondée sur leur présumée inconstitutionnalité. Je
suis également d'avis que la décision rendue dans
l'affaire Borowski, précitée, n'est d'aucun secours
à l'appelant dans le présent cas. Dans cette affaire,
l'intimé demandait un jugement déclaratoire por-
tant que l'application de la Déclaration canadienne
des droits rendait nuls et inopérants certains para-
graphes du Code criminel. En examinant les affai-
res Thorson et McNeil, le juge Martland, parlant
au nom de la majorité, a déclaré ce qui suit à la
page 598 [R.C.S.]:
Selon mon interprétation, ces arrêts décident que pour établir
l'intérêt pour agir à titre de demandeur dans une poursuite
visant à déclarer qu'une loi est invalide, si cette question se pose
sérieusement, il suffit qu'une personne démontre qu'elle est
directement touchée ou qu'elle a, à titre de citoyen, un intérêt
véritable quant à la validité de la loi, et qu'il n'y a pas d'autre
manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la
cour. A mon avis, l'intimé répond à ce critère et devrait être
autorisé à poursuivre son action.
Si je comprends bien ce critère, énoncé dans les
affaires Thorson, McNeil et Borowski précitées, la
qualité pour agir ne doit être reconnue que dans les
actions visant à faire déclarer une loi nulle. Il n'en
est pas ainsi du présent cas. Le jugement déclara-
16 Conformément à l'alinéa 9(1)e) de cette Loi, l'appelant a
interjeté appel de la décision du directeur du Bien-être social de
Winnipeg de déduire de 46 de ses versements mensuels d'assis-
tance sociale 5 % de ses prestations, tel qu'indiqué précédem-
ment. Son appel à la Commission d'appel a été rejeté, ainsi que
son appel à la Cour d'appel du Manitoba (1976), 71 D.L.R.
(3d) 597.
17 Thorson c. Le Procureur Général du Canada, et autres,
[1975] 1 R.C.S. 138; The Nova Scotia Board of Censors et
autre c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265; (1975), 5 N.R. 43.
18 Le ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski,
[1981] 2 R.C.S. 575,à la p. 596; 39 N.R. 331, la p. 341.
toire demandé en l'espèce, comme il a déjà été dit,
porte sur la validité d'un acte administratif,
c'est-à-dire sur le paiement par le Canada au
Manitoba en contravention, dit-on, de certaines
dispositions du Régime. La question soulevée en
l'espèce est semblable à celle qui a été examinée
par le juge Le Dain dans l'affaire La compagnie
Rothmans de Pall Mall Canada Limitée et autre
c. Le ministre du Revenu national et autres (N°
11 19 c'est-à-dire: «... une question d'interprétation
administrative nécessaire à l'application de la loi
en vigueur». Dans le présent cas, l'appelant ne
cherche pas à obtenir un jugement déclaratoire
contestant la validité du Régime. C'est l'applica-
tion de cette loi fédérale qu'il veut attaquer. Je
pense, par conséquent, qu'il ne s'agit pas d'un cas
auquel s'appliquent les motifs énoncés dans les
affaires Thorson, McNeil ou Borowski. Puisqu'il
en est ainsi, je crois qu'il faudrait appliquer la
règle générale énoncée par le juge en chef Laskin
dans l'affaire Borowski 20 , règle selon laquelle un
citoyen et/ou un contribuable ne peuvent «s'en
remettre à la cour compétente pour obtenir une
décision sur l'interprétation ou l'application d'une
loi, ou sur sa validité, lorsque cette personne n'est
pas directement touchée par la loi ou qu'elle n'est
pas menacée de sanctions pour une infraction pos
sible à la loi». Puisque, à mon avis, le Régime ne
confère aucun droit à l'appelant en l'espèce et
puisqu'il ne constitue pas une loi pénale, celui-ci ne
peut avoir la qualité requise pour obtenir le juge-
ment déclaratoire qu'il demande dans sa déclara-
tion.
Par ces motifs, je rejetterais les deux appels.
Puisque les intimés ne réclament pas de dépens, je
ne rendrais pas d'ordonnance à cet effet.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE: Il s'agit d'un
appel (A-1195-82) de deux jugements de la Divi
sion de première instance en date du 17 novembre
1982. En vertu du premier jugement, la requête de
l'appelant visant à obtenir une injonction interlo-
cutoire dans le but d'interdire au ministre des
Finances du Canada de faire d'autres paiements à
19 [1976] 2 C.F. 500 (C.A.), à la p. 510.
