A-1132-84
Douglas Garland (requérant)
c.
Commission canadienne de l'emploi et de l'immi-
gration (intimée)
Cour d'appel, juges Pratte, Heald et Urie—Cal-
gary, 31 octobre; Ottawa, 20 novembre 1985.
Assurance-chômage — Période de référence — Prolonga
tion — Demande tendant à l'annulation de la décision d'un
juge-arbitre selon laquelle le temps passé à l'extérieur d'une
prison en vertu d'un permis d'absence temporaire ne peut être
assimilé au temps passé dans »une prison, un pénitencier ou
autre établissement de même nature» au sens de l'art. 18(2)b)
— Permis d'absence temporaire accordé à condition que le
requérant réside à la ferme de ses parents et y travaille —
Analyse de l'art. 18(2)b) à partir de l'ensemble de la Loi, et
surtout de l'art. 45 de celle-ci et de l'art. 55 du Règlement —
Application de l'arrêt Le procureur général du Canada c.
Tanner, /1983J 1 C.F. 389 (C.A.) — Demande accueillie — Le
requérant n'était pas en mesure d'occuper un emploi pendant
qu'il était soumis à un permis d'absence temporaire — Le
requérant n'était pas moins placé dans un établissement que
s'il avait été incarcéré dans une prison — Il a droit de profiter
pleinement de la prolongation prévue à l'art. 18(2) — Loi de
1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48,
art. 18(1),(2) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 31;
1978-79, chap. 7, art. 4.1), 45 (mod. par S.C. 1974-75-76,
chap. 80, art. 17) — Règlement sur l'assurance-chômage,
C.R.C., chap. 1576, art. 55 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2 e Supp.), chap. 10, art. 28.
Législation — Interprétation des lois — Art. 18(2)6) de la
Loi de 1971 sur l'assurance-chômage — Intention du Parle-
ment déduite des mots utilisés dans la Loi — Pour déterminer
si le sens des mots est clair et non équivoque, il faut lire la loi
intégralement — Lorsqu'ils ne sont pas ambigus, les mots
doivent être interprétés d'après leur signification ordinaire et
naturelle — Le dénominateur commun des situations décrites
à l'art. 18(2) est qu'il vise les personnes qui ne sont pas en
mesure d'occuper un emploi en raison de circonstances indé-
pendantes de leur volonté — La libération en vertu d'un permis
d'absence temporaire prescrivant que la personne libérée doit
habiter dans la ferme de ses parents et y travailler est visée par
les mots »détenue dans une prison, un pénitencier ou autre
institution de même nature» de l'art. 18(2)b) — L'art. 45 de la
Loi et l'art. 55 du Règlement donnent du poids à cette inter-
prétation de l'art. 18(2)b) — Loi de 1971 sur l'assurance-chô-
mage, S.C. 1970-71-72, chap. 48, art. 18(1),(2) (mod. par S.C.
1976-77, chap. 54, art. 31; 1978-79, chap. 7, art. 4.1), 45
(mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 17) — Règlement
sur l'assurance-chômage, C.R.C., chap. 1576, art. 55.
Il s'agit d'une demande tendant à l'annulation d'une décision
par laquelle un juge-arbitre a infirmé la décision d'un conseil
arbitral. Le requérant, qui occupait un emploi jusqu'en janvier
1982, a été physiquement et directement incarcéré du 14
janvier 1982 jusqu'au 24 septembre 1982, date à laquelle il a
été libéré en vertu d'un permis temporaire à la condition qu'il
réside à la ferme de ses parents et y travaille. Il a fini de purger
sa peine le 24 mars 1983. Le permis d'absence temporaire
comportait des conditions dont le non-respect obligeait le
requérant à retourner en prison. Pendant une période d'environ
un mois et demi après la libération, le requérant devait réinté-
grer la prison tous les soirs. Le 15 août 1983, le requérant a
déposé une demande de prestations d'assurance-chômage. Con-
formément aux articles 17 et 18(1) de la Loi, le requérant
devait avoir exercé un emploi assurable pendant au moins dix
semaines entre le 15 août 1982 et le 13 août 1983 (la période de
référence). Parce qu'il n'était pas employé entre le 24 mars
1983 et le 13 août 1983, date qui marque la fin de sa période de
référence, il n'a été porté que six semaines d'emploi assurable
au crédit du requérant. La Commission a refusé de faire droit à
la demande de prestations du requérant pour le motif que, en
vertu du paragraphe 18(2), sa période de référence ne pouvait
être prolongée que du nombre de semaines de la période de
référence pendant lesquelles il était physiquement incarcéré
dans une institution (une période de six semaines, entre le 15
août 1982 et le 24 septembre 1982). La Commission a statué
que le requérant n'avait pas le droit de se faire créditer le temps
passé dans la ferme de ses parents. Le conseil arbitral a décidé
que le requérant «se trouvait dans une prison, un pénitencier ou
autre établissement semblable entre le 24 septembre 1982 et le
24 mars 1983», au sens du paragraphe 18(2). Le juge-arbitre
est venu à la conclusion que d'après les dictionnaires, le sens
usuel de la phrase aune prison, un pénitencier ou autre institu
tion de même nature» ne permet pas au requérant d'ajouter à
ses semaines de référence la période passée dans la ferme de ses
parents pendant la période de référence. Il s'agit d'interpréter
l'alinéa 18(2)b).
