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T-1178-85 T-801-85
Irene Williams (requérante)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
Division de première instance, juge Strayer— Toronto, 3 septembre; Ottawa, 25 octobre 1985.
Droit constitutionnel Charte des droits Droit à l'éga- lité Migrante illégale arrêtée après quatre ans et sept mois au Canada On a jugé la requérante inadmissible au Pro gramme concernant les migrants illégaux de longue date qui exige cinq ans sans qu'une arrestation ait lieu La prétention qu'il y a violation de l'art. 15 de la Charte ne donne pas lieu à bref de prohibition puisque la validité de l'ordonnance d'ex- pulsion n'est pas mise en question La Cour ne saurait empêcher le Ministre d'exécuter une ordonnance en vertu de l'art. 50 de la Loi On ne peut avoir recours à l'art. 15 pour annuler la décision refusant d'examiner le cas de la requérante dans le cadre du programme, puisque cette décision a été rendue avant l'entrée en vigueur de l'art. 15 Il n'y a pas conflit avec l'art. 15 puisque ce n'est pas nier le droit à l'égalité que de fixer, comme ligne de démarcation, une limite de temps lorsque l'écoulement du temps est un facteur perti nent Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 15 Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 9, 37, 50, 115.
Droit constitutionnel Charte des droits Vie, liberté et sécurité de la personne Une migrante illégale craint d'être brutalisée par le père de ses enfants si elle est expulsée La crainte d'actes de violence que des individus pourraient faire subir à une personne dans son pays natal en violation des lois de ce pays diffère de la crainte d'une personne d'être persécu- tée par le pays elle doit retourner Distinction faite avec l'arrêt Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immi- gration, 119851 1 R.C.S. 177 Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 7.
Immigration Programme concernant les migrants illé- gaux de longue date Un comité doit examiner les cas des migrants qui ne sont pas découverts pendant cinq ans avant d'être arrêtés La requérante a été arrêtée après qu'elle eut résidé au Canada pendant quatre ans et sept mois Déli- vrance d'une ordonnance d'expulsion Les lignes directrices du programme ont par la suite changé Compte tenu des principes énoncés dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Gould, 119841 1 C.F. 1133 (C.A.), une injonction interlocutoire n'est pas appropriée en l'espèce Il n'y a pas eu violation des droits prévus à la Charte Il n'y a pas eu déni de justice fondamentale Ordonnance d'expulsion légalement rendue.
Il s'agit d'une requête en injonction interlocutoire tendant à empêcher l'exécution d'une ordonnance d'expulsion jusqu'à l'instruction d'une action, et en injonction interdisant le renvoi
de la requérante jusqu'à ce que son cas ait reçu toute l'attention voulue conformément aux «termes d'un programme équitable et juste concernant les migrants illégaux de longue date.. L'autre requête tend à obtenir un bref de certiorari pour annuler la décision par laquelle les autorités de l'immigration ont refusé d'examiner le cas de la requérante dans le cadre du Programme concernant les migrants illégaux de longue date, un bref de mandamus enjoignant aux autorités d'examiner sa demande et un bref de prohibition interdisant à celles-ci d'exécuter l'ordon- nance d'expulsion. Le programme prévoyait l'examen des cas de personnes qui n'avaient pas été découvertes pendant cinq ans ou plus avant d'être arrêtées ou de demander l'examen de leur cas en vertu de ce programme.
Le Comité pouvait recommander au Ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire prévu à l'article 37 pour délivrer un permis autorisant une personne à entrer au Canada ou à y demeurer. La requérante n'a pas fait de demande parce qu'elle n'avait pas résidé au Canada pendant cinq ans. Arrêtée après avoir été au Canada pendant quatre ans et sept mois, elle a fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion rendue en juin 1984. La date d'expulsion a par la suite été ajournée jusqu'en avril 1985. En novembre 1984, la Cour d'appel fédérale a confirmé l'or- donnance d'expulsion. La requérante a été jugée inadmissible au programme parce que, à l'époque, elle n'avait pas résidé illégalement au Canada pendant cinq ans.
En février 1985, les lignes directrices concernant le pro gramme ont changé. Pour être admissible, un migrant illégal doit, avant d'être arrêté, avoir présenté sa demande, mais il suffit qu'il ait résidé au Canada pendant cinq ans au moment de l'expiration du programme même s'il n'a pas été au Canada pendant cinq ans à la date de son arrestation ou de sa demande.
La requérante conteste le refus d'examiner son cas dans le cadre du programme, parce qu'il s'agit d'une dénégation des droits prévus aux articles 7 et 15 de la Charte.
