T-2807-83
T-2808-83
Enquête énergie (requérante)
c.
Commission de contrôle de l'énergie atomique et
Hydro -Ontario (intimées)
Division de première instance, juge Reed—
Toronto, 15 et 16 février; Ottawa, 9 avril 1984.
Pratique — Parties — Le procureur général du Canada
cherche à se constituer partie dans une action en annulation
d'une décision de la C.C.É.A. pour parti pris visant un but
lucratif un membre de celle-ci étant président d'une société
traitant avec l'Hydro- Ontario, demanderesse de permis devant
la Commission — Le procureur général a un intérêt direct,
puisque le litige soulève des questions relatives à la composi
tion de la Commission — Il s'agit d'une question d'intérêt
général relative à la composition de commissions semblables et
à la confiance que le public accorde à celles-ci, et la Cour
désire entendre tous les arguments pertinents — La situation
et les intérêts de la Reine en tant que commettant ne sont pas
identiques à ceux de la C.C.É.A. agissant à titre de manda-
taire — L'art. 5 de la Loi sur le ministère de la Justice
prévoyant que le procureur général tient de la common law le
pouvoir d'intervenir est applicable, puisqu'il n'existe aucune
différence dans les rôles du procureur général en Angleterre et
au Canada relativement à des affaires telles que l'espèce —
Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, S.R.C. 1970, chap.
A-19, art. 3 — Loi sur le ministère de la Justice, S.R.C. 1970,
chap. J-2, art. 4b),c), 5a) — Loi sur la Cour suprême, S.R.C.
1970, chap. S-19, art. 55 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2° Supp.), chap. 10, art. 18 — Règles de la Cour
fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 1101, 1716(2)b).
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Certiorari —
Le procureur général cherche à se constituer partie interve-
nante dans une action afin de s'assurer du droit d'appel de
toute décision sur la requête en bref de certiorari — Il est
allégué qu'un membre de la Commission de contrôle de l'éner-
gie atomique a fait preuve de parti pris visant un but lucratif
parce qu'il est président d'une société fournisseuse — On
conteste la pratique du gouverneur en conseil de nommer, à
titre de membres à temps partiel de la Commission, des
personnes ayant des intérêts dans l'industrie — Il s'agit d'un
litige d'une grande portée, puisqu'il soulève des questions
relatives à la composition de la Commission et d'autres com
missions semblablement constituées — Questions relatives à la
confiance qu'accorde le public aux commissions administrati-
ves.
Énergie — Il est allégué qu'un membre de la Commission de
contrôle de l'énergie atomique a fait preuve de parti pris visant
un but lucratif parce qu'il est président d'une société fournis-
sant des câbles résistants aux rayonnements pour des réacteurs
nucléaires — Il ne s'agit pas d'un cas de parti pris relatif à
une opération isolée, mais à une activité commerciale perma-
nente — La pratique du gouverneur en conseil de nommer, à
titre de membres à temps partiel de la Commission, des
personnes ayant des intérêts dans l'industrie est mise en doute
— Le procureur général du Canada est autorisé à se constituer
partie parce qu'il se pose une question d'intérêt général.
Un membre de la Commission de contrôle de l'énergie
atomique était président et administrateur d'une société ven-
dant à l'Hydro-Ontario d'importantes quantités de câbles résis-
tants aux rayonnements pour des réacteurs nucléaires lorsque la
C.C.É.A. a délivré le renouvellement du permis d'exploitation
de la centrale atomique Pickering .B» de l'Hydro-Ontario.
Dans une action, intentée par la requérante, en annulation de
la décision de la C.C.É.A. pour parti pris visant un but lucratif,
le procureur général du Canada cherche à se constituer partie
intervenante pour s'assurer du droit d'appel de toute décision y
rendue.
Jugement: la demande est accueillie.
Le procureur général devrait être autorisé à se constituer
partie, parce qu'il a un intérêt direct dans l'issue de cette
affaire, et parce que celle-ci soulève une question d'intérêt
général à propos de laquelle la Cour devrait connaître ses
arguments. S'il y a parti pris, alors le membre de la Commis
sion sera incompétent pour plusieurs décisions, et il se posera
les questions relatives à la composition de celle-ci et d'autres
commissions semblables et aux lignes directrices en matière de
conflit d'intérêts qui devraient être appliquées. Il se pose égale-
ment la question relative à la confiance que le public en général
accorde aux commissions de cette nature.
