T-273-85
ECG Canada Inc. (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: ECG CANADA LTA c. CANADA
Division de première instance, juge Rouleau—
Montréal, 9 décembre 1986; Ottawa, 11 février
1987.
Interprétation des lois — Loi sur la taxe d'accise —
Expression «qui prépare des marchandises pour la vente ... en
les ... emballant ou remballant» figurant à l'art. 2(1)f) — La
Cour peut examiner l'objet de la loi et les circonstances qui
entourent son adoption pour déterminer l'intention du législa-
teur — La première étape consiste tout d'abord à interpréter la
Loi dans son ensemble et ensuite, à interpréter les dispositions
pertinentes dans leur sens ordinaire et grammatical — Les
politiques et l'interprétation administratives ont été invoquées
à juste titre — Il ne subsiste aucun doute quant à l'intention
de la Loi — Intention d'étendre la définition du mot fabricant
— L'effacement du code de garantie sur les tubes récepteurs et
le rangement de ceux-ci dans des boîtes pour leur expédition
aux distributeurs sont manifestement des opérations d'embal-
lage ou de remballage — Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970,
chap. E-13, art. 2(1)f) (ajouté par S.C. 1980-81-82-83, chap.
68, art. 1).
Douanes et accise — Loi sur la taxe d'accise — La deman-
deresse importe des tubes récepteurs pour téléviseurs afin de
les vendre à des distributeurs — Elle enlève le code de garantie
américain et place les tubes dans des boîtes portant le numéro
de série, le nouveau code de garantie ainsi que le pays d'ori-
gine — Demande visant à faire annuler une cotisation suivant
laquelle les opérations effectuées constituent ce qu'on appelle
de la «fabrication marginale» — Interprétation de l'expression
«qui prépare des marchandises pour la vente ... en les ...
emballant ou remballant» qui figure à l'art. 2(1)f) de la Loi —
Intention d'étendre la définition du mot fabricant et de créer
une catégorie appelée «fabrication marginale» — Action reje-
tée — Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, art.
2(1)f) (ajouté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 68, art. 1).
La demanderesse cherche à faire annuler une cotisation
établie conformément à l'alinéa 2(1)f) de la Loi sur la taxe
d'accise. Elle importe des États-Unis des tubes récepteurs pour
appareils de télévision. Lorsque les tubes arrivent au Canada, la
demanderesse efface le code de garantie qui est déjà imprimé
sur leur surface de verre. Le code est enlevé parce qu'il diffère
de celui qui s'applique au Canada. Les tubes sont ensuite placés
dans de petites boîtes et expédiés aux distributeurs. La deman-
deresse imprime sur le couvercle à rabat de la boîte le numéro
de série qui indique le modèle du tube, le nouveau code de
garantie et le pays d'origine. Les boîtes ne sont pas mises en
montre mais entreposées par la demanderesse et elles sont
habituellement stockées sur des tablettes à l'arrière des maga-
sins des distributeurs et des marchands en gros. Il a été décidé
que les opérations effectuées par la demanderesse sont visées
par l'expression «fabrication marginale», ce qui assujettit la
demanderesse au paiement de la taxe de vente fédérale. Le
litige tourne autour de l'interprétation qu'il faut donner à
l'expression «qui prépare des marchandises pour la vente ... en
les ... emballant ou remballant», expression qui a été insérée à
l'alinéa 2(1)j) de la Loi en 1981. La demanderesse prétend que
les politiques et l'interprétation administratives sont, comme l'a
déclaré la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Nowegijick,
un facteur important dont il faut tenir compte en cas de doute
sur le sens de la législation. La défenderesse allègue qu'il faut
adopter l'approche littérale ou la règle du «sens ordinaire» et
que les termes «emballant ou remballant» utilisés dans les
définitions figurant dans la Loi étendent le sens des mots
fabricant ou producteur de manière à englober les opérations
effectuées en l'espèce.
Jugement: l'action doit être rejetée.
La Cour peut toujours examiner l'objet de la loi et les
circonstances qui entourent son adoption afin de comprendre et
de déterminer ce qu'a dit le législateur. Il ne faut pas seulement
tenir compte de ces considérations que lorsqu'il y a un doute.
