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T-64-80, T-2207-80,
T-3346-80, T-5652-80,
T-707-84
La Reine (demanderesse) c.
Amway of Canada Limited/Amway du Canada Ltée et Amway Corporation (défenderesses)
RÉPERTORIÉ: R. c. AMWAY DU CANADA LIÉE
Division de première instance, juge Reed— Ottawa, 18, 19 et 29 novembre 1985.
Droit constitutionnel Charte des droits Procédures criminelles et pénales Incontraignabilité Confiscation de
marchandises conformément à l'art. 192 de la Loi sur les douanes Refus de produire des documents fondé sur le privilège contre l'auto-incrimination Analogie entre le droit de ne pas être contraint à témoigner prévu à l'art. 11c) de la
Charte et le droit de ne pas produire des documents L'art. 11c) s'applique-t-il à toutes les infractions pénales, y compris aux infractions prévues à l'art. 192? En décidant de pro- duire des documents appuyant sa position, la partie n'a pas
choisi de garder le silence Il est ordonné que tous les documents pertinents soient produits Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, chap. C-40, art. 192 Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitu- tionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 11c),d), 13 Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, chap. E-10, art. 5(2).
Pratique Communication de documents et interrogatoire
préalable Production de documents Confiscation de marchandises conformément à l'art. 192 de la Loi sur les douanes Ordonnance de produire une liste de documents conforme à la Règle 448 La portée de la communication de documents ne peut être contrôlée en niant ou en admettant les
allégations contenues dans la déclaration Refus de produire certains documents fondé sur le privilège contre l'auto-incri mination La partie qui décide de produire des documents appuyant sa position ne choisit pas de garder le silence Par conséquent, elle doit produire tous les documents même ceux
qui sont contraires à sa position La Règle 448 a été rédigée en fonction du privilège découlant de la relation avocat-client
ou de l'immunité de la Couronne Loi sur les douanes,
S.R.C. 1970, chap. C-40, art. 192 Règles de la Cour
fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 448.
Douanes et accise Loi sur les douanes Confiscation de marchandises conformément à l'art. 192 de la Loi sur les
douanes Refus de produire certains documents Privilège
contre l'auto-incrimination Le droit de ne pas être contraint
de témoigner conféré par la common law et garanti par l'art. 11c) de la Charte s'applique-t-il à toutes les infractions pénales, y compris à celles prévues à l'art. 192? L'art. 170 de la Loi sur les douanes a préséance sur le privilège conféré par la common law L'art. 11c) ne s'applique pas En produisant certains documents, la partie choisit de témoigner
C'est à l'audience qu'il faudra déterminer si l'art. 192 s'applique aux importateurs seulement ou à «quelqu'un„ («any person») Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, chap. C-40, art. 20, 21, 22, 161, 162, 163, 170, 192, 248(1), 252.
La demanderesse s'adresse à la Cour afin que celle-ci enjoi- gne à Amway Corporation de déposer une liste de documents conforme à la Règle 448 et ordonne à Amway du Canada Limitée de produire les documents pour lesquels elle demande une exemption de production pour le motif qu'ils pourraient tendre à l'incriminer. La défenderesse Amway Corporation cherche à faire radier la déclaration de la demanderesse à son égard.
La Couronne cherche par ses actions principales à faire exécuter les dispositions du paragraphe 192(1) de la Loi sur les douanes. Suivant ce paragraphe, lorsque des marchandises ont été passées en contrebande ou sous-évaluées, ou que des factu- res fausses ont été dressées, ces marchandises sont confisquées ou une somme égale à leur valeur est remise à la Couronne.
Jugement: il faut accueillir les requêtes de la demanderesse et rejeter la requête en radiation.
Liste de documents prévue à la Règle 448
Suivant la Règle 448, la Cour peut ordonner à toute partie de déposer une liste des documents qui ont trait à «tout point litigieux de l'affaire.. Amway Corporation allègue qu'étant donné que le seul point en litige entre la demanderesse et elle-même consiste à déterminer si Amway a importé des marchandises au Canada et que, vu qu'Amway a nié ce fait allégué, elle ne doit produire que les documents qui ont trait à cette question. Cet argument est dénué de fondement. Il fau- drait conclure que le paragraphe de la déclaration qui porte qu'Amway Corporation a importé des marchandises au Canada fait partie intégrante de chaque autre paragraphe de la déclara- tion. Un défendeur ne peut contrôler la portée de la communi cation à laquelle il doit se prêter en niant ou en admettant les allégations qui sont soulevées contre lui dans une déclaration.
Revendication du privilège contre l'auto-incrimination
Amway Canada soutient que, en vertu de la common law et de l'alinéa IIc) de la Charte, une personne accusée d'une infraction a le droit de garder le silence (c'est-à-dire qu'elle ne peut être contrainte de témoigner) et que, par analogie, elle ne peut donc être contrainte de produire certains documents.
Le premier volet de l'argument est rejeté. L'article 170 de la Loi sur les douanes qui prévoit la production de tous les documents, factures, etc., aux fins de toute poursuite intentée sous le régime de ladite Loi a préséance sur le privilège conféré par la common law.
