A-1865-83
Procureur général du Canada (requérant)
c.
Douglas A. Dunnington (intimé)
Cour d'appel, juges Urie, Ryan et Stone—
Toronto, 7 juin; Ottawa, 1 0 e octobre 1984.
Assurance-chômage — Demande en annulation de la déci-
sion du juge-arbitre en chef — L'intimé a omis de demander
des prestations d'assurance-chômage lorsqu'il a cessé, après
38 ans, de travailler à plein temps parce qu'il a obtenu un
emploi à temps partiel — Il a quitté son emploi à temps
partiel après cinq mois et a demandé que sa demande de
prestations soit antidatée en vertu de l'art. 24 de la Loi et de
l'art. 39 du Règlement — Le fonctionnaire de la Commission a
refusé la demande — Le Conseil arbitral et le juge-arbitre en
chef ont estimé que le travail à temps partiel constituait un
motif justifiant son retard — Le juge-arbitre a commis une
erreur de droit et la demande est accueillie — L'intimé a
commis une erreur de droit parce qu'il pensait que son travail
à temps partiel le rendait inadmissible aux prestations d'assu-
rance-chômage — L'affaire Pirotte c. La Commission d'assu-
rance-chômage et autre, [1977] 1 C.F. 314 (C.A.) a jugé qu'un
retard ne pourrait être justifié s'il résulte de ce qu'un presta-
taire a mal compris ses droits ou obligations découlant de la
Loi — Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-
71-72, chap. 48, art. 17(1),(2) (mod. par S.C. 1978-79, chap. 7,
art. 4), 19 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 32), 20(4),
21(1), 22 (mod. idem, art. 34), 24 — Règlement sur l'assu-
rance-chômage, C.R.C., chap. 1576, art. 34(1), 39 (mod. par
DORS/79-348 et DORS/81-625, art. 1). 44 — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, art. 28.
La Cour est saisie d'une demande en examen et en annula-
tion de la décision du juge-arbitre en chef. En raison de son
mauvais état de santé, l'intimé a pris une retraite anticipée de
l'emploi qu'il a occupé à plein temps pendant trente-huit ans.
Peu de temps après, il a accepté un travail à temps partiel chez
un autre employeur, mais après cinq mois il a été obligé de
cesser de travailler pour des raisons de santé. Après avoir quitté
son emploi à temps partiel, il a rempli une demande initiale de
prestations fondée sur la cessation de son emploi à plein temps
et il a également demandé que cette demande soit antidatée. Le
Conseil arbitral et le juge-arbitre ont estimé que le fait qu'il
travaillait à temps partiel constituait «un motif justifiant son
retard». Le paragraphe 20(4) prévoit que «lorsqu'un prestataire
formule une demande initiale de prestations après le premier
jour où il remplissait les conditions requises ... et fait valoir un
motif justifiant son retard, la demande peut, sous réserve des
conditions prescrites, être considérée comme ayant été formulée
à une date antérieure à celle à laquelle elle l'a été effective-
ment». L'article 39 du Règlement prévoit que l'antidatation est
assujettie à la preuve que «durant toute la période comprise
entre cette date antérieure et la date à laquelle il a effective-
ment formulé sa demande, il avait un motif justifiant le retard».
L'intimé explique son retard à formuler sa demande initiale
en disant qu'il avait espéré ne pas avoir à toucher de prestations
d'assurance-chômage. Le Conseil arbitral a accueilli l'appel de
l'intimé de la décision du fonctionnaire de la Commission, pour
le motif qu'une personne prudente aurait agi de la même
manière. Le juge-arbitre en chef a rejeté l'appel de la décision
du Conseil arbitral pour le motif que la conclusion du Conseil
était justifiée parce qu'il était raisonnable pour le prestataire de
ne pas présenter de demande de prestations qu'il ne pouvait
obtenir que s'il était sans emploi. Il a ajouté qu'il est déraison-
nable de s'attendre à ce qu'une personne présente une demande
de prestations d'assurance-chômage pendant qu'elle travaille.
Le juge-arbitre a reconnu, compte tenu de la décision dans
l'arrêt Pirotte c. La Commission d'assurance-chômage et
autre, [1977] 1 C.F. 314 (C.A.), qu'un retard ne pourrait être
justifié s'il résultait de ce qu'un prestataire a mal compris les
droits et les obligations qui découlent de la Loi. La question est
de savoir si le juge-arbitre a commis une erreur de droit.
Arrêt (le juge Stone dissident): la demande devrait être
accueillie.
Le juge Ryan (avec l'appui du juge Urie): Si l'intimé a omis
de demander des prestations parce qu'il pensait que son travail
à temps partiel le rendait inadmissible aux prestations d'assu-
rance-chômage, son erreur découlait soit de son ignorance, soit
de son incompréhension de la Loi. Il s'agirait d'une erreur de
droit.
Un réclamant qui veut se prévaloir du paragraphe 20(4) doit
montrer non seulement qu'il a un «motif justifiant» qu'on lui
accorde ce remède, mais qu'il a «un motif justifiant son retard».
La longue période d'emploi à plein temps ne peut être considé-
rée comme un motif justifiant le retard de l'intimé à présenter
sa demande initiale. Le juge-arbitre a commis une erreur de
droit. Le fait que l'intimé travaillait à temps partiel au cours de
la période où il a tardé à formuler sa demande initiale ne peut
être un motif justifiant son retard.
Le juge Urie: La Cour est tenue de suivre la décision de la
Cour d'appel fédérale dans' l'arrêt Pirotte c. La Commission
d'assurance-chômage et autre, précité, où il a été jugé que le
principe selon lequel l'ignorance de la loi ou une erreur de droit
ne justifie pas le défaut de se conformer à une disposition
statutaire, s'applique au paragraphe 20(4) de la Loi.
Le juge Stone (dissident): Le réclamant ne connaissait pas le
droit applicable dans son cas. Les faits de l'affaire Pirotte sont
différents de ceux de l'espèce parce que dans Pirotte, la presta-
taire, une personne bien informée de ses droits de recevoir des
prestations, est restée en chômage pendant toute la période du
retard. Le ratio de la décision Pirotte ne va pas aussi loin que le
demandeur le prétend, c'est-à-dire qu'il est impossible de prou-
ver un motif justifiant un retard lorsque ce retard résulte de ce
que le prestataire ignore les dispositions législatives pertinentes.
Le paragraphe 20(4) exige seulement d'examiner les circons-
tances pertinentes relatives au retard et de décider s'il y a ou
non un motif le justifiant à la lumière de ces circonstances.
