Fred Ager (appelant) (demandeur)
c.
La Reine (intimée) (défenderesse)
Cour d'appel, juges Pratte, Hugessen et Mac-
Guigan—Ottawa, 11 septembre 1984.
Fonction publique — Appel d'une décision tranchant une
question de droit — Le demandeur, un contrôleur de la
navigation aérienne exerçant des fonctions de surveillance, a
été muté au service non-opérationnel pour avoir exercé des
activités syndicales partisanes — Le juge de première instance
a décidé que la conduite du demandeur préalable à sa muta
tion est pertinente à la question de savoir s'il a cessé »involon-
tairement d'être employé» — Appel accueilli — Selon la
plaidoirie écrite de la défense, le demandeur ne voulait pas
accepter la mutation — La plaidoirie porte sur l'intention,
écartant complètement la possibilité qu'il ait cessé volontaire-
ment d'être employé dans le service opérationnel — Les allé-
gations relatives à la conduite du demandeur préalable à sa
mutation ne sont pas pertinentes à la question de savoir s'il a
cessé involontairement d'être employé — Loi sur la pension de
la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-36, art. 12.12
(édicté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 64, art. 3), 12.13
(édicté, idem).
AVOCATS:
Thomas A. McDougall, c.r. et James R.
Hendry pour l'appelant (demandeur).
John H. Sims pour l'intimée (défenderesse).
PROCUREURS:
Perley-Robertson, Panel, Hill & McDougall,
Ottawa, pour l'appelant (demandeur).
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés par
LE JUGE HUGESSEN: La Cour statue sur un
appel interjeté à l'encontre d'un jugement du juge
Addy [[19841 1 C.F. 157 (1" inst.)] qui a tranché,
avant le procès, les deux questions de droit
suivantes:
1. Que, conformément à la Règle 474, les questions de droit
suivantes soient tranchées:
a) Étant donné qu'on ne reproche au demandeur aucune
inconduite, les actes que, d'après la défense produite par la
défenderesse, il aurait accomplis avant sa mutation du
service opérationnel au service non opérationnel sont-ils
pertinents relativement à la question de savoir s'il a cessé
"involontairement d'être employé" dans le service opéra-
tionnel au sens de l'article 12.13 de la Loi sur la pension de
la Fonction publique, S.R.C. 1970, chapitre P-36, et modi
fications, l'expression "service opérationnel" étant définie
dans ladite loi?
b) Dans l'affirmative, le demandeur est-il irrecevable à
nier les conclusions de fait tirées par la Commission des
relations de travail dans la Fonction publique dans sa
décision en date du 5 septembre 1978 relativement aux
dossiers portant les numéros 166-2-3413 et 166-2-3414 et
dans sa décision en date du 14 novembre 1978 relative-
ment au dossier portant le numéro 166-2-167?
(Ordonnance rendue par le juge en chef adjoint Jerome le 9
septembre 1983, pages 17 et 18 du dossier conjoint.)
Le juge Addy a répondu par l'affirmative à la
première question et par la négative à la deuxième.
Le demandeur a interjeté appel à l'encontre de la
partie de l'ordonnance qui répond à la première
question et la défenderesse en appelle de la partie
qui répond à la deuxième question.
Le demandeur était un contrôleur de la circula
tion aérienne en service opérationnel. Il remplissait
des fonctions de surveillance. À l'occasion d'un
conflit de travail qui semble avoir causé d'amères
divisions non seulement entre la direction et les
employés mais également entre les syndiqués eux-
mêmes, le demandeur a adopté une attitude très
partisane et a participé à des activités qui, de l'avis
de ses supérieurs, ont détruit l'image d'impartialité
et d'équité nécessaire à l'exécution de ses fonc-
tions. En conséquence, il a été muté au service
non-opérationnel.
Sous le régime de la Loi sur la pension de la
Fonction publique [S.R.C. 1970, chap. P-36], les
contrôleurs aériens affectés au service opérationnel
jouissent d'un régime de prestations de retraite
préférentiel. Lorsqu'un contrôleur cesse d'être
employé dans le service opérationnel, certaines
prestations peuvent être maintenues ou des presta-
tions supplémentaires peuvent s'ajouter, suivant la
façon dont son emploi a pris fin.
Le texte de loi établit une distinction entre le
contrôleur aérien qui cesse volontairement d'être
employé dans un service opérationnel (article
12.12 [édicté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 64,
art. 3]) et celui qui cesse d'y être employé «invo-
lontairement ... pour toute raison autre que l'in-
conduite» (article 12.13).
La loi envisage donc trois façons possibles pour
un contrôleur de cesser d'être employé dans le
service opérationnel:
1. la cessation involontaire par suite d'une
inconduite,
2. toute autre cessation involontaire,
3. la cessation volontaire,
et prévoit les différentes conséquences qui en
découlent. La question de l'inconduite ne se pose
pas en l'espèce, puisqu'il est admis que ce n'est pas
pour cette raison que le demandeur a été muté. La
question est donc de savoir s'il a cessé d'être
employé dans le service opérationnel de façon
volontaire ou involontaire.
La cessation volontaire est celle qui est voulue
par l'employé et qui résulte de son intention. Si
cette intention fait défaut, la cessation n'est pas
volontaire.
L'intention d'une personne peut être exprimée
ou être déduite de ses actes. En l'espèce, et suivant
la plaidoirie écrite de la défenderesse même, le
demandeur n'a pas exprimé son intention de cesser
d'être employé dans le service opérationnel, mais
bien au contraire:
[TRADUCTION] ... le demandeur ne voulait pas accepter cette
mutation; il l'a fait sous réserve (par. 6h) de la défense, p. 10
du dossier conjoint).
Dans certaines circonstances, on peut présumer
l'existence d'une intention contraire à celle qui est
exprimée, mais en l'espèce, les plaidoiries écrites
ne permettent pas de déduire que ce soit le cas. À
vrai dire, je suis d'avis que le paragraphe précité
est plus qu'une simple expression de l'intention du
demandeur et qu'il porte sur l'intention véritable,
nous obligeant ainsi à écarter complètement la
possibilité que le demandeur ait cessé volontaire-
ment d'être employé dans le service opérationnel.
Vue sous cette angle, l'allégation relative à la
conduite du demandeur avant sa mutation indique
tout au plus qu'il a agi volontairement d'une façon
qui justifiait son employeur de lui imposer une
mutation. Cela n'a rien à voir avec la solution à la
question de savoir s'il voulait cette mutation ou,
pour employer l'expression de la loi, s'il avait cessé
involontairement d'être employé dans le service
opérationnel.
L'appel devrait être accueilli et la première
question formulée par le juge en chef adjoint
Jerome dans son ordonnance du 9 septembre 1983
devrait recevoir une réponse négative. En consé-
quence, il n'était pas nécessaire de répondre à la
deuxième question.
PRATTE J. y a souscrit.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés par
LE JUGE MACGUIGAN: Je suis du même avis.
J'aimerais ajouter seulement quelques mots.
Pour interpréter un texte de loi, on peut tenir
compte tant du sens ordinaire des mots que du
contexte général de la Loi. Il n'est pas nécessaire
pour la solution du présent litige de statuer de
façon définitive sur l'interprétation de l'article
12.13 de la Loi sur la pension de la Fonction
publique, S.R.C. 1970, chap. P-36. Je laisse en
suspens la question de savoir à quel point la con-
duite téméraire d'une personne peut être assimilée
à une intention qui se traduit par un acte
volontaire.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.