T-3000-83
Airport Taxicab (Malton) Association (demande-
resse)
c.
Ministre des Transports (défendeur)
Division de première instance, juge Reed—
Toronto, 22 avril; Ottawa, 26 avril 1985.
Contrôle judiciaire — Recours en equity — Injonctions —
Demande visant à empêcher le défendeur de créer un service
commun de répartition à un aéroport — Le rejet de la requête
en radiation présentée sur le fondement de la Règle 419(1)a) ne
signifie pas qu'il existe «une question sérieuse à trancher» —
L'argument suivant lequel les pratiques de la direction de
l'aéroport sont discriminatoires est faible — Répartition des
inconvénients — Préjudice irréparable — Le préjudice que
subira la demanderesse résultera de son impossibilité à s'en-
gager dans des activités interdites par l'art. 7 du Règlement —
L'octroi de dommages-intérêts n'est pas suffisant pour réparer
le préjudice que subira le défendeur par suite de la sollicita-
tion du public et des plaintes qu'il pourra porter — Demande
rejetée — Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
419(1)a) — Règlement sur l'exploitation de concessions aux
aéroports du gouvernement, DORS/79-373, art. 4(1),(2),(3),
6(1),(2)b), 7a),b) — Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, chap.
A-3.
Aéronautique — Une association de taxis cherche à obtenir
une injonction afin d'empêcher le ministre des Transports de
créer un service commun de répartition pour les taxis et les
limousines à l'aéroport international Pearson — La confusion
sur le quai était due à la concurrence pour obtenir des clients
— L'industrie n'a pas coopéré à l'exploitation d'un système de
répartition conjoint — Le directeur de l'aéroport a-t-il exercé
d'une manière non discriminatoire sa discrétion quant à l'at-
tribution d'un espace sur le quai et quant à la délivrance de
permis? — La répartition des taxis aux aéroports relève-t-elle
de la compétence du fédéral ou de celle des provinces? — Le
préjudice que subira le Ministre si les voyageurs se plaignent
d'être sollicités de toutes parts ne peut être réparé par l'octroi
de dommages-intérêts — Injonction interlocutoire refusée
Règlement sur l'exploitation de concessions aux aéroports du
gouvernement, DORS/79-373, art. 4(1),(2),(3), 6(1),(2)b), 7a),b)
— Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, chap. A-3.
Droit constitutionnel — Partage des pouvoirs — La réparti-
tion des limousines et des taxis à l'aéroport est-elle une
activité qui fait partie intégrante de l'exploitation de limousi
nes et de taxis et relève-t-elle, par conséquent, de la compé-
tence des provinces? — Le législateur fédéral ne perd pas sa
compétence de réglementer cette activité si une telle réglemen-
tation est nécessairement accessoire à la réglementation de
l'aéroport.
La demanderesse cherche à obtenir par la présente demande
une injonction interlocutoire interdisant au défendeur de créer
un service commun de répartition pour les taxis et les limousi
nes desservant l'aéroport international Pearson. Les propriétai-
res de taxis et de limousines exploitaient des systèmes distincts
de répartition. Ils ne se contentaient pas d'accepter les deman-
des courantes de services pour leurs compagnies respectives
mais ils sollicitaient activement les clients. A la suite de plaintes
du public sur la conduite des répartiteurs concurrents, on s'est
entendu pour fournir un service commun. La situation s'est
néanmoins détériorée et le système de deux répartiteurs a été
rétabli.
Jugement: la demande est rejetée.
Il est bien établi que pour qu'un tribunal accorde une injonc-
tion interlocutoire (1) il doit être convaincu qu'il existe une
question sérieuse à trancher et (2) la répartition des inconvé-
nients doit jouer en faveur du requérant.
Le rejet par le juge Muldoon d'une requête présentée confor-
mément à la Règle 419(1)a) afin de faire radier la déclaration
parce qu'elle ne révélait aucune cause raisonnable d'action ne
permettait pas de présumer automatiquement qu'il existait une
«question sérieuse à trancher». La demanderesse soutient que le
directeur de l'aéroport doit exercer d'une manière non discrimi-
natoire la discrétion dont il jouit pour attribuer un espace sur le
quai et délivrer des permis aux exploitants. Néanmoins, comme
le juge Muldoon l'a fait remarquer, «suivant les dispositions de
la Loi sur l'aéronautique ... le défendeur est entièrement
"responsable" des aéroports». Le Règlement sur l'exploitation
de concessions aux aéroports du gouvernement témoigne égale-
ment de la discrétion absolue dont jouit le directeur de l'aéro-
port. Ainsi, même si la requête de la demanderesse ne peut être
radiée en vertu de la Règle 419(1)a), il reste que son fondement
n'est pas solide.
