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A-796-85
Affaire intéressant la compétence d'un tribunal des droits de la personne pour continuer son enquête et la plainte de la section locale 916 du Syndicat des travailleurs de l'énergie et de la chimie en date du 27 avril 1979 présentée en vertu de l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (S.C. 1976-77, chap. 33 et modifi cations) contre Énergie atomique du Canada Limitée
Cour d'appel, juges Pratte, Marceau et MacGui- gan—Ottawa, 5 et 23 décembre 1985.
Droits de la personne Le Tribunal des droits de la personne a-t-il compétence pour continuer son enquête relative à la plainte de discrimination compte tenu de la décision récente de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt MacBain qui a déclaré que l'art. 39(1) et (5) était inopérant parce que la structure décisionnelle de la Loi soulevait une crainte raison- nable de partialité? La partialité trouvée dans l'arrêt MacBain était-elle tellement fondamentale qu'elle créait une absence totale de compétence? Les tribunaux n'ont pas examiné les questions de partialité en termes de compétence L'effet de la renonciation expresse et implicite, devant le Tribunal, du droit de contester la compétence du Tribunal, par la partie qui invoque maintenant un tel droit Loi cana- dienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33, art. 35, 36(3), 39(1),(5), 41(1) Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice III, art. 2c),e)f),g) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 28(4).
Compétence Tribunal des droits de la personne Effet sur la compétence du Tribunal des droits de la personne de la décision récente de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt MacBain qui a déclaré que l'art. 39(1) et (5) de la Loi canadienne sur les droits de la personne était inopérant parce que la structure décisionnelle de la Loi soulevait une crainte raisonnable de partialité Le Tribunal est-il sans compé- tence dès le début? La partialité trouvée dans l'arrêt MacBain était-elle tellement fondamentale qu'elle créait une absence totale de compétence? Les tribunaux n'ont pas examiné les questions de partialité en termes de compétence La partie qui renonce expressément et implicitement devant le Tribunal, au droit de contester la compétence du Tribunal, ne peut maintenant invoquer un tel droit Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33, art. 35, 36(3), 39(1),(5), 41(1).
Déclaration des droits Audition impartiale conforme aux principes de justice naturelle Effet sur la compétence du Tribunal des droits de la personne de la décision récente de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt MacBain qui a déclaré que l'art. 39(1) et (5) de la Loi canadienne sur les droits de la personne était inopérant parce que la structure décisionnelle de la Loi soulevait une crainte raisonnable de partialité Nature de l'art. 2e) de la Déclaration des droits Nature de la déclaration qu'une loi est inopérante en vertu de la Déclara- tion des droits Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33, art. 35, 36(3), 39(1),(5), 41(1) Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice III, art. 2c),e),J),g).
Au moment la décision de cette Cour dans l'arrêt Mac- Bain a été rendue, le Tribunal des droits de la personne examinait une plainte de discrimination déposée devant la Commission canadienne des droits de la personne («la Commis sion») par la section locale 916 du Syndicat des travailleurs de l'énergie et de la chimie contre Énergie atomique du Canada Limitée («EACL»). Cet arrêt ayant décidé que les paragraphes 39(1) et (5) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (dans laquelle on prévoit une partie essentielle des pouvoirs décisionnels de la Commission) étaient inopérants en ce qui concerne la plainte en cause, le Tribunal, à la majorité, a ordonné un renvoi à cette Cour en vertu du paragraphe 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale afin de déterminer si le Tribunal avait compétence pour continuer son enquête.
Contrairement à l'appelant/requérant dans l'arrêt MacBain qui a allégué la partialité même avant la première audition par le Tribunal, EACL a, tant de manière expresse que de manière implicite, renoncé à son droit de contester la compétence du Tribunal en l'espèce. Bien qu'elle admette que, en common law, même une renonciation implicite à s'opposer à un arbitre au premier stade d'une affaire constitue un motif suffisant pour invalider une opposition ultérieure, EACL a soutenu que la partialité en l'espèce était tellement fondamentale qu'elle créait une absence totale de compétence.
EACL a soutenu que dans l'arrêt MacBain, la Cour a jugé que la Loi donne lieu à une présomption raisonnable de partia- lité en ce qui a trait tant à la «double» conclusion sur le bien-fondé qu'elle exigeait qu'à la nomination du tribunal par la Commission même qui est tenue d'agir à titre de poursuivant devant celui-ci; que ces deux défauts rendent l'esprit de la Loi empreint de partialité de façon inhérente dans sa structure décisionnelle; que, malgré la tentative de cette Cour de limiter à cette plainte-là le caractère inopérant de la loi, la logique de son raisonnement entraîne la conclusion que, dans tous les cas, les tribunaux constitués en vertu de la Loi sont sans compétence dès le début; et enfin, qu'une telle absence de compétence ne peut être corrigée par une renonciation.
Arrêt: la réponse à la question est affirmative, le Tribunal est compétent pour continuer son enquête.
Le juge MacGuigan: La Cour suprême du Canada a établi dans Law Society of Upper Canada c. French, la Déclara- tion des droits n'a pas été invoquée, que la partialité qui pourrait autrement rendre les procédures contraires à la justice naturelle peut être autorisée par la loi. Dans l'affaire MacBain, la Loi conférait expressément le pouvoir à la Commission d'agir comme elle l'a fait et, abstraction faite de la Déclaration des droits, aurait certainement empêché toute contestation fondée sur la crainte raisonnable de partialité.
