85-A-55
Tarsem Singh Grewal (requérant)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Maho-
ney et Marceau—Vancouver, 8 octobre; Ottawa,
18 novembre 1985.
Pratique — Prorogation de délai — Demande de proroga-
tion du délai de présentation d'une demande d'examen et
d'annulation d'une décision de la Commission d'appel de
l'immigration rejetant une demande de réexamen de la reven-
dication du statut de réfugié — L'art. 28(2) de la Loi sur la
Cour fédérale déclare que l'avis de la demande doit être
déposé dans les 10 jours suivant la communication de la
décision ou dans le délai supplémentaire que la Cour peut
accorder — La preuve ne révèle pas d'intention de demander
l'examen avant que la Cour suprême du Canada n'ait prononcé
son jugement dans l'affaire Singh et autres c. Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177, cinq mois
après l'expiration du délai — Demande accueillie — Applica
tion des principes énoncés dans l'affaire L'Ass'n des Consom-
mateurs (Can.) c. Hydro -Ontario [N° 2], [1974] 1 C.F. 460
(C.A.) — À la lumière de la décision rendue dans l'affaire
Singh, qui déclare que la procédure prévue à l'art. 71(1) de la
Loi sur l'immigration de 1976 contrevient aux principes de
justice fondamentale, il existe des motifs soutenables d'annu-
lation de la décision de la Commission — La question de
savoir si une explication justifie la prorogation dépend des
faits de l'affaire — L'explication selon laquelle la partie ne
connaissait ni la procédure d'examen ni les motifs sur lesquels
se fonder pour attaquer la décision avant le jugement Singh est
ténue mais acceptable — Le requérant n'a pas été négligent ou
témérairement insouciant relativement à ses droits — L'intimé
ne subira aucun préjudice — La décision de la Commission
détermine le statut actuel et futur du requérant — Dans
l'intérêt de la justice, la décision de la Commission, qui a été
rendue sans que soit tenue une audition orale, doit être annulée
— Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10,
art. 28(2),(5) — Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663,
Règles 324, 1107 — Loi sur l'immigration de 1976, S.C.
1976-77, chap. 52, art. 45, 71(1) — Charte canadienne des
droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitu-
tionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.), art. 7, 24 — Déclaration canadienne des
droits, S.R.C. 1970, Appendice III, art. 2e).
Immigration — Pratique — Demande de prorogation du
délai de présentation d'une demande d'examen de la décision
de la Commission rejetant la demande de réexamen de la
revendication du statut de réfugié — Cinq mois se sont écoulés
entre l'expiration du délai prescrit par l'art. 28(2) de la Loi sur
la Cour fédérale et le moment où a possiblement existé une
intention de demander l'examen — La Cour suprême du
Canada a déclaré que la procédure prévue à l'art. 71(1) de la
Loi sur l'immigration de 1976 contrevenait aux principes de
justice fondamentale — Motifs soutenables d'annulation de la
décision de la Commission — Application des principes énon-
ces dans l'arrêt L'Ass'n des Consommateurs (Can.) c. Hydro -
Ontario [No 21, [19741 1 C.F. 460 (C.A.) — Demande accueil-
lie — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap.
10, art. 28(2),(5) — Loi sur l'immigration de 1976, S.C.
1976-77, chap. 52, art. 45, 71(1).
La demande en l'espèce vise la prorogation du délai de
présentation d'une demande d'examen et d'annulation d'une
décision de la Commission d'appel de l'immigration par
laquelle cette dernière refusait que la demande de réexamen de
la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention
du requérant suive son cours, et statuait qu'il n'était pas un
réfugié au sens de la Convention. En vertu du paragraphe 28(2)
de la Loi sur la Cour fédérale, une telle demande doit être
présentée dans les 10 jours de la communication de la décision
de la Commission ou dans le délai supplémentaire que la Cour
peut accorder. La demande a été faite 11 mois après l'expira-
tion du délai prescrit par le paragraphe 28(2) et cinq mois
après le prononcé de la décision de la Cour suprême du Canada
dans l'affaire Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177, qui a déclaré la procédure
prévue au paragraphe 71(1) de la Loi sur l'immigration de
1976 inopérante parce que contrevenant aux principes de jus
tice fondamentale. L'enquête a été reprise et une ordonnance
d'expulsion a été prononcée contre le requérant. La demande
d'examen et d'annulation de cette ordonnance a été ajournée, la
Cour déclarant que la décision de la Commission ne pouvait
être attaquée subsidiairement dans la procédure. Le requérant
a déclaré sous serment qu'il désirait faire réexaminer son statut
depuis le moment où il appris que le statut de réfugié au sens de
la Convention lui était refusé, mais qu'il n'était pas au courant
du délai d'appel.
Arrêt: la demande devrait être accueillie.
Le juge en chef Thurlow (avec l'appui du juge Mahoney): Le
requérant avait, à tout le moins à partir du moment où la
demande d'examen et d'annulation de l'ordonnance d'expulsion
a été portée devant la Cour, l'intention ferme de demander
l'examen de la décision de la Commission. Il est possible qu'une
telle intention soit née au moment où l'avocat du requérant a
pris connaissance de la décision rendue dans l'affaire Singh; si
tel est le cas, il existe une période d'au moins cinq mois
relativement à laquelle il n'a pas été démontré que le requérant
a eu l'intention de demander l'examen de la décision.
L'examen prévu à l'article 28 doit se faire le plus rapidement
possible. Comme l'indique clairement le court délai de 10 jours
dans lequel la partie qui sollicite un tel examen doit en faire la
demande, le but de cette procédure n'est pas de permettre de
retarder l'exécution d'une décision. Le pouvoir d'accorder des
prorogations que confère le paragraphe 28(2) n'est soumis à
aucune restriction, bien qu'il ne puisse être exercé de façon
arbitraire ou capricieuse et que le délai ne doive être prorogé
que lorsqu'il existe des raisons valables de le faire. Dans
l'affaire L'Ass'n des Consommateurs (Can.) c. Hydro -Ontario
[N° 2], [1974] 1 C.F. 460 (C.A.) il a été décidé qu'une
prorogation de délai ne doit être accordée que si certains
éléments du dossier permettent à la Cour de s'assurer non
seulement que le défaut de faire la demande dans le délai de 10
jours est justifié, mais encore que l'on peut soutenir d'une part,
que l'ordonnance attaquée relève de l'article 28 et d'autre part,
qu'il existe une cause d'annulation de l'ordonnance ou décision
faisant l'objet de la demande. La question fondamentale con-
siste à savoir si, dans les circonstances, la prorogation du délai
est nécessaire pour que justice soit faite entre les parties. Le
principe qui ressort de deux décisions de la Cour d'appel
britannique est que dans les circonstances, le fait que la partie
ne connaissait pas l'existence de son droit et qu'on ne pouvait
s'attendre à ce qu'elle prenne des mesures pour l'exercer a été
considéré comme une explication suffisante du temps écoulé
entre le prononcé du jugement et le moment où la jurisprudence
antérieure sur laquelle il était fondé a été déclarée erronée. Le
temps écoulé par la suite n'a pas entraîné le rejet de la demande
parce que le jugement déterminait et continuerait de détermi-
ner les droits futurs des parties entre elles. Pour que justice soit
faite, les prorogations devaient être accordées en ce qui concer-
nait les droits à l'avenir sans modifier ce qui avait déjà été fait
en exécution du jugement.