La maxime de common law ignorantia legis neminem excu-
sai s'applique à une personne qui cherche à échapper aux
conséquences de l'inobservation d'une obligation statutaire au
prétexte qu'elle l'ignorait. En adoptant le paragraphe 20(4), le
Parlement a prévu un mécanisme assez souple qui exige seule-
ment d'une personne qui veut obtenir ce redressement qu'elle
démontre que le motif de son retard était un motif qui le
justifiait. Rien dans la Loi ne permet d'exclure dans certains
cas précis la possibilité de considérer l'ignorance de la loi
comme un «motif justifiant» le retard. Dans chaque cas, les
circonstances entourant le motif du retard, doivent être exami-
nées et une décision doit être arrêtée sur la question de savoir si
un »motif justifiant» le retard a été établi. Le juge-arbitre en
chef a eu raison de conclure que l'intimé a démontré un motif
justifiant son retard. Le motif justifiait le retard car il se
fondait sur le désir d'éviter de percevoir des prestations d'assu-
rance-chômage. Le retard n'a pas empêché la Commission de
vérifier les conditions d'admissibilité.
JURISPRUDENCE
DECISION SUIVIE:
Pirotte c. La Commission d'assurance-chômage et autre,
[1977] 1 C.F. 314 (C.A.).
DECISION APPLIQUÉE:
Bliss c. Procureur général (Can.), [ 1979] 1 R.C.S. 183.
DECISION EXAMINEE:
Kiriri Cotton Co. Ltd. v. Dewani, [1960] A.C. 192 (P.C.).
DECISIONS CITÉES:
Murray c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration,
[1979] 1 C.F. 518 (C.A.); Perry c. Le Comité d'appel de
la Commission de la Fonction publique, [1979] 2 C.F. 57
(C.A.); Armstrong Cork Canada Limited, et autres c.
Domco Industries Limited, et autres, [1981] 2 C.F. 510
(C.A.); Rex. v. Bailey (Richard), [1800] Russ. & Ry. 1;
168 E.R. 651; Mihm c. Le ministre de la Main-d'oeuvre
et de l'Immigration, [1970] R.C.S. 348.
AVOCATS:
M. Duffy pour le requérant.
D. R. Cooke pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
David R. Cooke, Kitchener, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: J'ai eu le privilège de lire les
motifs de jugement de mes collègues, les juges
Ryan et Stone. En raison de la compassion que
suscitent envers l'intimé les circonstances plutôt
inhabituelles de cette affaire, c'est avec regret que
j'ai conclu que, pour les motifs donnés par le juge
Ryan, la demande fondée sur l'article 28 doit être
accueillie. Dans l'arrêt Pirotte c. La Commission
d'assurance-chômage et autre, [1977] 1 C.F. 314
(C.A.), à la page 317, le juge Le Dain a dit ce qui
suit, au nom de la Cour, concernant l'applicabilité
du principe selon lequel l'ignorance de la loi ou une
erreur de droit ne justifie pas le défaut de se
conformer à une disposition statutaire pour établir
le «motif justifiant» le retard prévu par le paragra-
phe 20(4) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chô-
mage [S.C. 1970-71-72, chap. 48]:
Ce que le Parlement a voulu dire, dans l'article 20(4), par
motif justifiant» le retard doit être déterminé à la lumière des
principes généraux du droit. Il faut présumer que le Parlement
n'a pas voulu s'écarter de ces principes à moins qu'il n'ait
manifesté clairement son intention de le faire. (Maxwell, On
Interpretation of Statutes, 12e éd., p. 116.) C'est un principe
fondamental que l'ignorance de la loi n'excuse pas le défaut de
se conformer à une prescription législative. (Mihm c. Le minis-
tre de la Main-d'œuvre et de l'Immigration [1970] R.C.S. 348
à la page 353.) Ce principe, parfois critiqué parce qu'il serait
fondé sur la présomption peu réaliste que la loi est connue de
tous, a depuis longtemps été reconnu comme essentiel à l'ordre
juridique. C'est un principe si fondamental que je ne puis
croire, en l'absence d'indications claires au contraire, que le
Parlement a voulu que l'expression «motif justifiant son retard»
dans l'article 20(4) comprenne l'ignorance de la loi.
Je suis d'avis que si cet extrait constitue unc
interprétation juste de l'application du principe au
paragraphe 20(4) de la Loi, la Cour doit, dans
l'intérêt d'une saine administration de la justice,
l'accepter et le suivre'. Il m'est impossible de
conclure que ce n'est pas une interprétation juste.
C'est uniquement dans un cas exceptionnel, si une
formation de la Cour est convaincue qu'une déci-
sion antérieure de la Cour est erronée, que cette
décision ne doit pas être suivie. Je ne suis pas
convaincu que la décision prise dans Pirotte est
erronée en droit ou qu'elle ne devrait pas s'appli-
quer dans le cas qui nous occupe où il est clair que
M. Dunnington, comme le juge Ryan l'a fait
remarquer, a omis de demander des prestations
parce qu'il pensait que son travail à temps partiel
le rendait non admissible. Cette omission découle
du fait qu'il ne comprenait pas ou qu'il ne connais-
sait pas les exigences de la Loi, ce qui constitue
manifestement une erreur de droit. Ce genre d'er-
reur l'expose carrément au principe établi dans
l'arrêt Pirotte, précité, ce qui selon moi, lui ôte par
conséquent toute possibilité d'invoquer son erreur
de droit comme un «motif justifiant son retard» à
formuler sa demande.
' Murray c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration,
[1979] 1 C.F. 518 (C.A.), aux pp. 519 et 520; Perry c. Le
Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique,
[1979] 2 C.F. 57 (C.A.); Armstrong Cork Canada Limited, et
autres c. Domco Industries Limited, et autres, [1981] 2 C.F.
510 (C.A.), aux pp. 517 et 518.
La demande fondée sur l'article 28 doit être
accueillie et la décision du juge-arbitre annulée. Je
réglerais la question de la manière que le propose
mon collègue le juge Ryan.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: La Cour est saisie d'une
demande, fondée sur l'article 28, en examen et en
annulation de la décision par laquelle le juge-arbi-
tre en chef, agissant en vertu de la Loi de 1971 sur
l'assurance-chômage («la Loi»), a rejeté l'appel
d'une décision d'un conseil arbitral. Le conseil
avait accueilli l'appel formé par l'intimé, M. Dun-
nington, contre une décision d'un fonctionnaire qui
avait refusé d'antidater une demande initiale de
prestations remplie par M. Dunnington.
Après avoir travaillé pendant longtemps, M.
Dunnington a laissé son emploi. Peu de temps
avant ou peu de temps après sa cessation d'emploi
(selon l'interprétation que l'on donne aux faits), il
a accepté un travail à temps partiel chez un autre
employeur. Il n'a pas demandé de prestations d'as-
surance-chômage la première fois où il y était
admissible, c'est-à-dire après avoir cessé de travail-
ler à plein temps pour des motifs de santé. Il a
travaillé pendant quelques mois à temps partiel,
puis il a dù encore une fois cesser de travailler.
