A-818-84
Association canadienne du contrôle du trafic
aérien (requérante)
c.
La Reine du chef du Canada représentée par le
Conseil du Trésor (intimée)
Cour d'appel, juges Heald, Ryan et Marceau—
Ottawa, 16 janvier et 20 février 1985.
Fonction publique — Conventions collectives — Les person-
nes dont l'emploi a pris fin au cours de la période rétroactive
ont-elles droit de toucher un salaire rétroactif? — Le principe
du lien contractuel prévu par la common law peut-il s'appli-
quer en matière de droit du travail? — Ce principe s'applique-
t-il aux conventions collectives dans la Fonction publique? —
Sens du mot «employéo dans la L.R.T.F.C. — Application des
décisions Lavoie et Gloin — Un résultat injuste ou absurde
doit être évité à moins que la loi ne recherche clairement ce
résultat — Examen de l'économie de la loi — L'agent négo-
ciateur représente tous les employés — Tous doivent pouvoir
bénéficier de cette représentation — La L.R.T.F.C. prévoit que
la représentation par le syndicat doit être juste — Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970,
chap. P-35, art. 2 [mod. par S.C. 1973-74, chap. 15, art. 1;
S.C. 1974-75-76, chap. 67, art. 1], 3, 26, 40, 49(1), 51, 54, 57,
58, 68 [mod., idem, art. 17], 70, 90(1), 91(1), 98 [mod., idem,
art. 27] — Règlement sur la rémunération avec effet rétroac-
tif, C.R.C., chap. 344 — Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, art. 1, 8, 22, 36 — Loi sur
la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
La requérante, agent négociateur représentant les contrôleurs
du trafic aérien faisant partie de la Fonction publique, a conclu
une convention collective avec le Conseil du Trésor qui pré-
voyait, entre autres, que les employés régis par la convention
toucheraient un salaire rétroactif pour le travail effectué au
cours de la période rétroactive. Onze membres de l'unité de
négociation dont l'emploi avait pris fin avant la signature de la
nouvelle convention collective avaient travaillé au cours de la
période rétroactive. La Commission des relations de travail
dans la Fonction publique a rejeté le renvoi présenté par la
requérante en vertu de l'article 98 de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique au nom de ces membres qui
demandaient que leur soit versée une rémunération rétroactive
pour le travail effectué au cours de la période rétroactive ainsi
que la prime d'installation d'exploitation pour la même période.
La décision de la Commission se fonde principalement sur le
fait que le terme «employé», tel qu'il est utilisé dans la Loi et
qu'il s'applique à la convention collective, n'engloberait pas un
ancien employé en l'absence d'une mention expresse comme
celle qu'on trouve dans la définition de «grief».
La demande, fondée sur l'article 28, tend à l'examen et à
l'annulation de cette décision.
Arrêt: la demande est accueillie.
Le juge Heald (avec l'appui du juge Ryan): La conclusion de
la Commission contredit directement la décision de cette Cour
dans l'affaire Lavoie, qui a été suivie dans la cause Gloin, où le
paragraphe 90(1) de la Loi, qui confère un droit à un «employé»
s'estimant lésé, a été interprété comme englobant toute per-
sonne se sentant lésée à titre d'«employé», même si cette
personne est un ancien employé. L'objet de l'affaire Lavoie et
celui de la présente cause sont à peu près identiques, c'est-à-
dire le droit d'un employé de contester une décision qui porte
atteinte à son droit aux avantages découlant de ses rapports
avec son employeur. Le raisonnement adopté dans l'affaire
Lavoie est par conséquent des plus convaincants en ce qui
concerne la présente affaire.
Il serait absurde et injuste que deux employés travaillant côte
à côte, effectuant des tâches identiques et touchant la même
rémunération avant une date donnée reçoivent des salaires
différents pour un travail accompli après cette date parce que
l'un deux a cessé d'être employé avant la signature d'une
nouvelle convention collective. En l'absence de dispositions très
clairement exprimées, il est impossible qu'on ait voulu atteindre
un résultat aussi incongru.
Puisque le devoir d'un agent négociateur consiste à représen-
ter tous les employés qui sont membres de l'unité de négocia-
tion à tout moment pendant la durée de la convention collective
et puisque ces membres sont tenus de payer des cotisations
mensuelles à l'agent négociateur tant qu'ils sont employés dans
cette unité, ils ont donc le droit d'être représentés par l'agent et
de bénéficier de cette représentation. Ils ont également droit de
bénéficier de la convention, qu'ils fussent ou non encore mem-
bres au moment où elle a été signée. Cette conclusion est étayée
par les dispositions de la Loi (articles 57 et 58) relatives à
l'entrée en vigueur des conventions collectives telles qu'appli-
quées, en l'espèce, aux dispositions de l'entente concernant les
augmentations de salaire.
Le juge Marceau: Dans le secteur privé, la jurisprudence
reflète deux tendances contraires. L'une des thèses, qui appli-
que le principe du lien contractuel, nie aux anciens employés les
avantages d'une convention collective parce qu'ils n'y étaient
pas parties, leur emploi ayant pris fin avant sa signature.
L'autre thèse, insistant sur la fonction représentative du syndi-
cat et sur les exigences apparentes de la justice, arrive à la
conclusion inverse.
Dans le secteur public fédéral, la jurisprudence est silen-
cieuse sur cette question.
Le premier argument de la requérante, selon lequel les
décisions de la présente Cour dans les affaires Lavoie et Gloin
contredisent l'affirmation selon laquelle le terme «employé» tel
qu'utilisé dans la Loi n'englobe pas un ancien employé à moins
d'indications expresses à cet effet, ne peut être retenu. Les
arrêts Lavoie et Gloin n'ont pas statué que le terme «employé»
englobe sans réserve un ancien employé. Ces décisions portaient
sur le statut d'individus qui avaient présenté des griefs contre le
geste de leur supérieur qui avait mis fin à leur emploi. Elles ne
peuvent être considérées comme élargissant la portée du terme
«employé» tel qu'il est utilisé dans la Loi.
Le fait qu'un agent négociateur soit habilité en vertu de
l'alinéa 49(1)a) de la Loi à engager des négociations avec
l'employeur pour le compte des employés faisant partie de
l'unité de négociation au début des négociations, ne permet pas
de déterminer qui est lié par cette négociation ou qui peut
profiter des avantages qui en découlent.
L'argument fondé sur le devoir d'un agent négociateur de
représenter équitablement tous les membres de l'unité de négo-
ciation, y compris les anciens employés, n'est pas convaincant.
Le manquement à ce devoir permet aux membres lésés d'inten-
ter des poursuites contre les syndicats, mais il n'oblige pas un
employeur à assumer une obligation qui n'a pas été prévue à
l'accord final intervenu entre les parties.
Dans le secteur public fédéral, la législation ne permet pas
l'introduction des notions de représentation, de mandat, et de
lien contractuel parce que le statut et le rôle des parties à la
négociation collective, leur autorité respective et le caractère
exécutoire de leur accord sont déterminés de façon exclusive et
péremptoire par la loi.
La solution ne peut être déduite que des principes adoptés
par la législation et en fonction uniquement du régime établi
par le Parlement. La négociation collective a pour but essentiel,
et la convention collective pour rôle premier, d'établir des
échelles de salaires pour chaque poste ou pour chaque groupe
de postes de même nature, occupé par les membres de l'unité. Il
est de toute évidence impensable qu'à un moment quelconque,
il puisse y avoir plus d'une échelle de salaire pour un même
poste dans une unité de négociation, si l'on veut que le système
demeure fonctionnel. Tous ceux qui ont occupé les postes
pendant la période couverte ont droit d'être rémunérés pour les
services qu'ils ont rendus suivant les taux applicables.