Bien que la Déclaration des droits ait été invoquée avec succès dans l'affaire MacBain, le résultat en l'espèce est diffé- rent. On a jugé qu'une personne qui n'avait pas dès le départ la protection de la Déclaration des droits pour empêcher la viola tion de ses droits par une loi fédérale ne pouvait plus, par la suite, bénéficier de cette protection. Les tribunaux n'ont pas du tout examiné les questions de partialité en termes de compé- tence, même si, en toute logique, on peut dire que, «en principe toutes les mesures administratives ultra vires de leur auteur sont nulles, et non annulables, et il n'y a aucun degré d'invali- dité». Sans doute les tribunaux ont-ils été limités parce qu'ils se
préoccupaient des conséquences pratiques d'une application trop rigide de la logique. En dernière analyse, la décision dans l'arrêt MacBain ne peut s'appliquer que lorsque les parties visées ont affirmé leur droit à la première occasion.
Le juge Marceau: La distinction fondamentale entre la situa tion dans l'affaire MacBain et l'espèce est le moment auquel la question de la partialité a été soulevée. EACL soutient que l'affaire MacBain a conclu que tous les tribunaux établis en vertu de la Loi sont nécessairement sans compétence dès le début et qu'aucune renonciation ne saurait remédier à ce défaut.
Toutefois, tel n'est pas le sens de la décision dans l'affaire MacBain. Elle a simplement pour effet d'établir que lorsqu'une plainte a été considérée comme fondée après enquête, la consti tution du Tribunal par la Commission elle-même peut soulever une crainte raisonnable de partialité et par conséquent violer le droit d'un particulier d'être jugé par un tribunal dont l'objecti- vité est établie hors de tout doute raisonnable. Cependant, un tribunal nommé de manière à donner lieu à une crainte de partialité est seulement susceptible de perdre qualité. Le droit d'un particulier de s'opposer à être jugé par le tribunal n'existe que jusqu'à ce qu'il accepte expressément ou implicitement sa compétence. MacBain n'a eu gain de cause que parce qu'il a soulevé ses objections dès le départ.
Une déclaration que la loi est «inopérante», comme dans l'affaire MacBain, est un redressement applicable lorsqu'on se fonde sur la protection accordée par la Déclaration des droits. La force jurisprudentielle d'une telle déclaration variera selon que la loi viole directement et par elle-même un droit garanti ou qu'elle ne fait qu'y contribuer. De toute façon, la déclaration qu'une loi est inopérante ne signifie pas que la loi n'a aucune valeur et aucun effet.
Le juge Pratte: L'affaire MacBain n'a pas décidé que les paragraphes 39(1) et (5) de la Loi étaient de manière inhérente contestables. Tout ce qu'elle a fait c'est de déclarer que ces dispositions ne s'appliquaient pas de manière à priver MacBain de son droit, que prévoit la Déclaration des droits, de ne pas être jugé sans son consentement, par un tribunal nommé d'une manière qui donne lieu à une crainte raisonnable de partialité. Par conséquent, l'arrêt MacBain ne s'applique pas à l'égard d'une affaire comme l'espèce il y avait une renonciation expresse et implicite au droit de contester la compétence du Tribunal.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
MacBain c. Lederman, [1985] 1 C.F. 856; (1985), 62 N.R. 117 (C.A.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Law Society of Upper Canada c. French, [1975] 2 R.C.S. 767; Ringrose c. College of Physicians and Surgeons (Alberta), [1977] 1 R.C.S. 814.
DÉCISIONS CITÉES:
Re Thompson and Local 1026 of International Union of Mine, Mill and Smelter Workers et al. (1962), 35 D.L.R. (2d) 333 (C.A. Man.); Rex v. Byles and others; Ex parte
Hollidge (1912), 108 L.T. 270 (K.B.D. Ang.); Regina v. Nailsworth Licensing Justices. Ex parte Bird, [1953] 1 W.L.R. 1046 (Q.B.D. Ang.); Bateman v. McKay et al., [1976] 4 W.W.R. 129 (B.R. Sask.); Ghirardosi v. Minis ter of Highways for British Columbia, [1966] R.C.S. 367; Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177; R. c. Burnshine, [1975] 1 R.C.S. 693; Miller et autres c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 680; R. v. Morin (1980), 64 C.C.C. (2d) 90 (C.A. Alb.); Jumaga c. R., [1977] 1 R.C.S. 486; Harel- kin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561.
AVOCATS:
T. Gregory Kane et J. Bourinot pour le Tribu nal des droits de la personne.
R. G. Juriansz et J. Hendry pour la Commis sion canadienne des droits de la personne. Eric B. Durnford et Harvey L. Morrison pour Énergie atomique du Canada Limitée.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Ottawa, pour le Tribunal des droits de la personne.
Commission canadienne des droits de la per- sonne, Ottawa, pour son propre compte. McInnes, Cooper & Robertson, Halifax, pour Énergie atomique du Canada Limitée.