20 R.C.S., à la p. 578; N.R., aux pp. 344 et 345.
la province du Manitoba en vertu du paragraphe
7(1) du Régime d'assistance publique du Canada,
S.R.C. 1970, chap. C-1, a été rejetée. Quant au
second jugement, la requête des intimés visant à
radier la déclaration y a été accordée pour les
motifs énoncés dans la requête, savoir, l'absence de
qualité pour agir de la part de l'appelant et l'ab-
sence de motifs raisonnables dans sa déclaration
aux fins d'obtenir le redressement demandé dans
l'action. Il n'y a pas d'autres motifs versés au
dossier.
Dans sa déclaration, l'appelant réclamait un
jugement déclarant que le paiement de contribu
tions par le ministre des Finances en vertu du
paragraphe 7(1) est illégal tant que la Loi sur
l'assistance sociale du Manitoba
[TRADUCTION] ... continue d'autoriser la réduction des alloca
tions au-dessous du niveau des besoins fondamentaux en vue de
recouvrer des créances; tant que toutes les allocations versées
par les municipalités du Manitoba demeurent, du point de vue
du droit, un prêt et non un don; ou tant que le Manitoba permet
à ses municipalités de fixer leurs propres taux d'assistance
publique indépendamment des autorités provinciales.
L'appelant réclamait aussi une injonction inter-
disant au ministre des Finances et au ministre de
la Santé nationale et du Bien-être social d'accom-
plir les actes suivants, savoir, payer des contribu
tions et délivrer des certificats, actes que l'appelant
veut faire déclarer illégaux.
Il ressort manifestement de cette simple déclara-
tion qu'il ne s'agit pas d'un cas d'injonction inter-
locutoire et que l'appel de l'ordonnance qui l'a
refusée devrait lui-même être rejeté.
L'appelant allègue qu'il est une «personne néces-
siteuse» au sens du Régime d'assistance publique
du Canada et un résident de la province du Mani-
toba; que celle-ci ne respecte pas et n'a jamais
respecté intégralement son accord avec le gouver-
nement du Canada en vertu duquel elle s'est enga
gée à fournir une aide financière ou une autre
forme d'assistance publique à toute personne
nécessiteuse «dans une mesure ou d'une manière
compatibles avec ses besoins fondamentaux»; qu'il
a été privé de 5 % de ses allocations sociales men-
suelles pendant une période de 46 mois parce que
la province a prétendu que ses fonctionnaires lui
avaient versé une somme trop élevée, ce qui rédui-
sait son allocation au-dessous du niveau de ses
besoins fondamentaux; qu'en vertu de la Loi sur
les municipalités du Manitoba, l'assistance publi-
que fournie par les municipalités dans cette pro
vince constitue une dette qui doit être remboursée
par le bénéficiaire et non un don; qu'en déléguant
«pleinement» à ses municipalités le pouvoir de fixer
les taux d'assistance publique, la province du
Manitoba a contrevenu aux dispositions du
Régime d'assistance publique du Canada en n'éta-
blissant pas le critère qui est exigé dans la défini-
tion de «personne nécessiteuse».
Aux fins de la présente instance, les allégations
de l'appelant doivent être considérées comme
vraies.
En ce qui concerne sa qualité pour agir, l'appe-
lant soutient qu'à titre de personne nécessiteuse
qui a subi un préjudice en étant privé de ses
besoins fondamentaux, il est particulièrement con
cerné par l'exécution et l'application en bonne et
due forme du Régime d'assistance publique du
Canada et de l'accord conclu avec la province du
Manitoba en vertu de ce Régime.
L'avocat des intimés s'est fondé sur l'affaire La
compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Limi-
tée et autre c. Le ministre du Revenu national et
autres [N° 1J 21 et il a déclaré qu'on ne pouvait
établir de distinction entre cette cause et la pré-
sente affaire en ce qui concerne la qualité pour
agir. Je ne souscris pas à ce point de vue, les deux
cas étant tout à fait différents.
