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T-1446-83
A. W. C. Parsons, Hugh J. Flemming fils, pour leur propre compte et à titre d'exécuteurs testa- mentaires de la succession de Hugh John Flem- ming père (requérants)
c.
Ministre du Revenu national (intimé)
Division de première instance, juge Cattanach— Ottawa, 28 juin et 12 août 1983.
Impôt sur le revenu Pénalités Requête en ordonnance annulant des cotisations et en injonction interdisant toute autre mesure s'y rapportant La cotisation d'impôt des adminis- trateurs requérants, établie sous le régime de l'art. 159, s'élève à une somme égale au dividende qu'ils avaient déclaré sans avoir obtenu le certificat prévu à l'art. 159(2) et après que la cotisation de la compagnie eut été établie à zéro De nouvelles cotisations ont par la suite été établies pour la compagnie, indiquant que des impôts étaient dus Les requé- rants font valoir que les cotisations ne sont pas autorisées par la loi La cotisation consiste à calculer l'impôt payable, à fixer le montant et à déterminer l'assujettissement à l'impôt La cotisation constitue un acte administratif L'art. 159(2) et (3) est de nature pénale et doit s'interpréter restrictivement Un bulletin d'interprétation n'a aucun effet juridique et il s'agit en l'espèce d'une interprétation erronée Le certificat n'est requis et, par conséquent, l'assujettissement à l'impôt afférent n'existe que si l'impôt a précédemment été établi L'article défini «the» employé dans la version anglaise de l'art. 159(3) précise l'impôt non payé, implique donc obligation de payer et cotisation Aucun impôt n'ayant été établi au moment de la déclaration du dividende, aucun certificat n'était requis Il est douteux que la déclaration du dividende constitue «une répartition de biens» Un administrateur contrôle-t-il des biens? Il se peut qu'un conseil d'adminis- tration contrôle tous les actifs de la compagnie, sous réserve du droit de regard des actionnaires Les impôts cotisés ne sont pas «imputables ou payables» sur les biens de la société comme le prévoit l'art. 159(2) Le terme «administrateur de compagnie» est un terme technique; il est utilisé dans d'autres dispositions, mais il n'est pas mentionné à l'art. 159(2) L'emploi de l'expression «and other like person» dans la version anglaise est une façon inhabituelle de rédiger un texte de loi Un administrateur de compagnie n'est pas une «autre personne semblable» Un administrateur de compagnie n'est pas tenu de produire une déclaration en vertu de l'art. 150; il n'est donc pas mentionné à l'art. 159(1) Requête acueillie Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 150, 152(1) (abrogé et remplacé par S.C. 1978, chap. 5, art. 5), 159(1),(2),(3), 173(1), 222, 248(1) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 18, 28 Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 319, 603.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Certiorari Impôt sur le revenu Requête en ordonnance annulant des cotisations et en injonction interdisant toute autre mesure s'y rapportant La cotisation d'impôt des administrateurs requérants, établie sous le régime de l'art. 159 de la Loi de
l'impôt sur le revenu (»la Loi»), s'élève à une somme égale au dividende qu'ils avaient déclaré sans avoir obtenu le certificat prévu à l'art. 159(2) et après que la cotisation de la compagnie eut été établie à zéro De nouvelles cotisations ont par la suite été établies pour la compagnie, indiquant que des impôts étaient dus Les requérants font valoir que les cotisations ne sont pas autorisées par la loi Étant un acte administratif la cotisation peut faire l'objet d'un examen sous le régime de l'art. 18 de la Loi sur la Cour fédérale Le Ministre est assimilable à un «office» visé à l'art. 18 lorsqu'il prétend exercer les pouvoirs conférés par la Loi Les méthodes prévues par la Loi pour contester une cotisation ne font pas entrer en jeu la disposition privative qu'est l'art. 29 de la Loi sur la Cour fédérale L'applicabilité de l'art. 29 dépend de la nature de l'appel La compétence conférée par l'art. 18 inclut plusieurs questions qui sont susceptibles d'appel L'opposition du contribuable et le réexamen fait par le Minis- tre sous l'empire de l'art. 165 de la Loi font partie intégrante du processus d'établissement de la cotisation et ne constituent pas un appel proprement dit Les appels devant la Commis sion de révision de l'impôt et devant la Cour fédérale portent sur le fond de la cotisation (le montant et l'assujettissement à l'impôt) et non sur l'existence du pouvoir d'établir des cotisa- tions Y-a-t-il lieu de rejeter la requête parce qu'un autre recours est possible ou est plus approprié? Le Ministre a rejeté l'option de déférer l'affaire à la Cour en vertu de l'art. 173(1) de la Loi L'omission d'épuiser les moyens d'appel constitue un motif habituellement invoqué pour justifier le refus de faire droit à des recours discrétionnaires Les tribunaux sont réticents à insister sur l'appel prévu par la loi lorsqu'un organisme s'est illégitimement attribué un pouvoir par suite d'une erreur de droit Les faits de l'espèce n'étant pas discutables, une instruction n'est donc pas nécessaire L'opposition et l'appel ne sont pas un recours plus adéquat, entraînent des frais supplémentaires et constituent une façon indirecte non nécessaire de résoudre le litige Le temps est un élément particulièrement important pour un requérant qui exerce une profession, puisque le fait de devoir à la Couronne une somme importante est particulièrement préjudiciable à la profession de ce requérant Requête accueillie Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 159(1),(2),(3), 165(1),(3)b), 169, 172(2), 173(1) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 » Supp.), chap. 10, art. 18, 28, 29 Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 319, 603.
En juin 1979, le Ministre a établi la cotisation de North Carleton Land Company Limited («la compagnie») en indi- quant «néant» comme l'impôt payable pour l'année 1978. En octobre 1979, le conseil d'administration de la compagnie s'est réuni et a déclaré un dividende d'environ 454 000 $. Les requé- rants Parsons et Flemming fils, ainsi que Flemming père, ont assisté à la réunion, mais les deux autres administrateurs de la compagnie étaient absents. En mai 1981, le Ministre a établi de nouvelles cotisations de la compagnie pour les années 1978 et 1979, indiquant que, relativement à ces deux années, la compa- gnie devait, à titre d'impôts, un total d'environ 718 000 $. La compagnie a signifié un avis d'opposition. Le Ministre a rejeté l'opposition et il a confirmé les nouvelles cotisations. En sep- tembre 1982, la compagnie a interjeté appel, devant la Com mission de révision de l'impôt, de ces deux nouvelles cotisations.