Jugement: les demandes sont rejetées.
Compte tenu des principes énoncés dans l'affaire Procureur général du Canada c. Gould, [1984] 1 C.F. 1133 (C.A.), une injonction interlocutoire n'est pas appropriée en l'espèce.
L'article 7 ne s'applique pas à la présente situation. La «vie, la liberté et la sécurité de la personne. de la requérante ne sont nullement menacées. La requérante dit craindre d'être brutali sée par le père de ses enfants si elle est expulsée. La crainte d'actes de violence qu'un individu pourrait faire subir à une personne dans son pays natal en violation des lois de ce pays diffère de la crainte d'une personne d'être persécutée par le pays elle doit retourner. Il n'y a pas déni de justice fonda- mentale puisqu'une ordonnance d'expulsion a été légalement rendue et confirmée par la Cour d'appel fédérale. La requé- rante n'a pas d'autres droits pour ce qui est de demeurer au Canada. La procédure qu'elle désire invoquer est purement discrétionnaire. On ne doit exiger du Ministre qu'un minimum d'équité lorsqu'il exerce son pouvoir discrétionnaire. De même, aucun déni d'équité n'a été établi. La demande n'a pas été renvoyée au comité pour le motif que la requérante n'a pas satisfait aux exigences de l'ancien ou du nouveau programme.
Même s'il y avait violation de l'article 15, il n'y aurait pas lieu d'accorder un bref de prohibition, puisque la validité de l'ordonnance d'expulsion n'est pas mise en question. En vertu de l'article 50, le Ministre doit exécuter une telle ordonnance,
et rien ne permet à la Cour d'empêcher l'exécution d'une ordonnance valide une fois celle-ci rendue. On ne peut invoquer l'article 15 pour annuler la décision refusant d'examiner le cas de la requérante dans le cadre du programme. Cette décision a été rendue avant le 17 avril 1985, date à laquelle l'article 15 est entré en vigueur. La date décisive permettant de déterminer quel critère appliquer était la date de l'arrestation de la requé- rante. Le fait pour la requérante d'avoir été arrêtée avant d'avoir résidé illégalement au Canada pendant cinq ans la prive du droit de faire examiner son cas dans le cadre du programme. L'ordonnance d'expulsion a été rendue et confirmée bien avant l'adoption des nouveaux critères. Elle ne saurait profiter des changements apportés au programme à moins que leur rétroac- tivité ne soit expressément prévue. Les critères en vigueur de
juillet 1983 février 1985 ne sont pas en conflit avec l'article 15. Lorsqu'une ligne de démarcation s'impose et que l'écoule- ment du temps est un facteur pertinent, ce n'est pas nier le droit à l'égalité que de fixer arbitrairement une certaine limite de temps.
La décision relative à l'inadmissibilité au programme a été rendue bien avant le 17 avril 1985. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner si la révision des lignes directrices crée une distinc tion qui équivaudrait à nier le droit à l'égalité.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Procureur général du Canada c. Gould, [1984] 1 C.F. 1133 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigra- tion, [1985] 1 R.C.S. 177.
DÉCISIONS CITÉES:
Kellawan c. Ministère de l'Emploi et de l'Immigration, jugement en date du 7 décembre 1983, Division de pre- mière instance de la Cour fédérale, T-2619-83, non publié; Mathews v. Diaz, 426 U.S. 67 (Stevens, Associate Justice 1976).
AVOCATS:
H. Schwartz et Barbara L. Jackman pour la
requérante.
M. W. Duffy pour l'intimé.
PROCUREURS:
Chiasson, Jackman, Toronto, pour la requé- rante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE STRAYER: En l'espèce, la requérante a introduit deux requêtes qui ont fait l'objet d'un même débat. Elle sollicite tout d'abord une injonc- tion interlocutoire pour empêcher l'exécution d'une ordonnance d'expulsion rendue contre elle le 8 juin 1984 en attendant l'instruction d'une action qu'elle a intentée en vue d'obtenir un jugement déclarant que le Programme concernant les migrants illé- gaux de longue date est sans effet dans sa forme actuelle; elle réclame en outre une injonction inter- disant son renvoi jusqu'à ce que son cas ait reçu toute l'attention voulue conformément aux [TRA- DUCTION] «termes d'un programme équitable et juste concernant les migrants illégaux de longue date. On n'a pas insisté sur la demande d'injonc- tion interlocutoire. L'autre requête, introduite dans l'affaire portant le numéro de greffe T-1178-85, tend à obtenir un bref de certiorari pour annuler la décision par laquelle des préposés de l'intimé ont refusé d'examiner le cas de la requérante dans le cadre du Programme concer- nant les migrants illégaux de longue date, et un bref de mandamus enjoignant auxdits préposés d'instruire sa demande, ainsi qu'un bref de prohi bition interdisant à l'intimé et à ses préposés d'exé- cuter ladite ordonnance d'expulsion jusqu'à ce que sa demande d'examen fondée sur le Programme concernant les migrants illégaux de longue date ait été instruite.