Arrêt (juge Pratte dissident): la demande est accueillie.
Le juge Heald (avec l'appui du juge Urie): Il faut s'en tenir
aux mots utilisés lorsqu'ils sont clairs et non équivoques. Il faut
tout d'abord lire intégralement la loi pour déterminer si les
mots à interpréter sont clairs et non équivoques. Le paragraphe
18(2) prévoit que, en présence de certaines circonstances préci-
ses, la période de référence d'un requérant peut être prolongée.
Ces circonstances prévoient toutes une situation où le requérant
n'est pas en mesure d'occuper un emploi en raison de circons-
tances indépendantes de sa volonté. Le législateur a clairement
manifesté sa volonté de remédier aux conséquences injustes des
circonstances qui y sont énumérées—à savoir l'inadmissibilité
au bénéfice des prestations. En l'espèce, le requérant n'était pas
en mesure d'occuper un emploi non seulement quand il était
physiquement incarcéré mais également pendant qu'il était
soumis aux modalités de son permis d'absence temporaire. Il
n'était pas moins placé dans un établissement que s'il avait été
détenu dans une prison. Parce que le requérant en l'espèce était
visé par l'une des situations prévues au paragraphe 18(2)
pendant toute la période comprise entre le 14 janvier 1982 et
le 24 mars 1983, le requérant a droit de profiter pleinement de
la prolongation prévue au paragraphe 18(2). L'article 45 pré-
voit qu'un prestataire n'est pas admissible au bénéfice des
prestations pour toute période pendant laquelle il est détenu
dans une prison ou institution semblable. Aux termes de l'arti-
cle 55 du Règlement, les détenus qui ont été physiquement
libérés d'une prison pour chercher et accepter un emploi dans la
société ne sont pas visés par l'interdiction prévue à l'article 45.
Lorsque le paragraphe 18(2) est lu en corrélation avec l'article
45 de la Loi et l'article 55 du Règlement, il est évident que le
législateur tenait absolument à ce que la catégorie de personnes
décrite à l'alinéa 18(2)b) comprenne les détenus qui, même s'ils
ne sont pas incarcérés, ne sont pas en mesure d'occuper un
emploi. Dans l'arrêt Le procureur général du Canada c.
Tanner, [1983] 1 C.F. 389 (C.A.), la Cour a statué que l'article
55 du Règlement vise le cas où un détenu bénéficie d'une
libération conditionnelle ou d'une absence temporaire et n'est
pas empêché de chercher du travail par son incarcération. Cette
interprétation vient confirmer la conclusion selon laquelle le
requérant, parce qu'il était incapable de travailler pendant son
absence temporaire, n'a pas cessé de faire partie de la catégorie
de personnes décrite à l'alinéa 18(2)b).
Le juge Pratte (dissident): Le requérant n'était pas «détenu
dans une prison, un pénitencier ou autre institution de même
nature», au sens de l'alinéa 18(2)b) lorsqu'il a résidé et travaillé
dans la ferme de ses parents en vertu d'un permis d'absence
temporaire. La ferme n'était pas une «prison, un pénitencier ou
autre institution de même nature».
