A-1082-84
Yves Létourneau (requérant)
c.
Commission de l'emploi et de l'immigration du
Canada (intimée)
et
Marie Lefrançois, présidente du conseil arbitral,
et
Jean-Marc Bourbonnais, membre du conseil
arbitral,
et
Philippe Vaillancourt, membre du conseil arbitral,
(mis-en-cause ès-qualité de membres du conseil
arbitral en vertu de la Loi sur l'assurance-chô-
mage),
et
Le sous-procureur général du Canada (mis-en-
cause)
RÉPERTORIÉ: LÉTOURNEAU C. COMMISSION DE L'EMPLOI ET
DE L'IMMIGRATION DU CANADA
Cour d'appel, juges Pratte, Marceau et MacGui-
gan—Montréal, 13 septembre; Ottawa, 11 octobre
1985.
Assurance-chômage — Arrêt de travail dû à un conflit
collectif — Disposition prévoyant l'inadmissibilité — S'appli-
que-t-elle à un employé qui quitte son emploi parce qu'il
prévoit une grève? — Période d'exclusion du bénéfice des
prestations — Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C.
1970-71-72, chap. 48, art. 41, 43 (mod. par S.C. 1974-75-76,
chap. 80, art. 16), 44(1) — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
Le requérant, sachant que les employés de la société pour
laquelle il travaillait se mettraient en grève, a quitté son emploi
deux jours avant le début de cette grève.
Le requérant ayant demandé des prestations d'assurance-
chômage, la Commission l'a prévenu qu'il n'était pas admissible
à celles-ci parce qu'il avait perdu son emploi à cause d'une
grève. Le requérant s'est vu imposer une période d'exclusion de
six semaines en vertu des articles 41 et 43 de la Loi parce
qu'elle a considéré qu'il avait quitté volontairement son emploi
sans justification.
Le conseil arbitral a rejeté l'appel qu'il a interjeté de ces
deux décisions. La demande en l'espèce, fondée sur l'article 28,
conclut à l'annulation de cette décision.
Arrêt: la demande devrait être accueillie pour ce qui se
rapporte à l'inadmissibilité mais la période d'exclusion devrait
être maintenue.
Le juge Pratte: Pour que le paragraphe 44(1) s'applique, il
faut que la perte d'emploi ait été causée par l'arrêt de travail
lui-même. Ce n'est pas le cas en l'espèce. Comme le requérant
avait démissionné avant que la grève ne commence, il était
toujours possible que la grève n'ait pas lieu, et, alors, le
requérant n'aurait pas retrouvé son emploi. Le requérant a
perdu son emploi parce qu'il prévoyait que la grève aurait lieu.
En ce qui a trait à la période d'exclusion, le conseil pouvait,
sans commettre d'erreur susceptible d'examen et d'annulation,
juger que le fait qu'un employé prévoit une grève n'est pas un
motif qui le justifie de quitter son emploi. Il était donc en droit
d'imposer une période d'exclusion au requérant.
Le juge Marceau: La quasi-totalité des décisions rendues par
les juges-arbitres sur cette question ont conclu qu'un départ
volontaire clairement motivé par l'imminence d'une grève cons-
titue une perte d'emploi du fait d'un arrêt de travail dô à un
conflit collectif. Les juges-arbitres ont généralement fait appel
à l'idée de la «cause véritable» de la perte d'emploi, de «l'élé-
ment décisif qui a amené la démission» ainsi qu'à l'intention du
législateur.
Toutefois, ainsi qu'il ressort clairement du libellé de l'article,
celui qui démissionne avant l'arrêt de travail ne perd pas son
emploi du fait de l'arrêt de travail.
Cette interprétation littérale est également fidèle à l'esprit de
la disposition visée. L'assurance-chômage est destinée aux tra-
vailleurs qui perdent leur emploi dans un contexte autre que
celui d'un conflit collectif. Celui qui démissionne avant le début
d'une grève ne perd pas son emploi à la manière du gréviste:
dans son cas, la perte d'emploi est individuelle, elle le rend
chômeur et elle est définitive. L'inadmissibilité touchant les
grévistes et les travailleurs soumis à un lock-out ne doit s'appli-
quer à celui-ci que si la démission n'est qu'apparente et ne
constitue qu'une façon de déclencher une grève, comme ce
serait le cas de démissions collectives. Il est clair que l'intention
du législateur n'est pas contournée lorsque la démission est
réelle, vraie et individuelle.
