T-754-83
Patrick Archibald, Bruce Bailey et Vince Bennett
(demandeurs)
c.
Procureur général du Canada, Tom Dent, Sandy
Thompson et Joyce Bleakney (défendeurs)
Division de première instance, juge Walsh—Van-
couver, 28 mars et 7 avril 1983.
Fonction publique — Une enquête a révélé des irrégularités
dans l'évaluation d'un candidat qui a été disqualifié sans
raison — Modification du rang des candidats — La Commis
sion de la Fonction publique a proposé de procéder à de
nouvelles entrevues des candidats, y compris les demandeurs,
et d'établir un nouveau comité de sélection — Requête visant à
obtenir une injonction permanente, un jugement déclaratoire
quia timet interdisant de procéder à de nouvelles entrevues, et
un jugement déclaratoire portant que la révocation des nomi
nations est nulle et non avenue — Délivrance d'une injonction
interlocutoire — Aucune décision rendue quant au jugement
déclaratoire — Les demandeurs ont démontré l'existence d'une
cause d'action fondée — L'art. 6(3) de la Loi sur l'emploi dans
la Fonction publique s'applique à l'un des demandeurs dont la
nomination a été faite parmi les employés de la Fonction
publique — Ni la Loi ni le Règlement n'autorisaient la révoca-
tion des nominations — Le pouvoir implicite que possède la
Commission de corriger les erreurs faites ne suffit pas pour lui
conférer un pouvoir de révocation — Une loi conférant un
pouvoir doit être interprétée restrictivement — Présomption
contre la création ou l'accroissement de pouvoirs — Les art. 6,
21, 31 et 32 de la Loi ne s'appliquent pas — La Commission
doit agir équitablement — L'existence d'un préjudice irrépa-
rable a été démontrée — La balance des inconvénients penche
en faveur des demandeurs — Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique, S.R.C, 1970, chap. P-32, art. 5d), 6, 21, 28, 29, 31,
32 — Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique,
C.R.C., chap. 1337 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970
(2e Supp.), chap. 10, art. 18.
Pratique — Procédures engagées par le dépôt d'une décla-
ration — Immédiatement après, les demandeurs ont présenté
une demande d'injonction permanente réitérant la demande de
jugement déclaratoire — La Règle 603 prévoit le redressement
qui peut être obtenu sur présentation d'une action ou d'une
requête — Aucun pouvoir de rendre un jugement déclaratoire
provisoire sur une requête en injonction qui n'est qu'accessoire
à l'action visant un jugement déclaratoire — Les demandeurs
admettent que le bien-fondé de l'injonction dépend des faits et
du droit qui ont donné lieu aux demandes de jugement décla-
ratoire — Injonction interlocutoire accordée — Règles de la
Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 603 — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 18.
La présente requête vise une injonction permanente quia
timet interdisant aux défendeurs de tenir de nouvelles entrevues
et de révoquer les nominations des demandeurs à la Fonction
publique, ainsi qu'un jugement déclaratoire quia timet portant
que ladite révocation est nulle et non avenue. À la suite d'une
plainte concernant un concours, on a fait enquête et découvert
des irrégularités dans la tenue dudit concours en ce qui a trait à
l'évaluation d'un candidat qui a été disqualifié sans raison, ce
qui a modifié le rang des candidats. En conséquence, la Com
mission de la Fonction publique a proposé de faire de nouvelles
entrevues avec tous les candidats, y compris les demandeurs,
mais à l'exclusion des candidats qui avaient été éliminés, qui
s'étaient retirés du concours ou qui ne s'étaient pas présentés à
l'entrevue. Un nouveau comité de sélection, composé des trois
personnes désignées comme défendeurs en l'espèce, devait être
mis sur pied.
Jugement: une injonction interlocutoire est accordée et devra
rester en vigueur jusqu'au prononcé du jugement final dans la
présente action visant un jugement déclaratoire.