L'argument de l'intimée selon lequel le paragraphe 57(1) et
l'article 58 de la Loi indiquent clairement que la convention
collective ne doit s'appliquer qu'à l'égard des employés mem-
bres de l'unité de négociation au moment où la convention est
signée, implique une interprétation fondée sur l'application de
la notion traditionnelle de représentation, laquelle ne doit pas
être appliquée ici, et débouche sur la mise en œuvre d'une
double échelle de salaires qui est impossible en principe. L'er-
reur consiste à penser que l'expression «convention collective»
employée au paragraphe 57(1) vise la convention considérée
dans son ensemble. Cette expression s'applique toutefois à toute
partie autonome de la convention et chacune d'elle peut avoir sa
propre date d'»entrée en vigueur».
Bref, les anciens employés ont le droit de toucher un traite-
ment rétroactif parce qu'ils occupaient des postes pour lesquels
les seuls taux de salaire applicables étaient les taux prévus au
nouveau contrat.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. c. Lavoie, [1978] 1 C.F. 778 (C.A.); Gloin c. Procu-
reur général du Canada, [1978] 2 C.F. 307 (C.A.);
Guilde de la marine marchande du Canada c. Ga gnon et
autre, [1984] 1 R.C.S. 509; 9 D.L.R. (4th) 641.
DÉCISIONS MENTIONNÉES:
Re Penticton and District Retirement Service and Hospi
tal Employees' Union, Local 180 (1977), 16 L.A.C. (2d)
97 (C.-B.); Re Air Canada and Canadian Air Line Flight
Attendants' Assoc. (1981), I L.A.C. (3d) 37 (Can.); Re
Ottawa Board of Education and Ontario Secondary
School Teachers' Federation, District 26 (1976), 13
L.A.C. (2d) 46 (Ont.); Re Ontario Federation of Labour
and Office & Professional Employees Int'l Union, Local
343 (1977), 16 L.A.C. (2d) 265 (Ont.); Re Neilson
(William) Ltd. and Milk & Bread Drivers, Dairy
Employees, Caterers & Allied Employees, Local 647
(1982), 6 L.A.C. (3d) 123 (Ont.); R. c. Thibault, [1983]
1 C.F. 935 (C.A.); McGavin Toastmaster Ltd. v. Ains-
cough, [1976] R.C.S. 718.
AVOCATS:
Catherine H. MacLean pour la requérante.
Robert Cousineau pour l'intimée.
PROCUREURS:
Nelligan/Power, Ottawa, pour la requérante.
Contentieux du Conseil du Trésor, Ottawa,
pour l'intimée.
John E. McCormick, Commission des rela
tions de travail dans la Fonction publique,
Ottawa, pour le compte de la Commission des
relations de travail dans la Fonction publique.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Sur le fondement de l'article
28, la requérante demande l'examen et l'annula-
tion de la décision datée du 18 juin 1984 par
laquelle le président de la Commission des rela
tions de travail dans la Fonction publique, Me J.
H. Brown, c.r., a rejeté le renvoi que la requérante
a présenté en vertu de l'article 98 de la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique,
S.R.C. 1970, chap. P-35 [mod. par S.C. 1974-
75-76, chap. 67, art. 27] («la Loi»).
Voici un résumé des faits pertinents. La requé-
rante en l'espèce est l'agent négociateur qui repré-
sente les contrôleurs du trafic aérien faisant partie
de la Fonction publique. Le 21 mars 1979, la
requérante et le Conseil du Trésor ont conclu la
convention collective 402/79 qui prévoyait qu'elle
demeurerait en vigueur jusqu'au 31 décembre
1980. Conformément à l'article 51 de la Loi, les
conditions de la convention collective 402/79 ont
été maintenues en vigueur jusqu'à ce que soit
conclue une nouvelle convention. Ce n'est que le 28
mai 1982 qu'une nouvelle convention collective
(402/82) a été conclue, soit environ 17 mois après
la date prévue pour l'expiration de la convention
collective 402/79. L'article 14.02 de la convention
collective 402/82 prévoit que les employés ont droit
de toucher un salaire rétroactif pour le travail
effectué entre le 28 mai 1982, date de la signature
de la convention collective 402/82, et le 5 janvier
1981 («la période rétroactive»). L'article 31 de
cette même convention prévoit également le verse-
ment d'une prime d'installation d'exploitation
durant la période rétroactive.
L'emploi de onze membres de l'unité de négocia-
tion a pris fin au cours de la période rétroactive à
la suite soit de leur démission volontaire, soit de
leur renvoi à la fin de la période de probation'.
Durant la période rétroactive, les onze membres
ont travaillé pendant des durées variées. L'un a
travaillé pendant 15 mois, un autre pendant 13
mois, un autre pendant 12 mois, deux pendant 11
mois chacun, tandis que les autres ont travaillé
moins longtemps. Les onze ont été payés aux taux
prévus dans la convention collective 402/79 pour le
travail effectué durant la période rétroactive. Pas
un seul des onze n'a touché de rémunération
rétroactive aux taux fixés à l'article 14.02 de la
convention collective 402/82 pour le travail qu'il a
effectué durant la période rétroactive. On a aussi
refusé de leur verser la prime d'installation d'ex-
ploitation pendant la période rétroactive. Les
motifs de la décision de la Commission sont cités à
la page 45 du dossier et commencent comme suit:
Les points de vue respectifs de l'avocate de l'agent négociateur
et de l'avocat de l'employeur se fondent sur le principe de
l'obligation contractuelle et sur la question de savoir si ce
dernier doit s'appliquer strictement aux conventions collectives.
L'avocate de l'agent négociateur maintient que la doctrine de
l'obligation contractuelle a été élaborée pour les contrats com-
merciaux et qu'elle ne devrait pas s'appliquer strictement aux
conventions collectives. La thèse opposée a été avancée par
l'avocat de l'employeur. Il a soutenu que cette obligation
s'applique en fait aux conventions collectives de la même
manière qu'aux contrats commerciaux.
Aux pages 46 et 47, le principe de ces motifs est
ainsi rédigé:
Après avoir examiné les observations des parties et passé en
revue les cas de jurisprudence arbitrale qui ont été invoqués, la
Commission incline à penser que la thèse de l'«obligation
contractuelle» ne peut être appliquée strictement aux conven
tions collectives. De plus, les décisions citées par l'avocate de
Dans son exposé des faits et du droit (paragraphe 5)
l'appelante déclare qu'à cet égard le nombre exact de départs
s'élève à 13. Il ressort toutefois de l'annexe A de l'exposé
conjoint des faits (Dossier conjoint, p. 10) que l'emploi des
employés s'estimant lésés, Carriere et Sevestre, n'a pris fin que
le 9 décembre 1982. Il est donc faux de dire que leur emploi
s'est terminé pendant la période rétroactive. Par conséquent,
même si on accepte l'interprétation proposée par l'intimée, ces
employés avaient droit à la rémunération rétroactive.
l'agent négociateur contiennent des motifs logiques et convain-
cants pour accorder une rémunération rétroactive à d'anciens
employés. Quoi qu'il en soit, ces décisions se fondent essentielle-
ment, sinon exclusivement, sur le libellé de chaque convention
collective en cause et ne comportent pas l'application des
dispositions de la loi habilitante.