En l'espèce, il faut tout d'abord interpréter la Loi dans son
ensemble afin de déterminer l'intention du législateur ainsi que
l'objet et l'économie de la Loi. Il faut ensuite interpréter les
termes des dispositions pertinentes dans leur sens ordinaire et
grammatical en tenant compte des considérations qui précè-
dent. Il ressort d'une lecture attentive du bulletin publié par le
Ministère avant que la disposition pertinente ne soit adoptée en
1981 qu'on avait l'intention à l'époque d'étendre la définition
du mot fabricant et de créer une catégorie appelée «fabrication
marginale». Il est prévu dans le bulletin qu'on voulait étendre la
définition à toute personne qui accomplit une ou plusieurs
opérations d'emballage ou de remballage, qui prépare les mar-
chandises pour la vente.
Il ne s'agit pas en l'espèce d'un cas où il faudrait interpréter
la politique administrative d'une manière restrictive et où il
faudrait suivre le principe dégagé dans l'arrêt Nowegijick, car
il n'existe aucun doute quant à l'intention de la Loi. La
disposition en cause énonce clairement les opérations qu'on doit
considérer comme de la «fabrication marginale». Les opérations
effectuées par la demanderesse se rapportent directement à la
définition des termes «emballant ou remballant» et au sens
ordinaire de l'article.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Fiat Auto Canada Limited c. La Reine, [1984] 1 C.F.
203; (1983), 6 C.E.R. 82 (1' » inst.); Nowegijick c. La
Reine, [1983] 1 R.C.S. 29; 144 D.L.R. (3d) 193.
DÉCISION EXAMINÉE:
Harel c. Sous-ministre du revenu du Québec, [1978] 1
R.C.S. 851.
AVOCATS:
Michael Kaylor pour la demanderesse.
Daniel Marecki pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Gottlieb, Kaylor & Stocks, Montréal, pour la
demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE ROULEAU: La demanderesse cherche à
faire annuler une cotisation établie par la division
des Douanes et de l'Accise du ministère du Revenu
national conformément à l'alinéa 2(1)f) de la Loi
sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13,
modifiée par S.C. 1980-81-82-83, chap. 68, art. 1;
la défenderesse a décidé que les opérations effec-
tuées par la demanderesse sur certaines marchan-
dises importées constituaient ce qu'on appelle de la
«fabrication marginale».
La demanderesse, qui est une société canadienne
dûment constituée et une filiale en propriété exclu
sive de Philips U.S., exploite son entreprise à
Montréal. Parmi ses nombreuses activités, elle
importe et vend des tubes récepteurs pour l'indus-
trie de la télévision. Entre le lei août 1981 et le 31
octobre 1983, elle a importé les tubes récepteurs
des États-Unis dans des boîtes d'environ cent
unités chacune. Une fois les marchandises arrivées,
la demanderesse a effectué certaines opérations
avant que les tubes ne soient expédiés aux distribu-
teurs ou à d'autres acheteurs éventuels; ces opéra-
tions ont été classées dans la catégorie visée par
l'expression «fabrication marginale», d'où la cotisa-
tion établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise.
Les tubes sont cylindriques; ils mesurent
environ 2 pouces et ' de long et leur diamètre est
de 3 4 de pouce. La majorité de ces tubes est
fabriquée aux États-Unis par Philips qui les expé-
die dans des boîtes divisées en petits espaces carrés
d'environ 3 / 4 de pouce. Lorsque les tubes arrivent
au Canada, le nom commercial Sylvania ainsi que
le numéro de modèle et le code de garantie sont
déjà imprimés sur leur surface de verre. Le code
est effacé par polissage, mais le nom commercial
ainsi que le numéro de modèle restent. Le code de
garantie est enlevé parce qu'il diffère de celui qui
s'applique au Canada. Les autres 25 % des tubes
importés ne présentent aucun intérêt majeur.
Une fois le code de garantie enlevé, les tubes
sont placés dans de petites boîtes en carton sem-
blables à toutes les autres boîtes pour tubes utili
sées dans cette industrie; ces dernières servent à
maintenir les tubes fermement de peur qu'ils ne se
cassent pendant la manutention, l'expédition et
l'entreposage. La demanderesse imprime sur le
couvercle à rabat de la boîte le numéro de série qui
indique le modèle du tube, le code de garantie et le
pays d'origine. Ces petites boîtes sont fabriquées et
imprimées au Canada suivant les directives de la
demanderesse.