Comme deuxième argument, la demanderesse soutient que la
répartition des limousines et des taxis à l'aéroport est une
activité qui fait partie intégrante de l'exploitation de limousines
et de taxis, et que ces questions relèvent de la compétence
exclusive des provinces. Même si on concluait que la «réparti-
tion» fait partie intégrante de l'entreprise de taxis, le législateur
fédéral ne perdrait pas sa compétence aux fins de réglementer
cette activité si une telle réglementation était nécessairement
accessoire à la réglementation de l'aéroport. De toute manière,
la Cour ne s'est pas prononcée sur la question de savoir si la
demanderesse a satisfait au critère de la question sérieuse à
trancher.
En ce qui concerne la répartition des inconvénients et la
question du préjudice irréparable, la perte de bénéfices de la
demanderesse pourrait être réparée par l'octroi de dommages-
intérêts. Même s'il pourrait être difficile de calculer et, éven-
tuellement, de distribuer le montant du remboursement en
raison du nombre d'exploitants de taxis en cause et de la forme
imprécise de l'organisation, cela ne serait pas impossible.
L'élément déterminant est que la demanderesse subira un
préjudice parce qu'il lui sera impossible de s'engager dans des
activités expressément interdites par l'article 7 du Règlement.
Cet article interdit de faire de la sollicitation à un aéroport à
moins d'une autorisation du Ministre.
Il était clair que la sollicitation des voyageurs par les réparti-
teurs, que le défendeur devrait tolérer, et que les plaintes qui
pourraient être adressées en conséquence à la direction de
l'aéroport causeraient un préjudice au défendeur. Ce n'est pas
un préjudice qui peut être réparé par l'octroi de dommages-
intérêts. Le défendeur est responsable de l'administration de
l'aéroport et il ne pourra remplir adéquatement cette fonction si
l'injonction est accordée.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Fraser v. U-Need-A Cab Ltd.; Great American Insu
rance Co., Third Party (1983), 43 O.R. (2d) 389 (H.C.
Ont.).
DÉCISION EXAMINÉE:
American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C.
396 (H.L.).
DÉCISION CITÉE:
Johannesson v. West St. Paul, [1952] 1 R.C.S. 292.
AVOCATS:
Charles C. Roach pour la demanderesse.
Alan S. Davis et Peter A. Vita pour le
défendeur.
PROCUREURS:
Roach -Smith, Toronto, pour la demande-
resse.
Le sous-procureur général du Canada pour le
défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE REED: La demanderesse cherche à
obtenir par la présente demande une injonction
interlocutoire interdisant au défendeur de créer un
service commun de répartition pour les taxis et les
limousines desservant l'aéroport international
Pearson. Elle cherche en outre à empêcher le
défendeur d'inviter des personnes, autres que les
propriétaires de taxis et de limousines, à soumis-
sionner ce service.
En décembre 1983, la demanderesse a intenté
une action visant à obtenir un jugement déclara-
toire portant que (1) le défendeur n'était pas habi-
lité par la loi à faire des appels d'offres pour le
service de répartition et (2) que la politique
actuelle du défendeur consistant à maintenir des
files séparées pour les services de taxis et de limou
sines à l'aéroport était discriminatoire; enfin, (3)
elle cherchait à obtenir une injonction interlocu-
toire afin d'empêcher l'adjudication du service de
répartition tant qu'une décision finale ne serait pas
rendue sur les points en litige. Même si le juge-
ment déclaratoire dont il était question en décem-
bre 1983 contenait une demande d'injonction
interlocutoire, la demanderesse n'a pas intenté
avant ce jour (avril 1985) d'action visant à obtenir
une telle injonction. Cela ne constituait cependant
pas un délai suffisant pour empêcher la demande-
resse de poursuivre aujourd'hui sa demande de
jugement interlocutoire. La raison donnée pour
expliquer ce délai était que le défendeur n'avait
pas jusqu'à maintenant pris de mesures pour
mettre à exécution son projet d'appels d'offres et
de service indépendant de répartition.