Dans la Fonction publique fédérale, les conventions collecti
ves sont négociées et conclues sous l'autorité de la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique. Cette Loi con-
tient un certain nombre de dispositions qui ont une incidence
directe sur le contenu d'une convention collective, ainsi que sur
les personnes ayant droit aux avantages qui y sont prévus. En
particulier, aux termes de la Loi, «employé» désigne une per-
sonne employée dans la Fonction publique, sauf ...». La défini-
tion poursuit en précisant qu'une personne ne cesse pas d'être
employé dans la Fonction publique du seul fait qu'elle a cessé
de travailler par suite d'une grève ou du seul fait qu'elle a été
congédiée contrairement à cette loi ou à une autre loi. De plus,
après avoir établi ce qu'est un «grief», la définition signale
qu'aux fins de toute disposition de cette Loi concernant les
griefs, sous le rapport des mesures disciplinaires aboutissant au
congédiement ou à la suspension, le terme «employé» englobe
un ancien employé.
Dans la définition du mot «employé», on prévoit précisément
qu'une personne ne cesse pas d'être un membre de la Fonction
publique du seul fait qu'elle a cessé de travailler dans les
circonstances décrites, ce qui implique qu'une personne qui
cesse de travailler dans la Fonction publique pour toute autre
raison que celles énoncées ci-dessus n'est plus un employé de la
Fonction publique. Autrement dit, une personne qui cesse de
travailler pour cause de retraite, de décès, de démission, de
renvoi en cours de stage, d'abandon, de mise en disponibilité, de
renvoi pour incompétence ou incapacité, ou de congédiement,
lorsque ce dernier n'est pas renversé à la suite d'une contesta-
tion, cesse d'être un membre de la Fonction publique et, du
même coup, cesse d'être un employé aux termes de la Loi. En
outre, dans la définition du mot «grief», on apporte des préci-
sions sur les circonstances dans lesquelles un ancien employé
doit être considéré comme un employé. Implicitement, le terme
«employé», selon toutes les autres dispositions de la Loi, doit
signifier par définition «un membre de la Fonction publique» et
n'engloberait pas un ancien employé en raison d'un manque de
précision comme celui qu'on trouve dans la définition de «grief».
De plus, le paragraphe 40(1) de la Loi prévoit qu'en vertu de
l'accréditation, une association d'employés se voit investie du
droit exclusif de négocier collectivement au nom des employés
membres de l'unité de négociation. En outre, l'article 54 con-
fère au Conseil du Trésor le pouvoir de conclure, avec un agent
négociateur, une convention collective s'appliquant aux
employés faisant partie de l'unité de négociation. En outre,
l'article 58 prévoit notamment qu'une convention collective est
exécutoire pour les employés membres de ladite unité. Par
définition, le terme «employé» qu'on trouve dans ces articles
doit désigner les personnes membres de la Fonction publique, et
il n'englobe pas un ancien employé, faute de précision à cet
effet.
Les négociations en vue de la signature d'une convention
collective sont autorisées par la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique. Par voie de conséquence, le terme
«employé» défini dans la Loi aura le même sens dans la
convention collective à moins qu'une intention contraire y soit
exprimée. Il s'ensuit donc que les avantages rétroactifs prévus
dans une convention collective ne s'étendent pas aux anciens
employés, à moins que la convention en fasse une mention
expresse en prescrivant par exemple qu'aux fins des avantages
rétroactifs (ou dispositions salariales) énoncés dans cette con
vention, le terme «employé» englobe un ancien employé.
Aucune précision de ce genre ne figure dans la convention
collective conclue entre l'agent négociateur et l'employeur et
dont il est question ici. Par conséquent, les avantages prévus
dans cette convention collective et qui ont une application
rétroactive ne peuvent être accordés aussi à d'anciens employés.
Dans ces motifs, la Commission examine quel-
ques-unes des dispositions pertinentes de la Loi
afin de déterminer la signification du mot
«employé» tel qu'il est utilisé dans la Loi. C'est une
méthode dont on peut se servir pour interpréter les
mots qui sont employés dans une loi. En toute
déférence, je suis toutefois venu à la conclusion
qu'en procédant ainsi, il semble que le président
n'a pas tenu compte de toutes les dispositions
législatives pertinentes, ni de la jurisprudence
applicable en cette Cour. Il appert que la décision
de la Commission se fonde principalement sur le
fait que «le terme "employé", selon toutes les
autres dispositions de la Loi, doit signifier par
définition "un membre de la Fonction publique" et
n'engloberait pas un ancien employé en raison d'un
manque de précision comme celui qu'on trouve
dans la définition de "grief"». Selon moi, cette
conclusion contredit directement les décisions de
cette Cour dans R. c. Lavoie, [1978] 1 C.F. 778 et
Gloin c. Procureur général du Canada, [1978] 2
C.F. 307. Dans l'affaire Lavoie, la Cour, comme
c'est le cas en l'espèce, devait déterminer le sens du
terme «employé» dans un article de la Loi. Dans
cette affaire, il fallait définir le terme «employé»
tel qu'il est utilisé au paragraphe 90(1) de la Loi.
Ce paragraphe dispose que: «Lorsqu'un employé
s'estime lésé» relativement à certaines questions
précises découlant de ses rapports avec son
employeur, il peut présenter un grief. Le Conseil
du Trésor soutenait que la Commission n'était pas
compétente pour examiner une demande de proro-
gation du délai de présentation de griefs contre un
renvoi parce que la personne n'était pas un
employé au moment de la prorogation proposée.
La Cour a statué que les premiers mots du para-
graphe 90(1) doivent s'interpréter comme englo-
bant toute personne se sentant lésée à titre d'«em-
ployé». Le juge en chef Jackett a déclaré ce qui
suit aux pages 783 et 784 dans l'affaire Lavoie
(précitée):
Les premiers mots de l'article 90(1) de la Loi sur les relations
de travail dans la Fonction publique doivent s'interpréter
comme englobant toute personne se sentant lésée à titre
d'«employé». Autrement, une personne ayant à se plaindre en
tant qu'«employé», p. ex. au sujet du classement ou des salaires,
perdrait son droit de présenter des griefs à cause de la suppres
sion de son emploi, p. ex. à la suite d'une mise en disponibilité.
Il faudrait des dispositions très clairement exprimées pour me
convaincre que ledit résultat est intentionnellement recherché.
[C'est moi qui souligne.]
Bien que dans l'affaire Lavoie l'article applica
ble de la Loi en question fût l'article 90 qui
confère à l'«employé» le droit de présenter un grief
à titre personnel, alors qu'en l'espèce le pouvoir de
renvoyer une question devant la Commission est
prévu à l'article 98, les deux affaires ont un objet à
peu près identique, à savoir le droit d'un «employé»
de contester une décision qui porte atteinte à son
droit aux avantages découlant de ses rapports avec
son employeur. J'estime par conséquent que le
raisonnement adopté dans l'affaire Lavoie est des
plus convaincants en ce qui concerne la présente
affaire. En l'espèce, tout comme dans l'affaire
Lavoie, les personnes qui sollicitent un redresse-
ment étaient des employés pendant la majeure
partie de la période régie par la convention collec
tive. Ces employés formulent un grief relativement
au salaire qui leur est dû au cours de cette période.
