T-5512-80
Lount Corporation, Atlific Inc. et SaTel Consul
tants Limited (demanderesses)
c.
Procureur général du Canada, ministre des Com
munications et Consei➢ de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes (défendeurs)
Division de première instance, juge Muldoon —
Ottawa, 31 août et 9 novembre 1983.
Radiodiffusion — Action en vue d'obtenir un jugement
déclaratoire portant que l'antenne à réflecteur parabolique
(«station terrienne») et une antenne log-périodique utilisées
par l'hôtel pour le confort de ses clients sont exemptées des
exigences de licence et de certificat que prévoient la Loi sur la
radio et la Loi sur la radiodiffusion — Les émissions par
satellite sont-elles destinées à être reçues directement par le
public en général? — Les systèmes ne constituent pas des
«entreprises de réception de radiodiffusion», par conséquent ils
sont admissibles aux exemptions que prévoient les deux lois —
Loi sur la radio, S.R.C. 1970, chap. R-1, art. 2, 3(1),(3), 4, 10
— Loi sur la radiodiffusion, S.R.C. 1970, chap. B-11, art.
2, 3.
Contrôle judiciaire — Recours en equity — Jugements
déclaratoires — Injonction sollicitée contre les défendeurs
pour empêcher la saisie ou la fermeture des systèmes d'an-
tenne à réflecteur parabolique et d'antenne log-périodique des
demanderesses utilisés dans l'hôtel pour violation des exigen-
ces en matière de licence et de certificat que prévoient la Loi
sur la radio et la Loi sur la radiodiffusion — Jugement
déclaratoire selon lequel les systèmes ne constituent pas des
«entreprises de réception de radiodiffusion» et sont par consé-
quent exemptés de telles exigences — L'injonction est refusée
parce que traditionnellement le pouvoir exécutif respecte les
décisions de la Cour et parce que les ministres, pour ce qui est
de l'enquête et des poursuites pour une infraction présumée,
agissent à titre de préposés de la Couronne et par conséquent
ne sont pas assujettis à une injonction — La requête en
injonction est prématurée — Le rejet de la requête est pro-
noncé sous réserve du droit d'obtenir une ordonnance visant à
interdire la saisie à l'avenir si les fonctionnaires ne respectent
pas la décision de la Cour — Loi sur la radio, S.R.C. 1970,
chap. R-1, art. 2, 3(1),(3), 4, 10 — Loi sur la radiodiffusion,
S.R.C. 1970, chap. B-11, art. 2, 3.
Les demanderesses sollicitent un jugement déclaratoire por-
tant que le matériel de réception de télévision d'un hôtel du
Manitoba, comportant une antenne à réflecteur parabolique ou
«station terrienne», deux antennes log-périodiques et leur maté
riel accessoire, est exempté des exigences de la Loi sur la
radiodiffusion et de la Loi sur la radio en matière de licence et
de certificat. Elles sollicitent également une injonction pour
empêcher les défendeurs de saisir ou de fermer ces systèmes.
Les défendeurs sollicitent un jugement déclaratoire portant
qu'il n'y a pas d'exemption et, relativement à la Loi sur la
radio, un jugement déclaratoire portant que les systèmes consti
tuent des «appareils de radiocommunications» et font partie
intégrante d'une «station de radiocommunications», et qu'ils
sont par conséquent assujettis au paragraphe 3(1) et ne sont
pas exemptés en vertu du paragraphe 3(3). La question princi-
pale est de savoir si l'exploitation de chaque système des
demanderesses peut être caractérisée ou non comme une «entre-
prise de réception de radiodiffusion». 11 est admis que le Parle-
ment est compétent pour légiférer relativement à la question en
litige; les demanderesses soutiennent simplement qu'il ne l'a pas
fait.
Jugement: l'action des demanderesses est accueillie et un
jugement déclaratoire est rendu mais sans injonction. L'étude
de la question de savoir si l'exploitation de chaque système des
demanderesses (qui constitue deux systèmes distincts d'appa-
reils de radiocommunications) peut être caractérisée ou non
comme une «entreprise de réception de radiodiffusion» a
entraîné les conclusions suivantes. (1) Il n'est pas contesté que
les systèmes «reçoivent» des radiocommunications. (2) Ils reçoi-
vent de la «radiodiffusion»: les émissions par satellite «sont
destinées [par les diffuseurs des émissions] à être reçues direc-
tement par le public en général», comme le démontre la preuve
que les émissions ne sont pas brouillées, que les programmes
s'adressent à l'ensemble de la population et que les émissions
sont largement diffusées en Amérique du Nord. Le bon sens
dirait que les diffuseurs sont présumés prévoir les conséquences
naturelles (la réception par le public en général) de leur
conduite (la diffusion de leurs émissions). (3) Les demanderes-
ses n'exploitent pas une «entreprise» de réception de radiodiffu-
sion. Elles ne s'engagent pas à fournir, à titre onéreux, la
réception d'émissions de télévision à des abonnés. Le service
ressemble plus aux services d'ascenseur et de téléphone qui sont
fournis aux clients de l'hôtel. Par conséquent, l'utilisation par
les demanderesses de leur appareil de radiocommunications
n'est pas prévue dans la Loi sur la radiodiffusion. De plus,
comme les demanderesses n'exploitent pas une entreprise de
réception de radiodiffusion, elles sont admissibles, selon le
paragraphe 3(3) de la Loi sur la radio, à l'exemption de licence
et de certificat pour leurs appareils de radiocommunications
(qui constituent une «station de radiocommunications» en vertu
de la Loi).
En ce qui a trait à l'injonction, celle-ci ne sera pas accordée,
parce que traditionnellement, le pouvoir exécutif respecte les
décisions de la Cour, même s'il n'est pas enjoint formellement
de le faire. De toute façon, comme la Cour d'appel fédérale l'a
établi dans Grand Council of the Crees, aucune injonction
contre la Couronne du chef du Canada ou un ministre de
celle-ci ne sera délivrée dans une affaire comme l'espèce dans
laquelle le ministre agit à titre de préposé de la Couronne plutôt
que comme mandataire de la législature chargé d'exécuter une
obligation spécifique que lui impose la loi. Évidemment, les
fonctionnaires sont tenus de respecter le droit établi par la
présente Cour. Il serait donc prématuré d'accorder une injonc-
tion, mais rien n'empêche les demanderesses de prendre le
recours approprié si cela s'avère nécessaire.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Jenner v. Sun Oil Co. Ltd. et al., [1952] 2 D.L.R. 526
(H.C. Ont.); Le Grand Council of the Crees (of Quebec),
et autres c. La Reine, et autres, [1982] 1 C.F. 599
(C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Capital Cities Communications Inc., et autres c. Le
Conseil de la Radio-Télévision canadienne, [1978] 2
R.C.S. 141; La Régie des services publics, et autres c.
Dionne, et autres, [1978] 2 R.C.S. 191; Regina v. Com-
' municomp Data Ltd. (1975), 53 D.L.R. (3d) 673; 6 O.R.
(2d) 680 (C. cté Ont.); R. v. Shellbird Cable Ltd. (1982),
38 Nfld. & P.E.I.R. 224; 108 A.P.R. 224 (C.A.T.-N.);
Imperial Tobacco Ltd and another v Attorney -General,
[1980] 1 All E.R. 866 (H.L.); La Banque Royale du
Canada c. Le sous-ministre du Revenu national pour les
douanes et l'accise, [1981] 2 R.C.S. 139.
DÉCISION CITÉE:
In re Regulation and Control of Radio Communication
in Canada, [1932] 2 D.L.R. 81; [1932] A.C. 304 (P.C.).
AVOCATS:
J. Greenstein, c.r., pour les demanderesses.
E. A. Bowie, c.r. et P. K. Doody pour le
procureur général du Canada et le ministre
des Communications, défendeurs.
D. Osborn et A. Cohen pour le Conseil de la
radiodiffusion et des télécommunications
canadiennes, défendeur.
PROCUREURS:
Doheny Mackenzie, Montréal, pour les
demanderesses.
Le sous-procureur général du Canada pour le
procureur général du Canada et le ministre
des Communications, défendeurs.
Johnston & Buchan, Ottawa, pour le Conseil
de la radiodiffusion et des télécommunications
canadiennes, défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MULDOON: Les demanderesses sollici-
tent en l'espèce un jugement déclaratoire et une
injonction contre le ministre des Communications
relativement à leur matériel de réception de télévi-
sion. Elles cherchent à obtenir une décision portant
qu'elles ont droit à une exemption de licence et de
certificat pour leur matériel en vertu de la Loi sur
la radio [S.R.C. 1970, chap. R-1] et de la Loi sur
la radiodiffusion [S.R.C. 1970, chap. B-11]. Les
défendeurs, qui sont demandeurs dans la demande
reconventionnelle, sollicitent une décision diamé-
tralement opposée sans injonction.
Les demanderesses, Lount Corporation et Atli-
fic Inc., possèdent et exploitent un hôtel Holiday
Inn situé sur l'avenue Pembina dans le secteur sud
de la ville de Winnipeg (Manitoba). Un certain
matériel de réception de télévision a été installé sur
le toit et à l'intérieur de l'hôtel. Ce matériel est
loué à Lount Corporation et à Atlific Inc. (ci-après
appelées Lount) par leur codemanderesse SaTel
Consultants Limited (ci-après appelée SaTel).
Ce matériel comporte notamment: une «station
terrienne» c'est-à-dire une antenne à réflecteur
parabolique d'environ 3,65 mètres (12 pieds) de
diamètre dont le cornet est placé sur le toit de
l'hôtel et relié par un câble à une baie de trois
récepteurs de communications par satellite
VR -3X, fabriqués par Microwave Associates Com
munication, qui sont situés dans le local technique
hors toit de l'hôtel. Partant de ces trois récepteurs,
un câble coaxial est relié, à chaque étage de l'hôtel
à une ligne coaxiale principale d'où partent les
câbles qui aboutissent dans chaque chambre à un
téléviseur qui produit des images et des sons
intelligibles.
Une deuxième partie du matériel de réception
de télévision de l'hôtel a été décrite par les deman-
deresses en réponse à la demande de renseigne-
ments des défendeurs. Par conséquent, celle-ci est
considérée comme décrite dans les plaidoiries et,
par la suite, admise par les défendeurs. Cette
partie du matériel est constituée de deux antennes
log-périodiques montées sur un mât unique sur le
toit et reliées par câble à une baie de quatre
récepteurs de télévision processeurs de signaux de
type Benevac, Mark 3SA, également situés dans le
local technique hors toit. Chaque étage de l'hôtel
est relié à ces quatre processeurs par un câble
coaxial qui rejoint la ligne coaxiale principale
mentionnée précédemment, puis les mêmes câbles
aboutissent, dans chaque chambre de l'hôtel, aux
mêmes téléviseurs produisant des images et des
sons intelligibles, comme il a été mentionné précé-
demment. Ce système est communément appelé
antenne collective de télévision et est identique ou
semblable aux antennes montées sur les toits d'un
grand nombre de foyers.