Ce qui suit est la version française des motifs de la décision rendus par
LE JUGE PRATTE: Je conviens que la question qui a été renvoyée à la Cour pour être tranchée doit recevoir la réponse proposée par mes collègues MacGuigan et Marceau. Toutefois, comme leurs motifs pour parvenir à la même conclusion sont quelque peu différents, j'estime qu'il est nécessaire d'énoncer brièvement les miens.
À l'audience, l'avocat d'Énergie atomique du Canada Limitée a adopté la position selon laquelle le Tribunal visé n'avait pas compétence pour conti- nuer son enquête puisqu'il avait été constitué de la même manière et en vertu des mêmes dispositions législatives que le Tribunal qui avait fait l'objet de l'arrêt de la Cour MacBain c. Lederman, [1985] 1 C.F. 856; (1985), 62 N.R. 117 (C.A.). Le seul argument qu'il a présenté à l'appui de cette thèse, selon mon interprétation, portait que la Cour avait déclaré dans cet arrêt que les paragraphes 39(1) et (5) de la Loi canadienne sur les droits de la personne [S.C. 1976-77, chap. 33] étaient inopé-
rants pour le motif qu'ils prévoyaient la constitu tion de tribunaux d'une manière qui, selon l'opi- nion de la Cour, donnait lieu à une crainte raisonnable de partialité. Comme la Cour, selon l'argumentation, a fondé sa décision sur la conclu sion que les paragraphes 39(1) et (5) étaient de manière inhérente contestables, il en découle logi- quement que la constitution de tout tribunal en vertu des mêmes dispositions est viciée.
À mon avis, cet argument est fondé sur une mauvaise interprétation de l'arrêt MacBain. Dans cet arrêt, la Cour n'a pas déclaré que les paragra- phes 39(1) et (5) n'étaient pas valides mais la page 889 C.F.; 137 N.R.] qu'ils étaient «inopérants en ce qui concerne la plainte déposée en l'espèce contre l'appelant/requérant Alistair MacBain par l'intimée Kristina Potapczyk». Par cette déclara- tion, la Cour a simplement dit que les paragraphes 39(1) et (5) ne s'appliquaient pas de manière à priver MacBain de son droit, que prévoit la Décla- ration canadienne des droits [S.R.C. 1970, Appen- dice III], de ne pas être jugé sans son consente- ment, par un tribunal nommé d'une manière qui donne lieu à une crainte raisonnable de partialité. Par conséquent, l'arrêt MacBain ne s'applique pas à l'égard d'une affaire comme l'espèce la per- sonne qui doit être jugée par le Tribunal a, comme mon collègue MacGuigan le dit, renoncé de manière expresse et implicite à son droit de contes- ter la compétence du Tribunal.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs de la décision rendus par
LE JUGE MARCEAU: Comme mon collègue le juge MacGuigan, dont j'ai eu l'avantage de lire les motifs, je suis d'avis de répondre par l'affirmative à la question qui a été renvoyée devant la Cour en l'espèce. Le Tribunal visé a compétence pour con- tinuer son enquête même s'il «a été constitué de la même manière, par la même procédure et en vertu des mêmes dispositions législatives que le tribunal décrit dans l'arrêt MacBain c. Commission cana- dienne des droits de la personne et autres», main- tenant publié sub nomine MacBain c. Lederman, [1985] 1 C.F. 856; (1985), 62 N.R. 117 (C.A.). Comme lui également, je crois que la distinction fondamentale entre la situation dans l'affaire MacBain et l'espèce est que M. MacBain dont la
conduite faisait l'objet d'une enquête avait, dès le début, allégué la partialité du Tribunal, alors qu'en l'espèce, la partie en cause, Énergie atomique du Canada Limitée («EACL»), a reconnu de manière expresse et implicite qu'elle avait entièrement con- fiance dans l'objectivité du Tribunal. Néanmoins, je constate que mon opinion sur la question diffère quelque peu de l'opinion de mon collègue, particu- lièrement en ce qui a trait à la position adoptée par EACL et, à mon avis, la différence est suffisam- ment importante pour que j'expose brièvement mes opinions sur les questions soulevées.
Selon la position adoptée par EACL, le Tribunal n'est pas compétent, peu importe si elle avait renoncé ou non à son droit de s'opposer. Son argument est fondé sur la prémisse selon laquelle la ratio decidendi de l'arrêt MacBain porte que des défauts dans la Loi rendaient alors son plan empreint de partialité de façon inhérente, soit dans sa structure décisionnelle même. Elle fait valoir en effet que compte tenu de ces vices de constitution, les tribunaux établis en vertu de la Loi telle qu'elle était alors rédigée étaient nécessairement sans compétence ab initio et, de toute évidence, une absence de compétence de cette nature ne saurait être couverte par une renonciation subséquente.
Si l'arrêt MacBain devait être interprété comme le soutient EACL, la validité de l'argument serait à mon avis, pratiquement incontestable. Une loi dont le plan serait «empreint de partialité d'une manière inhérente» ne peut que produire un résul- tat dans lequel on trouverait sinon une partialité réelle du moins une vraisemblance réelle de partia- lité. À mon avis, le simple silence de la partie lésée avant que l'audience ne prenne fin ne pourrait remédier à une violation aussi directe de la maxime nemo judex in causa sua par un tribunal qui serait de fait empreint de partialité ou paraî- trait réellement l'être: la violation de la justice naturelle serait trop fondamentale et la décision resterait toujours sujette à contestation (voir de Smith's Judicial Review of Administrative Action (4th ed.), page 273). Mais, je ne crois pas que l'arrêt MacBain puisse être interprété comme le propose EACL.