Les tubes sont insérés dans les téléviseurs pour
contrôler le courant et le son provenant des haut-
parleurs. En raison de la diminution des ventes de
ce type particulier de tube, la demanderesse
importe maintenant ce qu'on appelle des «semi-
conducteurs» qui remplissent les mêmes fonctions.
Une fois reçus, les tubes sont prêts à être utilisés
et ne sont pas modifiés de quelque autre façon; une
fois placés dans les boîtes, ils sont prêts à être
expédiés aux divers distributeurs et marchands en
gros partout au Canada. La demanderesse a
déclaré sous serment qu'elle importait et distri-
buait un large éventail de tubes utilisés dans l'in-
dustrie de la télévision et qu'elle était réputée pour
la qualité de son produit et la facilité avec laquelle
on pouvait se le procurer étant donné qu'elle en
gardait des stocks imposants. La boîte dans
laquelle le tube était placé n'était pas mise en
montre mais entreposée par la demanderesse et
elle était habituellement stockée sur des tablettes à
l'arrière des magasins des distributeurs et des mar-
chands en gros. La seule marque permettant aux
distributeurs de se retrouver était le nom Sylvania
imprimé sur la boîte. Cela leur permettait de
distinguer les tubes provenant d'autres fabricants.
Les fournisseurs ou les marchands en gros les
vendaient ensuite aux réparateurs de téléviseurs ou
aux personnes chargées d'en assurer l'entretien.
Un distributeur d'appareils électroniques, qui a
témoigné au nom de la compagnie demanderesse, a
déclaré qu'il achetait des produits de cette der-
nière, qu'il gardait des stocks importants, qu'il
commandait des produits à la demanderesse à
l'aide d'une liste de prix, et que les produits vendus
par la demanderesse étaient souvent supérieurs à
ceux d'autres fabricants. Il a ajouté que les tubes
n'étaient jamais mis en montre et que la boîte
n'influençait nullement le public dans sa décision
d'acheter les tubes, mais qu'elle facilitait l'entrepo-
sage et la manutention. La boîte servait principale-
ment à protéger le tube et il la gardait habituelle-
ment dans l'entrepôt de sa concession; il serait
impossible de distribuer des articles de ce genre ou
de les entreposer s'ils n'étaient pas placés dans un
emballage protecteur.
Il s'agit de déterminer si on devrait conclure que
les opérations effectuées par la demanderesse sont
visées par l'expression «fabrication marginale». Le
cas échéant, celle-ci doit payer la taxe de vente
fédérale sur les conducteurs importés entre le 1"
août 1981 et le 31 octobre 1983. Les modifications
pertinentes apportées à la Loi sur la taxe d'accise,
et en particulier à l'alinéa 2(1)f), sont entrées en
vigueur le 8 juillet 1981:
2. (1) Dans la présente loi
«fabricant» ou «producteur» comprend
f) toute personne, ou une autre personne agissant pour le
compte de celle-ci, qui prépare des marchandises pour la
vente, notamment en les assemblant, fusionnant, mélangeant,
coupant sur mesure, diluant, embouteillant, emballant ou
remballant, à l'exclusion d'une personne qui prépare ainsi des
marchandises dans un magasin de détail afin de les y vendre
exclusivement et directement aux consommateurs;
Le débat tourne autour de l'interprétation qu'il
faut donner à l'expression «qui prépare des mar-
chandises pour la vente ... en les ... emballant ou
remballant». Il ne faut pas oublier que le code de
garantie pour les États-Unis figurait sur la surface
de verre des conducteurs importés et que son effa
cement par polissage est le seul changement qui a
été apporté au tube lui-même et ce, parce qu'il
existait un code de garantie pour le Canada. De
plus, le nouveau code de garantie ainsi que le
numéro de modèle du tube et son pays d'origine
ont été imprimés sur le couvercle à rabat de la
boîte contenant le conducteur.