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. v. Mojelski (1968) 65 W.W.R. 565 (C.A. Sask.);
Westminster Bank Ltd. v. Zang, [1966] A.C. 182 (H.L.);
Attorney -General v. Prince Ernest Augustus of Hanover,
[1957] A.C. 436 (H.L.); Le procureur général du
Canada c. Tanner, [1983] 1 C.F. 389 (C.A.).
AVOCATS:
Paul Groarke pour le requérant.
Gordon Bourgard pour l'intimée.
PROCUREURS:
Gainer, Doyle & Groarke, Calgary, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE (dissident): J'ai lu les motifs
de jugement préparés par mon collègue le juge,
Heald et je regrette de ne pas pouvoir partager son
opinion.
Il échet uniquement de déterminer si le requé-
rant était «détenu dans une prison, un pénitencier
ou autre institution de même nature» au sens de
l'alinéa 18(2)b) de la Loi de 1971 sur l'assurance-
chômage [S.C. 1970-71-72, chap. 48 (mod. par
S.C. 1976-77, chap. 54, art. 31)], lorsque, après
avoir été libéré de prison en vertu d'un permis
d'absence temporaire, il a résidé et travaillé dans
la ferme de ses parents. Je suis d'avis qu'il ne
l'était pas. Tel que je le comprends, l'alinéa
18(2)b) ne souffre d'aucune ambiguïté et n'est
susceptible d'aucune autre interprétation. Bien que
je sois disposé à admettre que le requérant, compte
tenu des modalités de son permis d'absence, était
détenu dans la ferme de ses parents, il ne fait
aucun doute que cette ferme n'était pas une
«prison, un pénitencier ou autre institution de
même nature».
Je suis donc d'avis de rejeter la demande.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'une demande fondée
sur l'article 28 tendant à l'examen et à l'annulation
de la décision d'un juge-arbitre nommé conformé-
ment aux dispositions de la Loi de 1971 sur l'assu-
rance-chômage, (la Loi).
Dans cette décision, le juge-arbitre a infirmé la
décision unanime d'un conseil arbitral. Les faits
pertinents ne sont pas contestés et ils tiennent en
peu de mots. Entre les mois de février 1979 et
janvier 1982, le requérant travaillait à Calgary
pour la société Digitech Ltd. Le 14 janvier 1982, il
a été incarcéré au centre de détention provisoire de
Calgary, un établissement de correction administré
par le solliciteur général de l'Alberta, et y est
demeuré jusqu'au 2 avril 1982, date à laquelle il a
été transféré au centre de correction de Calgary.
Le 25 juin 1982, il a été transféré au centre de
correction de Bow River et il y est demeuré jus-
qu'au 24 septembre 1982. Par conséquent, pendant
toute la période comprise entre le 14 janvier et
le 24 septembre 1982, il a toujours été physique-
ment et directement incarcéré. Le 24 septembre
1982, il a été libéré en vertu d'un permis d'absence
temporaire à [TRADUCTION] « ... la condition
expresse qu'il réside à la ferme de ses parents
située près de Crossfield (Alberta) et qu'il y tra-
vaille pendant la durée de son absence temporaire.»
Le permis d'absence temporaire a permis au
requérant de purger le reste de sa peine en dehors
d'un établissement de correction, bien que sous la
surveillance d'un agent de probation. Il a fini de
purger sa peine le 24 mars 1983. Le permis d'ab-
sence temporaire comportait quelque douze condi
tions (page 30 du dossier). Ces conditions exi-
geaient notamment du requérant: qu'il demeure
sous l'autorité et la surveillance d'un surveillant
désigné des services correctionnels jusqu'à l'expira-
tion de son permis d'absence temporaire; qu'il
demeure dans [TRADUCTION] «les environs immé-
diats de la région désignée» et qu'il n'en sorte pas
sans l'autorisation préalable de son surveillant et
qu'il se présente, aux dates déterminées, à l'établis-
sement de correction ou au poste de police désigné.
Le défaut de se conformer à l'une ou l'autre des
douze conditions énumérées dans ce document
entraînait la révocation du permis d'absence tem-
poraire et obligeait le requérant à se rendre à un
établissement correctionnel désigné sous peine
d'être considéré comme étant illégalement en
liberté.
