T-144-85
Abitibi-Price Sales Corporation et Abitibi-Price
Sales Co. Ltd. (demanderesses)
c.
Le navire Wilhelm Wesch, les propriétaires et
toutes les autres personnes ayant un droit sur le
navire Wilhelm Wesch et Partenreederei M.S.
Wilhelm Wesch et Reederei Jonny Wesch KG
(défendeurs)
RÉPERTORIÉ: ABITIBI-PRICE SALES CORP. C. WILHELM
WESCH (LE)
Division de première instance, juge Teitelbaum—
Montréal, 9 février; Ottawa, 6 mars 1987.
Pratique — Signification — Ex juris — Appel de la déci-
sion du protonotaire annulant la signification ex juris de l'avis
de la déclaration — Appel accueilli — La signification effec-
tuée en Allemagne conformément aux Règles de la Cour
fédérale est valide puisque le document en question a été remis
à une personne assumant d'importantes responsabilités de
gestion — Il n'était pas nécessaire de procéder à la significa
tion selon la loi allemande puisque la Convention entre le
Canada et l'Allemagne relativement à la signification de docu
ments juridiques ne s'appliquait pas, le Parlement canadien ne
l'ayant jamais ratifiée — Règles de la Cour fédérale, C.R.C.,
chap. 663, Règles 2(2), 304(1), 307(1) 309(2)b),c) — Conven
tion entre Sa Majesté et le Président du Reich allemand
relative aux actes de procédure en matières civiles et commer-
ciales, 20 mars 1928, /1935J R.T. Can. n° 11, art. 3.
JURISPRUDENCE
DÉCISION EXAMINÉE:
Duval Sales Corp. c. Ocean Cape Compania Naviera
S.A. (1986), 4 F.T.R. 231 (C.F. 1F° inst.).
AVOCATS:
Peter J. Cullen pour les demanderesses.
N. J. Spillane pour les défenderesses Parten-
reederei M.S. Wilhelm Wesch et Reederei
Jonny Wesch KG.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Montréal, pour les deman-
deresses.
McMaster Meighen, Montréal, pour les
défenderesses Partenreederei M.S. Wilhelm
Wesch et Reederei Jonny Wesch KG.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE TEITELBAUM: L'affaire dont je suis
saisi porte sur un appel interjeté à l'encontre de
l'ordonnance du protonotaire en date du 21 janvier
1987, faisant droit à une demande en annulation
de la signification ex juris de l'avis de la déclara-
tion des demanderesses aux défenderesses Parten-
reederei M.S. Wilhelm Wesch et Reederei Jonny
Wesch KG (Wesch) et annulant la signification
aux défenderesses Partenreederei M.S. Wilhelm
Wesch et Reederei Jonny Wesch KG, de la décla-
ration des demanderesses effectuée au bureau de
McMaster Meighen et au siège social de Montreal
Shipping Inc.
Dans l'avis d'appel qu'elles ont déposé, les
demanderesses soulèvent les motifs d'opposition
suivants:
a) le protonotaire a négligé de reconnaître la
validité de la signification effectuée en
Allemagne conformément à la loi cana-
dienne;
b) le protonotaire a négligé de reconnaître que
l'omission de signifier par voie de huissier
ne constitue, aux termes de la loi alle-
mande, qu'un vice de forme auquel on peut
remédier compte tenu des circonstances de
l'espèce;
c) le protonotaire a négligé de reconnaître
qu'étant donné les négociations intervenues
entre les avocats et les significations effec-
tuées au Canada, y compris la signification
ex juris, les défenderesses ont été implicite-
ment et effectivement avisées des procédu-
res engagées au Canada et ont, en outre,
obtenu copies de la déclaration et de l'avis
tenant lieu de la signification qui devait
être effectuée à l'extérieur du pays avant le
23 janvier 1985.
d) le protonotaire a négligé d'invoquer la com-
pétence en equity de cette Cour, violant
ainsi l'esprit et l'objet de la Règle 2(2) des
Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap.
663];
e) le protonotaire semble se fonder sur l'alinéa
5(i) de l'affidavit de M. H. W. Goetz en
date du 8 août 1986, alinéa que les deman-
deresses jugent inexact.