Si le point de vue adopté par le Conseil du Trésor
est juste, il en résulterait que deux employés tra-
vaillant côte à côte au même endroit, effectuant
des tâches identiques et touchant la même rémuné-
ration avant le 31 décembre 1980, recevraient des
salaires différents pour un travail identique accom-
pli en 1981 et en 1982 parce que l'un de ces
employés a cessé d'être employé avant le 28 mai
1982 tandis que l'autre employé continuait de
l'être le 28 mai 1982. Selon moi, un tel résultat est
absurde, injuste et source d'iniquité. Je suis donc
de l'avis du juge en chef Jackett qu'en l'absence de
dispositions très clairement exprimées, il est
impossible qu'on ait voulu atteindre un résultat
aussi incongru 2 .
Comme l'a souligné la Cour dans l'affaire
Lavoie, il n'existe pas à l'article 90 de la Loi de
dispositions clairement exprimées excluant ou
2 Cette Cour a suivi la décision rendue dans l'affaire Lavoie
lorsqu'elle a prononcé l'arrêt Gloin susmentionné où elle a
adopté la définition qui a été donnée dans Lavoie du terme
«employé» tel qu'il est utilisé aux paragraphes 90(1) et 91(1) de
la Loi.
englobant les anciens employés qui sont dans la
position des employés s'estimant lésés dans la pré-
sente affaire. Comme je l'ai déjà mentionné, il y a
dans les définitions des termes «employé» et «grief»
certaines inclusions expresses concernant certaines
catégories restreintes mais aucune exclusion
expresse.
J'ai déjà dit que je ne trouve rien à redire à la
méthode dont s'est servi le président pour interpré-
ter le terme «employé» dans les circonstances de
l'espèce, mais j'estime que pour procéder à une
étude approfondie de l'économie de la Loi applica
ble en l'espèce, il est nécessaire d'examiner d'au-
tres articles que ceux qui ont déja été examinés.
Selon moi, le paragraphe 49(1) de la Loi est
pertinent. En voici le texte:
49. (1) Lorsque la Commission a accrédité une association
d'employés comme agent négociateur d'une unité de négocia-
tion et que la méthode de règlement d'un différend applicable à
cette unité de négociation a été spécifiée comme le prévoit le
paragraphe 36(1),
a) l'agent négociateur peut, pour le compte des employés de
l'unité de négociation, par avis écrit, requérir l'employeur
d'entamer des négociations collectives; ou
b) l'employeur peut, par avis écrit, requérir l'agent négocia-
teur d'entamer des négociations collectives,
én vue de la conclusion, du renouvellement ou de la révision
d'une convention collective.
En l'espèce, les avocats ont reconnu qu'environ
deux mois avant l'expiration de la convention col
lective 402/79, le 31 décembre 1980, le syndicat
requérant a signifié un avis en vue d'entamer des
négociations collectives visant le renouvellement de
la convention collective, comme le prévoit le para-
graphe 49(1) susmentionné. J'estime que l'agent
négociateur, par la signification de cet avis, met en
marche un processus de négociation collective pour
le compte de tous les employés qui sont à ce
moment-là membres de l'unité de négociation ainsi
que pour le compte de tous les nouveaux employés
qui peuvent se joindre à l'unité de négociation au
cours du processus de négociation et pendant une
partie ou toute la durée de la convention collective
conclue au terme du processus de négociation. Le
devoir d'un agent négociateur consiste à représen-
ter tous les employés qui peuvent devenir membres
de l'unité de négociation à tout moment pendant la
durée de la convention collective. Ces membres
sont tenus de payer des cotisations mensuelles à
l'agent négociateur tant qu'ils sont employés dans
cette unité. Compte tenu de cette circonstance
ainsi que de l'esprit de la Loi, j'estime qu'ils ont le
droit d'être représentés par l'agent et de bénéficier
de cette représentation. Comme l'a dit le juge
Chouinard dans l'arrêt Guilde de la marine mar-
chande du Canada c. Gagnon et autre, [1984] 1
R.C.S. 509, à la page 527; 9 D.L.R. (4th) 641, à la
page 654:
5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non
pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence,
sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le
salarié.
Il est vrai, comme l'a souligné le juge Choui-
nard, qu'il existe dans le Code canadien du travail
[S.R.C. 1970, chap. L-1] et dans plusieurs lois
provinciales des dispositions précises concernant le
devoir de représentation d'un syndicat vis-à-vis ses
membres. Toutefois, il est aussi vrai de dire,
comme l'a fait observer le juge Chouinard à la
page 522 R.C.S.; 650 D.L.R. du jugement que: «la
jurisprudence canadienne, s'inspirant de la juris
prudence américaine, avait déjà reconnu l'exis-
tence du devoir de représentation d'un syndicat et
des obligations qui en découlent.» II est néanmoins
nécessaire de se demander si les dispositions de la
Loi sur les relations de travail dans la Fonction
publique ont pour effet de modifier, d'éliminer de
réduire ou d'accroître l'obligation généralement
acceptée de juste représentation qui incombe à
l'agent négociateur. Je n'ai pu trouver dans la Loi
aucune disposition précise qui décrit expressément
ce devoir. Je suis toutefois venu à la conclusion,
après avoir lu attentivement les dispositions de la
Loi, qu'une telle obligation existe effectivement de
façon implicite (voir par exemple les articles 40 et
90 de la Loi).
À partir de cette constatation et à la lumière de
l'esprit général de la Loi, je conclus que l'agent
négociateur était autorisé à négocier et à conclure
une convention collective pour le compte, notam-
ment, des employés s'estimant lésés en cause, puis-
que ceux-ci faisaient partie de l'unité de négocia-
tion pendant une partie de la durée de la
convention collective. Il s'ensuit donc, à mon avis,
que les employés s'estimant lésés ont droit de
bénéficier de cette convention, qu'ils fussent ou
non encore membres au moment où elle a été
signée. Je pense que l'article 58 de la Loi étaye
cette conclusion puisqu'il dispose que: «une conven
tion collective lie l'employeur et l'agent négocia-
teur ... ainsi que les employés de l'unité de négo-
ciation pour laquelle l'agent négociateur a été
accrédité, à compter du jour où elle entre en
vigueur conformément au paragraphe 57(1).0
[C'est moi qui souligne.] L'article 14.02 déclare
que les taux de rémunération applicables sont indi-
qués à l'appendice «A» de la convention qui prévoit
que les taux de rémunération des agents de l'ex-
ploitation prendront effet le 5 janvier 1981. Par
conséquent, puisque les dispositions de l'entente
qui concernent les augmentations de salaire ont
pris effet le 5 janvier 1981 et comme tous les
employés s'estimant lésés ont effectué leur travail
pendant une certaine partie de la période rétroac-
tive, il m'apparaît évident que si l'on donne aux
termes utilisés à l'article 58 leur sens courant et
ordinaire, ils ont droit de bénéficier de ces disposi
tions relatives à l'augmentation de salaire.
Par ces motifs, je ferais donc droit à la demande
fondée sur l'article 28, j'annulerais la décision de
la Commission et je lui renverrais la question pour
qu'elle l'examine à nouveau en tenant pour acquis
que les employés s'estimant lésés en l'espèce sont
des «employés» en ce qui à trait aux avantages
prévus dans la convention collective 402/82 qui ont
une application rétroactive.
LE JUGE RYAN: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU: J'ai eu le privilège de lire
les motifs du jugement du juge Heald. Comme lui,
je ferais droit à cette demande présentée en vertu
de l'article 28 mais j'arrive à cette conclusion sur
la base de motifs différents. Comme la Cour est
appelée pour la première fois à traiter d'un problè-
me qui semble avoir une importance particulière, il
pourrait convenir que j'expose brièvement mon
point de vue sur la question.