Selon mon interprétation des motifs du juge- ment du juge Heald, la conclusion fondamentale de la Cour dans cet arrêt est que le choix par la Commission elle-même des membres du Tribunal
chargés d'examiner la plainte portée contre M. MacBain, alors que cette plainte avait déjà fait l'objet d'une enquête et d'une «vérification» aux termes des articles 35 et 36 de la Loi, avait à juste titre créé dans l'esprit de l'«accusé» une crainte raisonnable de partialité et par conséquent portait atteinte aux règles de justice naturelle. La Cour n'a donné aucune indication de l'existence réelle de partialité ou de vraisemblance de partialité; au contraire elle s'est efforcée de rejeter une telle interprétation de ses opinions. Il est vrai que la Cour a ajouté à sa conclusion fondamentale une déclaration à l'effet que la loi était «inopérante», mais cette déclaration doit être interprétée correc- tement. D'après moi, une telle déclaration est sim- plement un type de redressement applicable lors- qu'on se fonde sur la protection accordée par la Déclaration des droits, ce qui était le cas en l'es- pèce puisque l'allégation de crainte de partialité devait évidemment être écartée par la considéra- tion selon laquelle la loi elle-même était responsa- ble de cette situation. C'est en effet seulement depuis la Déclaration des droits et à cause de la protection que cette loi spéciale assure aux droits fondamentaux que les tribunaux ont le pouvoir de remédier à une violation de la justice naturelle qui découle de la loi elle-même (voir: Law Society of Upper Canada c. French, [1975] 2 R.C.S. 767 et Ringrose c. College of Physicians and Surgeons (Alberta), [1977] 1 R.C.S. 814 le plan législatif a prévalu, du moins en partie, parce que la Décla- ration des droits n'avait pas été invoquée et par conséquent n'était pas en jeu). Et lorsque les tribu- naux accordent un tel redressement, ils disent habituellement que la loi est «inopérante», un terme tiré de l'article 2 de la Déclaration (voir: Hogg, Constitutional Law of Canada (2nd edi tion), 1985, pages 640 à 645). Bien qu'elle soit toujours strictement limitée à l'affaire en question, une telle déclaration que la loi est inopérante peut en pratique avoir plus ou moins valeur d'autorité selon qu'il a été considéré que la loi était directe- ment et par elle-même en violation avec un droit garanti ou qu'elle n'avait que contribué à causer la violation d'un tel droit. De toute façon, une décla- ration que la loi est inopérante n'est pas une déclaration que la loi n'est pas valide ou n'a aucune valeur et aucun effet (comme dans le cas d'une loi qui est jugée en contradiction avec la Charte canadienne des droits et libertés [qui cons-
titue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)] enchâssée dans la Constitution). L'argument de l'avocat selon lequel ce qui est inopérant dès le début ne peut devenir opérant par la suite n'est de toute évidence pas valide si le terme «opérant» est pris dans son sens propre.
Ainsi, à mon avis, l'arrêt MacBain, a simple- ment pour effet d'établir que, lorsque en vertu de la Loi une plainte a été considérée comme fondée après enquête, le choix par la Commission elle- même du tribunal qui sera chargée de considérer la plainte peut soulever une crainte raisonnable de partialité et violer par conséquent le droit d'un particulier contre qui la plainte a été portée d'être jugé par un tribunal dont l'objectivité est établie hors de tout doute raisonnable. La question qui se pose alors est de savoir quelle est la situation d'un tribunal établi de telle manière qu'il peut susciter une crainte raisonnable de partialité: le tribunal est-il incompétent? On ne peut sérieusement soute- nir que ce soit le cas. La partialité réelle a presque certainement un effet sur la capacité du tribunal d'agir et pourrait peut-être, pour cette raison, atteindre sa compétence, d'autant plus que la déci- sion d'un tel tribunal partial ne pourrait vraisem- blablement jamais se voir reconnaître quelque force; mais une simple crainte de partialité consti- tue une toute autre affaire car elle ne se rapporte pas à la capacité même du tribunal d'agir correcte- ment. Un tribunal nommé de manière à donner lieu à une crainte de partialité est, selon mon interprétation de la jurisprudence, seulement sus ceptible de se voir enlever sa capacité d'agir. Cor- rélativement, le droit de celui qui craint que le tribunal devant lequel il se présente ne soit partial a toujours été, encore une fois selon mon interpré- tation de la jurisprudence, le droit de s'opposer à être jugé par le tribunal, mais un droit qui ne subsiste que jusqu'à ce qu'il se soumette à lui de manière expresse ou implicite. C'est seulement parce que M. MacBain a soulevé ses objections au début de l'affaire que sa contestation à l'égard des procédures pouvait réussir. (Voir sur ce point l'opi- nion exprimée par Wade dans son article «Unlaw- ful Administrative Action: Void or Voidable? Part (1967), 83 L.Q.R. 499 et (Part II) (1968), 84 L.Q.R. 95, aux pages 108 et suiv.).
