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T-1225-85
Debora Bhatnager (requérante) c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration et Secré- taire d'État au Affaires extérieures (intimés)
Division de première instance, juge Strayer— Toronto, 3, 4 et 5 septembre; Ottawa, 15 octobre 1985.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Immigration Demande de bref de mandamus ordonnant de donner suite à la demande de résidence permanente présentée par l'époux de la requérante Aucune décision n'a été prise à l'égard de la demande présentée en mars 1981 pour parrainer l'époux Des enquêtes sur la bonne foi des parties au mariage sont la cause de ce retard de plusieurs années L'arrêt Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Robbins, [1984] 1 C.F. 1104 (C.A.) a mis fin à la pratique consistant à faire enquête sur la bonne foi des parties au mariage L'art. 4(3) du Règlement, qui est entré en vigueur le 1°' avril 1984, ne s'applique pas Trois examens médicaux ont été requis En juillet 1985, on avait complété la vérification des antécédents concernant l'ad- missibilité au Canada Demande accueillie Un bref de mandamus peut être délivré pour exiger qu'une décision soit rendue lorsqu'on tarde beaucoup à rendre une décision sans donner d'explication suffisante malgré l'absence d'un refus exprès de décider Un retard de quatre ans et demi est déraisonnable et équivaut, à première vue, à une absence de décision Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78- 172, art. 4(3) (mod. par DORS/84-140, art. 1), 6 Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52.
Pratique Dépens Base procureur-client Immigra tion En mai 1985, la requérante a demandé à voir le dossier provenant de New Delhi La production du dossier a été ordonnée le 15 août Les intimés n'ont pas produit le dossier avant le 29 août La production tardive du dossier a causé des frais additionnels à la requérante Il y a lieu à adjudi cation de dépens sur la base procureur-client seulement lors- que des difficultés ou des frais importants et inutiles ont été causés à l'autre partie Certains délais étaient inévitables étant donné la distance entre New Delhi et Toronto, ce qui aurait pu expliquer que la production soit retardée jusqu'en juillet Les dépens sont adjugés à la requérante, tous les frais engagés après juillet étant adjugés sur la base procureur- client.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Robbins, [1984] 1 C.F. 1104 (C.A).
AVOCATS:
Barbara Jackman pour la requérante. Michael W. Duffy pour les intimés.
PROCUREURS:
Chiasson, Jackman, Toronto, pour la requé- rante.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE STRAYER: Il s'agit d'une demande de bref de mandamus tendant à enjoindre aux prépo- sés des intimés de donner suite à la demande de résidence permanente au Canada d'Ajay Kant Bhatnager, l'époux de la requérante, conformé- ment à la Loi sur l'immigration de 1976 [S.C. 1976-77, chap. 52] et indépendamment du para- graphe 4(3) du Règlement sur l'immigration de 1978 [DORS/78-172, mod. par DORS/84-140, art. 1].
Antérieurement à l'audition, l'avocat des intimés a reconnu que le paragraphe 4(3) du Règlement ne devrait pas s'appliquer à ladite demande de rési- dence permanente. Par conséquent, cette question n'est plus en litige en l'espèce. Je suis toutefois arrivé à la conclusion que, en raison du délai interminable qui est survenu sans qu'il y ait de décision, je dois décerner un bref de mandamus enjoignant aux préposés des intimés de rendre une décision dans la présente affaire.
La requérante est de citoyenneté canadienne. Elle s'est mariée au Canada en juin 1980. Son époux est retourné en Inde et, en août 1980, elle a voulu parrainer une demande de droit d'établisse- ment au Canada présentée par son mari. Cette demande de parrainage s'est révélée infructueuse et la requérante a, en mars 1981, signé un deuxième engagement visant à parrainer son mari. Aucune décision n'a encore été prise à l'égard de cette demande. Il semble que, pendant quelques années, la décision ait été retardée en raison d'en- quêtes sur la bonne foi des parties au mariage qui ont d'abord été menées conformément à une prati- que laquelle a mis fin la Cour d'appel fédérale, en 1983, dans l'arrêt Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Robbins, [1984] 1 C.F. 1104) et ensuite en vertu du paragraphe 4(3) du Règlement (qui est entré en vigueur le 1°r avril 1984 et dont on a, à tort, cru qu'il s'appliquait à la présente situation). Antérieurement à 1985, on avait
demandé au mari de la requérante de se soumettre à deux examens médicaux, et il semble qu'un autre examen ait été exigé en 1985. Selon l'affidavit d'un préposé de la Commission de l'emploi et de l'immigration, on avait, au 3 juillet 1985, complété la vérification des antécédents concernant son admissibilité au Canada.
