A-727-85
Willis Elvis James Maxie (appelant) (requérant)
c.
Commission nationale des libérations condition-
nelles et Service correctionnel du Canada (inti-
més) (intimés)
RÉPERTORIÉ: MAXIE c. CANADA (COMMISSION NATIONALE
DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Heald
et Hugessen—Saskatoon, 23 et 24 octobre;
Ottawa, 13 novembre 1986.
Libération conditionnelle — L'appelant a commis des
infractions pendant qu'il se trouvait en liberté sous surveil
lance obligatoire — Il a été déclaré coupable de ces infractions
et condamné à une peine d'emprisonnement consécutive — La
surveillance obligatoire du requérant a été révoquée — Appel
est interjeté de la décision refusant l'annulation de cette
révocation — La Commission a décidé cette révocation sans
outrepassser ses pouvoirs — En vertu de la Loi sur la libéra-
tion conditionnelle de détenus, la Commission est exclusive-
ment compétente pour accorder, refuser d'octroyer ou révoquer
la libération conditionnelle et elle jouit d'une discrétion abso-
lue à cet égard — L'art. 15(2) de la Loi met sur le même pied
la surveillance obligatoire et la libération conditionnelle — La
révocation a été décidée à la lumière des critères appropriés —
Appel rejeté — Loi sur la libération conditionnelle de détenus,
S.R.C. 1970, chap. P-2, art. 6 (mod. par S.C. 1976-77, chap.
53, art. 23), 10(1)b),e), 14(1) (mod. par S.R.C. 1970 (1 e ' Supp.),
chap. 31, art. 1; S.C. 1977-78, chap. 22, art. 19), 15(2),(4)
(mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 28), 20 (mod., idem, art.
31).
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures
criminelles et pénales — Le requérant a commis des infrac
tions alors qu'il se trouvait en surveillance obligatoire — Une
peine d'emprisonnement consécutive a été imposée — La sur
veillance obligatoire du requérant a été révoquée — La révoca-
tion a été décidée en appliquant les critères appropriés — Les
intimés n'étaient pas tenus d'établir la «conformité à la
Charte» des critères utilisés — Il appartenait à l'appelant de
démontrer que la décision de la Commission était erronée —
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie
I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982
sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 9, 11h) — Loi
constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.).
Droit constitutionnel — Charte des droits — Vie, liberté et
sécurité — La surveillance obligatoire du requérant a été
révoquée après qu'il eut été déclaré coupable d'infractions
commises alors qu'il était en liberté — Le détenu requérant
doit purger le reste d'une peine antérieure en plus de sa
nouvelle peine — Perte de la réduction de peine — Le requé-
rant est-il privé de sa liberté parce qu'il est passible d'une
période supplémentaire d'emprisonnement à la suite de la
révocation de sa surveillance obligatoire? — La révocation
résulte d'une décision de la Commission visant les mesures à
prendre à l'égard du manquement aux conditions de la sur
veillance obligatoire — Le principe condamnant la double
incrimination n'a pas été violé — L'incarcération sanctionnant
les nouvelles infractions de l'appelant lui est imposée parce
qu'il a enfreint le droit criminel — L'incarcération subie par
l'appelant à la suite de la révocation de sa surveillance obliga-
toire lui est imposée parce qu'il a manqué aux conditions de sa
mise en liberté — Charte canadienne des droits et libertés, qui
constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982,
annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 7.
La surveillance obligatoire de l'appelant a été révoquée après
qu'il a été déclaré coupable d'infractions commises alors qu'il
était en liberté. Une peine d'emprisonnement consécutive a été
imposée. Cette révocation a eu pour effet d'obliger l'appelant à
purger le reste de sa peine antérieure en plus de sa nouvelle
peine. Cette révocation lui a également fait perdre sa réduction
de peine.
La Division de première instance a rejeté une demande qui
sollicitait la délivrance d'un bref de certiorari annulant cette
révocation et un bref de mandamus ordonnant la mise en
liberté de l'appelant ou lui réattribuant la réduction de peine
qu'il avait perdue.