Pour ce qui est de l'alinéa 11c) de la Charte, Amway Canada prétend qu'il s'applique à toutes les infractions pénales, y compris à celles qui sont énumérées à l'article 192 de la Loi sur les douanes et non seulement à celles dont la sanction est une déclaration sommaire de culpabilité ou une déclaration de culpabilité d'un acte criminel. Même si l'alinéa 11c) pouvait s'appliquer à une procédure de confiscation, il ne pourrait, de toute façon, s'appliquer pour empêcher la production de docu ments en l'espèce. Si un inculpé choisit de témoigner, il doit répondre à toutes les questions pertinentes. En l'espèce, en décidant de produire des documents qui appuient sa position, Amway Canada n'a pas choisi de garder le silence. Par consé- quent, elle ne peut désormais refuser de produire d'autres documents pertinents qui ne corroborent pas sa position.
La Règle 448 n'a pas été rédigée en fonction de la règle de l'incontraignabilité maintenant énoncée à l'alinéa I le) de la Charte mais plutôt en fonction du privilège revendiqué, que ce soit le privilège découlant de la relation avocat-client ou de l'immunité de la Couronne. Avant de déposer la liste de docu ments prévue à la Règle 448, la défenderesse aurait pu chercher à obtenir une ordonnance de la Cour adaptant les Règles de manière à les faire concilier aux droits prévus par la Charte et maintenant revendiqués. Elle aurait ainsi soulevé la question de sa contraignabilité avant le début de l'interrogatoire préalable et la communication des documents. En outre, il est bien établi que la règle de l'incontraignabilité n'empêche pas la production de preuves fondées sur des faits objectifs ni les déclarations extrajudiciaires non testimoniales. Lorsqu'une société en a la possession, les documents en l'espèce ressemblent davantage aux preuves fondées sur des faits objectifs sur lesquelles la Cour suprême devait se prononcer dans l'arrêt Curr c. La Reine, [1972] R.C.S. 889, qu'aux preuves à caractère testimonial que vise l'alinéa 11c).
Requête en radiation d'Amway Corporation comme partie défendresse
Amway Corporation allègue que le paragraphe 192(1) de la Loi sur les douanes n'impose des obligations qu'aux importa- teurs de marchandises. Ce paragraphe est toutefois destiné à s'appliquer à «quelqu'un» (any person). Il faut donc trancher une question litigieuse quant à l'interprétation de la loi, ques tion qui devra être débattue à l'audience.
L'argument suivant lequel l'interrogatoire préalable ne révèle aucun fait qui justifie l'allégation voulant qu'Amway Corpora tion était un importateur de marchandises a été rejeté.
JURISPRUDENCE
DÉCISION EXAMINÉE:
R. c. Gary Bowl Limited, [1974] 2 C.F. 146 (C.A.). DÉCISIONS CITÉES:
Compagnie Financiere du Pacifique v. Peruvian Guano Company (1882), 11 Q.B.D. 55 (C.A.); Boxer v. Reesor (1983), 43 B.C.L.R. 352 (C.S.); R. c. Special Risks Holdings Inc., [1983] 2 C.F. 743 (C.A.); Everest & Jennings Canadian Ltd. c. Invacare Corporation, [1984] 1 C.F. 856 (C.A.); Law Society of Upper Canada c. Skapinker, [1984] I R.C.S. 357; Hunter et autres c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; R. c. Big M Drug Mart Ltd. et autres, [1985] 1 R.C.S. 295; Peltari v. Dir. of Lower Mainland Reg. Correctional Centre (1984), 42 C.R. (3d) 103 (C.S.C.-B.); Russell c. Radley, [1984] 1 C.F. 543 (1"° inst.); Boyd v. United States, 116 U.S. 616 (1886); Amway of Canada, Ltd. et M.R.N. (1983), 5 C.E.R. 247 (C.F. l' inst.); Ng v. R. (1981), 24 C.R. (3d) 178 (C.S. Ont.); Curr c. La Reine, [1972] R.C.S. 889; Validity of Section 92(4) of The Vehicles Act, 1957 (Sask.), [1958] R.C.S. 608; Marcoux et autre c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 763; Cyrus J. Moulton Ltd. c. La Reine, [1976] 1 C.F. 437 (C.A.); Diamond Shamrock Corporation c. Hooker Chemicals & Plastics Corp. et autres (1982), 66 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1 " inst.); Gilbert v. Smith (1876), 2 Ch. D. 686 (C.A.).
AVOCATS:
E. R. Sojonky, c.r. et M. F. Ciavaglia pour la
demanderesse.
M. Noël et J. Bernier pour les défenderesses.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Verchère, Noël & Eddy, Montréal, pour les défenderesses.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE REED: Les présents motifs concernent plusieurs requêtes (deux présentées par la deman- deresse et l'une par la défenderesse Amway Corpo ration) qui ont été entendues en même temps et qui sont toutes étroitement liées. Une quatrième requête a également été entendue en même temps que ces dernières mais comme on a demandé à faire valoir de nouveaux arguments, aucune déci- sion n'a encore été rendue sur celle-ci.