Le requérant doit toutefois encourir l'exclusion de six semai-
nes prévue à l'article 41 puisqu'il a quitté son emploi sans
justification.
Le juge MacGuigan: L'article 44 ne vise pas le cas d'un
prestataire qui offre sa démission avant un arrêt de travail afin
d'échapper à la perte de prestations que subissent les grévistes.
Son application dépend d'un événement objectif et non d'une
intention subjective. Contrairement au gréviste, qui retient ses
liens avec l'employeur, le démissionnaire a complètement aban-
donné son droit de retourner à son emploi. Si tel est le cas, la
décision rendue dans l'affaire Goulet c. Commission de l'em-
ploi et de l'immigration du Canada est entachée d'erreur.
Il est clair que la démission en l'espèce constitue une perte
volontaire d'emploi sans justification et déclenche l'application
de l'exclusion de six semaines.
JURISPRUDENCE
DÉCISION CITÉE:
Goulet c. Commission de l'emploi et de l'immigration du
Canada, [1984] 1 C.F. 653 (C.A.).
AVOCATS:
Roland Cousineau pour le requérant.
Carole Bureau pour l'intimée et les mis-en-
cause.
PROCUREURS:
Campeau, Cousineau & Ouellet, Montréal,
pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée et les mis-en cause.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE PRATTE: Le requérant demande l'an-
nulation, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10],
d'une décision prononcée par un conseil arbitral en
vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage
[S.C. 1970-71-72, chap. 48].
Le requérant travailla pour la société Bakers
Pride Ltée jusqu'au 13 janvier 1984. Le lundi
suivant, 16 janvier, il ne se présenta pas au travail
et le lendemain, 17 janvier, il prévint son
employeur qu'il quittait définitivement son emploi.
Deux jours plus tard, le 19 janvier 1984, les
employés de Bakers Pride Ltée faisaient grève. Le
requérant déposa ensuite une demande initiale de
prestations d'assurance-chômage. Il déclara à la
Commission qu'il avait quitté son emploi parce
qu'il savait que les employés de Bakers Pride Ltée
feraient grève quelques jours plus tard.
Le 29 mars 1984, la Commission prévenait le
requérant qu'elle jugeait que le paragraphe 44(1)
de la Loi le rendait inadmissible aux prestations
puisqu'il avait perdu son emploi du fait d'un arrêt
de travail.
Le 29 mars 1984, la Commission prévenait le
requérant qu'elle jugeait qu'il avait perdu son
emploi du fait d'un arrêt de travail dû à un conflit
collectif et qu'il était, en conséquence, inadmissible
au bénéfice des prestations en vertu du paragraphe
44(1) de la Loi'. La Commission le prévint aussi
qu'elle considérait qu'il avait quitté volontairement
son emploi sans justification et qu'elle lui imposait,
à cause de cela, une exclusion de six semaines en
vertu des articles 41 et 43 [mod. par. S.C. 1974-
75-76, chap. 80, art. 16] 2 .
Le requérant en appela à un conseil arbitral de
ces deux décisions. Le conseil rejeta ces deux
appels par la décision que le requérant attaque
aujourd'hui.
La question principale que soulève cette affaire
est celle de savoir si l'inadmissibilité décrétée par
le paragraphe 44(1) s'applique au prestataire qui,
prévoyant une grève du groupe d'employés dont il
fait partie, a quitté définitivement son emploi
avant qu'elle n'ait lieu. Le dossier révèle claire-
ment, en effet, que le requérant aurait dû faire
grève le 19 janvier s'il n'avait quitté son emploi
deux jours auparavant parce qu'il prévoyait cette
grève.