Les demandeurs ont établi l'existence d'une cause d'action
fondée. Le paragraphe 6(3) de la Loi s'applique à l'un des
demandeurs dont la nomination, faite parmi les employés de la
Fonction publique, ne pouvait, par conséquent, être révoquée
que sur la recommandation d'un comité établi pour faire une
enquête au cours de laquelle il est donné à l'employé et au
sous-chef en cause l'occasion de se faire entendre. Le deman-
deur Bailey n'a pas eu cette occasion de se faire entendre. De
plus, aucun article particulier de la Loi ou du Règlement
n'autorise la Commission à révoquer les nominations des
demandeurs, et il n'est pas suffisant d'invoquer le pouvoir
implicite de la Commission de corriger les erreurs faites dans
l'établissement de la première liste d'admissibilité. Une loi
conférant un pouvoir doit être interprétée restrictivement et il
existe une présomption contre la création de pouvoirs nouveaux
ou l'accroissement de pouvoirs existants. Aucun des articles 6,
21, 31 et 32 de la Loi, mentionnés à l'alinéa 5d) qui prévoit les
pouvoirs et devoirs de la Commission, ne s'applique. Que la
Commission soit habilitée ou non à révoquer les nominations,
elle doit néanmoins agir équitablement selon les principes déga-
gés dans l'arrêt Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional
Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311. En ce
qui concerne la question du préjudice irréparable, il serait
difficile d'évaluer les dommages que les demandeurs subiraient
s'ils devaient perdre leur emploi actuel. Le partage des inconvé-
nients joue en faveur des demandeurs: le préjudice serait plus
grand pour les demandeurs s'ils devaient subir le risque d'un
nouveau concours que pour les défendeurs si on les empêchait
de corriger une erreur.
Étant donné que le bien-fondé de l'injonction dépend des
faits et du droit qui ont donné lieu aux demandes de jugement
déclaratoire, l'injonction demandée à ce stade ne devrait pas
être permanente. De plus, ni la Loi sur la Cour fédérale, ni ses
Règles n'autorisent la Cour à rendre un jugement déclaratoire
provisoire sur une requête en injonction qui n'est qu'accessoire
à l'action visant un jugement déclaratoire. C'est pourquoi,
aucune décision finale ne sera rendue sur la demande de
jugement déclaratoire.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Cutter Ltd. c. Baxter Travenol Laboratories of Canada,
Ltd. et autre (1980), 47 C.P.R. (2d) 53 (C.F. Appel).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of
Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311; 88
D.L.R. (3d) 671; Jarvis v. Associated Medical Services,
Incorporated, et al., [1964] R.C.S. 497; 44 D.L.R. (2d)
407.
AVOCATS:
R. Albert pour les demandeurs.
L. Huculak pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Stewart & McKay, Edmonton, pour les
demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE WALSH: SUR requête des demandeurs
datée du 17 mars 1983 en vue d'obtenir:
[TRADUCTION] a) une injonction permanente adressée aux
défendeurs leur interdisant de prendre quelque mesure
d'intervention que ce soit à l'égard des postes des deman-
deurs et de leur statut d'employés comme agents de projet
du PACLE;
b) une injonction permanente interdisant aux défendeurs de
réunir un comité de sélection et de tenir de nouvelles
entrevues relativement au concours numéro 82-E1C-OC-
ARO-EDM-14;
c) une déclaration portant que le concours numéro
82-E1C-OC-ARO-EDM-l4, tenu aux environs d'avril et
de mai 1982, et que les nominations des demandeurs
comme agents de projet du PACLE qui en ont résulté, sont
valides;
d) une déclaration portant que tout acte du défendeur visant
à révoquer les nominations des demandeurs comme agents
de projet du PACLE est ultra vires;
e) subsidiairement, une déclaration portant que tout acte du
défendeur visant à révoquer les nominations des deman-
deurs comme agents de projet du PACLE, constitue un
exercice illégal, déraisonnable et irrégulier de son pouvoir
de révocation;
f) une déclaration portant que la révocation des nominations
des demandeurs est nulle et non avenue;
g) tout autre redressement que la Cour peut juger équitable
d'accorder dans les circonstances;
h) les dépens.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
Comme on peut le constater, la requête vise non
seulement la délivrance d'une injonction perma-
nente mais également le prononcé d'un jugement
déclaratoire quia timet contre les défendeurs puis-
qu'il ressort de l'affidavit de Lorraine Bazinet,
directeur régional de la Direction générale de la
dotation de la Commission de la Fonction publique
du Canada pour la région de l'Alberta et des
Territoires du Nord-Ouest, qu'aucune des nomina
tions des défendeurs n'a encore été révoquée ni
qu'aucune recommandation n'a été faite à cet
effet.