Il faut examiner dans son contexte la situation
qui existait en décembre 1983. De 1979 février
1982, les propriétaires de taxis et de limousines ont
exploité des systèmes distincts de répartition.
Même si on parle de systèmes de répartition, les
répartiteurs exerçaient des activités qui étaient en
fait plus étendues que celles visées habituellement
par cette expression. Ils ne se contentaient pas
d'accepter les demandes courantes de services pour
leurs compagnies respectives et de répartir lesdites
demandes entre les chauffeurs de taxis et de
limousines disponibles. Les «répartiteurs» sollici-
taient activement les clients et offraient vraisem-
blablement leurs services aux voyageurs qui vou-
laient obtenir un moyen de transport terrestre mais
qui n'avaient pas de préférence quant au type de
service qu'ils recherchaient, et peut-être même à
d'autres personnes.
Les répartiteurs se trouvaient aux sorties de
l'aérogare, en bordure du trottoir près des files
formées par leurs véhicules respectifs. Voici un
extrait tiré du contre-interrogatoire de M. Mann
dont l'affidavit a été déposé à l'appui de la requête
de la demanderesse en l'espèce:
[TRADUCTION] R. Le problème était que les répartiteurs des
limousines essayaient d'attirer le plus de gens possible pour les
limousines et que les répartiteurs des taxis essayaient d'attirer
le plus de gens possible pour les taxis.
Q. Bien, seriez-vous donc d'accord avec moi pour admettre qu'il
existait une certaine confusion sur le quai?
R. Oui, c'est vrai.
Q. Est-il en fait arrivé que les répartiteurs se soient disputés les
mêmes clients?
R. C'est arrivé, oui.
Le directeur de l'aéroport a donc écrit en mars
1982 à tous les exploitants de taxis et de
limousines:
[TRADUCTION] Au cours de la dernière année, Transports
Canada a reçu un nombre croissant de plaintes de la part des
voyageurs en ce qui concerne la conduite des répartiteurs sur
les quais. Les disputes et les discussions entre les répartiteurs
concurrents et, à l'occasion entre les chauffeurs, en plus des
embêtements causés aux voyageurs ne peuvent plus désormais
être tolérés.
Il indiquait ensuite dans sa lettre qu'il accordait à
l'industrie une dernière chance de coopérer et de
créer un système de répartition conjoint, sinon
Transports Canada mettrait sur pied son propre
système. C'est ce qui a permis de conclure en
février 1983 une entente au sujet d'un service
commun qui serait dirigé conjointement par les
exploitants des taxis et ceux des limousines. L'une
des clauses de l'entente portait que le superviseur
de la répartition devait:
[TRADUCTION] 1. Faire en sorte que les répartiteurs indiquent
aux passagers la direction pour se rendre au moyen de transport
qu'ils ont demandé et qu'il n'y ait aucun favoritisme que ce soit
en faveur des taxis ou des limousines.
Les répartiteurs eux-mêmes avaient l'obligation
de:
[TRADUCTION] ... fournir, à la demande d'un passager, des
renseignements impartiaux au sujet des taxis et des limousines.
et:
[TRADUCTION] ... lorsqu'ils étaient de service, de ne pas
hurler ou crier pour annoncer les services de transport offerts.
Malgré cet engagement de fournir un service
commun, la situation s'est encore détériorée. Voici
un autre extrait tiré du contre-interrogatoire de M.
Mann:
[TRADUCTION] Q. Bien, que s'est-il réellement passé?
R. Cela se produisait parce que les répartiteurs peuvent fournir
plus de travail aux personnes avec lesquelles ils entretiennent
les relations les plus amicales.
Q. Ce que vous me dites, c'est que les répartiteurs, même s'ils
étaient indépendants, étaient influencés par les chauffeurs de
limousines ou de taxis?
R. C'est cela, oui.
Q. Et ainsi, ils dirigeaient les personnes vers les taxis ou les
limousines, tout dépendant des chauffeurs se trouvant sur le
quai?
R. C'est exact.
Q. Quel effet cela avait-il? Cela causait-il des perturbations sur
le quai?