L'avocat du requérant a prétendu que le para-
graphe 44(1) ne s'appliquait pas au requérant
parce que celui-ci, ayant déjà perdu son emploi au
moment de la grève du 19 janvier, n'avait pu le
perdre du fait de cet arrêt de travail. L'avocate de
' Le texte du paragraphe 44(1) est le suivant:
44. (1) Un prestataire qui a perdu son emploi du fait d'un
arrêt de travail dû à un conflit collectif à l'usine, à l'atelier ou
en tout autre local où il exerçait un emploi n'est pas admissible
au bénéfice des prestations tant que ne s'est pas réalisée l'une
des éventualités suivantes, à savoir:
a) la fin de l'arrêt du travail,
b) son engagement de bonne foi à un emploi exercé ailleurs
dans le cadre de l'occupation qui est habituellement la
sienne,
c) le fait qu'il s'est mis à exercer quelque autre occupation
d'une façon régulière.
2 Les dispositions pertinentes des articles 41 et 43 sont les
suivantes:
41. (1) Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations
servies en vertu de la présente Partie s'il perd son emploi en
raison de sa propre inconduite ou s'il quitte volontairement son
emploi sans justification.
43. (1) Lorsqu'un prestataire est exclu du bénéfice des
prestations en vertu des articles 40 ou 41, il l'est pour un
nombre de semaines qui suivent le délai de carence et pour
lesquelles il aurait sans cela droit à des prestations. Ces semai-
nes sont déterminées par la Commission et leur nombre ne doit
pas dépasser six.
l'intimée, elle, a soutenu qu'il fallait s'attacher ici
à découvrir la cause véritable pour laquelle le
requérant avait perdu son emploi et que, envisa-
geant le problème sous ce jour, il était clair que le
requérant avait perdu son emploi à cause de la
grève puisque c'est parce qu'il savait que cette
grève aurait lieu qu'il avait quitté son travail.
À l'audience, j'ai indiqué que j'inclinais à penser
que l'intimée avait raison. Après réflexion, j'en
suis venu à une autre conclusion.
Le paragraphe 44(1) déclare inadmissible le
prestataire «qui a perdu son emploi du fait d'un
arrêt de travail dû à un conflit collectif». Pour que
cette disposition s'applique, il faut donc que la
perte d'emploi ait été causée par l'arrêt du travail
lui-même. Ce n'est pas le cas ici. Il est logiquement
impossible qu'un événement en ait causé un autre
si cet autre événement se serait produit même si le
premier n'avait pas eu lieu. Comme le requérant
avait quitté son emploi avant que la grève ne
commence, il était toujours possible que cette
grève n'ait pas lieu et, alors, le requérant n'aurait
pas retrouvé son emploi. En réalité, le requérant
n'a donc pas perdu son emploi «du fait» de la grève;
il l'a perdu, plutôt, parce qu'il prévoyait que la
grève aurait lieu.
Je suis donc d'opinion que le conseil arbitral a
eu tort de juger que le paragraphe 44(1) rendait le
requérant inadmissible au bénéfice des prestations.
Quant à cette partie de la décision attaquée qui
impose une exclusion au requérant parce qu'il
aurait sans justification quitté volontairement son
emploi, je n'y trouve rien à redire. Le conseil
pouvait certainement, sans commettre l'une des
erreurs mentionnées au paragraphe 28(1) de la Loi
sur la Cour fédérale, juger que le fait qu'un
employé prévoit une grève n'est pas un motif qui le
justifie de quitter son emploi.
Je ferais donc droit à la demande, je casserais
cette partie de la décision attaquée qui se rapporte
à l'inadmissibilité du requérant en vertu du para-
graphe 44(1) et je renverrais l'affaire au conseil
pour qu'il la décide en prenant pour acquis que
l'inadmissibilité décrétée par le paragraphe 44(1)
ne s'applique pas à l'employé qui, avant qu'une
grève ne commence, a quitté définitivement son
emploi.
* * *
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE MARCEAU: La question véritable que
soulève cette demande en vertu de l'article 28 et la
seule qui fait vraiment problème peut, comme
l'explique monsieur le juge Pratte, se formuler de
façon simple et précise: l'article 44 de la Loi de
1971 sur l'assurance-chômage, qui déclare inad
missible aux bénéfices des prestations l'employé
qui perd son emploi par suite d'un arrêt de travail
dû à un conflit collectif, s'applique-t-il à celui qui
démissionne et quitte définitivement son emploi
juste avant que ne soit déclenchée une grève des
employés de l'unité dont il fait partie?