Il est inutile de reprendre l'examen des faits qui
ont donné lieu à la décision attaquée en l'espèce,
décision que la Commission des relations de travail
dans la Fonction publique a rendue en conformité
avec la Loi sur les relations de travail dans la
Fonction publique (ci-après appelée Loi sur les
R.T.F.P.). Ils sont exposés avec clarté dans les
motifs du juge Heald et, à vrai dire, ils ne sont
importants que dans la mesure où ils aident à
formuler la question qui doit être tranchée. Le 28
mai 1982, le Conseil du Trésor, à titre d'em-
ployeur, et la requérante, à titre d'agent négocia-
teur d'une unité de négociation de la Fonction
publique, concluaient une convention collective
prévoyant des augmentations de rémunération
avec effet rétroactif: il s'agit de déterminer si des
individus ayant travaillé au cours de la période
rétroactive mais qui avaient donné leur démission
ou avaient été renvoyés au moment de la signature
de la convention ont droit de toucher des complé-
ments de salaire sur la base des nouveaux taux.
Il est facile de se rendre compte des dimensions
pratiques du problème général qui sous-tend la
question à laquelle il faut répondre. D'une part, il
s'agit d'une question qui se pose chaque fois que
l'on se trouve en face d'une clause de durée avec
effet rétroactif dans une convention collective et il
appert que les clauses de ce genre sont très couran-
tes de nos jours autant dans le secteur public que
dans le secteur privé, parce qu'elles sont essentiel-
les au bon fonctionnement de la négociation collec
tive 3 . D'autre part, c'est une question qui présente
un intérêt pratique pour un nombre considérable
de personnes. Dans la présente instance, le syndi-
cat agit uniquement pour le compte des personnes
dont l'emploi a pris fin au cours de la période
rétroactive en raison soit de leur démission volon-
taire, soit de leur renvoi à la fin de la période
d'essai. Mais sont également touchés, dans la
même mesure et de la même façon, tous ceux qui
ont cessé d'être employés pour n'importe quel
autre motif, qu'il s'agisse de mise à la retraite, de
décès, de mise en disponibilité, de renvoi pour
incompétence, de renvoi pour incapacité, ou de
congédiement.
3 Il pourrait être utile de citer, en passant, un extrait de la
décision de la Commission des relations de travail de la Colom-
bie-Britannique dans l'affaire Re Penticton and District Reti
rement Service and Hospital Employees' Union, Local 180
(1977), 16 L.A.C. (2d) 97 [à la page 99] qui explique éloquem-
ment les motifs pour lesquels ces clauses sont aujourd'hui très
répandues dans les conventions collectives négociées:
[TRADUCTION] Le but de ces clauses de durée est de
prévoir une date fixe pour la négociation et la renégociation
des conventions collectives successives; elles visent aussi à
assurer la continuité juridique des droits et des obligations de
l'employeur, du syndicat et des employés, pendant toute la
durée de la convention collective. Ce genre de disposition
comporte un certain nombre de qualités apparentes. L'em-
ployeur et les employés peuvent prévoir avec un certain degré
(Suite à la page suivante)
Et pourtant, en dépit de toutes ses dimensions
pratiques, il semble que la question n'ait jamais été
tranchée d'une manière claire. Dans le secteur
privé, les arbitres ont souvent été appelés à traiter
de cette question mais leurs décisions sont encore
discordantes. L'une des thèses, qui avait préséance
jusqu'à récemment, veut qu'en l'absence d'indica-
tions contraires prévues expressément dans la con
vention, les employés qui ont mis fin à leur emploi
avant la date de la signature, n'ont -droit à aucun
des avantages du nouveau contrat. On prétend que
cette solution est imposée par le principe du lien
contractuel: la convention crée des droits qui ne
sont acquis aux employés qu'au moment où elle est
conclue et, par conséquent, ces droits ne profitent
normalement qu'aux seuls employés qui sont mem-
bres de l'unité de négociation et qui sont représen-
tés par le syndicat à ce moment-là; les anciens
employés ne sont pas parties au contrat et seule
une disposition très claire pourrait leur permettre
de se prévaloir de l'une des clauses dudit contrat
(voir par exemple Re Air Canada and Canadian
Air Line Flight Attendants' Assoc. (1981), 1
L.A.C. (3d) 37 (Can.) et Re Ottawa Board of
Education and Ontario Secondary School Tea
chers' Federation, District 26 (1976), 13 L.A.C.
(2d) 46 (Ont.)). L'autre thèse, qui semble s'attirer
de plus en plus d'appuis à la suite de la décision
rendue dans l'affaire Penticton (voir la note 1 plus
haut), adopte la position inverse. Suivant cette
thèse, les employés qui ont quitté leur emploi au
(Suite de la page précédente)
de certitude la date où pendront effet de nouvelles augmenta
tions de rémunération, changements qui augmentent le
revenu des employés et qui alourdissent les charges de per
sonnel de l'employeur. Ces clauses permettent aussi de désa-
morcer en partie l'état de crise au moment où la convention
est sur le point de venir à échéance—cette attitude qui se
résume par l'expression «pas de contrat, pas de travail.. Il
arrive souvent que les négociateurs essaient d'élaborer des
solutions complexes à des questions difficiles—le changement
technologique en est une—qui peuvent nécessiter de très
longues discussions. Supposons que toutes les parties s'atten-
dent à ce que la nouvelle échelle de rémunération négociée
s'applique rétroactivement à la date d'échéance de l'ancien
contrat. C'est généralement la meilleure façon d'éviter que
l'employeur retarde le déroulement des négociations dans le
but d'économiser de l'argent et que des employés militants,
exaspérés par les délais, ne se livrent à des grèves sauvages.
Enfin, cette continuité des conventions collectives successives
fournit un support juridique dans la vie de tous les jours en
permettant un processus de négociation collective durable
entre les parties; et ces rapports établissent les modalités
fondamentales qui régissent l'emploi à l'usine, tant que cel-
les-ci ne sont pas modifiées par les parties.
cours des négociations auraient droit aux augmen
tations de salaire rétroactives à moins d'indication
expresse au contraire. Le raisonnement qui sert de
fondement à cette dérogation au point de vue
traditionnel s'articule généralement autour des
propositions suivantes: le principe du lien contrac-
tuel prévu par la common law ne peut s'appliquer
sans réserve en matière de droit du travail; le droit
fondamental du syndicat de négocier pour le
compte des employés et l'effet de la convention
collective à laquelle il donne son accord sont éta-
blis par la loi et ne viennent pas de l'application de
la common law; de même que le syndicat est de
toute évidence habilité à négocier pour le compte
des individus qui ne deviendront membres de
l'unité de négociation qu'après la signature de la
convention, la doctrine du lien contractuel ne doit
pas être considérée comme un obstacle interdisant
au syndicat de négocier de meilleures conditions de
travail pour le compte d'individus qui ont quitté
l'unité avant la date de la signature; il est à ce
point compatible avec les attentes normales des
employés qui partent et avec les exigences appa-
rentes de la justice qu'il en soit ainsi, qu'il faut
toujours présumer que les parties à une convention
collective voulaient que tous ceux qui ont travaillé
pendant la période rétroactive bénéficient des
avantages salariaux rétroactifs sur lesquels elles se
sont entendues (voir par exemple Re Penticton and
District Retirement Service and Hospital
Employees' Union, Local 180 (1977), 16 L.A.C.
(2d) 97 (C.-B.); Re Ontario Federation of Labour
and Office & Professional Employees Int'l Union,
Local 343 (1977), 16 L.A.C. (2d) 265 (Ont.) et
Re Neilson (William) Ltd. and Milk & Bread
Drivers, Dairy Employees, Caterers & Allied
Employees, Local 647 (1982), 6 L.A.C. (3d) 123
(Ont.)). Ainsi, encore aujourd'hui, la situation
n'est pas claire dans le secteur privé.