L'antenne à réflecteur parabolique est claire-
ment visible sur les photographies présentées
comme pièces 7, 9 et 10 et les deux antennes
montées sur un mât unique sont assez visibles sur
les photographies présentées comme pièces 7, 8 et
10. Les trois récepteurs de communications par
satellite VR -3X et les quatre processeurs de
signaux Mark 3SA sont montés côte à côte en
baies verticales, avec un moniteur de télévision,
comme le montre la photographie présentée
comme pièce 6. Ce matériel, ainsi photographié,
est décrit professionnellement dans le rapport
(pièce 14) rédigé par le témoin Hubert J. Schlafly.
Le rapport (pièce 15) rédigé par le témoin K. G.
Balmain contient un exposé sur les champs et les
ondes électromagnétiques, les antennes et les com
munications par satellite.
Les demanderesses admettent que le matériel en
question, loué à Lount par SaTel, est un «appareil
de radiocommunications» selon la définition de
cette expression à l'article 2 de la Loi sur la radio,
S.R.C. 1970, chap. R-1. Toutefois, les demande-
resses soutiennent que la station terrienne et son
matériel accessoire, d'une part, et deux antennes et
leur matériel accessoire, de l'autre, constituent des
ensembles séparés et distincts d'appareils de radio-
communications selon la définition de ce terme à
l'article 2 de la Loi sur la radio. Ce terme est
défini au paragraphe (1):
2.(1)...
«appareil de radiocommunications» désigne un assemblage suf-
fisamment complet d'organes distincts destinés ou pouvant
servir aux radiocommunications;
Les parties sont d'accord, pour l'essentiel, sur les
possibilités et l'utilisation du matériel de radio-
communications des demanderesses. L'appareil
comprenant la station terrienne et son antenne à
réflecteur parabolique peut capter des signaux de
radiocommunications transmis par des satellites de
communications placés sur orbite synchrone
au-dessus de l'équateur à un rayon égal à environ
6,6 fois celui de la Terre ou 42,055 kilomètres. Le
témoin des demanderesses, M. Hubert J. Schlafly
a qualifié cette orbite de «géostationnaire» (pièce
14) et le témoin des défendeurs, M. Keith G.
Balmain a expliqué (pièce 15) que [TRADUCTION]
«à un tel rayon la période de rotation d'un satellite
autour de la terre est de 24 heures et, si le satellite
se déplace d'ouest en est au-dessus de l'équateur, il
semble stationnaire vu de la terre». Par ailleurs, les
deux antennes log-périodiques peuvent capter les
signaux de radiocommunications transmis «sur les
ondes» par les stations locales de télévision. Dans
ces deux genres de systèmes, des appareils électro-
niques accessoires qui sont placés dans le local
technique hors toit de l'hôtel peuvent traduire en
sons et en images intelligibles pour les téléviseurs
placés dans chaque chambre, les signaux reçus
respectivement des deux antennes montées sur le
toit qui ont des configurations et des fonctions
différentes. Les parties admettent et la preuve
démontre que «traduire» ne signifie pas décoder
car ni les signaux reçus du satellite vers lequel
l'antenne parabolique est orientée, ni ceux des
stations locales de radiodiffusion captés par l'an-
tenne log-périodique ne sont d'aucune façon
brouillés ou codés. Ces signaux ont été, et sont
toujours, émis en clair à quiconque utilise un
appareil du type de celui qui est installé au Holi
day Inn du 1330 avenue Pembina à Winnipeg.
Les demanderesses utilisent l'antenne à réflec-
teur parabolique et sa baie d'appareils électroni-
ques accessoires pour capter des signaux de radio-
communications émis sur la bande 3,7 à 4,2
gigacycles par seconde (gigahertz ou GHz) par un
satellite (Satcom 1) appartenant à RCA American
Communications Inc. (RCA Americom) des
États-Unis d'Amérique. La zone de réception du
signal envoyé vers la Terre par le satellite, qu'on
appelle son «empreinte», s'étend au Canada. L'an-
tenne à réflecteur parabolique des demanderesses
a été orientée de manière à recevoir en particulier
les signaux du satellite qui transmet les program
mes de télévision de Home Box Office Inc.
(HBO), Showtime Entertainment (Showtime) et
WTBS. Dans leurs plaidoiries, les parties recon-
naissent que HBO est une filiale en propriété
exclusive de Time Inc. De même, Showtime est
une entreprise en coparticipation de filiales de
Viacom International Inc. et de Teleprompter Inc.,
tandis que WTBS est une filiale de Turner Com
munications Inc. Toutes ces sociétés sont consti-
tuées conformément aux lois en vigueur aux États-
Unis d'Amérique et sont toutes résidentes de ce
pays.
Les demanderesses soutiennent que l'appareil de
radiocommunications en cause comprend deux sys-
tèmes distincts ou comporte deux ensembles d'ap-
pareils de radiocommunications. L'avocat des
défendeurs m'a demandé de conclure qu'il n'y
avait qu'un seul système d'appareils de radiocom-
munications en place, au lieu de deux, parce qu'il
n'y a qu'un téléviseur dans chaque chambre de
l'hôtel qui reproduit les images et les sons des
signaux transmis par le câble coaxial commun
alimenté par les appareils électroniques reliés à
chaque antenne. C'est exact, mais si ce matériel
constituait un seul système complet, on ne pourrait
enlever ou débrancher des parties aussi importan-
tes que l'antenne et ses appareils électroniques
accessoires, sans paralyser le système ou l'empê-
cher de fonctionner. Toutefois, cela n'est pas vrai
dans le cas des appareils de radiocommunications
installés au Holiday Inn de Winnipeg Sud. La
suppression ou le débranchement d'une antenne et
de ses appareils électroniques accessoires n'empê-
cherait pas l'autre antenne et ses appareils électro-
niques de recevoir les signaux qui se transforment
en images et en sons dans les chambres de l'hôtel.
De toute évidence, il y a deux systèmes distincts
d'appareils de radiocommunications qui utilisent
simplement une «avenue» commune, le câble qui
transmet aux téléviseurs de l'hôtel leurs signaux
respectifs.
Je conclus qu'il existe deux systèmes distincts
d'appareils de radiocommunications, parce que
c'est maintenant qu'il faut régler la question pour
être en mesure de comprendre les événements à
l'origine de la présente action et de la demande
reconventionnelle. Le premier point en litige entre
les parties portait sur la «station terrienne» avec
son antenne à réflecteur parabolique et ses appa-
reils électroniques de réception. Le nombre de
points en litige a augmenté dans les plaidoiries,
lorsque les défendeurs ont demandé des détails et
que les demanderesses en ont donnés sur l'autre
système d'appareils de radiocommunications,
c'est-à-dire les deux antennes log-périodiques et
leurs appareils de réception, formant le système de
télévision à antenne collective. C'est pourquoi ce
système donne lieu au même litige entre les parties
et fait l'objet des mêmes demandes de jugements
et d'injonction que celles qui ont été présentées au
début de l'instruction, dans la déclaration des
demanderesses, mais uniquement alors à l'égard de
la «station terrienne».
C'est dans ce contexte que, comme en convien-
nent les parties, Lount a reçu, vers la fin de
septembre 1980, une lettre (pièce 1) de M. W. A.
R. Johnston, directeur régional du ministère des
Communications, dans laquelle il est déclaré:
[TRADUCTION] a) Que ladite station terrienne constitue une
entreprise de radiodiffusion qui n'est pas dûment autorisée en
vertu de la Loi sur la radiodiffusion ou de la Loi sur la radio.
b) Qu'une licence de radiocommunications est exigée pour
toute station de réception des signaux satellite-terre.
c) Que la station terrienne de Lount ne peut obtenir de
licence, étant donné que son exploitation violerait certains
accords internationaux auxquels le Canada est partie.
d) Que les exploitants qui ne sont pas titulaires de licences
peuvent faire l'objet de poursuites.
À la suite d'un échange de lettres, une réunion a
été tenue à Winnipeg le 22 octobre 1980 entre des
représentants de Lount et des représentants du
ministère des Communications. À cette réunion,
les représentants du ministère des Communica
tions ont demandé la fermeture de l'installation, à
défaut de quoi Lount serait poursuivie et le maté
riel serait saisi. Lount avait jusqu'à midi le ven-
dredi 24 octobre 1980 pour se conformer à la
demande du ministère des Communications.
Celui-ci a demandé officiellement par écrit la fer-
meture de la station terrienne dans une lettre du
23 octobre 1980 (pièce 2) qu'il a envoyée à Lount.
Afin d'éviter la saisie de la station terrienne, et
sous réserve de ses droits, Lount, tout en contes
tant la décision du ministère des Communications,
a accepté de cesser d'utiliser la station terrienne,
en attendant un avis de son avocat sur la légalité
de la menace de saisie. Le 24 octobre 1980, Lount
a fait parvenir au ministère des Communications
un télégramme (pièce 3) à cet effet. Peu après, les
demanderesses ont recommencé à utiliser la station
terrienne et continuent à l'exploiter à l'heure
actuelle.
Le procureur général du Canada et le ministre
des Communications, défendeurs, déclarent que la
saisie du matériel des demanderesses qu'envisa-
geait le ministre des Communications aurait été
autorisée par un mandat de perquisition qu'il pou-
vait demander en vertu de l'article 10 de la Loi sur
la radio aux fins d'obtenir des éléments de preuve
à l'appui d'une poursuite relative à une présumée
violation de cette Loi.
Puisque la Cour a conclu que l'action portait sur
deux systèmes d'appareils de radiocommunica-
tions, il est maintenant possible de traiter du statut
juridique du système qui reçoit les signaux des
stations locales de radiodiffusion ordinaires. Il ne
s'agit pas du système qui comprend l'antenne à
réflecteur parabolique mais du système de télévi-
sion à antenne collective.
Il semble évident que si l'utilisation faite par les
demanderesses de l'un des systèmes d'appareils de
radiocommunications est une «entreprise de récep-
tion de radiodiffusion», l'autre doit l'être égale-
ment. Toutefois, les intérêts en jeu et les préoccu-
pations des défendeurs en ce qui concerne le
système de télévision à antenne collective, comme
ensemble distinct d'appareils de radiocommunica-
tions, ne sont ni aussi importants ni aussi précis
qu'en ce qui concerne la «station terrienne» et son
antenne à récepteur parabolique, également appe-
lée terminal récepteur télévisuel (TRT).
Évidemment, cette moins grande préoccupation
résulte directement de l'opinion exprimée par le
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunica-
tions canadiennes à l'égard de l'exploitation d'un
système de télévision à antenne collective, du type
de celui des demanderesses. La pièce 5 est un avis
public, publié par le CRTC à Ottawa, le 16 mars
1977. Tous les avocats ont convenu à l'audition
que ce communiqué pourrait être considéré par la
Cour comme une règle ou un règlement authenti-
que, légalement promulgué par le CRTC.