L'appelant prétend que la Commission nationale des libéra-
tions conditionnelles a excédé sa compétence en décidant cette
révocation. L'appelant soutient également que cette décision de
révoquer sa surveillance obligatoire porte atteinte au droit que
lui confère l'article 9 de la Charte d'être protégé contre la
détention ou l'emprisonnement arbitraires ainsi qu'à son droit à
la liberté garanti par l'article 7 de la Charte.
Arrêt: l'appel devrait être rejeté.
La prétention de l'appelant voulant que la Commission ait
excédé ses pouvoirs en décidant de révoquer sa surveillance
obligatoire a été rejetée parce qu'elle restreignait de façon
excessive le pouvoir discrétionnaire conféré à la Commission
par la Loi sur la libération conditionnelle de détenus. En vertu
de la Loi, la Commission est exclusivement compétente pour
accorder, refuser d'octroyer ou révoquer la libération condition-
nelle, et elle jouit d'une discrétion absolue à cet égard. Bien que
la libération conditionnelle et la surveillance obligatoire diffè-
rent l'une de l'autre, le paragraphe 15(2) de la Loi les met sur
le même pied en prévoyant l'application de certaines disposi
tions de la Loi à un détenu qui est assujetti à la surveillance
obligatoire comme s'il était un détenu en libération condition-
nelle.
L'argument de l'appelant voulant qu'il ait été détenu arbi-
trairement ne peut non plus être accepté. La décision de
révoquer la surveillance obligatoire a été prise à la lumière des
critères appropriés, tels la nécessité d'exercer un contrôle plus
serré sur l'appelant, de protéger le public et de s'assurer que
l'appelant avait profité au maximum des possibilités de réinser-
tion sociale offertes lors de son incarcération. Les intimés
n'étaient pas tenus d'établir la régularité ou la «conformité à la
Charte» de ces critères. Il ne peut être présumé que la Commis
sion a agi incorrectement, et il appartenait à l'appelant de
démontrer que la décision de la Commission était erronée.
L'appelant a soutenu qu'il était injuste qu'il soit passible
d'une période supplémentaire d'emprisonnement en raison de
cette révocation et que, de ce fait, il se trouverait privé de sa
liberté; selon lui, il a ainsi été porté atteinte au principe
condamnant la double incrimination.
L'importance de la perte de la réduction de peine méritée à
la suite de la révocation de la surveillance obligatoire, dans
l'hypothèse où cette perte constituerait une punition pour la
nouvelle infraction ou le défaut de respecter les conditions de la
mise en liberté, n'est pas établie comme si cette perte consti-
tuait avant tout une telle punition. Cette perte résulte d'une
décision de la Commission visant les mesures à prendre à
l'égard du manquement aux conditions de la surveillance obli-
gatoire, eu égard aux conclusions qu'il y a lieu de tirer sur la
réinsertion sociale du détenu et le risque que son maintien en
liberté ferait courir au public. L'incarcération qui en résulte
n'est pas l'application d'une nouvelle peine mais celle de la
peine antérieure, une peine qui avait été imposée pour les
infractions que l'appelant avait commises précédemment et qui
doit à présent être purgée sous garde plutôt qu'en liberté sous
surveillance obligatoire. De plus, il était nécessaire, dans l'exa-
men du caractère juste ou injuste de la Loi, de garder à l'esprit
que la mise en liberté sous surveillance obligatoire n'est pas
forcée mais facultative pour le détenu qui, s'il accepte cette
possibilité, risque de subir les conséquences prévues au paragra-
phe 20(2).
Le principe condamnant la double incrimination n'a pas été
violé. L'incarcération sanctionnant les nouvelles infractions de
l'appelant lui était imposée parce qu'il avait enfreint le droit
criminel. L'incarcération qu'il subit à la suite de la révocation
de sa surveillance obligatoire lui est imposée parce qu'il a
manqué aux conditions de sa mise en liberté. Bien que ces deux
conséquences aient été entraînées par les mêmes actions, les
considérations y ayant mené, comme leur fondement juridique,
diffèrent. La perpétration des nouvelles infractions a simple-
ment amené la Commission à s'interroger sur l'opportunité
qu'il y avait de maintenir ou de révoquer la surveillance obliga-
toire du requérant.
AVOCATS:
L. Vandevort pour l'appelant (requérant).
Mark Kindrachuk pour les intimés (intimés).
PROCUREURS:
College of Law, University of Saskatchewan,
Saskatoon, pour l'appelant (requérant).