Le fondement de la présente demande présentée
en vertu de l'article 28 est qu'entre le 14 janvier
1982 et le 24 septembre de la même année, le
requérant était physiquement et directement incar-
céré dans un établissement de correction et que, du
24 septembre 1982 au 24 mars 1983, il était
physiquement présent à la ferme de ses parents
située près de Crossfield (Alberta). Le dossier
comprend toutefois des éléments de preuve non
contredits qui laissent entendre que pendant une
période d'environ un mois et demi postérieure
au 24 septembre 1982, il devait réintégrer son
établissement de correction tous les soirs (page 24
du dossier).
Le 15 août 1983, le requérant a déposé une
demande de prestations d'assurance-chômage
auprès de la Commission. Conformément aux arti
cles 17 et 18(1) [mod. par S.C. 1976-77, chap. 54,
art. 31] de la Loi, le requérant devait, pour être
admissible aux prestations, avoir exercé un emploi
assurable pendant au moins dix semaines entre le
15 août 1982 et le 13 août 1983 (la période de
référence pour le requérant en l'espèce). Le para-
graphe (2) [mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art.
31; 1978-79, chap. 7, art. 4.1] de l'article 18
dispose:
18....
(2) Lorsqu'une personne prouve de la manière que la Com
mission peut ordonner qu'au cours d'une période de référence
visée à l'alinéa a) du paragraphe (1), elle n'a pas exercé,
pendant une ou plusieurs semaines, un emploi assurable parce
qu'elle
a) était incapable de travailler par suite d'une maladie,
blessure, mise en quarantaine ou grossesse prévue par les
règlements,
b) était détenue dans une prison, un pénitencier ou autre
institution de même nature,
e) suivait un cours d'instruction ou autre programme sur les
instances d'une autorité que peut désigner la Commission, ou
d) touchait, sur une base temporaire, l'indemnité maximale
prévue pour un accident du travail ou une maladie
professionnelle,
cette période de référence sera, aux fins du présent article,
prolongée d'un nombre équivalent de semaines.
Parce qu'il n'était pas employé entre le 24 mars
1983 et le 13 août 1983, date qui marque la fin de
sa période de référence, il n'a été porté au crédit
du requérant que six semaines sur les dix semaines
d'emploi assurable exigées pour la période de réfé-
rence et, pour ces motifs, la Commission a refusé
de faire droit à sa demande de prestations. La
Commission a décidé que, en vertu du paragraphe
18(2), la période de référence du requérant ne
pouvait être prolongée que du nombre de semaines
de ladite période de référence pendant lesquelles il
était physiquement incarcéré dans une institution
(une période de six semaines, entre le 15 août 1982
et le 24 septembre 1982). D'après l'interprétation
que la Commission a faite du paragraphe 18(2), le
requérant n'avait pas le droit de se faire créditer la
période pendant laquelle il se trouvait physique-
ment dans la ferme de ses parents, en vertu du
permis d'absence temporaire mentionné plus haut.
Le requérant a interjeté appel de cette décision
devant un conseil arbitral. Le conseil a rejeté
l'interprétation que la Commission avait faite du
paragraphe 18(2) et a statué que le requérant «se
trouvait dans une prison, un pénitencier ou autre
établissement semblable entre le 24 septembre
1982 et le 24 mars 1983», au sens du paragraphe
18(2). Le conseil a donc accueilli l'appel du requé-
rant et a déclaré que la Commission est tenue «de
recalculer adéquatement le nombre de semaines
assurables» que le requérant avait à son actif
durant sa période de référence.
La Commission a alors interjeté appel de la
décision du conseil devant un juge-arbitre. Après
avoir appliqué la «règle par excellence» en matière
d'interprétation des lois, celui-ci est venu à la
conclusion que d'après les dictionnaires, le sens
ordinaire de la locution «une prison, un pénitencier
ou autre institution de même nature» telle qu'on la
trouve au paragraphe 18(2) précité, ne permet pas
au requérant d'ajouter à ses semaines de référence
la période qu'il a passée dans la ferme de ses
parents pendant la période de référence. Sur ce
fondement, il a accueilli l'appel de la Commission
et infirmé la décision du conseil arbitral.
La question précise que soulève la présente
demande fondée sur l'article 28 est donc de déter-
miner la signification qu'il faut donner à l'alinéa
18(2)b) tel qu'il s'applique aux faits de l'espèce.