En février 1983, le Ministre a envoyé un avis de cotisation à Parsons, à Flemming fils et à la succession de Flemming père. Chaque cotisation s'élevait au montant du dividende susmen- tionné. Ces cotisations reposaient sur l'idée que, en déclarant un dividende sans avoir obtenu au préalable un certificat ministériel prévu au paragraphe 159(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, c.-à-d. un certificat attestant le paiement des impôts dus par la compagnie, les trois administrateurs s'étaient rendus personnellement responsables de ces impôts et ce, en applica tion du paragraphe 159(3). (Le montant des cotisations a été fixé conformément à la position adoptée par le Ministère dans le bulletin IT-368, savoir que la responsabilité personnelle prévue au paragraphe 159(3) est limitée à la valeur des biens distribués.)
Les requérants ont prétendu que ces trois dernières cotisa- tions n'étaient pas autorisées par la loi et étaient donc nulles. Ils ont suggéré de faire trancher promptement le litige établi en saisissant, en vertu du paragraphe 173(1), la Cour fédérale d'une question; le Ministre a toutefois rejeté cette proposition. Les requérants ont alors sollicité une ordonnance annulant les trois cotisations et une injonction interdisant au Ministre de prendre toute autre mesure à leur égard.
Jugement: la requête est accueillie.
Établir une cotisation revient à calculer l'impôt payable par le contribuable. La cotisation fixe le montant de l'impôt paya ble et détermine donc l'assujettissement du contribuable à l'impôt. Il s'agit d'un acte administratif et, en tant que tel, elle ne relève pas de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale; elle est plutôt susceptible d'un examen sous le régime de l'article 18. De plus, en exerçant et en prétendant exercer les pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi de l'impôt sur le revenu, le Ministre est assimilable à un «office», au sens de l'article 18. De même, en vertu de l'article 18, la Division de première instance a compétence pour accorder un bref de certiorari et une injonction, les redressements demandés par les requérants en l'espèce.
Néanmoins, à la lumière des procédures de contestation d'une cotisation prévues par la Loi de l'impôt sur le revenu, le Ministre soutient que l'article 29 fait obstacle au dépôt de la présente requête. L'article 29 comporte une disposition priva- tive, qui interdit le contrôle judiciaire d'une décision d'un office dans la mesure cette décision particulière est sujette à appel en vertu des dispositions expresses d'une loi fédérale. Or, l'applicabilité de cet article dans un cas particulier dépend donc de la nature de l'appel prévu par la Loi en question. Qui plus est, dans nombre de cas, la compétence conférée à la Cour par l'article 18 s'étend aux questions qui sont susceptibles d'appel. En conséquence, la question à trancher est de savoir si les méthodes de contestation d'une cotisation prévues à la Loi de l'impôt sur le revenu sont telles qu'elles font entrer en jeu l'interdiction prévue à l'article 29 à l'égard d'une requête du genre de celle dont la Cour est actuellement saisie.
L'une de ces méthodes réside dans la procédure prévue à l'article 165, selon laquelle le contribuable produit un avis d'opposition et le Ministre est tenu par la suite de réexaminer la cotisation. Toutefois, il ne s'agit pas du tout d'un appel. Cette procédure fait simplement partie du processus d'établissement de la cotisation lui-même. La Loi prévoit, à d'autres articles, des appels proprement dits, savoir l'appel devant la Commission de révision de l'impôt sous le régime de l'article 169 et l'appel
devant la Cour fédérale sous l'empire du paragraphe 172(2). Toutefois, les appels ainsi autorisés ne portent que sur le fond d'une cotisation, c'est-à-dire sur les questions du montant et de l'assujettissement à l'impôt. Il s'agit de questions très diffé- rentes de celle de l'existence du pouvoir légal d'établir la cotisation; et puisque c'est cette dernière question que les requérants désirent soulever, ni l'existence des dispositions d'ap- pel de la Loi de l'impôt sur le revenu, ni l'entrée en jeu de l'article 29 qui en découle ne font obstacle à leur requête.
La Cour devrait-elle néanmoins rejeter la requête sans en examiner le fond soit pour le motif qu'un autre recours est possible, soit parce qu'un recours subsidiaire est plus appro- prié? En premier lieu, les requérants à l'instance disposaient effectivement de deux recours à l'exception de celui pour lequel ils ont opté. L'un de ces recours consistait néanmoins à s'enten- dre avec le Ministre pour faire trancher une question de droit par la Cour, c'est ce que les requérants ont effectivement tenté de faire; néanmoins, le Ministre n'a pas souscrit à cette initia tive. Les requérants avaient un autre choix, celui de déposer un avis d'opposition et, le cas échéant, de poursuivre cette étape jusqu'à la formation d'un appel devant la Commission ou devant la Cour fédérale (ou devant les deux successivement); et il est vrai que l'omission d'un requérant d'épuiser les moyens d'appel subsidiaires, lorsqu'ils existent, constitue un motif habi- tuellement invoqué pour justifier le refus par la Cour de faire droit à des recours discrétionnaires. Toutefois, la question que les requérants désirent faire trancher est de savoir si le Ministre a commis une erreur de droit et, par conséquent, s'est illégiti- mement attribué un pouvoir; et lorsqu'un organisme s'est illégi- timement attribué un pouvoir par suite d'une erreur de droit, les tribunaux se sont montrés réticents à obliger les intéressés à recourir aux procédures d'appel prévues par la loi, considérant comme sans conséquence l'omission par un requérant de recou- rir à cette option. En l'espèce, aucun des faits sur lesquels reposent les trois cotisations n'est susceptible de contestation; il n'y a donc pas lieu à une instruction en bonne et due forme, ce qu'entraînerait un appel devant la Cour fédérale. De plus, procéder par voie d'opposition et d'appel ne garantirait pas aux requérants un recours plus adéquat que celui sollicité ici. Adopter cette procédure subsidiaire viendrait à emprunter une voie détournée, inutile pour trancher la question principale, qui ne serait examinée que d'une façon incidente. Par contre, la présente procédure va directement au coeur du problème. Elle est également moins coûteuse et plus expéditive que l'autre solution. Le temps est un élément particulièrement important pour l'un des requérants qui exerce une profession: le fait de devoir à la Couronne une somme aussi importante que celle mentionnée dans ces cotisations est particulièrement préjudicia- ble à un emploi de nature professionnelle. En raison de cela, la Cour peut à juste titre tenir compte du fait que les lenteurs de la justice constituent un déni de justice. Ainsi donc, pour plusieurs motifs, la Cour devrait procéder à l'examen de la question de savoir si le Ministre tenait de l'article 159 le pouvoir d'établir les cotisations contestées.