La procédure d'examen s'applique à la décision de la Com
mission. De plus, à la lumière de l'arrêt Singh, le requérant
peut faire valoir des motifs soutenables d'annulation de la
décision de la Commission. La question de savoir si une explica
tion constitue une justification de la prorogation dépend des
faits de l'espèce. Le témoignage du requérant voulant qu'il n'ait
connu ni la procédure d'examen ni les motifs juridiques permet-
tant d'attaquer la décision de la Commission avant de prendre
connaissance de la décision rendue dans l'affaire Singh est
crédible. Sur ce fondement, il a fait ce que l'on peut raisonna-
blement attendre d'une personne sollicitant le statut de réfugié.
Le fait qu'il n'ait pas agi au cours du mois qui s'est écoulé entre
la communication de la décision de la Commission et le
moment où, étant cité à comparaître pour la reprise de l'en-
quête, il a engagé un avocat, n'indique pas que ses droits le
laissaient indifférent ou qu'il les avait abandonnés ou avait
manifesté une insouciance téméraire à leur sujet. L'explication,
bien que ténue, est acceptable. Finalement, la prorogation ne
causera aucun préjudice à l'intimé. La décision de la Commis
sion détermine non seulement le statut actuel du requérant,
mais aussi son statut pour l'avenir, à la condition qu'il demeure
au Canada. Les fins de la justice exigent que la décision de la
Commission, qui a été rendue sans la tenue d'une audition
orale, soit annulée.
Il n'a pas été traité de l'argument selon lequel il n'était pas
nécessaire de fournir une explication convaincante du retard
étant donné la nature fondamentale du droit violé, si ce n'est
pour exprimer des doutes sur le caractère raisonnable de cette
façon de voir qui, en fait, abolirait le délai dans tous les cas
comme celui-là, sans égard au principe voulant que le jugement
d'un tribunal, à un point donné, doive devenir définitif.
Le juge Marceau: Les principes généraux énoncés dans les
décisions portant sur des questions comme celles-ci ne s'appli-
quent pas directement à l'espèce, ou ne lui sont applicables
qu'en tenant compte de ses caractéristiques propres. L'ordon-
nance d'expulsion constituait la conséquence immédiate et
nécessaire de la décision de la Commission, qui a été rendue en
contravention des lois suprêmes du Canada. Notre Cour est
certainement une instance à laquelle le requérant peut s'adres-
ser pour solliciter le redressement auquel il semble avoir droit
en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte. Dans un tel
contexte, le pouvoir discrétionnaire de la Cour cesse d'être aussi
peu limité et restreint qu'il ne l'est normalement. Quoi qu'il en
soit, l'application des principes généraux aux circonstances
propres d'affaires du genre de celle en l'espèce ne justifie pas le
rejet de la demande du requérant. L'autorisation d'interjeter
appel après expiration du délai applicable ne sera accordée que
si, considérant les circonstances d'une affaire, la recherche
ultime de la justice semble transcender la nécessité de mettre
fin à l'incertitude relative aux droits des parties. D'où l'obliga-
tion d'étudier les différents facteurs en cause. Il est essentiel de
balancer ces différents facteurs afin d'apprécier la situation
comme il se doit et de tirer une conclusion valide. Par exemple,
une explication parfaitement convaincante justifiant le retard
peut contrebalancer la faiblesse des arguments présentés à
l'encontre du jugement, et une très bonne cause peut contreba-
lancer une justification moins convaincante pour le retard. Si
l'on considère que le droit visé est, par sa nature, fondamental,
que la décision attaquée a eu pour effet une ordonnance
d'expulsion, laquelle n'a pas encore été exécutée, et qu'il est non
seulement soutenable que la décision contestée est erronée,
mais encore qu'il est clair et certain qu'elle a été rendue en
contravention des lois fondamentales du pays, la question de
savoir si le retard a reçu une justification perd une bonne partie
de son importance. Le requérant n'a à aucun moment acquiescé
à la décision de la Commission ou abandonné sa résolution de
combattre son effet. Cela est suffisant pour justifier une proro-
gation de délai.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
L'Ass'n des Consommateurs (Can.) c. Hydro -Ontario
[NO 2], [1974] 1 C.F. 460 (C.A.); R. v. Toronto Magis
trate's, Ex p. Tank Truck Transport Ltd., [ 1960]
O.W.N. 549 (C.A.); Berkeley, Re, Borrer v. Berkeley,
[1944] 2 All E.R. 395 (C.A.); Property and Reversionary
Investment Corpn Ltd v Templar, [1978] 2 All ER 433
(C.A.); McGill c. Ministre du Revenu national, jugement
en date du 16 septembre 1985, Division d'appel de la
Cour fédérale, A-876-84, encore inédit.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Kukan c. Le ministre de la Main-d'œuvre et de l'Immi-
gration, [1974] I C.F. 12 (C.A.); Le ministre de la
Main-d'oeuvre et de l'Immigration c. Zevlikaris, [1973]
C.F. 92 (C.A.); Beaver v. The Queen (Motion), [1957]
R.C.S. 119; Cotroni v. The Queen, [1961] R.C.S. 335.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion, [1985] I R.C.S. 177; Palata Investments Ltd v Burt
& Sinfield Ltd, [1985] 2 All ER 517 (C.A.).
AVOCATS:
B. Rory B. Morahan pour le requérant.
G. Carscadden pour l'intimé.
PROCUREURS:
B. Rory B. Morahan, Victoria, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Le requérant
sollicite la prorogation du délai de présentation
d'une demande d'examen et d'annulation d'une
décision de la Commission d'appel de l'immigra-
tion qui a refusé que la demande de réexamen de
sa revendication du statut de réfugié au sens de la
Convention suive son cours et qui a statué qu'il
n'est pas un réfugié au sens de la Convention.
La décision de la Commission d'appel de l'immi-
gration a été rendue le 24 octobre 1984. Le requé-
rant en a été avisé dès le 27 octobre 1984. Le délai
relatif au dépôt d'une demande d'examen de cette
décision a donc expiré le 6 novembre 1984. La
demande de prorogation du délai a été présentée
le 8 octobre 1985.
Entre temps, le 27 novembre 1984, une enquête
tenue en vertu de la Loi sur l'immigration de 1976
[S.C. 1976-77, chap. 52], qui avait débuté le 9
juillet 1982 et qui avait été ajournée conformé-
ment à l'article 45 de cette Loi afin de permettre
qu'il soit décidé de la revendication du statut de
réfugié au sens de la Convention, a été reprise et
s'est conclue par une ordonnance d'expulsion
contre le requérant.