Les procédures ont été engagées par le dépôt
d'une déclaration le 16 mars 1983, immédiatement
suivie par la requête en injonction qui réitère la
demande de jugement déclaratoire. Même si la
Cour a compétence pour émettre une injonction et
rendre un jugement déclaratoire en vertu de l'arti-
cle 18 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970
(2e Supp.), chap. 10] et si la Règle 603 [C.R.C.,
chap. 663] de ladite Cour prévoit qu'une procé-
dure en vue d'obtenir un jugement déclaratoire
peut être engagée par voie de requête ou d'action,
par le dépôt d'une déclaration, il semble toutefois
qu'elle n'ait pas le pouvoir de rendre un jugement
déclaratoire provisoire sur une requête en injonc-
tion qui n'est qu'accessoire à l'action au cours de
laquelle sera tranchée au fond la demande de
jugement déclaratoire. De plus, étant donné que
les demandeurs admettent que le bien-fondé de
l'injonction dépend des faits et du droit qui ont
donné lieu aux demandes de jugement déclara-
toire, il n'y a pas lieu à ce stade des procédures de
demander une injonction permanente mais plutôt
une injonction interlocutoire qui demeurerait en
vigueur jusqu'à ce que l'action en jugement décla-
ratoire soit terminée.
Toutefois, pour décider s'il y a lieu d'accorder
une injonction interlocutoire, il est nécessaire
d'examiner en détail les faits et le droit sur lesquels
se fonde la demande de jugement déclaratoire, afin
de déterminer si les demandeurs justifient d'argu-
ments défendables et s'ils respectent les autres
exigences relatives à la délivrance d'une injonction
interlocutoire.
Les affidavits présentés par les trois demandeurs
étaient presque identiques à quelques exceptions
près. Le concours était public, c'est-à-dire que les
candidats n'étaient pas tenus de faire déjà partie
de la Fonction publique. Les demandeurs Archi-
bald et Bennett n'étaient pas membres de la Fonc-
tion publique mais le demandeur Bailey y était
déjà employé.
Le demandeur Archibald, qui occupait un
emploi à l'extérieur de la Fonction publique, a dû
donner un préavis d'un mois avant de pouvoir
occuper le poste qui lui était offert dans la Fonc-
tion publique à la suite du concours. Comme je l'ai
déjà dit, le demandeur Bailey faisait déjà partie de
la Fonction publique tandis que le demandeur
Bennett était apparemment prêt à entrer en fonc-
tions le 10 mai 1982, immédiatement après avoir
accepté le poste le 7 mai. Rien n'indique que,
depuis leur nomination, le travail des demandeurs
laisse à désirer, ni que leurs nominations pour-
raient être révoquées pour un motif déterminé, ni
encore qu'elles pourraient l'être par application de
l'article 28 de la Loi [Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32] car,
les trois demandeurs étant encore stagiaires, il
faudrait un motif déterminé pour justifier leur
renvoi. L'article 21 de la Loi ne s'applique pas car
il ne concerne que les nominations faites au sein de
la Fonction publique soit à la suite d'un concours
restreint soit sans concours, de sorte qu'aucun des
candidats non reçus au concours en question n'a de
droit d'appel et qu'aucune nomination ne peut être
révoquée par suite d'un appel. L'article 29 qui
porte sur les mises en disponibilité pour faute de
travail ou par suite de la suppression d'une fonc-
tion, n'est pas applicable non plus, ni l'article 31
qui traite du renvoi pour incompétence ou incapa-
cité; rien n'indique que les demandeurs se sont
livrés à des activités politiques qui pourraient être
invoquées en vertu de l'article 32.