Dans le secteur public fédéral, la situation est
encore plus surprenante: la difficulté ne vient pas
du fait que la jurisprudence n'est pas encore bien
établie, elle vient du fait qu'il ne semble pas y
avoir de jurisprudence du tout. Quand on consi-
dère qu'il y a près de vingt ans que la négociation
collective a été introduite dans la Fonction publi-
que fédérale, on peut difficilement comprendre
qu'il puisse en être ainsi. En 1964, fut adopté sous
le régime de la Loi des subsides n° 5 de 1963, S.C.
1963, chap. 42, un règlement intitulé Règlement
sur la rémunération avec effet rétroactif [DORS/
64-44] habilitant le Conseil du Trésor à [TRADUC-
TION] «approuver un relèvement de rémunération
avec effet rétroactif ... qui . .. s'applique .. . à
une personne qui ... a cessé d'être un employé
durant la période [de rétroactivité] à cause . .. de
mise en disponibilité, ... de retraite, ou ... de
décès». Ces dispositions réglementaires, qui figu-
rent maintenant au chapitre 344 de la Codification
des règlements du Canada de 1978, n'ont pas été
abrogées et il semble qu'en conformité avec elles,
le Conseil du Trésor s'est toujours senti libre d'ap-
pliquer, et il a effectivement toujours appliqué, aux
anciens employés qui sont décédés, ont pris leur
retraite ou ont été mis en disponibilité au cours des
périodes rétroactives, les augmentations de salaire
avec effet rétroactif prévues par les conventions
collectives auxquelles il était parti 4 . Cela explique
indubitablement comment les conflits ont pu être
évités dans la pratique. Sauf que cette Cour a
rendu une décision portant que le Règlement sur
la rémunération avec effet rétroactif ne s'applique
pas aux conventions fondées sur l'article 54 de la
Loi sur les R.T.F.P. Dans l'arrêt R. c. Thibault,
[1983] 1 C.F. 935, la Cour, par l'intermédiaire du
juge Pratte, déclarait ce qui suit (aux pages 938 et
939):
La question n'a été que brièvement discutée devant nous,
mais elle aurait apparemment été discutée plus longuement
devant l'arbitre comme en fait foi le texte du paragraphe 17 de
la décision de la Commission:
D'après l'avocat, quelque 58 conventions collectives sont
actuellement en vigueur dans la Fonction publique fédérale.
De ce nombre, 36 présentent une formulation analogue à
celle de la convention collective qui nous concerne. Les 22
autres conventions collectives prévoient en toutes lettres le
versement d'une rémunération rétroactive à certaines person-
nes qui ont cessé d'être employées pendant la période de
rétroactivité. Cela peut se faire de deux manières. Dans le
premier cas, les dispositions de la convention collective con-
cernant la rémunération sont appliquées explicitement de
façon rétroactive, en conformité avec le Règlement sur la
rémunération avec effet rétroactif. Dans le second cas, les
dispositions de la convention collective concernant la rémuné-
ration rétroactive sont appliquées explicitement aux mêmes
anciens employés qui y ont droit aux termes du règlement
susmentionné, soit aux personnes qui ont cessé d'être des
employées pendant la période de rétroactivité pour raison de
mise en disponibilité, de départ à la retraite ou de décès. Par
conséquent, de dire l'avocat, lorsque les parties veulent accor-
der une rémunération rétroactive à d'anciens employés, elles
peuvent le faire en l'indiquant en toutes lettres dans la
convention collective.
Ce Règlement, à mon avis, ne s'applique qu'aux augmentations
de salaire qui ont été approuvées suivant le Règlement. Il ne
s'applique pas aux augmentations prévues dans une convention
collective que le Conseil du Trésor a conclue suivant l'autorité
que lui confère l'article 54 de la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique. En d'autres mots, le Règlement
précise l'effet de l'approbation par le gouverneur en conseil ou
le Conseil du Trésor d'une augmentation de salaire rétroactive;
il ne régit en aucune façon l'interprétation ou l'effet d'une
convention collective prévoyant de pareilles augmentations.
Mais ce problème ne nous concerne pas et tout ce
que nous pouvons faire ici c'est de noter que la
Commission n'a jamais été appelée à trancher la
question dans le contexte du secteur public fédéral,
avant que la présente affaire ne soit soumise à
l'arbitrage.
La décision de la Commission, dont les passages
principaux sont reproduits dans les motifs du juge
Heald, comprend une étude complète et intéres-
sante des prétentions respectives des parties ainsi
que de longues citations empruntées aux décisions
arbitrales antérieures, mais elle se fonde sur un
raisonnement qui est nouveau et plutôt simple.
L'«argument tiré du lien contractuel ne peut s'ap-
pliquer strictement aux conventions collectives»,
déclare la Commission, et il n'existe aucun motif
de nier aux parties la possibilité d'accorder des
avantages aux anciens membres de l'unité, de sorte
que la réponse à la question posée dépend unique-
ment de la signification qu'il faut donner au mot
«employés» dans les clauses de la convention qui
prévoient la rémunération avec effet rétroactif.
Puisque dans la Fonction publique fédérale, les
conventions collectives sont négociées et conclues
sous l'autorité de la Loi sur les R.T.F.P., raisonne
alors la Commission, le terme «employés», sauf
indication contraire, a le même sens dans la con
vention collective que dans la Loi. La Commission
scrute donc la Loi et s'arrêtant particulièrement à
la définition de l'article 2 et au libellé du paragra-
phe 40(1) et de l'article 58, elle estime que le
terme «employé» dans ces articles vise uniquement
les personnes qui font actuellement partie de la
Fonction publique et «n'englobe pas un ancien
employé, faute de précision à cet effet». La conclu
sion suit: aucune précision de ce genre ne figurant
dans la convention actuellement en vigueur, les
avantages qui y sont prévus ne peuvent être accor
dés aux anciens employés.
La requérante invoque trois arguments pour
contester la décision de la Commission: a) les
décisions qu'a rendues cette Cour dans R. c.
Lavoie, [1978] 1 C.F. 778 et Gloin c. Procureur
général du Canada, [1978] 2 C.F. 307 contredi-
sent l'affirmation selon laquelle le terme «employé»
utilisé dans la Loi sur les R.T.F.P. n'englobe pas
un ancien employé à moins d'indication expresse à
cet effet; b) l'alinéa 49(1)a) de la Loi autorise
formellement l'agent négociateur à négocier collec-
tivement pour le compte de tous les employés de
l'unité de négociation à l'époque où l'avis de négo-
cier est donné; c) l'agent négociateur est tenu de
représenter équitablement tous les membres de
l'unité de négociation pour le compte desquels il
est autorisé à conclure une convention.collective et
il manquerait à ce devoir si les anciens employés
étaient exclus.