C'est alors qu'il a rempli une demande initiale de
prestations fondée sur la cessation de son emploi à
plein temps et il a demandé que cette demande soit
antidatée; il a prétendu qu'il avait un motif justi-
fiant le retard à formuler sa demande. Le conseil
arbitral et le juge-arbitre ont tous deux estimé que
le fait qu'il travaillait, même si c'était à temps
partiel, constituait «un motif justifiant son retard».
La décision à examiner en l'espèce est celle du
juge-arbitre en chef, et il s'agit de savoir si cette
décision est entachée d'une erreur de droit: le
juge-arbitre a-t-il mal interprété l'expression
«motif justifiant son retard» qui se trouve au para-
graphe 20(4) de la Loi?
Le paragraphe 20(4) de la Loi est ainsi conçu:
20....
(4) Lorsqu'un prestataire formule une demande initiale de
prestations après le premier jour où il remplissait les conditions
requises pour la formuler et fait valoir un motif justifiant son
retard, la demande peut, sous réserve des conditions prescrites,
être considérée comme ayant été formulée à une date anté-
rieure à celle à laquelle elle l'a été effectivement.
Ce paragraphe renvoie aux «conditions prescri-
tes».
L'article 39 du Règlement sur l'assurance-chô-
mage [C.R.C., chap. 1576 (mod. par DORS/79-
348 et DORS/81-625] («le Règlement») dispose:
39. Une demande initiale de prestations peut être considérée
comme ayant été formulée à une date antérieure à celle à
laquelle elle l'a été effectivement, si le prestataire prouve
a) qu'à cette date antérieure, il remplissait les conditions
requises à l'article 17 de la Loi pour recevoir des prestations;
et
b) que, durant toute la période comprise entre cette date
antérieure et la date à laquelle il a effectivement formulé sa
demande, il avait un motif justifiant le retard de sa demande.
Dans sa demande initiale d'assurance-chômage
du 23 juillet 1982, M. Dunnington a déclaré que le
15 janvier 1982 était la dernière journée où il avait
travaillé à plein temps chez son employeur, Burns
Meats Ltd. La formule de relevé d'emploi remplie
par Burns Meats Ltd. indique que M. Dunnington
était en vacances du 18 janvier au 27 février 1982,
date à laquelle il a pris une retraite anticipée. Le
fonctionnaire de la Commission qui a refusé d'an-
tidater la demande de prestations de M. Dunning-
ton a estimé que celui-ci voulait que sa demande
soit antidatée au 17 janvier 1982 même si M.
Dunnington n'a, en fait, mentionné aucune date
précise. Pour sa part, le juge-arbitre a considéré
que M. Dunnington voulait faire antidater sa
demande au 27 février 1982; mon avis c'est lui
qui a raison.
Dans une lettre en date du 1°r octobre 1982
adressée au Centre d'emploi du Canada dans
laquelle il donne avis de son appel au conseil
arbitral, M. Dunnington souligne:
[TRADUCTION] J'aimerais éclaircir la question de la période
mentionnée dans votre lettre. Je ne m'attends certainement pas
à ce que ma demande remonte au 17 janvier puisque j'ai reçu
de Burns une paye de vacances de six semaines. Je voudrais que
mes prestations d'assurance-chômage commencent après le 1"
mars.
Dans ses présentations au juge-arbitre, la Com
mission a précisé:
[TRADUCTION] La Commission considère que le prestataire ne
remplissait pas les conditions requises pour recevoir des presta-
tions le 17 janvier 1982, puisqu'il n'y avait pas eu d'arrêt de la
rémunération provenant de son emploi. Le relevé d'emploi
(pièce 3) délivré au prestataire indique qu'il a reçu 2 403,60 $
d'indemnité de vacances à la cessation de son emploi et qu'il
était en vacances du 18 janvier au 27 février 1982. Puisque le
prestataire n'a pas subi un arrêt de la rémunération avant le 27
février 1982, le conseil arbitral, de l'avis de la Commission, a
commis une erreur de droit et a dérogé à l'article 39 du
Règlement en accueillant la demande d'antidatation au 17
janvier 1982.
Le juge-arbitre a déclaré en ce qui concerne le
27 février 1982: [TRADUCTION] «Il n'y a pas de
contestation quant à l'exactitude de la date ...»
J'aimerais faire quelques observations en ce qui
concerne l'emploi à temps partiel de M. Dunning-
ton: Durant la période de congés annuels payés de
M. Dunnington, de la mi-janvier au 27 février
1982, il a accepté le 7 février 1982, un poste à
temps partiel comme gardien pour la 404 Air
Force Association (d'Association») à Waterloo
(Ontario) (il était commis à l'expédition et à la
réception chez Burns). Il a continué à travailler à
temps partiel jusqu'au 16 juillet 1982. Les condi
tions de travail, toutefois, étaient telles qu'il a dû
laisser son emploi encore une fois pour des raisons
de santé. Dans sa présentation au conseil arbitral,
il a dit qu'il était payé 300 $ par mois pour deux
jours de travail par semaine; les détails de sa
rémunération se trouvent sur le relevé d'emploi
rempli par l'Association. Il ressort de la demande
d'antidatation présentée par M. Dunnington qu'il
admet que son travail pour l'Association était un
travail à temps partiel. Il a rempli sa demande
initiale de prestations environ une semaine après
avoir cessé de travailler à temps partiel.
Dans la demande d'antidatation de sa demande
initiale de prestations, M. Dunnington explique
son retard à formuler sa demande initiale en disant
qu'il avait espéré trouver un autre emploi à plein
temps et ainsi ne pas avoir à toucher des presta-
tions d'assurance-chômage après avoir laissé son
emploi chez Burns. Il ajoute que, malheureuse-
ment, il n'a pu trouver qu'un travail à temps
partiel et que ce travail s'est révélé trop éprouvant
pour sa santé. Il explique qu'il voulait faire antida-
ter sa demande de sorte que ses prestations d'assu-
rance-chômage soient calculées en fonction des
rémunérations assurables qu'il a eues pendant les
trente-huit ans et demi où il a travaillé chez Burns.
Sa demande d'antidatation a été rejetée.
Dans son avis d'appel en bonne et due forme au
conseil arbitral, M. Dunnington précise:
[TRADUCTION] Je n'ai jamais reçu de prestations d'assurance-
chômage au cours de mes trente-huit années de travail chez
Burns et je n'avais pas l'intention d'en recevoir. Mes efforts
visaient à me trouver un autre emploi et non à essayer de
recevoir des prestations d'assurance-chômage. Je ne me suis
résolu à en demander que lorsque je me suis aperçu que mon
nouvel emploi nuisait à ma santé.