Les paragraphes 159(2) et (3) sont essentiellement de nature pénale. Ils doivent donc être interprétés restrictivement et le Ministre doit prouver que la personne qu'il cherche à pénaliser est directement visée par ces dispositions. Il est dit dans le bulletin du Ministère que, en vertu du paragraphe 159(3), une personne peut être tenue responsable de tous les impôts, «que ces derniers aient été établis ou non avant la répartition des
biens». Toutefois, un bulletin d'interprétation n'a absolument aucun effet juridique. De plus, l'interprétation du Ministère va à l'encontre des termes non équivoques du paragraphe 159(2): une personne n'est responsable (sous le régime du paragraphe (3)) que si elle a omis d'obtenir un certificat lorsque celui-ci est requis et, en vertu du paragraphe (2), un certificat n'est requis qu'à l'égard des impôts «qui ont été fixés». Le paragraphe (3) lui-même affirme implicitement que l'existence de ces impôts est une condition nécessaire de la responsabilité, dans la mesure il parle de responsabilité à l'égard «des impôts non payés» (»the unpaid taxes») (soulignement ajouté). Ici, l'article défini «the» implique l'existence d'impôts précis non payés. Mais ceux-ci ne sauraient exister sans une obligation préalable d'ac- quitter ces impôts, obligation qui découle nécessairement d'une cotisation. Dans le présent cas, il découle de la cotisation de juin 1979 qu'aucun impôt n'avait été fixé à l'époque de la déclaration du dividende; par conséquent, aucune obligation d'obtenir un certificat n'a découlé de l'existence de ces impôts.
Il existe d'autres obstacles au recours à l'article 159 à l'encontre des requérants à l'instance. D'une part, le paragra- phe 159(2) n'a trait qu'au cas une des personnes y nommées procède à la «répartition de tous biens placés sous son contrôle». On ne sait pas si la déclaration d'un dividende constitue une «répartition de biens», mais ce point mis à part, on peut se demander quels biens un administrateur peut avoir sous son contrôle. Toutefois, on pourrait faire valoir encore—mais cela est douteux—que tous les actifs de la compagnie sont sous le contrôle du conseil d'administration, car même le pouvoir du conseil est soumis au droit de regard ultime des actionnaires.
D'autre part, le paragraphe (2) fait état d'impôts qui non seulement ont été fixés, mais qui sont aussi «imputables ou payables» sur les biens distribués. En l'absence de procédures de recouvrement qui entraînent une charge, les impôts fixés ne sembleraient pas imputables ni payables sur les actifs d'une société.
Une autre difficulté réside dans le fait que bien que le Ministre ait cherché à tenir pour responsables les requérants (et la succession Flemming) en leur qualité d'administrateurs de compagnie, les administrateurs de compagnie ne constituent pas une catégorie de personnes à laquelle le paragraphe 159(2) s'applique. Le terme «administrateur de compagnie» est un terme technique, et bien qu'il ait été utilisé dans d'autres dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, il n'est pas inclus dans les termes introductifs du paragraphe 159(2). Par consé- quent, pour qu'un administrateur de compagnie soit visé par le paragraphe 159(2), il faudrait que ce soit en vertu des termes génériques «ou autre personne semblable», en interprétant l'ex- pression selon la doctrine ejusdem generis. L'emploi du mot «and» (et) dans la version anglaise (plutôt que du mot «or» (ou)) et du mot «person» (personne) au singulier est une façon inhabituelle de rédiger un texte de loi; et il est possible qu'on ait voulu relier uniquement les termes génériques et le terme «executor» (exécuteur testamentaire). En tout cas, les droits et obligations d'un directeur de compagnie sont très différents de ceux de chacune des personnes particulièrement nommées. Un administrateur de compagnie n'est pas «semblable» à l'une ou l'autre de ces personnes et, par conséquent, n'est pas visé, même par application des termes génériques du paragraphe (2). De plus, il n'appartient pas à la catégorie des personnes à laquelle le paragraphe (1) fait allusion, puisque l'article 150 ne l'oblige pas à produire une déclaration.
Par ces motifs, les requérants n'étaient nullement assujettis à l'obligation d'obtenir un certificat prévu au paragraphe 159(2). Les trois cotisations, qui reposaient sur une telle obligation, étaient illégales.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS SUIVIES:
Pure Spring Company Limited v. Minister of National Revenue, [1946] R.C.E 471; [1946] C.T.C. 169; Marti- neau c. Le Comité de discipline de l'Institution de Mats- qui, [1980] 1 R.C.S. 602.
DÉCISION CITÉE:
Harelkin c. L'université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561.
AVOCATS:
E. J. Mockler, c.r. et B. A. Crane, c.r., pour
les requérants.
D. G. Gibson pour l'intimé.
PROCUREURS:
Mockler, Allen & Dixon, Fredericton, pour les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Par un avis de requête fondé sur la Règle 603 [Règles de la Cour fédé- rale, C.R.C., chap. 663], les requérants visent à obtenir, à l'aide d'une ordonnance:
[TRADUCTION] a) l'évocation devant la présente Cour et l'annulation des trois cotisations de chacun des requérants en l'espèce établies par le sous-ministre du Revenu national en date du 8 février 1983 en vertu du paragraphe 159(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148 (mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63)], au montant identique de 454 425,27 $, faute par eux de s'être conformés au paragra- phe 159(2) de cette Loi, «cette somme représentant le mon- tant de l'impôt restant à payer par North Carleton Land Company Limited (ci-après appelée «North Carleton») pour les années d'imposition 1978 et 1979»;
(La déclaration indiquant dans chacun des avis de cotisation que la somme de 454 425,27 $ est le montant de l'impôt par North Carleton est inexacte. Les cotisations d'impôt de North Carleton ont finalement été fixées à 681 321,67 $ pour son année d'imposition 1978 et à 36 758,72 $ pour son année d'imposition 1979, soit un total de 718 080,39 $ pour les deux années et non 454 425,27 $ ou 1 363 275,81 $.)
b) une injonction interdisant au Ministre, à ses agents, préposés et employés de prendre toute autre mesure relative à ces cotisations ou de tenter d'y donner suite.
North Carleton est une compagnie constituée sous le régime des lois du Nouveau-Brunswick, dont les administrateurs étaient les requérants A. W. C. Parsons et Hugh J. Flemming fils ainsi que feu Hugh John Flemming père qui est décédé le 16 octobre 1982.
Le 14 juin 1979, le Ministre a établi la cotisa- tion de North Carleton en indiquant «NÉANT» sur sa déclaration d'impôt pour l'année 1978.
Quatre mois plus tard, soit le 16 octobre 1979, le conseil d'administration composé de A. W. C. Parsons, Hugh John Flemming père, Hugh John Flemming fils, William L. Hoyt, c.r., (qui est maintenant juge) et F. G. Flemming s'est réuni et a déclaré un dividende de 908,85 $ par action ordinaire du capital-actions de North Carleton, soit un total de 454 425,27 $ qui a été versé en son entier à Flemming Industries Limited, l'unique actionnaire, mises à part les actions statutaires des administrateurs qui sont détenues en fiducie.
