A-603-83
Kuldip Singh Mundi (appelant)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Maho-
ney et Marceau—Vancouver, 18 octobre; Ottawa,
10 décembre 1985.
Immigration — Appel du rejet par la Commission d'appel
de l'immmigration de l'appel formé à l'encontre du rejet de la
demande de droit d'établissement présentée par le père de
l'appelante et par les personnes à sa charge — Le requérant a
présenté un faux document pour établir l'âge de son fils —
L'agent des visas a conclu que le requérant avait violé l'art.
9(3) de la Loi et qu'il faisait donc partie de la catégorie de
personnes non admissibles décrite à l'art. 19(2)d) — La pré-
sentation d'un faux document, même si le requérant savait
qu'il s'agissait d'un faux, ne peut préjudicier à son admissibi-
lité ou à celle des autres personnes à sa charge — Selon l'art.
79(1)b) de la Loi, une demande ne doit être refusée intégrale-
ment que si le requérant ne satisfait pas aux conditions —
L'art. 6(1)a) du Règlement autorise la délivrance d'un visa
d'immigrant à un requérant admissible et aux personnes à sa
charge qui possèdent les qualités requises — Loi sur l'immi-
gration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 3c), 9(3),
19(1),(2) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 47, art. 23),
79(1),(2), 84 — Règlement sur l'immigration de 1978,
DORS/78-172, art. 2(1) (mod. par DORS/84-850, art. 1),
6(1)a) (mod. par DORS/83-675, art. 2) — Loi d'interprétation,
S.R.C. 1970, chap. 1-23, art. 26(7).
Appel est interjeté d'une décision par laquelle la Commission
d'appel de l'immigration a rejeté un appel formé à l'encontre du
rejet d'une demande de droit d'établissement que le père de
l'appelant a présentée pour lui-même, sa femme, son fils et ses
filles. La demande a été rejetée parce que le requérant a
présenté un faux document pour établir l'âge de son fils, en
violation du paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration de
1976. L'agent des visas a conclu que le requérant faisait partie
d'une catégorie de personnes non admissibles visées à l'alinéa
19(2)d). La Commission a maintenu la lettre de refus et a
statué que le retrait du fils de la demande ne rendait pas les
autres requérants admissibles à s'établir au Canada. La Com
mission s'est fondée sur la maxime «quiconque demande l'équité
doit être sans reproche».
Arrêt (le juge Mahoney dissident): l'appel doit être accueilli.
Le juge en chef Thurlow (motifs concourants du juge Mar-
ceau): Le résultat de la présentation par le requérant d'un faux
document à titre de preuve de l'âge de son fils fut que l'agent
des visas n'était pas convaincu que le fils était admissible à titre
de personne à charge. Cela n'a pas préjudicié à l'admissibilité
du requérant et des autres personnes à sa charge, même si le
requérant savait que le certificat était faux. De plus, le paragra-
phe 19(2) ne joue qu'au moment où l'admissibilité est
déterminée.
La «personne appartenant à la catégorie de la famille» dont
parle l'alinéa 79(1)b) doit être la même «personne appartenant
à la catégorie de la famille» qui a présenté la demande et qui est
visée au début de l'alinéa. C'est le père, auteur de la demande,
qui doit être visé par l'alinéa 79(1)b). Seule l'incapacité du
requérant à remplir les conditions prévues par la Loi et par le
Règlement justifie le rejet de sa demande.
Il n'est pas nécessaire que les mots «him» et «his» soient
interprétés au pluriel pour que la signification du paragraphe
9(3) ressorte clairement.
L'alinéa 6(1)a) du Règlement n'oblige pas un agent des visas
à ne délivrer un visa au requérant principal que si lui et toutes
ses personnes à charge remplissent toutes les conditions prévues
par la Loi et par le Règlement. Il autorise la délivrance d'un
visa à un requérant admissible et aux personnes à sa charge qui
possèdent les qualités requises. Il appartient au requérant de
décider si le succès partiel de sa demande est acceptable.