En toute déférence pour ceux qui pensent le
contraire, je dois dire qu'aucun de ces arguments
ne m'apparaît convaincant. Premièrement, je ne
crois pas que les arrêts Lavoie et Gloin (précités)
aient statué que le terme «employé» englobe sans
réserve un ancien employé. Ces décisions portaient
sur le statut d'individus qui avaient présenté des
griefs, en vertu des dispositions de la Loi sur les
R.T.F.P., contre le geste de leurs supérieurs qui
avaient mis fin à leur emploi dans la Fonction
publique. Inspiré par le même bon sens qui avait
présidé à l'adoption de l'article 2 de la Loi aux
termes duquel «aux fins de toute disposition de la
présente loi visant les griefs, relativement aux
mesures disciplinaires portant congédiement ou
suspension, la mention d'un "employé" s'applique
à un ancien employé», la Cour a conclu dans ces
affaires que les mots d'ouverture du paragraphe
90(1) concernant le droit d'exposer des griefs - soit
«Lorsqu'un employé s'estime lésé» - signifiait
«toute personne qui s'estime lésée à titre d'em-
ployé». Ces décisions pourraient peut-être servir de
fondement au droit des individus d'agir pour leur
propre compte (encore qu'il semblerait que les
treize employés ici en cause ont d'abord déposé des
griefs personnels qui ont été rejetés pour le motif
qu'ils n'étaient pas des «personnes s'estimant lésées
à titre d'employés»). Elles ne peuvent toutefois pas
être considérées comme élargissant la portée du
terme «employé» tel qu'il est utilisé dans les divers
articles de la Loi sur les R.T.F.P. Un employé est
nécessairement une personne qui est employée et je
ne peux tout simplement pas comprendre comment
on peut prétendre que ce mot peut englober une
personne qui n'est pas employée même si elle l'a
déjà été. Deuxièmement, on ne saurait faire faire
dire à l'alinéa 49(1)a) plus que ce qu'il dit, soit:
49. (1) Lorsque la Commission a accrédité une association
d'employés comme agent négociateur d'une unité de négocia-
tion et que la méthode de règlement d'un différend applicable à
cette unité de négociation a été spécifiée comme le prévoit le
paragraphe 36(1),
a) l'agent négociateur peut, pour le compte des employés de
l'unité de négociation, par avis écrit, requérir l'employeur
d'entamer des négociations collectives; ou
en vue de la conclusion, du renouvellement ou de la révision
d'une convention collective.
Le fait qu'un agent négociateur soit habilité à
engager des négociations avec l'employeur pour le
compte des employés de l'unité de négociation ne
permet pas de déterminer qui est lié par cette
négociation ou qui peut profiter des avantages qui
en découlent. Ce n'est pas parce que certaines
personnes font partie de l'unité de négociation au
début des négociations qu'elles continuent de faire
partie de l'unité régie par la convention même
après qu'on a mis fin à leur emploi et qu'on leur a
donc retiré le droit d'être membres de cette unité.
Troisièmement, j'aurais pensé que lorsqu'un syndi-
cat négociateur manque à son devoir à l'égard de
certains membres de l'unité de négociation en
raison de la manière dont il a négocié la conven
tion collective, ce manquement permet aux mem-
bres lésés d'intenter des poursuites contre le syndi-
cat, mais n'oblige pas un employeur à assumer une
obligation qui n'a pas été prévue à l'accord final
intervenu entre les parties.
Dans le but d'asseoir la décision de la Commis
sion sur un fondement moins vulnérable et d'enle-
ver toute pertinence aux principaux arguments
avancés par la requérante, l'avocat de l'intimée fit
valoir pour sa part que la question véritable n'en
était pas une d'interprétation de la convention
collective mais plutôt de détermination des pou-
voirs que les parties à cette convention pouvaient
exercer. Les articles 40 et 54 de la Loi sur les
R.T.F.P. se lisent, en partie, comme suit:
40. (1) Lorsqu'une association d'employés est accréditée aux
termes de la présente loi à titre d'agent négociateur d'une unité
de négociation,
a) l'association d'employés a, en vertu de la présente loi, le
droit exclusif
(i) de négocier collectivement pour le compte des employés
de l'unité de négociation et de les lier par une convention
collective jusqu'à l'annulation de son accréditation pour
l'unité de négociation, et
54. Le conseil du Trésor peut, de la manière qui peut être
prévue par les règles ou les procédures qu'il détermine confor-
mément à l'article 3 de la Loi sur l'administration financière,
conclure avec l'agent négociateur d'une unité de négociation,
autre qu'une unité de négociation composée d'employés d'un
employeur distinct, une convention collective applicable aux
employés de cette unité de négociation.
Selon l'avocat, ces dispositions ne permettent pas
de douter que l'agent négociateur n'a pas le droit
de négocier collectivement pour le compte de per-
sonnes qui ne sont pas membres de l'unité de
négociation et que le Conseil du Trésor ne peut
conclure de convention collective applicable à des
personnes autres que des employées de l'unité de
négociation pour laquelle l'agent négociateur est
accrédité. L'approche qu'implique cet argument
est, à mon sens, la seule qui convient, mais il me
semble que l'avocat a, par la suite développé son
argument d'une façon qui tient pour acquis ce qui
est en question et conduit à un cul-de-sac puisqu'il
ne permet pas de déterminer la date à laquelle les
membres de l'unité de négociation qui sont touchés
par les diverses dispositions de la convention doi-
vent être identifiés.
Mes propres vues sur le sujet, que je vais main-
tenant exposer, découlent de la premisse que la
difficulté ne saurait se résoudre dans le secteur
public de la même façon que dans le secteur privé.
Dans le secteur privé, la négociation collective en
ce qui concerne les rapports employeurs-employés
est évidemment régie, pour l'essentiel, par le droit
statutaire, mais les lois provinciales en matière de
relations de travail ne couvrent pas tous les aspects
et laissent place pour l'addition d'éléments qui
impliqueront nécessairement l'application des
règles de droit commun (voir à ce sujet les motifs
du juge en chef Laskin dans l'arrêt McGavin
Toastmaster Ltd. c. Ainscough, [ 1976] R.C.S.
718). Ainsi, rien n'empêche un syndicat négocia-
teur d'essayer d'étendre à des personnes autres que
les membres de l'unité de négociation, par exemple
à d'anciens employés, un avantage négocié pour le
compte des membres de cette unité comme rien
n'empêche, en principe, un employeur, lorsqu'il
négocie avec le syndicat, de contracter une obliga
tion pour le bénéfice de personnes autres que les
membres de l'unité de négociation. Le statut des
non-membres eu égard aux droits qu'ils peuvent
réclamer aux termes du contrat soulèvera, bien
sûr, un problème mais il est certain qu'entre l'em-
ployeur et le syndicat le contrat sera exécutoire
(voir Chitty on Contracts, 24c édition, Volume 1,
General Principles, paragraphes 1104 et suivants).
Il n'est donc pas surprenant que, dans le secteur
privé, la question qui nous intéresse ait toujours été
examinée à la lumière des notions de représenta-
tion, de mandat, de lien contractuel et traitée
comme faisant surtout intervenir les règles d'inter-
prétation des conventions. Au contraire, dans le
secteur public fédéral, les lois, telles que je les
comprends, ne permettent tout simplement pas
l'adjonction de tels éléments additionnels, le statut
et le rôle des parties à la négociation collective,
leur autorité respective et le caractère exécutoire
de leur accord étant déterminés de façon exclusive
et péremptoire par la loi. Si tel est le cas, et il me
semble bien que ce l'est, il ne serait pas approprié,
lorsqu'il s'agit d'une convention collective mettant
en cause la Fonction publique fédérale, d'avoir
recours aux notions de mandat, de représentation
ou de lien contractuel de la common law et de s'en
remettre à la seule intention des parties. La solu
tion, si elle n'a pas été expressément prévue, ne
peut être déduite que des principes adoptés par la
législation et en fonction uniquement du régime
établi par le Parlement.