L'affidavit déposé par le requérant à l'appui de
la demande en l'espèce, après avoir exposé les
questions relatives à l'enquête, à l'interrogatoire
sous serment et à la réception d'une lettre du
Comité consultatif sur le statut de réfugié l'avisant
de la décision portant qu'il n'était pas un réfugié
au sens de la Convention, poursuivait en ces
termes:
[TRADUCTION] 7. J'ai immédiatement interjeté appel de ladite
décision par l'intermédiaire de M. Schmaling, mon avocat, et
j'ai ensuite reçu un avis en date du 24 octobre 1984 de la
Commission d'appel de l'immigration - joint à la présente
procédure et portant la mention pièce «B» du présent affidavit -
m'informant que l'on avait refusé que ma demande fondée sur
le paragraphe 71(1) de la Loi sur l'immigration suive son cours
et décidé que je n'étais pas un réfugié au sens de la Convention.
8. Qu'après la réception de la décision de la Commission
d'appel de l'immigration, le mandat de mon avocat a pris fin.
9. Qu'après avoir reçu l'avis, j'ai reçu une lettre m'avisant que
l'audience ajournée le 9 juillet 1982 devait être poursuivie le 27
novembre 1984.
10. Que, lorsque j'ai reçu cette lettre, je me suis rendu au
cabinet de mon avocat actuel et lui ai dit que je souhaitais qu'il
comparaisse pour mon compte à cette date.
11. Le délai d'appel prévu pour le réexamen de ma revendica-
tion du statut de réfugié était déjà expiré lorsque je me suis
rendu au cabinet de mon avocat; cependant, depuis le moment
où j'ai eu connaissance de la décision me refusant le statut de
réfugié au sens de la Convention, j'ai toujours souhaité le
réexamen de ma revendication.
12. Comme il avait été conclu qu'il était possible que certaines
règles de procédure n'aient pas été observées, j'ai assisté à la
reprise de l'enquête dans l'espoir qu'il serait décidé que l'en-
quête contrevenait à la Charte, et que nous pourrions nous
présenter à nouveau devant le Comité consultatif sur le statut
de réfugié.
13. J'ai donné à mon avocat des instructions portant que, lors
de la continuation de l'enquête, il fasse savoir très clairement
que j'avais l'intention de présenter une nouvelle demande
auprès du Comité consultatif, et c'est ce qu'il a déclaré lors de
l'audience.
14. Que, dès que, à la continuation de l'audience, le 27 novem-
bre 1984, j'ai été avisé que je serais expulsé, j'ai donné des
instructions à mon avocat pour qu'il interjette appel, ce qu'il a
fait dans le délai prescrit.
15. Au moment où nous avons interjeté appel de la conclusion
de l'audience du 27 novembre 1984, j'avais l'intention d'essayer
de faire infirmer à la fois l'enquête et l'ordonnance de la
Commission d'appel de l'immigration.
16. Si je n'ai pas déposé l'avis d'appel relativement à la décision
portant que je n'étais pas un réfugié au sens de la Convention,
c'est uniquement parce que j'avais changé d'avocat et que je
n'avais pas été alors avisé des délais d'appel de la décision de la
Commission d'appel.
17. Qu'ayant présenté un avis introductif d'instance en vertu de
l'article 28, je croyais m'être conformé à toutes les exigences
relatives à la contestation de la décision rendue au sujet du
statut de réfugié et à celle de l'enquête dans son ensemble.
18. Que, depuis le 2 juillet 1982, je n'ai cessé de croire que je
suis un réfugié au sens de la Convention, ai toujours eu
l'intention de me faire accorder ce statut et aurais à n'importe
quel moment effectué toute démarche qui aurait eu pour
résultat de me faire conférer ce statut.
19. Je n'ai pas témoigné devant la Commission d'appel de
l'immigration lors de l'appel interjeté auprès de cet organisme
relativement au réexamen du statut de réfugié, et je suis
convaincu que les principes de justice naturelle énoncés à
l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et que
le droit à une audition impartiale selon les principes de justice
fondamentale énoncé à l'alinéa 2e) de la Déclaration cana-
dienne des droits ont été violés.
Le dossier de l'enquête tenue le 9 juillet 1982 et
reprise le 27 novembre 1984 est également porté
devant la Cour dans le cadre de la demande en
l'espèce. À la seconde date, l'avocat représentant le
requérant a sollicité le renvoi de la question devant
le Comité consultatif sur le statut de réfugié, dans
le but d'y produire des éléments de preuve d'événe-
ments survenus en Inde après l'interrogatoire du
requérant susceptibles, selon lui, d'appuyer la
revendication. Il n'a été aucunement mentionné
que le requérant ou son avocat ait eu quelque
intention de solliciter un examen fondé sur l'article
28 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 e
Supp.), chap. 10] de la décision de la Commission
d'appel de l'immigration. Toutefois, dans le cours
de sa plaidoirie, l'avocat a déclaré qu'il était inca
pable d'obtenir les motifs de la décision de la
Commission et qu'en conséquence les droits accor
dés au requérant en vertu de la Charte canadienne
des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)] se
trouvaient violés.
Le prononcé de l'ordonnance d'expulsion du 27
novembre 1984 a été suivi du dépôt d'une demande
fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale sollicitant l'examen et l'annulation de
cette ordonnance. Cette demande a été entendue le
18 juin 1985 alors que, selon les informations que
nous avons reçues, la Cour a statué que la décision
de la Commission d'appel de l'immigration ne
pouvait être attaquée subsidiairement dans cette
procédure, et a ajourné l'audience à la requête de
l'avocat du requérant afin de permettre à ce der-
nier de faire dans les dix jours une demande de
prorogation du délai de présentation d'une
demande d'examen et d'annulation de la décision
de la Commission. L'ordonnance déclarait que la
Cour n'exprimait aucune opinion au sujet de la
question de savoir si la demande de prorogation de
délai devrait être accueillie. La demande n'a toute-
fois pas été faite dans les dix jours puisqu'au lieu
de faire sa demande de la manière prévue à la
Règle 324 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C.,
chap. 663] ainsi que le prévoit la Règle 1107,
l'avocat a demandé une audition orale qui, après
certains échanges de lettres, a finalement été
accordée.
Étant donné cette demande, on peut considérer
que le requérant et son avocat ont eu, à tout le
moins à partir du 18 juin 1985, date à laquelle la
demande d'examen et d'annulation de l'ordon-
nance d'expulsion a été présentée à la Cour, l'in-
tention ferme de faire une demande fondée sur
l'article 28 visant l'examen de la décision de la
Commission d'appel de l'immigration et on peut
aussi considérer que cette intention n'a, à aucun
moment, été abandonnée.