La maxime «quiconque demande l'équité doit être sans repro-
che» est étrangère au litige.
Le juge Mahoney (dissident): L'objectif de la Loi tel qu'é-
noncé à l'alinéa 3c) reconnaît la nécessité de faciliter la réunion
au Canada des citoyens canadiens avec leurs proches parents de
l'étranger. Cet objectif permet d'écarter une interprétation du
paragraphe 79(1) qui exigerait qu'une demande soit examinée
sans tenir compte des personnes à charge que l'on se propose
d'amener au Canada. Si on laissait au requérant le choix de
venir au Canada seul, cela aurait pour effet de diviser davan-
tage les familles. Le requérant n'était pas admissible en vertu
de l'alinéa 19(2)c) de la Loi.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS CITÉES:
Kang c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration,
[1981] 2 C.F. 807 (C.A.); Ministre de la Main-d'oeuvre
et de l'Immigration c. Brooks, [1974] R.C.S. 850.
AVOCATS:
Andrew J. A. McKinley pour l'appelant.
Gordon W. Carscadden pour l'intimé.
PROCUREURS:
Rothe and Company, Vancouver, pour l'appe-
lant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Appel est inter-
jeté en vertu de l'article 84 de la Loi sur l'immi-
gration de 1976 [S.C. 1976-77, chap. 52] d'une
décision par laquelle la Commission d'appel de
l'immigration a rejeté l'appel que l'appelant a
formé, en vertu du paragraphe 79(2) de la Loi, à
l'encontre du refus d'un agent des visas d'accepter
la demande de droit d'établissement que le père de
l'appelant, Ajmer Singh Mundi, a présentée le 23
février 1979 pour lui-même, sa femme, son fils,
Balwinder, et ses deux filles. La demande était
parrainée par l'appelant qui est, et qui était pen
dant la période en cause, citoyen canadien. Elle a
été rejetée sur le fondement du paragraphe 79(1).
Les paragraphes susmentionnés disposent:
79. (1) Un agent d'immigration ou un agent des visas peut
rejeter une demande parrainée de droit d'établissement présen-
tée par une personne appartenant à la catégorie de la famille,
au motif que
a) le répondant ne satisfait pas aux exigences des règlements
relatifs aux répondants, ou
b) la personne appartenant à la catégorie de la famille ne
satisfait pas aux exigences de la présente loi ou des
règlements.
Le répondant doit alors être informé des motifs du rejet.
(2) Au cas de rejet, en vertu du paragraphe (1), d'une
demande de droit d'établissement parrainée par un citoyen
canadien, celui-ci peut interjeter appel à la Commission en
invoquant l'un ou les deux motifs suivants:
a) un moyen d'appel comportant une question de droit ou de
fait ou une question mixte de droit et de fait;
b) le fait que des considérations humanitaires ou de compas
sion justifient l'octroi d'une mesure spéciale.
La lettre par laquelle l'appelant a été informé
des motifs du rejet de la demande était datée du 12
mars 1981. En voici un extrait:
[TRADUCTION] Monsieur Mundi:
La présente concerne votre engagement à venir en aide à vos
parents, à vos deux soeurs, et à un frère qui ont présenté une
demande de résidence permanente au Canada à notre bureau à
New Delhi (Inde).
Notre bureau à New Delhi a examiné avec soin la demande de
M. Ajmer Singh Mundi et l'a rejetée. Une lettre expliquant les
raisons du rejet a été envoyée à votre père. En voici un extrait:
«Le paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration de 1976 exige
que toute personne réponde sincèrement aux questions de
l'agent des visas afin d'établir que son admission ne contrevien-
drait pas à la Loi ni au Règlement.»
«Vous n'avez pas rempli les exigences du paragraphe 9(3) de la
Loi sur l'immigration, en ce que vous, ou un tiers agissant en
votre nom, avez présenté de faux documents visant à établir
l'âge, l'identité et le lien de parenté de Balwinder Singh.»