Bien que le rôle des tribunaux administratifs sur appel de
leurs décisions puisse avoir été limité par des décisions telles
que l'arrêt Northwestern Utilities, aucune des raisons invoquées
pour imposer ces limites ne s'applique au procureur général en
l'espèce. La situation et les intérêts de la Reine en tant que
commettant ne sont pas identiques à ceux de la C.C.E.A.
agissant à titre de mandataire.
Le droit d'intervenir que le procureur général tient de la
common law repose sur l'article 5 de la Loi sur le ministère de
la Justice, qui lui confère les mêmes fonctions et attributions
que celles du procureur général d'Angleterre, en tant qu'elles
sont applicables au Canada. Certes, leurs rôles peuvent être
différents à certains égards; mais il n'existe aucune différence
dans ce que ce rôle pourrait être dans une affaire telle que
l'espèce.
JURISPRUDENCE
DECISION APPLIQUÉE:
Adams y Adams, [1970] 3 All ER 572 (P.D.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d'Edmonton,
[1979] 1 R.C.S. 684; 89 D.L.R. (3d) 161; Re Bisaillon
and Keable et al. (1980), 127 D.L.R. (3d) 368 (C.A. Qc).
DÉCISION CITÉE:
P.P.G. Industries Canada Ltd. c. Le Procureur général
du Canada, [1976] 2 R.C.S. 739.
AVOCATS:
A. J. Roman et D. Poch pour la requérante.
Personne n'a comparu pour la Commission de
contrôle de l'énergie atomique, intimée.
Ian Blue pour l'Hydro-Ontario, intimée.
P. Evraire, c.r. et M. J. B. Wood pour le
procureur général du Canada, intervenant.
PROCUREURS:
A. J. Roman, Toronto, pour la requérante.
Personne n'a comparu pour la Commission de
contrôle de l'énergie atomique, intimée.
Cassels, Brock, Toronto, pour l'Hydro-Onta-
rio, intimée.
Le sous-procureur général du Canada pour le
procureur général du Canada, intervenant.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE REED: Il s'agit d'une requête introduite
par le procureur général du Canada pour être
constitué partie intervenante dans une action
[T-2807-83] que la requérante Enquête énergie a
intentée pour faire annuler une décision de la
Commission de contrôle de l'énergie atomique en
raison d'un parti pris visant un but lucratif.
La requérante Enquête énergie ne s'oppose pas à
ce que le procureur général présente à la Cour des
arguments sur les points litigieux, mais elle pré-
tend qu'il ne devrait le faire qu'à titre d'amicus
curiae. De son côté, le procureur général veut avoir
la pleine qualité d'une partie. Cette divergence a
pour cause immédiate le fait que le procureur
général désire s'assurer d'un droit d'appel de toute
décision que je pourrais rendre sur la requête en
bref de certiorari, alors que la requérante souhaite
empêcher cette possibilité. Il est peu probable que
l'Hydro-Ontario ou la Commission de contrôle de
l'énergie atomique interjettent appel d'une décision
qui leur est défavorable. Plutôt, ils agiraient immé-
diatement, dès que possible, pour corriger le vice
au moyen d'une nouvelle audition.
Il conviendrait de souligner qu'on ne saurait, en
tout état de cause, empêcher le procureur général
de faire trancher en dernier ressort les questions de
droit soulevées par cette affaire, puisque le gouver-
neur en conseil peut, en vertu de l'article 55 de la
Loi sur la Cour suprême [S.R.C. 1970, chap.
S-19], déférer des questions à la Cour suprême.
Le procureur général prétend qu'on devrait lui
accorder la qualité pour agir parce que: (1) une
décision dans l'action principale va affecter les
intérêts de la Couronne ou l'intérêt public en
général; (2) on devrait établir une analogie avec le
statut conféré au procureur général dans les affai-
res constitutionnelles; (3) en vertu de l'article 18
de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (26
Supp.), chap. 10] et des Règles 1101 et 1716(2)b)
[Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663],
cette Cour a un pouvoir discrétionnaire qu'elle
devrait exercer à cause des questions importantes
d'intérêt public (politique) soulevées, et (4) puis-
que la Commission de contrôle de l'énergie atomi-
que elle-même ne saurait comparaître si ce n'est
pour des fins limitées (voir l'arrêt Northwestern
Utilities Ltd. et autre c. Ville d'Edmonton, [1979]
1 R.C.S. 684; 89 D.L.R. (3d) 161), le procureur
général du Canada devrait avoir la qualité pour
agir pour s'assurer que tous les arguments perti-
nents sont présentés à la Cour.