La demanderesse a présenté des requêtes visant à obtenir que la Cour (1) enjoigne à la défende- resse Amway Corporation de déposer une liste de documents conforme à la Règle 448 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] et (2) ordonne à la défenderesse Amway du Canada Limitée de produire les quelque 33 documents énumérés à l'annexe I, Partie II, Partie B de sa liste de docu ments déposée (le 12 août 1985) en vertu de la Règle 448 et pour lesquels elle demande une exemption de production pour le motif qu'ils pour- raient tendre à l'incriminer. Dans sa requête, la défenderesse Amway Corporation cherche, sur le fondement de la Règle 419, à faire radier l'action de la demanderesse à son égard ou à obtenir, en vertu de la Règle 341, que jugement soit rendu en sa faveur sans attendre le jugement de tout autre point litigieux entre les parties.
Ces requêtes se rapportent à cinq actions princi- pales visant à faire exécuter certaines dispositions de la Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, chap. C-40 et ses modifications, en particulier le paragraphe 192(1). Ce paragraphe prévoit que lorsque des marchandises ont été passées en contrebande au Canada, que des factures fausses ont été dressées à leur sujet ou encore que les marchandises ont été
sous-évaluées, celles-ci doivent être confisquées et remises à la Couronne. Le paragraphe prévoit aussi que lorsqu'il n'est pas possible de trouver ces marchandises, une somme égale à leur valeur est remise à la Couronne'.
C'est cette disposition que l'on cherche à faire appliquer et le montant total que la demanderesse réclame aux défenderesses est le suivant:
valeur des marchandises 118 451 026,20 $
droits 16 821 350,80
taxe de vente 12 770 989,58
148 043 366,58 $
Les déclarations portent que les défenderesses ont importé des marchandises au Canada (para- graphe 2); qu'on leur a demandé de produire, pour les douanes, des factures indiquant la juste valeur marchande des marchandises (paragraphe 3); que les défenderesses ont fourni à cet égard de faux documents au ministère du Revenu national (para- graphe 4); que les défenderesses ont fait de fausses déclarations aux douanes en ce qui concerne la juste valeur marchande des marchandises (para- graphe 5) et, subsidiairement, qu'elles ont sous- évalué les marchandises et ont, par conséquent, fraudé le revenu en ne payant pas les droits dus (paragraphe 8).
Liste de documents prévue à la Règle 448— Amway Corporation
Un affidavit produit au soutien de la requête de la demanderesse révèle que, lorsque Amway Cor poration a signifié à la demanderesse, le 6 août 1985, la liste de documents prévue à la Règle 448, ladite liste était accompagnée d'une lettre qui portait:
' 192. (1) Si quelqu'un
a) passe en contrebande ou introduit clandestinement au Canada des marchandises, sujettes à des droits, d'une valeur imposable inférieure à deux cents dollars;
b) dresse, ou passe ou tente de passer par la douane, une facture fausse, forgée ou frauduleuse de marchandises de quelque valeur que ce soit; ou
c) tente, de quelque manière de frauder le revenu en évitant de payer les droits ou quelque partie des droits sur des marchandises de quelque valeur que ce soit;
ces marchandises, si elles sont trouvées, sont saisies et confis- quées, ou, si elles ne sont pas trouvées, mais que la valeur en ait été constatée, la personne ainsi coupable doit remettre la valeur établie de ces marchandises, cette remise devant être faite sans faculté de recouvrement dans le cas de contraventions prévues à l'alinéa a).
[TRADUCTION] ... la seule question de fait en cause entre la défenderesse Amway Corporation et la demanderesse est, à notre avis, la négation au paragraphe 2 des défenses respectives de l'allégation contenue au paragraphe 2 des déclarations res- pectives voulant qu'Amway Corporation ait importé des mar- chandises au Canada; étant donné qu'il s'agit de la seule question de fait, c'est donc le seul «point litigieux» pour lequel il pourrait exister des documents qu'Amway Corporation doit énumérer dans une liste afin de se conformer à la Règle 448.
Pour ces motifs, nous sommes convaincus, après avoir examiné attentivement l'affaire, que les documents énumérés en ce qui concerne ledit aspect de chaque cas sont, en principe, les documents «[ayant] trait à tout point litigieux de l'affaire ou de la question» qui sont ou ont été en la possession, etc., d'Amway Corporation.
La demanderesse soutient que cette affirmation reconnaît implicitement qu'Amway Corporation a en sa possession d'autres documents qui auraient être déposés mais qui ne l'ont pas été en raison de l'interprétation par les avocats de l'expression «point litigieux».
Il est de droit constant que, au cours de la communication préalable, chaque document qui peut directement ou indirectement permettre à la partie qui en demande la production de faire pro- gresser sa preuve ou de nuire à celle de son adver- saire doit être produit: Compagnie Financiere du Pacifique v. Peruvian Guano Company (1882), 11 Q.B.D. 55 (C.A.); Boxer v. Reesor (1983), 43 B.C.L.R. 352 (C.S.); R. c. Special Risks Holdings Inc., [1983] 2 C.F. 743 (C.A.); Everest & Jen- nings Canadian Ltd. c. Invacare Corporation, [1984] 1 C.F. 856 (C.A.).
La défenderesse Amway Corporation ne con- teste pas cette règle de droit mais elle allègue que, compte tenu des déclarations de la demanderesse, le seul point en litige entre la demanderesse et elle-même consiste à déterminer si Amway Corpo ration a importé des marchandises au Canada. On soutient que, étant donné qu'Amway Corporation a nié avoir importé des marchandises au Canada, elle ne doit produire que les documents qui ont trait à cette question et non des documents qui pourraient concerner la production de faux docu ments au ministère du Revenu national, les fausses déclarations aux douanes ou la sous-évaluation des marchandises.