Compte tenu des principes énoncés par la Cour d'appel fédérale à la majorité dans Procureur général du Canada c. Gould, [1984] 1 C.F. 1133, je ne pense pas qu'il y ait lieu d'accorder une injonction interlocutoire. Que la demande soit accueillie ou non, ce sera à titre de requête visant à obtenir le bref de prérogative ci-dessus décrit. J'ai également conclu cependant que, quant au fond, la demande de la requête ne peut être accueillie; en conséquence, il importe peu de savoir si tel ou tel recours est plus approprié: les deux redressements dépendent des mêmes questions de fond.
La requérante est née à la Jamaïque en 1948. Elle est mère célibataire de cinq enfants qui, sem- ble-t-il, vivent tous là-bas. Elle est arrivée au Canada le 29 septembre 1979 titre de visiteuse, pour un séjour de trois semaines. Apparemment, elle travaille assez régulièrement depuis cette date.
En juillet 1983, le ministre de l'Emploi et de l'Immigration a publié des lignes directrices relati ves au Programme concernant les migrants illé- gaux de longue date, ce qui a nécessité la mise sur pied d'un comité composé d'agents supérieurs à l'administration centrale de la Commission, lequel comité s'est vu attribuer la tâche d'examiner auto- matiquement les cas d'une certaine catégorie de migrants illégaux. Appartiennent à cette catégorie toutes les personnes qui étaient restées dans la «clandestinité», c'est-à-dire sans être découvertes par des agents, pendant cinq ans ou plus avant d'être arrêtées ou de demander l'examen de leur cas en vertu de ce programme. Selon l'explication qu'on m'a donnée, si le Comité examine favorable- ment le cas d'une personne, il recommandera au Ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire prévu à l'article 37 de la Loi sur l'immigration de 1976 [S.C. 1976-77, chap. 52] et de délivrer un permis autorisant cette personne à entrer au Canada ou à y demeurer. Si une ordonnance de renvoi a déjà été rendue contre cette personne, alors, en vertu du paragraphe 37(2), le Ministre ne saurait délivrer de permis avant le renvoi de ladite personne. En pareils cas, du moins pour ceux qui se produisent dans la région torontoise, la personne recourt à ce qu'on appelle le «Buffalo shuffle»: c'est-à-dire qu'elle se rend à Buffalo, ce qui satis- fait à l'ordonnance de renvoi, pour se voir délivrer ensuite le permis ministériel l'autorisant à entrer de nouveau au Canada. Les personnes munies de permis ministériels dans ces circonstances peuvent alors bénéficier d'une exemption, accordée par le gouverneur en conseil en vertu de son pouvoir de réglementation sous le régime de l'article 115 de la Loi sur l'immigration de 1976, de l'exigence posée par l'article 9 de cette Loi, savoir que les deman- des de droit d'établissement doivent être présentées à l'extérieur du Canada.
Après l'annonce de ce programme, la requérante a, vers la fin de 1983, consulté une avocate pour savoir si elle pouvait présenter une demande sous le régime de ce programme. Son avocate l'a infor- mée que, aux termes du programme, elle n'était pas admise à faire une telle demande avant d'avoir été au Canada pendant cinq ans. Elle n'a donc pas fait de demande. Elle a été arrêtée par des agents d'immigration le 29 mai 1984 et une ordonnance d'expulsion a été rendue contre elle le 8 juin 1984. Elle a demandé à la Cour d'appel fédérale d'exa-
miner cette ordonnance, requête que la Cour d'ap- pel a rejetée en date du 3 novembre 1984. Son renvoi, qui était prévu pour le 14 décembre 1984, a été, selon elle, ajourné pour que des agents d'immi- gration de l'administration centrale examinent si elle était admissible au Programme concernant les migrants illégaux de longue date. Elle n'a jamais reçu, paraît-il, de décision écrite de la Commission à cet égard, mais on l'a convoquée en avril 1985 pour lui signifier son renvoi. Son avocate s'est alors entretenue avec des agents d'immigration de la Commission et avec un agent du bureau du Minis- tre. Ceux-ci ont fait savoir que la requérante aurait été jugée inadmissible en ce qui a trait au Programme concernant les migrants illégaux de longue date parce que, au moment de son arresta- tion en mai 1984, elle n'avait illégalement résidé au Canada que pendant quatre ans et sept mois, ce qui est moins que les cinq ans requis alors par le programme.