Voici un extrait de la présentation de M. Dun-
nington au conseil arbitral:
[TRADUCTION] Vers la fin de 1981, M. Dunnington s'est
aperçu qu'il ne pourrait plus supporter le froid et l'humidité
chez Burns Meats et il a officiellement annoncé qu'il prenait
une retraite anticipée. Il a intensifié ses efforts pour trouver un
autre emploi jusqu'à ce qu'il obtienne un poste à temps partiel
comme gardien pour la Wing 404 R.C.A.F. Association de
Waterloo, au salaire de 300 $ par mois pour deux jours de
travail par semaine.
À cette époque, en raison de ses principes et de sa morale du
travail, il considérait l'assurance-chômage comme une horreur.
Il avait travaillé toute sa vie et il voulait continuer de travailler.
Il savait que l'assurance-chômage était réservé aux personnes
qui ne peuvent pas ou, parfois, ne veulent pas travailler. Il ne
s'identifiait pas à ces personnes.
M. Dunnington a commencé à travailler pour la 404 Associa
tion une semaine après avoir quitté son emploi chez Burns.
Cependant, après plusieurs mois, il s'est aperçu que sa condi
tion, en raison de son arthrite, de ses rhumatismes et de ses
articulations malades, n'était pas vraiment meilleure que lors-
qu'il travaillait chez Burns. A contrecoeur, il en est venu à la
conclusion qu'il risquait de ne plus être en mesure de travailler
à la Wing et comme aucune autre possibilité d'emploi ne lui
était offerte, il pouvait avoir à demander des prestations d'assu-
rance-chômage. Finalement, comme sa santé ne s'était pas
encore améliorée vers le début de juillet, il a donné son congé et
a demandé de l'assurance-chômage.
C'est à cette époque qu'on l'a averti pour la première fois que
ses prestations seraient calculées non en fonction de la rémuné-
ration qu'il avait reçue au cours de ses trente-huit années et
demie de service chez Burns Meats, mais en fonction des cinq
mois qu'il avait travaillé à la Wing 404. Le fonctionnaire de la
Commission lui a dit qu'il aurait dû demander des prestations
d'assurance-chômage dès sa cessation d'emploi chez Burns
Meats plutôt que de trouver un autre emploi.
Dans sa réponse aux remarques que la Commis
sion a présentées au conseil arbitral, M. Dunning-
ton déclare:
[TRADUCTION] M. Dunnington n'avait jamais demandé de
prestations d'assurance-chômage depuis qu'il avait commencé à
travailler à l'âge de 16 ans, c'est-à-dire il y a 47 ans. Il savait
qu'avant d'en demander, il devrait faire tous les efforts possi
bles pour trouver un autre emploi, mais il ne pensait pas que
cela pouvait jouer contre lui. Comme nous l'avons mentionné
dans notre présentation officielle, la première fois qu'il a été
informé ou qu'il a constaté que ses prestations pourraient être
calculées en fonction de sa rémunération à la 404 Wing plutôt
qu'en fonction de celle de chez Burns Meats, c'est lorsqu'il a
fait sa demande officielle en juillet. S'il avait été au courant de
cette règle auparavant, il n'aurait accepté qu'un emploi au
même salaire afin de s'assurer les prestations d'assurance-chô-
mage maximales qu'il pouvait recevoir.
Nous prétendons dans cet appel qu'il est déraisonnable de
s'attendre à ce qu'un commis à l'expédition et à la réception
âgé de 63 ans, titulaire d'une huitième année, qui n'a jamais
reçu de prestations d'assurance-chômage, sache qu'une
demande sera calculée en fonction de la rémunération reçue de
son dernier employeur, peu importe que la rémunération ou la
durée de l'emploi soient minimes.
Le conseil arbitral a accueilli l'appel. Voici un
extrait de cette décision:
[TRADUCTION] SOMMAIRE DES FAITS:
Le prestataire a comparu devant le conseil accompagné de M.
George Goebel, du K-W Labour Council. Il a réitéré les faits
relatés dans la présentation et a apporté des éléments de preuve
supplémentaires (pièce n° 11). Ces derniers ont été examinés
par le conseil et l'ont quelque peu aidé à prendre sa décision.
CONCLUSION:
Le prestataire a trouvé un nouvel emploi dans un délai raison-
nable, mais malheureusement il s'est aperçu qu'il était physi-
quement incapable d'accomplir ses nouvelles fonctions. Par
conséquent, nous sommes d'avis qu'en toute bonne foi, il s'est
pénalisé par inadvertance et comme nous pensons qu'une per-
sonne prudente aurait normalement agi de la même manière,
nous concluons que la requête d'antidatation doit être
accueillie.
La pièce n° 11 qui est mentionnée semble être un
extrait tiré d'un manuel utilisé par les fonctionnai-
res pour déterminer l'admissibilité aux prestations.
Elle se trouve aux pages 19 21 du dossier.
La Commission a interjeté appel devant le juge-
arbitre en chef. En rejetant cet appel, ce dernier a
dit notamment:
[TRADUCTION] Cette notion [le motif justifiant le retard] est
également régie, dans une certaine mesure, par le principe selon
lequel l'ignorance de la loi n'est pas une justification, mais je
considère que cette expression est simpliste si l'on ne se penche
pas sur les circonstances entourant cette erreur touchant l'ad-
missibilité. Il est clair, toutefois, que lorsque les seuls motifs
invoqués par un réclamant pour justifier son omission de rem-
plir sa demande dans les délais est son omission de s'informer
de ses obligations, la demande ne devra pas être antidatée. Il est
également clair qu'une fois les notions juridiques prises en
compte, l'existence d'un motif justifiant le retard est une ques
tion de fait relativement à laquelle le conseil arbitral a entière
compétence.
Dans l'espèce, il me paraît important que le prestataire, au
cours de la période pour laquelle l'antidatation est demandée,
avait un emploi, même s'il s'agissait d'un emploi à temps
partiel. Ce fait justifie la conclusion du conseil selon laquelle,
dans les circonstances, il était entièrement raisonnable pour le
prestataire de ne pas présenter de demande de prestations qu'il
ne pouvait obtenir que s'il était sans emploi. Par contre, lorsque
son emploi à temps partiel a pris fin et que le prestataire a
rempli une demande de prestations d'assurance-chômage, il a
alors appris qu'il aurait pu obtenir des prestations même lors-
qu'il travaillait. Je voudrais ajouter qu'à mon sens puisque ces
dispositions sur l'antidatation ont un caractère discrétionnaire,
elles devraient, lorsque c'est possible, s'appliquer à un presta-
taire qui, comme en l'espèce, a travaillé à plein temps pendant
trente-huit ans et qui, pendant la période en question, a accepté
un emploi à temps partiel après avoir' pris sa retraite. J'admets
qu'il existe une étroite ressemblance entre cette situation et
celle d'un réclamant qui est sans emploi et qui omet de remplir
une demande uniquement parce qu'il a mal compris les critères
d'admissibilité, mais je suis d'avis que cette distinction suffit
pour permettre d'en arriver à une conclusion différente. Il est
déraisonnable de s'attendre à ce qu'une personne présente une
demande de prestations d'assurance-chômage au moment où
elle travaille et, en l'espèce, le conseil arbitral a eu raison
d'exercer à l'égard du réclamant le pouvoir discrétionnaire
prévu à l'article 20.
