T-1085-85
Josephine E. Marshall (demanderesse)
c.
La Reine et Alliance de la Fonction publique du
Canada, Syndicat des Employés et des Employées
de la Commission de la Fonction publique
(défendeurs)
Division de première instance, juge Reed—Hali-
fax, 7 août; Ottawa, 19 novembre 1985.
Compétence de la Cour fédérale — Division de première
instance — Une ancienne fonctionnaire poursuit son employeur
pour mise en disponibilité illégale, et son syndicat pour collu
sion avec l'employeur — Le syndicat demande que les plaidoi-
ries écrites le visant soient radiées pour incompétence de la
Cour — Il soutient que les actions en responsabilité délictuelle
relèvent des tribunaux supérieurs provinciaux — Les causes
d'action contre l'employeur et celles contre le syndicat sont
étroitement liées — L'expression alois du Canada. qui figure
à l'art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 vise les lois ou
les règlements fédéraux ou la common law — Il suffit pour
que la Cour ait compétence que l'affaire soit déterminée
jusqu'à un certain point par le droit fédéral — Les contrats et
les délits sont des questions qui ne relèvent pas exclusivement
des provinces — Intention du Parlement en adoptant l'art.
17(1) de la Loi sur la Cour fédérale — Distinction faite avec
les décisions où le tribunal a conclu à l'absence de compétence
parce qu'il s'agissait de cas où il n'existait aucune législation
fédérale sous-jacente — Requête rejetée — Loi constitution-
nelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (S.R.C. 1970,
Appendice II, n° 5J (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada,
1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de
1982, n° 1), art. 101 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970
(2eSupp.), chap. 10, art. 2, 17(1), 22(1),(2)a).
Fonction publique — Une ancienne fonctionnaire poursuit
son employeur pour mise en disponibilité illégale, et son
syndicat pour collusion avec l'employeur — Le syndicat
demande que les plaidoiries écrites le visant soient radiées
pour incompétence de la Cour — Il soutient que les actions en
responsabilité délictuelle relèvent des tribunaux supérieurs
provinciaux — Les causes d'action contre l'employeur et celles
contre le syndicat sont étroitement liées — La Loi impose
implicitement au syndicat de représenter les employés qu'il est
habilité à représenter — Existence d'une loi fédérale qui
appuie la compétence de la Cour fédérale — Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970,
chap. P-35, art. 40(1)a)(ii), 90(1),(2), 91(1),(2) — Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32.
La demanderesse a intenté une action contre la Reine, son
ancien employeur et le syndicat de la Fonction publique. Elle
affirme qu'elle a été illégalement déclarée employée excéden-
taire et mise en disponibilité. Elle prétend qu'il y a eu collusion
entre le syndicat et l'employeur pour commettre ces actes
préjudiciables.
Il s'agit en l'espèce d'une demande présentée par le syndicat
en vue de faire radier les plaidoiries écrites le visant pour le
motif que la Cour n'a pas compétence. On fait valoir que, étant
donné que la cause d'action concerne une question délictuelle,
l'affaire relève de la compétence des tribunaux supérieurs
provinciaux. Le syndicat soutient que la cause d'action n'est pas
visée par l'expression «des lois du Canada» qui figure à l'article
101 de la Loi constitutionnelle de 1867. La demanderesse
allègue que sa cause d'action contre le syndicat est étroitement
liée à sa réclamation contre la Commission de la Fonction
publique et que la tenue de deux instructions entraînerait le
chevauchement des frais et des conclusions.
Jugement: la requête est rejetée.
L'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 porte que le
Parlement du Canada peut prévoir l'établissement d'autres
tribunaux pour assurer la meilleure exécution des lois du
Canada. Les tribunaux ont statué que ce libellé ne vise que la
législation fédérale, que ce soit une loi, un règlement ou la
common law. Il vise n'importe quel ensemble de règles de droit,
comme par exemple les règles de droit maritime, qui a été
reconnu par le Parlement. L'arrêt Bensol Customs Brokers
Ltd. c. Air Canada, [1979] 2 C.F. 575 (C.A.), a établi le
principe suivant lequel il n'est pas nécessaire que la demande
soit fondée exclusivement sur une loi fédérale pour que la Cour
fédérale ait compétence. Dans cet arrêt, le juge Le Dain a
reconnu qu'il y aurait inévitablement des demandes dans les-
quelles les droits et les obligations des parties seraient détermi-
nés en partie par le droit fédéral et en partie par le droit
provincial. Il suffisait que l'affaire soit «déterminé[e] jusqu'à un
certain point par le droit fédéral». La Cour suprême a statué
qu'on ne doit pas considérer les contrats et les délits comme des
matières ressortissant exclusivement au droit provincial.
Pour les fins de la présente requête, il est raisonnable de
statuer que la Loi sur les relations de travail dans la Fonction
publique impose implicitement à l'agent négociateur l'obliga-
tion de représenter adéquatement et équitablement les
employés qu'il est habilité à représenter. Il existait, par consé-
quent, une loi fédérale applicable qui appuyait la compétence
de la Cour fédérale.