Cet avis (pièce 5) s'intitule MATV LICENSING
AND EXEMPTION/OCTROI DE LICENCE D'AN-
TENNE COLLECTIVE DE TÉLÉVISION ET EXEMP
TION. Il vise «les entreprises de réception de radio-
diffusion connues sous le nom de systèmes de
télévision à antenne collective», ou MATV. Cette
distinction étaye de manière convaincante la con
clusion de la Cour selon laquelle, au vu des cir-
constances et de la preuve, il existe en l'espèce,
deux systèmes distincts d'appareils de radiocom-
munications. Les dispositions importantes de cet
avis du CRTC relativement à la preuve en l'espèce
sont les suivantes:
Nouvelles exigences
Les mesures prises par le Conseil s'appliquent comme suit:
A. Toute entreprise de réception de radiodiffusion qui satisfait
à tous les critères exposés aux paragraphes 1 ou 2 ci-dessous,
sous la rubrique «Critères d'exemption» est exempte de
l'obligation d'obtenir une licence de radiodiffusion, aux
termes de la Loi sur la radiodiffusion.
B. Tout système de télévision à antenne collective qui ne répond
pas aux critères d'exemption mentionnés au paragraphe A
ci-dessus doit être exploité en vertu d'une licence de récep-
tion de radiodiffusion.
Fondement
La philosophie sous-jacente à l'action du Conseil a été discutée
en profondeur dans l'avis public du 15 avril 1976 et peut être
résumée ainsi. Dans la mesure où le système de télévision à
antenne collective est analogue à l'antenne extérieure installée
sur le toit d'un foyer, à la fois par sa composition et par le choix
des services qu'il procure, il peut, sans inconvénient pour les
usagers et pour le système canadien de la radiodiffusion, être
exempté de l'obligation d'obtenir une licence du Conseil. Mais
lorsqu'un système dépasse ces dimensions, en termes de rayon-
nement, de services supplémentaires de programmation, d'ex-
ploitation dans un but lucratif, etc., il doit alors, pour le bien de
ses usagers et du système de radiodiffusion entier, être soumis à
la réglementation et à l'approbation du Conseil.
Critères d'exemption
(1)(a) L'entreprise est située exclusivement sur un terrain que
possède ou loue l'exploitant ou, dans le cas d'une entre-
prise exploitée par une société de copropriétaires, sur un
terrain que possède ou loue cette société ou l'un de ses
membres.
(b) L'entreprise n'est reliée par aucun moyen de transmis
sion, exception faite de la réception en direct des signaux
de diffusion conventionnels,
(i) à un terrain que ne possède ou ne loue la ou les
personnes mentionnées ci-dessus, ou
(ii) au-dessus d'une voie publique ou d'une route, sauf
dans le cas d'une société de copropriétaires ou d'une
société coopérative reconnue dont tous les membres
résident sur le terrain où se trouve l'entreprise.
(c) Aucune contribution distincte, ni bénéfice direct n'est
obtenu pour l'usage de toute partie du système de
distribution ou pour tout signal ou service fourni au
moyen du câble de distribution de l'entreprise.
(d) L'exploitant de l'entreprise distribue sur son système
tous les signaux locaux de télévision canadienne, sans
diminuer la qualité du signal reçu.
(e) Aucun signal reçu par micro-ondes, par satellite ou par
quelque forme de transmission autre que la diffusion
hertzienne directe des émetteurs de radiodiffusion con-
ventionnels, ni aucun long métrage introduit localement
ne sont distribués par l'entreprise.
[Le paragraphe (2) n'est pas pertinent en l'espèce.]
Interprétation du critère 1(d)
En ce qui a trait au critère 1(d) indiqué ci-dessus, «signaux
locaux de télévision canadienne» signifie les signaux de toutes
les stations de télévision autorisées par le Conseil dont «la zone
officielle de rayonnement» A (telle que définie par le Règle-
ment sur la télévision par câble) couvre le territoire desservi par
le système à antenne collective en question.
Application
Le Conseil reconnaît qu'un certain nombre de propriétaires de
systèmes de télévision à antenne collective exigeront un délai,
soit pour modifier leurs systèmes afin de les rendre conformes
aux critères d'exemption, soit pour prendre des mesures afin de
remplacer leur service par le service d'un titulaire de licence de
réception de radiodiffusion. En conséquence, les mesures
annoncées ci-dessus entreront en vigueur le 1' juillet 1977.
Lise Ouimet
Secrétaire générale intérimaire
À supposer que, d'après la preuve, le système de
télévision à antenne collective des demanderesses
soit conforme aux critères d'exemption promulgués
par le CRTC, il resterait quand même à détermi-
ner si ce système constitue ou non une «entreprise
de réception de radiodiffusion». L'étude de la
preuve, de la jurisprudence et de la doctrine nous
permettra de répondre à cette question relative-
ment aux deux systèmes.
Le système de télévision à antenne collective des
demanderesses est-il conforme aux critères définis
dans l'avis public du CRTC? Il y a eu des discus
sions entre la Cour et l'avocat du CRTC sur la
question de savoir si «le système de télévision à
antenne collective [des demanderesses] est analo
gue à l'antenne extérieure installée sur le toit d'un
foyer, à la fois par sa composition et par le choix
des services qu'il procure» et si son exploitation a
ou non «un but lucratif, etc.» De toute évidence,
pour que le raisonnement du CRTC s'applique, il
n'est pas nécessaire que le matériel soit «identique»
à une «antenne extérieure installée sur le toit d'un
foyer, à la fois par sa composition et par le choix
des services qu'il procure» parce que cela dépen-
drait du type de foyer et de toit envisagé alors par
le CRTC. Il va sans dire que le Conseil visait
l'ensemble des antennes extérieures installées sur
les toits des foyers au Canada. Pour que le raison-
nement du CRTC s'applique, il suffit que le sys-
tème de télévision à antenne collective en question
soit «analogue» ou semblable. En réalité cette
expression englobe une gamme très étendue et très
variée de compositions et de services, et comprend
certainement le système de télévision à antenne
collective des demanderesses. Du point de vue du
procureur général du Canada et du ministre des
Communications, défendeurs, il ne faut pas se
préoccuper du système de télévision à antenne
collective ou log-périodique. L'avocat des défen-
deurs, tout, en refusant d'admettre que le système
de télévision à antenne collective est un système
séparé et distinct, a néanmoins présenté un argu
ment selon lequel [TRADUCTION] «la seule raison
pour laquelle le Ministre soutient que cet hôtel ne
respecte pas les exigences en matière de licences
que prévoit la Loi sur la radio, tient à l'installation
de ce système TRT et non à celle de l'antenne
log-périodique».
Il y a également eu des discussions au sujet de
l'expression «exploitation dans un but lucratif» (en
laissant de côté le terme fourre-tout, «etc.») qui
pourrait avoir une signification quantitative plutôt
que 'qualitative, si on peut lui attribuer une signifi
cation quelconque. Il semble qu'un système de
télévision à antenne collective exploité for com
mercial gain et non for direct commercial gain
peut être compris dans les systèmes visés par l'avis
du CRTC. L'adjectif «direct» précise la notion et
exclut le but lucratif «indirect» ou même le but
lucratif sans autre qualificatif. La version fran-
çaise «d'exploitation dans un but lucratif» ne con-
tredit pas la version anglaise et, comme cette
dernière est plus explicite et précise dans le con-
texte de l'avis du CRTC, elle est l'expression à
retenir.
Les discussions ont alors porté d'une manière
pertinente sur la question qui a été mise de côté,
celle de savoir s'il s'agit d'une entreprise. L'avocat
du CRTC a soutenu que si des droits étaient
versés, le but lucratif serait évident mais que cette
expression n'impliquait pas nécessairement le paie-
ment de droits. La preuve révèle que Lount n'exi-
geait pas des clients de l'hôtel le paiement de
droits pour la réception de programmes par le
système d'antenne collective de télévision, mais
l'avocat a attaché à l'expression une notion quanti
tative en soulignant que le nombre de clients de
l'hôtel pouvant recevoir les signaux de l'antenne
collective de télévision, dépassait la population de
beaucoup de petites villes. Sans se prononcer sur la
question de «l'entreprise» dans ces circonstances, la
Cour conclut que le système de télévision à
antenne collective de Lount n'est pas exploité dans
un but lucratif direct.
Si l'on écarte pour le moment la question de
savoir si le système de télévision à antenne collec
tive des demanderesses constitue ou non une entre-
prise, celui-ci répond à tous les critères d'exemp-
tion définis par le CRTC. S'il s'agit d'une
entreprise de réception de radiodiffusion, il est par
conséquent exempté de l'obligation d'obtenir une
licence en vertu de la Loi sur la radiodiffusion.
S'il ne s'agit pas d'une entreprise, il répond tou-
jours à ces critères, mais cela n'est ni nécessaire ni
requis, puisqu'il n'est pas assujetti à l'obligation
d'obtenir une licence en vertu de la Loi sur la
radiodiffusion. Dans l'un et l'autre cas, la conclu
sion reste la même. Toutefois, le fait de ne pas être
obligé d'obtenir une licence en vertu de la Loi sur
la radiodiffusion ne permet pas d'écarter les exi-
gences de la Loi sur la radio. Ces exigences, si
elles s'appliquent dans les circonstances, seront
déterminées avec les autres questions en litige, en
particulier celle de savoir si les demanderesses
exploitent une entreprise de réception de radiodif-
fusion.
L'essentiel de l'argumentation des défendeurs,
qui sont aussi demandeurs par voie de demande
reconventionnelle, porte sur l'autre système des
demanderesses, la «station terrienne» et son
antenne à récepteur parabolique, ou TRT. Les
demanderesses, défenderesses par voie de demande
reconventionnelle, tout en reconnaissant la compé-
tence incontestée du Parlement pour adopter des
lois relatives à la réglementation et au contrôle de
la radiocommunication, y compris l'émission et la
réception, ainsi que le caractère, l'utilisation et
l'emplacement des appareils utilisés, soutiennent
simplement qu'aucune de ces lois ni aucun de ces
règlements n'exigent qu'elles obtiennent une
licence pour leurs appareils de radiocommunica-
tions. La question qui se pose n'est pas de nature
constitutionnelle comme dans le cas de l'affaire de
la Radio (In re Regulation and Control of Radio
Communication in Canada') ou encore de l'affaire
Capital Cities Communications Inc., et autres c.
Le Conseil de la Radio-Télévision canadienne 2 .
Au contraire, les demanderesses en l'espèce admet-
tent librement que le Parlement est compétent
pour légiférer à l'égard de leurs appareils de radio-
communications et déléguer au CRTC le pouvoir
de les réglementer, de les contrôler ou de leur
accorder des licences. Elles soutiennent simple-
ment que le Parlement ne l'a pas fait. Pour statuer
sur ce moyen, qui est contesté et rejeté par les
défendeurs, il faut étudier d'une manière appro-
fondie les dispositions législatives pertinentes ainsi
que la jurisprudence.
