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T-522-84
Nick Ternette (requérant)
c.
Solliciteur général du Canada (intimé)
Division de première instance, juge Strayer—Cal- gary, 6 juin; Ottawa, 29 juin 1984.
Loi sur la protection des renseignements personnels Demande fondée sur l'art. 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels en vue de faire réviser la décision de refuser l'accès aux renseignements versés au fichier de rensei- gnements personnels de la GRC inconsultable en vertu de l'art. 21 de la Loi Invoquant l'exemption prévue à l'art. 18, la GRC a refusé de confirmer ou de nier l'existence des rensei- gnements, et, s'ils existent, a refusé d'en permettre l'examen Le Commissaire à la protection de la vie privée a refusé de confirmer ou de nier l'existence des renseignements Le caractère général des mots «révision de la décision» de l'art. 41 est suffisant pour permettre d'examiner la conduite du gou- verneur en conseil, du solliciteur général, de la GRC et du Commissaire à la protection de la vie privée Le refus de confirmer ou de nier l'existence de dossiers personnels dans les fichiers inconsultables confirme le fait que le Commissaire à la protection de la vie privée a effectué une enquête Aux termes de l'art. 16(2) de la Loi, la GRC n'est pas tenue de divulguer l'existence de renseignements personnels et il en est de même pour le Commissaire à la protection de la vie privée, en vertu de l'art. 65b), et pour la Cour fédérale en vertu de l'art. 46(1)b) L'art. 43 ne fait pas obligation au Commis- saire à la protection de la vie privée de demander l'examen du dossier La Cour peut vérifier l'existence d'un dossier versé dans le fichier de renseignements personnels concernant le requérant et, s'il en existe un, se demander si on était justifié de l'y inclure Les pouvoirs généraux de la Cour de connaf- tre des demandes de révision, conformément aux art. 41, 45, 46 et 48 ne sont pas restreints par le droit précis du Commissaire à la protection de la vie privée de chercher à obtenir la révision en vertu de l'art. 36 Aux termes des art. 41 et 45, la Cour est tenue d'examiner ces demandes en tenant seulement compte de la nécessité d'éviter toute divulgation inappropriée Comme le refus est fondé sur l'art. 18 et non sur l'art. 21, la procédure appropriée est prévue à l'art. 46 L'intimé doit déposer auprès du juge en chef adjoint ou de la personne que celui-ci désignera, placé dans une enveloppe scellée, un affida vit portant sur l'existence de renseignements personnels con- cernant le requérant qui se trouvent dans le fichier de rensei- gnements et y annexer le dossier Audience tenue à huis clos en présence des deux parties Le Commissaire doit être avisé des procédures Loi sur la protection des renseignements personnels, S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, annexe II, art. 12(1), 16, 18, 21, 29, 35, 36, 37, 41, 42, 43, 45, 46, 48, 49, 50, 51, 65b).
Il s'agit d'une demande fondée sur l'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels en vue de faire réviser la décision du Commissaire à la protection de la vie privée de refuser au requérant l'accès aux renseignements personnels versés à un fichier de renseignements personnels de la GRC. En vertu de l'article 21 de la Loi, ce fichier ne peut
être consulté. Alléguant que les Dossiers du Service de sécurité ne pouvaient être consultés en vertu de l'article 18 de la Loi, la GRC a refusé de confirmer ou de nier l'existence de tels renseignements et, s'ils existent, de permettre que le requérant les examine. Le Commissaire à la protection de la vie privée a lui aussi refusé de confirmer ou de nier l'existence de tels renseignements. Le requérant allègue que la lettre du Commis- saire indiquait que celui-ci n'a pas effectué d'enquête; qu'il a omis de faire savoir au requérant si de tels renseignements le concernant étaient classés dans ce fichier inconsultable et qu'il a omis de demander à la Cour d'examiner le dossier du requérant comme il était autorisé à le faire en vertu de l'article 43 de la Loi. La première question en litige est de savoir si la Cour peut vérifier si le dossier a été inclus à juste titre dans un fichier inconsultable en vertu du paragraphe 18(1), et la seconde consiste à déterminer si la Cour peut exiger de vérifier l'existence du dossier et, s'il en existe un, exiger de le voir. L'intimé soutient que l'on doit répondre par la négative à ces deux questions lorsque le Commissaire à la protection de la vie privée n'a pas cherché à en obtenir la révision judiciaire en vertu de l'article 43. L'intimé se fonde sur la maxime d'inter- prétation expressio unius est exclusio alterius. Il soutient que puisque l'article 36 de la Loi prévoit expressément que le Commissaire à la protection de la vie privée peut faire enquête sur les dossiers classés dans un fichier inconsultable et se fonder sur l'article 43 pour demander à la Cour fédérale de les réviser, c'est la seule situation dans laquelle la Cour peut faire une telle révision.
Le requérant se fonde sur l'article 45 qui s'applique aux demandes présentées en vertu de l'article 41 et qui prévoit que «Nonobstant toute autre loi du Parlement ou toute immunité reconnue par le droit de la preuve, la Cour a ... accès à tous les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, qui relèvent d'une institution fédérale». L'article 48 permet à la Cour de déterminer si le responsable de l'institution est autorisé à refuser la communication des renseignements. L'article 49 prévoit que lorsque le refus de communication a été fondé sur certains articles en particulier, la Cour peut seulement détermi- ner si le refus de communication des renseignements personnels par le responsable de l'institution fédérale était fondé ou non sur des motifs valables. Bien que le fichier ait été classé inconsultable parce qu'il était formé de dossiers ne contenant que des renseignements personnels visés à l'article 21, le vérita- ble refus de communiquer les renseignements n'était fondé que sur l'article 18. Par conséquent, l'article 48 s'applique en ce qui a trait à l'ordonnance que la Cour peut rendre.
Jugement: l'examen des demandes de révision des refus de communication des renseignements personnels relève des pou- voirs généraux de la Cour.
Le caractère général des mots «révision de la décision» employés à l'article 41 est suffisant pour permettre, à l'intérieur des limites qui sont autrement imposées par la Loi, d'examiner la conduite du gouverneur en conseil, du solliciteur général, de la GRC et du Commissaire à la protection de la vie privée en ce qui a trait au refus de communiquer au requérant les renseigne- ments qu'il cherche à obtenir.