«J'ai le regret de vous informer que vous faites partie de la
catégorie de personnes non admissibles décrite à l'alinéa
19(2)d) de la Loi sur l'immigration de 1976. Par conséquent,
votre demande a été rejetée.»
Sur ce, l'appelant a interjeté appel à la Commis
sion. Quelque huit mois plus tard, il a déposé
auprès de la Commission un avis visant à retirer
son frère, Balwinder, de l'appel. Le dossier soumis
à la Cour donne très peu de renseignements sur ce
qui s'est produit pendant l'audition de l'appel. Il
ressort de la «feuille de renseignements à l'audi-
tion» que l'appelant était représenté par un avocat
et qu'il a fait une déposition. Il n'existe pas de
transcription des procédures.
Dans ses motifs, la Commission a cité la lettre
de refus ainsi qu'une déclaration solennelle de
l'agent des visas, dans laquelle celui-ci écrit:
[TRADUCTION] L'auteur de la demande appartient, semble-t-il,
à une catégorie de personnes dont l'admission est interdite aux
termes de l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration, pour les
raisons suivantes:
Ajmer Singh, auteur principal de la demande, a envoyé les
documents suivants afin d'établir l'admissibilité au Canada de
Balwinder Singh:
a) une lettre de recherches mentionnant que l'inscription de
la naissance de Balwinder Singh, fils d'Ajmer Singh, n'a pas
été retrouvée dans les registres officiels des naissances de
1958;
b) un certificat de changement d'école indiquant que Balwin-
der Singh, fils d'Ajmer Singh, est né le 29 septembre 1958 et
qu'il a fréquenté l'école primaire publique, à Kaddon, du I"
avril 1965 au 12 avril 1970.
J'ai examiné les membres de la famille le 12 février 1980.
Balwinder Singh m'a semblé avoir environ vingt-quatre ou
vingt-cinq ans. Comme l'âge apparent de ce dernier ne corres-
pondait pas à celui qu'il était censé avoir, d'après la date de
naissance inscrite dans le certificat de changement d'école, ce
document a été envoyé pour être vérifié le 26 mars 1980. Le
responsable adjoint des services d'éducation du district (ensei-
gnement primaire), à Ludhiana, nous a avisé, dans une lettre
datée du 2 juin 1980, que le certificat était faux. Ajmer Singh
n'a pas rempli les exigences du paragraphe 9(3) de la Loi sur
l'immigration de 1976, en ce qu'il a fourni à notre bureau un
faux certificat d'études afin de faciliter l'admission au Canada
de Balwinder Singh.
La décision de la Commission est comprise dans
le passage suivant:
[TRADUCTION] Le conseil de l'appelant a prétendu qu'il
avait retiré l'appel relatif à Balwinder Singh Mundi, pour qui
un faux certificat d'études avait été fourni, afin de ne pas nuire
aux chances des autres requérants d'être admis au Canada. Il a
également prétendu que le certificat d'études de Balwinder
Singh Mundi n'était pas l'un des documents formellement
réclamés par l'agent des visas aux termes du paragraphe 9(3)
de la Loi sur l'immigration de 1976:
(3) Toute personne doit répondre sincèrement aux questions
de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'il réclame
pour établir que son admission ne contreviendrait ni à la
présente Loi ni aux règlements.
Les deux arguments ont été rejetés comme frivoles. Les
certificats d'études sont demandés comme preuve de la date de
naissance et de la paternité à tous ceux qui présentent une
demande en Inde. Le fait que l'appel ait été retiré en ce qui a
trait à Balwinder Singh ne décharge pas l'auteur principal de la
demande de sa responsabilité à l'égard du faux document,
même si l'appelant a affirmé que ce dernier ignorait qu'il était
faux. Le requérant principal est responsable de l'authenticité de
tous les documents qu'il a présentés à l'appui de sa demande.