Les lois pertinentes sont la Loi sur la radio' et
la Loi sur la radiodiffusion 4 , ainsi que leurs règle-
ments d'application. Les définitions sont très
importantes et fort heureusement, elles sont en
grande partie communes aux deux lois. Les défini-
tions communes qui se trouvent à l'article 2 de
chaque loi sont les suivantes:
I [1932] A.C. 304 (P.C.).
2 [1978] 2 R.C.S. 141.
3 S.R.C. 1970, chap. R-1, modifié.
4 S.R.C. 1970, chap. B-11, modifié.
«radiodiffusion» désigne toute radiocommunication dans
laquelle les émissions sont destinées à être captées directe-
ment par le public en général;
«entreprise de radiodiffusion» comprend une entreprise d'émis-
sion de radiodiffusion, une entreprise de réception de radio-
diffusion et l'exploitation d'un réseau situé en tout ou en
partie au Canada ou sur un navire ou un aéronef immatriculé
au Canada;
«radiocommunication» [ou «radio» dans la Loi sur la radio]
désigne toute transmission, émission ou réception de signes,
signaux, écrits, images, sons ou renseignements de toute
nature, au moyen d'ondes électromagnétiques de fréquences
inférieures à 3,000 gigacycles par seconde transmises dans
l'espace sans guide artificiel;
La Loi sur la radiodiffusion définit «radiodiffu-
seur», comme une personne, ce qui n'est pas perti
nent en l'espèce, mais ne donne aucune définition
correspondante de «récepteur» au sens de personne,
ce qui aurait pu être utile en l'espèce. La Loi sur
la radio contient d'autres définitions qui peuvent
nous éclairer:
2....
«appareil de radiocommunications» [précité];
«station de radiocommunications» ou «station» désigne un lieu
où est situé un appareil de radiocommunications;
Il faut déterminer maintenant si l'exploitation
de chaque système des demanderesses peut être
caractérisée ou non comme une «entreprise de
réception de radiodiffusion». Tous les défendeurs,
demandeurs par voie de demande reconvention-
nelle, sollicitent une telle décision. De plus, le
procureur général du Canada et le ministre des
Communications sollicitent un jugement déclarant
que a) tous les appareils de radiocommunications
des demanderesses (les deux systèmes) sont des
«appareils de radiocommunications» (ce que les
demanderesses admettent dans leurs plaidoiries)
faisant partie intégrante d'une «station de radio-
communications»; et que b) ces appareils sont par
conséquent assujettis aux dispositions du paragra-
phe 3(1) de la Loi sur la radio et ne sont pas
exemptés en vertu des dispositions du paragraphe
3(3).
L'exploitation des appareils de radiocommunica-
tions des demanderesses dans leurs deux systèmes
distincts constitue-t-elle une «entreprise de récep-
tion de radiodiffusion» au sens des deux lois perti-
nentes? La question s'applique aux deux systèmes
parce qu'ils sont tous deux exploités par les
demanderesses de la même manière et dans le
même but. Le seul terme de l'expression sur lequel
s'entendent les parties est le mot «réception». Il est
incontestable que l'appareil des demanderesses
reçoit des radiocommunications, c'est-à-dire des
signaux de télévision «par» les antennes respectives
et «vers» les chambres d'hôtel. Les autres éléments
sont fortement contestés.
Qu'est-ce que l'appareil reçoit? Les demande-
resses soutiennent qu'il s'agit de «radiodiffusion»
alors que les défendeurs prétendent le contraire.
Le fait que l'appareil des demanderesses reçoit des
«radiocommunications» n'est pas contesté et les
arguments opposés au sujet de la «radiodiffusion»
ne s'appliquent pas à cet égard. Bien que les
défendeurs nient qu'il y a deux systèmes, il n'est
pas contesté que le système de télévision à antenne
collective reçoit de la radiodiffusion. Le litige
porte sur la question de savoir si les émissions par
satellite «sont destinées à être reçues directement
par le public en général».
Étant donné que cette phrase clé est exprimée
au passif, il faut se demander qui «destine» les
émissions à être reçues directement par le public
en général. De toute évidence, la définition de
radiodiffusion n'implique pas que ces émissions
doivent réellement être reçues par le public en
général, mais vise plutôt l'intention. En droit, l'in-
tention, quel que soit son objet, doit être celle du
diffuseur de la radiocommunication. On ne peut
attribuer d'intention à un appareil de radiocommu-
nications inanimé et si le législateur avait voulu
viser l'appareil, la définition aurait parlé d'émis-
sion ou d'émetteur «conçu technolôgiquement» ou
«prévu» pour que le public en général puisse rece-
voir directement les radiocommunications. Souli-
gnons toutefois que, lorsqu'il faut conclure, par
déduction ou au vu des faits, à l'intention d'une
personne de faire une chose et que cette intention
est exprimée par un moyen autre que les pensées
ou les mots de la personne, on peut recourir à
l'examen de la nature, des possibilités, du contenu
et des fonctions opérationnelles du moyen contrôlé
ou exploité par la personne en cause comme autant
d'indications permettant de déduire l'intention. À
cet égard, l'examen de l'intention des personnes
qui diffusent les signaux de Showtime et de HBO
est du même type que l'examen à faire dans le cas
des infractions, des préjudices et des délits, même
si en l'espèce, personne ne cherche à attribuer de
responsabilité civile ou criminelle à ces personnes.
En l'espèce, la déduction doit être faite ou la
conclusion formulée suivant la prépondérance des
probabilités et non hors de tout doute raisonnable.
Le procureur général du Canada et le ministre
des Communications, défendeurs, ont cité trois
témoins relativement à l'intention des producteurs
de HBO et de Showtime: Jonelle Procope de New
York, avocate à l'emploi du propriétaire de Show -
time, Viacom International Inc.; Marvin Freeling,
de Livingston (New Jersey), ingénieur principal de
RCA American Communications Inc., société qui
possède et exploite les satellites Satcom F-3R et
F-4 situés à 131° ouest et 83° ouest, et John S.
Redpath, de New York, vice-président principal et
avocat de HBO.
M. Freeling a corrigé les diverses mentions
faites de Satcom 1 dans les plaidoiries. Il a indiqué
que F-1 était de toute évidence le premier satellite
Satcom qui a été placé sur orbitre vers la fin de
1974 et F-2, le deuxième, en 1975. Ils achèvent
leurs vies utiles [TRADUCTION] «et beaucoup de
trafic, y compris le trafic par câble a été transféré
des anciens satellites aux nouveaux». Il n'a témoi-
gné que très brièvement pour décrire les signaux
terre-satellite et satellite-terre et a déclaré que
[TRADUCTION] «RCA Americom reçoit ses reve-
nus des membres du public qui payent le tarif,
c'est-à-dire celui qui est publié pour les services de
télécommunication». Il n'a pas été contre-inter-
rogé.
Mile Procope a expliqué que Showtime est un
service de télévision à péage distribuant des pro
grammes de divertissement général, à titre oné-
reux, à des systèmes américains de télévision par
câble qui, à leur tour, offrent ce divertissement
général à leurs abonnés. Les émissions de Show -
time sont distribuées par satellite aux systèmes de
télévision par câble qui les transmettent à leurs
abonnés. Les contributions que Showtime
demande aux entreprises de télévision par câble
qui perçoivent des droits de leurs abonnés consti
tuent son unique source de revenus. Les émissions
de Showtime ne sont offertes aux particuliers que
par les systèmes de télévision par câble affiliés.
Mile Procope a présenté le texte du message
imprimé que Showtime transmet visuellement une
fois par jour. Il s'agit de la pièce 17:
[TRADUCTION] AVERTISSEMENT DIFFUSÉ PAR SI-IOWTIME AU
SUJET DU DROIT D'AUTEUR
Le service Showtime est la propriété de Showtime Entertain
ment et est diffusé pour le seul usage de ses titulaires dûment
autorisés et de leurs abonnés. Le service Showtime n'est pas
diffusé pour le grand public. Toute réception ou distribution
non autorisée du service Showtime constitue une violation du
droit civil et du droit pénal.
Copyright 1983 Showtime Entertainment. Tous droits réservés.
M"e Procope a témoigné que la direction de
Viacom International Inc. estimait que le brouil-
lage des signaux constituait sans doute la meilleure
solution pour régler le problème de la réception
non autorisée de Showtime. Elle a déclaré que les
dispositifs que Showtime utilisera n'étaient deve-
nus disponibles et rentables que récemment. M"'
Procope a ajouté que l'achat de ces dispositifs
n'était devenu envisageable que depuis peu de
temps, car Showtime avait l'intention de défrayer
une partie des coûts d'installation des dispositifs
aux 2 000 câblodistributeurs affiliés avec lesquels
elle a des relations contractuelles.
Lors du contre-interrogatoire, on a précisément
demandé à MIIe Procope si [TRADUCTION] «la
direction de Showtime savait qu'au cours de la
période durant laquelle les signaux n'avaient pas
été codés, les émissions pouvaient être captées par
quiconque disposait d'une station terrienne ordi-
naire». Elle a répondu par l'affirmative: [TRADUC-
TION] «nous savons qu'il est techniquement possi
ble pour le grand public de les capter à condition
d'avoir . .. une station terrienne. Les particuliers
qui ne sont pas abonnés à un câblodistributeur
affilié ne devraient pas capter les signaux.» Mlle
Procope a reconnu que si les signaux étaient
brouillés, Showtime continuerait à essayer d'attirer
un plus grand nombre d'abonnés, c'est-à-dire ceux
qui payent les droits. Le revenu de Showtime est
proportionnel au nombre d'abonnés. Comme sa
programmation vise le grand public et n'est pas
limitée à un secteur particulier de la population,
Showtime peut théoriquement espérer atteindre
chaque foyer. En fait, en plus des câblodistribu-
teurs, certains hôtels et motels ont des contrats de
réception de télévision avec Showtime et il pourrait
y en avoir plus. Toutefois, Showtime est prudente
à l'heure actuelle, lorsqu'il s'agit de contrats de
services avec des immeubles d'habitation ou des
condominiums, car cela pourrait constituer un
empiétement sur le territoire sous licence des
câblodistributeurs affiliés.
Selon le témoignage de John S. Redpath, HBO
produit et achète des droits de programmation
qu'elle assemble en deux canaux de télévision à
péage, HBO et Cinemax, qui sont alors reliés aux
satellites de RCA et distribués à des câblodistribu-
teurs, à des SDM (services de distribution multi-
points) et, d'après lui, à une ou deux grandes
chaînes d'hôtels. HBO fait affaires avec plusieurs
milliers de compagnies de transmission par câble
aux États-Unis, les autorisant à capter le signal de
HBO et à le distribuer à leurs abonnés. HBO ne
fait pas affaires directement avec des particuliers.