Le requérant qui cherche à s'éviter les effets
d'une réponse affirmative s'est adressé à cette
Cour directement sans aller devant le juge-arbitre
et on comprend pourquoi. Au niveau de la juris
prudence arbitrale, la réponse à la question posée
paraît acquise. On trouve quelques rares cas où les
juges-arbitres ont hésité en évoquant les faits par-
ticuliers de l'espèce (voir notamment CUB 5498),
mais les décisions, dans leur quasi-totalité, sont à
l'effet qu'un départ volontaire clairement motivé
par l'imminence d'une grève ne saurait dégager un
employé de l'application de l'article 44 (voir entre
autres CUB 1131, 2398, 2948, 2954, 3440, 4363,
5157 et 5498). On fait appel généralement à l'idée
de la «cause véritable» de la perte d'emploi, de sa
causa causans, de «l'élément décisif qui a emmené
la démission», et on évoque l'impossibilité d'admet-
tre que la volonté du législateur puisse être aussi
aisément contournée. Il semble cependant que ce
soit la première fois,—aussi étonnant que cela
puisse paraître,—que cette Cour soit appelée à se
pencher sur la question et après réflexion, je dois
dire qu'à moi aussi la réponse traditionnelle que lui
donne les juges-arbitres ne me paraît pas correcte.
Que cette position traditionnelle de la jurispru
dence arbitrale ne s'appuie pas sur une interpréta-
tion littérale de l'article, il est sans doute difficile
de le contester. C'est celui «qui a perdu son emploi
du fait d'un arrêt de travail dû à un conflit collec-
tif» que le texte lui-même vise; celui qui démis-
sionne et quitte volontairement avant l'arrêt de
travail ne perd évidemment pas son emploi du fait
de l'arrêt de travail. L'introduction des concepts de
«cause véritable» ou de «causa causans»—pour ce
que ces concepts peuvent en eux-mêmes contenir
de vraiment éclairant—ne saurait rien changer à
une telle évidence.
Mais, à mon avis, ce n'est pas uniquement le
texte pris littéralement que la manière de voir
traditionnelle contredit, c'est l'esprit même de la
disposition, et c'est sur ce point que je voulais
insister. Il ne faut pas oublier en effet la raison
d'être de cet article 44, (un article si fondamental
qu'on retrouve son pendant, apparemment, dans
toutes les législations d'assurance-chômage (dans
la Convention de 1934 sur l'assurance-chômage
(Convention assurant aux chômeurs involontaires
des indemnités ou des allocations), (1949) 40
U.N.T.S. 45, c'est l'alinéa 10(2)a); dans la Con
vention (n° 102) concernant la norme minimum de
la sécurité sociale, (1955) 210 U.N.T.S. 131, c'est
le par. 69i); dans le Code européen de sécurité
sociale, (1968) 648 U.N.T.S. 235, c'est le par.
68i); voir aussi à ce sujet la publication du Bureau
international du travail, Les systèmes d'assu-
rance-chômage, Genève, B.i.t., 1955, aux pages
131-136). Il s'agit en somme d'éviter un détourne-
ment possible des fonds d'assurance-chômage, qui
serait tout spécialement déplorable: les fonds d'as-
surance-chômage sont destinés à des travailleurs
qui, après avoir perdu leur emploi, ne parviennent
pas à s'en trouver immédiatement un nouveau; ils
ne sont pas destinés à des employés qui sont inac-
tifs parce qu'ils ont directement (grève) ou indirec-
tement (lock-out) choisi de l'être et qui, de toute
façon, ne sont pas véritablement en chômage; et
s'il fallait que ces fonds servent de quelque façon à
financer des employés en grève, le jeu des forces
économiques devant présider à la solution des con-
flits ouvriers pourrait être complètement faussé.
L'article utilise l'expression «perd son emploi»
mais, il ne faut pas s'y tromper, il s'agit de la
«perte d'emploi» du gréviste (ou de celui qui est
sous le coup d'un lock-out), une perte d'emploi fort
spéciale qui résulte d'une «cessation de travail»
collective, ne crée pas d'état de chômage, et consti-
tue une simple étape de solution d'un conflit
employeur-employés. Or, celui qui démissionne
avant le déclenchement de la grève ne «perd pas
son emploi» à la manière du gréviste: la perte
d'emploi dans son cas est individuelle, elle le rend
chômeur et elle est définitive. On n'a plus aucune
raison de maintenir à son égard l'inadmissibilité du
gréviste: il n'est que justice qu'il ait accès à des
fonds destinés à aider des travailleurs qui ont
perdu leur emploi et s'en cherchent un nouveau,
puisqu'il est exactement dans cette situation; et il
n'y a aucune raison de craindre que les bénéfices
qu'il peut recevoir influencent son comportement
par rapport au conflit ouvrier, puisqu'il n'est pas
gréviste et que sa perte d'emploi est définitive.