Voilà donc mes vues sur la question et les rai- sons pour lesquelles j'estime que l'argument d'EACL n'est pas fondé et je partage l'avis du juge MacGuigan qu'il faut répondre par l'affirmative à la question qui a été renvoyée à cette Cour.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs de la décision rendus par
LE JUGE MACGUIGAN: La question présentée à cette Cour en l'espèce découle directement de notre arrêt récent MacBain c. Lederman, [1985] 1 C.F. 856; (1985), 62 N.R. 117, qui comportait trois instances (deux appels et une demande) par la même partie.
Dans l'arrêt MacBain, le juge Heald a statué au nom de la Cour que l'appelant/requérant éprouvait une crainte raisonnable de partialité qui résultait du fait que la Commission canadienne des droits de la personne («la Commission») avait fait enquête sur la plainte et avait conclu qu'elle était fondée et avait alors institué des procédures relati- vement à la plainte devant un tribunal composé de trois membres qu'elle avait elle-même choisis et désignés. Il s'agissait d'une procédure qui portait atteinte à l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits selon lequel «nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme ... privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations». Par conséquent, la Cour a rendu un jugement déclara- toire portant que les paragraphes 39(1) et 39(5)' de la Loi canadienne sur les droits de la personne («la Loi») étaient inopérants en ce qui concerne la plainte déposée contre l'appelant/requérant. Le redressement accordé relativement à l'appel con- cernant le jugement déclaratoire a été rédigé de manière à avoir le moins d'effet possible sur les autres instances:
1 39. (1) La Commission peut, à toute étape postérieure au dépôt de la plainte, constituer un tribunal des droits de la personne (ci-après dénommé, à la présente Partie, le «tribunal») chargé d'examiner la plainte.
(5) La Commission choisit, sur une liste établie par le gouverneur en conseil, les membres du tribunal.
L'appel est accueilli avec dépens aussi bien devant cette Cour qu'en Division de première instance. Il est déclaré que les paragraphes (1) et (5) de l'article 39 de la Loi canadienne sur les droits de la personne sont inopérants en ce qui concerne la plainte déposée en l'espèce contre l'appelant Alistair MacBain par Kristina Potapczyk, le 27 avril 1983.
Néanmoins, lorsque les audiences publiques du Tribunal en l'espèce (qui portent sur une plainte déposée par la section locale 916 du Syndicat des travailleurs de l'énergie et de la chimie, le 27 août 1979 selon laquelle Energie atomique du Canada Limitée («EACL») fait de la discrimination fondée sur le sexe au sens de l'article 11 de la Loi car les traitements des membres de la section locale, prin- cipalement des femmes, ne sont pas à juste titre comparables à ceux qui sont versés aux autres travailleurs syndiqués, principalement des hommes) ont pris fin le 16 octobre, après l'argu- mentation, le Tribunal à la majorité a ordonné que la question suivante soit renvoyée devant cette Cour en vertu du paragraphe 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale 2 [S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10]:
[TRADUCTION] Ce Tribunal des droits de la personne, ayant été constitué de la même manière, par la même procédure et en vertu des mêmes dispositions législatives que le tribunal décrit dans l'arrêt MacBain c. Commission canadienne des droits de la personne et autres, (Cour d'appel fédérale, 7 octobre 1985, A-966-84), a-t-il compétence pour continuer son enquête?
Contrairement à l'appelant/requérant dans l'ar- rêt MacBain, qui a engagé des procédures en alléguant la partialité même avant la première audition de la plainte portée contre lui par le tribunal et qui s'est en fait retiré de l'audience, EACL selon mon interprétation des faits, a, de manière expresse et implicite, renoncé à son droit de contester la compétence du Tribunal en l'es- pèce. EACL disposait de tous les faits pertinents qui constituaient le fondement de l'arrêt MacBain de cette Cour avant la première audience publique de cette affaire en décembre 1984. En fait, l'avocat d'EACL avait bien à l'esprit le premier jour de l'audience le rôle irrégulier de la Commission à
2 Voici le texte du paragraphe 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale:
28....
(4) Un office, une commission ou un autre tribunal fédéral auxquels s'applique le paragraphe (1) peut, à tout stade de ses procédures, renvoyer devant la Cour d'appel pour audition et jugement, toute question de droit, de compétence ou de prati- que et procédure.
l'égard du Tribunal lorsqu'il a soutenu que la Commission n'avait pas le droit d'adopter la posi tion d'un avocat devant un Tribunal à moins que le plaignant ne puisse présenter sa cause. Toutefois, au cours de son argumentation approfondie sur ce
point, l'avocat d'EACL a dit à la Commission (dossier d'appel, page 35):
[TRADUCTION] [N]ous ne contestons pas ... votre indépendan- ce—nous ne remettons pas en cause votre indépendance ... Nous ne disons pas que vous allez être partiaux ou que vous aurez de quelque façon un parti pris du fait que vous gagnez votre vie au service de mon opposant ...
Toutefois, même si l'on écarte cette renonciation expresse, toute la manière d'agir d'EACL devant le Tribunal constituait une renonciation implicite de toute affirmation d'une crainte raisonnable de partialité de la part du Tribunal. La seule manière d'agir raisonnable pour une partie qui éprouve une crainte raisonnable de partialité serait d'alléguer la violation d'un principe de justice naturelle à la première occasion. En l'espèce, EACL a cité des témoins, a contre-interrogé les témoins cités par la Commission, a présenté un grand nombre d'argu- ments au Tribunal et a engagé des procédures devant la Division de première instance et cette Cour sans contester l'indépendance de la Commis sion. Bref, elle a participé d'une manière complète à l'audience et, par conséquent, on doit tenir pour acquis qu'elle a implicitement renoncé à son droit de s'opposer.