C'est plutôt le rôle de ses affiliés, qui perçoivent
l'argent des abonnés et en remettent une partie à
HBO. HBO paye des droits à RCA Americom
pour les services de transmission terre-satellite et
satellite-terre de ses signaux.
HBO tente de mettre en place un service qui
intéressera une grande partie de la population. En
d'autres termes, le service n'est pas destiné à un
secteur limité de la population, mais s'adresse
plutôt à un vaste auditoire, parce que les revenus
de HBO sont proportionnels au nombre d'abonnés.
De toute évidence, ce service a eu de bons résul-
tats. M. Redpath a révélé qu'à la fin de 1977, il y
avait un million d'abonnés; à la fin de 1978, deux
millions; à la fin de 1979, quatre millions et à
l'heure actuelle, douze millions plus deux millions
d'abonnés à Cinemax, soit environ 14 millions
d'abonnés au total.
Depuis qu'il est devenu un service national par
l'utilisation des satellites, l'objectif commercial de
HBO est d'atteindre tous les abonnés potentiels
aux États-Unis, par ses distributeurs affiliés auto-
risés. Toutefois, la direction de HBO est consciente
du fait qu'à partir du moment où ses signaux sont
transmis par satellite, ils peuvent être captés par
d'autres personnes que celles auxquelles elle a
accordé des licences autorisant la réception des
signaux pour les distribuer aux abonnés. C'est
pourquoi HBO diffuse à l'occasion un avertisse-
ment semblable à celui de Showtime, à l'intention
des personnes qui captent les signaux sans
autorisation.
Selon le témoignage de M. Redpath, HBO a
déjà poursuivi des fabricants et des détaillants de
matériel destiné à intercepter le signal SDM. Cet
effort a été très coûteux et très peu efficace. Il a
ajouté: [TRADUCTION] «Nous prévoyons le brouil-
lage des émissions de HBO vers l'ouest avant la fin
de l'année et des émissions de HBO vers l'est d'ici
un an.» Il a admis que la mise en place du brouil-
lage comporte toujours des problèmes d'ordre
technique. Jusqu'à l'année dernière, HBO avait
décidé de ne pas brouiller le signal. Depuis lors,
des enquêtes sur la faisabilité d'un système de
brouillage ont été menées, mais les ingénieurs de
HBO estimaient, jusqu'à récemment, [TRADUC-
TION] «qu'il n'existait pas de système de brouillage
suffisamment sûr et de coût raisonnable, qui ne
diminue pas la qualité du signal». Entre-temps,
lorsque HBO apprend [TRADUCTION] «que quel-
qu'un capte le signal sans autorisation, elle lui
envoie une lettre de mise en demeure, pour ce que
cela vaut».
M°e Procope pour Showtime et M. Redpath
pour HBO ont tous deux déclaré que leurs émis-
sions respectives sont destinées à n'être reçues que
par les abonnés qui payent des droits aux entrepri-
ses de télévision par câble, titulaires de licences ou
affiliées. Il serait alors facile d'en déduire que leurs
émissions ne sont pas destinées à être reçues direc-
tement par le public en général. Ce serait une
déduction facile si leurs témoignages oraux
devaient nécessairement être interprétés comme
concluants en l'espèce.
L'expression «reçues directement par le public
en général» doit être interprétée dans son contexte
législatif comme visant les personnes qui ont
acheté ou loué pour leur propre usage des appareils
de réception en bon état de fonctionnement ou qui
ont autrement accès à ceux-ci. Il faut lui donner ce
sens parce qu'il est évident que les facultés de
perception de l'homme ne lui permettent pas de
recevoir des émissions de radiocommunications et
que nous pouvons admettre ce fait de plein droit.
Etant donné que les émissions par satellite en
cause ne sont ni brouillées ni codées, mais sont
transmises «en clair», elles peuvent certainement
être reçues directement par le public en général au
sens de la Loi sur la radio et de la Loi sur la
radiodiffusion.
Toutefois, que veulent dire les diffuseurs de ces
émissions lorsqu'ils déclarent que celles-ci ne sont
pas destinées à être reçues directement? Après
tout, ils savent très bien que leurs émissions peu-
vent être reçues directement par le public en géné-
ral. En fait, ils diffusent tous les deux des avertis-
sements avec leurs émissions. De plus, HBO envoie
des lettres de mise en demeure et tous deux envisa-
gent, voire même planifient activement, le brouil-
lage de leurs signaux pour empêcher ceux qui ne
sont pas des abonnés de les recevoir en clair. De
toute évidence, ils ne veulent pas que leurs émis-
sions puissent être reçues directement par le public
en général, mais ils continuent sciemment à émet-
tre des signaux qui peuvent facilement être reçus
directement par le public en général. Manifeste-
ment, ils souhaitent et espèrent que leurs émissions
ne seront pas directement reçues par cette partie
du public qui refuse de s'abonner à leurs services
affiliés de télévision par câble. De plus, il est clair
que leurs objectifs commerciaux sont de protéger
les intérêts de leurs affiliés, en augmentant le
nombre des abonnés dans le public en général et en
excluant ceux qui ne sont pas abonnés. Est-il alors
possible de conclure que leurs émissions ne sont
pas destinées à être reçues directement par le
public en général?
En l'espèce, le choix du terme «intended» dans
les témoignages de M" e Procope et de M. Redpath
ne permet pas, en droit, de régler la question. En
premier lieu, les demanderesses plaident dans leur
réponse et dans leur défense à la demande recon-
ventionnelle le fait, amplement démontré par la
preuve, que les émissions ne sont ni brouillées ni
codées et peuvent être ainsi captées directement
par quiconque utilise un matériel ordinaire de
station terrienne TRT. En deuxième lieu, les émis-
sions s'adressent à l'ensemble de la population,
elles ne visent pas un secteur limité du public, mais
sont élaborées en vue d'attirer un auditoire aussi
vaste que possible. En troisième lieu, les émissions
sont largement diffusées sur une «empreinte» éten-
due qui permet leur réception directe, non seule-
ment aux Etats-Unis, mais également dans certai-
nes régions du Mexique et du Canada.
Enfin, à cet égard, la «conduite» de Showtime et
de HBO (la diffusion de leurs émissions) [TRA-
DUCTION] «peut être considérée comme intention-
nelle même si ses résultats» (la réception directe
par le public en général) «ne sont pas réellement
voulus, lorsque l'on sait que les conséquences sont
à peu près inévitables» 5 . «Cette proposition est
approchante du principe de droit pénal selon lequel
les particuliers sont présumés prévoir les consé-
quences naturelles et probables de leurs actes.» 6
Evidemment, il n'est question en l'espèce ni de
responsabilité délictuelle ni de droit pénal, mais les
principes sont fondés sur le bons sens et la connais-
sance approfondie du comportement humain, qui
sont des éléments pertinents pour l'interprétation
du mot «radiodiffusion» dans la Loi sur la radio et
dans la Loi sur la radiodiffusion.
Le bon sens doit sûrement être l'objectif fonda-
mental de l'interprétation des lois du Canada et il
doit en être tenu compte, même si en l'espèce, la
loi considérée a un caractère réglementaire plutôt
que compensatoire ou pénal. En 1952, le juge en
chef McRuer a appliqué le même principe dans
une action en dommages-intérêts pour diffamation
résultant d'une émission diffusée à des fins publici-
taires. Évidemment, l'action en l'espèce n'a pas le
même fondement, ni ne porte sur des émissions de
caractère publicitaire. Toutefois, en vertu du bon
sens, le principe tel qu'il l'a énoncé, dépouillé des
éléments non pertinents en l'espèce, exprime bien
la sagesse de cet objectif fondamental en matière
d'interprétation des lois. Ainsi, l'essentiel de la
conclusion du juge en chef McRuer peut, sans être
déformé, être rendu de la manière suivante:
[TRADUCTION] Je suis arrivé à la conclusion qu'il faut faire
appel aux principes fondamentaux et au bon sens en l'espèce.
Les émissions de radio sont faites pour être entendues ... Il
faut présumer que ceux qui diffusent une émission sur réseau
radiophonique anglais souhaitent que les messages radiodiffusés
soient entendus par un grand nombre d'auditeurs anglophones
... Une émission de radio n'est pas une opération unilatérale.
C'est la transmission d'un message'.
Il a alors cité ce passage bien connu des motifs du
vicomte Dunedin dans In re Regulation and Con
trol of Radio Communication in Canada:
[TRADUCTION] Or, pour la transmission d'un message, il faut
un récepteur aussi bien qu'un émetteur. Le message peut ne pas
être entendu, mais du moins il arrive à destination 8 .
5 Linden, Canadian Tort Law (1977), à la p. 30.
6 Ibid., aux pp. 30 et 31.
'Jenner v. Sun Oil Co. Ltd. et al., [1952] 2 D.L.R. 526
(H.C. Ont.), à la p. 535.
8 [1932] 2 D.L.R. 81, à la p. 87; [1932] A.C. 304 (P.C.), à la
p. 316.
Peut-on accepter, dans les circonstances et compte
tenu de la preuve, de faire fi du bon sens dans
l'interprétation des dispositions pertinentes des
deux lois du Canada?
Prenons la question sous un autre angle et sup-
posons que HBO, Showtime et RCA Americom
qui sont pleinement conscientes des capacités de
leurs moyens techniques, diffusent des émissions
ayant un caractère obscène ou un contenu sédi-
tieux (ce qu'ils n'ont pas) ou des émissions autre-
ment nuisibles à la vie et à la sécurité (ce que nul
ne prétend). HBO, Showtime ou RCA Americom
pourraient-elles alors affirmer sérieusement que
ces émissions n'étaient pas destinées à être reçues
directement par le public en général? Dans de
telles circonstances, on dirait certainement qu'elles
pouvaient prévoir les conséquences que l'on sait
être presque inévitables. Une telle conclusion
relève du simple bon sens. Alors, comment leur
intention pourrait-elle être différente quand elles
ne sont pas les malfaiteurs que nous avons évoqués
dans les exemples hypothétiques précédents? En
fait, le contenu de leurs programmes semble inof-
fensif et d'intérêt général, ce qui a une incidence
sur la question de l'intention. Elles ne font rien de
mal, mais il n'en est pas moins vrai qu'elles sont
pleinement conscientes des capacités de leurs
appareils. Ces capacités, c'est-à-dire l'émission de
signaux «en clair», terre-satellite et satellite-terre,
sur une «empreinte» transnationale, sont les
mêmes. De plus, le public en général a les mêmes
possibilités de recevoir directement les émissions.