Un prestataire peut, comme l'a fait M. Dun-
nington, formuler une demande initiale de presta-
tions dans un certain délai après le premier jour où
il remplit les conditions prévues par l'article 17 de
la Loi. Le paragraphe 20(4) de la Loi permet à un
prestataire de demander que sa demande soit con-
sidérée comme ayant été formulée à une date
antérieure à celle à laquelle elle l'a été effective-
ment. Pour que cette demande soit accueillie, il
doit faire valoir un motif justifiant son retard. Il va
sans dire que le droit à ce que la demande soit
antidatée est important. Le droit d'un prestataire,
prévu à l'article 22 de la Loi [mod. par S.C.
1976-77, chap. 54, art. 34], de recevoir des presta-
tions initiales dépend de l'établissement, à son
égard, d'une période de prestations; les prestations
qui peuvent lui être versées sont «... pour chaque
semaine de chômage comprise dans ladite période».
La date à laquelle commence la période de presta-
tions peut de toute évidence être importante.
Prenons la présente affaire. En l'espèce, il appa-
raît, selon mon interprétation des faits, que M.
Dunnington aurait pu formuler une demande de
prestations initiales à la fin de février 1982, mais
qu'il a attendu jusqu'en juillet de cette même
année, après avoir cessé de travailler à temps
partiel pour l'Association. Selon la preuve produite
au dossier, il ressort que son taux de prestations a
été calculé, selon l'article 24 de la Loi 2 , non en
fonction de la rémunération la plus élevée qu'il
2 Il est inutile de se prononcer d'une façon ou d'une autre sur
l'interprétation que paraît avoir donnée la Commission à
l'article 24.
avait reçue au cours de ses vingt dernières semai-
nes d'emploi chez Burns, mais en fonction de la
rémunération beaucoup moins élevée qu'il avait
reçue au cours de son emploi à temps partiel pour
l'Association. Si, toutefois, sa demande initiale de
prestations était considérée comme ayant été faite
peu après sa cessation d'emploi chez Burns, sa
période de prestations et, je suppose, son taux de
prestations seraient calculés en fonction de son
emploi chez Burns.
Le juge-arbitre en chef a reconnu dans sa déci-
sion qu'un retard ne pourrait, en lui-même, être
justifié s'il résulte de ce qu'un prestataire a mal
compris les droits et les obligations prévus par la
Loi ou le Règlement. En reconnaissant qu'une
simple ignorance de la loi ne constitue pas un
motif valable de retard, il semble évident que le
juge-arbitre en chef a tenu compte de la décision
de cette Cour dans l'arrêt Pirotte c. La Commis
sion d'assurance-chômage et autre, [1977] 1 C.F.
314 (C.A.). M. le juge Le Dain a dit aux pages
316 à 318:
Le problème, tel que je le comprends, c'est de savoir s'il est
raisonnable de penser, dans ce contexte législatif bien particu-
lier, (compte tenu de la nature et du rôle des dispositions
législatives en cause, compte tenu aussi de l'intention claire-
ment exprimée que le retard à présenter une réclamation soit
excusé dans le cas où il est justifié) que le Parlement a pu
vouloir que l'ignorance de la loi soit, au moins en certaines
circonstances, un motif justifiant le retard d'un réclamant.
Il ressort des articles 20(1), 53, 54 et 55 de la Loi que la
présentation d'une réclamation en la façon prévue par la Loi et
les règlements est une condition dont dépend le droit aux
prestations et dont la réalisation détermine la date à compter de
laquelle les prestations peuvent être payées. Il semble que la loi
veuille encourager la présentation rapide des réclamations,
probablement pour que la Commission puisse, aussitôt que
possible après l'arrêt de rémunération, vérifier si le réclamant a
droit aux prestations. Une réclamation peut être antidatée si le
réclamant fait valoir un motif justifiant son retard.
Ce que le Parlement a voulu dire, dans l'article 20(4), par
«motif justifiant» le retard doit être déterminé à la lumière des
principes généraux du droit. Il faut présumer que le Parlement
n'a pas voulu s'écarter de ces principes à moins qu'il n'ait
manifesté clairement son intention de le faire. (Maxwell, On
Interpretation of Statutes, 12» éd., p. 116.) C'est un principe
fondamental que l'ignorance de la loi n'excuse pas le défaut de
se conformer à une prescription législative. (Mihm c. Le minis-
tre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration [1970] R.C.S. 348
à la page 353.) Ce principe, parfois critiqué parce qu'il serait
fondé sur la présomption peu réaliste que la loi est connue de
tous, a depuis longtemps été reconnu comme essentiel à l'ordre
juridique. C'est un principe si fondamental que je ne puis
croire, en l'absence d'indications claires au contraire, que le
Parlement a voulu que l'expression «motif justifiant son retard»
dans l'article 20(4) comprenne l'ignorance de la loi.
Le problème à résoudre ressemble à celui que soulèvent les
dispositions législatives prévoyant que le défaut de donner à une
corporation municipale l'avis de l'accident exigé par la loi n'est
pas fatal s'il existe une excuse raisonnable justifiant le défaut.
Les tribunaux ont décidé que la seule ignorance de la loi, en
l'absence de faute imputable à l'autre partie, ne constitue pas
une excuse raisonnable. (Varty c. Rimbey (1953) 7 W.W.R.
(N.S.) 681, confirmé par (1954) 12 W.W.R. (N.S.) 256 (Alta.
C.A.).) Je ne vois pas pourquoi on devrait donner une interpré-
tation différente à l'expression «motif justifiant son retards dans
l'article 20(4).
Admettre que l'ignorance de la loi soit un motif justifiant le
retard d'un prestataire ce serait, comme l'a dit le juge-arbitre,
introduire beaucoup d'incertitude dans l'administration de la
Loi à moins qu'on ne puisse formuler un critère clair et sûr
permettant de dire dans quel cas il en doit être ainsi. Personne,
à ce que je sache, ne prétend que l'ignorance de la loi doive
toujours être considérée comme une excuse justifiant le retard.