L'avocat de l'Hydro-Ontario appuie les argu
ments du procureur général, soulignant particuliè-
rement que les intérêts de son client ne coïncident
pas avec ceux du procureur général. En outre, il
s'appuie, dans une grande mesure, sur l'arrêt
rendu par la Cour suprême dans P.P.G. Industries
Canada Ltd. c. Le Procureur général du Canada,
[1976] 2 R.C.S. 739. Dans cette affaire, on a
reconnu au procureur général la qualité pour
demander une ordonnance annulant une décision
du tribunal antidumping deux ans après que cette
décision eut été rendue, au motif de partialité.
L'avocat de la requérante Enquête énergie,
comme on s'y attend, conteste presque toutes les
prétentions susmentionnées. Il fait valoir que la
question ne touchait ni les intérêts de la Couronne
ni l'intérêt public en général, mais qu'elle était
bien limitée et de nature particulière, portant sur
le prétendu parti pris visant un but lucratif d'un
seul membre de la Commission de contrôle de
l'énergie atomique. D'après lui, on ne saurait éta-
blir une analogie avec le statut conféré au procu-
reur général dans les affaires d'ordre constitution-
nel. Il soutient que le droit du procureur général
d'agir dans ces affaires repose sur la doctrine de
[TRADUCTION] «transgression législative», une
doctrine, je dois le dire, empruntée à la jurispru
dence australienne et qui ne convient pas, en tout
cas, au contexte canadien. De toute façon, il faut
souligner que l'avocat de la requérante a été pris
dans un dilemme en avançant ces arguments, puis-
qu'il est évident qu'il lui importerait de faire
valoir, en revendiquant pour son propre client la
qualité pour agir dans la requête en bref de certio-
rari, qu'il y a une question importante d'intérêt
public: la question du droit des citoyens à ce que
les décisions de la C.C.É.A. soient rendues par un
tribunal non terni par un intérêt pécuniaire.
Je suis certain qu'il s'agit d'un cas approprié où
on devrait accorder au procureur général l'autori-
sation de se constituer partie. Le procureur général
a un intérêt direct dans l'issue de cette affaire. On
allègue que l'un des membres de la C.C.É.A. a
fait, dans un but lucratif, preuve de parti pris dans
les décisions de la Commission, parce qu'il est
président et administrateur d'une société qui vend
à l'Hydro-Ontario d'importantes quantités de
câbles résistants aux rayonnements pour des réac-
teurs nucléaires. Il ne s'agit pas d'un cas de pré-
tendu parti pris relatif à une opération isolée, mais
à une activité commerciale permanente. S'il y a
parti pris dans cette affaire, alors le membre de la
Commission sera incompétent pour plusieurs déci-
sions que rend celle-ci. Par conséquent, avec la
question soulevée, on conteste la pratique du gou-
verneur en conseil de nommer, à titre de membres
à temps partiel de la C.C.É.A., des personnes
ayant dans l'industrie des intérêts de la nature
décrite ci-dessus. La question se rapporte au choix
des personnes qui peuvent être nommées à la Com
mission et aux conditions qu'on devrait leur impo-
ser (p. ex. qu'ils cèdent leurs intérêts) pour faire
d'elles des membres compétents de la Commission.
En outre, j'estime qu'on devrait autoriser le
procureur général à se constituer partie parce
qu'une «question d'intérêt général se pose» dans ces
procédures à propos desquelles la Cour devrait
connaître ses arguments. (Voir la Règle 1101 des
Règles de la Cour fédérale.)
Je ne saurais souscrire à l'argument d'Enquête
énergie selon lequel le litige en l'espèce se rapporte
uniquement au prétendu parti pris de M. Olsen et
constitue un [TRADUCTION] «coup unique». La
portée en est beaucoup plus grande. Comme je l'ai
indiqué ci-dessus, le litige soulève en fait des ques
tions relatives à la composition de la Commission,
et peut-être à celle d'autres commissions sembla-
blement constituées; il comporte effectivement,
comme l'avocat d'Enquête énergie a été tenu de le
plaider dans l'action principale, des questions rela
tives à la confiance que le public en général
accorde aux commissions de cette nature.
L'avocat d'Enquête énergie fait valoir que,
quant à la qualité pour agir, le procureur général
se trouve dans la même position que la C.C.E.A.
Dans l'arrêt Northwestern Utilities Ltd. et autre c.
Ville d'Edmonton, [ 1979] 1 R.C.S. 684; 89 D.L.R.