Le juge Hoyt et F. G. Flemming étaient absents. Le juge Hoyt a renoncé à l'avis de convocation et a approuvé les décisions qui ont été prises à cette réunion.
À la suite de la production de la déclaration d'impôt de North Carleton pour l'année d'imposi- tion 1979, le Ministre a établi, en date du 27 mai 1981, par un avis envoyé le jour même, une nou- velle cotisation pour son année d'imposition 1978 au montant de 681 321,67 $, y compris les intérêts au montant de 138 489,19 $. La cotisation pour cette année avait déjà été établie en date du 14 juin 1979 et indiquait que le contribuable n'avait aucun impôt à payer. Le même jour, il a aussi établi une nouvelle cotisation de North Carleton pour son année d'imposition 1979 au montant de 36 758,72 $, soit un total de 718 080,39 $ pour les deux années.
Le 20 août 1981, North Carleton a produit un avis d'opposition.
Le 6 juillet 1982, le Ministre a rejeté l'opposi- tion et confirmé les cotisations.
Le 27 septembre 1982, North Carleton a déposé un avis d'appel devant la Commission de révision de l'impôt concernant les cotisations établies en date du 27 mai 1981 pour ses années d'imposition 1978 et 1979.
Hugh John Flemming père est décédé le 16 octobre 1982. Dans son dernier testament, il a désigné à titre d'exécuteurs testamentaires et de fiduciaires, Hugh John Flemming fils, A. W. C. Parsons, le juge William L. Hoyt et Royal Trust Corporation of Canada.
Le 27 janvier 1983, Royal Trust a renoncé à son droit de participer à l'administration de la succes sion à titre d'exécuteur testamentaire et de fiduciaire.
Au lei février 1983, le ministère du Revenu national s'occupait de cette question depuis deux ans.
Le 8 février 1983, le Ministre a fait parvenir à A. W. C. Parsons et Hugh John Flemming fils à titre d'administrateurs de North Carleton, un avis de cotisation en application du paragraphe 159(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu, au montant de 454 425,27 $ chacun, ce qui représente le montant du dividende déclaré le 16 octobre 1979 par le conseil d'administration de North Carleton dont ils faisaient partie à titre de participants à la déclara- tion de dividendes; il a également envoyé un avis de cotisation identique à la succession de feu Hugh John Flemming père.
Ce sont les cotisations dont on demande l'évoca- tion devant la présente Cour et l'annulation.
Le juge Hoyt et F. G. Flemming n'ont pas fait l'objet de telles cotisations, peut-être parce que le Ministre n'a pas cru bon de le faire étant donné qu'ils n'ont pas assisté à la réunion du conseil au cours de laquelle le dividende a été déclaré.
Les avocats des requérants prétendent essentiel- lement que les cotisations en question ne sont pas autorisées par la loi et comme telles, sont illégales et nulles.
Il semble peu probable que les faits sur lesquels les cotisations sont fondées puissent être contestés par les parties ou modifiés au cours du procès.
À la lumière de ces circonstances, les avocats des requérants ont suggéré d'expédier l'affaire en invoquant le paragraphe (1) de l'article 173 de la Loi de l'impôt sur le revenu qui est ainsi rédigé:
173. (1) Lorsque le Ministre et un contribuable conviennent, par écrit, de faire trancher par la Cour fédérale une question de droit, une question de fait ou une question de droit et de fait
surgissant dans l'application de la présente loi, la Cour doit se prononcer sur cette question conformément au paragraphe 17(3) de la Loi sur la Cour fédérale.
Le Ministre a repoussé cette suggestion, comme il a le droit de le faire, mais son refus a incité les requérants à faire appel, dans la présente requête, au recours expéditif que constitue le certiorari.
L'issue dépend de l'interprétation de l'article 159 de la Loi de l'impôt sur le revenu et en particulier de ses paragraphes (2) et (3).
L'objet de l'article est clair. Les personnes qui sont tenues en vertu de l'article 150 de produire une déclaration de revenu au nom d'une ou de plusieurs autres personnes, en qualité de fiduciai- res conformément au paragraphe 159(2), peuvent être tenues personnellement responsables des impôts, intérêts et pénalités non payés, si elles n'ont pas d'abord obtenu du Ministre un certificat de décharge avant la répartition des biens qu'elles ont sous leur contrôle.
Pour savoir si ces personnes incluent un admi- nistrateur, il faut interpréter la loi. Une décision fondée sur une interprétation erronée d'une loi est une erreur de droit évidente à la lecture même du dossier et comme telle, elle donne ouverture à un redressement sous forme de certiorari presque ex debito justitiae (expression malheureuse pour les motifs énoncés par le juge Beetz dans l'affaire Harelkin c. L'université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561, aux pages 575 et 576).
L'avocat de l'intimé invoque l'existence d'une disposition privative à l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10] qui prévoit ce qui suit:
29. Nonobstant les articles 18 et 28, lorsqu'une loi du Parlement du Canada prévoit expressément qu'il peut être interjeté appel, devant la Cour, la Cour suprême, le gouverneur en conseil ou le conseil du Trésor, d'une décision ou ordonnance d'un office, d'une commission ou d'un autre tribunal fédéral, rendue à tout stade des procédures, cette décision ou ordon- nance ne peut, dans la mesure il peut en être ainsi interjeté appel, faire l'objet d'examen, de restriction, de prohibition, d'évocation, d'annulation ni d'aucune autre intervention, sauf dans la mesure et de la manière prévues dans cette loi.
La question est de savoir si l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale s'applique aux appels d'une cotisation prévus par la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'applicabilité de l'article 29 dans un cas parti- culier dépend de la nature de l'appel prévu par la loi en question.
Dans nombre de cas, la compétence conférée à la Cour par l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale s'étend aux questions qui sont susceptibles d'appel autant qu'à celles qui ne le sont pas.
En vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, la Division de première instance a com- pétence exclusive en première instance pour accor- der une injonction et un bref de certiorari, le redressement demandé par les requérants en l'es- pèce, contre un office, une commission ou tout autre tribunal fédéral. En exerçant ou en préten- dant exercer les pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi de l'impôt sur le revenu, le Ministre est assimilable à un office.
Dans l'affaire Pure Spring Company Limited v. Minister of National Revenue, [1946] R.C.E 471; [ 1946] C.T.C. 169, le président Thorson a jugé que le fait d'établir une cotisation constitue un acte administratif et non judiciaire (jugement con firmé par le Conseil privé). C'est la cotisation qui fixe le montant de l'impôt et détermine l'assujettis- sement du contribuable à l'impôt. Cet acte consiste à calculer l'impôt.