L'établissement de normes différentes dans un
tel cas ne saurait être justifié rationnellement ni
juridiquement. Il faut conclure que les émissions
de HBO et de Showtime sont destinées à être
reçues directement par le public en général, même
si ce n'est pas vraiment leur intention, car telle est
la conséquence tout à fait prévisible et connue de
leur conduite. Par conséquent, leurs signaux sont
des «radiocommunications dans lesquelles les émis-
sions sont destinées à être reçues directement par
le public en général». Donc, les demanderesses
reçoivent de HBO et de Showtime de la «radiodif-
fusion», aux termes de la Loi sur la radio et de la
Loi sur la radiodiffusion.
Les appareils de radiocommunications des
demanderesses reçoivent certainement de la radio-
diffusion. Il faut donc déterminer maintenant si les
demanderesses exploitent une entreprise de récep-
tion de radiodiffusion, expression qui n'est pas
définie dans les deux lois. L'intention du législa-
teur ressort en particulier du terme «entreprise» ou
«undertaking» dans le texte anglais des lois. Les
demanderesses et les défendeurs soutiennent que
les termes «entreprise» et «undertaking» ont une
connotation commerciale. Les demanderesses sou-
tiennent que les termes visent l'exploitation d'une
entreprise complète et distincte, c'est-à-dire une
entité commerciale ou un centre distinct de profit.
Le procureur général et le ministre des Communi
cations soutiennent en revanche que l'appareil de
radiocommunications des demanderesses et ce
qu'il diffuse aux clients de l'hôtel constituent une
entreprise, parce que l'association des appareils et
de l'usage qui en est fait a un aspect commercial,
et parce qu'il ne s'agit pas simplement d'un passe-
temps ou d'un mode de divertissement personnel
pour ses propriétaires ou ses usagers. Curieuse-
ment, après avoir vigoureusement soutenu que le
TRT des demanderesses du moins ne recevait pas
de «radiodiffusion», ces deux défendeurs, deman-
deurs dans la demande reconventionnelle, soutien-
nent dans leurs plaidoiries que l'appareil de radio-
communications des demanderesses Lount et
Atlific est une «entreprise de réception de radiodif-
fusion». Un tel argument reflète probablement
l'opinion de ces défendeurs que les appareils TRT
et l'antenne collective de télévision constituent un
seul système et, par conséquent, sont exploités
comme une seule entreprise. Le CRTC, également
défendeur, soutient comme les autres défendeurs
que l'aspect commercial des activités indique bien
qu'il s'agit d'une entreprise, mettant en outre l'ac-
cent sur le grand nombre de téléspectateurs et sur
l'importance et la taille de l'appareil. Le CRTC,
également demandeur dans la demande reconven-
tionnelle, soutient dans sa plaidoirie que l'appareil
des demanderesses est partie intégrante d'une
«entreprise de réception de radiodiffusion», là
encore, en présumant probablement qu'il s'agit
d'un seul système.
La preuve révèle que le Holiday Inn de l'avenue
Pembina à Winnipeg a ouvert ses portes en juillet
1980 et que l'ensemble des appareils de radiocom-
munications a été installé par la demanderesse
SaTel à peu près à cette époque. La décision de
retransmettre les quatre canaux canadiens locaux
de télévision au moyen du système de station
terrienne TRT a également été prise à peu près à
ce moment. Il y a un téléviseur dans chacune des
187 chambres. Dans l'hôtel, il y a un bar, un
restaurant et une salle de banquet pour environ
600 personnes. Les émissions de télévision sont
également retransmises dans le bar. Aucun supplé-
ment ni droit n'est demandé aux clients pour les
services de télévision fournis dans l'hôtel.
À l'occasion, on change les émissions reçues des
satellites en passant à un autre canal. L'hôtel a
choisi de diffuser les émissions de Showtime,
WTBS et Cinemax et, au moment de l'instruction,
le gérant de l'hôtel, M. R. M. Williams a déclaré
que le canal ESPN réservé aux films et HBO
étaient présentés à l'heure actuelle. Il a admis que
le choix des canaux dépendait de ce que son per
sonnel et lui-même estimaient le plus conforme
aux goûts de leurs clients parmi les 24 canaux
transmis par satellite. En fait, en réorientant l'an-
tenne à réflecteur parabolique, il est possible de
capter la gamme complète de canaux d'un autre
satellite, c'est-à-dire quatre à la fois avec l'appareil
actuel.
L'arrêt Capital Cities Communications Inc., et
autres c. Le Conseil de la Radio-Télévision cana-
dienne de la Cour suprême du Canada a également
été invoqué au sujet du sens du terme «entreprise».
Le juge en chef Laskin parlant au nom de la
majorité, y citait en l'approuvant l'affaire de la
Radio dans laquelle le Conseil privé avait souligné
qu'[TRADUCTION] «"une entreprise" n'est pas une
chose matérielle, mais une organisation dans
laquelle on utilise des choses matérielles» ([1932]
A.C. 304, à la p. 315) 9 . Il a ajouté:
On a donné à ce terme un sens très large, comme l'indiquent,
dans l'affaire des débardeurs ([1955] R.C.S. 529), à la p. 556,
les renvois du juge Kellock à l'interprétation qu'en a donnée
l'affaire Winner ([1954] A.C. 541), où les termes «under-
taking» (entreprise) et «enterprise» sont utilisés indifféremment,
et dans l'affaire de l'hôtel Empress ([1950] A.C. 122) où
le mot «entreprise» est considéré comme l'équivalent
d'«organisation» I»
Plus particulièrement en ce qui a trait à l'expres-
sion «entreprise de radiodiffusion», le juge en chef
Laskin a déclaré:
Il me semble évident qu'un système de câblodistribution, du
moins s'il reçoit des signaux d'un radiodiffuseur et les transmet,
est une entreprise de réception de radiodiffusion et relève, au
9 [1978] 2 R.C.S. 141, à la p. 161.
10 Ibid., à la p. 162.
moins à cet égard, des pouvoirs du Conseil en matière de
réglementation et de licence".
Il est par conséquent établi que les entreprises
commerciales de câblodistribution, comme les affi-
liés de HBO et de Showtime aux États-Unis,
comme les compagnies de câblodistribution qui ont
comparu dans l'affaire Capital Cities et les entre-
prises de câblodistribution dans l'affaire La Régie
des services publics, et autres c. Dionne, et
autres 12 , qui ont tous des contrats avec des abon-
nés, pour la réception des émissions de télévision
qu'ils diffusent, sont des entreprises de réception
de radiodiffusion. Le dernier arrêt mentionné,
Capital Cities, a tranché une question constitu-
tionnelle qui ne se pose pas en l'espèce. Toutefois,
le juge en chef Laskin, toujours au nom de la
majorité, dans l'affaire La Régie des services
publics, et autres c. Dionne, et autres a exprimé un
concept important:
Dans tous ces cas, il faut rechercher quel est le service fourni et
pas simplement quels sont les moyens utilisés 13 .
De même, dans l'affaire Regina v. Communi-
comp Data Ltd. 14 , le juge de la Cour de comté
Shapiro a établi un rapport entre le service qui est
fourni et le matériel ou les moyens qui sont utilisés
pour le fournir. Il a déclaré:
[TRADUCTION] Par définition, une «entreprise de radiodiffu-
sion» comprend une «entreprise de réception de radiodiffusion».
Si on laisse de côté pour le moment la définition du terme
«radiodiffusion», je n'ai aucune hésitation à conclure que la
compagnie• défenderesse exploitait une «entreprise de récep-
tion». Son antenne et son matériel principal servaient expressé-
ment à recevoir des signaux et des émissions diffusées par des
stations de télévision. Même un simple téléviseur muni d'anten-
nes de type «oreilles de lapin» seulement, reçoit ces signaux.
L'affaire devient une «entreprise» lorsqu'un aspect commercial
y est rattaché, comme c'était le cas en l'espèce. Dans le Roget's
Thesaurus, le terme «undertaking» (entreprise) correspond aux
termes «entreprise», «business» (commerce) et «work» (travail).
À cet égard, la réception de signaux par la défenderesse est
différente de celle du simple téléviseur, car le cheminement de
l'émission ne s'arrête pas à la réception, puisque l'émission est
transmise contre rémunération à d'autres personnes. Comme l'a
souligné le juge Lacourcière dans R. v. Ontario Labour Rela
tions Board, Ex p. Northern Electric Co. Ltd., [1970] 2 O.R.
654, 11 D.L.R. (3d) 640 [confirmé [1971] 1 O.R. 121, 14
D.L.R. (3d) 537], une «entreprise» doit être examinée à la
" Ibid., à la p. 166.
12 [1978] 2 R.C.S. 191.
13 Ibid., à la page 197.
14 (1975), 53 D.L.R. (3d) 673; 6 O.R. (2d) 680 (C. cté).
lumière de l'utilisation qui est faite d'une installation en parti-
culier. Il cite une définition de dictionnaire «comme notam-
ment, "un travail, une entreprise, etc."» Puis il énumère un
certain nombre de cas dans lesquels il y a eu examen judiciaire
du terme 15 .
Là encore, il faut souligner que l'entreprise com-
merciale de la compagnie consiste à transmettre
des émissions à d'autres personnes contre rémuné-
ration.
C'était également le cas dans l'affaire R. v.
Shellbird Cable Ltd. 16 , où il semble que l'on ait
conclu en première instance à l'absence de récep-
tion de radiodiffusion en raison de l'accord entre
les parties et où le tribunal s'était borné à exami
ner les pouvoirs réglementaires du CRTC à l'égard
d'une personne qui exploite une entreprise de
câblodistribution en vertu d'une licence délivrée
par le CRTC. La Cour d'appel de Terre-Neuve a
déclaré qu'elle [TRADUCTION] «ne s'intéressait pas
à d'autres personnes ou organismes»' 7 . Dans ces
affaires, les compagnies de télévision par câble, qui
sans aucun doute exploitent des entreprises de
réception de radiodiffusion, doivent attirer et
garder un nombre suffisant d'abonnés pour main-
tenir l'entreprise et lui donner un but, sinon faire
des profits.
Comme les avocats de toutes les parties recon-
naissent que les lois et règlements comportent une
certaine ambiguïté, plusieurs dictionnaires ont été
consultés, notamment le Canadian Law Dictio
nary, le Dictionnaire de droit Dalloz, les deux
volumes du Harrap's et le Robert. Le Shorter
Oxford définit le terme «undertaking» comme une
entreprise, à l'instar des autres dictionnaires. Mais,
si on laisse de côté l'aspect formel du terme,
celui-ci comporte également un engagement de la
même nature qu'une promesse. Cette dernière
signification permet de faire ressortir la connota
tion commerciale, en soulignant la notion d'obliga-
tion contractuelle d'exécuter, de produire ou de
fournir quelque chose contre rémunération pour
les biens ou services ainsi obtenus. Telle est certai-
nement l'essence de l'eentreprise» visée par les
deux lois. Elle comporte l'aspect de responsabilité
pour défaut de satisfaire une obligation commer-
ciale et doit par conséquent être distinguée des
15 À la p. 680 D.L.R.