Alors, dans quel cas devra-t-elle être ainsi considérée? A mon
avis, le seul critère qui permette de répondre à cette question
est celui qui résulte du devoir de prudence qui impose à tout
réclamant l'obligation de s'informer auprès de la Commission
elle-même des exigences de la loi et des règlements. Mais alors
ce qui expliquerait le retard du réclamant ne serait pas tant son
ignorance de la loi que les fausses représentations faites au nom
de la Commission. On pourrait alors considérer le retard
comme étant justifié parce qu'il serait attribuable à la Commis
sion plutôt qu'au réclamant. Il n'est pas nécessaire cependant
d'exprimer une opinion sur ce point.
S'il était nécessaire de trancher la question ainsi,
je trouverais difficile de dire qu'un des motifs
avancés par M. Dunnington dans sa demande
d'antidatation, dans son avis d'appel au conseil
arbitral ou dans ses observations au conseil arbi-
tral puisse constituer un motif justifiant un retard.
Ni l'espoir qu'il nourissait de trouver un emploi à
plein temps et ainsi d'éviter de percevoir des pres-
tations, ni son apparente répugnance envers l'assu-
rance-chômage ne pourraient, selon moi, consti-
tuer un motif justifiant un retard. L'essentiel,
toutefois, est qu'après l'audition, le conseil arbitral
a estimé que la demande d'antidatation devait être
accueillie parce que M. Dunnington avait - trouvé
un nouvel emploi et qu'ainsi, en retardant sa
demande de prestations, il a agi comme une per-
sonne prudente aurait agi dans les circonstances.
L'arbitre a conclu que le conseil avait eu raison
parce que [TRADUCTION] «Il est déraisonnable de
s'attendre à ce qu'une personne présente une
demande de prestations d'assurance-chômage pen
dant qu'elle travaille ...»
L'avocat du procureur général a soutenu dans sa
plaidoirie que la décision du juge-arbitre était
fondée sur une erreur de droit. La question cru-
ciale, selon moi, est de savoir si la décision du
juge-arbitre, fondée sur les motifs qu'il a donnés,
est erronée en droit.
Voici comment se présente la situation:
Lorsque M. Dunnington a cessé de travailler
pour Burns à la fin de février 1982, il remplissait
les conditions prévues par l'article 17 de la Loi
pour recevoir des prestations. Le fait qu'il travail-
lait à temps partiel pour l'Association ne le rendait
pas inadmissible, ni ne l'empêchait de demander
des prestations. En vertu de l'article 22 de la Loi,
un réclamant dont la période de prestations a été
établie a le droit de recevoir des prestations pour
chaque semaine de chômage comprise dans ladite
période. Le paragraphe 21(1) de la Loi définit
«une semaine de chômage» comme une semaine
pendant laquelle le réclamant «n'effectue pas une
semaine entière de travail». Il ressort des preuves
soumises au dossier que M. Dunnington savait que
son travail pour l'Association était un travail à
temps partiel, non un travail à temps plein. Par
conséquent, s'il a omis de demander des presta-
tions parce qu'il pensait que son travail pour l'As-
sociation le rendait inadmissible aux prestations
d'assurance-chômage, l'erreur qu'il a faite en
retardant sa demande découlait soit de son igno
rance, soit de son incompréhension des dispositions
de la Loi, plus particulièrement du paragraphe
21(1). Si c'est là son erreur, il s'agit d'une erreur
de droit.
Si, toutefois, une personne dans une situation
semblable à celle où se trouvait M. Dunnington à
partir de la fin de février jusqu'à la mi-juillet avait
conclu à tort que son travail était un travail à
temps plein et avait décidé de ne pas demander de
prestations pour ce motif erroné, ce genre d'erreur
aurait pu éventuellement servir de fondement pour
accorder la mesure de redressement prévue au
paragraphe 20(4) de la Loi. La signification de
l'expression «une semaine entière de travail» qui se
trouve au paragraphe 21(1), est une question de
droit; toutefois, la question de savoir quelles semai-
nes précises au cours d'une période de prestations
sont des semaines de travail à temps plein peut
bien se rapporter à des questions de fait sur les-
quelles un prestataire, agissant de bonne foi, pour-
rait bien se méprendre. Même à première vue,
l'article 44 du Règlement indique comment une
erreur de fait de ce genre peut survenir. Le problè-
me avec l'affaire de M. Dunnington, toutefois, est
que je ne puis rien trouver dans les preuves produi-
tes qui appuie une conclusion selon laquelle M.
Dunnington a fait ce genre d'erreur ou, même si
c'était le cas, qu'il a tardé à présenter sa demande
en raison de son erreur.
J'ajouterais ceci:
Je peux comprendre les scrupules du juge-arbi-
tre à décider que, en raison de son retard, M.
Dunnington ne puisse avoir droit qu'à des presta-
tions considérablement moins élevées que celles
auxquelles il aurait eu droit s'il avait présenté sa
demande à temps. Il a travaillé pour Burns pen
dant plus de trente ans, tandis qu'il n'a travaillé
pour l'Association qu'un peu plus de cinq mois. Je
peux également comprendre la déclaration du
juge-arbitre selon laquelle la disposition d'antida-
tation devrait, si possible, être appliquée pour pro-
téger un réclamant qui a travaillé à plein temps
pendant trente-huit ans et qui a ensuite travaillé à
temps partiel pendant seulement environ cinq
mois. L'assurance-chômage est, après tout, un
régime d'assurance auquel les assurés contribuent
à même leur rémunération. Malheureusement,
toutefois, un réclamant qui veut se prévaloir du
paragraphe 20(4) doit montrer non seulement qu'il
a un «motif justifiant» qu'on lui accorde ce remède,
mais qu'il a «un motif justifiant son retard». En
toute franchise, je ne peux voir comment la période
passée à travailler chez Burns, aussi longue soit-
elle, pourrait être considérée comme un motif jus-
tifiant le retard de M. Dunnington à présenter sa
demande initiale.
Par ces motifs, je conclus que le juge-arbitre, en
rejetant l'appel de la décision du conseil arbitral
pour les motifs qu'il a donnés, a commis une erreur
de droit. Par conséquent, sa décision doit être
annulée.
J'accueillerais cette demande fondée sur l'article
28 et j'annulerais la décision examinée. Je suis
d'avis de renvoyer l'appel de la décision du conseil
arbitral au juge-arbitre en chef ou à un autre
juge-arbitre qu'il désignera pour qu'il en décide en
tenant pour acquis que le fait que M. Dunnington
travaillait à temps partiel au cours de la période où
il a tardé à formuler sa demande initiale ne peut,
en lui-même, être un motif justifiant son retard à
formuler sa demande initiale de prestations.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE STONE (dissident): J'ai pris connais-
sance des motifs de jugement du juge Ryan. Il a
relaté entièrement les faits pertinents et il est donc
inutile de les répéter.