Premièrement, le refus du Commissaire à la protection de la vie privée de confirmer ou de nier l'existence de dossiers personnels dans les fichiers inconsultables confirmait qu'il avait effectué une enquête et qu'il ne lui appartenait pas de confir-
mer ou de nier l'existence de renseignements personnels concer- nant le requérant. Deuxièmement, la GRC, en vertu du para- graphe 16(2), et le Commissaire à la protection de la vie privée, en vertu de l'alinéa 65b), avaient le droit de refuser de confir- mer ou de nier l'existence de renseignements personnels concer- nant le requérant. La Cour fédérale est tenue en vertu de l'alinéa 46(1)b) de prendre des précautions pour éviter une telle divulgation. Troisièmement, l'article 43 exprime une faculté, et le Commissaire a le pouvoir d'apprécier s'il doit ou non deman- der le contrôle judiciaire.
Lorsqu'elle est saisie d'une demande «en révision de la déci- sion de refus» fondée sur l'article 41, la Cour a le droit de vérifier l'existence d'un dossier concernant le requérant et, s'il en existe un, s'il a été inclus à juste titre dans le fichier de renseignements personnels. Le fichier aurait été classé inconsul- table parce qu'il était formé de dossiers dans chacun desquels dominaient les renseignements visés à l'article 21. La Cour est autorisée à examiner tout dossier afin de déterminer s'il con- tient principalement des renseignements personnels.
Il ne s'agit pas d'une situation qui convient à l'application de la maxime expressio unius est exclusio alterius. Les articles 41, 45, 46 et 48 confèrent à la Cour les pouvoirs généraux de connaître des demandes de révision des refus de communication des renseignements personnels. La portée de ces pouvoirs géné- raux ne doit pas être restreinte parce que le Commissaire à la protection de la vie privée a été investi de façon précise du pouvoir de chercher à obtenir une telle révision. Le Parlement n'a pas limité la portée de ces pouvoirs généraux. Au lieu de cela, les articles 41 et 45 donnent à la Cour carte blanche pour examiner les renseignements qui relèvent d'une institution fédé- rale, à l'exception des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine «Nonobstant toute autre loi du Parlement ou toute immunité reconnue par le droit de la preuve« en tenant compte seulement de la nécessité d'éviter toute divulgation inappropriée comme le prévoit l'article 46. En adoptant de telles dispositions générales, le Parlement doit avoir fait en sorte que le droit de l'individu au contrôle judiciaire soit aussi efficace en ce qui a trait au fichier inconsultable qu'aux renseignements personnels classés sous d'autres formes. Compte tenu du fait que l'article 41 confère un pouvoir général de demander la révision judiciaire des refus, le Parlement ne pouvait avoir l'intention de restreindre le rôle de la Cour à la simple lecture du décret en conseil rendant le fichier inconsulta- ble et à celui de comparer le numéro de répertoire du fichier à celui qui est visé dans la demande de renseignements person- nels. Il n'y a rien d'anormal à ce qu'un régime spécial soit prévu à l'article 36 pour la révision des fichiers inconsultables par le Commissaire, en plus du pouvoir général de révision de dossiers personnels classés dans un tel fichier à la demande de l'individu visé. En vertu de l'article 36, le Commissaire peut, de sa propre initiative, réviser de manière continue des fichiers entiers. Ce sont des révisions systémiques qui ne résultent pas d'une plainte d'un individu et qui exigent un pouvoir spécial. Lorsque le Commissaire n'est pas satisfait de la réponse de l'institution fédérale à ses recommandations, il est logique que soient pré- vues des dispositions spéciales lui permettant de demander une révision par la Cour. Une telle révision ne serait pas conforme au texte des articles 41 ou 42. Les ordonnances autorisées par les articles 48 et 49 ne sont pas appropriées parce qu'il n'y a pas de plainte déposée par un individu et c'est pour cette raison que les pouvoirs spéciaux de l'article 50 étaient nécessaires. La Loi
ne comporte aucune ambiguïté, compte tenu du droit évident du requérant, en vertu de l'article 41, d'exercer un recours en révision du refus et de la responsabilité de la Cour d'examiner une telle demande.
L'article 46 prévoit le recours approprié. L'article 51 ne s'applique pas parce que le refus n'était pas fondé sur l'article 21. L'intimé doit déposer un affidavit portant sur l'existence ou non de renseignements personnels concernant le requérant dans le fichier de renseignements. Si un tel dossier existe, il devra être annexé à l'affidavit à titre de pièce. Ces documents devront être présentés dans une enveloppe scellée qui ne pourra être ouverte que par le juge en chef adjoint ou tout autre juge qu'il peut désigner. L'audience initiale doit avoir lieu à huis clos en présence des deux parties ou de leurs représentants. Il doit être donné avis au Commissaire à la protection de la vie privée de la prochaine audition.
JURISPRUDENCE
DÉCISION CITÉE:
Heydon's Case (1584), 3 Co. Rep. 7a; 76 E.R. 637 (K.B.D.).
A COMPARU:
Nick Ternette pour son propre compte.
AVOCAT:
Barbara Mclsaac pour l'intimé.
LE REQUÉRANT, POUR SON PROPRE COMPTE:
Nick Ternette.
PROCUREUR:
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE STRAYER:
Faits
Il s'agit d'une demande présentée en vertu de l'article 41 de la Loi sur la protection des rensei- gnements personnels qui a été édictée comme l'an- nexe II, S.C. 1980-81-82-83, chap. 111. Cette Loi est, d'une manière générale, entrée en vigueur en 1983 et remplace la Partie IV de la Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33. La Partie IV prévoyait le premier régime global de protection des renseignements personnels conservés par le gouvernement du Canada et pré-
voyait le droit pour les particuliers intéressés d'avoir accès à ceux-ci. Étant donné qu'un certain nombre d'articles de la Loi sur la protection des renseignements personnels sont visés dans la pré- sente demande, je cite les plus importants in extenso dans l'annexe au jugement.