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés (intimés).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Appel est inter-
jeté d'un jugement de la Division de première
instance [[1985] 2 C.F. 163] rejetant la demande
présentée par l'appelant au moyen d'un avis de
requête introductif d'instance le 13 février 1985
pour obtenir la délivrance d'un bref de certiorari
annulant la révocation par la Commission natio-
nale des libérations conditionnelles de la surveil
lance obligatoire de l'appelant ainsi que la déli-
vrance d'un bref de mandamus ordonnant qu'il
soit mis en liberté sous surveillance obligatoire ou
que la date de son admissibilité à la libération sous
surveillance obligatoire soit recalculée conformé-
ment au droit et à la Loi constitutionnelle de 1982
[annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap.
11 (R.-U.)] ou que la réduction de peine que
l'appelant a automatiquement perdue à la suite de
la révocation de sa libération conformément au
paragraphe 20(2) de la Loi sur la libération con-
ditionnelle de détenus [S.R.C. 1970, chap. P-2
(mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 31)] soit
reportée à son actif et pour obtenir toute autre
ordonnance pouvant être juste, notamment une
ordonnance d'indemnisation.
Les faits
L'appelant, un détenu du Centre Oskana se
trouvant en liberté conditionnelle de jour depuis
environ deux mois, a été libéré sous surveillance
obligatoire le 27 juin 1982. À l'époque, il avait à
son crédit quelque 610 jours de réduction de peine
méritée représentant la partie non encore expirée
de peines d'emprisonnement totalisant cinq ans et
neuf mois et devant prendre fin le 28 février 1984.
Ces peines avaient été imposées à l'appelant entre
le mois de septembre 1978 et le mois de septembre
1981 la suite de dix-neuf condamnations relati
ves à une série d'infractions comprenant l'intro-
duction par effraction, la conduite d'un véhicule à
moteur en période de suspension du permis, la
conduite d'un véhicule à moteur pendant que la
capacité de conduire est affaiblie par l'effet de
l'alcool, des voies de fait simples, des voies de fait
causant des lésions corporelles, l'évasion d'une
garde légale, la tentative d'évasion d'une garde
légale, l'effraction d'une cellule à cette fin, le faux,
le vol d'automobile et le méfait visant la détériora-
tion de biens.
Le 30 juin 1982, seulement trois jours après la
mise en liberté de l'appelant, sa surveillance obli-
gatoire a été suspendue et il a été replacé sous
garde. Deux semaines plus tard, le 14 juillet 1982,
il a été déclaré coupable sous deux chefs d'intro-
duction par effraction et de vol commis les 26 et
27 juin 1982 ainsi que sous un chef portant qu'il
s'était livré à des voies de fait sur un agent de la
paix le 28 juin 1982. Pour ces infractions, il a été
condamné à des peines totalisant 27 mois et devant
s'ajouter à sa peine antérieure. Il a été également
reconnu coupable d'avoir eu des spiritueux en sa
possession sur une réserve indienne le 28 juin 1982,
pour être condamné au paiement d'une amende de
20 $ et, à défaut de paiement, à 15 jours d'empri-
sonnement. Il n'a pas payé cette amende. Le para-
graphe 15(4) de la Loi sur la libération condition-
nelle de détenus [mod. par S.C. 1977-78, chap. 22,
art. 26] est alors entré en jeu. Ce paragraphe
portait:
15....
(4) Lorsqu'un détenu assujetti à une surveillance obligatoire
commet une nouvelle infraction pour laquelle une peine d'em-
prisonnement consécutive lui est imposée et que la surveillance
obligatoire n'est pas révoquée la période de mise en liberté sous
surveillance obligatoire est interrompue jusqu'à ce que cette
dernière peine ait été purgée.
Toutefois, le 4 août 1982, la Commission nationale
des libérations conditionnelles a examiné la situa
tion de l'appelant conformément à la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus et a révoqué
sa surveillance obligatoire. En vertu de l'article 20
de cette Loi, une telle révocation devait (sauf si la
Commission des libérations conditionnelles exer-
çait son pouvoir de réattribution de la réduction de
peine) avoir l'effet de forcer l'appelant à purger
sous garde la partie non expirée de sa peine anté-
rieure, de même que sa nouvelle peine, ces périodes
s'étendant jusqu'à la fin du mois de mai 1986, sous
réserve de la possibilité d'une mise en liberté con-
ditionnelle ou d'une libération sous surveillance
obligatoire grâce à la réduction de peine qu'il
aurait méritée entre-temps'.