Puisqu'il s'agit d'un acte administratif, il relève non pas de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale mais plutôt de l'article 18 de cette Loi. C'est ce qui a été décidé dans l'affaire Martineau c. Le Comité de discipline de l'Institution de Matsqui, [ 1980] 1 R.C.S. 602.
L'article 18 diffère de l'article 28 dans la mesure le pouvoir de faire droit à une demande de redressement reconnue en equity et par voie de bref de prérogative est essentiellement discrétion- naire.
Le fait qu'un appel puisse être prévu n'est qu'un élément dont il faut tenir compte aux fins de l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire et il n'est pas, en soi, concluant.
L'article 165 de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit qu'un contribuable qui s'oppose à une coti- sation (comme le font tous les contribuables) peut produire un avis d'opposition exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents.
Lorsqu'il reçoit un avis d'opposition, le Ministre doit faire diligence pour réexaminer le montant.
C'est ce que l'avocat de l'intimé a appelé un appel [TRADUCTION] «interne».
À mon avis, il ne s'agit pas d'un appel. Cet acte du Ministre continue de faire partie intégrante du processus d'établissement de la cotisation.
L'annulation de cette cotisation satisferait sans doute le contribuable et mettrait un terme au différend.
Cependant, si la cotisation est confirmée ou quelque peu modifiée, l'article 169 permet au con- tribuable d'interjeter appel devant la Commission de révision de l'impôt ou devant la Cour fédérale du Canada conformément au paragraphe 172(2).
Le dépôt d'un avis d'opposition à la cotisation est cependant une condition préalable à l'exercice du droit d'appel devant la Commission de révision de l'impôt ou la Cour fédérale et il demeure une condition préalable même si le contribuable désire éviter un nouvel examen par le Ministre et interje- ter appel directement devant la Commission ou la Cour conformément à l'alinéa 165(3)b) de la Loi.
La cotisation établie par le Ministre, qui fixe le montant et détermine l'assujettissement à l'impôt, est ce qui fait l'objet de l'appel.
Le montant de la cotisation n'est pas le motif du pourvoi des requérants dans le présent cas.
Ceux-ci interjettent appel des cotisations pour le motif que le Ministre n'était pas habilité dans les circonstances à établir ces cotisations et qu'en conséquence, celles-ci sont nulles et illégales.
Lorsqu'on allègue une erreur de droit qui entraîne l'incompétence, le certiorari est le recours approprié et à mon avis, ce recours peut être exercé en dépit de l'existence d'une procédure d'appel portant sur le montant de la cotisation et sur l'assujettissement à l'impôt qui est le but du processus d'établissement de la cotisation. Il s'agit d'un appel concernant une question qui est tout à fait différente de l'inhabilité à établir la cotisation.
Pour cette raison, l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale ne constitue pas, à mon avis, un
obstacle aux procédures de certiorari et d'injonc- tion engagées par les requérants.
Comme il a été conclu que cette Cour a compé- tence pour agir, il s'agit de savoir si elle devrait exercer cette compétence ou refuser de le faire.
Le redressement par voie de bref de prérogative et reconnu en equity demandé par les requérants est discrétionnaire et comme tel, il faut que le pouvoir discrétionnaire qui s'y rapporte soit exercé conformément aux principes juridiques applica- bles.
L'omission des requérants d'épuiser les moyens d'appel subsidiaires, lorsqu'ils existent, constitue un motif habituellement invoqué pour justifier le refus de faire droit à des recours discrétionnaires.
Toutefois, lorsqu'un organisme s'est illégitime- ment attribué un pouvoir par suite d'une erreur de droit, comme cela est allégué en l'espèce, les tribu- naux se sont montrés réticents à obliger les intéres- sés à recourir aux procédures d'appel prévues par la loi. Dans de telles circonstances, le fait que le requérant ne s'est pas prévalu d'un droit d'appel prévu par la loi n'est pas ordinairement considéré comme un facteur pertinent lorsqu'on examine l'exercice du pouvoir discrétionnaire par les tribu- naux judiciaires.
Une erreur d'ordre juridictionnel ou une erreur de droit apparaissant au dossier donne presque invariablement et automatiquement ouverture au certiorari.
Pour pouvoir établir des cotisations, le Ministre doit être habilité à le faire et ces cotisations peu- vent être annulées en raison de l'interprétation et de l'application incorrectes d'une disposition de la loi sur laquelle il se fonde.
Suivant ma conclusion et mon point de vue sur la question, les requérants disposent de trois recours.
Le premier recours consisterait à produire un avis d'opposition, à poursuivre cette étape jusqu'au terme du processus d'établissement de la cotisation et advenant la confirmation des cotisations, à interjeter appel devant la Commission de révision de l'impôt et peut-être ensuite devant la Cour fédérale ou directement devant la Cour fédérale.
L'appel devant la Cour fédérale est un procès de novo avec tous les droits applicables et les procédu- res incidentes à l'instruction d'une action.
Je n'ignore pas qu'on peut éviter la poursuite du processus d'établissement de la cotisation par le ministère du Revenu national et que l'avis d'oppo- sition permet d'interjeter appel directement devant la Commission de révision de l'impôt ou devant la Cour fédérale, cet avis d'opposition servant de pièce de procédure introductive d'instance.
Le deuxième recours, celui qui a été engagé par les requérants, consiste pour le contribuable et le Ministre à s'entendre pour faire trancher une ques tion de droit par la Cour fédérale. Pour des raisons que lui seul connaît, le Ministre n'a pas souscrit à l'initiative des contribuables, laquelle a par consé- quent avorté.
Le troisième recours dont disposent les contri- buables est celui dont ils se prévalent actuellement et qui leur permet de produire un avis de requête en vertu des Règles 603 et 319 en vue d'obtenir un redressement par voie de certiorari et une injonc- tion contre le Ministre, comme le prévoit l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale.
La question à laquelle il faut répondre est de savoir lequel des deux recours disponibles permet le mieux de résoudre la question en litige, ce qui revient à se demander si le Ministre était habilité à établir la cotisation des requérants comme il a prétendu le faire en vertu des paragraphes 159(2) et (3) de la Loi de l'impôt sur le revenu ou, en d'autres termes, si le Ministre a commis une erreur de droit en établissant la cotisation des requérants comme il l'a fait.
Pour déterminer quel moyen d'action est le plus approprié, il faut tenir compte de l'ensemble des circonstances de l'affaire, surtout du redressement visé par le recours invoqué et du bien-fondé du recours subsidiaire.
Le certiorari est un bref de prérogative qui permet d'annuler une décision fondée sur une erreur de droit qui est manifeste à la lecture du dossier. Il s'agit par conséquent d'une question de droit. Aucun des faits préalables à la cotisation n'est contestable. Ces faits ont été exposés au début. Il n'est pas nécessaire de tenir un procès en bonne et due forme pour établir ces faits saillants.