Autrement dit, le requérant en l'espèce, qui a été
libéré d'un établissement de correction en vertu
d'un permis d'absence temporaire à condition qu'il
travaille et réside dans la ferme de ses parents,
était-il détenu dans une prison, un pénitencier ou
autre institution de même nature pendant la
période où il résidait et se trouvait physiquement
dans ladite ferme?
Dans l'éventualité où le juge-arbitre aurait cor-
rectement interprété l'alinéa 18(2)b), les faits de
l'espèce entraîneraient un résultat anormal et
injuste. L'avocat de la Commission a reconnu que
si le requérant avait purgé le reste de sa peine dans
un établissement de correction—c'est-à-dire, du 24
septembre 1982 jusqu'au 24 mars 1983, il ne fait
pas de doute qu'il aurait été admissible au bénéfice
des prestations d'assurance-chômage. Toutefois,
parce qu'il a été physiquement mis en liberté en
vertu d'un permis d'absence temporaire et malgré
le fait que plusieurs conditions restrictives lui ont
été imposées, il n'est pas admissible à ces presta-
tions. Bien que le dossier n'indique pas les motifs
pour lesquels l'absence temporaire a été accordé
au requérant, il est raisonnable de conclure qu'il a
pu en bénéficier en raison de sa bonne conduite et
de son honnêteté au cours de sa détention. Il
semble absurde que dans de telles circonstances, il
doive être pénalisé.
Quelle méthode doit-on alors utiliser pour inter-
préter le membre de phrase «était détenue dans
une prison, un pénitencier ou autre institution de
même nature» de l'alinéa 18(2)b) de la Loi? Dans
son ouvrage Construction of Statutes, 2nd Edition,
M. Driedger déclare à la page 87:
[TRADUCTION] De nos jours, un seul principe ou méthode
prévaut pour l'interprétation d'une loi: les mots doivent être
interprétés selon le contexte, dans leur acception logique cou-
rante en conformité avec l'esprit et l'objet de la Loi et l'inten-
tion du législateur.
C'est le même principe qu'a énoncé en des termes
plus précis le juge en chef Culliton dans la cause
R. v. Mojelski (1968) 65 W.W.R. 565 (C.A.
Sask.), à la page 570. Selon lui, lorsque les mots
utilisés dans une disposition ne sont pas ambigus
ou incertains et qu'ils ne contredisent pas une
autre disposition de la loi à l'étude, et pourvu qu'ils
ne soient pas incompatibles avec l'esprit de la loi,
la Cour doit les interpréter d'après leur significa
tion ordinaire et naturelle. Voici comment lord
Reid a énoncé cette règle dans la cause Westmins-
ter Bank Ltd. v. Zang, [1966] A.C. 182 (H.L.), à
la page 222:
[TRADUCTION] Mais aucun principe d'interprétation des lois
n'est plus fermement établi que la règle selon laquelle la cour
doit déduire l'intention du Parlement des mots utilisés dans la
loi. Si, de quelque manière, ces mots sont ambigus—si une
interprétation raisonnable peut leur attribuer plus d'une signifi-
cation—ou si la disposition en question entre en contradiction
ou est incompatible avec quelque autre disposition de la loi,
alors la cour peut s'éloigner de la signification naturelle des
mots en question. Mais nous ne pouvons aller au-delà de cela.
Comme nous avons été à même de le constater, la
jurisprudence a établi qu'il faut s'en tenir aux mots
utilisés lorsqu'ils sont clairs et non équivoques.
Toutefois, il faut tout d'abord lire intégralement la
loi contenant les mots litigieux. C'est seulement
après que l'on est en mesure de décider avec
quelque justesse si les mots à interpréter sont clairs
et non équivoques. Le vicomte Simonds a bien
articulé ce concept lorsqu'il a déclaré dans la cause
Attorney -General v. Prince Ernest Augustus of
Hanover, [1957] A.C. 436 (H.L.), à la page 463:
[TRADUCTION] ... il doit souvent être difficile d'affirmer que
le sens des mots est clair et non équivoque jusqu'à ce qu'on les
ait étudiés dans leur contexte. Cela ne signifie pas que l'on
puisse faire fi de l'avertissement qu'il faut se garder de créer
une ambiguïté ou de s'imaginer qu'elle existe ... Cela veut
seulement dire qu'il faut respecter la règle élémentaire voulant
qu'on ne peut prétendre à la compréhension d'une partie d'une
loi ou de tout autre document avant de l'avoir lu en entier. Tant
qu'on ne l'a pas fait, on n'a pas le droit de dire que cette
disposition ou toute partie de celle-ci est claire et non
équivoque.