Trois arguments ont été présentés de la part de
l'appelant. Tout d'abord, dans les circonstances
(que nous décrirons), la révocation de la surveil
lance obligatoire de l'appelant n'était pas autorisée
' Même si l'audition du présent appel a eu lieu après cette
date, la Cour a été informée, sans que l'avocat des intimés ne
s'y oppose, que l'objet de l'appel n'est pas dénué d'importance
réelle puisque l'appelant s'est vu imposer d'autres peines d'em-
prisonnement après avoir subséquemment été libéré sous sur
veillance obligatoire et aurait droit à une réduction de peine s'il
était conclu que sa réduction méritée de peine n'aurait pas dû
être frappée de déchéance à cause de la révocation de sa
libération sous surveillance obligatoire survenue le 4 août 1982.
La Cour, non sans hésitation puisque les faits pertinents ne
figurent pas au dossier, a accepté d'entendre cet appel.
par la Loi sur la libération conditionnelle de déte-
nus. En second lieu, la révocation de la surveil
lance obligatoire de l'appelant et son renvoi sous
garde pour purger la partie non expirée de sa peine
était arbitraire et enfreignait le droit que lui confé-
rait l'article 9 de la Charte canadienne des droits
et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi
constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982
sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)] d'être
protégé contre la détention ou l'emprisonnement
arbitraires. Troisièmement, le renvoi de l'appelant
sous garde à la suite de la révocation de sa surveil
lance obligatoire portait atteinte aux droits que lui
conférait l'article 7 de la Charte de n'être privé de
sa liberté qu'en conformité avec les principes de
justice fondamentale. Les différents arguments
présentés à l'appui de chacune de ces propositions
seront résumés dans les présents motifs.
La question de l'excès de compétence
En vertu de l'article 6 de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus [mod. par S.C. 1976-77,
chap. 53, art. 23], la Commission nationale des
libérations conditionnelles, sous réserve de cette
dernière Loi, de la Loi sur les pénitenciers ainsi
que de la Loi sur les prisons et les maisons de
correction, est exclusivement compétente pour
accorder, refuser d'octroyer ou révoquer la libéra-
tion conditionnelle, et elle jouit d'une discrétion
absolue à cet égard. Selon l'alinéa 10(1)b), la
Commission est autorisée à imposer toutes les
modalités qu'elle juge opportunes concernant un
détenu qui est assujetti à une surveillance obliga-
toire, tandis que, en vertu de l'alinéa e) de ce
même paragraphe, la Commission peut, à sa dis-
crétion, révoquer la libération conditionnelle d'un
détenu. Bien que la libération conditionnelle et la
surveillance obligatoire diffèrent l'une de l'autre,
le paragraphe 15 (2) prévoit que l'alinéa 10(1)e)
ainsi que les articles 11, 13 et 16 à 21 s'appliquent
à un détenu qui est assujetti à la surveillance
obligatoire comme s'il était un détenu à liberté
conditionnelle en libération conditionnelle et
comme si les modalités de sa surveillance obliga-
toire étaient des modalités de sa libération condi-
tionnelle. Parmi ces dispositions, l'article 11 porte
sur les exigences relatives à la procédure, l'article
13 déclare que la période d'emprisonnement d'un
détenu à liberté conditionnelle est réputée rester en
vigueur jusqu'à son expiration, tandis que les arti-
des 16 à 21 traitent de la suspension et de la
révocation de la libération conditionnelle. Ainsi
que l'a observé le juge de première instance, ces
dispositions ont pour effet de rendre égales, à de
telles fins, la surveillance obligatoire et la libéra-
tion conditionnelle.