Les avocats fondent leur argument sur le para- graphe deux des déclarations qu'ils considèrent comme faisant partie intégrante (ou comme condi-
tion préalable) de chaque autre paragraphe figu- rant dans les déclarations. Le paragraphe deux porte:
[TRADUCTION] ... les défenderesses ont importé au Canada certaines marchandises dont elles étaient propriétaires. Elles ont déclaré ces marchandises dans cent quatre-vingt deux (182) déclarations de douane distinctes.
L'avocat d'Amway soutient qu'il faut considérer que le paragraphe deux décrit les marchandises qui ont été importées soit solidairement par Amway Corporation ou Amway Canada soit con- jointement (par les deux sociétés agissant de con cert), mais il change ensuite brusquement son argumentation en déclarant que le seul point qu'Amway Corporation doit réfuter est l'allégation qu'elle a importé des marchandises au Canada. Ce n'est pas une interpétation raisonnable des déclarations.
J'estime que cet argument est tout à fait dénué de fondement. Les déclarations se composent a priori de paragraphes indépendants qui portent que les défenderesses se sont adonnées à certaines activités. L'argument de l'avocat exige de lire dans chacun de ces paragraphes des termes qui n'y sont pas. Je n'interprète pas les déclarations de cette manière, qui exige une gymnastique linguistique sinon une mauvaise interprétation volontaire.
Il ressort à la simple lecture des déclarations que rien n'empêche, par exemple, l'allégation de sous- évaluation soulevée contre Amway Corporation d'avoir trait aux marchandises importées au Canada par Amway Canada. La question de savoir si cela rend Amway Corporation légalement responsable en vertu de la Loi sur les douanes est un autre point qui sera sans aucun doute examiné pendant les débats à l'audience (voir plus loin à la page 326).
L'avocat ne conteste pas que l'autre défende- resse, Amway Canada, doive fournir les documents qui ont trait à la production de faux documents, aux fausses déclarations faites aux douanes et à la sous-évaluation (dans la mesure elle les a en sa possession). À son avis, il en est ainsi parce qu'Amway Canada a admis qu'elle était un impor- tateur des marchandises. Une telle formulation de cet argument de la défenderesse indique claire- ment qu'il repose sur la prémisse voulant qu'un défendeur peut contrôler la portée de la communi-
cation à laquelle il doit se prêter en niant ou en admettant les allégations qui sont soulevées contre lui dans une déclaration. En énonçant ainsi cet argument, on démontre sa fausseté.
Subsidiairement, l'avocat d'Amway Corporation a invité la Cour à trancher, conformément à la Règle 476, la question préliminaire (telle qu'il l'a qualifiée) à savoir si Amway Corporation était un importateur de marchandises. Je refuse de le faire. Il ne s'agit pas d'une circonstance il y a lieu d'appliquer cette Règle.
Revendication du privilège contre l'auto-incrimi- nation—Amway Canada
La défenderesse Amway Canada réclame, dans la liste de documents qu'elle a déposée conformé- ment à la Règle 448, l'exemption de production de certains documents qui y sont énumérés pour le motif que leur divulgation pourrait tendre à l'incriminer.
Le privilège en cause n'est pas celui conféré à un témoin par le paragraphe 5(2) de la Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, chap. E-10, et désormais aussi par l'article 13 de la Charte cana- dienne des droits et libertés 2 [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)]. Ce privilège n'exempte pas un témoin de produire des documents (ou de répondre à des questions). Il ne permet à une personne qui le revendique que d'éviter que la preuve ainsi fournie ne soit utilisée au cours de procédures ultérieures. Ce n'est pas ce que l'on demande en l'espèce. En fait, il est peu probable que des procédures crimi- nelles soient engagées ultérieurement étant donné que les deux défenderesses ont déjà été reconnues coupables de fraude le 10 novembre 1983 par la Cour suprême de l'Ontario, relativement aux évé- nements qui sont à l'origine de la présente action intentée contre elles par la demanderesse.
Amway Canada soutient que, en vertu de la common law et désormais de la Charte canadienne des droits et libertés, une personne accusée d'une
2 13. Chacun a droit à ce qu'aucun témoignage incriminant qu'il donne ne soit utilisé pour l'incriminer dans d'autres procé- dures, sauf lors de poursuites pour parjure ou pour témoignages contradictoires.
infraction a le droit de garder le silence (c'est-à- dire qu'elle ne peut être contrainte de témoigner).
On peut facilement réfuter le premier volet de l'argument fondé sur la common law. La loi a préséance sur ce genre de privilège. L'article 170 de la Loi sur les douanes prévoit la production de tous les documents, factures, etc., aux fins de toute poursuite intentée sous le régime de ladite Loi.