R. Oui, cela est arrivé à plusieurs reprises.
C'est en raison de cette détérioration de la situa
tion que le directeur de l'aéroport a avisé les
membres de cette industrie en octobre 1983 qu'un
service indépendant de répartition serait créé et
que des appels d'offres seraient lancés pour assurer
ce service. Cette intention manifestée par le direc-
teur a amené la demanderesse à intenter, en
décembre 1983, une action visant à obtenir les
redressements demandés en l'espèce. Cependant, le
défendeur n'a pas immédiatement pris les mesures
nécessaires pour mettre à exécution son intention
de créer un service indépendant de répartition. Les
discussions avec les membres de l'industrie se sont
poursuivies. Par la suite, en mai 1984, les exploi-
tants de limousines se sont retirés du service con
joint de répartition et ont remis sur pied leur
propre service. Ainsi, depuis mai 1984, le système
de deux répartiteurs (l'un travaillant pour les
exploitants de taxis, l'autre pour les exploitants de
limousines) qui était en vigueur avant février 1983,
a été rétabli. Le défendeur a récemment relancé
son projet de créer un service indépendant de
répartition et la demanderesse a déposé la présente
requête visant une injonction interlocutoire.
Les exigences auxquelles un requérant doit satis-
faire pour obtenir une injonction interlocutoire
sont bien connues: (1) le tribunal doit être con-
vaincu qu'il existe une question sérieuse à tran-
cher; (2) la répartition des inconvénients doit jouer
en faveur du requérant. Il est admis que les critè-
res applicables ont été énoncés dans l'arrêt Ameri-
can Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C.
396 (H.L.).
En ce qui concerne la première exigence, la
demanderesse allègue que la décision rendue par
mon collègue le juge Muldoon, en juin 1984
[T-3000-83, Cour fédérale, Division de première
instance, 18 juin 1984, non encore publiée], au
sujet d'une demande interlocutoire entre les par
ties, montre que cette exigence a été satisfaite. Le
juge Muldoon a statué sur une requête par laquelle
le défendeur a cherché à faire radier, en vertu de
la Règle 419(1)a), la déclaration de la demande-
resse parce que celle-ci ne révélait aucune cause
raisonnable d'action. Il a rejeté ladite requête.
Je ne crois pas que, parce qu'un demandeur a
contesté avec succès une requête en radiation pré-
sentée par un défendeur conformément à la Règle
419(1)a), on puisse automatiquement présumer
qu'il existe «une question sérieuse à trancher» aux
fins d'obtenir une injonction interlocutoire. Pre-
mièrement, une requête fondée sur la Règle
419(1)a) doit être entendue en l'absence de toute
preuve. Deuxièmement, il faut présumer que tous
les éléments de la déclaration sont vrais. Troisiè-
mement, il n'est pas nécessaire que la preuve que
le demandeur est tenu de présenter soit très con-
vaincante; il suffit qu'elle ait tout au plus une
certaine force probante. Quatrièmement, le far-
deau de la preuve incombe à la partie qui présente
la requête et non à celle qui la conteste.
Même si la demande en l'espèce ne peut être
radiée en vertu de la Règle 419(1)a), il reste que
son fondement n'est pas solide. L'un des motifs de
ladite demande est que la pratique actuelle du
directeur de l'aéroport qui consiste à prévoir deux
files, l'une pour les limousines, l'autre pour les
taxis, est discriminatoire parce que les deux sortes
de véhicules fournissent le même service au public.
La demanderesse affirme aussi que la pratique
consistant à attribuer aux deux files un espace égal
sur le quai est discriminatoire parce qu'il y a 300
détenteurs de permis de taxis, mais seulement 200
détenteurs de permis de limousines.
La demanderesse admet que le directeur de
l'aéroport avait discrétion pour attribuer un espace
sur le quai et délivrer des permis aux exploitants;
elle soutient cependant que cette discrétion doit
être exercée d'une manière non-discriminatoire.
Néanmoins, comme le juge Muldoon l'a fait
remarquer à la page 4 de sa décision du 18 juin
1984:
... suivant les dispositions de la Loi sur l'aéronautique (S.R.C.
1970, chap. A-3) le défendeur est entièrement «responsable» des
aéroports, des aérodromes, des services fournis aux aéroports et,
en fait, de pratiquement toutes les activités commerciales qui
ont lieu dans les limites d'un aéroport. La Loi prévoit:
3. Il incombe au Ministre
a) de diriger toutes les affaires se rattachant à
l'aéronautique;
c) de construire et maintenir tous les aérodromes et sta
tions ou postes d'aéronautique de l'État ...
e) de faire fonctionner les services que le gouverneur en
conseil peut approuver;
m) de s'acquitter des autres devoirs que le gouverneur en
conseil peut imposer.