16 (1982), 38 Nfld. & P.E.I.R. 224 et 108 A.P.R. 224
(C.A.T.-N.).
17 Ibid., à la p. 228.
entreprises visées dans la Constitution en matière
de répartition des pouvoirs législatifs.
Toutefois, d'après les défendeurs cela n'est pas
tout, car même lorsque les services sont fournis
sans droits directs ni suppléments, il existe cepen-
dant un aspect commercial pour appuyer la notion
d'«entreprise». À cet égard, ils citent le jugement
de la Chambre des lords dans Imperial Tobacco
Ltd and another v Attorney-General 18 . La compa-
gnie de tabac avait lancé une campagne de promo
tion des ventes qui s'appelait «Spot Cash» dans
laquelle chaque paquet de cigarettes contenait un
billet donnant à l'acheteur chanceux la possibilité
de gagner un prix d'une valeur plus ou moins
grande. On annonçait que ce concours était gratuit
et que les paquets de cigarettes contenant les
billets étaient vendus au prix habituel. Il fallait
déterminer si cette campagne de promotion consti-
tuait une loterie illégale. C'est ce qui a été décidé,
bien qu'il fût impossible d'imputer une partie du
prix d'achat à la valeur de la chance donnée, et il a
été statué que l'achat d'un paquet, même au prix
normal, constituait un paiement, une contribution
ou une contrepartie versé pour avoir une chance de
gagner un prix. Les défendeurs soutiennent que,
par analogie, le jugement Imperial Tobacco
appuie la proposition selon laquelle les demande-
resses en l'espèce exploitent une entreprise de
réception de radiodiffusion.
Les défendeurs font une autre analogie en citant
l'affaire La Banque Royale du Canada c. Le sous-
ministre du Revenu national pour les douanes et
l'accise 19 . Dans cette affaire, la banque avait ins
tallé des générateurs destinés à fournir du courant
d'urgence ou de secours dans son immeuble de
bureaux. Les générateurs pouvaient répondre à
environ 10 % des besoins maximum d'électricité de
l'immeuble et fonctionnaient pendant environ 100
heures par an. La question était de savoir si la
banque devait payer une taxe d'accise ou si elle
était admissible à l'exemption prévue pour un
fabricant ou un producteur d'électricité produite
ou fabriquée directement par les générateurs.
Lorsqu'il a rendu le jugement unanime de la Cour
suprême du Canada, le juge McIntyre a déclaré:
18 [1980] 1 All E.R. 866 (H.L.).
19 [1981] 2 R.C.S. 139.
Dans l'examen de ce litige il importe, à mon avis, de voir
l'appelante en l'espèce comme le propriétaire et l'exploitant
d'un immeuble commercial et non comme un banquier. Cela est
important parce que les dépenses qu'a faites l'appelante pour
les générateurs et leur installation s'inscrivent dans le cadre de
la construction et de l'exploitation de l'immeuble. L'alimenta-
tion en électricité des locataires de l'immeuble est donc beau-
coup plus qu'un aspect secondaire des activités de l'appelante.
Il s'agit d'une étape fort importante dans l'exécution de ses
obligations contractuelles envers ses locataires et d'un aspect
important de son entreprise d'exploitant d'immeuble. Que les
générateurs ne produisent qu'une petite partie de l'électricité
fournie par le système me paraît sans conséquence. Les généra-
teurs font partie du système intégral et le courant qu'ils fournis-
sent est offert aux locataires, au besoin, de la même façon que
celui que fournit le système principal. C'est une simple mesure
de prudence que de prévoir un système d'urgence ou de secours
afin de rendre complet un service électrique total.
... je conclus que par l'utilisation des générateurs elle se livre à
la production d'électricité et, ne trouvant rien dans la Loi qui
m'impose une conclusion contraire, je conclus que l'appelante
en produisant du courant électrique par l'exploitation des géné-
rateurs devient un fabricant 20 .
Cette affaire démontrerait que si une entreprise
importante mène une activité mineure et subor-
donnée, sans rémunération ni profits, on peut en
conclure qu'elle exploite cette entreprise subordon-
née, comme ce fut le cas pour la banque, non pas
dans son rôle de banque mais dans son rôle de
propriétaire.
Les analogies, même si elles sont appuyées par
des arrêts importants comme Imperial Tobacco,
peuvent être imprécises, car si le raisonnement de
cette décision portant sur une promotion au moyen
d'une loterie peut appuyer la conclusion que les
demanderesses exploitent une entreprise de récep-
tion de radiodiffusion, elle peut avoir le même effet
à l'égard des grands magasins et des boutiques de
réparation d'appareils radio où des appareils fonc-
tionnent aux fins de démonstration pour attirer les
clients réels et éventuels. De telles entreprises ont
des appareils de radiocommunications qui fonc-
tionnent constamment afin d'attirer et d'intéresser
les clients qui sont sur les lieux ou dans les envi
rons, pour servir les objectifs commerciaux de ces
entreprises. Toutefois celles-ci ne s'engagent nulle-
ment à agir de cette façon et n'ont aucune obliga
tion contractuelle à cet effet. On reconnaît simple-
ment que cette pratique est bonne pour le
commerce, mais cela ne suffit certainement pas
pour conclure qu'une telle utilisation de ces appa-
20 [1981] 2 R.C.S. 139, aux pp. 142, 143 et 144.
reils de radiocommunications sans frais ou sans
droits constitue une entreprise de réception de
radiodiffusion. C'est ce que les demanderesses sou-
tiennent. Il ne s'agit pas non plus d'une analogie
précise, pas plus que celle de l'affaire Banque
Royale. Cela démontre le danger des analogies
trop faciles.
Le service que les demanderesses fournissent au
moyen de leurs appareils de radiocommunications
ne constitue pas une entreprise aux termes de la
Loi sur la radio ni de la Loi sur la radiodiffusion,
parce que ce n'est pas en soi une entreprise com-
merciale dans laquelle les demanderesses s'enga-
gent à fournir la réception d'émissions de télévision
à des abonnés qui doivent payer pour ce service. Il
ne s'agit pas d'un centre générateur de profits
comme le restaurant ou le bar de l'hôtel. Il ressem-
ble plus aux services d'ascenseurs et de téléphone
qui sont fournis aux clients de l'hôtel, bien qu'il n'y
ait aucun élément de preuve quant à la perception
ou non de frais d'utilisation pour le téléphone. Les
demanderesses soutiennent que leur service de télé-
vision est semblable au service d'entretien des
chambres mais cette analogie est poussée trop loin,
car l'entretien des chambres est sûrement un ser
vice plus essentiel, dans un hôtel, que le service de
télévision. Par ailleurs, si une femme de chambre
laisse chaque soir une friandise sur un oreiller,
dans chaque chambre, ce service «gratuit» doit-il
être considéré comme une entreprise de confiserie?
Alors, à mon avis, le service de télévision qui est
assuré au moyen des appareils de radiocommuni-
cations des demanderesses ne constitue ni une ni
deux entreprises de réception de radiodiffusion.
Lorsqu'on dit qu'il n'y a pas d'entreprise de
réception de radiodiffusion en l'espèce, doit-on
faire une distinction entre les demanderesses? On
a fait remarquer que SaTel exige des frais de
location pour l'appareil de radiocommunications,
tout en laissant à Lount la possibilité de l'acheter
en tout temps (pièce 11). Par contre, Lount ne
perçoit aucun droit et ne s'engage pas à fournir
aux clients de l'hôtel ce service de télévision dans
leurs chambres. De toute évidence, il existe une
relation commerciale entre la demanderesse SaTel
à titre de locateur et la demanderesse Lount à titre
de locataire. Cette relation commerciale fait-elle
que l'utilisation par Lount des appareils, pour
assurer la réception de télévision dans son hôtel,
constitue une entreprise aux termes des deux lois?
Ce n'est pas le cas, car autrement on pourrait
prétendre que tout locataire ou acheteur à crédit
d'un appareil de radiocommunications ou d'un
téléviseur exploite une entreprise de radiodiffusion
en se fondant uniquement sur cet argument.
D'après le texte et la structure des lois, il semble
évident que le législateur n'avait pas l'intention de
viser une telle entreprise. Il n'y a en l'espèce
aucune entreprise de réception de radiodiffusion et
à cet égard, on ne doit pas faire de distinction
entre les demanderesses.
La difficulté à laquelle les défendeurs, deman-
deurs dans la demande reconventionnelle, doivent
faire face en faisant valoir leurs arguments est la
suivante: ils cherchent, comme ils ont le droit de le
faire, à étendre la notion d'«entreprise» à l'utilisa-
tion que les demanderesses font de leurs appareils
de radiocommunications. Comme il a été men-
tionné, le législateur n'a pas prévu de définition de
la notion d'«entreprise». Le législateur pourrait
sans aucun doute, en utilisant des termes clairs et
précis, déclarer que le terme «entreprise» s'appli-
que en l'espèce. La compétence du Parlement en ce
domaine n'est pas contestée et ne pourrait pas
l'être.
Outre la portée et les sens inhérents du terme
«entreprise», la Loi sur la radiodiffusion contient
une autre disposition qui vient appuyer l'argument
selon lequel il ne faut pas considérer les deux lois
comme visant le cas des demanderesses, à moins
qu'elles ne le fassent par une formulation précise.
L'article 3 définit la «Politique de la radiodiffu-
sion pour le Canada». Le Parlement déclare que la
radiodiffusion sert les intérêts nationaux. En fait,
on peut qualifier cet article de fortement nationa-
liste sans aucune connotation péjorative. On peut
se rendre compte du caractère fortement nationa-
liste de cette déclaration de politique en examinant
seulement quelques extraits de l'article 3 où il est
déclaré:
3....
a) que les entreprises de radiodiffusion au Canada font usage
de fréquences qui sont du domaine public et que de telles
entreprises constituent un système unique, ci-après appelé le
système de la radiodiffusion canadienne, comprenant des
secteurs public et privé;
b) que le système de la radiodiffusion canadienne devrait être
possédé et contrôlé effectivement par des Canadiens de façon
à sauvegarder, enrichir et raffermir la structure culturelle,
politique, sociale et économique du Canada;
h) que, lorsqu'un conflit survient entre les objectifs du service
national de radiodiffusion et les intérêts du secteur privé du
système de la radiodiffusion canadienne, il soit résolu dans
l'intérêt public mais qu'une importance primordiale soit
accordée aux objectifs du service national de radiodiffusion;
et que la meilleure façon d'atteindre les objectifs de la politique
de la radiodiffusion pour le Canada énoncée au présent article
consiste à confier la réglementation et la surveillance du sys-
tème de la radiodiffusion canadienne à un seul organisme
public autonome.