L'argument de l'appelant, si je le comprends
bien, voulait que l'exercice du pouvoir de la Com
mission de révoquer la libération conditionnelle
alors que, comme en l'espèce, l'appelant se trouve
déjà sous garde pour purger sa nouvelle peine,
n'ait pas été nécessaire pour empêcher la violation
de l'une des conditions de la surveillance obliga-
toire ou pour protéger la société, qu'une telle
décision ait eu pour seul effet d'imposer une puni-
tion additionnelle à l'appelant, n'assurant ni sa
surveillance ni la protection du public, et que, dans
de telles circonstances, cette révocation ait consti-
tué un excès de compétence de la part de la
Commission.
Selon mon opinion, cette prétention veut res-
treindre de façon excessive l'exercice du pouvoir
discrétionnaire conféré à la Commission par la
Loi. Celle-ci n'a pas imposé de telles limites à ce
pouvoir discrétionnaire. Cependant, même si
l'exercice de ce pouvoir ne pouvait avoir lieu que
pour de telles fins, considérant les seuls faits qui
ont été exposés, je ne vois pas comment l'on pour-
rait soutenir avec succès que la décision de révo-
quer la surveillance obligatoire de l'appelant avait
été prise pour un but autre que la surveillance
accrue de l'appelant et la protection du public
contre sa propension évidente à l'inconduite. À
mon avis, la Commission était habilitée à révoquer
la surveillance obligatoire de l'appelant le 4 août
1982 malgré le fait que celui-ci se trouvait déjà
sous garde, que ce soit à cause de la suspension de
sa surveillance obligatoire survenue le 30 juin 1982
ou en raison de la peine d'emprisonnement de 27
mois qui lui avait été imposée le 14 juillet 1982, et
aucun des faits révélés en l'espèce n'indique que la
Commission n'a pas exercé son pouvoir discrétion-
naire en s'appuyant sur des motifs valables.
À ce stade, le paragraphe 15(4) a cessé de
s'appliquer, et la situation en cause s'est trouvée
régie par la disposition à caractère plus général du
paragraphe 14(1) [mod. par S.R.C. 1970 (ler
Supp.), chap. 31, art. 1; S.C. 1977-78, chap. 22,
art. 19]. Ce paragraphe porte:
14. (1) Lorsque, le 25 mars 1970 ou avant ou après cette
date,
a) un individu est condamné à deux périodes d'emprisonne-
ment ou plus, ou que
b) un détenu qui est en détention est condamné à une ou des
périodes supplémentaires d'emprisonnement,
les périodes d'emprisonnement auxquelles il a été condamné, y
compris dans un cas visé à l'alinéa b) la ou les périodes
d'emprisonnement qu'il est en train de purger, sont, à toutes
fins de la présente loi, du Code criminel, de la Loi sur les
pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de
correction, censées constituer une seule sentence consistant en
une période d'emprisonnement commençant le jour où la pre-
mière de ces sentences d'emprisonnement commence et se
terminant à l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonne-
ment qui se termine la dernière.
Le juge de première instance a également exa-
miné et rejeté un argument fondé sur ce que l'on a
appelé la [TRADUCTION] «Décision Burns». Si des
documents déposés au dossier font référence à
cette décision, celle-ci ne s'y trouve pas elle-même.
Lorsque l'avocate de l'appelant a cherché à soule-
ver cette question au cours de sa plaidoirie, il a été
reconnu que, suite à cette décision, certains déte-
nus ont été favorisés comparativement à d'autres
dans le calcul de la date d'admissibilité à leur mise
en liberté sous surveillance obligatoire; cependant,
ni cette décision, ni la pratique ayant pu en décou-
ler n'ont force de loi, et on ne peut l'invoquer pour
limiter le pouvoir conféré à la Commission par la
Loi.