Je vais maintenant examiner le dispositif de la Loi
de 1971 sur l'assurance-chômage dans la mesure
où il se rapporte aux faits de la présente espèce et
en tenant compte des règles que j'ai énoncées plus
haut en matière d'interprétation des lois. La partie
II de la Loi s'intitule PRESTATIONS D'ASSURANCE-
CHÔMAGE et comprend les articles 16 à 58 inclusi-
vement. Comme je l'ai déjà mentionné, les articles
17 et 18 (1) exigent du requérant que sa période de
référence compte au moins dix semaines d'emploi
assurable. Aux termes du paragraphe (1) de l'arti-
de 18, qui définit l'expression «période de réfé-
rence», la période de référence en l'espèce s'éten-
dait du 15 août 1982 au 13 août 1983. Le
paragraphe (2) de l'article 18 prévoit que, en
présence de certaines circonstances précises, la
période de référence d'un requérant peut être pro-
longée. Les circonstances décrites aux alinéas a),
b), c) et d) présentent un dénominateur commun.
Elles prévoient toutes une situation où le requérant
est incapable d'occuper un emploi en raison de
circonstances extérieures indépendantes de sa
volonté. L'alinéa a) mentionne la maladie, une
blessure, la mise en quarantaine ou la grossesse.
L'alinéa d) parle d'une maladie professionnelle ou
d'un accident du travail. L'alinéa c) traite de la
non-disponibilité d'une personne parce qu'elle était
tenue d'assister à un cours d'instruction approuvé.
L'alinéa b), la disposition litigieuse en l'espèce,
vise la situation des personnes qui sont détenues
dans un établissement pénitentiaire et qui ne sont
donc pas en mesure d'occuper un emploi assurable.
J'estime qu'en édictant le paragraphe 18(2), le
législateur a clairement manifesté sa volonté de
remédier aux conséquences injustes des circons-
tances qui sont énumérées—à savoir l'inadmissibi-
lité au bénéfice de prestations. Le moyen auquel a
eu recours le législateur au paragraphe (2) pour
prévenir ces conséquences injustes a été de prévoir,
dans de telles circonstances, la prolongation de la
période de référence. En l'espèce, la période durant
laquelle le requérant n'était pas en mesure d'occu-
per un emploi n'allait pas seulement du 14 janvier
1982 au 24 septembre 1982, période au cours de
laquelle il était physiquement incarcéré, mais éga-
lement du 24 septembre 1982 au 24 mars 1983,
lorsqu'il était également inapte à occuper un
emploi en raison des modalités spécifiques de son
permis d'absence temporaire. De plus, si l'on inter-
prète raisonnablement le mot «institution» tel qu'il
est employé dans le présent contexte, les faits de
l'espèce indiquent que le requérant n'était pas
moins placé dans un établissement que s'il avait
été détenu dans un édifice construit dans le but
d'incarcérer des prisonniers. Par conséquent, parce
que le requérant en l'espèce était visé par l'une des
situations prévues au paragraphe (2), qui ont pré-
cédemment été décrites, pendant toute la période
comprise entre le 14 janvier 1982 et le 24 mars
1983, je conclus qu'il a droit de profiter pleine-
ment de la prolongation prévue au paragraphe (2).
J'estime en outre que ma conclusion est appuyée
par l'article 45 [mod. par S.C. 1974-75-76, chap.
80, art. 17] de la Loi et par l'article 55 du Règle-
ment [Règlement sur l'assurance-chômage,
C.R.C., chap. 1576]. L'article 45 dispose:
45. A l'exception des cas prévus à l'article 31, un prestataire
n'est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute
période pendant laquelle
a) il est détenu dans une prison ou un établissement sembla-
ble, ou
b) pendant qu'il est hors du Canada,
sauf prescription contraire.
L'article 55 du Règlement est intitulé Pension-
naire d'un établissement public et est ainsi libellé:
55. Un prestataire qui est détenu dans une prison ou dans un
établissement du même genre et à qui a été accordée la
libération conditionnelle, de jour ou autre, une autorisation
d'absence temporaire ou un certificat de disponibilité pour
chercher et accepter un emploi dans la société, ne perd pas son
droit aux prestations du seul fait de l'article 45 de la Loi.