Estimant qu'elle s'appliquait à l'espèce, l'avocat
de la demanderesse a invoqué l'interprétation
donnée à l'article pertinent de la Loi par le juge
Campbell Grant dans l'affaire Fiat Auto Canada
Limited c. La Reine, [1984] 1 C.F. 203; (1983), 6
C.E.R. 82 (1P» inst.), tranchée en 1983. Le juge
Grant a examiné le sens de l'expression «qui pré-
pare des marchandises pour la vente» et il a écrit
aux pages 210 C.F.; 87 et 88 C.E.R.:
À l'alinéa 2(1)1) de la Loi sur la taxe d'accise, avant les
termes précis «assemblant, fusionnant, mélangeant, coupant sur
mesure, diluant, embouteillant, emballant ou remballant», on
trouve l'expression générale «qui prépare des marchandises pour
la vente». Cette dernière expression doit être interprétée avec
les mots précités qui suivent cette expression et dans le même
sens. Comme aucun de ces mots ne se rapporte à l'opération de
mise en place d'un appareil de radio dans une automobile, ils ne
contribuent pas à inclure cette opération dans la définition.
[TRADUCTION] Mais le terme générique qui suit des
termes spécifiques du même genre prend le sens de ces
termes et est réputé se restreindre au genre de ces termes.
«Suivant une règle d'interprétation des lois, les termes généri-
ques qui suivent des termes spécifiques s'appliquent unique-
ment aux personnes ou aux choses qui ont le même sens que
celles que le langage de la loi englobe.» En d'autres mots, si
rien n'indique qu'on lui a attribué un sens plus large, l'ex-
pression générale s'interprète de manière à englober unique-
ment des choses du même genre que celles que désignent les
expressions précises qui la précèdent ..
L'avocat a ensuite invoqué l'interprétation de
cet article faite par le Ministère avant son adop
tion. Il a souligné certains extraits tirés du bulletin
Nouvelles de l'accise publié par le ministère du
Revenu en décembre 1980 et intitulé Définition
élargie de fabricant ou producteur (fabrication
marginale). L'introduction qui figure à la première
page du bulletin traite de l'alinéa 2(1)f) en
général:
En vertu de ladite modification, la définition de fabricant ou
producteur comprend la personne qui accomplit une ou plu-
sieurs des opérations précitées sauf si ces opérations sont effec-
tuées dans un magasin de détail en vue de la vente exclusive et
directe, dans le magasin, aux consommateurs. Ces opérations
sont connues sous l'expression «fabrication marginale».
Le bulletin apporte plus loin d'autres améliorations
et il énonce à la page 3 certaines opérations qui ne
sont pas considérées comme visées par le projet de
modification. En voici des exemples:
(1) le coupage aux dimensions voulues, fait à pied d'oeuvre,
afin de faciliter l'installation de marchandises;
(2) l'assemblage d'armoires ou autres marchandises au lieu de
l'installation par l'entrepreneur ou le consommateur pour son
propre usage;
(3) l'emballage ou la mise en caisse de marchandises exclusive-
ment aux fins d'expédition pour remplir une commande d'un
client;
(4) le déballage et le remballage de marchandises uniquement
aux fins d'inspection;
(5) le remplacement d'un contenant endommagé;
(6) le seul fait de tailler des marchandises à la longueur exigée
par le client, par ex., le fil métallique, le câble, le tissu servant à
confectionner les draperies, vendus au pied, à la verge ou au
mètre;
(7) le seul fait de coller des étiquettes de prix à un produit;
(8) le seul fait d'étiqueter ou de re-étiqueter les marchandises;
(9) la préparation d'aliments ou de breuvages dans un restau
rant, une cuisine centrale ou un établissement similaire, que les
aliments ou les breuvages soient ou non pour consommation sur
les lieux;
(10) la remise en état de marchandises usagées par le proprié-
taire utilisateur ou pour lui ou en son nom;
(11) l'achat de marchandises de marque particulière lorsque
les matières ne sont pas fournies au fabricant;
(12) l'installation d'appareils ou d'accessoires facultatifs sur les
automobiles ou le démontage d'appareils ou d'accessoires par
un concessionnaire qui vend aux consommateurs ou aux utilisa-
teurs ou pour le compte du concessionnaire.
On a également essayé à la page deux du même
bulletin, dans la section intitulée «clarification des
termes utilisés», de définir en quoi consiste l'action
«d'emballer ou de remballer»:
«emballer» et/ou «remballer» comprend l'action de mettre en
paquet, un paquet étant un colis, un sac ou une boîte, etc.
par ex.: (1) l'emballage de marchandises en utilisant les tech
niques de la pellicule et des «blisters»;
(2) le remballage d'un produit acheté en vrac en des
quantités plus petites comme dans le cas de la cire en
pâte, les produits chimiques, etc.