En common law, même une renonciation impli- cite à s'opposer à un arbitre au premier stade d'une affaire constitue un motif suffisant pour invalider une opposition ultérieure: Re Thompson and Local 1026 of International Union of Mine, Mill and Smelter Workers et al. (1962), 35 D.L.R. (2d) 333 (C.A. Man.); Rex v. Byles and others; Ex parte Hollidge (1912), 108 L.T. 270 (K.B.D. Ang.); Regina v. Nailsworth Licensing Justices. Ex parte Bird, [1953] 1 W.L.R. 1046 (Q.B.D. Ang.); Bateman v. McKay et al., [1976] 4 W.W.R. 129 (B.R. Sask.). Le principe est énoncé de la manière suivante dans Halsbury, Laws of England (4th ed.), volume 1, paragraphe 71, page 87:
[TRADUCTION] Le droit de contester des procédures viciées par la participation d'un arbitre qui n'a plus qualité en raison de l'intérêt ou de la vraisemblance de partialité peut être perdu par une renonciation expresse ou implicite au droit de s'oppo- ser. Il n'y a aucune renonciation ou acceptation à moins que la partie qui a le droit de s'opposer à la participation d'un arbitre ne soit entièrement au courant de la nature de la perte de
qualité et ait eu une possibilité raisonnable de s'opposer. Lors- que ces conditions sont remplies, une partie est réputée avoir accepté la participation d'un arbitre qui n'a plus qualité à moins qu'elle ne se soit opposée à la première occasion.
Le juge Cartwright a énoncé la règle de la manière suivante, par voie d'opinion incidente, lorsqu'il a rendu l'arrêt de la Cour suprême Ghirardosi v. Minister of Highways for British Columbia, [1966] R.C.S. 367, la page 372:
[TRADUCTION] Il ne fait aucun doute qu'en général, une sentence arbitrale ne sera pas rejetée si les circonstances avan- cées pour prouver l'incapacité d'un arbitre étaient connues des deux parties avant le début de l'arbitrage et que la procédure s'est poursuivie sans qu'il y soit fait objection.
L'avocat d'EACL n'a pas contesté cette inter- prétation du droit mais a soutenu que la partialité en l'espèce était tellement fondamentale qu'elle créait une absence totale de compétence. Hals - bury, précité, paragraphe 72, page 88, ajoute à la déclaration précédente que [TRADUCTION] «si la décision était absolument nulle et non avenue en ce qui a trait à la personne lésée, celle-ci ne serait pas empêchée de la contester à cause d'une renoncia- tion ou d'une acceptation». Le professeur de Smith dans Judicial Review of Administrative Action, 4th ed., aux pages 153 et 154, déclare:
[TRADUCTION] (1) Consentement, renonciation et accepta- tion. Selon la règle générale, la conduite de la personne à l'égard de laquelle on prétend exercer une compétence ne peut corriger l'absence de compétence, alors que des actes annula- bles peuvent devenir inattaquables par suite de cette conduite. Toutefois, en fait, la distinction est floue. Tout d'abord, les tribunaux ont quelquefois établi une distinction entre l'absence de compétence totale, à laquelle on ne peut renoncer, et les vices de compétence contingents (moins graves) auxquels on peut renoncer.
À l'appui de son allégation d'absence totale de compétence de la Commission, EACL présente l'interprétation suivante de l'arrêt MacBain: dans cet arrêt, cette Cour a jugé que la Loi donne lieu à une présomption d'influence ou de dépendance de deux manières, la conclusion initiale sur le bien- fondé de la plainte en vertu du paragraphe 36(3) équivaut à la même détermination exigée de la part du tribunal en vertu du paragraphe 41(1) 3 et la relation directe entre la Commission à titre de
3 36....
(3) Dans les cas où, au reçu du rapport d'enquête prévu au paragraphe (1), la Commission est convaincue
a) que la plainte est fondée, qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer conformément au paragraphe (2), ni de la rejeter pour les motifs énoncés aux sous-alinéas 33b)(ii) à (iv), elle peut accepter le rapport; ou
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poursuivant et le tribunal à titre d'instance déci- sionnelle; que ces deux défauts ont précédé le début de l'enquête et ont ainsi rendu l'esprit de la Loi empreint de partialité de façon inhérente dans sa structure décisionnelle; que, malgré la tentative de cette Cour de limiter à la plainte déposée par le plaignant le caractère inopérant de la Loi, la logi- que de son raisonnement quant aux défauts consti- tutifs de la Loi entraîne la conclusion que, dans tous les cas, les tribunaux constitués en vertu de la Loi sont sans compétence dès le début; et enfin, qu'une telle absence de compétence ne peut être corrigée par une renonciation. Pour évaluer le bien-fondé d'une telle interprétation de l'arrêt MacBain, je dois la situer dans le contexte plus étendu du droit.
Tout d'abord, on doit examiner le droit en fai- sant abstraction de la Déclaration canadienne des droits et, ensuite, en le rapprochant de la Déclara- tion des droits telle qu'elle a été appliquée dans l'arrêt MacBain 4 .