Il se peut qu'une telle intention ait également
existé à partir du moment où l'avocat du requérant
a pris connaissance de l'arrêt rendu le 4 avril 1985
par la Cour suprême du Canada dans l'affaire
Harbhajan Singh', et que l'avocat en question ait
cru possible d'attaquer la décision incriminée de
façon subsidiaire dans la demande d'examen et
d'annulation de l'ordonnance d'expulsion. Cepen-
dant, étant donné qu'une telle demande n'a pas été
faite, et que l'on a pas non plus demandé la
prorogation du délai fixé pour sa présentation, je
suis d'avis qu'il est très peu probable que le requé-
rant ou son avocat ait eu cette intention à quelque
moment antérieur. Il existe donc une période d'en-
viron cinq mois, soit du 27 octobre 1984 au 4 avril
1985—et peut être même une période un peu plus
longue—relativement à laquelle il n'a pas été
démontré que le requérant ou son avocat ait eu une
telle intention.
Dans l'affaire Singh, la Cour suprême a annulé
une décision de la Commission d'appel de l'immi-
gration et renvoyé la question devant la Commis
sion pour qu'elle en décide à nouveau après avoir
tenu une audience conformément aux principes de
justice fondamentale, trois juges concluant que la
procédure prévue au paragraphe 71(1) de la Loi
sur l'immigration de 1976, laquelle la Commis
sion s'était conformée, et qu'elle a également
appliquée en l'espèce, violait, dans les circons-
tances, les droits des appelants prévus par la
Charte canadienne des droits et libertés, alors que
les trois autres juges décidaient que la procédure
en question était contraire aux droits conférés aux
appelants en vertu de l'alinéa 2e) de la Déclaration
canadienne des droits [S.R.C. 1970, Appendice
III].
Les dispositions législatives sur lesquelles se
fonde la demande de prorogation de délai sont
celles du paragraphe 28(2) de la Loi sur la Cour
fédérale. Ce paragraphe prévoit ce qui suit à
l'égard des demandes d'examen fondées sur le
paragraphe 28(1):
28....
(2) Une demande de ce genre peut être faite par le procureur
général du Canada ou toute partie directement affectée par la
' Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion, [1985] 1 R.C.S. 177.
décision ou l'ordonnance, par dépôt à la Cour d'un avis de la
demande dans les dix jours qui suivent la première communica
tion de cette décision ou ordonnance au bureau du sous-procu-
reur général du Canada ou à cette partie par l'office, la
commission ou autre tribunal, ou dans le délai supplémentaire
que la Cour d'appel ou un de ses juges peut, soit avant soit
après l'expiration de ces dix jours, fixer ou accorder.
C'est là une des dispositions de la Loi qui établit
et permet un recours direct à la Cour d'appel
fédérale ayant pour objet l'examen, sur des ques
tions de droit, des décisions des offices, commis
sions ou tribunaux lorsque la loi ne prévoit aucun
appel de ces décisions. Il est cependant clair qu'un
tel examen doit avoir lieu le plus rapidement possi
ble et qu'il n'a pas été inclus dans la Loi pour
permettre à quiconque de retarder l'exécution
d'une décision. C'est ainsi que nous interprétons le
fait que le législateur ait fixé à dix jours le délai
afférent à la demande d'examen. La même volonté
apparaît au paragraphe 28(5), qui exige que la
demande soit entendue et jugée sans délai et d'une
manière sommaire. La Loi reconnaît toutefois que
le délai de dix jours est court et peut, dans certains
cas, ne pas être approprié; aussi a-t-elle conféré à
la Cour le pouvoir de le prolonger.
Tel qu'il a été conféré, le pouvoir en question
n'est soumis à aucune restriction. En particulier, il
n'est pas soumis aux restrictions imposées par une
expression comme «pour des motifs spéciaux»,
expression apparaissant dans les dispositions légis-
latives étudiées dans les affaires Kukan c. Le
ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tions, Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Im-
migration c. Zevlikaris 3 , Beaver v. The Queen
(Motion) 4 , et Cotroni v. The Queens. D'autre part,
il va sans dire que ce pouvoir ne doit pas être
exercé de façon arbitraire ou capricieuse et que le
délai de dix jours ne doit être prolongé que lors-
qu'il existe des raisons valables de le faire.
Dans l'affaire L'Ass'n des Consommateurs
(Can.) c. Hydro -Ontario [N° 2) 6 , le juge en chef
Jackett a dit ce qui suit au sujet de cette
disposition:
2 [1974] 1 C.F. 12 (C.A.).
3 [1973] C.F. 92 (C.A.).
[1957] R.C.S. 119.
5
[1961] R.C.S. 335.
6 [1974] 1 C.F. 460 (C.A.), à la p. 463.
L'article 28(1) donne à la Cour la compétence pour annuler
certaines décisions ou ordonnances rendues par tout office,
commission ou autre tribunal fédéral, en se fondant sur un des
motifs énoncés dans ledit article. L'article 28(2) dispose qu'une
demande présentée en vertu de l'article 28 peut l'être par le
procureur général du Canada «ou toute autre partie directe-
ment affectée par la décision ou ordonnance», dans les 10 jours
qui suivent la première communication de cette décision ou
ordonnance, ce délai pouvant être prorogé.
On n'accordera un délai supplémentaire pour présenter une
demande en vertu de l'article 28 que si certains éléments du
dossier soumis à la Cour permettent à cette dernière de s'assu-
rer que non seulement le défaut de faire la demande dans le
délai de 10 jours est justifié, mais aussi que
a) l'on peut au moins soutenir que l'ordonnance ou décision
faisant l'objet de la demande que l'on se propose de présenter
en vertu de l'article 28, relève dudit article, et
b) que l'on peut soutenir qu'il existe une cause d'annulation
de l'ordonnance ou décision, faisant l'objet de la demande,
fondée sur l'un des motifs prévus à l'article 28.
La Cour a invariablement décidé de ne pas accorder de délai
supplémentaire pour présenter une demande en vertu de l'arti-
cle 28 lorsque cette demande, si elle avait été présentée à
temps, aurait été radiée en vertu de l'article 52a) de la Loi sur
la Cour fédérale.
Il me semble toutefois qu'en étudiant une
demande comme celle-ci, on doit tout d'abord se
demander si, dans les circonstances mises en
preuve, la prorogation du délai est nécessaire pour
que justice soit faite entre les parties. Dans l'af-
faire R. v. Toronto Magistrate's, Ex p. Tank
Truck Transport Ltd.', le juge McGillivray, de la
Cour d'appel, a discuté de la question dans les
termes suivants, dans le cadre d'une demande de
prorogation faite deux mois après l'expiration du
délai d'appel:
[TRADUCTION] Ce retard a été justifié de la manière suivante:
alors qu'on avait déjà pris la décision d'interjeter appel, il a
fallu du temps pour régler la question du financement de cet
appel, après quoi on a tenté d'obtenir une prorogation de délai
de consentement, lequel n'a été finalement refusé que le 9
novembre, de sorte que la requête en l'espèce n'a été faite que le
11 novembre.