Selon l'avocat, ces exemples montrent clairement
que l'expression «fabrication marginale» devait
s'appliquer à ceux qui «emballent ou remballent»
des marchandises pour les mettre en montre et
faire la promotion des ventes, fonction que
n'exerce pas la demanderesse.
Par suite de cette première édition des Nouvel-
les de l'accise, parue en décembre 1980, le sous-
ministre adjoint pour l'accise a publié d'autres
directives dans une note de service adressée aux
directeurs régionaux en date du 6 juillet 1981 et
intitulée Principes et philosophie de la fabrication
marginale. Voici le texte des quatrième et cin-
quième paragraphes de cette note:
Les activités précitées (assembler, mélanger) sont toutes reliées
à la préparation des marchandises pour la vente, c'est-à-dire
changer, modifier ou rehausser la présentation commerciale en
vue de la vente. En général, le but de cette activité est de rendre
le produit plus attrayant aux yeux du client, sans égard à son
statut.
La préparation des marchandises pour la vente ne comprend
pas l'emballage des marchandises pour l'expédition seulement
ni leur préparation en vue de satisfaire aux exigences d'un
client, lorsque cette activité n'est pas orientée vers la «mise en
valeur» du produit mais représente plutôt un service rendu à
l'utilisateur des marchandises. Une distinction aussi subtile ne
sera pas facile à établir, mais il n'y a pas moyen d'éviter la
situation. Par exemple, le fait de mélanger la peinture ailleurs
que chez un détaillant constitue une préparation de marchandi-
ses pour la vente, puisque la peinture ainsi mélangée fait
normalement partie des conditions de vente et c'est de cette
façon qu'on en fait la publicité et la commercialisation. Par
contre, si une personne vend des tuyaux et des raccords et qu'à
titre de service au client, elle ajuste les raccords aux tuyaux,
cette personne ne prépare pas les marchandises pour la vente et
cette activité n'est donc pas considérée comme étant de la
fabrication «marginale».
Analysant d'un œil critique la philosophie du
Ministère, l'avocat note que le fait de placer un
objet dans une boîte en vue de sa protection, de sa
manutention, de son entreposage et de son expédi-
tion ne constitue pas une mise en valeur aux fins
de la revente et n'influence certainement pas
l'acheteur contrairement à l'emballage des mar-
chandises effectué en utilisant les techniques de la
pellicule et des «blisters» qui permet «de rehausser
la présentation commerciale».
L'avocat a conclu en soutenant qu'il faut accor-
der une certaine valeur aux politiques et à l'inter-
prétation administratives qui, bien qu'elles ne
soient pas déterminantes, doivent être considérées
comme «un facteur important» en cas de doute sur
le sens de la législation; ce principe a été établi par
le juge Dickson [tel était alors son titre] dans
l'arrêt Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S.
29, la page 37; 144 D.L.R. (3d) 193, la page
199.
L'avocat de la défenderesse a prétendu que la
Cour devrait adopter l'approche littérale ou la
règle du «sens ordinaire» en interprétant l'alinéa
2(1)f) de la Loi sur la taxe d'accise. Cette règle
prévoit qu'il faut examiner les termes utilisés dans
la loi, et que s'ils sont clairs et sans équivoque, il
faut les interpréter suivant leur sens ordinaire et
grammatical. En conséquence, la défenderesse
soumet et invoque diverses définitions du mot
«emballer» qu'elle a tirées de dictionnaires et elle
prie la Cour d'appliquer celles-ci aux mots «embal-
lant ou remballant» qui figurent à l'alinéa 2(1)f)
de la Loi. Elle soutient que si l'on applique cette
règle du «sens ordinaire», les termes «emballant ou
remballant» utilisés dans les définitions figurant
dans la Loi sur la taxe d'accise étendent le sens
des mots fabricant ou producteur de manière à
englobler les opérations effectuées en l'espèce.
La défenderesse allègue en outre que je ne
devrais pas fonder ma décision sur la politique
administrative du ministre du Revenu national
pour les douanes et l'accise, car je ne saurais agir
ainsi que lorsque les termes d'une loi sont ambigus.