Dans l'affaire Rothmans, les requérantes qui, à
titre de fabricants de cigarettes, réclamaient un
bref de prohibition et d'autres redressements de
même nature, prétendaient que pour les fins de la
définition de «cigarette» dans la Loi sur l'accise
[S.R.C. 1970, chap. E-12], il faut tenir compte du
bout filtre d'une cigarette lorsqu'il s'agit de déter-
miner la longueur de la cigarette. Le Ministère
était d'avis que le bout filtre ne devrait pas être
inclus et on a prétendu que cela accordait aux
autres fabricants un avantage qui causait un préju-
dice aux requérantes. La Cour d'appel fédérale a
jugé, à l'instar du juge de première instance, que
les requérantes n'avaient la qualité requise pour
obtenir aucun des redressements qu'elles récla-
maient dans leur demande.
21 [1976] 2 C.F. 500 (C.A.), confirmant [1976] 1 C.F. 314
(1'e inst.).
Il s'agit, en l'espèce, d'un cas entièrement diffé-
rent. L'appelant est un bénéficiaire du bien-être
social qui demande un jugement déclaratoire pour
déterminer le sens et la portée de certaines disposi
tions du Régime d'assistance publique du Canada,
compte tenu de la façon dont, prétend-il, les auto-
rités provinciales ont appliqué la loi provinciale à
son égard. La question à laquelle l'appelant
demande aux tribunaux de répondre est de savoir
si les dispositions des lois du Manitoba mention-
nées dans sa déclaration touchent les droits qu'il
prétend avoir en vertu du Régime d'assistance
publique du Canada.
Comme l'a déclaré le juge Dickson de la Cour
suprême du Canada dans l'affaire Solosky c. Sa
Majesté La Reine 22 , nous ne sommes pas restreints
par le libellé utilisé dans la demande de
redressement 23 . Ce qui importe avant tout dans le
présent cas est de savoir s'il s'agit vraiment d'une
question d'intérêt public et si le requérant a un
intérêt particulier pour obtenir un jugement décla-
ratoire sur celle-ci. A mon avis, il faut répondre à
ces deux questions par l'affirmative.
Il y a un autre aspect de la question qu'il faut
examiner en ce qui concerne la qualité pour agir: il
s'agit de savoir, pour reprendre les termes du juge
Martland dans l'affaire Le ministre de la Justice
du Canada et autre c. Borowski 24 , s'il existe une
autre «manière raisonnable et efficace de soumet-
tre la question à la cour«.
Je mentionnerai tout d'abord un certain nombre
de causes entendues par les tribunaux manito-
bains.
Dans l'affaire Finlay and Director of Welfare
(Winnipeg South/West) 25 , la Cour d'appel du
Manitoba a décidé que le directeur du Bien-être
social était autorisé par la législation manitobaine
à réduire les allocations sociales mensuelles de
l'appelant au-dessous du coût des besoins essentiels
22 [1980] 1 R.C.S. 821, la p. 830.
23 Voici ce qui est écrit à la p. 482, de Smith's Judicial
Review of Administrative Action, 4' éd., Londres, Stevens &
Sons Limited, 1980, en ce qui concerne les procédures relatives
au jugement déclaratoire: [TRADUCTION] *Aucun autre recours
judiciaire n'est aussi peu restreint par la procédure.>
24 [1981] 2 R.C.S. 575, la p. 598.
25 (1976), 71 D.L.R. (3d) 597 (C.A. Man.).
dans le but de recouvrer un plus-payé. Il n'est pas
fait mention du Régime d'assistance publique du
Canada dans les motifs de la Cour.
Dans l'affaire subséquente (non publiée) de
Beattie and The Director of Social Services (Win-
nipeg South/West), l'une des questions au sujet de
laquelle l'autorisation d'interjeter appel a été
accordée était de savoir si le comité consultatif des
services sociaux a commis une erreur en permet-
tant au directeur des Services sociaux de déduire
un plus-payé en violation d'un accord conclu entre
le gouvernement du Manitoba et celui du Canada.
Voici comment le juge d'appel Hall a répondu à
cette question dans les motifs qu'il a prononcés au
nom de la Cour le 15 mai 1978:
[TRADUCTION] En réponse à la première question, nous
sommes d'avis que l'existence et la violation possible de l'accord
conclu entre les gouvernements provincial et fédéral concernant
l'obligation de fournir des allocations sociales suffisantes pour
satisfaire aux besoins essentiels des bénéficiaires n'ont aucun
rapport avec la question du recouvrement des plus-payés à
même les allocations sociales alors versées.
Le 30 mars 1978, la Division de première ins
tance de la Cour fédérale (T-1240-78) a rejeté la
demande présentée par Kathryn Beattie visant à
obtenir un bref de prohibition, un bref de manda-
mus et une injonction contre le ministre de la
Santé nationale et du Bien-être social.