Entretemps, le 25 février 1985, on a établi de nouvelles lignes directrices relativement à ce pro gramme et fixé une date limite de validité, soit le 3 juillet 1985. À certains égards, les exigences du programme sont devenues plus strictes: pour être admissible, le migrant illégal doit, avant d'être arrêté, avoir présenté sa demande fondée sur le programme [TRADUCTION] «de façon anonyme ou en donnant son identité». À d'autres égards, le programme est plus généreux: il suffit que le migrant illégal ait résidé au Canada pendant cinq ans au moment de l'expiration du programme, c'est-à-dire le 3 juillet 1985, même s'il n'a pas été au Canada pendant cinq ans à la date de son arrestation ou de sa demande fondée sur le programme.
La requérante conteste le refus par l'intimé ou par ses agents d'examiner son cas dans le cadre du Programme concernant les migrants illégaux de longue date, parce qu'il s'agit d'une dénégation des droits prévus aux articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
J'ai conclu que l'article 7 ne s'applique pas à la présente situation. La «vie, la liberté et la sécurité de la personne» de la requérante à l'instance ne sont nullement menacées. Le seul problème qui
peut se poser est sa prétendue crainte d'être bruta lisée par le père de ses trois plus jeunes enfants si elle retourne à la Jamaïque. Même si dans l'arrêt Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177, la page 207, trois juges ont semblé accepter l'idée que la crainte d'une personne d'être persécutée par le pays elle doit retourner puisse être une menace pour «la sécurité de la personne», je présume qu'une telle idée ne peut s'étendre aux craintes d'actes de violence que d'autres individus pourraient faire subir à une personne dans son pays natal, en violation des lois de ce pays. De plus, la preuve d'une telle crainte ou sa justification est très peu convaincante en l'espèce. En outre, je ne vois aucun déni de justice fondamentale en ce qui concerne la procédure suivie en l'espèce. Il faut se rappeler qu'une ordonnance d'expulsion a été rendue contre la requérante, et que la Cour d'appel fédérale a examiné cette ordonnance. À la diffé- rence de la situation dans l'affaire Singh les réfugiés au sens de la Convention, une fois qu'ils ont établi leur statut en tant que tels, bénéficient de certains droits prévus dans la Loi sur l'immi- gration de 1976, la requérante à l'instance n'a pas d'autres droits pour ce qui est de demeurer au Canada. Elle a fait l'objet d'une ordonnance d'ex- pulsion légale. La procédure qu'elle désire mainte- nant invoquer est purement discrétionnaire, et elle espère simplement obtenir un permis du Ministre l'autorisant à rester. Il ne s'agit pas d'un avantage auquel elle a droit. Il n'y a pas eu non plus dénégation de droits acquis. Dans ces circons- tances, on ne doit exiger du ministre qu'un mini mum d'équité lorsqu'il exerce son pouvoir discré- tionnaire: voir Kellawan c. Ministère de l'Emploi et de l'Immigration, jugement en date du 7 décem- bre 1983, Division de première instance de la Cour fédérale, T-2619-83, non publié. De même, aucun déni d'équité particulier n'a été établi. La demande n'a pas été renvoyée au comité pour le motif que la requérante n'a pas satisfait aux exi- gences de l'ancien ou du nouveau programme, et le bien-fondé de cette conclusion n'est nullement contesté.