La partie désirant interjeter appel doit notamment, pour
obtenir cette permission, prouver qu'elle avait réellement l'in-
tention d'interjeter appel dans le délai prescrit: Smith v. Hunt
(1902), 5 O.L.R. 97, Can. Wool Co. v.. Brampton Knitting
Mills, [1954] O.W.N. 867, Re Blair & Weston, [1959]
O.W.N. 368. Cette règle a été qualifiée de règle fondamentale
en matière de demandes de prorogation de délai. Toutefois,
comme, à la fois dans l'affaire Smith et dans l'affaire Blair, la
Cour s'est également fondée sur d'autres motifs, il serait possi
ble de dire que la question de l'intention réelle, bien qu'impor-
tante, n'était qu'un des éléments devant être étudiés et qu'en
fait les jugements cités n'entraient pas en conflit avec l'affirma-
' [1960] O.W.N. 549 (C.A.), aux pages 549 et 550.
tion faite dans d'autres décisions suivant laquelle le critère le
plus important doit toujours être que justice soit faite: Sinclair
v. Ridout, [1955] O.W.N. 635, Can. Heating & Vent. Co. v. T.
Eaton Co. (1916), 41 O.L.R. 150, Re Irvine (1928), 61 O.L.R.
642, Kettle v. Jack, [1947] O.W.N. 267. Bien que ces dernières
décisions aient démontré qu'il était impossible d'élaborer des
règles établissant de façon précise les circonstances nécessitant
l'exercice de la discrétion de la Cour, le principe qui s'en
dégage est celui suivant lequel une prorogation du délai d'appel
devrait être accordée lorsque la justice l'exige. L'appel en
l'espèce, bien que n'étant pas d'intérêt général, touchait les
entreprises et les employés des entreprises—il doit y en avoir un
certain nombre—qui ne restreignaient pas leurs activités de
camionnage à l'intérieur des limites de la province; pour ces
motifs, et également parce qu'une question de droit constitu-
tionnel importante était soulevée, l'appel qu'on se proposait
d'interjeter n'était pas sans fondement. Il semblait également
que le dénonciateur, qui n'était pas directement responsable du
retard, pouvait subir un préjudice si l'autorisation n'était pas
accordée.
Non sans réticence, il avait donc conclu qu'il devait, afin que
justice soit faite, exercer sa discrétion en faveur du dénoncia-
teur et accorder la prorogation de délai nécessaire pour interje-
ter appel.
Deux jugements de la Cour d'appel d'Angleterre
peuvent nous éclairer sur les conditions dans les-
quelles il peut être considéré que les fins de la
justice requièrent la prorogation d'un délai. Dans
chacune de ces deux affaires, après l'expiration du
délai d'appel, il avait été conclu que la jurispru
dence sur laquelle était fondé le jugement était
erronée.
Dans la première de ces affaires, Berkeley, Re,
Borrer v. Berkeley', un jugement prononcé le 19
mai 1943 avait eu un effet négatif sur les droits du
titulaire d'un droit réversible. Le juge de première
instance avait suivi un autre jugement rendu en
première instance. Plus tard, le 15 mai 1944, la
Cour d'appel a conclu que le jugement dans cette
dernière affaire était erroné. Le titulaire du droit
réversible a fait une demande de prorogation du
délai d'appel le 16 octobre 1944, c'est-à-dire envi-
ron dix-sept mois après le jugement rendu contre
lui et cinq mois après le jugement rendu par la
Cour d'appel dans l'autre affaire. Certains paie-
ments relatifs à une rente étaient déjà devenus
échus et avaient été effectués conformément au
jugement. Si ces paiements s'étaient poursuivis, ils
auraient épuisé les fonds de la succession. De plus,
certaines personnes qui auraient également pu être
intéressées dans la succession n'avaient pas été
8 [1944] 2 All E.R. 395 (C.A.).
constituées parties à la procédure ayant donné lieu
au jugement et ne seraient pas liées par celui-ci.
Dans ces circonstances, lord Greene, alors Maître
des rôles, a dit [à la page 397]:
[TRADUCTION] Il me semble que le principe devant régir
cette question est le suivant. Il n'est pas suffisant qu'une partie
se présente devant la cour et dise: «Dans une décision subsé-
quente, la cour supérieure a dit que le principe de droit
constituant le fondement de la décision qui concerne mon
affaire est erroné.» La cour lui répondra immédiatement: «Cette
simple déclaration n'est pas suffisante. Quelles sont les circons-
tances en cause? Quels sont les faits? Quelle est la nature du
jugement? Quelles parties sont touchées? A-t-il été fait quelque
chose en exécution de ce jugement, et si oui, qu'est-ce qui a été
fait?» En d'autres termes, l'on doit envisager l'ensemble des
circonstances. Si, à la lumière de ces circonstances, la cour
considère qu'il est juste de proroger le délai, alors elle le fera.
Voilà le principe qui me semble devoir s'appliquer. D'ailleurs, il
s'accorde complètement avec la position adoptée par notre cour
dans l'affaire Gatti v. Shoosmith, la plus récente décision
qu'elle a rendue en se fondant sur cette règle.
Tenant compte de toutes les circonstances de l'espèce, à
savoir le fait que les droits d'intéressés non parties à la procé-
dure soumise à l'appréciation du juge Cohen ne sont pas
touchés par cette ordonnance, le fait qu'à ce jour, rien n'a été
effectué, si ce n'est le simple paiement, le fait qu'aucune
investigation n'a été menée, le fait que, notre cour ayant statué
sur le droit, il se révèle différent de ce qu'on croyait qu'il était,
étant donné tous ces faits, il m'apparaît clairement que, dans
les circonstances de l'espèce, l'autorisation devra être accordée
dans l'intérêt de la justice.
L'avocat de la partie requérante ne sollicite pas et, en fait, ne
serait pas justifié de solliciter la modification des paiements
déjà effectués; l'ordonnance accordant l'autorisation mention-
nera qu'il ne sollicite aucune modification à cet égard.
Sous réserve de ce qui précède, je suis d'avis que l'intérêt de
la justice exige en l'espèce que l'autorisation soit accordée et
elle le sera conformément à ces conclusions.