La question relative à l'article 9 de la Charte
Ainsi que le souligne l'appelant au paragraphe
12(2) de l'exposé de ses points d'argument, cette
objection veut que le juge de première instance se
soit trompé en ne décidant pas ce qui suit:
[TRADUCTION] (2) Le report, comme conséquence de l'applica-
tion de l'article 20 de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus, de la date à laquelle l'appelant a acquis légalement le
droit d'être conditionnellement mis en liberté sous surveillance
obligatoire, n'a pas été décidé suivant un processus ou des
critères élaborés à partir d'un objet constitutionnel ou en
harmonie avec un tel objet, et le report de la mise en liberté
contrevenait donc au droit de l'appelant à la protection contre
l'emprisonnement arbitraire prévu à l'article 9 de la Charte des
droits et libertés;
À l'appui de sa prétention, l'avocate de l'appe-
lant a soumis que, lorsqu'un droit protégé par la
Charte a, à première vue, été enfreint—ce qu'elle
prétend être le cas en l'espèce—il appartient à la
partie cherchant à justifier cette atteinte apparente
de présenter des éléments de preuve démontrant
qu'aucune atteinte n'a eu lieu; l'avocate ajoute
que, dans des affaires portant sur la Charte, il ne
doit pas être présumé que les pouvoirs conférés par
la loi ont été exercés d'une manière [TRADUC-
TION] «conforme à la Charte» ou en fonction de
critères [TRADUCTION] «conformes à la Charte»
lorsque la question qui se pose est celle de savoir si
un droit protégé a été enfreint. Elle soutient égale-
ment que rien dans le dossier ne prouve que la
Commission ait exercé ses pouvoirs en vertu du
paragraphe 20(3) de la Loi sur la libération con-
ditionnelle de détenus ou qu'elle ait étudié la
question de savoir si quelque partie de la réduction
de peine méritée que l'appelant avait perdue ou
perdrait par le fait de la révocation de sa surveil
lance obligatoire devrait lui être réattribuée ou
que, après avoir examiné cette question, la Com
mission soit parvenue à une décision négative en se
fondant sur des critères clairs et raisonnables aux
termes d'un processus décisionnel équitable; tou-
jours selon l'avocate de l'appelant, le défaut de
présenter une preuve à cet égard laisse croire que
la Commission a exercé son pouvoir de façon
arbitraire, inférence qu'il appartenait aux intimés
de repousser puisque tous les éléments de preuve
pertinents pouvant exister se trouvaient placés sous
leur contrôle plutôt que sous celui de l'appelant.
L'avocate de ce dernier a également soumis que
tenir pour acquis le respect de la Charte mettrait
l'appelant dans l'impossibilité d'établir la violation
des droits que cette dernière lui accorde, et qu'en
conséquence le respect de la Charte ne pouvait être
présumé; elle a également affirmé qu'aucun élé-
ment de preuve ne portait sur la procédure et les
critères utilisés par la Commission dans l'exercice,
le cas échéant, de ses pouvoirs de réattribution de
la réduction de peine méritée qui avait été perdue,
et qu'aucune présomption de [TRADUCTION] «con-
formité avec la Charte» ne pouvait s'appliquer en
ce qui avait trait à une telle procédure ou à de tels
critères.
Je rejette ces prétentions de l'avocate de l'appe-
lant. Les documents déposés en l'espèce permet-
tent, selon moi, à la Commission de révoquer la
surveillance obligatoire de l'appelant et de refuser
de lui réattribuer une partie de la réduction de
peine dont la révocation entraînerait la perte. La
question devant être décidée par la Commission
était celle de savoir si la conduite de l'appelant
était telle qu'il ne devait plus être libéré sous
surveillance obligatoire mais devait plutôt purger,
sous garde, la partie non expirée de sa peine ou
une fraction de celle-ci, compte tenu de l'opportu-
nité qu'il pouvait y avoir, en raison de sa conduite,
d'exercer sur lui un contrôle plus serré que ne le
permettait sa libération sous surveillance obliga-
toire, dans le but de s'assurer autant que possible
que l'appelant avait profité au maximum des possi-
bilités de réinsertion sociale offertes lors de son
incarcération et que le public serait protégé contre
son inconduite éventuelle. En l'espèce, il ressort
que l'appelant s'est introduit par effraction et a
commis un vol le jour précédant le début de sa
mise en liberté sous surveillance obligatoire, une
infraction similaire à celle-ci le jour où sa surveil
lance obligatoire a débuté et des voies de fait
contre un agent de police le jour suivant. Il était
évident que le droit de l'appelant de se trouver en
liberté devait être révoqué rapidement. À première
vue, il en ressort que l'appelant avait une propen-
sion à commettre des infractions comme celles
pour lesquelles il avait été emprisonné et qu'il
n'avait pas bénéficié le moindrement de son incar-
cération. Ces faits démontrent également le danger
que peut représenter pour le public la mise en
liberté de l'appelant. La preuve ne présente donc, à
mon point de vue, aucun élément qui porte à croire
que la décision n'a pas été prise en appliquant les
critères appropriés.