Je suis convaincu que l'appel prévu par la Loi de l'impôt sur le revenu qui est fondé sur une condi tion préalable occasionnant des délais et des frais aux requérants ne constitue pas pour eux un recours plus adéquat que le présent recours qu'ils ont choisi.
Il ne fait aucun doute qu'il est moins coûteux et plus expéditif.
Le temps est un élément particulièrement important pour l'un des requérants qui exerce une profession.
Lorsque le Ministre établit une cotisation, la dette découlant de cette cotisation est créée dès la mise à la poste de l'avis et l'obligation de payer cette somme prend aussi effet immédiatement, même en cas d'opposition ou d'appel. Le montant de la cotisation constitue une dette envers la Cou- ronne et est recouvrable à ce titre avec les intérêts qu'elle porte. Les lois fiscales et leur application n'ont rien à voir avec l'equity. Le fait de devoir à la Couronne une somme aussi importante est donc préjudiciable à la profession de ce requérant. C'est une considération dont on ne doit nullement tenir compte si ce n'est dans la mesure s'appli- que le principe que traduit la maxime: les lenteurs de la justice constituent un déni de justice.
Les requérants peuvent exercer le recours qu'ils ont choisi à la seule condition que ce recours ne soit pas exclu par un recours plus adéquat.
Le recours plus adéquat invoqué par le Ministre est le dépôt d'un avis d'opposition. Il ne m'appar- tient pas de déterminer l'efficacité de ce recours qui a fait l'objet de commentaires de la part des avocats des parties au litige. Comme je l'ai déjà dit, il ne s'agit pas d'un appel mais de la simple continuation du processus d'établissement de la cotisation par le Ministre qui, dans tous les cas, est une condition préalable à un appel.
Si une cotisation est confirmée au cours de ce processus d'opposition, il y a possibilité d'interjeter appel devant la Commission de révision de l'impôt et/ou devant la Cour fédérale.
Cette opposition et l'appel éventuel portent sur la cotisation dont la validité ne serait examinée que d'une façon incidente.
Au lieu d'emprunter cette voie détournée, les i equérants ont choisi d'aller directement au coeur de la question qui est de savoir, comme il a été dit maintes fois, si le Ministre a commis une erreur de droit en établissant la cotisation des requérants comme il l'a fait.
Je ne suis pas convaincu que la voie proposée par le Ministre soit la plus appropriée.
D'autre part, il semble que la procédure consis- tant à poursuivre un appel de la manière prévue par la Loi de l'impôt sur le revenu ne soit pas nécessaire ou commode, expéditive et utile au but ultime et manifeste des requérants qui consiste à démontrer que le Ministre a commis une erreur de droit et il semble en outre que ceux-ci puissent atteindre leur but par le recours plus direct dont ils se sont prévalus.
En raison de l'ensemble de ces circonstances, je procéderai à l'examen de la demande visant à obtenir un redressement sous forme de bref de prérogative et d'injonction.
Cela m'amène donc à examiner le noeud du problème, c'est-à-dire la question de droit directe soulevée dans les circonstances mentionnées, qui est de savoir si le Ministre a commis une erreur de droit en établissant la cotisation des requérants.
En vertu du paragraphe 152(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu [abrogé et remplacé par S.C. 1978, chap. 5, art. 5], il incombe au Ministre d'examiner sans délai la déclaration de revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, de fixer l'impôt pour l'année, l'intérêt et les pénalités payables, s'il en est, et de déterminer le montant du remboursement ou de l'impôt. Cet impôt devient une dette envers la Couronne, exigible immédiatement en vertu de l'article 222. La nature des dettes envers la Couronne et leur recou- vrement relèvent de la prérogative royale qui découle non pas de la Loi de l'impôt sur le revenu mais de la common law. Le droit du Souverain a préséance sur celui d'un sujet lorsque ces droits sont en conflit. Dans le présent cas, on conteste le droit de l'intimé.
Depuis la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, 1917 [S.C. 1917, chap. 28; par la suite chap. 97 des S.R.C. 1927], la Loi de l'impôt sur le revenu inclue notamment certaines dispositions telles que
les paragraphes 159(1), (2) et (3), que voici:
159. (1) Toute personne tenue, en vertu de l'article 150, de produire une déclaration du revenu de toute autre personne pour une année d'imposition doit, dans les 30 jours qui suivent la date de l'expédition par la poste de l'avis de cotisation, acquitter tous les impôts, pénalités et intérêts payables par ou pour cette autre personne dans la mesure elle a, ou a eu à une date quelconque depuis l'année d'imposition, en sa posses sion ou sous son contrôle des biens appartenant à cette autre personne ou à sa succession et elle est alors réputée avoir fait ce paiement au nom du contribuable.
(2) Avant de procéder à la répartition de tous biens placés sous son contrôle, tout mandataire, liquidateur, administrateur, exécuteur testamentaire ou autre personne semblable, à l'exclu- sion d'un syndic de faillite, doit obtenir du Ministre un certifi- cat attestant que les impôts, intérêts ou pénalités qui ont été fixés en vertu de la présente loi et qui sont imputables ou payables sur les biens, ont été acquittés ou que la garantie relative à leur acquittement a, conformément aux dispositions du paragraphe 220(4), été acceptée par le Ministre.
(3) Toute répartition de biens faite sans le certificat requis par le paragraphe (2) rend la personne tenue d'obtenir ce certificat personnellement responsable des impôts, intérêts et pénalités non payés.
Les paragraphes 159(2) et (3) sur lesquels le Ministre s'est fondé pour établir la cotisation des requérants en l'espèce sont de nature pénale.
Les personnes qui ont le contrôle de biens qui ne leur appartiennent pas et qui répartissent ces biens sans d'abord acquitter les impôts dus par le vérita- ble propriétaire ou sans d'abord s'assurer qu'aucun impôt n'est et sans obtenir un certificat du Ministre à cet effet conformément au paragraphe 159(2), sont personnellement responsables des impôts non payés.
Étant de nature pénale, cet article doit être interprété restrictivement et on doit prouver que la personne qu'on cherche à pénaliser est directement visée par ces paragraphes.
On se rappellera que North Carleton a produit sa déclaration d'impôt sur le revenu pour son année d'imposition 1978.
Le 14 juin 1979, le Ministre a déclaré dans son avis de cotisation que North Carleton n'avait aucun impôt à payer.
Quatre mois plus tard, soit le 16 octobre 1979, le conseil d'administration a déclaré un dividende payable aux détenteurs d'actions ordinaires de North Carleton.
Le conseil a agi de la sorte après avoir reçu une cotisation du Ministre en date du 14 juin 1979 précisant qu'aucun impôt n'était et ne devait, par conséquent, être payé.