Je suis d'accord avec lui sur le fait que la
demande d'antidatation de la demande initiale de
prestations a été faite pour le 27 février 1982
plutôt que le 17 janvier 1982.
Il est difficile de répondre à la question de savoir
si l'intimé a établi le bien-fondé de sa demande
d'antidatation de sa demande initiale de presta-
tions. Il est évident qu'elle doit être tranchée en se
fondant sur une interprétation exacte du paragra-
phe 20(4) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chô-
mage, S.C. 1970-71-72, chap. 48 et ses modifica
tions:
20....
(4) Lorsqu'un prestataire formule une demande initiale de
prestations après le premier jour où il remplissait les conditions
requises pour la formuler et fait valoir un motif justifiant son
retard, la demande peut, sous réserve des conditions prescrites,
être considérée comme ayant été formulée à une date anté-
rieure à celle à laquelle elle l'a été effectivement.
Les conditions prescrites se trouvent à l'article
39 du Règlement sur l'assurance-chômage:
39. Une demande initiale de prestations peut être considérée
comme ayant été formulée à une date antérieure à celle à
laquelle elle l'a été effectivement, si le prestataire prouve
a) qu'à cette date antérieure, il remplissait les conditions
requises à l'article 17 de la Loi pour recevoir des prestations;
et
b) que, durant toute la période comprise entre cette date
antérieure et la date à laquelle il a effectivement formulé sa
demande, il avait un motif justifiant le retard de sa demande.
La Cour suprême du Canada, dans Bliss c.
Procureur général (Can.), [ 1979] 1 R.C.S. 183, a
précisé quelle était la nature fondamentale de cette
Loi et a dit qu'il s'agissait d'aun système d'assu-
rance pour les chômeurs qui remplissent les condi
tions y énoncées». Dans cette affaire, le juge Rit-
chie a dit au nom de la Cour (à la page 186):
Selon le système établi par la Loi, le Gouvernement joue le
rôle d'un assureur et les chômeurs, qui ont auparavant fait des
contributions sous forme de cotisations et qui par ailleurs
remplissent les conditions requises pour recevoir des presta-
tions, sont les «bénéficiaires». La Loi parle fréquemment d'«as-
surés» à l'égard des chômeurs qui remplissent les conditions
légales et de «prestations» pour les paiements auxquels ces
personnes ont droit en vertu de la Loi.
Il importe de garder cette remarque à l'esprit en
interprétant le paragraphe 20(4). Il faut aussi se
rappeler que la Loi, en général, vise le bienfait des
personnes ordinaires qui n'ont pas une connais-
sance approfondie de la Loi et du Règlement.
L'intimé a une huitième année et a consacré pres-
que toute sa vie active à travailler comme commis
à la réception et à l'expédition chez Burns Meats
Ltd. Rien n'indique qu'il possédait une connais-
sance détaillée des dispositions pertinentes de la
Loi ou du Règlement.
En février, l'intimé a décidé de ne pas demander
de prestations parce qu'il voulait d'abord essayer
de trouver un autre emploi à temps plein que son
état de santé lui permettrait d'occuper. Il n'y est
pas arrivé. Il a trouvé un travail à temps partiel. Si
sa santé lui avait permis de résister aux dures
conditions de son nouvel emploi, il n'aurait pas
laissé cet emploi. En juillet, il a dû abandonner son
travail en raison de la détérioration de sa santé
causée par ses rhumatismes et son arthrite. Peu
après, il a formulé une demande initiale de presta-
tions et a, en même temps, demandé à ce que cette
demande soit antidatée afin que ses prestations
puissent être calculées à partir de la rémunération
beaucoup plus élevée qu'il gagnait chez son ancien
employeur Burns Meats Ltd.
Le paragraphe 20(4) de la Loi porte sur la
formulation par un prestataire d'une demande ini-
tiale de prestations après de premier jour où il
remplissait les conditions requises pour la formu-
ler». En vertu du paragraphe 17(1) les prestations
«sont payables ... à un assuré qui remplit les
conditions requises pour recevoir ces prestations».
En ce qui concerne la présente affaire, l'intimé
remplissait les conditions requises par le paragra-
phe 17(2) [mod. par S.C. 1978-79, chap. 7, art. 4]
pour recevoir des prestations après avoir exercé
pendant un minimum «de vingt semaines ou plus
[un emploi assurable] au cours de sa période de
référence» chez Burns Meats Ltd. et avait subi un
«arrêt de la rémunération provenant de son emploi»
le 27 février 1982. Par conséquent, la question de
savoir si le requérant répondait aux conditions
d'admissibilité prévues aux articles 17 et 18 de la
Loi n'est pas en litige. Il ressort de l'examen de ces
diverses dispositions que la première journée où
l'intimé «remplissait les conditions requises pour la
[une demande] formuler» était le jour où il rem-
plissait les conditions prévues au paragraphe
17(2), c'est-à-dire immédiatement après le 27
février 1982 alors que, effectivement, la rémunéra-
tion provenant de son emploi chez Burns Meats
Ltd. a été arrêtée en raison de sa retraite. Le
paragraphe 34(1) du Règlement exige que la
demande soit formulée «dans les trois semaines qui
suivent cette semaine de chômage».
L'article 19 de la Loi [mod. par S.C. 1976-77,
chap. 54, art. 32] dispose:
19. Lorsqu'un assuré, qui remplit les conditions requises aux
termes de l'article 17, formule une demande initiale de presta-
tions, on doit établir à son profit une période de prestations et
des prestations lui sont dès lors payables, en conformité de la
présente Partie, pour chaque semaine de chômage comprise
dans la période de prestations.
Il faut examiner ce paragraphe en regard du para-
graphe 21(1) de la Loi. Il ressort à l'examen de
cette dernière disposition que l'intimé n'a pas
perdu son admissibilité à percevoir des prestations
d'assurance-chômage seulement parce qu'il a
accepté un emploi à temps partiel. Chaque
«semaine de chômage» mentionnée à l'article 19
est, selon les termes du paragraphe 21(1), «une
semaine pendant laquelle (le prestataire) ... n'ef-
fectue pas une semaine entière de travail.»