Je ne crois pas que les intimés étaient tenus
d'établir la régularité ou la «conformité avec la
Charte» des critères utilisés ou de la procédure
adoptée par eux. Il ne doit pas être présumé que la
Commission a agi incorrectement et, à mon avis, il
appartenait à l'appelant de démontrer que la déci-
sion était de quelque manière illégale ou erronée,
celui-ci connaissant tous les éléments dont il pou-
vait avoir besoin pour faire sa preuve ou pouvant y
avoir accès par subpoena ou autrement.
Il a ensuite été plaidé que le paragraphe 20(3)
de la Loi sur la libération conditionnelle de déte-
nus avait pour effet de soumettre l'appelant à un
emprisonnement arbitraire parce que la durée d'un
tel emprisonnement dépend de facteurs fortuits, au
sens où, s'il s'était encore trouvé en libération
conditionnelle de jour plutôt qu'en surveillance
obligatoire au moment où il a commis les infrac
tions visées les 27 et 28 juin 1982, il aurait été
traité comme un libéré conditionnel en faute et
n'aurait perdu aucune partie de sa réduction de
peine méritée à la suite de la révocation de sa
surveillance obligatoire; toujours selon l'appelant,
aucun motif valable et suffisant ne justifie le fait
que la modification du caractère de sa libération
conditionnelle le 27 juin 1982 affecte de la sorte la
réduction de peine méritée qui lui avait été
attribuée.
À mon avis, cet argument, en établissant des
comparaisons avec des circonstances fictives et
hypothétiques, pose mal le problème en cause. La
question ne consiste pas à savoir ce qui aurait pu
arriver si les faits avaient été différents mais à
savoir si la décision qui a réellement été prise a été
arbitraire. Rien dans les circonstances décrites en
l'espèce ne permet de conclure que la décision de
la Commission ou les conséquences de cette déci-
sion aient été arbitraires.
Finalement, il a été soutenu que, la longueur de
la réduction méritée de peine qui est perdue à la
suite de la révocation de la surveillance obligatoire
dépendant de la longueur de la peine antérieure et
de la conduite du détenu pendant l'incarcération,
deux facteurs qui n'ont pas de rapport nécessaire
avec la décision de révoquer la surveillance obliga-
toire ou les motifs de cette décision, la gravité de la
conséquence de la révocation, examinée à l'aune
des fins valides recherchées dans les législations
pénales ou autres, était arbitraire. Je suis égale-
ment en désaccord avec cette proposition. Lors-
qu'elle a rendu sa décision, la Commission était
habilitée à réattribuer complètement ou en partie
la réduction de peine qui avait été perdue si les
circonstances justifiaient une telle mesure. Elle
pouvait également réattribuer ultérieurement cette
réduction lorsque l'appelant purgeait sa peine si
une telle mesure lui semblait indiquée. Dans les
circonstances révélées en l'espèce, le refus de réat-
tribuer la réduction de peine n'était ni déraisonna-
ble ni arbitraire. Il ne doit pas être présumé que la
Commission n'a pas réfléchi sérieusement à cette
question et ne l'a pas tranchée ou que la Commis
sion n'est pas parvenue à sa conclusion en appli-
quant le critère approprié.
L'argument fondé sur l'article 7 de la Charte
Selon la prétention de l'appelant, énoncée au
paragraphe 12(3) de l'exposé de ses points d'argu-
ment, le juge de première instance aurait commis
une erreur en ne concluant pas que:
[TRADUCTION] (3) La détermination de la période supplémen-
taire pendant laquelle l'appelant est passible d'emprisonnement
sous le régime de l'article 20 de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus n'a pas été faite conformément à des
principes relatifs à la punition et à la responsabilité pénale et ne
peut être justifiée en vertu de tels principes, de sorte que
l'appelant a été privé de sa liberté autrement qu'en conformité
avec les principes de justice fondamentale, et qu'il a été porté
atteinte aux droits constitutionnels prévus à l'article 7 de la
Charte des droits et libertés.