Il fallait souligner que le paragraphe 17(1) de la Loi sur la
Cour fédérale confère à la Division de première instance com-
pétence sur tous les «cas» où l'on demande un redressement
contre la Couronne. Si le Parlement avait eu l'intention de
limiter la compétence de la Cour, il aurait utilisé le terme
«réclamations». De plus, il était peu probable que le Parlement
ait eu l'intention de désavantager les personnes qui se trouvent
dans la situation de la demanderesse en les contraignant à
diviser une cause d'action unique et à en faire valoir une partie
devant la Cour fédérale et l'autre devant les tribunaux supé-
rieurs des provinces. Les décisions où la Cour fédérale semble
avoir adopté une opinion contraire se distinguent de l'espèce
par leurs faits. Si tel n'était pas le cas, il ne serait pas possible
de souscrire aux conclusions qui y ont été tirées. Dans aucune
de ces décisions, on n'a fait un examen détaillé du paragraphe
17(1). Pour ces motifs, la Cour n'était pas liée par la décision
rendue par la Cour d'appel dans Lubicon. Le raisonnement
suivi par la Cour suprême dans l'arrêt Sparrows Point, bien
qu'il portât sur la compétence de la Cour de l'Échiquier en
matière d'amirauté, s'appliquait pour interpréter le paragraphe
17(1).
Il fallait établir une distinction avec les décisions invoquées
par le syndicat parce qu'elles concernaient des cas où il n'exis-
tait pas de loi fédérale sous-jacente.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
The King v. Hume and Consolidated Distilleries Ltd.
(Consolidated Exporters Corp., Ltd., Third Party),
[1930] R.C.S. 531; Quebec North Shore Paper Co. et
autre c. Canadien Pacifique Ltée et autre, [1977] 2
R.C.S. 1054; Rhine c. La Reine; Prytula c. La Reine,
[1980] 2 R.C.S. 442; Bensol Customs Brokers Ltd. c. Air
Canada, [1979] 2 C.F. 575 (C.A.); Guilde de la marine
marchande du Canada c. Gagnon et autre, [1984] 1
R.C.S. 509; Sparrows Point v. Greater Vancouver Water
District, [1951] R.C.S. 396.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Pacific Western Airlines Ltd. c. R., [1980] 1 C.F. 86
(C.A.); R. c. Thomas Fuller Construction Co. (1958)
Ltd. et autre, [1980] 1 R.C.S. 695; Anglophoto Ltd. c. Le
«Ikaros», [1973] C.F. 483 (1" inst.); Desbiens c. La
Reine, [1974] 2 C.F. 20 (1" inst.); Sunday c. L'Adminis-
tration de la voie maritime du Saint-Laurent, [1977] 2
C.F. 3 (1" inst.); La bande indienne de Lubicon Lake c.
R. (1981), 13 D.L.R. (4th) 159 (C.F. Appel); confirmant
[1981] 2 C.F. 317; (1980), 117 D.L.R. (3d) 247 (1"
inst.); Davie Shipbuilding Ltd. c. R., [1979] 2 C.F. 235;
(1978), 90 D.L.R. (3d) 661 (1t 0 inst.); Nichols c. R.,
[1980] 1 C.F. 646 (1'® inst.); Union Oil Co. of Canada
Ltd. c. La Reine, [1974] 2 C.F. 452 (1fe inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Tropwood A.G. et autres c. Sivaco Wire & Nail Co. et
autres, [1979] 2 R.C.S. 157; Antares Shipping Corpora
tion c. Le navire «Capricorn» et autres, [1980] 1 R.C.S.
553.
DECISION CITÉE:
McNamara Construction (Western) Ltd. et autre c. La
Reine, [1977] 2 R.C.S. 654.
AVOCATS:
L. Labelle pour la demanderesse.
M. Wright, c.r., pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Anderson, Huestis & Jones, Dartmouth
(Nouvelle-Écosse), pour la demanderesse.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE REED: Il s'agit en l'espèce d'une
demande présentée par l'un des défendeurs, l'Al-
liance de la Fonction publique du Canada, en vue
de faire radier les plaidoiries écrites le visant pour
le motif que la Cour n'a pas compétence pour
connaître de l'affaire.
La demanderesse a intenté une action contre les
défenderesses Sa Majesté la Reine (l'employeur)
et l'Alliance de la Fonction publique (le syndicat).
Elle porte plainte au sujet d'une série de décisions,
de mesures et d'erreurs qui ont fait qu'elle a perdu
son poste au ministère de la Défense nationale en
1978 et qu'elle a été déclarée employée excéden-
taire puis mise en disponibilité de la Direction
générale de la formation linguistique en 1979. Elle
allègue plus précisément que l'avis l'informant de
son statut d'employée excédentaire ainsi que sa
mise en disponibilité étaient nuls et illégaux; qu'on
lui a refusé à tort le bénéfice de la priorité admi
nistrative en mai 1979 l'empêchant ainsi de conti-
nuer à occuper son poste pour une période déter-
minée au ministère de la Défense nationale; qu'on
ne lui a pas indiqué les postes qui sont devenus
vacants et qu'on ne lui a pas permis d'interjeter
appel d'une nomination. Elle soutient qu'il y a eu
collusion entre le syndicat, l'Alliance de la Fonc-
tion publique, et l'employeur, Sa Majesté la Reine,
représentée par la Commission de la Fonction
publique, pour commettre ces présumés actes
préjudiciables.