La Commission a jugé que la lettre de rejet était valide en
droit.
Des arguments fondés sur l'équité ont été présentés; ils
reposaient surtout sur le fait que l'aîné est responsable de ses
parents dans la culture sikhe et qu'en l'espèce, l'intéressé avait
des revenus et un logement lui permettant de prendre facile-
ment soin de la famille. Le conseil de l'appelant a plaidé en
faveur de la réunion des membres de la famille, même si
Balwinder Singh aurait été obligé de demeurer en Inde.
Toutefois, la maxime «quiconque demande l'équité doit être
sans reproche» ne s'applique pas en l'espèce, car un faux
document a été présenté à l'appui de la demande. Il n'existe pas
de motifs suffisants permettant d'accorder une mesure spéciale.
L'appel est rejeté conformément aux alinéas 79(2)a) et b) de
la Loi sur l'immigration de 1976.
Je conviens avec la Commission que l'argument
selon lequel le certificat d'études n'était pas l'un
des documents réclamés par l'agent des visas aux
termes du paragraphe 9(3) de la Loi n'est pas
soutenable. Les certificats de naissance et d'études
ont été réclamés dans une lettre qui a été envoyée
au requérant le 14 décembre 1978. Le document a
été fourni en réponse à cette demande de preuve
documentaire dans le but d'établir la date de
naissance de Balwinder. Je conviens également que
le requérant est responsable d'avoir fourni un faux
document et doit supporter toutes les conséquences
juridiques découlant du fait qu'il a soumis le docu
ment en question comme preuve de l'âge de son
fils. Toutefois, je ne crois pas qu'il faille en con-
clure que le requérant était une personne décrite à
l'alinéa 19(2)d)' de la Loi, ou à tout autre alinéa
de ce paragraphe, et que, pour ce motif, il faisait
partie d'une catégorie de personnes non admissi-
bles. Selon moi, le résultat a été que l'agent des
visas, qui, après avoir examiné Balwinder au cours
' 19....
(2) Ne peuvent obtenir l'admission, les immigrants et, sous
réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui
d) ne remplissent pas les conditions prévues à la présente loi
ou aux règlements ainsi qu'aux instructions et directives
établis sous leur empire.
de l'entrevue du 12 février 1980 avait estimé qu'il
était âgé de 24 ou 25 ans, n'était pas convaincu
qu'il était admissible à titre de personne à charge
du requérant. Il ne pouvait être admis à ce titre
qu'à condition d'être âgé de moins de 21 ans au
moment où la demande a été faite. Voir la défini-
tion de «personne à charge» au paragraphe 2(1) du
Règlement sur l'immigration de 1978 [DORS/78-
172 (mod. par DORS/84-850, art. 1)]. Par consé-
quent, et tant qu'une preuve satisfaisante de l'âge
de Balwinder n'était pas produite, ce dernier
n'avait pas droit à un visa.
J'estime toutefois que le défaut de convaincre
l'agent des visas relativement à l'âge de Balwinder
ne pouvait préjudicier à l'admissibilité du requé-
rant ou à celle de son épouse et de ses filles que si
le faux certificat relatif à l'âge de Balwinder pré-
sentait aussi un intérêt pour l'admissibilité du
requérant.
À cet égard, la seule disposition qu'a invoquée
l'agent des visas ou l'avocat de l'intimé pendant les
plaidoiries à l'appui de la prétention selon laquelle
le requérant n'était pas admissible à titre de
membre de la catégorie de personne décrite à
l'alinéa 19(2)d) est le paragraphe 9(3), qui est
ainsi rédigé:
9....
(3) Toute personne doit répondre sincèrement aux questions
de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'il réclame
pour établir que son admission ne contreviendrait ni à la
présente loi ni aux règlements.