Après l'adoption de la Loi sur la protection des renseignements personnels et avant son entrée en vigueur, un décret en conseil a été adopté le 22 avril 1983 classant parmi les fichiers inconsulta- bles, en conformité avec l'article 18 de la Loi, un fichier de renseignements personnels de la GRC décrit comme Dossiers du Service de sécurité, GRC-P130. Comme l'exige l'article 18, le décret en conseil DORS/83-374 précise que le fichier est inconsultable en vertu de l'article 21 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il faut souligner que l'article 21 porte sur des rensei- gnements dont la divulgation risquerait vraisem- blablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada, ou à la prévention ou à la répression d'activités subversives.
Le 19 août 1983, le requérant en l'espèce, Nick Ternette, a demandé en vertu du paragraphe 12(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels l'accès aux renseignements personnels le concernant et versés dans ce fichier de rensei- gnements personnels. Il a demandé qu'on lui com munique les renseignements
[TRADUCTION] ... qui visent précisément les activités ayant trait à un changement de gouvernement au Canada ou ailleurs par la force ou la violence, par l'utilisation de la force, par l'incitation à utiliser la force ou par la création ou l'exploitation d'un désordre civil (ces activités auraient eu lieu au Manitoba et en Alberta).
Dans une lettre du 19 septembre 1983 de M. P. E. J. Banning, coordonnateur ministériel de l'accès à l'information et de la protection des renseigne- ments personnels, la GRC a répondu à M. Ter- nette de la manière suivante:
[TRADUCTION] Nous avons reçu votre demande de renseigne- ments le 14 septembre 1983. Le gouverneur en conseil a classé parmi les fichiers de renseignements personnels inconsultables, en vertu de l'article 18 de la Loi sur la protection des rensei- gnements personnels, nos Dossiers du Service de sécurité. Nous ne pouvons donner suite à votre demande et nous ne pouvons confirmer l'existence de renseignements vous concernant. Cette mesure est nécessaire pour préserver le caractère confidentiel de cette catégorie de renseignements.
Vous avez le droit de déposer une plainte concernant votre demande devant le Commissaire à la protection de la vie privée
Dans une lettre subséquente non datée, M. Ter- nette a porté plainte auprès du Commissaire à la protection de la vie privée contre les décisions de la GRC, c'est-à-dire le refus de confirmer ou de nier l'existence de renseignements le concernant et, s'ils existent, le refus de l'autoriser à les examiner. Par lettre du 13 décembre 1983, le Commissaire à la protection de la vie privée, après avoir souligné que le fichier en question avait été classé par le gouver- neur en conseil parmi les fichiers de renseigne- ments personnels inconsultables, a donné la réponse suivante au requérant:
[TRADUCTION] Mon mandat consiste uniquement à veiller à ce que les renseignements personnels classés dans de tels fichiers ne soient pas conservés ni utilisés de manière irrégulière. Je ne confirmerai ni ne nierai l'existence de dossiers personnels dans les fichiers inconsultables classés comme tels.
L'enquête effectuée pour votre compte m'a assuré que les fonctionnaires de la GRC ont agi conformément à la loi en vous répondant comme ils l'ont fait. Je n'ai aucune raison de con- clure qu'on vous a refusé l'exercice d'un droit en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Si vous désirez maintenir votre demande d'accès à ce fichier, vous avez, évidemment, le droit d'interjeter appel de ma déci- sion à la Cour fédérale du Canada.
Par son avis de requête introduisant la présente demande, le requérant a demandé que [TRADUC- TION] «l'honorable Cour fixe la date et le lieu de la révision de la décision de refuser l'accès à des renseignements en vertu des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements person- nels ...». A l'audience, le requérant, qui n'était pas représenté par un avocat, a ajouté à sa demande générale certaines plaintes précises contre le Com- missaire à la protection de la vie privée. Il a allégué que la lettre du Commissaire indiquait que celui-ci n'avait pas effectué d'enquête; qu'il avait omis de faire savoir au requérant si de tels rensei- gnements le concernant étaient classés dans ce fichier inconsultable et qu'il avait omis de deman- der à la Cour d'examiner le dossier du requérant (s'il y en avait un dans ce fichier) comme il était autorisé à le faire en vertu de l'article 43 de la Loi. Dans la mesure ces dernières plaintes devraient être considérées comme la demande d'un redresse- ment précis contre le Commissaire à la protection de la vie privée, tel le mandamus, je ne crois pas qu'elles puissent être entendues sans que le Com- missaire à la protection de la vie privée soit partie aux procédures.
Toutefois, je crois que, compte tenu de la Loi et de l'avis de requête, la présente demande devrait être traitée comme fondée sur l'article 41 de la Loi selon lequel «L'individu qui s'est vu refuser com munication de renseignements personnels deman dés en vertu du paragraphe 12(1) et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à la protection de la vie privée peut ... exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour.» Il me semble que le carac- tère général des mots «révision de la décision» est suffisant pour me permettre, à l'intérieur des limi- tes qui sont autrement imposées par la Loi, d'exa- miner la conduite du gouverneur en conseil, du solliciteur général, de la GRC et du Commissaire à la protection de la vie privée en ce qui a trait au refus de communiquer au requérant les renseigne- ments qu'il cherche à obtenir. J'ajouterais que bien que l'article 41 exige normalement le dépôt de la demande dans un délai de 45 jours suivant le compte rendu du Commissaire à la protection de la vie privée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, je suis prêt à exercer le pouvoir discrétionnaire que me confère cet article pour proroger le délai de manière à permettre l'audition de la présente demande qui a été déposée le 7 mars 1984, bien qu'il se soit écoulé environ soixante-quinze jours entre le dépôt et l'envoi par la poste par le Com- missaire à la protection de la vie privée du compte rendu de son enquête.