Mais un objectif très significatif et précis, for-
mulé au paragraphe c) de l'article 3, démontre que
le Parlement n'avait absolument pas l'intention de
prononcer un oukase xénophobe:
3....
c) ... mais ... le droit des personnes de capter les émissions,
sous la seule réserve des lois et règlements généralement
applicables, est incontesté;
Le juge en chef Laskin, au nom de la majorité de
la Cour suprême du Canada, a déclaré dans l'af-
faire Capital Cities:
Cette expression s'applique mieux aux téléspectateurs, mais,
que ce soit ou non le cas, je ne considère pas que l'al. 3c), une
clause qui définit un objet général, puisse prévaloir sur le
pouvoir spécifiquement conféré au Conseil d'accorder des licen
ces, un pouvoir conféré par une loi généralement applicable 21 .
Les parties ont admis qu'en l'espèce, il n'y avait
pas d'autres «lois et règlements généralement
applicables» que la Loi sur la radiodiffusion et son
règlement d'application.
De toute évidence, le champ d'application du
système de réglementation et d'attribution des
licences relevant du pouvoir du CRTC est très
vaste. De plus, ce pouvoir doit prévaloir lorsqu'il
peut être appuyé par une expression appropriée de
l'intention du législateur. Alors, sous réserve seule-
ment des dispositions de la Loi et des règlements,
le droit incontesté des personnes de capter les
émissions doit être interprété comme un droit
libre, non réglementé ou illimité, puisque le Parle-
ment l'a qualifié d'incontesté. Par conséquent, le
droit des demanderesses et des clients de l'hôtel de
capter les émissions diffusées par satellite est et
demeure «incontesté», parce que les demanderesses
n'exploitent pas une entreprise de réception de
21 [1978] 2 R.C.S. 141, à la p. 168.
radiodiffusion. Telle serait la notion importante de
statut «négatif» aux termes de la Loi sur la radio-
diffusion puisque, selon la définition adroite de la
situation par l'avocat du CRTC:
[TRADUCTION] ... elle vise la réglementation et la surveillance
[du système de la radiodiffusion canadienne] par l'intermé-
diaire des entreprises de radiodiffusion et, à l'article 17, elle
vise les licences qui, en vertu de l'article 2, sont des licences
autorisant l'exploitation des entreprises de radiodiffusion. En
d'autres termes, le Conseil ne s'intéresse pas aux «appareils» ni
aux «systèmes» ni au matériel. Il s'intéresse aux entreprises,
d'où son intérêt en l'espèce.
Étant donné que le Parlement, dans sa loi d'appli-
cation générale, n'a pas indiqué clairement, par
une formulation précise, son intention d'assujettir
les activités des demanderesses à la surveillance et
à la réglementation du CRTC (alors qu'il aurait
pu le faire, et pourra le faire si le législateur le
souhaite, en définissant le terme «entreprise»), il
faut conclure que l'utilisation par les demanderes-
ses de leurs appareils de radiocommunications,
outre leur droit incontesté de capter des émissions,
n'est simplement pas prévue dans l'actuelle Loi sur
la radiodiffusion.
Quelle est alors la situation des demanderesses,
vis-à-vis des dispositions de la Loi sur la radio? Il
est parfaitement évident que la possession d'un
appareil de radiocommunications, a d'autres impli
cations, puisque l'article 2 donne la définition
suivante:
2.(1)...
«station de radiocommunications» ou «station» désigne un lieu
où est situé un appareil de radiocommunications;
Ayant installé un appareil de radiocommunica-
tions, les demanderesses ont sûrement mis en place
une station de radiocommunications selon les
termes de la définition. La Loi sur la radio prévoit
en outre:
3. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), nul ne doit
a) établir une station de radiocommunications, ou
b) installer, exploiter ou avoir en sa possession un appareil de
radiocommunications
en quelque lieu du Canada, ou à bord
c) d'un navire ou bâtiment qui est immatriculé ou à qui un
permis est délivré en vertu de la Loi sur la marine mar-
chande du Canada ou qui est la propriété ou qui est sous la
direction ou le contrôle de Sa Majesté du chef du Canada ou
d'une province,
d) d'un aéronef immatriculé au Canada, ou
e) d'un véhicule spatial dont Sa Majesté du chef du Canada
ou du chef d'une province, un citoyen canadien, un résident
du Canada ou une corporation constituée au Canada ou y
résidant ont la direction ou le contrôle,
si ce n'est aux termes et en conformité d'une licence, et, dans la
mesure où il s'agit d'une entreprise de radiodiffusion, si ce n'est
aux termes et en conformité d'un certificat technique de cons
truction et de fonctionnement délivré par le Ministre en vertu
de la présente loi.
(2) [n'est pas pertinent]
(3) Toute station ou tout appareil de radiocommunications
qui ne peuvent que recevoir des radiocommunications et qui ne
sont pas des entreprises réceptrices de radiodiffusion sont
exemptés des exigences du paragraphe (1) s'ils sont simplement
destinés à la réception
a) de la radiodiffusion;...
À ce stade, il est de nouveau nécessaire de
déterminer l'intention de ceux dont l'appareil de
radiocommunications capte les signaux. Il faut
encore examiner et évaluer, non seulement l'inten-
tion exprimée, mais également la conduite des
demanderesses, les possibilités de leur matériel et
les conséquences prévisibles. Cette fois, il faut
déterminer l'intention des demanderesses. Celles-ci
affirment qu'elles avaient l'intention de capter seu-
lement de la «radiodiffusion» et l'expression de leur
intention correspond parfaitement à leur conduite
et aux possibilités de leur matériel. La consé-
quence en l'espèce, la réception de radiodiffusion
seulement, est objectivement prévisible, même si
elle était contestée, ce qui n'est pas le cas. Par
conséquent, comme les demanderesses n'exploitent
pas d'entreprise de réception de radiodiffusion,
elles sont admissibles à l'exemption que prévoit le
paragraphe 3(3) de la Loi sur la radio.
Les classes de licences et de certificats techni
ques de construction et de fonctionnement que
peut prescrire le Ministre en vertu de l'article 4 et
des dispositions suivantes sont les mêmes que les
licences et certificats visés au paragraphe 3(1),
dont la station de radiocommunications des
demanderesses est exemptée en vertu du paragra-
phe 3(3).
Il faut régler une autre question. Dans leur
déclaration, les demanderesses ont sollicité un
autre redressement dans les. termes suivants:
[TRADUCTION] Accorder aux demanderesses une injonction,
interdisant aux défendeurs, à leurs agents, représentants et
employés de saisir ou de fermer la station terrienne exploitée
par Lount audit hôtel ou de toute autre façon empêcher l'ex-
ploitation par Lount de ladite station terrienne;
À cause de la présentation dans les plaidoiries de
détails relatifs au système de télévision à antenne
collective, la demande d'injonction des demande-
resses devrait être réputée viser également ce sys-
tème. À la lumière de mes conclusions en l'espèce
et de la décision apparente du ministre des Com
munications, telle qu'exprimée par le fonctionnaire
du Ministère, de saisir l'appareil de radiocommu-
nications des demanderesses (voir les pièces 1 et 2)
aux fins de poursuites, il semble approprié de
répondre favorablement à la demande d'injonction
des demanderesses. Si l'on considère les admissions
de faits par les demanderesses, qui font mainte-
nant partie du dossier en l'espèce, il serait absurde
de mettre leur matériel sous garde (puisqu'il pour-
rait toujours être rendu «conforme à la loi» en
l'orientant) à moins que les demanderesses persis
tent à ne pas tenir compte des décisions d'une cour
compétente. Elles sont sans reproches à cet égard.
Toutefois, aucune injonction ne sera délivrée
maintenant en l'espèce, parce que, en vertu d'une
longue tradition, le pouvoir exécutif respecte les
décisions de la Cour, même s'il n'est pas enjoint
formellement ou précisément de le faire. De toute
façon, pour ce qui est de l'enquête et des poursui-
tes pour une infraction présumée, les ministres
défendeurs ainsi que leurs fonctionnaires agiraient
à titre de préposés de la Couronne plutôt que
comme mandataires de la législature chargés
d'exécuter une obligation spécifique que leur
impose la loi. Par conséquent, conformément au
jugement de la Cour d'appel fédérale dans Le
Grand Council of the Crees (of Quebec), et autres
c. La Reine, et autres 22 aucune injonction contre la
Couronne du chef du Canada ou un ministre de
celle-ci ne sera délivrée en l'espèce. Évidemment
les fonctionnaires sont tenus de respecter le droit
établi par la présente Cour. Il serait donc préma-
turé d'accorder une injonction, mais rien n'empê-
che les demanderesses de prendre le recours appro-
prié si cela s'avère nécessaire.
Par conséquent, il sera déclaré que ni l'appareil
de réception de la station terrienne (TRT) ni
l'appareil de réception log-périodique (antenne col
lective de télévision) ni leurs parties, câbles ou
systèmes qui relient leurs antennes respectives aux
téléviseurs dans les chambres, qui sont la propriété
des demanderesses Lount, Atlific ou SaTel, ou qui
sont exploités par elles ou l'une d'entre elles à
l'hôtel Holiday Inn du 1330 avenue Pembina à
Winnipeg (Manitoba) ne constituent une entre-
22 [ 1982] 1 C.F. 599.
prise de réception de radiodiffusion ni une partie
d'une telle entreprise aux termes de la Loi sur la
radiodiffusion et de la Loi sur la radio. De plus, ni
les demanderesses ni leurs appareils de radiocom-
munications ne sont assujettis à l'obligation d'obte-
nir la licence prévue dans la Loi sur la
radiodiffusion.
Il sera également déclaré que les systèmes de
radiocommunications comprenant une station de
radiocommunications dans ledit Holiday Inn de
Winnipeg au sens des articles 2 et 3 de la Loi sur
la radio sont admissibles à l'exemption que prévoit
le paragraphe 3(3) de cette Loi. De plus, les
appareils de radiocommunications TRT et d'an-
tenne collective de télévision et les stations de
radiocommunications des demanderesses y compris
toutes leurs parties, câbles ou systèmes reliant les
antennes aux téléviseurs dans les chambres dudit
Holiday Inn sont exemptés des exigences du para-
graphe 3(3) de la Loi sur la radio en matière de
licences et de certificats techniques de construction
et de fonctionnement.
En outre, la requête en injonction des demande-
resses visant à interdire aux défendeurs, à leurs
agents, représentants et employés de saisir ou de
fermer l'appareil de radiocommunications et la
station de radiocommunications des demanderes-
ses audit hôtel ou d'empêcher de toute autre façon
les demanderesses d'exploiter cet appareil de
radiocommunications est rejetée, mais sous réserve
des droits des demanderesses de solliciter, le cas
échéant, et d'obtenir une telle ordonnance qui peut
être rendue à cet égard dans l'avenir.
Il s'ensuit que les demandes reconventionnelles
respectives des défendeurs doivent être rejetées
avec dépens à taxer, mais ces dépens doivent se
rapporter strictement aux débours des demande-
resses et accessoires auxdites demandes reconven-
tionnelles.
Finalement, les demanderesses ont droit à leurs
dépens taxables dans cette action.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.