On a soutenu que l'appelant ne s'est pas con
formé à cette disposition en présentant le faux
certificat. Toutefois, même si l'on présume que le
requérant savait que le certificat était faux, j'es-
time que ce fait n'est pertinent qu'en ce qui a trait
à l'admissibilité de Balwinder à titre de personne à
charge du requérant et qu'il est étranger à la
question de savoir si l'admission du requérant lui-
même contrevenait aux conditions prévues par la
Loi ou au Règlement. De plus, c'est au moment où
l'admissibilité est déterminée que joue le paragra-
phe 19(2). Voir Kang c. Le ministre de l'Emploi et
de l'Immigration 2 . Je ne crois donc pas que le
motif invoqué dans la lettre de refus permette de
justifier ce refus.
2 [1981] 2 C.F. 807 (C.A.).
Mais il existe, à mon avis, un autre motif pour
lequel le rejet est sans effet. Je ne crois pas que
l'agent des visas était justifié de rejeter intégrale-
ment la demande pour le seul motif qu'il estimait
que Balwinder n'était pas une personne à charge et
qu'il n'avait donc pas droit à un visa. L'agent des
visas exerçait alors le pouvoir qu'il tient du para-
graphe 79(1). Ce paragraphe parle d'abord d'une
demande de droit d'établissement présentée par
«une personne appartenant à la catégorie de la
famille». On peut penser que cette formulation
pourrait comprendre le pluriel si la demande était
présentée par plusieurs personnes appartenant à la
catégorie de la famille. Il me semble toutefois que
le ou les membres de la catégorie de la famille
dont parle l'alinéa b) du paragraphe sont les
mêmes que ceux qui ont présenté la demande et
qui sont mentionnés au début du paragraphe. En
l'espèce, c'est le père, Ajmer Singh Mundi qui a
présenté la demande et, selon moi, c'est lui qui est
visé par l'alinéa b). Seule son incapacité à remplir
les conditions prévues à la Loi ou au Règlement
justifiait le rejet intégral de sa demande, ce qui
n'est pas le cas en l'espèce. Il n'a pas été établi que
le requérant, sa femme ou ses filles ne pouvaient
remplir ces conditions, et il n'existe aucun fonde-
ment juridique pour leur refuser les visas.
Même si l'on pouvait soutenir qu'il y avait au
moins deux demandes, l'une présentée par le
requérant et l'autre par Balwinder, seule la
demande de Balwinder pourrait être rejetée en
vertu du paragraphe en cause puisque les faits
n'indiquent pas que le requérant et Balwinder
étaient tous deux incapables de remplir les condi
tions prévues à la Loi ou au Règlement.
L'intimé a prétendu que pour donner effet à
l'objet de la Loi, les mots «him» et «his» de la
version anglaise du paragraphe 9(3) doivent être
interprétés au pluriel de façon à s'appliquer aux
réponses et aux pièces concernant l'admissibilité
des personnes à charge du requérant. Ce n'est pas
mon avis. Il me semble que la signification du
paragraphe ressort clairement des mots utilisés et
qu'elle ne doit pas être étendue pour tenir compte
d'une intention quelconque qu'aurait eue mais que
n'a pas exprimée le législateur.
On a prétendu, à titre subsidiaire, que le faux
certificat a un lien réel avec l'admissibilité du
requérant puisque, en vertu de l'alinéa 6(1)a)
[mod. par DORS/83-675, art. 2] du Règlement,
l'agent des visas ne peut délivrer un visa d'immi-
grant au requérant principal que si lui et toutes les
personnes à sa charge satisfont aux exigences de la
Loi et du Règlement.