Les faits de l'autre affaire, intitulée Property
and Reversionary Investment Corpn Ltd v Tem-
plar 9 , apparaissent à son sommaire [à la page
433]:
[TRADUCTION] Les propriétaires ont conclu avec les locataires
un bail d'une durée de 21 ans commençant le 25 mars 1965 et
comportant un loyer annuel initial de 1 656 I. Le bail autorisait
les propriétaires à solliciter périodiquement la révision du loyer
et exposait la procédure à suivre pour avoir droit à une telle
révision. En 1972, les propriétaires ont intenté une poursuite
contre les locataires, réclamant l'augmentation du loyer confor-
mément aux dispositions du bail portant sur la révision. Le 1"
novembre 1974, le juge a rejeté l'action au motif qu'en vertu de
l'interprétation qui devait être donnée au bail, les délais reliés à
la révision du loyer étaient de rigueur et que les propriétaires,
ne s'étant pas conformés à certaines mesures procédurales dans
le délai prescrit par ces clauses, avaient perdu leur droit à la
révision du loyer. Cette décision allait dans le même sens que
9 [1978] 2 All ER 433 (C.A.).
des décisions de la Cour d'appel. Toutefois, le 23 mars 1977, la
Chambre des lords a décidé que ces décisions étaient erronées
et qu'il fallait présumer qu'un délai stipulé dans une clause de
révision du loyer n'était pas de rigueur. Les parties ont reconnu
que si les propriétaires obtenaient la permission de se pourvoir
devant la Cour d'appel de la décision du juge, cette dernière,
compte tenu de l'arrêt de la Chambre des lords, serait déclarée
erronée. En juin 1977, les propriétaires ont demandé à la Cour
d'appel la permission d'interjeter appel de la décision du juge
après l'expiration des délais, prétendant que la relation contrac-
tuelle établie entre les parties en vertu du bail ne devait pas être
régie par une décision dont les parties avaient reconnu qu'elle
était erronée. Les locataires se sont opposés à la demande et ont
prétendu que les propriétaires ne devraient recevoir que le loyer
annuel initial jusqu'à la prochaine révision du loyer, qui pouvait
être invoquée en 1979; ils se sont cependant engagés à ne pas
plaider alors préclusion (estoppel) de la question au moment où
la prochaine révision du loyer serait invoquée, déclarant qu'ils
reconnaîtraient le droit des propriétaires de réclamer alors une
révision du loyer conformément à la décision de la Chambre des
lords.
Lord juge Roskill, après avoir mentionné l'af-
faire Berkeley, a dit [aux pages 435 et 436]:
[TRADUCTION] Il est donc clair qu'il ne suffit pas à l'avocat
des propriétaires de dire que l'arrêt récent de la Chambre des
lords établit de façon nette que la décision du juge Fay était
erronée. Il doit démontrer l'existence de motifs spéciaux le
justifiant de demander l'annulation de la décision.
Au cours de son argumentation, il a cherché à prétendre que
les propriétaires pourraient se trouver dans une position difficile
à la prochaine révision du loyer, prévue pour 1979; il a avancé
que nonobstant la décision de la Chambre des lords, ils seraient
obligés de se conformer au jugement du juge Fay puisqu'il y
aurait préclusion (estoppel) de la question entre les parties.
L'avocat des locataires a contesté cet argument et a même
offert que ces derniers s'engagent à ne point soulever la préclu-
sion (estoppel) de la question en 1979 et acceptent que les
propriétaires puissent alors procéder à la réclamation de la
révision du loyer conformément aux décisions de la Chambre
des lords.
Nous ne pouvons faire des conjectures sur l'avenir. En l'es-
pèce, ainsi que l'a finalement reconnu l'avocat des propriétaires,
la vraie question consiste à savoir s'il est juste que la relation
contractuelle continue existant entre les parties soit régie par
un bail dont les clauses ont présumément été mal interprétées
par l'instance inférieure.
Je crois que, nonobstant la prétention de l'avocat des locatai-
res voulant que les propriétaires doivent continuer de recevoir le
loyer inférieur pendant les prochains 18 mois environ, pour
avoir ensuite droit de réclamer le loyer accru conformément à
la décision de la Chambre des lords, il existe des circonstances
spéciales justifiant l'autorisation d'interjeter appel après l'expi-
ration du délai imparti.
L'avocat des propriétaires, conformément aux principes
énoncés dans l'affaire Re Berkeley, a reconnu qu'il ne pouvait
réclamer une augmentation rétroactive du loyer même si l'appel
interjeté après l'expiration du délai devait finalement être
accueilli. Ceci est certainement vrai et, vu son engagement à ne
pas réclamer de loyer accru pour toute période précédant le 24
juin prochain même si l'appel devait être accueilli, je conclus
que l'autorisation d'en appeler après l'expiration du délai
devrait être accordée et, en conséquence, j'accueillerais la
requête.
Nous soulignons que, dans les deux affaires que
nous venons de mentionner, la prorogation a été
accordée nonobstant le fait que la partie adverse
avait un intérêt pécuniaire à ce que le jugement
soit maintenu et que, dans les deux cas, un temps
considérable s'était écoulé non seulement entre le
jugement et la demande de prorogation mais éga-
lement entre le moment où la jurisprudence anté-
rieure a été jugée erronée et le moment où la
demande a été faite. À l'examen de ces décisions,
je conclus que le fait que, dans les circonstances, la
partie ne connaissant pas l'existence de son droit,
on ne pouvait s'attendre à ce qu'elle prenne des
mesures pour l'exercer a été considéré comme une
explication suffisante du temps écoulé entre le
prononcé du jugement et le moment où la jurispru
dence antérieure sur laquelle il était fondé a été
déclarée erronée. Il semble également que le temps
écoulé par la suite n'a pas été considéré très sérieu-
sement, parce que le jugement déterminait et con-
tinuerait de déterminer les droits futurs des parties
entre elles. Il a été conclu que, pour que justice soit
faite, les prorogations devaient être accordées en
ce qui concernait les droits à l'avenir, sans modi
fier ce qui avait déjà été fait en exécution du
jugement.
Dans l'affaire Palata Investments Ltd v Burt &
Sinfleld Ltd 10 , également d'Angleterre, la Cour
d'appel a confirmé une décision accordant une
prorogation de délai sur une explication suffisante
d'un retard de trois jours seulement, sans exiger
que soit démontrée l'existence de motifs d'appel
soutenables.
Dans l'affaire McGill c. Ministre du Revenu
national (jugement en date du 16 septembre 1985,
Division d'appel de la Cour fédérale, A-876-84,
encore inédit), notre Cour, statuant sur une
demande fondée sur l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale, a refusé de modifier un jugement
de la Cour canadienne de l'impôt ayant rejeté une
demande fondée sur l'article 167 de la Loi de
l'impôt sur le revenu visant la prorogation du délai
relatif à la signification d'un avis d'opposition à
une nouvelle cotisation d'impôt sur le revenu. Le
10 [1985] 2 All ER 517 (C.A.).
juge Hugessen, prononçant les motifs de la Cour, a
dit [à la page 3]:
... l'ignorance de la loi et l'insouciance téméraire dans l'exer-
cice de ses droits sont deux choses très différentes et la dernière
est effectivement une considération très pertinente en ce qui a
trait à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire pour des motifs
justes et équitables. Il ressort très clairement des circonstances
de l'espèce et plus particulièrement du témoignage précité du
requérant lui-même que le savant juge de la Cour de l'impôt
avait affaire à un contribuable qui ne se souciait pas le moins
du monde d'exercer, de la façon appropriée, les droits que lui
confère la loi, et que c'est là le motif véritable de sa décision de
refuser d'accorder le redressement demandé. Nous estimons
qu'il n'a pas commis d'erreur de droit en agissant ainsi.