À ce chef, selon l'appelant, la période supplé-
mentaire au cours de laquelle il est passible de
détention sous garde immédiate découlant automa-
tiquement de la révocation est injuste parce qu'elle
n'est aucunement proportionnelle à la gravité des
motifs de la révocation mais dépend uniquement
de l'étendue de la réduction de peine méritée déjà
attribuée au détenu, parce qu'elle ne sert aucune
fin sociale ou législative sérieuse dont la réalisation
ne soit déjà assurée par d'autres moyens plus justes
et mieux appropriés, et parce qu'elle constitue une
application déraisonnable, non nécessaire et exces
sive de la force pénale. L'avocate de l'appelant a
également soumis que le paragraphe 20(2) avait
pour effet d'imposer une peine d'emprisonnement
s'ajoutant à celle par laquelle un tribunal avait
déjà sanctionné la conduite incriminée. Tout en
reconnaissant que l'alinéa 11h) de la Charte ne
pourrait s'appliquer, on a avancé que le principe
condamnant la [TRADUCTION] «double incrimina
tion» était fondamental et que l'article 7 devait
être conçu comme conférant une protection contre
celle-ci.
À mon avis, l'on peut très bien dire que l'impor-
tance de la perte de la réduction de peine méritée à
la suite de la révocation de la surveillance obliga-
toire n'est pas proportionnelle à la gravité de la
conduite incriminée et ne dépend pas des motifs de
la révocation. Si tant est qu'il s'agisse d'une puni-
tion pour la nouvelle infraction ou pour le défaut
de respecter les conditions de la mise en liberté, il
ne s'agit pas avant tout d'une telle punition. Cette
perte résulte plutôt d'une décision de la Commis
sion visant les mesures à prendre à l'égard du
manquement aux conditions de la surveillance
obligatoire, eu égard aux conclusions qu'il y a lieu
de tirer sur la réinsertion sociale du détenu et le
risque que son maintien en liberté fait courir au
public. L'incarcération qui en résulte n'est pas
l'application d'une nouvelle peine mais celle de la
peine antérieure, une peine qui avait été imposée
pour les infractions que l'appelant avait commises
précédemment et qui doit à présent être purgée
sous garde plutôt qu'en liberté sous surveillance
obligatoire. Il ne fait aucun doute que l'on puisse
imaginer des situations dans lesquelles la gravité
des conséquences subies sera telle que celles-ci
apparaîtront injustes, mais les dispositions du
paragraphe 20(3) de la Loi, qui autorisent la
Commission à les adoucir en réattribuant une
réduction de peine méritée, visent justement à
pallier de telles injustices. De plus, il est néces-
saire, dans l'examen du caractère juste ou injuste
de la Loi, de garder à l'esprit que la mise en liberté
sous surveillance obligatoire n'est pas forcée mais
facultative pour le détenu qui, s'il accepte cette
possibilité, risque de subir les conséquences pré-
vues au paragraphe 20(2). Je ne crois donc pas que
le paragraphe visé soit, dans le contexte de la Loi,
fondamentalement injuste par lui-même. Je ne suis
pas non plus d'avis que l'on puisse dire que, dans
les circonstances de l'espèce, la décision de révo-
quer la surveillance obligatoire de l'appelant, qui
l'a forcé à recommencer complètement à mériter
sa libération avant l'expiration de ses peines, était
fondamentalement, ou de quelque manière, injuste.
Je ne crois pas non plus que le principe condam-
nant la double incrimination pour une même
action soit violé. L'incarcération sanctionnant les
nouvelles infractions de l'appelant lui est imposée
parce qu'il a enfreint le droit criminel. L'incarcé-
ration qu'il subit à la suite de la révocation de sa
surveillance obligatoire lui est imposée parce qu'il
a manqué aux conditions de sa mise en liberté. S'il
ne fait aucun doute que ces deux conséquences ont
été entraînées par les mêmes actions, les considéra-
tions y ayant mené sont différentes. Leur fonde-
ment juridique diffère également: l'une résulte des
nouvelles infractions alors que l'autre découle des
anciennes infractions en regard des nouvelles.
À mon avis, la perpétration des nouvelles infrac
tions a simplement amené la Commission à s'inter-
roger sur l'opportunité qu'il y avait de maintenir
ou de révoquer la surveillance obligatoire du
requérant.
Je rejetterais l'appel avec dépens.
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE HUGESSEN: Je souscris à ces motifs.
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