Les défendeurs déclarent qu'à la suite d'une
plainte concernant le concours, la Direction géné-
rale des appels et enquêtes a fait enquête et a
découvert des irrégularités dans la tenue du con-
cours en ce qui a trait à l'évaluation d'un candidat
qui a été disqualifié sans raison; cette erreur d'éva-
luation aurait pu modifier le rang des candidats
sur la liste d'admissibilité. En conséquence, il est
proposé de procéder à de nouvelles entrevues afin
de réévaluer tous les candidats au concours, y
compris les trois demandeurs, mais à l'exclusion
des candidats qui ont été éliminés, qui se sont
retirés du concours, qui ont annulé leur entrevue
ou qui ne s'y sont pas présentés; ces nouvelles
entrevues seraient tenues par un nouveau comité
de sélection composé des trois personnes qui sont
désignées comme défendeurs en l'espèce. En fait,
la Commission de la Fonction publique a décidé
qu'étant donné que la position du premier comité
de sélection avait été compromise, il fallait refaire
des entrevues et réévaluer ces candidats de façon à
garantir une évaluation juste et objective de tous
les candidats intéressés. Il est admis que seule la
Commission de la Fonction publique peut révoquer
une nomination et sur recommandation seulement
du directeur général de la Direction générale de la
dotation. Aucune démarche n'a encore été faite
sauf la fixation des dates des nouvelles entrevues
avec les trois demandeurs, qui ont été annulées à la
suite de la présente requête en injonction.
Les demandeurs Archibald et Bailey ont accepté
leur nomination le 10 mai 1982 et le demandeur
Bennett, le 7 mai 1982. Le 13 mai, la Direction des
enquêtes recevait la plainte concernant le concours
et le 25 mai, un dossier d'enquête était ouvert et
confié à l'agent d'enquêtes J. M. Millet. On a dit
que l'enquête était poursuivie de façon active mais
il est précisé dans l'affidavit de Claude O. Moris-
sette, directeur de la Direction des enquêtes de la
Direction générale des appels et enquêtes de la
Commission de la Fonction publique, que M.
Millet était chargé de trente ou quarante cas en
Alberta, en Colombie-Britannique, au Yukon et
dans les Territoires du Nord-Ouest, et que l'en-
quête ne s'est terminée que le 20 décembre 1982.
Le rapport d'enquête a ensuite été examiné par son
chef de division et par M. Morissette, et des
discussions ont eu lieu avec la Direction générale
de la dotation de la Commission de la Fonction
publique et des cadres supérieurs de la Commis
sion canadienne de l'emploi et de l'immigration à
Ottawa. Le 27 janvier 1983, C. A. Lafreniere, chef
de division de M. Millet, envoyait une lettre à H.
D. Lindley, directeur exécutif des Services du per
sonnel de la Commission canadienne de l'emploi et
de l'immigration, demandant au Ministère de pro-
céder à de nouvelles entrevues afin de réévaluer
tous les candidats sauf ceux qui avaient été élimi-
nés avant l'entrevue, qui s'étaient retirés du con-
cours ou qui ne s'étaient pas présentés à l'entrevue.
La Direction générale de la dotation de la Com
mission de la Fonction publique a approuvé ces
recommandations. Jusqu'à la date de la déclara-
tion sous serment, le 24 mars 1983, aucune autre
mesure n'a été recommandée puisqu'il était impos
sible de prévoir quels seraient les résultats de la
réévaluation.