Conclusions initiales
Si l'on procède de cette manière, je suis incon- testablement autorisé à rendre certaines décisions en me fondant sur le dossier public que j'ai déjà mentionné. De cette manière, je peux régler certai- nes des plaintes du requérant. Premièrement, je n'accepte pas son argument selon lequel le Com- missaire à la protection de la vie privée admet dans sa lettre qu'il n'a pas effectué d'enquête. Cette conclusion est fondée principalement sur la phrase suivante de la lettre: «Je ne confirmerai ni ne nierai l'existence de dossiers personnels dans les fichiers inconsultables classés comme tels.» Selon moi, il est évident que, d'après le contexte, le Commis- saire à la protection de la vie privée confirmait en fait qu'il avait effectué une enquête et faisait remarquer qu'il ne lui appartenait pas de confir- mer ou de nier l'existence de renseignements con- cernant le requérant dans ce fichier de renseigne-
ments personnels. Deuxièmement, compte tenu de l'économie de la Loi, la GRC et le Commissaire à la protection de la vie privée avaient le pouvoir de refuser de confirmer ou de nier l'existence de renseignements personnels concernant le requérant dans ce fichier inconsultable. Le paragraphe 16(2) précise que le responsable d'une institution fédé- rale n'est pas obligé, lorsqu'il refuse de communi- quer des renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1), d'indiquer s'il existe des renseignements personnels concernant le requérant. L'alinéa 65b) dit expressément que le Commissaire à la protection de la vie privée doit éviter lors d'une enquête que ne soit divulguée l'existence de tels renseignements lorsque le res- ponsable d'une institution fédérale a refusé de les communiquer. De même, cette Cour, dans les pro- cédures de révision, est obligée en vertu de l'alinéa 46(1)b) de la Loi de prendre des précautions pour éviter une telle divulgation. (La théorie je n'ai pas à déterminer si elle est fondée sur la réalité ou non—sur laquelle reposent apparemment ces dis positions veut que la simple divulgation de l'exis- tence de renseignements pourrait indiquer au requérant que, par exemple, ses activités ont été surveillées, et donc nuire à l'application des lois, aux mesures anti -subversives, etc.) Troisièmement, la plainte adressée à la présente Cour selon laquelle le Commissaire à la protection de la vie privée n'a pas exercé le droit que lui confère l'article 43 de demander l'examen des dossiers versés dans un fichier inconsultable classé comme tel en vertu de l'article 18 n'est nullement fondée. Comme je le ferai remarquer plus loin, je pense que l'article 43 ne s'applique pas en l'espèce. Mais même s'il s'appliquait, il prévoit que «le Commis- saire à la protection de la vie privée peut demander à la Cour». (C'est moi qui souligne.) De toute évidence, cette disposition exprime une faculté et non une obligation, et le Commissaire a le pouvoir d'apprécier s'il doit ou non demander le contrôle judiciaire.
Je crois qu'il n'est pas contesté que, lors d'une révision prévue à l'article 41, j'ai au moins le droit de vérifier si le fichier en question a réellement fait l'objet d'un décret le classant comme inconsulta- ble. A cette fin, je dois examiner le décret en conseil. Ainsi, il est évident que le Décret 14 sur les fichiers de renseignements personnels incon-
sultables (GRC) DORS/83-374 a pour but de clas- ser le fichier de renseignements personnels visé par la demande de renseignements du requérant parmi les fichiers de renseignements inconsultables.
Je pense qu'il est également admis que le para- graphe 18(1) prévoit un critère objectif pour l'exercice par le gouverneur en conseil du pouvoir de prendre un décret classant un fichier parmi les fichiers inconsultables et je conclus en ce sens. Un tel décret ne peut être pris qu'à l'égard d'un fichier dont tous les dossiers sont des dossiers dans les- quels «dominent les renseignements visés aux arti cles 21 ou 22». Cette situation découle du fait que les fichiers inconsultables doivent être formés de dossiers «dans chacun desquels» (c'est moi qui souligne) dominent ces renseignements.
Questions en litige
Toutefois, il reste à trancher deux questions difficiles qui soulèvent des problèmes importants et complexes au sujet de l'interprétation de la Loi. Comme il s'agit seulement, je crois, de la deuxième demande présentée à la Cour en vertu de cette Loi, ces questions sont nouvelles et exigent un examen approfondi. Voici ces questions: en premier lieu, cette Cour peut-elle dans de telles circonstances vérifier si un dossier donné a été inclus à juste titre dans un fichier inconsultable classé comme tel en vertu du paragraphe 18(1); et, en deuxième lieu, la Cour peut-elle exiger de vérifier l'existence d'un dossier concernant le requérant dans ce fichier inconsultable et, s'il en existe un, exiger de le voir? Si l'on répond à la deuxième question par l'affir- mative, d'autres considérations subsidiaires entrent en jeu quant à savoir quelles procédures prévues dans la Loi relativement au contrôle judiciaire s'appliqueraient à la situation.
Position de l'intimé
L'intimé, le solliciteur général du Canada, sou- tient que l'on doit répondre par la négative à ces questions fondamentales lorsque le Commissaire à la protection de la vie privée n'a pas cherché à obtenir, en vertu de l'article 43, la révision judi- ciaire d'un dossier versé dans un fichier inconsulta- ble. L'avocat souligne que l'article 36, le seul article inscrit sous la rubrique EXAMEN DES FICHIERS INCONSULTABLES dans la Loi, prévoit précisément une enquête du Commissaire à la
protection de la vie privée sur les dossiers versés dans un fichier inconsultable. Le paragraphe 36(5) permet expressément au Commissaire à la protec tion de la vie privée, lorsqu'il n'est pas satisfait de la réponse de l'institution fédérale ou des mesures adoptées par celle-ci à la suite de son enquête et du rapport que prévoit cet article, de présenter une demande à la Cour fédérale en vertu de l'article 43. L'article 43 indique que dans les circonstances particulières décrites au paragraphe 36(5), c'est le Commissaire à la protection de la vie privée qui peut demander à la Cour «d'examiner les dossiers versés dans un fichier inconsultable classé comme tel en vertu de l'article 18». De plus, l'article 50 commence par les mots «La Cour, saisie d'un recours en vertu de l'article 43», et prévoit ensuite que, si elle conclut qu'un dossier n'aurait pas être versé dans le fichier inconsultable, la Cour doit ordonner à l'institution fédérale de retirer ce dossier du fichier. L'article 51, qui prescrit une procédure particulière pour la révision par la Cour de documents plus délicats, inclut parmi celles qui doivent faire l'objet de procédures particulières les demandes présentées en vertu de l'article 43 (c'est-à-dire par le Commissaire à la protection de la vie privée). L'intimé soutient que, puisque la loi contient des dispositions précises permettant au Commissaire à la protection de la vie privée de demander la révision de dossiers classés dans un fichier inconsultable, c'est la seule situation dans laquelle la Cour peut faire une telle révision. En fait, sans l'exprimer de cette manière, l'intimé se fonde sur la maxime d'interprétation expressio unius est exclusio alterius. , De cet argument découle un autre corollaire: ce pouvoir général dont disposerait la Cour en matière d'examen d'une demande soumise par un particulier pour la révision d'un refus de communication des rensei- gnements personnels en vertu de l'article 41, comme nous le verrons ci-après, se limite, en ce qui concerne les renseignements personnels classés dans un fichier inconsultable, à déterminer si en fait un décret en conseil a été pris pour classer ce fichier en particulier comme inconsultable. Une fois que la Cour s'est prononcée à ce sujet, elle ne peut rien faire d'autre lorsque la demande de révision est présentée par l'individu intéressé.