La défenderesse Alliance de la Fonction publi-
que soutient que la demanderesse doit la poursui-
vre devant les tribunaux supérieurs provinciaux
parce que son droit d'action existe en vertu du
droit provincial (droit relatif à la responsabilité
délictuelle). Elle prétend que la cause d'action
n'est pas visée par l'expression «des lois du
Canada» qui figure à l'article 101 de la Loi consti-
tutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3
(R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n° 5] (mod.
par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de
1982, n° 1)], telle qu'elle a été définie dans la
jurisprudence.
La demanderesse allègue que sa cause d'action
contre l'Alliance de la Fonction publique est étroi-
tement liée à sa réclamation contre la Commission
de la Fonction publique; qu'il ne s'agit pas d'une
cause d'action différente; que la tenue de deux
instructions entraînerait un chevauchement et des
frais supplémentaires; que ces deux instructions
rendraient nécessaires le chevauchement non seu-
lement des procédures mais aussi des conclusions;
qu'elles rendraient nécessaire une nouvelle audi
tion complète des questions en litige; que son
action contre la défenderesse Alliance de la Fonc-
tion publique est fondée sur sa réclamation contre
la défenderesse la Commission de la Fonction
publique et lui est étroitement liée.
On s'accorde pour dire que l'Alliance de la
Fonction publique n'est ni la Couronne ni un
mandataire, un fonctionnaire ou un préposé de
celle-ci.
Deux conditions doivent être remplies pour que
la Cour ait compétence. Le litige doit entrer dans
les limites constitutionnelles fixées à l'article 101
de la Loi constitutionnelle de 1867', et il faut qu'il
s'agisse d'un litige sur lequel cette Cour a compé-
tence conformément à une loi du Parlement du
Canada.
Compétence conférée par la Constitution
L'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867
porte:
101. Nonobstant toute disposition de la présente loi, le
Parlement du Canada pourra, de temps à autre, prévoir la
constitution, le maintien et l'organisation d'une cour générale
d'appel pour le Canada, ainsi que l'établissement d'autres
tribunaux pour assurer la meilleure exécution des lois du
Canada.
Bien qu'on ait pu, à une certaine époque, s'inter-
roger sur la question de savoir si l'expression «des
lois du Canada» figurant à cet article visait à la
' Nos cours n'ont pas adopté, du moins jusqu'à maintenant,
de concepts comparables à ceux des ancillary and pendent
jurisdiction (compétence accessoire et compétence suspensive)
qui ont été élaborés par les tribunaux des Etats-Unis afin de
protéger les justiciables contre l'inefficacité et les coûts qui
résultent de la nécessité d'intenter des actions tant devant un
tribunal statutaire fédéral que devant les tribunaux de droit
commun des États. Voir Hogg, Constitutional Law of Canada
(2 e éd., 1985) pp. 146 à 148. Les difficultés qui se présentent
dans les cas où à la fois le fédéral et les provinces ont
compétence risquent donc de persister tant que le Parlement ne
retirera pas compétence à la Cour fédérale, comme le juge
Pigeon l'a suggéré dans l'arrêt Fuller (voir plus loin, à la
p. 713), ou qu'il n'adoptera pas des dispositions législatives
prévoyant l'incorporation du droit provincial dans le droit
fédéral comme l'ont proposé le professeur J. M. Evans dans
Comments on Legislation and Judicial Decisions: Federal
Jurisdiction—A Lamentable Situation (1981), 59 R. du B.
Can. 124, à la p. 151, et le professeur Scott dans Canadian
Federal Courts and the Constitutional Limits of their Juris
diction (1982), 27 R. de d. McGill 137.
fois les lois fédérales et les lois provinciales (cette
expression étant interprétée comme visant les «lois
en vigueur au Canada»), il est évident, du moins
depuis les arrêts The King v. Hume and Consoli
dated Distilleries Ltd. (Consolidated Exporters
Corp., Ltd., Third Party), [1930] R.C.S. 531, que
cette expression ne vise que la législation fédérale.
En 1977, la Cour suprême a précisé davantage les
exigences énoncées au départ dans l'arrêt Consoli
dated Distilleries. Dans l'arrêt Quebec North
Shore Paper Co. et autre c. Canadien Pacifique
Ltée et autre, [1977] 2 R.C.S. 1054, aux pages
1065 et 1066, la Cour suprême a statué que l'arti-
cle 101 exigeait:
l'existence d'une législation fédérale applicable, que ce soit
une loi, un règlement ou la common law, comme dans le cas de
la Couronne, sur lesquels la Cour fédérale peut fonder sa
compétence ... 2 [C'est moi qui souligne.]
Une décision au même effet a été rendue la même
année dans l'arrêt McNamara Construction (Wes-
tern) Ltd. et autre c. La Reine, [1977] 2 R.C.S.