L'alinéa 11c) de la Charte canadienne des droits et libertés porte:
11. Tout inculpé a le droit:
c) de ne pas être contraint de témoigner contre lui-même dans toute poursuite intentée contre lui pour l'infraction qu'on lui reproche;
L'avocat de la défenderesse soutient que l'article 192' de la Loi sur les douanes a un caractère pénal (peu importe que les dispositions prévoyant la confiscation ou celles relatives à la déclaration sommaire de culpabilité ou aux actes criminels soient invoquées). Il prétend que l'alinéa 11c) de la Charte s'applique à toutes les infractions pénales quelle que soit la procédure utilisée pour les faire sanctionner. A cette fin, on doit conclure que le sens du terme «inculpé» figurant à l'article 11 est suffisamment large pour viser la procédure de notification prévue à l'article 161 de la Loi sur les douanes.
3 Le paragraphe 192(1) qui définit l'infraction visée par l'article 192 est énoncé plus haut (page 316). Les paragraphes 192(2) et (3) sont ainsi rédigés:
192....
(2) En sus de toute autre peine dont elle est passible pour une infraction de cette nature, cette personne,
a) doit remettre une somme égale à la valeur de ces mar- chandises, laquelle somme peut être recouvrée devant tout tribunal compétent; et
b) sur déclaration sommaire de culpabilité devant deux juges de paix, est de plus passible d'une amende d'au plus deux cents dollars et d'au moins cinquante dollars, ou d'un empri- sonnement d'au plus un an et d'au moins un mois, ou à la fois de l'amende et de l'emprisonnement.
(3) Quiconque passe en contrebande ou introduit clandestine- ment au Canada des marchandises frappées de droits, d'une valeur imposable de plus de deux cents dollars, est coupable d'un acte criminel et passible, sur déclaration de culpabilité, en sus de toute autre peine à laquelle il est assujetti pour une infraction de cette nature, d'une amende d'au plus mille dollars et d'au moins deux cents dollars, ou d'un emprisonnement d'au plus quatre ans et d'au moins un an, ou à la fois de l'amende et de l'emprisonnement, et ces marchandises, si elles sont trouvées, sont saisies et confisquées sans faculté de recouvrement, ou, si
(Suite à la page suivante)
À l'appui de sa prétention voulant que l'article 11 de la Charte vise les actions qui ont un véritable caractère pénal, et non seulement celles dont la sanction est une déclaration sommaire de culpabilité ou une déclaration de culpabilité d'un acte criminel, l'avocat cite les affaires Peltari v. Dir. of Lower Mainland Reg. Correctional Centre (1984), 42 C.R. (3d) 103 (C.S.C.-B.) et Russell c. Radley, [1984] 1 C.F. 543 (lie inst.). Il invoque particulièrement l'analyse faite par le juge Gibbs à la page 111 de la décision Peltari:
[TRADUCTION] Après avoir examiné d'autres décisions se rapportant à la Charte et après avoir analysé attentivement la Charte et en particulier l'art. 11, je suis d'avis que le terme «infraction» à l'al. 11h) signifie un comportement prohibé par une règle de droit sous peine de sanction.
Il invoque aussi la conclusion du juge Muldoon à la page 565 de l'affaire Russell:
De même, il semble qu'il ne fait également aucun doute que le terme «infraction» à l'article 11 exclut un délit ou un tort. Que signifie donc le terme «infraction»? Il désigne certainement un comportement (une mauvaise conduite coupable) défini et pro- hibé par une règle de droit et qui, s'il est établi, dans les faits, hors de tout doute raisonnable, rend le contrevenant, reconnu coupable, passible en vertu de la loi, d'une amende, d'un emprisonnement ou d'une autre peine.
La Cour suprême a statué qu'il fallait interpré- ter la Charte d'une manière libérale: Law Society of Upper Canada c. Skapinker, [1984] 1 R.C.S. 357; Hunter et autres c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; R. c. Big M Drug Mart Ltd. et autres, [1985] 1 R.C.S. 295.
Je sais également que les tribunaux ont statué aux États-Unis où, c'est bien connu, on a élaboré une définition beaucoup plus large du privilège contre l'auto-incrimination que celle qui existe au Canada, que ce privilège était applicable aux cas de confiscation. (McCormick on Evidence, West Pub. Co., 2e éd., 1972, aux pages 257 et 258; Boyd y. United States, 116 U.S. 616 (1886).)
Il faudrait aussi souligner que si l'argument de la défenderesse est fondé et que les protections de l'article 11 s'appliquent à la confiscation, non seu- lement l'alinéa 11c) deviendra-t-il un point en litige mais ce sera le cas aussi de l'alinéa 11d).
(Suite de la page précédente)
elles ne sont pas trouvées, mais que la valeur en ait été constatée, la personne ainsi coupable doit remettre la valeur établie de ces marchandises sans qu'il lui soit possible de la recouvrer.
Ledit alinéa 11d) prévoit qu'une personne doit «être présumé[e] innocent[e] tant qu'[elle] n'est pas déclaré[e] coupable». Le paragraphe 248(1) de la Loi sur les douanes prévoit toutefois:
248. (1) Dans toutes procédures intentées pour recouvrer une amende, appliquer une punition, opérer une confiscation ou ... le fardeau de la preuve incombe ... à celui dont le devoir était de se conformer à la présente loi ... et non à Sa Majesté ...