(3d) 161; [à la page 708 du Recueil des arrêts de
la Cour suprême], la Cour suprême dit ceci:
Il est évident que l'art. 65 confère à la Commission le droit
de participer à l'appel de ses décisions, mais en l'absence
d'indication précise de l'intention du législateur, ce droit est
limité. La Commission a un locus standi et son droit de
participer aux procédures d'appel s'apparente à celui d'un
amicus curiae et non à celui d'une partie. Cela ressort claire-
ment du par. 63(2) de The Public Utilities Board Act que voici:
[TRADUCTION] La partie qui interjette appel doit, dans les
dix jours de l'inscription de l'appel, donner aux parties
touchées par l'appel ou à leurs procureurs respectifs devant la
Commission, et au secrétaire de la Commission, un avis écrit
de l'inscription de l'appel pour audition et la cour d'appel
doit entendre l'appel dans les plus brefs délais.
Le paragraphe 63(2) fait une distinction entre les ■parties»
qui interjettent appel de la décision de la Commission ou qui
étaient représentées devant la Commission, et la Commission
elle-même. La Commission a un rôle limité devant la Cour et
elle ne peut pas être considérée comme une partie, au sens plein
du terme, dans les procédures d'appel de ses propres décisions.
J'estime cette restriction tout à fait justifiée. Le législateur l'a
sans aucun doute consciemment imposée dans le but d'éviter de
mettre un fardeau injuste sur les épaules d'un appelant qui, par
la nature des choses, devra éventuellement retourner devant la
Commission et se soumettre de nouveau à ses procédures de
détermination des tarifs. Cette restriction offre également une
protection contre les défaillances humaines qui entrent en jeu
lorsque des personnes ou des organismes se retrouvent ainsi en
situation de conflit.
Aux fins de ce pourvoi, l'analyse de la décision de la Com
mission doit se fonder sur deux considérations concernant l'une
et l'autre la légalité d'un acte administratif. L'une des deux
appelantes est la Commission elle-même; son avocat a présenté
une argumentation détaillée et approfondie à l'appui de la
décision de la Commission en faveur de la Compagnie. Une
participation aussi active ne peut que jeter le discrédit sur
l'impartialité d'un tribunal administratif lorsque l'affaire lui est
renvoyée ou lorsqu'il est saisi d'autres procédures concernant
des intérêts et des questions semblables ou impliquant les
mêmes parties. La Commission a tout le loisir de s'expliquer
dans ses motifs de jugement et elle a enfreint de façon inaccep-
table la réserve dont elle aurait dû faire preuve lorsqu'elle a
participé aux procédures comme partie à part entière, en
opposition directe à une partie au litige dont elle avait eu à
connaître en première instance.
Cette Cour, à cet égard, a toujours voulu limiter le rôle du
tribunal administratif dont la décision est contestée à la présen-
tation d'explications sur le dossier dont il était saisi et d'obser-
vations sur la question de sa compétence, même lorsque la loi
lui confère le droit de comparaître. (Voir les arrêts The Labour
Relations Board of the Province of New Brunswick c. Eastern
Bakeries Limited et autres ([1961] R.C.S. 72); The Labour
Relations Board of Saskatchewan c. Dominion Fire Brick and
Clay Products Limited et autres ([1947] R.C.S. 336).)
Par conséquent, l'avocat d'Enquête énergie sou-
tient que puisque le rôle de la Commission ne
pourrait être que celui d'un amicus curiae ou d'un
défenseur de la compétence de la Commission
(dans le sens étroit de ce terme), le procureur
général, lui aussi, ne pourrait que jouer ce rôle.
Je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas le procu-
reur général qu'on accuse de parti pris. Aucune
des raisons pour lesquelles la Commission est
exclue ne s'applique au procureur général. Ce n'est
pas le procureur général qui va réentendre une
demande de permis au cas où serait rendue une
ordonnance prescrivant d'accorder un bref de cer-
tiorari. Il ne s'agit pas de l'examen d'une décision
du procureur général. Par conséquent, dans l'arrêt
Northwestern Utilities ou dans les autres causes
auxquelles il renvoie, je ne vois rien qui limite,
tacitement ou expressément, l'opportunité pour le
procureur général d'obtenir la qualité pour agir
dans cette affaire. Il en est ainsi même si l'on
prend en considération le fait que, sous le régime
de l'article 3 de la Loi sur le contrôle de l'énergie
atomique [S.R.C. 1970, chap. A-19], la Commis
sion est mandataire de Sa Majesté. Bien que la
situation d'un commettant puisse ressembler, à
maints égards, à celle de son mandataire, ils ne
sont pas identiques et leurs intérêts ne sont pas
nécessairement identiques. Étant donné cette con
clusion, il ne m'est pas nécessaire de statuer sur
une grande partie de l'argument de l'avocat selon
lequel le procureur général ne peut être entendu
qu'à titre d'amicus curiae.