Il semble qu'il n'existe pas de «manière raison-
nable et efficace» dont l'appelant peut soumettre la
question à la Cour, autrement que par une action
visant à obtenir un jugement déclaratoire.
Le juge de première instance a également radié
la déclaration pour le motif subsidiaire qu'elle ne
révélait aucun fondement raisonnable permettant
d'obtenir le redressement demandé.
L'appelant prétend essentiellement que la légis-
lation manitobaine va à l'encontre de l'alinéa 2a)
de l'accord conclu le 26 mars 1967 entre le gouver-
nement du Canada et celui de la province du
Manitoba. Il s'agit de l'accord autorisé par l'article
4 26 et dont le paragraphe 7(1) 27 du Régime d'as-
sistance publique du Canada fait mention.
L'alinéa 2a) de l'accord prévoit ce qui suit:
[TRADUCTION] La province s'engage
a) à fournir l'aide financière ou une autre forme d'assistance
publique à toute personne de la province du Manitoba qui est
une personne nécessiteuse visée par le sous-alinéa (i) de
l'alinéa g) de l'article 2 de la Loi dans une mesure ou d'une
manière compatibles avec ses besoins fondamentaux;
L'article 2 de la Loi définit «personne nécessi-
teuse» comme suit:
2....
a) une personne qui, par suite de son incapacité d'obtenir un
emploi, de la perte de son principal soutien de famille, de sa
maladie, de son invalidité, de son âge ou de toute autre cause
acceptable pour l'autorité provinciale, est reconnue incapable
(sur vérification par l'autorité provinciale qui tient compte
des besoins matériels de cette personne et des revenus et
ressources dont elle dispose pour satisfaire ces besoins) de
subvenir convenablement à ses propres besoins ou à ses
propres besoins et à ceux des personnes qui sont à sa charge
ou de l'une ou plusieurs d'entre elles, ou
Il faut avoir examiné attentivement toutes les
dispositions du Régime d'assistance publique du
Canada et de l'accord, visé à l'article 4, conclu
avec le Manitoba pour pouvoir établir le bien-
fondé de la prétention de l'appelant. Cela n'ayant
pas encore été fait, il n'est pas possible de dire si
son point de vue est indéfendable ou manifeste-
ment insoutenable.
Le présent cas ressemble à l'affaire Carota c.
Jamieson et autre 28 où le demandeur réclamait un
26 4. Sous réserve des dispositions de la présente loi, le
Ministre peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil,
conclure avec toute province un accord prévoyant le paiement,
par le Canada à la province, de contributions aux frais encourus
par la province et des municipalités de la province, au titre
a) de l'assistance publique fournie par des organismes
approuvés par la province ou à la demande de ceux-ci, et
b) des services de bien-être social fournis dans la province par
des organismes approuvés par la province,
en conformité de la législation provinciale.
27 7. (1) Les contributions ou les avances sur lesdites contri
butions doivent, dès présentation du certificat du Ministre, être
payées sur le Fonds du revenu consolidé aux époques et de la
manière qui peuvent être prescrites, mais tous ces paiements
sont assujettis aux conditions spécifiées dans la présente Partie
et dans les règlements et à l'observation des conventions et des
engagements contenus dans un accord.
28 [1977] 1 C.F. 19 (1" inst.); [1977] 1 C.F. 504 (1'° inst.),
confirmé à [1977] 2 C.F. 239 (C.A.).
jugement déclaratoire portant qu'un accord conclu
entre le gouvernement du Canada et celui de
l'Île-du-Prince -Edouard était nul parce qu'il allait
à l'encontre d'un article de la Loi sur le ministère
de l'Expansion économique régionale, S.R.C.
1970, chap. R-4.
Je conclus que l'appelant devrait pouvoir sou-
mettre à la Cour la question qu'il soulève.
L'appel dans l'affaire A-1195-82 devrait être
accueilli et la déclaration rétablie. Les intimés
devraient bénéficier d'un délai de trente jours à
compter de la date du jugement rendu par cette
Cour pour produire une défense dans la présente
action.
Je suis d'accord avec le refus d'une injonction
confirmé par le juge en chef concernant la requête
introductive d'instance dans l'affaire A-1187-82.
Il ne devrait pas y avoir d'ordonnance concer-
nant les dépens dans aucun des deux cas.
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