La position du requérant
En revanche, la position la plus favorable au requérant en l'espèce—que j'ai extrapoler de sa
propre argumentation et d'une étude approfondie du texte de la Loi—consiste à dire que, en vertu de l'article 41 qui s'applique à «L'individu qui s'est vu refuser communication de renseignements person- nels demandés en vertu du paragraphe 12(1)», (c'est clairement la situation du requérant en l'es- pèce) ce dernier peut «exercer ûn recours en révi- sion de la décision de refus devant la Cour». L'arti- cle 45, qui s'applique notamment aux demandes présentées en vertu de l'article 41 prévoit que:
45. Nonobstant toute autre loi du Parlement ou toute immu- nité reconnue par le droit de la preuve, la Cour a ... accès à tous les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, qui relèvent d'une institution fédérale, à l'exception des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada ...; aucun des renseignements auxquels la Cour a accès en vertu du présent article ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé. [C'est moi qui souligne.]
L'article 46 exige que la Cour, dans le cadre de telles auditions y compris les procédures relatives aux recours prévus à l'article 41, effectue sa révi- sion de manière à ne pas divulguer les renseigne- ments qui en vertu de la Loi ne doivent pas être divulgués.
Ensuite, dans le cas d'une demande présentée à juste titre en vertu de l'article 41, ce sont les articles 48 et 49 de la Loi qui prévoient le genre de décision que la Cour est autorisée à rendre. L'arti- cle 48 confère un pouvoir plus général qui permet à la Cour, dans la plupart des cas, de déterminer si le responsable de l'institution fédérale était auto- risé à refuser la communication des renseigne- ments personnels en question. Si la Cour juge qu'il ne l'était pas, elle peut lui ordonner de communi- quer les renseignements qui font l'objet de la demande. L'article 49 crée en fait une exception à ce pouvoir général de la Cour. Il prévoit que lorsque le refus de communication a été fondé sur certains articles en particulier—apparemment ceux qui portent sur des questions plus délicates concernant par exemple la sécurité nationale, etc., y compris l'article 21—la Cour peut déterminer uniquement si le refus de communication des ren- seignements personnels par le responsable de l'ins- titution fédérale était ou non fondé «sur des motifs valables». Cet article limite quelque peu le pouvoir de la Cour d'annuler la décision du responsable de l'institution, mais si elle juge qu'il n'y avait pas de tel motif valable, elle peut de la même manière ordonner au responsable de communiquer les ren-
seignements. Ces deux articles permettent à la Cour de rendre «une autre ordonnance si elle l'estime indiqué». En l'espèce, le fichier était classé comme inconsultable parce qu'il était formé de dossiers dans chacun desquels dominaient les ren- seignements visés à l'article 21, mais le véritable refus de communiquer les renseignements au requérant, comme l'indique la lettre susmention- née de la GRC datée du 19 septembre 1983, n'est fondé que sur l'article 18 de la Loi. Notons que la lettre précisait que ce fichier était «classé parmi les fichiers de renseignements personnels inconsulta- bles, en vertu de l'article 18 de la Loi sur la protection des renseignements personnels». En vertu de l'alinéa 16(1)b) de la Loi, le responsable de l'institution est tenu, s'il refuse la communica tion, d'indiquer la disposition précise de la Loi sur laquelle il fonde son refus. A mon avis, il est fondamental pour l'exercice par le requérant de tous les recours subséquents, que le responsable soit lié par les motifs qu'il allègue dans son avis de refus. Par conséquent, il semble que le refus de communiquer les renseignements personnels en l'espèce ne devrait pas être considéré comme fondé sur l'article 21 mais plutôt sur l'article 18. Dans ce cas, l'article 48 s'applique en ce qui a trait à l'ordonnance que la Cour peut rendre, si en fait elle est par ailleurs autorisée à traiter du fond de la plainte d'un individu concernant l'inclusion de son dossier dans un fichier inconsultable.
Conclusion
Bien que l'argumentation de l'intimé ait une certaine valeur, je ne peux conclure qu'il s'agit d'une situation qui convient à l'application de la maxime expressio unius est exclusio alterius. Si ce n'était des renvois précis au droit du Commis- saire à la protection de la vie privée de demander la révision d'un dossier versé dans un fichier incon- sultable et aux procédures prévues à cette fin, il ne ferait aucun doute que cette question relèverait à juste titre des pouvoirs généraux de la Cour de connaître des demandes de révision des refus de communication des renseignements personnels, conformément aux termes généraux des articles 41, 45, 46 et 48. Je ne suis pas prêt à restreindre la portée de ces pouvoirs généraux pour la simple raison qu'on a également jugé bon de décrire avec précision le droit du Commissaire à la protection de la vie privée de chercher à obtenir une telle
révision. Il aurait été facile pour le Parlement de restreindre la portée des articles 41, 45 et 48 ou d'indiquer clairement qu'ils ne s'appliquent pas lorsque le paragraphe 36(5), l'article 43 et l'article 50 s'appliquent. Mais le Parlement ne l'a pas fait. Au lieu de cela, l'article 41 donne à l'individu qui s'est vu refuser la communication, le droit général d'exercer «un recours en révision de la décision de refus» devant la Cour et, dans de tels cas, l'article 45 donne à la Cour carte blanche pour examiner les renseignements qui relèvent d'une institution fédérale, à l'exception des renseignements confi- dentiels du Conseil privé de la Reine «Nonobstant toute autre Loi du Parlement ou toute immunité reconnue par le droit de la preuve», ce qui donne clairement à la Cour le pouvoir et la responsabilité de connaître de ces demandes en tenant compte seulement de la nécessité d'éviter toute divulgation inappropriée comme le prévoit l'article 46. En adoptant de telles dispositions générales, le Parle- ment doit avoir fait en sorte que le droit de l'indi- vidu au contrôle judiciaire soit aussi efficace en ce qui a trait au fichier inconsultable qu'aux rensei- gnements personnels classés sous d'autres formes. L'interprétation que donne l'intimé en l'espèce des articles 41 et 48 signifierait qu'en réponse à la demande de révision, la Cour n'aurait d'autre pou- voir que de lire le décret en conseil rendant le fichier inconsultable. Une fois que la Cour aurait lu le décret en conseil et comparé le numéro de répertoire du fichier à celui qui est visé dans la demande de renseignements personnels, ses pou- voirs seraient épuisés. On ne peut supposer que le Parlement avait l'intention de donner un rôle aussi banal et insignifiant à la Cour alors qu'il accordait aux individus concernés, à l'article 41, un pouvoir général de demander la révision judiciaire des refus des institutions fédérales de communiquer des renseignements personnels.