Le Règlement dispose:
6. (1) Lorsqu'une personne appartenant à la catégorie de la
famille présente une demande de visa d'immigrant, l'agent des
visas peut lui en délivrer un ainsi qu'aux personnes à sa charge
qui l'accompagnent,
a) si elle et les personnes à sa charge, qu'elles l'accompa-
gnent ou non, ne font pas partie d'une catégorie de personnes
non admissibles et satisfont aux exigences de la Loi et du
présent règlement;
Je ne crois pas que cette disposition interdise la
délivrance d'un visa au requérant et à l'une quel-
conque des personnes à sa charge dont l'admission,
d'après l'agent des visas, ne contreviendrait pas à
la Loi ou au Règlement. Au contraire, j'estime
qu'elle autorise clairement la délivrance d'un visa
à un requérant admissible ainsi qu'aux personnes à
sa charge qui possèdent les qualités requises. S'il
était décidé qu'un autre membre de la famille pour
lequel on a demandé un visa n'est pas une personne
à charge, il appartiendrait alors au requérant de
décider si le succès partiel de sa demande est
acceptable mais cela, il me semble, ne porte pas
atteinte à l'autorité et au devoir de l'agent des
visas d'accorder un visa au requérant ainsi qu'aux
personnes qu'il juge admissibles à titre de person-
nes à charge. La situation qui se présente en
l'espèce, n'est pas que Balwinder n'est pas admissi
ble au Canada mais plutôt qu'il n'y est pas admis
sible à titre de personne à charge du requérant,
l'agent des visas n'ayant pas été convaincu qu'à
l'époque pertinente, il était âgé de moins de 21 ans.
Comme l'agent des visas a estimé que Balwinder
n'était pas une personne à charge au sens de la
définition, il s'ensuit que l'alinéa 6(1)a) permettait
de délivrer des visas aux autres requérants.
À mon avis, l'appel devrait donc être accueilli.
Toutefois, avant de me dessaisir de cette affaire, je
précise que je ne veux pas que l'on croit que
j'approuve la manière dont la Commission a exercé
sa compétence relativement aux mesures spéciales
demandées pour des considérations humanitaires
ou de compassion. Il me semble qu'en invoquant et
en prenant en considération la maxime «quiconque
demande l'équité doit être sans reproche», la Com-
mission s'est fondée sur un principe qui, du moins
à première vue, me paraît étranger au litige.
J'accueillerais l'appel, j'annulerais la décision de
la Commission d'appel de l'immigration et le refus
de l'agent des visas et je renverrais l'affaire au
Ministre afin qu'il reprenne l'examen de la
demande du requérant en tenant pour acquis qu'il
ne fait pas partie de la catégorie de personnes non
admissibles décrite à l'alinéa 19(2)d) de la Loi.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY (dissident): J'ai eu l'avan-
tage de prendre connaissance des motifs de juge-
ment qu'a rédigés en l'espèce le juge en chef, et il
m'est impossible de souscrire au résultat qu'il pro
pose. Il a amplement exposé les faits ainsi que la
plupart des dispositions pertinentes de la Loi et du
Règlement. Je conviens que le non-respect par
Ajmer Singh Mundi des exigences du paragraphe
9(3) n'est pas décisif. Sa seule importance tient au
fait qu'il a été impossible d'établir que Balwinder
Singh Mundi n'était pas âgé de moins de 21 ans
lorsque la demande a été présentée.
Hormis le paragraphe 9(3), les dispositions de
fond de la Loi et du Règlement en cause dans le
présent appel ont toutes été adoptées afin de pro-
mouvoir l'objectif énoncé à l'alinéa 3c) de la Loi.
3. Il est, par les présentes, déclaré que la politique d'immi-
gration du Canada, ainsi que les règles et règlements établis en
vertu de la présente loi, sont conçus et mis en oeuvre en vue de
promouvoir ses intérêts sur le plan interne et international, en
reconnaissant la nécessité
c) de faciliter la réunion au Canada des citoyens canadiens et
résidents permanents avec leurs proches parents de
l'étranger;
À mon humble avis, cet objectif déclaré permet
d'écarter définitivement une interprétation littérale
stricte du paragraphe 79(1) de la Loi, qui exigerait
qu'une demande présentée par une personne
appartenant à la catégorie de famille soit examinée
en fonction du seul auteur de la demande, indépen-
damment des personnes à charge qu'il se propose,
dans sa demande, d'amener avec lui au Canada.