L'intimé peut faire antidater sa demande seule-
ment s'il peut démontrer qu'il a «un motif justi-
fiant son retard». Le juge-arbitre en chef a conclu
que ce n'est pas avant juillet, lorsqu'il a demandé
des prestations, que le prestataire a «appris qu'il
aurait pu obtenir des prestations même lorsqu'il
travaillait». À mon avis, même si l'intimé avait en
aversion le fait de percevoir des prestations et avait
tout d'abord cherché à éviter de se trouver dans
une telle situation, le retard qu'il a mis à formuler
sa demande vient essentiellement de ce qu'il
n'avait pas pris en compte qu'en retardant la pré-
sentation de sa demande initiale ses prestations
pourraient être calculées en fonction de sa rémuné-
ration à temps partiel plutôt qu'en fonction de sa
rémunération à temps plein. Il a toujours agi de
bonne foi, mais également sans comprendre les
dispositions de la Loi et du Règlement concernant
les conditions prévues pour recevoir des prestations
ni les procédures à suivre pour formuler et pour
faire antidater sa demande. Je suis d'accord avec
le demandeur lorsqu'il prétend que fondamentale-
ment la demande d'antidatation se fonde sur une
affirmation selon laquelle l'intimé ne [TRADUC-
TION] «connaissait pas le droit applicable dans son
cas». Il a choisi de ne pas demander de prestations
en février lorsqu'il a accepté un emploi à temps
partiel. C'est seulement en juillet, lorsque sa santé
s'est détériorée qu'il a demandé des prestations et
a cherché à faire antidater sa demande.
Le juge-arbitre en chef a pensé qu'il était «dérai-
sonnable de s'attendre à ce qu'une personne pré-
sente une demande de prestations d'assurance-chô-
mage pendant qu'elle travaille» et que le conseil
arbitral avait eu raison d'antidater la demande. Il
a conclu qu'un «motif justifiant» un retard avait
été établi. A-t-il eu raison? Le demandeur prétend
que la décision de cette Cour dans Pirotte c. La
Commission d'assurance-chômage et autre,
[1977] 1 C.F. 314 (C.A.) tranche la question et
que nous devrions par conséquent accueillir la
requête. Par ailleurs, les faits de cette affaire
étaient quelque peu différents de ceux de l'espèce.
La prestataire, une personne bien informée de ses
droits de recevoir des prestations, est restée en
chômage pendant toute la période du retard. En
l'espèce, l'intimé a accepté un emploi en espérant
que sa santé tiendrait le coup. Le cours des événe-
ments lui prouve qu'il se trompait sur ce point.
Je ne pense pas que la ratio decidendi de la
décision Pirotte va aussi loin que le demandeur le
prétend, c'est-à-dire qu'il est impossible de prouver
un motif justifiant un retard lorsque ce retard
résulte de ce que le prestataire ignore les disposi
tions pertinentes de la Loi ou du Règlement. Selon
moi, le paragraphe 20(4) exige seulement d'exami-
ner les circonstances pertinentes relatives au retard
et de décider s'il y a ou non un motif le justifiant à
la lumière de ces circonstances.
La maxime de common law ignorantia legis
neminem excusat est une maxime bien connue.
Elle est très ancienne et provient d'une série de
décisions anglaises remontant au moins à Rex. v.
Bailey (Richard), [1800] Russ. & Ry. 1; 168 E.R.
651. Je ne considère pas que cette maxime impose
à l'intimé l'obligation de connaître les dispositions
pertinentes de la Loi et du Règlement ou de subir
les conséquences de son ignorance. Au contraire, la
maxime s'applique à une personne qui cherche à
échapper aux conséquences de l'inobservation
d'une obligation statutaire au prétexte qu'elle
l'ignorait. Les éminents auteurs de Halsbury's
Laws of England, 4 e édition, Volume 44, «Statu-
tes», paragraphe 833, la page 506, précisent:
[TRADUCTION] L'ignorance de la loi ne dispense pas de l'ac-
complissement d'une obligation statutaire et ne constitue pas
par conséquent, une défense dans une poursuite fondée sur la
violation de cette obligation...
Lord Denning expose ce point comme suit dans
Kiriri Cotton Co. Ltd. v. Dewani, [ 1960] A.C. 192
(P.C.), à la page 204:
[TRADUCTION] Il n'est pas exact de dire que toute personne est
censée connaître la loi. La règle exacte est que personne ne peut
se justifier de ne pas avoir fait son devoir en disant qu'il ne
connaissait pas la loi sur la question. Ignorantia juris neminem
excusat.
Voir également Mihm c. Le ministre de la Main-
d'oeuvre et de l'Immigration, [ 1970] R.C.S. 348, à
la page 353.
Je ne vois pas comment l'on peut dire que les
dispositions de la Loi de 1971 sur l'assurance-
chômage ou du Règlement sur l'assurance-chô-
mage dont il est question imposent à l'intimé une
obligation ou un devoir dans le sens dont il est
question ci-dessus. Tout au plus, l'intimé a, sans le
savoir, omis de se conformer aux procédures pré-
vues dans la Loi pour demander des prestations. Je
ne qualifierais pas une telle omission de violation
d'une obligation ou d'un devoir statutaire qui per-
mettrait d'appliquer la maxime ignorantia legis
neminem excusat. En adoptant le paragraphe
20(4), le Parlement lui-même avait envisagé que
certaines personnes auxquelles ce paragraphe
devait profiter pouvaient, pour divers motifs, retar-
der à formuler leur demande de prestations. Il a
décidé de ne pas préciser ces motifs. En revanche,
il a prévu au paragraphe 20(4) un mécanisme
assez souple qui exige seulement d'une personne
qui veut obtenir ce redressement qu'elle démontre
que le motif de son retard était un motif qui le
justifiait. À mon avis, rien dans la Loi ne permet
d'exclure dans certains cas précis la possibilité de
considérer l'ignorance des dispositions pertinentes
de la Loi ou du Règlement comme «un motif
justifiant» le retard. Dans chaque cas, les circons-
tances entourant le motif du retard, quelles qu'el-
les soient, doivent être examinées, et une décision
doit être arrêtée sur la question de savoir si un
«motif justifiant» le retard a été établi.
Avec égards, je pense que le juge-arbitre en chef
a eu raison de conclure comme il l'a fait. L'expres-
sion «motif justifiant» n'est pas définie. Elle a un
sens large. De toute évidence, tout motif ne sera
pas nécessairement valable, mais je pense que le
motif de ce retard en particulier était un motif qui
justifiait le retard. Il se fondait sur le désir d'éviter
de percevoir des prestations d'assurance-chômage.
En cinq mois, des problèmes de santé se sont posés
et ont forcé l'intimé à abandonner son travail à
temps partiel et à demander des prestations qu'il
avait accumulées après toute une vie de travail. Il
n'y a en l'espèce aucune preuve établissant que le
retard ait empêché de quelque manière la Com
mission de vérifier les conditions d'admissibilité.
Dans les circonstances de l'espèce, je pense que
l'intimé a démontré un motif justifiant son retard.
Je suis par conséquent d'avis de rejeter la pré-
sente demande.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.