L'avocat fait valoir en second lieu que le procu-
reur général ne tient ni de la loi ni de la common
law le pouvoir d'intervenir. Pour ce qui est du
premier volet de cet argument, il a mentionné
l'article 4 de la Loi sur le ministère de la Justice
[S.R.C. 1970, chap. J-2]:
4. Le ministre de la Justice
b) veille à ce que les affaires publiques soient administrées
conformément à la loi;
c) a la surveillance de toutes les matières qui concernent
l'administration de la justice au Canada et qui ne rentrent
pas dans les attributions des gouvernements provinciaux;
Il avance alors l'argument que, bien que le procu-
reur général puisse intervenir pour faire annuler la
décision d'un tribunal pour parti pris, il ne saurait
intervenir pour tenter de défendre un tribunal
accusé de partialité. Je dois avouer que je ne saisis
pas cet argument. Si l'obligation imposée par l'ar-
ticle 4 est de veiller à ce que les affaires publiques
soient administrées conformément à la loi ou de
surveiller les «matières qui concernent l'adminis-
tration de la justice au Canada», y serait inclus le
devoir de voir à ce que les décisions soient rendues
conformément à la loi, ce qui comporterait le droit
de plaider pour ou contre la décision selon ce que
le procureur juge plus conforme à la loi.
Je souligne toutefois que, dans l'arrêt P.P.G.
(précité), le juge en chef Laskin semble jeter le
doute sur la question de savoir si l'alinéa 4b) a un
rapport quelconque avec le rôle du procureur géné-
ral dans des situations de ce genre parce que
l'alinéa b) parle d'«affaires publiques». Je me
demande aussi si l'article 4 a trait au rôle du
procureur général. Cet article porte sur le rôle du
ministre de la Justice et bien que, dans notre
système, une personne puisse cumuler les deux
rôles, les fonctions sont différentes. À mon avis,
c'est l'article 5 de la Loi sur le ministère de la
Justice qui est applicable:
5. Les attributions du procureur général du Canada sont les
suivantes:
a) il est revêtu des attributions et chargé des fonctions qui
sont attachées à la charge de procureur général d'Angleterre
par la loi ou par l'usage, en tant qu'elles sont applicables au
Canada ... [C'est moi qui souligne.]
L'avocat soutient que les rôles du procureur
général en Angleterre et au Canada sont différents
et que, pour s'appuyer sur les règles de common
law élaborées en Angleterre relativement à ce rôle,
le procureur général du Canada doit démontrer
une ressemblance appropriée entre son rôle et celui
de son homologue du Royaume-Uni. Il est fait
mention de l'affaire Re Bisaillon and Keable et al.
(1980), 127 D.L.R. (3d) 368 (C.A. Qc), aux
[pages] 374 376, 397 (rejetée pour d'autres
motifs par la Cour suprême [ [ 1983] 2 R.C.S. 60]
au mois d'octobre 1983).
C'est un lieu commun que de dire que le rôle du
procureur général canadien diffère de celui de son
homologue anglais, mais aucune des différences
mentionnées soit dans l'affaire Bisaillon soit par
l'avocat d'Enquête énergie n'était pertinente pour
établir une distinction entre les rôles que les deux
pourraient rechercher en l'espèce.
Les deux motifs pour lesquels le procureur géné-
ral sollicite et devrait obtenir la qualité pour com-
paraître en l'espèce sont également applicables
dans les deux pays.
Il comparaît pour protéger l'intérêt de la Cou-
ronne qui, à un niveau, n'est pas qualitativement
différent du droit conféré à une personne de com-
paraître devant un tribunal pour faire des observa
tions lorsqu'une décision de la Cour portera
atteinte à ses droits. Deuxièmement, la question
dont est saisie la Cour est d'intérêt public en
général et d'une nature telle que la Cour estime
avantageux d'entendre l'argument du procureur
général sur la question pour s'assurer que toutes
les prétentions sont suffisamment examinées. À cet
égard, on pourrait mentionner l'affaire Adams y
Adams, [1970] 3 All ER 572 (P.D.A.).
Par conséquent, la demande du procureur géné-
ral de se constituer partie intervenante est
accueillie.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.