Indépendamment de la question de savoir si la
Commission a le droit de faire ce qu'elle se propose
de faire maintenant, je tiens à dire qu'il est déplo-
rable que, sous le prétexte d'une lourde charge de
travail, il faille dix mois pour terminer une enquête
dont les résultats sont ensuite utilisés au détriment
de personnes totalement innocentes, comme les
demandeurs, alors que leur travail a toujours été
pleinement satisfaisant et que l'un d'eux, Archi-
bald, a quitté un autre emploi à l'extérieur de la
Fonction publique pour prendre son poste actuel et
qu'un autre, Bailey, a dû se faire muter d'un autre
poste dans la Fonction publique.
De plus, le paragraphe (3) de l'article 6 de la
Loi s'applique au cas de Bailey dont la nomination
a été faite parmi les employés de la Fonction
publique; par conséquent, sa nomination ne pour-
rait être révoquée que sur la recommandation d'un
comité établi pour faire une enquête au cours de
laquelle il serait donné à l'employé et au sous-chef
en cause, ou à leurs représentants, l'occasion de se
faire entendre. Bailey n'a pas eu cette occasion de
se faire entendre.
L'avocat des défendeurs souligne que les nomi
nations des demandeurs n'ont pas été révoquées et
que ceux-ci continuent à remplir leurs fonctions et
à être rémunérés en conséquence, mais cela n'em-
pêche pas que ces nominations pourraient être
compromises si les demandeurs devaient subir une
entrevue en vue d'un nouveau classement des can-
didats, y compris très probablement celui qui a
porté plainte, et donc risquer d'être classés à un
rang différent dans l'ordre de mérite. Il n'est pas
surprenant que les demandeurs s'y opposent et ils
sont en droit de demander une injonction pour
l'empêcher même s'ils le font quia timet. Toute-
fois, cette conclusion ne peut prévaloir si la Com
mission est habilitée à prendre une décision admi
nistrative de ce genre; même dans cette
éventualité, si les nominations des demandeurs
étaient révoquées en raison d'irrégularités dans le
concours et si les demandeurs devaient participer à
un nouveau concours pour garder les postes qu'ils
occupent depuis dix mois, il serait difficile d'affir-
mer, à mon avis, que les demandeurs ont été traités
équitablement comme l'exige l'arrêt Nicholson'
dans lequel le juge en chef Laskin a déclaré au
' Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Com
missioners of Police [[1979] 1 R.C.S. 311]; 88 D.L.R. (3d)
671.
nom de la Cour, à la page 324 [Recueil des arrêts
de la Cour suprême]:
En bref, bien qu'à mon avis l'appelant ne puisse pas réclamer
la protection de la procédure prévue pour un agent de police
engagé depuis plus de dix-huit mois, on ne peut lui refuser toute
protection. On doit le traiter «équitablement» et non arbitraire-
ment. J'accepte donc aux fins des présentes et comme un
principe de common law ce que le juge Megarry a déclaré dans
Bates v. Lord Hailsham ([1972] 1 W.L.R. 1373), la p. 1378:
[TRADUCTION] «dans le domaine de ce qu'on appelle le quasi-
judiciaire, on applique les règles de justice naturelle et, dans le
domaine administratif ou exécutif, l'obligation générale d'agir
équitablement».
Même si cette conclusion suffisait pour disposer
de l'affaire, il est souhaitable, sans pour autant
rendre de décision finale de la nature d'un juge-
ment déclaratoire, de se demander si la Commis
sion est légalement habilitée à faire ce qu'elle se
propose de faire. Le juge Cartwright a bien exposé
le principe en cause lorsqu'il a déclaré à la page
502 de l'arrêt de la Cour suprême Jarvis v. Asso
ciated Medical Services, Incorporated, et al. 2
[Recueil des arrêts de la Cour suprême]:
[TRADUCTION] Je suis parfaitement d'accord avec les motifs
du juge d'appel Aylesworth, y compris évidemment l'énoncé
suivant:
... c'est un lieu commun que de dire que la Commission
ne peut par une interprétation erronée d'un article ou d'arti-
cles de la Loi s'accorder une compétence qu'elle ne possède-
rait pas autrement.