Une telle interprétation obligerait à accorder un
visa d'immigrant à un parent parrainé admissible
même si en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi, il
pouvait être nécessaire de refuser l'admission du
conjoint du requérant ou celle de l'un ou plusieurs
de ses enfants âgés de moins de 21 ans. En toute
déférence, j'estime que la réunion des familles au
Canada ne sera pas facilitée en accordant, par
exemple, à un parent le droit d'être réuni avec son
enfant canadien d'âge adulte, tout en laissant der-
rière lui un époux ou un enfant en bas âge atteint
de maladie chronique. C'est pourtant le résultat
qui est proposé; le choix de venir au Canada à titre
d'immigrant doit appartenir au requérant seul, s'il
est lui-même admissible. Cela ne peut avoir pour
effet que de diviser davantage les familles, non de
les réunir.
À mon sens, l'agent des visas était saisi d'une
demande présentée par Ajmer Singh Mundi, dont
faisait partie Balwinder Singh Mundi à titre de
personne à charge accompagnant l'auteur princi
pal de la demande. Voici le libellé de la définition
pertinente de personnes à charge, à l'article 2 du
Règlement sur l'immigration de 1978 [mod. par
DORS/84-850, art. 1]:
2. (1) ...
«personne à charge» désigne
a) par rapport à une personne qui est un immigrant,
(ii) son fils ou sa fille ou celui ou celle de son conjoint, non
marié et âgé
(A) de moins de 21 ans au moment où cette personne
présente une demande de visa d'immigrant ..
Ajmer Singh Mundi n'a pas réussi à démontrer
qu'une personne à sa charge mentionnée dans sa
demande comme devant l'accompagner était effec-
tivement une personne à charge lorsque la
demande a été présentée. Cela étant, Ajmer Singh
Mundi faisait partie de la catégorie de personnes
décrite à l'alinéa 19(2)c) [mod. par S.C. 1980-81-
82-83, chap. 47, art. 23] de la Loi.
19....
(2) Ne peuvent obtenir l'admission, les immigrants ... qui
c) accompagnent un membre de leur famille qui peut se voir
refuser l'admission ou qui n'est pas par ailleurs autorisé à
entrer au Canada; ou
La décision portait qu'Ajmer Singh Mundi n'avait
pas le droit d'être admis au Canada à titre d'immi-
grant. Cette décision était valide en droit, même si
elle a été prise par l'agent des visas et si elle a été
maintenue par la Commission d'appel de l'immi-
gration pour un motif erroné. Par conséquent,
l'appel ne devrait pas être accueilli.
Je suis d'avis de rejeter l'appel.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU: Je conviens avec le juge en
chef que le présent appel doit être accueilli. Pour
dire que le requérant (le père) ne s'était pas con
formé aux exigences du paragraphe 9(3), et n'était
donc pas admissible à titre de personne apparte-
nant à la catégorie décrite à l'alinéa 19(2)d),
l'agent d'immigration et la Commission ont dû
élargir la portée de la disposition en y ajoutant des
mots qui ne s'y trouvaient pas. Dans un texte
législatif, le singulier peut bien sûr comprendre le
pluriel (voir le paragraphe 26(7) de la Loi d'inter-
prétation [S.R.C. 1970, chap. I-231, mais ce n'est
pas nécessairement le cas. C'est l'intention du
législateur qui doit primer. Le paragraphe 9(3)
adopte ici une règle dont la violation entraîne, en
vertu de l'alinéa 19(2)d), une sanction très sévère
qui est imposée peu importe que les faux rensei-
gnements aient été fournis à dessein ou non,
(Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration
c. Brooks, [ 1974] R.C.S. 850). Selon moi, la
portée d'une telle règle doit être interprétée de
manière stricte et limitative.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.