654, puis a été suivie des affaires Pacific Western
Airlines Ltd. c. R., [1980] 1 C.F. 86 (C.A.) et R.
c. Thomas Fuller Construction Co. (1958) Ltd. et
autre, [1980] 1 R.C.S. 695. (Ces deux dernières
affaires sont examinées plus en détail aux pages
450 et suivantes, ci-après.)
Je souligne que l'exigence relative à l'existence
d'une législation fédérale applicable, telle qu'énon-
cée au nom de la Cour par le juge en chef Laskin,
n'a pas assimilé les «lois du Canada» au droit
statutaire fédéral. La Cour n'est pas arrivée à une
telle conclusion dans l'arrêt Quebec North Shore
ni dans aucune des nombreuses décisions ultérieu-
res dans lesquelles le juge en chef s'est prononcé
pour la Cour sur cette question'. En effet, il est
possible qu'il ait eu à l'esprit l'argument suivant
lequel si on avait voulu restreindre de la sorte la
compétence de tout tribunal qui pourrait être cons-
titué en vertu dudit article 101, on y aurait utilisé
z Il a été souligné que [TRADUCTION] «le principe de "l'exis-
tence d'une législation fédérale applicable" s'est révélé plus
facile à énoncer qu'à appliquer» voir les professeurs John B.
Laskin et Robert J. Sharpe dans Constricting Federal Court
jurisdiction: A comment on Fuller Construction (1980), 30 U.
of T.L.J. 283, aux pp. 284 et 285.
3 McNamara Construction (Western) Ltd. et autre c. La
Reine, [1977] 2 R.C.S. 654; Tropwood A.G. et autres c. Sivaco
Wire & Nail Co. et autres, [1979] 2 R.C.S. 157; Rhine c. La
Reine, [1980] 2 R.C.S. 442.
un libellé plus restrictif du genre [TRADUCTION]
«statuts du Parlement du Canada» ou «législation
du» ou encore, «conformément à une loi du Parle-
ment du Canada».
Dans l'arrêt Quebec North Shore, la demande-
resse (un sujet et non une émanation de la Cou-
ronne) poursuivait la défenderesse (un sujet et non
une émanation de la Couronne) pour inexécution
de contrat. Le seul lien avec la compétence du
fédéral était que le contrat visait la construction
d'une gare maritime. «[L]a navigation et les expé-
ditions par eau» et les «ouvrages et entreprises
reliant la province à une autre» sont, en vertu
respectivement du paragraphe 91(10) et de l'alinéa
92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867, des
matières à l'égard desquelles le Parlement est
habilité à légiférer. Cependant, en l'absence de lois
fédérales les réglementant, les entreprises extra-
provinciales (dont la gare maritime devait faire
partie) sont assujetties aux lois provinciales d'ap-
plication générale. De plus, ces lois provinciales
s'appliquent non pas parce qu'elles ont été adop-
tées par renvoi à la législation fédérale ni parce
qu'on les tolère comme faisant partie de celle-ci,
mais parce qu'elles s'appliquent de plein droit, en
tant que législation provinciale, aux entreprises ou
ouvrages extra-provinciaux 4 . Ainsi, le juge en chef
Laskin a écrit à la page 1065:
Il convient de rappeler que lorsqu'une loi provinciale s'appli-
que à des litiges concernant des personnes ou des compagnies
engagées dans une entreprise relevant de la compétence fédé-
rale, c'est parce qu'elle est en elle-même valide ... [C'est moi
qui souligne.]
Cette question a ensuite été soulevée dans l'arrêt
Tropwood A.G. et autres c. Sivaco Wire & Nail
Co. et autres, [1979] 2 R.C.S. 157, où il s'agissait
de déterminer s'il existait une loi fédérale en
vigueur habilitant la Cour fédérale à entendre une
action, fondée à la fois sur la responsabilité con-
tractuelle et sur la responsabilité délictuelle, qui
résulte des dommages causés à une cargaison pen
dant son transport jusqu'à Montréal. Le juge en
chef a dit, à la page 161, que la question consistait
à se demander:
... si ... il existe un droit fédéral, que ce soit une loi, la
common law ou autre chose, dûment édicté ou reconnu par le
4 Ce n'est pas le cas, cependant, des lois provinciales qui
pourraient prétendre réglementer l'élément essentiel de
l'entreprise.
Parlement, qui en permet l'exercice [de la compétence de la
Cour fédérale]. [C'est moi qui souligne.]
Le paragraphe 22(1) de la Loi sur la Cour
fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10] porte:
22. (1) La Division de première instance a compétence
concurrente en première instance, tant entre sujets qu'autre-
ment, dans tous les cas où une demande de redressement est
faite en vertu du droit maritime canadien ou d'une autre loi du
Canada en matière de navigation ou de marine marchande,
sauf dans la mesure où cette compétence a par ailleurs fait
l'objet d'une attribution spéciale.
Le juge en chef a conclu que l'article 2 de la Loi
sur la Cour fédérale, qui définit l'expression «droit
maritime canadien» par renvoi à la Loi sur l'Ami-
rauté et à la compétence antérieure de la Cour de
l'Échiquier, a introduit au Canada un ensemble de
règles de droit maritime permettant à la Cour
d'exercer sa compétence à cet égard.