Il a également déclaré à la page 502:
[TRADUCTION] L'étendue de la compétence de la Commission
est déterminée par la loi qui la crée et elle ne peut s'accroître
par l'interprétation erronée du sens de cette loi par la Commis
sion. Mon collègue le juge Fauteux a brièvement exposé le
principe applicable dans In re Ontario Labour Relations Board,
Toronto Newspaper Guild, Local 87 v. Globe Printing Co.
([1953] 2 R.C.S. 18) la p. 41:
Il ressort nettement de la jurisprudence qu'il n'est pas
possible par suite d'une interprétation erronée du droit d'ob-
tenir une compétence ni de refuser de l'exercer, et que, dans
les deux cas, le pouvoir de contrôle des cours supérieures
prévaut, malgré l'existence dans la Loi d'une clause interdi-
sant le recours au certiorari.
C'est ce principe que la Cour d'appel a appliqué dans l'af-
faire en instance. L'intimée ne se plaint pas de ce que la
Commission a été incitée, par des erreurs de fait ou de droit, ou
les deux à la fois, à rendre une ordonnance dans l'exercice de sa
compétence légale, mais plutôt de ce qu'elle a l'intention de
rendre une ordonnance que la Loi ne l'a pas habilitée à rendre.
L'avocat des défendeurs a été incapable de citer
des articles particuliers de la Loi ou du Règlement
2 [[1964] R.C.S. 497]; 44 D.L.R. (2d) 407.
[Règlement sur l'emploi dans la Fonction publi-
que, C.R.C., chap. 1337] qui, étant donné les faits
de l'espèce, autoriseraient la Commission à révo-
quer les nominations des demandeurs, et il a été
obligé d'invoquer le pouvoir implicite que possède
la Commission de corriger les erreurs qui peuvent
avoir été faites dans l'établissement de la première
liste d'admissibilité qui a permis la nomination des
demandeurs. Cela ne suffit pas. Une loi conférant
un pouvoir doit être interprétée restrictivement et
il existe une présomption contre la création de
pouvoirs nouveaux ou l'accroissement de pouvoirs
existants (voir Maxwell On The Interpretation of
Statutes, 12e éd. [Londres, Sweet & Maxwell,
1969], pages 258 et 159 respectivement).
L'article 5 de la Loi, traitant des pouvoirs et
devoirs généraux de la Commission l'autorise
notamment à:
5....
d) établir des conseils pour soumettre à la Commission des
recommandations sur les questions déférées à ces conseils aux
termes de l'article 6, pour rendre des décisions sur les appels
portés devant ces conseils aux termes des articles 21 et 31 et
pour rendre des décisions concernant les questions qui leur
ont été déférées aux termes de l'article 32;
mais, comme je l'ai déjà souligné, aucun des arti
cles 21, 31 ou 32 ne s'applique. L'article 6 con-
cerne la délégation de pouvoirs et l'alinéa a) du
paragraphe (2) n'est pas applicable car rien n'indi-
que que les demandeurs ne possèdent pas les quali-
tés nécessaires pour remplir leurs fonctions. L'ali-
néa b) du même paragraphe ne semble pas pouvoir
s'appliquer non plus, étant donné particulièrement
la clause finale de ce paragraphe qui dit:
6. (2) ...
la Commission, nonobstant toute disposition de la présente loi,
mais sous réserve du paragraphe (3), doit en révoquer la
nomination ou ordonner que la nomination ne soit pas faite,
selon le cas, et peut, dés lors, nommer cette personne à un
niveau qu'elle juge en rapport avec ses aptitudes.
Il semble ressortir de ces articles que, si une
personne a été nommée à un niveau qui n'est pas
en rapport avec ses aptitudes, la Commission peut
révoquer sa nomination et «peut» nommer cette
personne à un niveau qui est en rapport avec ses
aptitudes.