Quant à la prétention que le Programme concer- nant les migrants illégaux de longue date va à l'encontre de l'article 15 de la Charte, je devrais tout d'abord faire observer que, même si elle était bien fondée, cette prétention ne pourrait donner
lieu au bref de prohibition demandé pour empê- cher l'exécution de l'ordonnance d'expulsion. Une telle prétention ne met nullement en question la validité de l'ordonnance d'expulsion. En vertu de l'article 50 de la Loi sur l'immigration de 1976, le Ministre doit exécuter une telle ordonnance, et rien ne permet à cette Cour d'empêcher l'exécution d'une ordonnance valide une fois celle-ci rendue. Il reste toutefois à examiner si on peut invoquer l'article 15 de la Charte pour annuler la «décision» des agents de l'intimé qui ont refusé d'examiner le cas de la requérante dans le cadre du Programme concernant les migrants illégaux de longue date, et pour leur enjoindre d'examiner son cas sous le régime de ce programme. À mon avis, on ne le peut pas. La preuve qui m'a été soumise est très imprécise quant au contenu et à la date d'une «décision» prise par les agents de l'intimé. Mais il me semble tout à fait clair que cette décision a été prise avant le 17 avril 1985. Cela nous amène à la question de savoir si l'article 15 de la Charte, qui est entré en vigueur à cette date, peut s'appliquer. Il me semble que non. En fait, les critères applica- bles pour déterminer si la requérante pouvait faire examiner son cas par le comité spécial relative- ment au Programme concernant les migrants illé- gaux de longue date sont, semble-t-il, exposés dans les lignes directrices de juillet 1983 qui n'ont pas été modifiées avant le 25 février 1985. A mon avis, la date décisive permettant de déterminer quel critère appliquer était la date de l'arrestation de la requérante, soit le 29 mai 1984. Selon le critère alors applicable, le simple fait pour la requérante d'avoir été arrêtée avant d'avoir résidé illégale- ment au Canada pendant cinq ans la prive du droit de faire examiner son cas dans le cadre du pro gramme. En juin 1984, elle a fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion, et en novembre 1984 cette ordonnance a été confirmée par la Cour d'appel fédérale bien avant l'adoption des nouveaux critè- res. Le fait d'ajourner son renvoi en décembre 1984 pour que son cas soit examiné et pour voir si elle pourrait bénéficier de l'un des programmes pour les migrants illégaux doit sûrement être con- sidéré comme un engagement à examiner son cas selon les critères alors en vigueur. Je ne vois pas comment elle peut revendiquer le droit de profiter des changements apportés à la Loi ou aux pro grammes, à moins que ces changements ne soient expressément rétroactifs de façon à pouvoir s'ap- pliquer à sa situation.
Même si l'article 15 s'appliquait à cause de l'effet qu'il continue de produire sur la requérante après l'entrée en vigueur de la Charte, je n'admets pas que les critères en vigueur de juillet 1983 à février 1985 soient en conflit avec l'article 15. Je suis disposé à présumer qu'une politique franche- ment discriminatoire exposée dans les lignes direc- trices pour les fins d'un tel programme pourrait équivaloir à une dénégation du droit au «même bénéfice de la loi» ou à la «même protection . .. de la loi» puisque la loi produirait alors un effet discriminatoire. Mais une politique qui exige sim- plement que les migrants illégaux doivent avoir séjourné au Canada pendant une période fixe avant d'être arrêtés afin de bénéficier d'une exemption des règles normales n'est pas à première vue une dénégation du droit à l'égalité interdite par l'article 15. Lorsqu'une ligne de démarcation s'impose et que l'écoulement du temps est un facteur pertinent, ce n'est pas nier le droit à l'éga- lité que de fixer arbitrairement une certaine limite de temps. Voir p. ex. Mathews v. Diaz, 426 U.S. 67 (Stevens, Associate Justice 1976).
Même si on aurait appliquer au cas de la requérante les nouveaux critères du programme annoncés le 25 février 1985, il est, à mon avis, tout à fait clair que l'examen de son cas a été rejeté avant le 17 avril 1985, date de l'entrée en vigueur de l'article 15 de la Charte. Elle affirme dans son affidavit [TRADUCTION] «On m'a convoquée en avril pour me signifier mon renvoi, bien que je n'aie pas appris les résultats de l'examen. Mon départ du Canada était prévu pour le 19 avril 1985
..» Bien que son affidavit n'en parle pas, il est évident que la requérante a alors pris contact avec son avocate, puisqu'elle joint à son affidavit une lettre de cette avocate en date du 19 avril 1985 qui explique les diverses demandes de renseignements qu'elle avait présentées au nom de la requérante. Il en découle, semble-t-il, que la décision relative à l'inadmissibilité de la requérante au programme doit avoir été rendue bien avant le 17 avril, puis- que la lettre considère cette inadmissibilité comme un fait accompli. Cela étant, je n'ai pas à examiner si, en exigeant qu'un migrant illégal doit, avant d'être arrêté, s'être mis en rapport avec les autori- tés de l'immigration en leur donnant son identité, la révision des lignes directrices crée une distinc tion qui équivaudrait à nier le droit à l'égalité au sens de l'article 15.
Les demandes sont donc rejetées. L'intimé a droit aux dépens si tel est son désir.
ORDONNANCE
La Cour ordonne le rejet des demandes de brefs de certiorari, de mandamus et de prohibition introduites dans le dossier T-1178-85, et de la requête en injonction interlocutoire dans le dossier T-801-85, et l'intimé aura droit aux dépens d'une requête s'il le demande.
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