La décision que doit rendre un agent des visas en vertu de l'article 6 du Règlement relativement à la délivrance d'un visa d'immigrant à un membre parrainé de la catégorie de la famille est de nature administrative, et la Cour ne saurait ordonner ce que cette décision devrait être. Mais un bref de mandamus peut être délivré pour exiger qu'une décision soit rendue. Normalement, il en est ainsi lorsqu'il y a eu refus exprès de rendre une décision, mais ce peut être également le cas lorsqu'on tarde beaucoup à rendre une décision sans donner d'ex- plication suffisante. J'estime que telle est la situa tion en l'espèce. Les intimés ont, dans la preuve soumise en leur nom, mentionné des problèmes d'ordre général qu'ils rencontrent dans le traite- ment de ces demandes, particulièrement à New Delhi, mais ils n'ont donné aucune explication précise des délais considérables survenus dans cette affaire. Je ne me permettrai pas de fixer un délai qui servirait de limite à ce qui est raisonnable. Mais je suis convaincu, compte tenu des renseigne- ments limités dont je dispose, qu'un délai de quatre ans et demi à partir du moment de la présentation de la nouvelle demande est déraisonnable et qu'il équivaut, à première vue, à une absence de décision.
Je décernerai donc une ordonnance de manda- mus pour exiger qu'une décision soit rendue. Compte tenu du fait que certaines des mesures nécessaires qui restent à prendre peuvent nécessi- ter l'aide ou la coopération d'autres personnes, je n'exigerai pas que la décision soit finalisée avant le 31 décembre 1985, qui est la date limite sous réserve que les intimés puissent demander entre- temps une prorogation s'ils peuvent prouver que le respect de cette date limite est impossible pour des raisons indépendantes de leur volonté.
La requérante a demandé que les dépens lui soient adjugés sur la base procureur-client. En mai 1985, son procureur a pour la première fois demandé à voir le dossier provenant du bureau du Haut Commissariat du Canada à New Delhi.
L'avis de requête a été déposé en l'espèce le 5 juin. La requête a été introduite au cours de plusieurs jours de requêtes pendant l'été. Il n'a pas été possible d'y donner suite notamment parce que le dossier n'était pas parvenu à Toronto et que le préposé des intimés soumis à un contre-interroga- toire sur son affidavit ne pouvait répondre à certai- nes questions sans avoir le dossier provenant de New Delhi. Le juge en chef adjoint s'est finale- ment vu dans l'obligation d'ordonner, le 15 août, la production du dossier pour qu'il soit examiné anté- rieurement à l'audience fixée au 3 septembre. En fait, ce n'est que le 29 août que l'avocat des intimés a pu produire une copie d'une partie du dossier seulement. Étant donné l'inobservation manifeste de l'ordonnance du juge en chef adjoint, j'ai rendu une ordonnance de justification à l'en- contre des intimés, mais cette question ne sera pas tranchée avant un certain temps.
Je suis persuadé que la production tardive du dossier a occasionné des frais additionnels à la requérante. Il n'y a pas lieu d'ordonner l'adjudica- tion de dépens sur la base procureur-client sauf dans les cas très clairs la partie qui est condam- née aux dépens a causé des difficultés ou des frais importants et inutiles à l'autre partie. En l'espèce, j'estime que l'avocat des intimés a fait tout son possible pour coopérer avec la requérante, mais il n'a pu obtenir de son client les documents perti- nents. Je reconnais également que certains délais étaient inévitables étant donné la distance entre New Delhi et Toronto. Ce fait aurait pu expliquer que la production du dossier soit retardée jusqu'en juillet mais non après. J'adjugerais donc les dépens à la requérante, tous les frais engagés après juillet 1985 jusqu'à l'audition de la présente requête inclusivement devant être adjugés sur la base pro- cureur-client. Que les délais survenus après le 15 août 1985, date à laquelle l'ordonnance a été rendue, soient considérés ou non comme équivalant
un outrage au tribunal, j'estime que les intimés doivent être tenus responsables de tous les frais de la requérante après l'écoulement d'un délai suffi- sant pour la production normale des documents requis pour compléter le contre-interrogatoire du représentant des intimés.
ORDONNANCE
J'ordonne par les présentes:
1) qu'un bref de mandamus soit délivré en vue d'enjoindre, sous réserve du paragraphe 2), aux intimés et à leurs préposés de prendre toutes les dispositions nécessaires afin qu'un agent des visas rende, au plus tard le 31 décembre 1985, une décision sur la question de savoir s'il y a lieu de délivrer un visa d'immigrant au mari de la requé- rante, Ajay Kant Bhatnager;
2) que le délai fixé pour rendre ladite décision pourra être prorogé par cette Cour si les intimés le demandent avant le 31 décembre 1985 et sont en mesure de prouver qu'un tel nouveau délai s'im- pose pour des raisons indépendantes de leur volonté; et
3) que la requérante ait droit aux dépens, soit les frais qu'elle a engagés depuis le ler août 1985 jusqu'à l'audition de la requête inclusivement, ces frais étant payables sur la base procureur-client et le reste sur la base entre parties.
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