Par conséquent, sans me prononcer sur le juge-
ment déclaratoire demandé aux paragraphes c), d)
et f) de la requête car il n'y a pas lieu de le faire à
ce stade-ci des procédures, j'estime que les deman-
deurs justifient d'arguments défendables et même,
de prime abord, d'une cause fondée, permettant la
délivrance d'une injonction interlocutoire qui res-
tera en vigueur jusqu'à ce que l'action soit tran-
chée sur le fond. Les défendeurs soutiennent
cependant qu'après cette conclusion, il faut main-
tenant déterminer si les demandeurs subiront un
préjudice irréparable si l'injonction n'est pas
accordée. Il a été fait mention de l'arrêt Cutter
Ltd. c. Baxter Travenol Laboratories of Canada,
Ltd. et autre'. Toutefois, dans cette affaire,
comme c'est le cas dans de nombreuses causes
concernant les brevets d'invention, on a jugé que le
demandeur pouvait être indemnisé de tout préju-
dice par le paiement de dommages-intérêts et que
la preuve ne permettait donc pas de conclure à
l'existence d'un préjudice irréparable. Le juge en
chef Thurlow a également conclu, en prononçant le
jugement de la Cour d'appel, qu'il fallait tenir
compte du préjudice irréparable analogue que
pourrait subir l'appelante s'il lui était interdit de
promouvoir ses intérêts légitimes. Il serait difficile
de dire que la situation est la même dans la
présente affaire: la possibilité pour les demandeurs
de perdre leur emploi actuel s'ils étaient obligés de
participer à un autre concours qui pourrait aboutir
à un classement différent, pourrait leur causer un
préjudice difficile à évaluer, tandis que le seul
risque encouru par le défendeur, le procureur
général du Canada, serait une réclamation formu-
lée par une personne estimant que les responsables
du premier concours n'ont pas examiné ses aptitu
des de façon appropriée.
En ce qui a trait à la question du partage des
inconvénients, j'estime également que le préjudice
serait beaucoup plus grand pour les demandeurs
s'ils devaient subir le risque d'un nouveau concours
que pour les défendeurs si on les empêchait de
tenir un nouveau concours afin de corriger une
erreur qui aurait été commise dans l'évaluation des
candidats au premier concours.
Même s'il est vrai, comme l'a souligné l'avocat
des défendeurs, que les affidavits présentés au nom
des demandeurs ne donnent aucune précision sur le
préjudice qu'ils subiraient si de nouveaux concours
étaient organisés, le paragraphe 7 de la déclaration
mentionne toutefois le dommage irréparable qui
résulterait d'une révocation injustifiée de leurs
3 (1980), 47 C.P.R. (2d) 53 [C.F. Appel].
nominations; en tout état de cause, il est évident
qu'ils subiraient un préjudice. Comme je l'ai déjà
dit, ils n'ont pas encore été révoqués, cependant, il
ne semble y avoir aucun avantage à attendre une
révocation pour intenter des poursuites, et de toute
façon, il est clair que la délivrance d'injonctions
quia timet a été jugée fondée dans d'autres
situations.
Étant donné que les défendeurs admettent
qu'aucune démarche n'a été faite depuis la déci-
sion de tenir un nouveau concours, il semble que le
maintien du statu quo en ce qui a trait à cette
question, jusqu'à ce que soit tranchée la demande
de jugement déclaratoire, entraînerait tout au plus
un préjudice minime pour les demandeurs.
ORDONNANCE
Une injonction interlocutoire est adressée aux
défendeurs leur interdisant de prendre quelque
mesure d'intervention que ce soit à l'égard des
postes des demandeurs et de leur statut d'employés
comme agents (le projet du PACLE et leur interdi-
sant également de réunir un comité de sélection et
de tenir de nouvelles entrevues relativement au
concours numéro 82-EIC-OC-ARO-EDM-14 jus-
qu'au prononcé du jugement final dans l'instruc-
tion des présentes procédures, le tout avec dépens.
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