Dans le premier cas, abstraction faite de la Déclaration des droits, la Cour suprême, divisée sur la question, a établi dans Law Society of Upper Canada c. French, [1975] 2 R.C.S. 767 que la partialité qui pourrait autrement rendre les procé- dures contraires à la justice naturelle peut être autorisée par la loi. Dans cet arrêt, deux benchers, membres du comité de discipline de la Law Society qui avaient conclu à la culpabilité d'un procureur relativement à sept plaintes et avaient recom- mandé sa suspension pour une période de trois mois, ont participé à une assemblée de tous les benchers au cours de laquelle le rapport a été adopté. En maintenant la procédure en question, le juge Spence a dit au nom de la Cour à la majorité (aux pages 783 et 784):
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b) que la plainte n'est pas fondée ou qu'il y a lieu de la rejeter pour les motifs énoncés aux sous-alinéas 33b)(ii) à (iv), elle doit rejeter la plainte
41. (1) A l'issue de son enquête, le tribunal rejette la plainte qu'il juge non fondée.
4 En l'espèce comme dans l'affaire MacBain l'avocat n'a présenté aucun argument fondé sur la Charte canadienne des droits et libertés.
Une étude des dispositions du Law Society Act, cependant, me porte à la conclusion que le cumul par des membres du tribunal en première instance et en appel en l'espèce présente a été, de toute manière, implicitement accepté par la législature.
Toutefois, bien que la minorité de la Cour ait été en désaccord avec la majorité sur le contenu impli- cite de la Loi, elle a admis que l'Assemblée législa- tive était compétente pour modifier l'application normale des règles de justice naturelle. Le juge en chef Laskin a reconnu au nom de la minorité la page 775):
Il est également impensable, en l'absence d'autorisation expresse, que l'assemblée pût inclure des membres qui avaient déjà taxé le procureur de culpabilité en tant que membres du comité de discipline. Celui qui juge ne peut régulièrement siéger dans des procédures ultérieures fondées sur son jugement pas plus qu'un accusateur ne peut siéger comme membre du tribunal qui instruit son accusation, sauf autorisation d'une loi. [C'est moi qui souligne.]
Cette conclusion que des procédures prescrites par la loi sont par définition libres de toute partia- lité a été renforcée par la Cour suprême dans l'arrêt Ringrose c. College of Physicians and Sur geons (Alberta), [1977] 1 R.C.S. 814 dans lequel un membre du comité exécutif qui a suspendu un praticien en attendant l'enquête du conseil de dis cipline était également membre de ce conseil. Il suffisait, aux fins de l'arrêt que ce membre du conseil exécutif n'ait pas participé à la décision de suspendre le praticien. Néanmoins, les juges de la majorité (par le juge de Grandpré aux pages 824 et 825) ont jugé bon d'ajouter un second motif:
Un motif supplémentaire justifie le rejet de ce pourvoi. Comme l'a décidé cette Cour dans The Law Society of Upper Canada c. French, il ne peut être question d'une crainte raison- nable de partialité lorsque la loi même prévoit un cumul des fonctions. Or c'est exactement le cas de The Medical Profes sion Act . .. Donc, le conseil, dont les membres sont autorisés par la loi à participer à toutes ses décisions, est aussi habilité par la loi à prononcer une suspension durant l'enquête et à instituer un conseil de discipline composé d'au moins trois de ses membres. Il est donc clair que le législateur a créé des conditions propres à forcer les membres du Conseil à cumuler des fonctions.
La Cour d'appel a donc à juste titre conclu que la présence du D' McCutcheon au conseil de discipline, même s'il avait siégé au comité exécutif, était implicitement autorisée par la loi.
Dans l'affaire MacBain, la loi conférait expres- sément le pouvoir à la Commission d'agir comme elle l'a fait et, abstraction faite de la Déclaration des droits (qui ne paraît pas avoir été soulevée
dans les affaires French ou Ringrose), aurait cer- tainement empêché toute contestation fondée sur la crainte raisonnable de partialité.
Toutefois, comme conséquence de l'arrêt récent de la Cour suprême Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S.
177, l'égard duquel le juge Heald (MacBain, précité, à la page 877 C.F.; 129 et 130 N.R.) a fait remarquer que «l'une des conséquences de cet arrêt de principe a sans doute été d'insuffler une vigueur nouvelle à la Déclaration canadienne des droits», cette Cour s'est sentie justifiée dans l'arrêt Mac- Bain d'appliquer l'alinéa 2e) de la Déclaration qui protège une personne contre la privation du droit à une audition impartiale selon les principes de jus tice fondamentale.
La protection accordée par la Déclaration des droits est néanmoins limitée, particulièrement lors- que, comme dans les alinéas 2c) et 2e) à g), elle est formulée dans les termes «nulle loi du Canada ne doit ... privant une personne ...», parce qu'elle ne veut pas conférer des droits mais simplement empêcher qu'on en prive quelqu'un. Dans l'arrêt R. c. Burnshine, [1975] 1 R.C.S. 693, la page 702, confirmé par l'arrêt Miller et autres c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 680, aux pages 703 et 704, le juge Martland a dit la page 702 Burnshine]:
Le but de la Déclaration n'est pas de définir de nouveaux droits ou de nouvelles libertés. Ce qu'elle fait est de proclamer leur existence dans une loi, et, de plus, par l'art. 2, de les protéger contre la transgression par une loi fédérale, quelle qu'elle soit.