Jusqu'en 1967, on s'en souviendra, la négocia-
tion collective n'existait pas dans la Fonction
publique fédérale. Les associations d'employés et
le Conseil national mixte étaient invités à exprimer
leurs points de vue et à faire des recommandations,
mais il appartenait au gouvernement de détermi-
ner les conditions d'emploi des fonctionnaires. En
1967, était adoptée la Loi sur les R.T.F.P. qui
venait accorder aux employés du secteur public des
droits de négociation et la Loi sur l'administration
financière, (aujourd'hui codifiée dans les S.R.C.
1970, chap. F-10) était modifiée afin de confirmer
le rôle du Conseil du Trésor à titre d'employeur
pour la plupart des secteurs de la Fonction publi-
que. Les caractéristiques du régime alors introduit
par le Parlement se retrouvent dans les dispositions
de ces Lois et si je comprends bien ces dispositions,
spécialement celles des articles 2 [mod. par S.C.
1973-74, chap. 15, art. 1; S.C. 1974-75-76, chap.
67, art. 1], 3, 26, 40, 49, 54, 57, 58, 68 [mod. par
S.C. 1974-75-76, chap. 67, art. 17] et 70 de la Loi
sur les R.T.F.P. et des articles 2, 8, 22 et 36 de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique
[S.R.C. 1970, chap. P-32], les éléments essentiels
de ce régime sont les suivants.
Les employés de la Fonction publique dont Sa
Majesté, représentée par le Conseil du Trésor, est
l'employeur, sont réunis en «groupes» profession-
nels à l'intérieur de «catégories» professionnelles
circonscrites et définies par la Commission de la
Fonction publique. Chaque groupe professionnel à
l'intérieur des diverses catégories professionnelles
constitue normalement une unité de négociation, et
une association d'employés est accréditée par la
Commission des relations de travail dans la Fonc-
tion publique pour conclure une convention collec
tive avec le Conseil du Trésor pour le compte de
tous les membres de cette unité. Les matières qui
peuvent faire l'objet de négociations sont claire-
ment déterminées puisque, même s'il est d'abord
déclaré de façon générale que la convention collec
tive peut contenir des dispositions concernant
«toutes les conditions d'emploi et d'autres ques
tions connexes», sont par la suite exclus de manière
expresse toutes les conditions et questions qui
pourraient requérir l'adoption d'une loi (autre
qu'une loi portant affectation de crédits) de même
que les conditions et questions réglementaires par
d'autres lois spéciales. Parmi celles-ci, il y a bien
sûr la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique
(S.R.C. 1970, chap. P-32) qui confère à la Com
mission de la Fonction publique une autonomie
exclusive en matière de recrutement, de sélection,
de classification et de promotion des employés du
secteur public dans le but de mieux garantir le
respect du principe du mérite. De toute évidence,
la négociation collective a pour but essentiel, et la
convention collective pour rôle premier, d'établir
des échelles de salaire pour chaque poste, ou pour
chaque groupe de postes de même nature, occupé
par les membres de l'unité. Les échelles de salaire
qui sont prévues dans la convention collective rela-
tivement aux divers postes qu'occupent les mem-
bres de l'unité lient toutes les personnes concer-
nées. Tant qu'il occupe un poste dans l'unité, un
employé a droit, pour ses services, à une rémunéra-
tion établie selon le taux qui correspond au rang
qu'il occupe dans l'échelle de salaire prévue dans
la convention pour ce poste, et ce droit est absolu,
personne n'ayant le pouvoir de la modifier.
Si l'aperçu général que je viens de donner des
principaux éléments de la législation qu'a adoptée
le Parlement en 1967 est exact, j'estime que la
solution à la question qu'il nous faut trancher
apparaît immédiatement. Il est de toute évidence
impensable qu'a un moment quelconque, il puisse
y avoir plus d'une échelle de salaire pour un même
poste dans une unité de négociation, si l'on veut
que le système demeure fonctionnel. Ainsi, bien
qu'il ne soit pas interdit aux parties à une conven
tion collective fondée sur l'article 54 de la Loi sur
les R.T.F.P. de donner un effet rétroactif aux
nouveaux taux de salaire prévus pour les postes
occupés par les employés d'une certaine unité de
négociation, ces nouveaux taux remplaceront les
anciens et deviendront immédiatement, à toutes
fins et pour tous, les seuls taux applicables pendant
la durée de la période rétroactive. Ceux qui ont
occupé les postes pendant la période couverte peu-
vent alors tous prétendre que leurs services n'ont
pas été rémunérés aux taux applicables; et leur
prétention est justifiée, où qu'ils soient ou quoi
qu'ils fassent aujourd'hui.
Le paragraphe 57(1) et l'article 58 de la Loi sur
les R.T.F.P. disposent comme suit:
57. (1) Une convention collective entre en vigueur à l'égard
d'une unité de négociation à compter
a) de la date d'entrée en vigueur de la convention, si celle-ci
en spécifie une; ou
b) à compter du premier jour du mois qui suit immédiate-
ment celui au cours duquel la convention a été signée, si
aucune date d'entrée en vigueur n'est spécifiée.
58. Sous réserve et aux fins de la présente loi, une convention
collective lie l'employeur et l'agent négociateur qui est partie à
celle-ci de même que ses éléments constitutifs, ainsi que les
employés de l'unité de négociation pour laquelle l'agent négo-
ciateur a été accrédité, à compter du jour où elle entre en
vigueur conformément au paragraphe 57(I).
D'après l'avocat de l'intimée, il ressortirait clai-
rement de ces dispositions que la convention collec
tive ne devait avoir d'effet qu'à l'égard des
employés membres de l'unité de négociation au
moment où la convention est signée. Cette inter-
prétation découle de toute évidence d'une certaine
application de la notion traditionnelle de représen-
tation et aboutit à la mise en oeuvre d'une double
échelle de salaires pour des postes identiques pen
dant une certaine période. Comme je viens de le
dire, on ne doit pas avoir recours ici à la notion de
représentation développée par la common law et la
mise en oeuvre d'une double échelle de salaires
pour des postes identiques est en principe impossi
ble. L'interprétation de l'avocat me paraît inaccep-
table. À mon avis, l'erreur consiste à penser que
l'expression «convention collective» employée au
paragraphe 57(1) vise la convention considérée
dans son ensemble. Selon moi, cette expression
s'applique à toute partie autonome de la conven
tion. En effet, la «date d'entrée en vigueur», pour
qu'elle soit différente de la date de la signature,
comme le prévoit l'esprit de la disposition, ne peut
être que la date de mise en oeuvre du contenu de la
convention collective, et à cet égard une conven
tion collective comprend plusieurs parties, chacune
constituant une convention particulière avec son
contenu propre dont la mise en oeuvre peut être
fixée à une date déterminée.
Bref, j'estime que les anciens employés avaient
définitivement le droit de toucher un traitement
supplémentaire sur la base des nouveaux taux, non
pas parce qu'ils étaient représentés par le syndicat
négociateur au moment de la signature de la con
vention ou parce que les parties à la convention
désiraient qu'il en soit ainsi, mais uniquement
parce qu'ils occupaient des postes pour lesquels les
seuls taux de salaire applicables étaient les taux
prévus au nouveau contrat.
La décision de la Commission est donc erronée
et doit être annulée. La demande fondée sur l'arti-
cle 28 doit être accueillie et la question renvoyée à
la Commission pour qu'elle la réexamine en tenant
pour acquis que toute personne qui a exécuté des
tâches à titre d'employé au cours de la période
rétroactive a le droit d'être rémunérée sur la base
des nouveaux taux établis rétroactivement.
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