De même, dans l'arrêt Antares Shipping Corpo
ration c. Le navire «Capricorn» et autres, [1980] 1
R.C.S. 553, la Cour a statué que, si on l'interpré-
tait à la lumière de l'arrêt Tropwood, l'alinéa
22(2)a) de la Loi sur la Cour fédérale, qui prévoit
que la Division de première instance a compétence
relativement à «toute demande portant sur le titre,
la possession ou la propriété d'un navire», consti-
tuait une loi fédérale applicable qui entre dans la
catégorie de «La navigation et les bâtiments ou
navires» et qui est expressément conçue pour
accorder compétence à la Cour fédérale sur des
demandes de la nature de celle présentée par l'ap-
pelante (voir les pages 559 et 560). L'action de
l'appelante visait l'exécution d'un contrat de vente
du navire intimé.
Dans l'arrêt Bensol Customs Brokers Ltd. c. Air
Canada, [1979] 2 C.F. 575 (C.A.), le juge Le
Dain a fait certaines remarques, aux pages 581 et
suivantes, quant au «lien qui doit exister entre la
loi fédérale applicable et la cause d'action pour
que la Cour ait compétence»:
Rien dans ce qui précède [c'est-à-dire dans l'arrêt Quebec
North Shore] ne laisse à penser que la demande doit être
fondée exclusivement sur une loi fédérale pour rencontrer l'exi-
gence juridictionnelle de l'article 101 de l'A.A.N.B., et je ne
pense pas que les termes «faite en vertu de» employés à l'article
23 de la Loi sur la Cour fédérale soient plus exigeants. Des
demandes se présenteront inévitablement dans lesquelles les
droits et obligations des parties seront déterminés en partie par
le droit fédéral et en partie par le droit provincial. Il devrait
être suffisant, à mon avis, que les droits et obligations des
parties soient déterminés jusqu'à un certain point par le droit
fédéral. Il ne devrait pas être nécessaire que la cause d'action
tire son origine du droit fédéral du moment que celui-ci lui est
applicable.
Enfin, cette question a de nouveau fait l'objet
d'un examen par la Cour suprême dans Rhine c.
La Reine; Prytula c. La Reine, [1980] 2 R.C.S.
442. Dans le premier arrêt mentionné, la Couronne
cherchait à recouvrer de l'appelant les sommes qui
lui avaient été avancées en vertu de la Loi sur les
paiements anticipés pour le grain des Prairies
[S.R.C. 1970, chap. P-18]. Dans le deuxième, la
Couronne cherchait à recouvrer le montant dû sur
un prêt consenti en vertu de la Loi canadienne sur
les prêts aux étudiants [S.R.C. 1970, chap. S - 171.
Le juge en chef Laskin a déclaré, aux pages 446 et
447:
... on prétend qu'il s'agit simplement de l'exécution d'une
obligation contractuelle ordinaire qui ne relève aucunement de
la législation fédérale, si ce n'est qu'elle tire son origine de
l'autorisation législative de verser le paiement anticipé.
Certes, l'application de la Loi emporte un engagement ou des
conséquences contractuelles, mais cela ne veut pas dire que la
Loi [Loi sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies]
est mise à l'écart une fois l'engagement pris ou le contrat signé.
La Loi a constamment des répercussions sur l'engagement, de
sorte que l'on peut dire à bon droit qu'il existe une législation
fédérale valide qui régit l'opération, objet du litige devant la
Cour fédérale. Est-il nécessaire d'ajouter qu'on ne peut invaria-
blement attribuer les «contrats» ou les autres créations juridi-
ques, comme les délits et quasi-délits, au contrôle législatif
provincial exclusif, ni les considérer, de même que la common
law, comme des matières ressortissant exclusivement au droit
provincial.
A la différence de la présente espèce, la loi n'offrait pas
d'abri aux opérations en cause dans l'affaire McNamara.
Ces remarques, ainsi que celles du juge Le Dain
dans l'arrêt Bensol, indiquent que lorsqu'une
affaire soulève à la fois un élément de réglementa-
tion législative fédérale et des aspects ressortissant
à la common law, les tribunaux de la province
concernée n'acquièrent pas nécessairement compé-
tence sur l'ensemble de cette affaire.
En l'espèce, l'Alliance de la Fonction publique
soutient que l'action de la demanderesse à son
égard est fondée sur sa responsabilité délictuelle
et, par conséquent, qu'il s'agit d'une affaire ressor-
tissant au droit provincial. L'action intentée contre
l'Alliance de la Fonction publique repose sur le fait
que cette dernière aurait recommandé à l'em-
ployeur de déclarer la demanderesse employée
excédentaire et de la mettre en disponibilité (voir
le paragraphe 21 de la déclaration modifiée); sur
son défaut de faciliter la réaffectation de la
demanderesse même si elle savait que des postes
pour une période déterminée étaient vacants (para-
graphe 29); sur son refus de présenter un grief au
sujet de l'avis d'excédentaire ét de l'avis de mise en
disponibilité (elle aurait préféré protéger d'autres
personnes embauchées pour une période détermi-
née) (paragraphe 30), et sur la violation générale
de son obligation d'assurer une représentation
équitable. On ne peut donc qu'affirmer que les
irrégularités dont se plaint la demanderesse et, par
conséquent, sa cause d'action, sont étroitement
liées à la Loi sur l'emploi dans la Fonction publi-
que [S.R.C. 1970, chap. P-32] et à son Règlement
d'application et à la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique («L.R.T.F.P.») [S.R.C.