La demanderesse fait valoir que la procédure de confiscation est une procédure civile; que la confis cation entraîne une dette envers la Couronne qui, par sa nature, relève du droit civil et que l'article 11 de la Charte exige une procédure criminelle car il y est expressément prévu qu'il s'applique lors- qu'une personne est «inculpé[e]». Elle cite la déci- sion du juge Cattanach dans l'affaire Amway of Canada, Ltd. et M.R.N. (1983), 5 C.E.R. 247 (C.F. l inst.) et celle de la Cour suprême de l'Ontario dans Ng v. R. (1981), 24 C.R. (3d) 178. Aucune de ces décisions n'est particulièrement utile étant donné que ni l'une ni l'autre ne traitent de la portée de l'alinéa 11c). En outre, bien que le juge Cattanach ait fait mention de la confiscation comme s'il s'agissait d'une procédure civile, il a manifestement adopté la terminologie utilisée par les avocats. Il ressort d'autres passages de son jugement qu'il considérait que la confiscation était une sanction imposée par suite de la perpétration d'une infraction. Dans l'affaire Ng, le juge Eberle n'a pas jugé nécessaire de déterminer pour les fins de sa décision si la confiscation était une procédure civile ou une procédure «quasi criminelle». Il résulte de la position adoptée par la demanderesse que si la Couronne avait procédé contre la défen- deresse sur déclaration de culpabilité par procé- dure sommaire conformément à l'alinéa 192(2)b) (où l'amende maximale est de 200 $), toutes les garanties prévues à l'article 11 de la Charte s'ap- pliqueraient, mais qu'étant donné qu'elle s'est fondée sur l'alinéa 192(2)a) pour effectuer une confiscation (par laquelle elle cherche à obtenir 118 451 026,20 $), les garanties prévues à la Charte ne s'appliquent pas.
Les défenderesses ont soulevé la question de la Charte en réponse à la requête de la demanderesse visant à obtenir la production de documents. Il était évident que la demanderesse ne s'y attendait pas. C'est pourquoi la réponse complète et réflé- chie que mérite cette question ne m'a pas été soumise. Même si je puis rouvrir les débats sur
cette question pour permettre la présentation d'au- tres arguments, j'ai décidé de ne pas le faire parce que, de toute façon, les défenderesses ne peuvent à mon avis avoir gain de cause.
Même si l'alinéa 11c) s'applique à une procé- dure de confiscation comme celle dont il s'agit dans le cas présent, et même s'il s'applique pour protéger les sociétés aussi bien que les particuliers, je ne crois pas qu'on puisse l'appliquer pour empê- cher la production de documents en l'espèce. Sui- vant l'argument avancé, étant donné qu'un inculpé ne peut pas être contraint de témoigner, la société défenderesse ne peut être contrainte de produire des documents. Toutefois, si un inculpé choisit de témoigner, il doit répondre à toutes les questions pertinentes 4 . En l'espèce, la société défenderesse a produit des documents qui appuient sa position; elle n'a pas choisi de garder le silence. Par consé- quent, même si on suit la règle, la défenderesse ne peut désormais refuser de produire d'autres docu ments pertinents, c'est-à-dire ceux qui ne corrobo- rent pas sa position.
Il est vrai que les Règles de la Cour exigent la production de documents et la détermination dans la liste produite en vertu de la Règle 448 des documents pour lesquels une exemption de produc tion est demandée; toutefois, cette dernière Règle n'a pas été rédigée en fonction de la règle de l'incontraignabilité maintenant énoncée à l'alinéa 11c) de la Charte. Elle a été rédigée en fonction du privilège revendiqué, par exemple, le privilège découlant de la relation avocat-client ou de l'im- munité de la Couronne. Je constate, en essayant d'appliquer la règle de l'incontraignabilité aux pro- cédures de communication de documents et d'in- terrogatoire préalable comme la défenderesse me le demande, combien il est difficile de l'appliquer, s'il y a lieu même de le faire. Quoi qu'il en soit, si on procède par analogie, un inculpé peut refuser de témoigner, mais s'il accepte de le faire, il doit répondre à toutes les questions autres que celles auxquelles le privilège du secret professionnel de l'avocat ou un autre privilège pourraient s'appli- quer mais non le privilège contre l'auto-incrimina tion. Avant de déposer la liste de documents
4 Voir de façon générale le Rapport du groupe de travail fédéral-provincial sur l'uniformisation des règles de preuve (Editions Yvon Biais, 1983), en particulier aux pages 473 et suivantes, et Ratushny dans Self-incrimination in the Cana- dian Criminal Process (Carswell, 1979).
prévue à la Règle 448, la défenderesse en l'espèce aurait pu chercher en même temps à obtenir une ordonnance de la Cour (conformément à l'article 252 de la Loi sur les douanes) adaptant les Règles de manière à les faire concilier aux droits prévus par la Charte et maintenant revendiqués. Cela aurait permis de soulever la question de la contrai- gnabilité de la défenderesse avant le début de l'interrogatoire préalable et la communication des documents. Mais cela n'a pas été fait. La défende- resse a déposé une liste de documents allant en sa faveur. Elle doit maintenant produire une liste de tous les autres documents pertinents.