5. Le gouverneur en conseil peut établir des règlements,
ou, en conformité des modalités qu'il peut spécifier, autoriser
le Ministre à établir des règlements prescrivant la taxe
relative à l'utilisation
b) d'une installation ou d'un service . .. fournis, à un
aéroport, par le Ministre ou en son nom.
Dans le Décret autorisant l'établissement de règlements
ministériels (C.R.C., chap. 126) on invoque les dernières dispo
sitions législatives susmentionnées pour accorder au Ministre
l'autorisation qui peut lui être légalement accordée en vertu de
ces dispositions.
Le Règlement sur l'exploitation de concessions
aux aéroports du gouvernement, DORS/79 - 373,
27 avril 1979, porte:
7. Sous réserve de l'article 8, à moins d'une autorisation
écrite du Ministre, nul ne peut
a) se livrer à une activité ou à une entreprise, commerciale ou
autre, à un aéroport;
b) faire, à un aéroport, de la publicité ou de la sollicitation
pour son propre compte ou pour celui d'autrui; ou
6. (1) Le directeur d'un aéroport peut, au moyen d'un
panneau ou d'une marque au sol, décrire ou délimiter toute
zone de l'aéroport comme station publique de taxis, station
publique de limousines ou station générale de véhicules.
(2) Lorsque, conformément au paragraphe (1), une zone est
décrite ou délimitée
b) comme station publique de taxis ou station publique de
limousines, l'exploitant d'un taxi ou d'une limousine ne doit
ni prendre ni déposer un passager ou des marchandises à
l'aéroport ailleurs qu'à la station publique de taxis ou à la
station publique de limousines, selon le cas.
4. (1) Le Ministre peut désigner tout aéroport auquel un
permis est requis pour exploiter un véhicule commercial de
passagers ou un véhicule de courtoisie.
(2) Lorsque le Ministre désigne un aéroport conformément
au paragraphe (1), il peut préciser la ou les classes de véhicules
commerciaux de passagers ou de véhicules de courtoisie pour
lesquels l'exploitant doit obtenir un permis avant d'exploiter ces
véhicules à cet aéroport.
(3) Le Ministre peut annuler la désignation visée au paragra-
phe (1) ou la précision visée au paragraphe (2).
Le second moyen invoqué par la demanderesse
dans sa requête porte que le défendeur n'a pas
compétence, du point de vue constitutionnel, pour
réglementer la répartition des limousines et des
taxis à l'aéroport parce qu'une telle activité fait
partie intégrante de l'exploitation de limousines et
de taxis; elle allègue que ces questions relèvent de
la compétence exclusive des provinces. Même s'il
est vrai que la décision rendue par la Haute Cour
de l'Ontario dans l'affaire Fraser v. U-Need-A
Cab Ltd.; Great American Insurance Co., Third
Party (1983), 43 O.R. (2d) 389, permet implicite-
ment de conclure que les répartiteurs (appelés
dans cette affaire «taxi -brokers») font partie inté-
grante d'une entreprise de taxis, il faut souligner
plusieurs éléments additionnels. Cette affaire por-
tait sur la responsabilité délictuelle d'un réparti-
teur («taxi -broker») pour le préjudice causé à un
passager d'un taxi défectueux; elle ne portait pas
sur une question d'ordre constitutionnel. Les
«répartiteurs» («dispatchers») de l'aéroport inter
national Pearson remplissent une fonction très dif-
férente de celle des répartiteurs («taxi -brokers»)
dont il était question dans l'affaire Fraser. (Les
«répartiteurs» de l'aéroport seraient-ils responsa-
bles délictuellement du préjudice causé à un passa-
ger d'un taxi défectueux de l'aéroport?) Même si
on concluait que la «répartition» fait partie inté-
grante de l'entreprise de taxis, le législateur fédé-
ral ne perdrait pas pour autant sa compétence aux
fins de réglementer cette activité si une telle régle-
mentation était nécessairement accessoire à la
réglementation de l'aéroport. Voir l'examen de
l'arrêt Johannesson v. West St. Paul, [ 1952] 1
R.C.S. 292 et d'autres causes connexes, à la page
335 de l'ouvrage de Hogg intitulé Constitutional
Law of Canada (1977).