1970, chap. P-35].
Suivant le sous-alinéa 40(1)a) (ii) de la
L.R.T.F.P., l'agent négociateur (en l'espèce
l'A.F.P.C.) a le droit exclusif de représenter un
employé au sujet d'un grief relatif à l'interpréta-
tion et à l'application de la convention collective. Il
est vrai que l'employée a le droit, en vertu des
paragraphes 90(1) et 91(1), de présenter son grief
et, éventuellement, de le renvoyer à l'arbitrage,
mais les paragraphes 90(2) et 91(2) prévoient que,
dès qu'il est question de l'interprétation et de
l'application de la convention collective, aucune
mesure ne peut être prise sans la coopération de
l'agent négociateur. Pour les fins de la présente
requête en radiation, il est raisonnable de statuer
que la Loi sur les relations de travail dans la
Fonction publique («L.R.T.F.P.») impose implici-
tement à l'agent négociateur l'obligation de repré-
senter adéquatement et équitablement les intérêts
des employés qu'il est habilité à représenter'.
Même s'il est exact d'affirmer que découle de la
common law l'obligation d'assurer une représenta-
tion équitable, il faut considérer, à mon avis, qu'il
s'agit à la fois de common law provinciale et
fédérale applicable aux champs de compétence
respectifs des provinces et du fédéral en matière de
relations de travail.
5 Dans l'arrêt Guilde de la marine marchande du Canada c.
Gagnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509, le juge Chouinard, qui
s'exprimait au nom de la Cour, a conclu à la p. 527 que le
principe suivant se dégageait de la jurisprudence et de la
doctrine:
1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d'agir à titre de
porte-parole des employés faisant partie d'une unité de négo-
(Suite à la page suivante)
Par conséquent, dans le présent cas, on peut dire
pour utiliser les termes qui figurent à la page 449
de l'arrêt Rhine/Prytula, «qu'il existe en l'espèce
une loi fédérale applicable qui appuie la compé-
tence de la Cour fédérale».
Compétence conférée par la loi
Le paragraphe 17(1) de la Loi sur la Cour
fédérale porte:
17. (1) La Division de première instance a compétence en
première instance dans tous les cas où l'on demande contre la
Couronne un redressement et, sauf disposition contraire, cette
compétence est exclusive. [C'est moi qui souligne.]
Ce paragraphe confère une compétence générale
à la Cour. Les paragraphes suivants de l'article 17
décrivent soit les restrictions apportées à la compé-
tence générale conférée au paragraphe 17(1) soit
ses aspects particuliers.
Il s'agit donc de déterminer si, en raison de la
compétence conférée à la Cour fédérale par le
paragraphe 17(1), un demandeur peut poursuivre
en même temps la Couronne et l'un de ses sujets
devant ladite Cour lorsque les causes d'action
contre chacun d'eux sont aussi étroitement liées
qu'en l'espèce (par exemple, en ce qui concerne la
prétendue collusion). Il semble, à la simple lecture
de cet article, qu'on ait voulu conférer une telle
compétence puisqu'elle porte sur les «cas où l'on
demande contre la Couronne un redressement».
Cette compétence ne vise pas seulement les «récla-
mations contre la Couronne» comme semble l'exi-
ger une interprétation plus étroite.
Que le Parlement ait eu l'intention de donner
cette portée plus large à l'article est une conclusion
qui non seulement semble ressortir de son libellé
mais peut en outre être raisonnablement tirée du
fait que certaines actions contre la Couronne fédé-
rale doivent être intentées devant la Cour fédérale
exclusivement. Il semble peu probable que le Par-
lement ait eu l'intention de désavantager les per-
sonnes qui se trouvent dans la situation de la
demanderesse en les contraignant à diviser une
cause d'action unique et à en faire valoir une
partie devant la Cour fédérale et l'autre devant les
tribunaux supérieurs des provinces. Si telle était
l'intention du Parlement, cela aurait pour consé-
(Suite de la page précédente)
ciation comporte en contrepartie l'obligation de la part du
syndicat d'une juste représentation de tous les salariés com-
pris dans l'unité.
quence d'exposer un demandeur, se trouvant dans
une situation semblable à celle de la demanderesse
en l'espèce, à des conclusions différentes, et même
contradictoires, devant des tribunaux différents et
de créer des embûches juridictionnelles et financiè-
res à l'endroit de ces personnes si elles décidaient
de poursuivre la Couronne fédérale. Je ne crois pas
que c'était là l'intention du Parlement. Bien qu'il
ne fasse aucun doute que la compétence des tribu-
naux statutaires est interprétée strictement en ce
qu'ils ne sont pas des tribunaux possédant une
compétence inhérente, il est bon de se rappeler que
l'article 11 de la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970,
chap. I-23, exige que l'on interprète les lois fédéra-
les de la manière la plus propre à assurer la
réalisation de leurs objets. En conséquence, il sem-
blerait que l'on doive considérer que le paragraphe
17(1) confère à la Cour fédérale compétence sur
l'ensemble de l'affaire dans un cas où, comme en
l'espèce, l'action de la demanderesse vise à la fois
l'employeur (la Couronne) et le syndicat
(l'A.F.P.).