En fait, il n'y a rien d'anormal à ce qu'un régime spécial soit prévu à l'article 36 pour la révision des fichiers inconsultables par le Commis- saire, en plus du droit général de révision de dossiers particuliers classés dans un tel fichier à la demande de l'individu visé. En vertu de l'article 36, le Commissaire peut, de sa propre initiative, réviser de manière continue des fichiers entiers comme l'article 37 l'autorise à contrôler la gestion des renseignements personnels par une institution fédérale afin de vérifier si les exigences des articles
4 à 8 ont été observées en ce qui a trait à la protection et à l'utilisation de telles données. Ce sont des révisions systémiques qui ne résultent pas d'une plainte déposée par un individu. Elles exi gent donc un pouvoir spécial. Lorsque le Commis- saire contrôle, de sa propre initiative, un fichier inconsultable en vertu de l'article 36 et qu'il n'est pas satisfait de la réponse de l'institution fédérale à ses recommandations, il est logique que les arti cles 43 et 50 prévoient des dispositions spéciales lui permettant de demander une révision par la Cour. Une telle révision ne serait pas conforme au texte des articles 41 ou 42. Les ordonnances autorisées par les articles 48 et 49 ne sont pas appropriées parce qu'il n'y a pas de plainte déposée par un individu et c'est pour cette raison que les pouvoirs spéciaux de l'article 50 étaient nécessaires.
À mon avis, la Loi ne comporte donc aucune ambiguïté sur ce point compte tenu du droit évi- dent du requérant, en vertu de l'article 41, d'exer- cer un recours en révision du refus et de la respon- sabilité de la Cour d'examiner une telle demande. Comme il n'y a aucune ambiguïté, il n'y a pas lieu d'appliquer la maxime expressio unius est exclu- sio alterius.
De plus, l'avocat de l'intimé m'a invité à exami ner un document de travail du Cabinet datant de juin 1980, et portant le titre [TRADUCTION] «Loi sur la protection des renseignements personnels» qui, je crois, a été présenté au Cabinet fédéral au moment les décisions politiques ont été prises sur ces mesures législatives. Répondant à mes questions, l'avocat m'a assuré qu'il ne s'agissait pas de «renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada» que l'article 45 m'aurait interdit de lire; j'ai donc examiné le document de travail pour déterminer s'il pouvait m'aider dans l'interprétation de la Loi. Je l'ai fait dans un but très précis qui est aussi, je crois, le seul usage que l'on peut faire de ce genre de documents dans l'interprétation des lois (et non la détermination de leur caractère constitutionnel) c'est-à-dire pour définir, selon l'expression classi- que de l'affaire Heydon's Case (1584), 3 Co. Rep. 7a; 76 E.R. 637 (K.B.D.), le [TRADUCTION] «mal» auquel le Parlement tentait de remédier et le redressement qui a été adopté. Voir également Driedger, The Construction of Statutes, 2e éd., 1983, aux pages 73 à 79. Encore une fois, il est
douteux que l'on puisse avoir recours à de telles aides en matière d'interprétation lorsque la loi n'est pas vraiment ambiguë. Toutefois, même si je me trompais sur l'absence d'ambiguïté, je n'ai pas trouvé les éclaircissements voulus dans ce docu ment de travail sur le «mal» ou le remède. Malheu- reusement, le document de travail ne traite pas précisément de la question que je dois examiner en l'espèce, c'est-à-dire le droit de l'individu à l'exer- cice devant la Cour d'un recours en révision de son dossier, s'il y en a un, versé dans un fichier incon- sultable. Le document, après discussion de l'utili- sation des fichiers inconsultables en vertu des dis positions législatives antérieures (Partie IV de la Loi canadienne sur les droits de la personne), recommande le maintien de ce système avec quel- ques modifications. Il ajoute:
[TRADUCTION] De plus, il faut examiner la possibilité de prévoir un mécanisme de révision des renseignements contenus dans les fichiers inconsultables. Le Commissaire à la protection de la vie privée aurait le pouvoir de réviser le contenu des fichiers inconsultables et, en cas de divergence d'opinions entre le Commissaire et le Ministre responsable sur la question de savoir si des renseignements ont été classés à juste titre dans un fichier, de renvoyer la question devant les tribunaux. Une telle disposition fournirait un moyen de contrôler le genre de rensei- gnements entrant dans les fichiers inconsultables.
Notons que le document ne traite précisément que du droit du Commissaire à la protection de la vie privée d'examiner les fichiers inconsultables et de demander le contrôle judiciaire. Il ne donne aucune raison justifiant l'exclusion du droit des individus de demander le contrôle judiciaire en ce qui a trait à leur propre dossier. En fait, le docu ment indique ailleurs, à la page 6, que le [TRA- DUCTION] «droit d'interjeter appel à la Cour fédé- rale» par les individus devrait être identique dans la Loi sur l'accès à l'information et dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. (Il ne semble pas y avoir de disposition comparable rela- tivement aux fichiers inconsultables dans la Loi sur l'accès à l'information.) Le «mal» auquel il doit être remédié n'est pas vraiment décrit dans le document de travail, mais il en ressort l'impression générale que l'une des faiblesses de la loi anté- rieure était de ne pas prévoir le droit de demander la révision par les tribunaux du refus d'une institu tion fédérale de communiquer des renseignements personnels. Même si ce document de travail peut donner une idée de l'intention du Cabinet en 1980, il ne démontre évidemment pas que telle était
l'intention du Parlement en 1982 lorsque la loi a été adoptée, après de nombreux débats et amende- ments. En dernière analyse, cette intention doit être déduite des termes de la loi telle que finale- ment adoptée.