En outre, il est bien établi que la règle de l'incontraignabilité n'empêche pas la production de preuves fondées sur des faits objectifs ni les décla- rations extrajudiciaires non testimoniales: Curr c. La Reine, [1972] R.C.S. 889; Validity of Section 92(4) of The Vehicles Act, 1957 (Sask.), [1958] R.C.S. 608; Marcoux et autre c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 763. En général, les documents en cause avaient été préparés longtemps avant le début des procédures. À mon avis, lorsqu'une société en a la possession, ces documents ressemblent davantage aux preuves fondées sur des faits objectifs sur lesquelles la Cour suprême devait se prononcer dans l'arrêt Curr qu'aux preuves à caractère testi monial que vise l'alinéa 11c).
Enfin, si les défenderesses avaient raison dans les arguments qu'elles ont avancés et que je n'ai pas examinés, et si j'ai tort quant à la portée de la protection découlant de toute façon de l'alinéa 11c), il faudrait encore examiner l'article 1 de la Charte. Il semble qu'il s'agirait en l'espèce d'un cas très approprié pour l'appliquer.
Requête en radiation d'Amway Corporation comme partie défenderesse
Amway Corporation cherche à obtenir que la Cour ordonne la radiation du paragraphe deux de la déclaration de la demanderesse conformément à la Règle 419, et qu'elle ordonne qu'un jugement rejetant l'action à son égard soit enregistré en conséquence. Elle allègue à cette fin que ledit paragraphe 2 est scandaleux, futile ou vexatoire, ou qu'il constitue par ailleurs un emploi abusif des procédures de la Cour. Amway Corporation demande subsidiairement qu'un jugement soit
rendu en sa faveur conformément à la Règle 341 pour le motif que l'interrogatoire préalable et d'au- tres documents contiennent des admissions justi- fiant une telle ordonnance.
L'argument fondé sur la Règle 419 n'a pas vraiment été sérieusement débattu et, en fait, il ne mérite pas qu'on s'y attarde longuement. En pre mier lieu, les plaidoiries sur le paragraphe deux de la déclaration sont depuis longtemps terminées. En second lieu, même si on pouvait contester le para- graphe deux en raison de son imprécision, cela ne justifierait pas la radiation de toute la déclaration. Le redressement approprié consisterait à donner à la demanderesse l'occasion de le modifier.
Amway Corporation soutient pour étayer ses deux requêtes (1) que la Loi sur les douanes n'impose des droits, des obligations et des sanc tions qu'aux importateurs de marchandises (par- fois aussi aux propriétaires ou aux transporteurs), (2) que la déclaration ne soulève en ce qui con- cerne Amway Corporation (comme souligné plus haut aux pages 317 et suivantes) que la question de savoir si cette dernière était un importateur, (3) que, jusqu'à maintenant, les déclarations du témoin de la demanderesse, Dwight St. Louis, au cours de son interrogatoire préalable, ne révèlent aucun fait justifiant l'allégation de la Couronne voulant qu'Amway Corporation était un importa- teur; et, par conséquent, la déclaration devrait être radiée en ce qui la concerne ou un jugement devrait être enregistré en sa faveur.
Il n'est pas évident que la Loi sur les douanes n'impose des obligations qu'aux importateurs (pro- priétaires et transporteurs). Le paragraphe 192(1) sur lequel repose l'action de la Couronne prévoit:
192. (1) Si quelqu'un
a) passe en contrebande ou introduit clandestinement au Canada des marchandises, sujettes à des droits, d'une valeur imposable inférieure à deux cents dollars;
b) dresse, ou passe ou tente de passer par la douane, une facture fausse, forgée ou frauduleuse de marchandises de quelque valeur que ce soit; ou
c) tente, de quelque manière de frauder le revenu en évitant de payer les droits ou quelque partie des droits sur des marchandises de quelque valeur que ce soit;
ces marchandises, si elles sont trouvées, sont saisies et confis- quées, ou, si elles ne sont pas trouvées, mais que la valeur en ait été constatée, la personne ainsi coupable doit remettre la valeur établie de ces marchandises, cette remise devant être faite sans faculté de recouvrement dans le cas de contraventions prévues à l'alinéa a). [C'est moi qui souligne.]
L'avocat d'Amway Corporation allègue qu'il fau- drait considérer que l'alinéa b) n'impose une obli gation qu'à l'importateur (même si l'article est formulé de manière à s'appliquer à «quelqu'un» (any person)) parce que c'est à ce dernier que l'obligation de fournir des factures est imposée partout ailleurs dans la Loi (articles 20 et 21). On soutient que l'alinéa c) n'impose une obligation qu'aux importateurs parce que c'est l'importateur qui est obligé de payer les droits (article 22).
C'est une des interprétations possibles du para- graphe 192(1), mais on peut aussi affirmer le contraire et soutenir que ledit paragraphe a une application plus générale si on se fonde sur le fait qu'il est destiné à s'appliquer à «quelqu'un». 11 est donc évident que, même si les faits allégués par la défenderesse étaient vrais (c'est-à-dire qu'Amway Corporation n'était pas un importateur), il faut trancher une question litigieuse quant à l'interpré- tation de la loi. C'est une question qui doit être débattue à l'audience et non une question qui doit être tranchée par le juge des requêtes au cours d'une procédure préliminaire fondée sur la Règle 341. Voir: R. c. Gary Bowl Limited, [1974] 2 C.F. 146 (C.A.) la page 148] l'affaire Gilbert v. Smith (1876), 2 Ch. D. 686 (C.A.) la page 689] est citée relativement à la Règle 341:
[TRADUCTION] La règle n'a pas été conçue pour s'appliquer lorsqu'une question de droit importante est en cause.