Je voudrais en outre souligner que suivant la
portée qu'a, à mon avis, le paragraphe 17(1), il
n'accorde pas à la Cour fédérale quelque compé-
tence que ce soit sur des affaires entre sujets pour
la seule raison qu'une action pourrait éventuelle-
ment être intentée à l'encontre du fédéral mais ne
l'a pas été. Le paragraphe 17(1) ne peut servir de
fondement à la compétence exclusive ou concur-
rente de la Cour fédérale sans qu'une action soit
intentée directement contre la Couronne. Toute-
fois, lorsqu'une telle action est formée contre la
Couronne fédérale, j'estime que le libellé du para-
graphe 17(1) est suffisamment large pour permet-
tre qu'un codéfendeur, dans un cas comme celui
qui nous intéresse, soit poursuivi en même temps
que la Couronne.
Je sais qu'il existe d'autres décisions dans les-
quelles la Cour semble avoir adopté une opinion
contraire: Anglophoto Ltd. c. Le «Ikaros», [ 1973]
C.F. 483 (l ie inst.), à la page 498 (décision infir-
mée sur un autre point dans [1974] 1 C.F. 327
(C.A.)); Desbiens c. La Reine, [1974] 2 C.F. 20
(1 reinst.), à la page 22; Sunday c. L'Administra-
tion de la voie maritime du Saint-Laurent, [1977]
2 C.F. 3 (P e inst), à la page 9; La bande indienne
de Lubicon Lake c. R., [1981] 2 C.F. 317; (1980),
117 D.L.R. (3d) 247 (l re inst.) (bien qu'on trouve
le contraire dans l'affaire Davie Shipbuilding Ltd.
c. R., [1979] 2 C.F. 235; (1978), 90 D.L.R. (3d)
661 (P ° inst.)). Si les premières décisions mention-
nées s'appliquent à l'espèce alors, avec égards, je
dois exprimer mon désaccord avec la conclusion
qui y est exprimée. La raison pour laquelle il est
possible, selon moi, qu'elles ne s'appliquent pas est
la nature des affaires auxquelles elles se rappor-
tent. En l'espèce, l'action contre la Couronne
(employeur) et celle contre l'Alliance de la Fonc-
tion publique (syndicat) sont si entremêlées que les
conclusions de fait qui seraient tirées à l'égard de
l'un des défendeurs sont étroitement liées à celles
qui devraient l'être quant à l'autre.
À mon avis, cela distingue ces décisions du
présent cas. En outre, dans aucune des décisions
mentionnées plus haut, je n'ai trouvé d'examen
détaillé du libellé du paragraphe 17(1), bien qu'on
y fasse quelques renvois généraux dans l'affaire
Lubicon. De façon générale, il semble que ces
décisions se soient davantage attachées aux autres
paragraphes plus spécifiques de l'article 17 qu'à la
compétence générale conférée au paragraphe
17(1).
Il va de soi qu'une décision de la Cour d'appel
nous lierait. Cette dernière a rejeté, sans donner de
motifs, l'appel interjeté à l'encontre de la décision
Lubicon mentionnée plus haut: (1981), 13 D.L.R.
(4th) 159. Je n'ai pas considéré qu'il s'agissait là
d'un précédent faisant autorité aux fins de l'espèce
car, comme je l'ai fait remarquer précédemment,
je ne suis pas convaincue que les affaires liant les
codéfendeurs dans l'arrêt susmentionné et en l'es-
pèce présentent suffisamment de similitudes pour
justifier une telle conclusion. De plus, même si ce
motif revêt peut-être moins d'importance, rien
n'indique qu'on a soumis à la Cour une argumen
tation détaillée reposant sur le libellé du paragra-
phe 17(1).
Je constate que la Cour suprême a traité d'une
question assez semblable dans l'arrêt Sparrows
Point v. Greater Vancouver Water District, [1951]
R.C.S. 396. Il s'agissait de déterminer si la compé-
tence de la Cour de l'Échiquier en matière de droit
maritime lui permettait de statuer sur une action
intentée contre le Conseil des ports pour la mise en
service d'un pont d'une manière négligente. Le
juge Rand a écrit, à la page 411:
[TRADUCTION] Des considérations pratiques autant que la
justice même militent en faveur d'un système où une seule
cause d'action doit être réglée sous une seule branche du droit
et par une seule procédure au cours de laquelle le demandeur
peut invoquer tous les recours auxquels il a droit; toute autre
solution irait à l'encontre du but des dispositions législatives. La
demande porte sur le dommage causé «par un navire»; les
recours in personam sont contre les responsables du fait du
navire. Selon mon interprétation des dispositions législatives, les
coauteurs d'un dommage peuvent être adjoints dans une action
régulièrement intentée.