En l'espèce, il n'existe aucun motif pour douter
que la décision en vertu de laquelle la Commission
d'appel de l'immigration a refusé que la demande
de l'appelant visant le réexamen de sa revendica-
tion du statut de réfugié au sens de la Convention
suive son cours, et a statué qu'il n'est pas un
réfugié au sens de la Convention, est une décision
sujette à l'examen de notre Cour en vertu de
l'article 28. De plus, depuis le jugement rendu par
la Cour suprême du Canada dans l'affaire Singh,
l'on ne peut non plus douter que le requérant
puisse faire valoir des motifs soutenables d'annula-
tion de la décision de la Commission d'appel de
l'immigration et de renvoi de la question devant la
Commission pour qu'elle en décide à nouveau
après la tenue d'une audition orale; de fait, l'affir-
mation faite au cours du débat selon laquelle cette
décision ne serait qu'une simple formalité me
semble fondée. Reste cependant à savoir s'il existe
quelque motif convaincant, quelque justification
valable, pour n'avoir pas fait la demande dans le
délai de dix jours et si les fins de la justice exigent
que la prorogation soit accordée.
Pour répondre à la première de ces questions, il
faut notamment se demander si le requérant avait,
dans le délai de 10 jours, l'intention de présenter sa
demande et s'il a toujours eu cette intention par la
suite. Tout abandon de cette intention, tout relâ-
chement ou défaut du requérant de poursuivre
cette fin avec la diligence qui pouvait raisonnable-
ment être exigée de lui ne pourrait que nuire
considérablement à ses chances d'obtenir la proro-
gation. La longueur de la période pour laquelle la
prorogation est exigée et la question de savoir si
cette prorogation causerait un préjudice à la partie
adverse et, si c'est le cas, la nature de ce préjudice,
sont également pertinentes. Cependant, en der-
Mère analyse, la question de savoir si l'explication
donnée justifie la prorogation nécessaire doit
dépendre des faits de l'espèce et, à mon avis, nous
commettrions une erreur si nous tentions d'énoncer
des règles qui auraient l'effet de restreindre un
pouvoir discrétionnaire que le Parlement n'a pas
jugé bon de restreindre.
Comme je l'ai déjà indiqué, à mon avis, il n'a
pas été démontré que l'appelant ait jamais eu, dans
les 10 jours suivant celui où il a été informé de la
décision de la Commission d'appel de l'immigra-
tion ni au cours de la période s'étendant jusqu'au
27 novembre 1984, date de la reprise de l'enquête,
l'intention de demander la révision de cette déci-
sion, pas plus qu'il n'a été démontré que le requé-
rant ou son avocat ont eu cette intention par la
suite avant le 4 avril 1985. Une telle intention n'est
donc née que longtemps après l'expiration du délai
applicable à la demande en question. Je crois que
l'on peut inférer que cette intention est née seule-
ment parce que la décision rendue par la Cour
suprême dans l'affaire Harbhajan Singh a alors
indiqué qu'une telle demande serait accueillie.
Je considère digne de foi le témoignage du
requérant selon lequel il ne savait pas et personne
ne lui aurait dit qu'une procédure lui permettait
d'obtenir l'examen de la décision de la Commis
sion. Il est encore plus facile de croire que, jusqu'à
la décision rendue dans l'affaire Singh, il ne con-
naissait aucun motif juridique qui lui aurait permis
de faire infirmer cette décision. Sur ce fondement,
sauf en ce qui concerne la période d'environ un
mois entre le moment où le requérant a été avisé
de la décision de la Commission et celui où il a
engagé un avocat après avoir été cité à comparaî-
tre à la reprise de l'enquête, je crois qu'il a été
démontré de façon suffisante qu'il a fait ce que
l'on doit raisonnablement attendre d'une personne
sollicitant le statut de réfugié, et je ne crois pas
que l'on puisse inférer de son inaction au cours de
cette période d'un mois que ses droits le laissaient
indifférent ou qu'il les avaient abandonnés ou avait
manifesté une insouciance téméraire à leur sujet.
Dans son affidavit, il dit qu'il n'a jamais cessé de
croire qu'il était un réfugié au sens de la Conven
tion et qu'il aurait à chaque instant pris les mesu-
res nécessaires pour que ce statut lui soit [TRA-
DUCTION] «conféré». Cette explication, bien qu'elle
me semble ténue, est acceptable compte tenu de
l'ensemble des autres circonstances.
En l'espèce, le fait que la prorogation n'inflige-
rait aucun préjudice à l'intimé sert le requérant ou,
à tout le moins, ne joue pas contre lui.
Finalement, cette situation est notamment
caractérisée par le fait que, le statut de réfugié au
sens de la Convention conférant au réfugié des
droits qui se maintiendront en vertu de la Loi, la
décision de la Commission détermine le statut
actuel du requérant et aussi, si elle n'est pas
infirmée, son statut pour l'avenir, à la condition
qu'il demeure au Canada. Les fins de la justice
semblent donc exiger que le requérant ait la possi-
bilité de faire annuler la décision qui, semble-t-il, a
été rendue sans tenir d'audition orale sur sa
revendication.
Dans l'ensemble, je suis d'avis que la proroga-
tion devrait être accordée mais, le résultat de la
demande fondée sur l'article 28 apparaissant
comme prévisible, j'accorderais la prorogation à la
condition qu'au moment où il déposera et signi-
fiera l'avis introductif d'instance, le requérant
dépose et signifie également une déclaration por-
tant qu'il consent à ce qu'il soit passé outre à
toutes les procédures intermédiaires prescrites en
vertu des Règles de cette Cour, y compris l'audi-
tion orale de la demande, et que, avec le consente-
ment de l'intimé, un jugement puisse être prononcé
séance tenante qui annule la décision de la Com
mission d'appel de l'immigration et renvoie la
question devant la Commission afin qu'elle exa
mine et décide à nouveau de sa revendication du
statut de réfugié au sens de la Convention après la
tenue d'une audition qui soit conforme aux princi-
pes de justice fondamentale. La prorogation
devrait être accordée jusqu'au 2 décembre 1985
inclusivement.
Je devrais ajouter que l'avocat du requérant a
soumis que la prorogation devait être accordée en
raison de l'importance du fondement de la
demande de révision projetée, soit la négation du
droit constitutionnellement reconnu au requérant
en vertu de la Charte canadienne des droits et
libertés ou de son droit prévu à la Déclaration
canadienne des droits à une audition orale de sa
demande de réexamen de sa revendication du
statut de réfugié au sens de la Convention devant
la Commission d'appel de l'immigration. Cela,
naturellement, n'explique pas le défaut du requé-
rant de présenter la demande à l'intérieur du délai
de 10 jours. En substance, l'avocat du requérant
avance qu'il n'est pas nécessaire de présenter une
explication convaincante justifiant la présentation
de la demande dans le délai prescrit lorsqu'un droit
aussi fondamental a été violé.