Beaucoup plus tard, soit le 27 mai 1981, après que North Carleton eut produit une déclaration d'impôt pour son année d'imposition 1979, le Ministre a établi à 36 758,72 $ la cotisation de North Carleton pour ladite année d'imposition et en même temps, il a établi une nouvelle cotisation pour son année d'imposition 1978, en fixant le montant à 681 321,67 $.
North Carleton a naturellement interjeté appel de ces cotisations.
Mais comme le conseil d'administration de North Carleton avait reçu une cotisation établie à zéro et déclaré en conséquence un dividende de 454 425,27 $ au bénéfice des détenteurs d'actions ordinaires, trois membres de ce conseil, les requé- rants en l'espèce, ont chacun été tenus personnelle- ment responsables, en vertu du paragraphe 159(3), des impôts qui s'élevaient à ce montant parce qu'ils avaient contrevenu au paragraphe 159(2) en n'ob- tenant pas un certificat indiquant qu'aucun impôt n'était payable.
Dans le bulletin d'interprétation IT-368, en date du 28 mars 1977, intitulé «Répartitions par les corporations—Certificats de décharge«, le Minis- tre donne une interprétation large aux paragraphes 159(2) et (3).
Les numéros 1, 2 et 3 de ce bulletin sont ceux qui s'appliquent en l'espèce.
Le numéro 1 prévoit ce qui suit:
1. En vertu du paragraphe 159(2), tout mandataire, liquida- teur, administrateur ou toute autre personne semblable (sauf un syndic de faillite) doit demander et obtenir un certificat de décharge avant de répartir tout bien placé sous son contrôle s'il désire éviter d'être tenu personnellement responsable des impôts, intérêts et pénalités non payés d'une corporation en vertu du paragraphe 159(3). La formule TX2I fait foi du certificat de décharge.
Ce numéro reproduit essentiellement le paragra- phe 159(2).
Le numéro 2 est ainsi rédigé:
2. L'expression «toute autre personne» comprend toute personne agissant à titre de liquidateur, qu'elle soit nommée officielle- ment ou non. Dans le cas d'une dissolution volontaire, il se peut qu'aucun liquidateur ne soit nommé officiellement et que la
responsabilité en soit assumée par un vérificateur, un directeur, un agent ou une autre personne. Ce sont les faits d'un cas particulier qui permettront de déterminer si une personne tombe sous le coup du paragraphe 159(2).
L'interprétation du Ministre ne s'applique pas aux circonstances du présent cas. North Carleton n'a pas été liquidée et elle n'a pas non plus procédé à sa liquidation volontaire. Il s'agit d'une compa- gnie existante. Aucun des administrateurs n'a donc engagé sa responsabilité relativement à une liqui dation volontaire de façon qu'on puisse leur attri- buer le rôle de liquidateurs et ils n'ont accompli aucun acte qui puisse être interprété de cette façon.
Le conseil d'administration a déclaré un divi- dende. En vertu d'un principe de la common law reconnu par les diverses lois sur les compagnies applicables au Canada et dans les provinces, la déclaration d'un dividende qui diminuerait le capi tal d'une compagnie est nulle.
En l'espèce, le dividende a été déclaré au cours d'une réunion du conseil d'administration dûment tenue le 16 octobre 1979.
La maxime Omnia praesumuntur legitime facta donec probetur in contrarium est applicable.
La présomption selon laquelle la déclaration du dividende était régulière n'a pas été réfutée. L'in- timé avait pourtant le privilège de réfuter cette présomption, s'il l'estimait approprié, mais il a choisi de ne pas exercer ce privilège.
Le numéro 3 du bulletin est ainsi conçu:
3. Selon le paragraphe 159(3), quand aucun certificat de décharge n'a été obtenu, la personne décrite au paragraphe 159(2) peut être tenue responsable de tous les impôts, intérêts et pénalités, que ces derniers aient été établis ou non avant la répartition des biens. Toutefois, la responsabilité de cette per- sonne en vertu du paragraphe 159(3), est limitée à la valeur des biens qu'elle a distribués.
Il précise que selon le paragraphe 159(3), quand aucun certificat de décharge n'a été obtenu, la personne décrite au paragraphe 159(2) peut être tenue responsable de tous les impôts, intérêts et pénalités, que ces derniers aient été établis ou non avant la répartition des biens.
Les mots importants de cette paraphrase du paragraphe 159(3) sont «tous les impôts, intérêts et pénalités, que ces derniers aient été établis ou non avant la répartition des biens».
Le paragraphe 159(3) prévoit que toute réparti- tion de biens faite sans le certificat du Ministre rend la personne tenue d'obtenir ce certificat «per- sonnellement responsable des impôts, intérêts et pénalités non payés». [C'est moi qui souligne.] L'article défini «the» précède les termes «unpaid taxes» (impôts non payés). Comment peut-il logi- quement y avoir des impôts non payés sans une obligation préalable d'acquitter ces impôts, obliga tion qui découle de la cotisation établie par le Ministre en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu?
Un bulletin d'interprétation est précisément ce que son nom indique. Il n'est rien de plus que l'interprétation des paragraphes 159(2) et (3) de la Loi par un fonctionnaire du Ministère et il n'a absolument aucun effet juridique si ce n'est d'aider les employés du Ministère chargés d'établir la cotisation des contribuables, lesquels employés s'y conformeront sans poser de questions. Leur pou- voir discrétionnaire se limite à faire ce qu'on leur dit de faire.
Cette interprétation va à l'encontre des termes non équivoques du paragraphe 159(2).
Le paragraphe 159(3) rend une personne res- ponsable si elle répartit des biens «sans le certificat requis par le paragraphe (2)».
Ainsi, pour qu'une personne puisse être tenue responsable de tous les impôts, intérêts et pénalités non payés, elle doit avoir omis d'obtenir un certifi- cat visé par le paragraphe 159(2).
Une personne faisant partie des catégories men- tionnées au paragraphe (2) doit, avant de répartir les biens placés sous son contrôle, obtenir du Ministre un certificat attestant que les impôts, intérêts et pénalités «qui ont été fixés en vertu de la présente loi», ont été acquittés ou garantis.
À première vue, ces termes ne rendent une personne responsable que si elle a réparti des biens après l'établissement d'une cotisation. Ils sont non équivoques et ne peuvent être interprétés d'aucune autre façon. Les impôts ne peuvent certainement pas être exigibles avant l'établissement d'une cotisation.
Dans le présent cas, la cotisation de North Carleton a été établie le 14 juin 1979. A cette date, aucun «impôt, intérêt ou pénalité» n'avait été
fixé en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu de sorte qu'il n'était pas nécessaire d'obtenir le certifi- cat du Ministre et que rien n'empêchait le conseil d'administration de North Carleton de répartir les biens sous forme de déclaration de dividendes, si la création d'un droit peut comprendre la répartition de biens, suivant la définition du mots «biens» au paragraphe 248(1), ce dont je doute.