Et, pour sa part, le juge Kellock a dit, à la page
402:
[TRADUCTION] Si l'action contre le Conseil des ports ne peut
pas être instruite par la Cour d'amirauté, il s'ensuit que le
Water District aurait dû intenter deux poursuites: la première
contre le navire en la juridiction d'amirauté de la Cour de
l'Échiquier; la seconde devant une autre juridiction.
À mon avis, dans un cas de ce genre, la loi qui, à première
vue, a attribué compétence à la Cour d'amirauté, devrait aussi
être interprétée comme confirmant sa juridiction au moins dans
un cas où le navire est partie au procès. On ne nous a cité
aucune jurisprudence contraire et je n'ai pas pu en trouver; les
considérations pratiques militent dans le sens de l'existence
d'une telle compétence.
Même si cette affaire portait sur la compétence
de la Cour en matière d'amirauté et sur des dispo
sitions législatives différentes de celles qui sont
applicables en l'espèce, j'estime que l'approche
adoptée par la Cour suprême dans cette affaire est
pertinente et instructive relativement à la démar-
che à suivre pour interpréter le paragraphe 17(1).
Arguments de la défenderesse
En dernier lieu, je dois examiner les décisions
(outre les arrêts Quebec North Shore et McNa-
mara mentionnés plus haut) citées par l'avocat de
l'Alliance de la Fonction publique: Nichols c. R.,
[1980] 1 C.F. 646 (i re inst.); Pacific Western
Airlines Ltd. c. R., [1980] 1 C.F. 86 (C.A.); Union
Oil Co. of Canada Ltd. c. La Reine, [1974] 2 C.F.
452 (1`e inst.); R. c. Thomas Fuller Construction
Co. (1958) Ltd. et autre, [1980] 1 R.C.S. 695.
L'affaire Nichols concernait une action en res-
ponsabilité délictuelle intentée par un détenu d'un
pénitencier contre un dentiste pour négligence
dans l'exécution d'une intervention chirurgicale.
Le juge Mahoney a conclu qu'il n'existait aucune
législation fédérale applicable sur laquelle fonder
une action contre le défendeur. Dans l'affaire
Pacific Western Airlines, il s'agissait d'une action
intentée contre la Couronne fédérale et quarante-
deux autres défendeurs, à la suite d'un accident
d'avion à Cranbrook (C.-B.). La Cour d'appel
fédérale a statué que l'action était fondée sur la
responsabilité délictuelle et sur la responsabilité
contractuelle et qu'il «n'exist[ait] aucune loi fédé-
rale régissant la responsabilité des intimés» [page
89]. Dans l'affaire Union Oil, la demanderesse
avait intenté une action afin d'obtenir le rembour-
sement de la taxe d'accise due à la Couronne
fédérale et qu'elle n'avait pas incluse initialement
dans le prix de vente à la défenderesse acheteur.
L'action de la demanderesse visait également la
Couronne fédérale, à titre de défenderesse, pour le
motif qu'elle avait mal évalué les taxes d'accise. Le
juge Collier a statué (à la page 457) que la
demande formulée contre la première défenderesse
se fondait essentiellement sur le contrat et il a
conclu que la Loi sur la Cour fédérale ne lui
conférait pas la compétence pour connaître d'une
telle demande. Dans l'arrêt Fuller, il s'agissait
d'une action dans laquelle la Couronne, à titre de
défenderesse, demandait la mise en cause de la
compagnie de construction de qui elle cherchait à
être indemnisée par suite de l'action principale en
négligence intentée contre elle. Parlant pour la
Cour, le juge Pigeon a conclu (à la page 711):
... l'objection à la compétence n'est pas fondée sur l'interpréta-
tion de la loi, mais découle de la restriction constitutionnelle du
pouvoir du Parlement laquelle, en ce qui a trait au système
judiciaire canadien, le limite à l'établissement de «tribunaux ...
pour la meilleure administration des lois du Canada». En
l'espèce, les lois sur lesquelles se fonde «l'avis à la tierce partie»
ne sont pas celles du Canada mais celles de la province de
l'Ontario.
Toutes les décisions citées par l'Alliance de la
Fonction publique concernaient des cas où il
n'existait pas de loi fédérale sous-jacente comme
l'exige l'article 101 de la Loi constitutionnelle de
1867. Comme ce n'est pas le cas en l'espèce, ces
décisions ne s'appliquent pas.
Conclusion
Étant donné qu'il existe, comme l'exige l'article
101 de la Loi constitutionnelle de 1867, une com-
pétence constitutionnelle suffisante pour justifier
une action contre la défenderesse Alliance de la
Fonction publique et étant donné que la Cour a
compétence, en vertu du paragraphe 17(1), la
requête présentée par l'Alliance de la Fonction
publique en vue d'être radiée comme partie défen-
deresse à la présente action est rejetée.
ORDONNANCE
LA COUR STATUE que la requête de la défende-
resse Alliance de la Fonction publique du Canada
en vue d'être radiée comme partie défenderesse à
la présente action est rejetée.
LA COUR STATUE EN OUTRE que les dépens de
la présente demande suivront le sort de la cause.
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