De toute manière, sans m'être prononcée sur la
question de savoir si la demanderesse a satisfait au
critère de «la question sérieuse à trancher», je vais
passer à l'examen de la seconde exigence qui est de
savoir si la répartition des inconvénients et les
considérations quant au préjudice irréparable mili-
tent en faveur de la délivrance de l'injonction
sollicitée par la demanderesse. Cette exigence est
décrite dans l'affaire American Cyanamid (préci-
tée) à la page 406:
[TRADUCTION] L'objet d'une injonction interlocutoire est de
protéger le demandeur contre le préjudice, résultant de la
violation de son droit, qui ne pourrait être adéquatement réparé
par des dommages-intérêts recouvrables dans l'action si l'af-
faire devait être tranchée en faveur dudit demandeur au
moment de l'instruction; toutefois, le besoin d'une telle protec
tion pour le demandeur doit être évalué en fonction du besoin
correspondant du défendeur d'être protégé contre le préjudice
qui découle du fait qu'on l'a empêché d'exercer les droits que
lui confère la loi et qui ne peut être adéquatement réparé par
l'engagement du demandeur de verser des dommages-intérêts si
l'affaire était tranchée en faveur du défendeur à l'instruction.
Le tribunal doit évaluer les besoins l'un en fonction de l'autre et
déterminer quelle est «la répartition des inconvénients».
En l'espèce, quel est le préjudice que la deman-
deresse prétend subir? Si je comprends bien, il
s'agit d'une perte commerciale qui résultera du fait
que les répartiteurs qu'elle emploie ne pourront
plus solliciter les clients. Il s'agit d'une réclamation
découlant d'une perte de bénéfices, et on considère
habituellement que ce genre de perte peut être
adéquatement réparée par l'octroi d'une somme
d'argent comme dommages-intérêts. Il pourrait
être difficile en l'espèce de calculer et éventuelle-
ment, de distribuer le montant du remboursement
en raison du nombre d'exploitants de taxis en
cause et de la forme imprécise de l'organisation.
Cela ne serait cependant pas impossible. De plus,
et c'est là l'élément déterminant dans cette affaire,
il ressort de la preuve exposée plus haut que la
demanderesse subira un préjudice parce qu'il lui
sera impossible de s'engager ou d'encourager d'au-
tres personnes à s'engager dans des activités
qu'elle n'a pas le droit d'exercer. Suivant l'article 7
du Règlement sur l'exploitation de concessions
aux aéroports du gouvernement (précité, page
399), il est interdit de faire de la sollicitation à un
aéroport à moins d'une autorisation du Ministre. Il
est évident que le Ministre n'a pas donné une telle
autorisation aux «répartiteurs» et, en fait, le direc-
teur de l'aéroport a tenté de faire cesser cette
activité non permise. Je soulignerai que les mem-
bres de l'association demanderesse ne sont pas les
seuls à s'être engagés dans cette activité interdite,
les exploitants de limousines l'ayant également
fait.
Quel sera donc le préjudice subi par le défen-
deur si l'injonction est accordée? L'avocat a indi-
qué que le défendeur pourrait subir une perte
financière résultant des mesures qu'il a déjà prises
pour mettre sur pied le service indépendant de
répartition (par exemple, résultant des contrats qui
ont déjà été signés?) J'estime que le dossier ne
contient aucune preuve attestant ce fait. Cepen-
dant, il est clair que le défendeur subira un dom-
mage en ce sens qu'il devra tolérer la «confusion
sur le quai» comme l'a dit M. Mann au cours de
son contre-interrogatoire. Le préjudice subi sera la
pagaille créée autour des voyageurs et les plaintes
que ces derniers pourront adresser à la direction de
l'aéroport. Le défendeur est responsable de l'admi-
nistration de l'aéroport. Il ne pourra pas remplir
adéquatement cette fonction si l'injonction est
accordée. Il est clair qu'il ne s'agit pas d'un préju-
dice qui peut être réparé par l'octroi de
dommages-intérêts.
Pour les motifs qui précèdent, je ne crois pas que
la demanderesse a démontré que la répartition des
inconvénients joue en sa faveur. Par conséquent, la
demande d'injonction interlocutoire est rejetée.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.