Le paragraphe 159(2) prévoit en outre que les «impôts, intérêts ou pénalités» qui ont été fixés doivent être «imputables ou payables sur les biens». Les «biens» doivent être «sous le contrôle» de la personne qui les répartit.
Il s'agit naturellement de savoir quels «biens» un administrateur a sous son contrôle.
Les administrateurs d'une compagnie forment un conseil à qui les actionnaires délèguent la fonc- tion de . gérer les affaires générales de la compa- gnie. Ils ont le pouvoir de gérer et de conduire les affaires de ladite compagnie. Dans un sens très large, il est même convenable que tous les actifs de la compagnie soient sous le contrôle du conseil d'administration, sous réserve du droit de regard des actionnaires sur celui-ci. Le contrôle ultime appartient aux actionnaires.
Si on présume que tous les actifs de la compa- gnie sont sous le contrôle du conseil d'administra- tion, ce dont je doute, comment les impôts qui ont été fixés peuvent-ils alors être imposables ou paya- bles sur les biens de la compagnie? La Loi de l'impôt sur le revenu ne crée pas un privilège sur les biens pour assurer le paiement des impôts à moins qu'on ait recours à une procédure de recou- vrement qui entraîne une charge.
Il faut en outre se demander si un «administra- teur de compagnie», c'est-à-dire chacun des requé- rants, est visé par les termes introductifs du para- graphe 159(2) «tout mandataire, liquidateur, administrateur, exécuteur testamentaire ou autre personne semblable, à l'exclusion d'un syndic de faillite», lesquels sont tenus d'obtenir un certificat du Ministre avant de répartir les biens placés sous leur contrôle.
Le syndic de faillite est exclu, son cas étant prévu par une autre disposition.
Le terme «administrateur de compagnie» est un terme technique et il a, par conséquent, un sens technique lorsqu'il s'agit de compagnies. Ce terme est utilisé dans d'autres dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu * mais il n'est pas inclus dans les termes introductifs du paragraphe 159(2).
Si ce terme n'est pas inclus, il est donc, de prime abord, exclu à moins qu'il ne soit visé par l'expres- sion «ou autre personne semblable» suivant la doc trine ejusdem generis.
Les termes génériques qui suivent des termes spécifiques sont habituellement interprétés limita- tivement et ne désignent que les choses de même nature que celles qui ont été énumérées.
Les termes généraux utilisés au paragraphe 159(2) sont «ou autre personne semblable». L'em- ploi du mot «and» (et) dans la version anglaise et du mot «person» (personne) au singulier est une façon inhabituelle de rédiger un texte de loi. Il serait plus normal d'employer le mot «or» (ou) dans la version anglaise et le mot «persons» (per- sonnes) au pluriel. Il est possible que le mot «and» (et) employé dans la version anglaise relie unique- ment le terme «executor» (exécuteur testamen- taire) et le mot «person» (personne) utilisé au singulier.
Cependant, un «administrateur de compagnie» n'est pas «semblable» à l'une ou l'autre des person- nes énumérées précédemment, et encore moins au seul «exécuteur testamentaire».
Les mots spécifiques qui doivent régir les termes généraux «ou autre personne semblable» sont «mandataire, liquidateur, administrateur, exécu- teur testamentaire» qui sont tous des termes tech niques ayant un sens précis dans leur contexte juridique, tels qu'ils sont utilisés au paragraphe 159(2).
Dans le contexte de cet article, un mandataire est une personne à qui une cession est faite et cette cession signifie qu'un bien est transféré à une autre personne. Le mandataire est la personne qui reçoit ce bien.
Le liquidateur est une personne nommée pour procéder à la liquidation d'une compagnie et dont
* Note de l'arrêtiste: La Loi utilise, en fait, l'expression «administrateur de corporation».
les fonctions consistent à se rendre sur place et réaliser les biens de la compagnie, à acquitter ses dettes et à distribuer le surplus (le cas échéant) aux actionnaires.
L'exécuteur testamentaire est la personne à qui un testateur confie l'exécution de son testament. Strictement parlant, un exécuteur testamentaire est tenu d'acquitter toutes les dettes de la succes sion avant de distribuer les biens aux légataires et aux autres bénéficiaires.
Un administrateur est la personne à qui sont confiés les biens d'une personne qui décède intestat pour qu'il les administre et dont les fonctions à cet égard correspondent à celles d'un exécuteur testamentaire.
Essentiellement, les administrateurs d'une com- pagnie sont des personnes qui agissent collective- ment et à qui les actionnaires délèguent la gestion des affaires générales de la compagnie. Leur devoir consiste à assurer cette gestion au mieux des intérêts desdits actionnaires.
Ces administrateurs ont été décrits comme des «agents», des «fiduciaires» et des «associés gestion- naires» mais toutes ces désignations ont été rejetées par les tribunaux.
On a jugé qu'ils n'étaient pas exactement des agents, ni des fiduciaires, ni des associés gestion- naires. Ils ne sont ni les supérieurs ni les préposés des actionnaires. Ils doivent faire preuve de loyauté envers ces derniers, compte tenu des fins pour lesquelles ils sont nommés et des dispositions législatives en vertu desquelles ils sont ainsi nommés.
La position d'un administrateur de compagnie est tout à fait différente de celle d'un agent ou d'un fiduciaire ordinaire. Les biens de la compa- gnie ne peuvent pas légalement être cédés aux administrateurs.
De même, les fonctions, droits et obligations d'un administrateur de compagnie ainsi que la position qu'il occupe en général sont tout à fait différents de ceux d'un mandataire, d'un liquida- teur, d'un administrateur ou d'un exécuteur testa- mentaire, de sorte qu'un administrateur de compa- gnie n'est pas une «autre personne semblable» aux personnes qui sont énumérées avant ces termes généraux utilisés au paragraphe 159(2).
Un administrateur de compagnie n'est pas tenu de produire une déclaration d'impôt sur le revenu en vertu de l'article 150 de la Loi de l'impôt sur le revenu dont il est fait mention au paragraphe 159(1).
L'obligation pour les requérants en l'espèce d'obtenir un certificat du Ministre attestant que les impôts qui ont été fixés ont été payés est prévue au paragraphe 159(2).
Pour les motifs énoncés, dans les circonstances qui ont également' été décrites, les requérants n'étaient pas assujettis à cette obligation.
Les cotisations des requérants en l'espèce éta- blies par le Ministre en date du 8 février 1983 sont donc annulées et il est interdit au Ministre, à ses agents, préposés et employés de prendre toute autre mesure relativement à ces cotisations ou de tenter d'y donner suite.
Les requérants ont droit à leurs dépens.
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