On a jugé qu'une personne qui n'avait pas au départ invoqué les droits que lui confèrent ces alinéas ne pouvait plus profiter de la protection contre la violation par une loi fédérale. Dans l'ar- rêt R. v. Morin (1980), 64 C.C.C. (2d) 90 (C.A. Alb.), à la page 94, le juge Clement a dit au sujet du droit à un avocat:
[TRADUCTION] Un droit de ce genre profite à un particulier, mais n'a aucune importance devant les tribunaux tant que les circonstances qu'il vise ne se présentent pas. En l'absence de ces circonstances, le droit demeure suspendu, son application n'est pas demandée. Bref, il ne s'applique pas dans l'absolu et doit être invoqué d'une manière évidente pour démontrer que l'on demande son application ... L'expression «en privant», dénote une certaine interférence ou un certain empêchement relative- ment à l'exercice du droit. Si le droit, bien qu'il soit connu, n'est pas affirmé, avancé ou demandé d'une manière évidente, je suis incapable de voir comment il y a eu privation. Il a plutôt choisi de renoncer au droit.
Le juge Pigeon s'exprimant au nom de la majoriti de la Cour suprême dans l'arrêt Jumaga c. R. [1977] 1 R.C.S. 486, à la page 497 a simplement:
Je ne vois pas comment l'appelant peut prétendre avoir éti «privé» de ce qu'il n'a jamais réclamé.
Par conséquent, malheureusement pour l'argu- ment d'EACL selon lequel l'erreur dans l'arrêt MacBain touche la compétence inhérente de la Commission et qu'elle ne peut donc pas faire l'ob- jet d'une renonciation, les tribunaux n'ont pas du tout examiné les questions de partialité en terme, de compétence, même si, comme dans les arrêt, French et Ringrose, ils auraient pu facilement le faire.
Du point de vue de la logique cette attitude peut bien comporter une certaine ambiguïté. L'ouvrage canadien le plus récent, Jones et de Villars, Princi ples of Administrative Law, Carswell, 1985, page 97, affirme que [TRADUCTION] «En principe, toutes les mesures administratives ultra vires de leur auteur sont nulles, non annulables et il n'y a aucun degré d'invalidité», mais reconnaît à la page 98 que les juges de la Cour surpême dans l'arrêt Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561, sont à la majorité d'opinion contraire. On retrouve la même ambiguïté dans Halsbury, pré- cité, et de Smith, précité, ainsi que dans les arrêts de la Cour suprême du Canada eux-mêmes, car la plupart de ceux qui portent sur ce point ont été rendus par une cour divisée. Sans doute les tribu- naux ont-ils été limités parce qu'ils se préoccu- paient des conséquences pratiques d'une applica tion trop rigide de la logique. L'un des auteurs de common law les plus érudits, le juge Holmes, a écrit il y a un siècle dans son ouvrage The Common Law, à la page 1 que [TRADUCTION] «L'existence du droit n'est pas fondée sur la logi- que; elle est fondée sur l'expérience».
De toute façon, lorsque l'avocat d'EACL a été mis en demeure par la Cour, il n'a pas été en mesure de citer de jurisprudence à l'appui de sa thèse juridique. Il a plutôt été obligé de se fonder uniquement sur son interprétation de la nécessité logique inhérente dans l'arrêt MacBain de cette Cour. Une telle interprétation n'a aucune valeur tant devant le texte exprès de l'arrêt MacBain que devant le droit général.
Si on examine l'arrêt MacBain dans le cadre du droit dans son ensemble, on peut, par conséquent, en établir le contexte au moyen de trois simples propositions: 1) n'eût été la Déclaration des droits, l'esprit de la loi seule aurait constitué une réponse complète à l'allégation de crainte raisonnable de partialité; 2) la Déclaration des droits s'applique pour annuler une telle violation des droits par la loi dans la mesure les droits ont été invoqués en temps opportun; et 3) parce que la Déclaration des droits en l'espèce agit seulement de façon négative, pour empêcher la privation de droits, elle n'ac- corde aucune protection à ceux qui renoncent à leurs droits, même de façon implicite. En défini- tive, le raisonnement de l'arrêt MacBain, fondé sur l'effet de la Déclaration canadienne des droits, ne peut s'appliquer à EACL qui jusqu'à maintenant n'avait jamais réclamé son droit fondamental d'échapper à toute crainte raisonnable de partia- lité. Donc l'arrêt MacBain, selon ses propres termes (précité, à la page 888 C.F.; 136 N.R.), «s'adresse uniquement à l'appelant/requérant dans la présente affaire et, il est possible, à des parties dans d'autres affaires dont les faits sont identiques à ceux de l'espèce». Ces autres situations dont les faits sont identiques ne peuvent être que celles les parties visées ont affirmé leurs droits à la première occasion.
Par conséquent, je suis d'avis de répondre à la question qui a été posée de la manière suivante: oui, compte tenu de la renonciation expresse et implicite d'EACL à toute contestation de la com- pétence du Tribunal fondée sur la crainte raison- nable de partialité.
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