À mon avis, l'adoption de cette thèse aurait pour
effet d'abolir le délai applicable dans tous les cas
comme celui-là et de garantir les prorogations
recherchées, sans tenir compte du principe voulant
que le jugement d'un tribunal, à un point donné,
doive devenir définitif. Je doute qu'une telle posi
tion soit raisonnable mais comme j'estime que la
prorogation devait être accordée pour d'autres
motifs, je ne me prononce pas sur cette prétention,
préférant qu'il en soit décidé lorsque cela sera
nécessaire.
LE JUGE MAHONEY: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MARCEAU: Je souscris sans hésitation
à la conclusion du juge en chef selon laquelle cette
demande devrait être accordée mais le raisonne-
ment au terme duquel j'y parviens est quelque peu
différent et plus direct; ce cas n'étant que l'un de
plusieurs du même genre, je considère que je dois
exprimer ma propre opinion sur la question.
Dans ses motifs de jugement, que j'ai eu l'avan-
tage de lire, le juge en chef part de la position
voulant que le principe énoncé par le juge en chef
Jackett dans l'arrêt L'Ass'n des Consommateurs
(Can.) c. Hydro -Ontario [No 2], [1974] 1 C.F. 460
(C.A.), selon lequel le requérant qui sollicite la
prorogation d'un délai doit présenter une justifica
tion pour son retard, est tributaire de la question
fondamentale qui se pose lorsqu'il doit être décidé
d'une telle demande, savoir si, considérant toutes
les circonstances de l'affaire et la nécessité que
justice soit faite entre les parties, il est nécessaire
d'accorder la prorogation. Il procède alors à une
étude complète et à une analyse de tous les aspects
de l'affaire, pour finalement conclure que, bien
que l'explication donnée par le requérant pour
justifier son retard puisse être ténue, il la considère
acceptable compte tenu de l'ensemble des autres
circonstances. Il est clair que, pour le juge en chef,
le présent cas ne se distingue pas de tout autre
autre cas où une partie sollicite l'autorisation d'in-
terjeter appel après l'expiration du délai imparti,
et que le pouvoir discrétionnaire de la Cour en
l'espèce n'est encore restreint que par l'exigence
évidente qu'il ne soit pas exercé de façon arbitraire
ou capricieuse. J'éprouve certaines réserves devant
une telle approche parce que je ne crois pas que les
principes généraux énoncés par les tribunaux en
traitant des cas de ce genre s'appliquent directe-
ment à l'espèce, ou, à tout le moins, je crois
qu'elles ne lui sont applicables qu'en tenant
compte de ses caractéristiques propres.
Si j'hésite à m'appuyer sur les principes géné-
raux ici, c'est que la demande tend à régulariser
des procédures, dont la Cour est déjà valablement
saisie, qui visent l'annulation de l'ordonnance d'ex-
pulsion qui fut la conséquence immédiate et néces-
saire de la décision de la Commission, une décision
qui, nous le savons à présent, a été rendue en
contravention des lois suprêmes du Canada.
Comme l'a indiqué le juge en chef, cette demande
d'annulation de l'ordonnance d'expulsion, dont
notre Cour a été saisie le 18 juin 1985, a été
ajournée expressément dans le but de permettre la
présentation de la présente demande. Notre Cour
est certainement une instance à laquelle le requé-
rant peut s'adresser pour solliciter le redressement
auquel le paragraphe 24(1) de la Charte cana-
dienne des droits et libertés" semble lui donner
droit. Dans un tel contexte, je doute sérieusement
que le pouvoir discrétionnaire de la Cour continue
d'être aussi peu limité et restreint qu'on le dit et
qu'il est normalement.
Cependant, même en supposant que j'aie tort de
croire que le contexte dans lequel la demande en
l'espèce est faite et la présence du paragraphe
24(1) de la Charte canadienne écartent un simple
recours aux principes généraux énoncés par les
tribunaux relativement aux demandes de proroga-
tion de délai, je suis d'avis que ces principes,
lorsqu'appliqués aux cas comme celui en l'espèce
" 24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation
des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente
charte, peut s'adresser â un tribunal compétent pour obtenir la
réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard
aux circonstances.
en tenant entièrement compte des circonstances
qui leur sont propres, ne justifient pas le rejet de la
demande du requérant.
L'imposition de délais applicables à la contesta-
tion de la validité des décisions judiciaires a natu-
rellement pour but de mettre en oeuvre un principe
fondamental de notre pensée juridique selon
lequel, dans l'intérêt de la société dans son ensem
ble, les litiges doivent avoir une fin (interest reipu-
blicae ut sit finis litium), et les règles générales
adoptées par les tribunaux relativement aux
demandes de prorogation de ces délais ont été
élaborées en tenant compte de ce principe. L'auto-
risation d'interjeter appel après expiration du délai
imparti ne sera accordée que si, considérant les
circonstances d'une affaire, la recherche ultime de
la justice semble transcender la nécessité de mettre
fin à l'incertitude relative aux droits des parties.
D'où l'obligation d'étudier différents facteurs, tels
la nature du droit visé par les procédures, le
redressement sollicité, l'effet du jugement rendu,
ce qui a été fait en exécution de ce jugement, le
préjudice que subiront les autres parties au litige,
le temps écoulé depuis le prononcé du jugement, la
façon dont le requérant a réagi à ce jugement, la
raison pour laquelle il n'a pas exercé son droit
d'appel plus tôt, le sérieux de ses prétentions
contre la validité du jugement. Il me semble que,
pour apprécier la situation comme il se doit et tirer
une conclusion valide, il est essentiel de balancer
les différents facteurs impliqués. Par exemple, une
explication parfaitement convaincante justifiant le
retard peut entraîner une réponse positive même si
les arguments appuyant la contestation du juge-
ment paraissent faibles et, de la même façon, une
très bonne cause peut contrebalancer une justifica
tion du retard moins convaincante. Si l'on consi-
dère que le droit visé en l'espèce, par sa nature, est
on ne peut plus fondamental, que la décision atta-
quée a eu pour effet une ordonnance d'expulsion,
laquelle n'a pas encore été exécutée, et qu'il est
non seulement soutenable que la décision contestée
est erronée, mais encore qu'il est clair et certain
qu'elle a été rendue en contravention des lois fon-
damentales du pays, il me semble que la question
de savoir si le retard est justifié ou non perd une
bonne partie de son importance, sinon toute son
importance. Il peut ressortir clairement de la
preuve que, jusqu'au 4 avril 1985, ni le requérant
ni son avocat n'ont semblé avoir eu l'intention de
solliciter l'examen de la décision de la Commission
(ce qui est très compréhensible, le motif de révision
n'étant apparu clairement qu'à cette date), mais il
ressort tout aussi clairement que le requérant n'a à
aucun moment acquiescé à la décision de la Com
mission ou abandonné sa résolution de combattre
son effet autant et aussi longtemps qu'il le pouvait.
Cela me semble très suffisant.
J'accueillerais la demande.
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