Quand le texte d'une disposition législative est
clair, il est inutile pour une cour qui interprète
celle-ci d'aller au-delà de la loi elle-même pour
déterminer l'intention du législateur. À l'appui de
cet argument, la défenderesse invoque l'arrêt de la
Cour suprême du Canada Harel c. Sous-ministre
du revenu du Québec, [1978] 1 R.C.S. 851, où le
juge de Grandpré a dit à la page 858:
Si j'avais le moindre doute à ce sujet, je conclurais quand
même en faveur de l'appelant en m'appuyant sur la politique
administrative de l'intimé. Évidemment, cette politique admi
nistrative ne saurait être prise en considération si elle allait à
l'encontre du texte de la Loi. En l'espèce, toutefois, compte
tenu de l'évolution historique que je veux rappeler rapidement,
cette démarche administrative peut validement être utilisée vu
qu'au mieux pour l'intimé, le texte est ambigu. [C'est moi qui
souligne.]
Il ne fait aucun doute que l'approche littérale
constitue une méthode reconnue dans le domaine
de l'interprétation des lois. Néanmoins, la Cour
peut toujours examiner l'objet d'une loi non pas
pour modifier ce qui a été dit par le législateur,
mais afin de comprendre et de déterminer ce qu'il
a dit. L'objet de la loi et les circonstances qui
entourent son adoption constituent des considéra-
tions pertinentes dont il faut tenir compte non
seulement lorsqu'il y a un doute, mais dans tous les
cas.
La défenderesse allègue que les termes «embal-
lant ou remballant» doivent être considérés dans
leur sens ordinaire et grammatical. C'est vrai, mais
il faut, tout d'abord franchir une étape fondamen-
tale, c'est-à-dire interpréter la Loi sous examen
dans son ensemble afin de déterminer l'intention
du législateur ainsi que l'objet et l'économie de la
Loi. Il faut donc interpréter les termes des diverses
dispositions législatives sous examen dans leur sens
ordinaire et grammatical en tenant compte de
l'intention du législateur telle qu'elle ressort de
l'ensemble de la Loi ainsi que de l'objet et de
l'économie de la Loi.
J'ai relu attentivement le bulletin Nouvelles de
l'accise publié par Revenu Canada en décembre
1980. Il ne fait aucun doute qu'on avait à l'époque
l'intention d'étendre la définition du mot fabricant
et de créer une catégorie appelée «fabrication mar-
ginale». Cette politique prévoit expressément qu'on
voulait étendre la définition à toute personne qui
«accomplit une ou plusieurs opérations d'embal-
lage ou de remballage, qui prépare les marchandi-
ses pour la vente.
En interprétant la règle ejusdem generis dans
l'affaire Fiat Auto Canada Limited c. La Reine
(précitée), le juge Grant n'a pu conclure que la
mise en place d'un appareil de radio dans une
automobile faisait partie des nouvelles opérations
énumérées à l'alinéa 2(1)f) et que ces opérations
étaient liées à «la préparation des marchandises
pour la vente»; il a donc rejeté la cotisation établie
par le Revenu national. Cette affaire se distingue
nettement de l'espèce.
Je suis également convaincu qu'il ne s'agit pas
d'un cas où il faudrait interpréter la politique
administrative d'une manière restrictive comme l'a
laissé entendre la demanderesse; je ne dois pas non
plus suivre le principe dégagé dans l'arrêt Nowegi-
jick (précité), car l'intention de la loi ne soulève
aucun doute dans mon esprit. Les modifications
énoncent clairement les opérations qu'on doit con-
sidérer comme de la «fabrication marginale». Il ne
fait aucun doute que les tubes doivent être placés
dans un contenant aux fins de leur manutention,
de leur entreposage et de leur expédition, ce qui a
pu avoir été le but principal des opérations effec-
tuées. Néanmoins, ces opérations se rapportent
directement à la définition des termes «emballant
ou remballant» et au sens ordinaire de l'article.
En élargissant la définition du mot «fabrication»,
le législateur avait l'intention de taxer toutes les
opérations qui sont énoncées à l'alinéa 2(1)f). Les
termes de l'article sont clairs et sans équivoque et
le ministre les a interprétés correctement.
Je confirme la cotisation établie par la division
de l'Accise du ministère du Revenu national et je
rejette l'action de la demanderesse avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.