Par conséquent, je conclus que dans un «recours en révision de la décision de refus» en vertu de l'article 41 comme en l'espèce, la présente Cour est autorisée à vérifier s'il y a vraiment un dossier concernant le requérant dans ce fichier de rensei- gnements personnels et, dans l'affirmative, s'il y a été versé à juste titre. Comme je l'ai déjà dit, un fichier ne doit être classé parmi les fichiers incon- sultables en vertu du paragraphe 18 (1) de la Loi que si dans tous les dossiers qu'il contient «domi- nent les renseignements visés aux articles 21 ou 22». La condition préalable à l'inclusion de tout dossier est formulée en termes objectifs et non en des termes subjectifs, comme par exemple: «lors- que le gouverneur en conseil estime que ...» une telle condition existe. Le fichier visé en l'espèce est censé avoir été classé comme inconsultable parce qu'il est formé de dossiers dans chacun desquels dominent les renseignements visés à l'article 21. La Cour est donc autorisée à examiner tout dossier versé dans le fichier inconsultable qui fait l'objet d'une demande en vertu de l'article 41 pour déter- miner s'il contient des dossiers dans chacun des- quels dominent les renseignements visés à l'article 21. Si elle constate qu'il ne s'agit pas d'un dossier dominent ces renseignements, cela signifie que ce dossier n'aurait pas être versé dans ce fichier et la Cour est autorisée à rendre l'ordonnance appropriée en vertu de l'article 48.
Comme je l'ai dit auparavant, il me semble que l'article 46 de la Loi prévoit la procédure appro- priée pour entendre une telle demande. L'avocat de l'intimé soutient que l'article 51, qui contient des dispositions obligatoires plutôt que facultatives concernant le maintien du secret, constitue l'article pertinent pour le motif qu'il s'agirait d'une demande relative à un refus de communication fondé sur l'article 21. Comme je l'ai fait remar- quer précédemment, le refus de la GRC était fondé sur l'article 18 et je pense que l'intimé est lié par cette position. Cela signifie que c'est la procé- dure prévue à l'article 46 qui s'applique et non celle de l'article 51. L'avocat de l'intimé a égale- ment fait savoir à la Cour que si une telle révision
devait avoir lieu, l'intimé devrait avoir le droit de présenter des arguments en l'absence d'une autre partie. La Cour peut également ordonner une telle mesure en vertu de l'article 46. La Cour a égale- ment la possibilité, en vertu de l'article 46, de tenir des audiences à huis clos. De plus, cet article prévoit que la Cour doit éviter que ne soient divulgués des renseignements faisant état notam- ment de l'existence même de renseignements per- sonnels dans une affaire comme l'espèce.
Par conséquent, je conclus que l'intimé devrait déposer devant la Cour un affidavit portant sur l'existence ou non de renseignements personnels concernant le requérant dans ce fichier de rensei- gnements. Si un tel dossier existe, l'original ou une copie de celui-ci devra être annexée à l'affidavit. Ces documents devront être présentés dans une enveloppe scellée qui ne pourra être ouverte que par le juge en chef adjoint ou tout autre juge qu'il peut désigner et conservés jusqu'à ce que la dispo sition en soit ordonnée. L'affaire devra d'abord être débattue à la date et au lieu que fixera le juge en chef adjoint, devant celui-ci ou tout autre juge qu'il peut désigner. J'ordonnerais, en vertu de l'ar- ticle 46, que l'audience initiale soit tenue à huis clos en présence des deux parties ou devant leurs représentants si elles le désirent, sous réserve de toute autre disposition du juge qui préside à l'af- faire en ce qui a trait aux procédures d'audition d'arguments en l'absence d'une partie ou toute autre question.
Comme je crois qu'il serait utile de connaître l'opinion du Commissaire à la protection de la vie privée sur ces' questions (particulièrement pour savoir quelle était son intention lorsqu'il a averti le requérant qu'il avait le droit d'interjeter appel de la décision du Commissaire à la Cour fédérale), j'ordonne également qu'il lui soit donné avis de la prochaine audition de cette affaire de manière qu'il puisse, s'il le désire, demander l'autorisation de comparaître à titre de partie, comme le prévoit l'alinéa 42c) de la Loi.
ANNEXE
Extraits de la Loi sur la protection des renseigne- ments personnels, S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, ann. II
12. (1) Sous réserve de la présente loi, tout citoyen canadien et tout résident permanent, au sens de la Loi sur l'immigration
de 1976, a le droit de se faire communiquer sur demande:
a) les renseignements personnels le concernant et versés dans un fichier de renseignements personnels;
16. (1) En cas de refus de communication de renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1), l'avis prévu à l'alinéa 14a) doit mentionner, d'une part, le droit de la personne qui a fait la demande de déposer une plainte auprès du Commissaire à la protection de la vie privée et, d'autre part:
a) soit le fait que le dossier n'existe pas;
b) soit la disposition précise de la présente loi sur laquelle se fonde le refus ou sur laquelle il pourrait vraisemblablement se fonder si les renseignements existaient.
(2) Le paragraphe (1) n'oblige pas le responsable de l'institu- tion fédérale à faire état de l'existence des renseignements personnels demandés.
18. (1) Le gouverneur en conseil peut, par décret, classer parmi les fichiers de renseignements personnels inconsultables, dénommés fichiers inconsultables dans la présente loi, ceux qui sont formés de dossiers dans chacun desquels dominent les renseignements visés aux articles 21 ou 22.
(2) Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels _ demandés en vertu du paragraphe 12(1) qui sont versés dans des fichiers inconsultables.