Celui qui démissionne avant la grève et évite ainsi
l'inadmissibilité réservée au gréviste ne contourne
pas la volonté du législateur; l'article 44 n'est pas
une disposition punitive. Il évite l'inadmissibilité
parce qu'en modifiant complètement son état il ne
devient jamais gréviste. À moins que la démission
ne soit qu'apparente et ne constitue qu'une façon
de déclencher une grève comme ce serait le cas de
démissions collectives fomentées par un groupe
d'employés, démissions auxquelles l'employeur ne
pourrait, en pratique, donner effet, Il y aurait là
sans doute une fraude à la Loi qui serait immédia-
tement sanctionnée. Mais rien de tel ici, on parle
d'une démission réelle, vraie, individuelle.
En démissionnant la veille de la grève, le requé-
rant s'est, à mon sens, à bon droit dégagé de
l'application de l'article 44. Cependant, (et j'ajoute
ceci pour rejoindre la question secondaire que
soulève le dossier) il est clair que sa «perte d'em-
ploi», là, était celle définitive prévue à l'article 41
et que le fait qu'il l'ait lui-même provoquée doit lui
faire encourir la disqualification de six semaines
qui frappe celui qui quitte son emploi sans
justification.
Je disposerais donc de cette demande comme le
suggère monsieur le juge Pratte.
* * *
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE MACGUIGAN: Je suis d'accord.
La Commission de l'emploi et de l'immigration
et la majorité du conseil arbitral eurent raison
dans le sens que l'intention ultérieure (ou le
motif) 3 du prestataire fut clairement, en démis-
sionnant, d'éviter la perte des prestations comme
gréviste.
3 Pour la distinction entre l'intention immédiate et l'intention
ultérieure (motif) voir Glanville Williams, Criminal Law: The
General Part, 2° éd., London, Stevens & Sons Ltd., 1961, n° 21,
p. 48.
Mais le texte du paragraphe 44(1) de la Loi sur
l'assurance-chômage («la Loi») ne suggère pas une
interprétation si subjective:
44. (1) Un prestataire qui a perdu son emploi du fait d'un
arrêt de travail dû à un conflit collectif à l'usine, à l'atelier ou
en tout autre local où il exerçait un emploi n'est pas admissible
au bénéfice des prestations tant que ne s'est pas réalisée l'une
des éventualités suivantes, à savoir:
(a) la fin de l'arrêt du travail,
Le libellé réfère à une perte d'emploi du fait d'un
arrêt de travail dû à un conflit collectif, et le texte
anglais apparaît avoir le même sens. C'est alors
une question d'un événement objectif et pas d'une
intention subjective, et il n'y a rien dans le con-
texte qui indique la nécessité d'une autre interpré-
tation. En effet, le gréviste retient ses liens avec
son employeur 4 mais le démissionnaire a complète-
ment abandonné son droit de retourner à son
emploi. En l'espèce le prestataire a rompu ses liens
avec son employeur par son acte de démission et il
ne serait pas réaliste selon la Loi de caractériser
cet acte autrement qu'une perte volontaire sans
justification. En conséquence, le paragraphe de la
Loi qui s'y applique est 41(1) et non 44(1).
Je disposerais donc de cette demande comme le
suggère monsieur le juge Pratte.
° Il est évident que je suis d'accord avec les motifs dissidents
du juge Marceau dans l'affaire Goulet c. Commission de
l'emploi et de l'immigration du Canada, [1984] 1 C.F. 653
(C.A.), que la perte d'emploi envisagée à l'article 44 pendant
un conflit collectif est une perte d'emploi essentiellement tem-
poraire. A une occasion appropriée il sera nécessaire de réexa-
miner la décision dans Goulet.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.