Il faut souligner que l'article 45 de la Loi s'appli-
que à un prestataire qui est «détenu dans une
prison ou un établissement semblable». (C'est moi
qui souligne.) Ledit article 55 modifie l'effet de
l'article 45 lorsque deux conditions sont satisfaites:
1. le requérant bénéficie d'une forme quelconque
de libération temporaire, et
2. il n'est pas empêché de chercher un emploi.
Je ferais d'abord remarquer que l'article 45 de la
Loi et l'article 55 du Règlement emploient le mot
«inmate» (détenu) dans une prison ou dans un
établissement du même genre, alors que le para-
graphe 18(2) parle d'une personne «confined»
(détenue) dans une prison, un pénitencier ou autre
institution de même nature. Aux termes de l'article
55 du Règlement, les détenus qui ont été libérés
physiquement d'une prison pour chercher et accep-
ter un emploi dans la société ne sont pas visés par
la prohibition prévue à l'article 45. Lorsque le
paragraphe 18(2) est lu en corrélation avec l'arti-
cle 45 de la Loi et l'article 55 du Règlement, il me
paraît évident que le législateur tenait absolument
à ce que la catégorie de personnes décrite à l'alinéa
18(2)b) comprenne les détenus qui, même s'ils ne
sont plus physiquement incarcérés, continuent de
faire partie de cette catégorie puisqu'ils ne sont pas
encore disponibles pour un emploi. J'estime que le
requérant en l'espèce relève de cette catégorie.
La présente Cour a eu l'occasion d'examiner
l'interprétation qui doit être donnée à l'article 45
de la Loi et à l'article 55 du Règlement dans la
cause Le procureur général du Canada c. Tanner,
[1983] 1 C.F. 389 (C.A.). Le juge en chef Thur -
low a dit, à la page 391:
Les éléments de preuve auxquels le Conseil fait allusion ne se
trouvent pas dans le dossier dont dispose la Cour, mais il
semble clair que la question sur laquelle le Conseil s'est penché
était celle de savoir si l'intimé était disponible pour travailler, et
que le Conseil a jugé qu'il était disponible à cette fin. Le
Conseil ne semble pas avoir examiné la question posée par
l'article 55 du Règlement, ni répondu à celle-ci, savoir si la
prison avait accordé à l'intimé une autorisation d'absence tem-
poraire au sens de cet article. S'ils l'ont fait, il semble qu'ils
aient considéré la possibilité d'obtenir une autorisation d'ab-
sence temporaire pour travailler comme équivalant à une
«absence temporaire» au sens de l'article 55 du Règlement.
Nous estimons que cela constitue une erreur de droit de la
part du Conseil. A notre avis, l'article 55 du Règlement vise le
cas où une libération conditionnelle ou une autorisation d'ab-
sence temporaire a été accordée au détenu, et que ce dernier
n'est pas mis dans l'incapacité de chercher du travail par son
incarcération. Cet article prévoit également qu'un détenu qui
peut être encore sous garde, mais à qui on a accordé un
certificat de disponibilité pour chercher ou accepter un emploi
dans la société, ne perd pas son droit aux prestations du fait de
l'article 45 de la Loi. De plus, le Conseil n'a pas conclu qu'on
avait accordé à l'intimé une autorisation d'absence temporaire
ou un certificat, et il est constant que l'intimé est demeuré en
prison. [C'est moi qui souligne.]
Cette manière de voir vient confirmer la conclu
sion que j'ai déjà formulée selon laquelle, parce
que le requérant en l'espèce n'était pas disponible
pour travailler pendant son absence temporaire, il
faut tenir qu'il n'a pas cessé, pendant cette
période, de faire partie de la catégorie de person-
nes décrite à l'alinéa 18(2)b).
Pour ces motifs, je conclus que la décision du
conseil arbitral était fondée et que le juge-arbitre a
commis une erreur de droit en l'infirmant. Je suis
d'avis d'accueillir la demande fondée sur l'article
28, d'annuler la décision du juge-arbitre et de
renvoyer l'affaire à un juge-arbitre pour qu'il en
décide en tenant compte du fait que le requérant
était détenu dans une prison, un pénitencier ou
autre institution de même nature entre le 24 sep-
tembre 1982 et le 24 mars 1983.
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
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