(3) Tout décret pris en vertu du paragraphe (1) doit porter:
a) une mention de l'article sur lequel il se fonde;
b) de plus, dans le cas d'un fichier de renseignements person- nels formé de dossiers dans chacun desquels dominent des renseignements visés au sous-alinéa 22(1)a)(ii), la mention de la loi dont il s'agit.
(L'article 21 vise les renseignements personnels dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la conduite des affaires inter- nationales, à la défense ou à la répression d'activi- tés subversives. L'article 22 vise les renseignements personnels qui ont été recueillis au cours d'enquête pour faire respecter les lois ou dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire aux activités destinées à faire respecter les lois ou à la sécurité des établissements pénitentiaires.)
29. (1) Sous réserve de la présente loi, le Commissaire à la protection de la vie privée reçoit les plaintes et fait enquête sur les plaintes:
b) déposées par des individus qui se sont vu refuser la communication de renseignements personnels, demandés en vertu du paragraphe 12(1);
35. (1) Dans les cas il conclut au bien-fondé d'une plainte ' portant sur des renseignements personnels, le Commissaire à la protection de la vie privée adresse au responsable de l'institu- tion fédérale de qui relèvent les renseignements personnels un rapport où:
a) il présente les conclusions de son enquête ainsi que les recommandations qu'il juge indiquées;
b) il demande, s'il le juge à propos, au responsable de lui donner avis, dans un délai déterminé, soit des mesures prises ou envisagées pour la mise en oeuvre de ses recommanda- tions, soit des motifs invoqués pour ne pas y donner suite.
(5) Dans les cas l'enquête portait sur un refus de commu nication et que, à l'issue de l'enquête, communication n'est pas donnée au plaignant, le Commissaire à la protection de la vie privée informe celui-ci de l'existence de son droit de recours en révision devant la Cour.
36. (1) Le Commissaire à la protection de la vie privée peut, à son appréciation, tenir des enquêtes sur les dossiers versés dans les fichiers inconsultables classés comme tels en vertu de l'article 18.
(3) Dans les cas où, à l'issue de son enquête, il considère que les dispositions du décret de classement ne justifient pas la présence de certains dossiers dans le fichier inconsultable, le Commissaire à la protection de la vie privée adresse au respon- sable de l'institution fédérale de qui relève le fichier un rapport où:
a) il présente ses conclusions ainsi que les recommandations qu'il juge indiquées;
b) il demande, s'il le juge à propos, de lui donner avis, dans un délai déterminé, soit des mesures prises ou envisagées pour la mise en œuvre de ses recommandations, soit des motifs invoqués pour ne pas y donner suite.
(5) Dans les cas il a demandé l'avis prévu à l'alinéa (3)b), mais qu'il ne l'a pas reçu dans le délai imparti ou que les mesures indiquées dans l'avis sont, selon lui, insuffisantes, inadaptées ou non susceptibles d'être prises en temps utile, le Commissaire à la protection de la vie privée peut exercer un recours devant la Cour en vertu de l'article 43.
41. L'individu qui s'est vu refuser communication de rensei- gnements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à la protection de la vie privée peut, dans un délai de quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 35(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l'expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.
43. Dans les cas visés au paragraphe 36(5), le Commissaire à la protection de la vie privée peut demander à la Cour d'exami- ner les dossiers versés dans un fichier inconsultable classé comme tel en vertu de l'article 18.
45. Nonobstant toute autre loi du Parlement ou toute immu- nité reconnue par le droit de la preuve, la Cour a, pour les recours prévus aux articles 41, 42 ou 43, accès à tous les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, qui relèvent d'une institution fédérale, à l'exception des renseigne- ments confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada auxquels s'applique le paragraphe 70(1); aucun des renseignements auxquels la Cour a accès en vertu du présent article ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé.
48. La Cour, dans les cas elle conclut au bon droit de l'individu qui a exercé un recours en révision d'une décision de refus de communication de renseignements personnels fondée sur des dispositions de la présente loi autres que celles mention- nées à l'article 49, ordonne, aux conditions qu'elle juge indi- quées, au responsable de l'institution fédérale dont relèvent les renseignements d'en donner communication à l'individu; la Cour rend une autre ordonnance si elle l'estime indiqué.
49. Dans les cas le refus de communication des renseigne- ments personnels s'appuyait sur les articles 20 ou 21 ou sur les alinéas 22(1)b) ou c) ou 24a), la Cour, si elle conclut que le refus n'était pas fondé sur des motifs valables, ordonne, aux conditions qu'elle juge indiquées, au responsable de l'institution fédérale dont relèvent les renseignements d'en donner commu nication à l'individu qui avait fait la demande; la Cour rend une autre ordonnance si elle l'estime indiqué.
50. La Cour, saisie d'un recours en vertu de l'article 43, ordonne au responsable de l'institution fédérale dont relève le fichier inconsultable qui contient le dossier en litige de retirer celui-ci du fichier, ou rend toute autre ordonnance qu'elle estime indiquée, si elle conclut:
a) dans le cas d'un dossier contenant des renseignements personnels visés à l'alinéa 22(1)a) ou au paragraphe 22(2), que le dossier n'aurait pas être versé dans le fichier;
b) dans le cas d'un dossier contenant des renseignements visés à l'article 21 ou à l'alinéa 22(1)b), qu'il n'y a pas de motifs valables justifiant le versement du dossier dans le fichier.
51. (1) Les recours visés aux articles 41 ou 42 et portant sur les cas le refus de donner communication de renseignements personnels est lié aux alinéas 19(1)a) ou b) ou à l'article 21 et sur les cas concernant la présence des dossiers dans chacun desquels dominent des renseignements visés à l'article 21 dans des fichiers inconsultables classés comme tels en vertu de l'article 18 sont exercés devant le juge en chef adjoint de la
Cour fédérale ou tout autre juge de cette Cour qu'il charge de leur audition.
(2) Les recours visés au paragraphe (1) font, en premier ressort ou en appel, l'objet d'une audition à huis clos; celle-ci a lieu dans la région de la Capitale nationale définie à l'annexe de la Loi sur la Capitale nationale si le responsable de l'institution fédérale concernée le demande.
(3) Le responsable de l'institution fédérale concernée a, au cours des auditions en première instance ou en appel et sur demande, le droit de présenter des arguments en l'absence d'une autre partie.
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