Et à la page 149 de la décision rendue dans Gary Bowl, le juge en chef Thurlow a dit:
... lorsque les faits pertinents sont clairement admis et que les conséquences de l'application de la loi aux faits ne font pas de doute, de sorte qu'un demandeur a manifestement droit ex debito justitiae au redressement qu'il réclame dans l'action ou qu'un défendeur a droit à un jugement rejetant l'action intentée contre lui, selon le cas, une requête en vertu de la Règle 341 est la façon appropriée d'obtenir un tel redressement immédiate- ment plutôt qu'un procès qui ne changerait rien au résultat.
Voir aussi: Cyrus J. Moulton Ltd. c. La Reine, [1976] 1 C.F. 437 (C.A.) et Diamond Shamrock Corporation c. Hooker Chemicals & Plastics Corp. et autres (1982), 66 C.P.R. (2d) 145 (C.F. lre inst.).
Même si ce simple motif justifierait le rejet de la requête de la défenderesse, je vais malgré tout examiner les autres éléments de son argumenta tion.
Pour ce qui est de l'interprétation que la défen- deresse a faite de la déclaration de la demande- resse, j'ai déjà indiqué que je ne l'interprétais pas aussi restrictivement que l'avocat d'Amway Cor poration me presse de le faire (voir plus haut les pages 318 et suivantes). A mon avis, la déclaration fait plus que soulever contre Amway Corporation la question de savoir si cette société était un impor- tateur des marchandises.
En ce qui concerne l'argument de l'avocat de la défenderesse suivant lequel les procédures de com munication de documents et l'interrogatoire préa- lable ne révèlent jusqu'à maintenant aucun fait qui justifie l'allégation de la demanderesse voulant qu'Amway Corporation était un importateur des marchandises (en fait, il soutient que le témoin de la Couronne a admis ce fait), cet argument est dénué de fondement.
L'avocat fonde ses arguments à cet égard en grande partie sur les questions qu'il a posées à maintes reprises au témoin de la demanderesse au sujet des documents qui ont jusqu'à maintenant été produits. Il a demandé qui était inscrit comme l'importateur sur chacun desdits documents. C'était évidemment Amway Canada. Cela n'est pas surprenant, mais cela ne tranche pas pour autant la question de savoir qui était et qui n'était pas en réalité l'importateur.
Deuxièmement, la conclusion que l'avocat me demande de tirer (c'est-à-dire qu'Amway Corpora tion n'était pas un importateur) exige que j'appré- cie la preuve fournie par le témoin de la Couronne au moment de l'interrogatoire préalable, que j'éva- lue les témoignages fournis sous forme d'affidavits par certains agents en douane en ce qui concerne les procédures d'expulsion engagées contre MM. VanAndel et DeVos relativement aux accusations de fraude, et que je tire des conclusions à partir des documents que la Couronne a envoyés à Amway Corporation et à Amway Canada, y com- pris le rapport fait au Ministre conformément aux articles 162 et 163 de la Loi. Ces questions devront manifestement être tranchées à l'audience par le juge de première instance, une fois que tous les éléments de preuve, y compris l'exposé de la Cou- ronne, auront été entendus. Il est prématuré pour un juge des requêtes de se lancer dans une telle entreprise. Il ne s'agit pas d'un cas les interro- gatoires préalables indiquent clairement la dispa-
rution de la question sur laquelle porte la réclamation.
Troisièmement, la défenderesse, qui a interrogé au préalable le témoin de la demanderesse alors qu'elle a refusé de produire tous les documents pertinents qu'elle avait en sa possession et de permettre l'interrogatoire préalable de ses propres dirigeants, me paraît faire montre d'une rare effronterie en demandant que jugement soit rendu en sa faveur pour le motif que les réponses aux questions posées à l'interrogatoire préalable ne prouvent pas suffisamment à son égard les faits en litige. L'avocat de la défenderesse avait un con- trôle total sur les questions posées au témoin au cours de l'interrogatoire préalable. La Couronne n'a pas eu l'occasion de présenter sa preuve.
Quatrièmement, les prétentions de l'avocat de la défenderesse voulant que la demanderesse ait admis au cours de l'interrogatoire préalable que la défenderesse Amway Corporation n'était pas un importateur des marchandises ne sont tout simple- ment pas justifiées par le dossier. Voir l'interroga- toire préalable pièce A, volume I; page 60, lignes 15 25; pages 62 et 63; page 69, lignes 22 27; page 73, lignes 15 22; pages 74 78; page 145; page 150 et page 205 pièce A, volume III, pages 515 à 517; page 546. Bien que les avocats se laissent souvent aller à une éloquence exagérée en plaidant la cause de leur client, les généralisations manifestement erronées faites dans ce cas n'ont été d'aucune utilité.
Conclusion
Par conséquent, la requête visant à obtenir d'Amway Corporation une liste de documents con- forme à la Règle 448 et la requête exigeant qu'Amway Canada produise les documents qui sont énumérés à l'annexe I, Partie II, Partie B, et pour lesquels elle a réclamé une exemption de production sont accueillies. La requête visant à obtenir la radiation d'Amway Corporation sur la déclaration de la demanderesse est rejetée.
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