Il ressort donc de l'avis d'appel que les deman-
deresses ne contestent pas la décision du protono-
taire d'annuler la signification de la déclaration
effectuée au bureau de McMaster Meighen et au
siège social de Montreal Shipping Inc.
La question que j'ai à trancher est de savoir si le
protonotaire a eu raison d'annuler la signification
ex juris de l'avis de la déclaration effectuée (en
Allemagne) auprès des défenderesses Partenreede-
rei M.S. Wilhelm Wesch et Reederei Jonny Wesch
KG.
À l'issue des plaidoiries des avocats des deux
parties, j'ai décidé que le protonotaire avait eu tort
de faire droit à la requête en annulation de la
signification ex juris de l'avis de la déclaration
effectuée auprès des défenderesses Partenreederei
M.S. Wilhelm Wesch et Reederei Jonny Wesch
KG.
Voici les motifs à l'appui de cette décision, y
compris les faits admis et pertinents en l'espèce.
Le 23 janvier 1985, l'avocat des demanderesses
a produit une déclaration à la Cour fédérale du
Canada et a envoyé, par télex, un avis d'arbitrage
à la société «Wesch».
La déclaration et l'avis d'arbitrage font mention
du transport de deux envois de papier journal
depuis Botwood, (Terre-Neuve), jusqu'aux ports
de Purfleet et de Blyth, au Royaume-Uni, en vertu
des connaissements numéros 1 et 2 portant tous
deux la date du 9 janvier 1980. Les connaisse-
ments sont revêtus de la signature de Montreal
Shipping Company Ltd., (maintenant connue sous
le nom de Montreal Shipping Inc.) et qui agissait à
titre de mandataire du propriétaire du navire.
Je suis convaincu que Montreal Shipping Inc.
agissait à titre de mandataire du propriétaire du
navire mais seulement en cette circonstance et
qu'elle n'agissait pas comme mandataire de
«Wesch» dans le cours ordinaire de l'exploitation
de cette entreprise, comme l'a souligné l'avocat des
défendeurs. Je suis donc convaincu, à la lumière
des éléments de preuve versés au dossier, que
«Wesch» n'avait pas, de façon régulière, recours
aux services de Montreal Shipping Inc.
Montreal Shipping Inc. a été informée de l'avis
d'arbitrage transmis par télex à «Wesch» et son
mandataire a fait savoir à cette dernière qu'il avait
reçu une copie de l'avis en question.
«Wesch» s'est adressée au cabinet d'avocats
McMaster Meighen afin que ces derniers la repré-
sentent quant à la question de l'arbitrage.
Entre le l er mars et le 21 août 1985, les avocats
des demanderesses et des défendeurs ont examiné
la question de l'arbitrage. Des documents liés à la
réclamation ont été présentés à l'avocat de
«Wesch» vers le 21 août 1985.
Les avocats des parties se sont rencontrés le 10
septembre 1985 aux fins d'examiner tous les élé-
ments du dossier et de régler le différend. Le 8
octobre 1985, l'avocat de «Wesch» n'avait reçu
aucune instruction de sa cliente et ne pouvait donc
pas savoir si cette dernière désirait procéder à
l'arbitrage, nommer un arbitre ou régler la récla-
mation des demanderesses. Il a appris qu'une
déclaration avait été déposée.
Le 12 décembre 1985, une copie de la déclara-
tion déposée a été signifiée à «Wesch» au bureau
de McMaster Meighen, ainsi qu'au siège social de
Montreal Shipping Inc.
Un représentant de Montreal Shipping a
informé «Wesch» que la déclaration leur avait été
signifiée. L'avocat de «Wesch» a informé l'avocat
des demanderesses que ses mandants l'ont avisé de
refuser la signification. Cette situation obligeait
donc les demanderesses à demander à la Cour
fédérale la permission de procéder à la significa
tion ex juris de l'action.
Après que les demanderesses eurent, le 7 janvier
1986, présenté une requête en signification ex
juris, le protonotaire a rendu l'ordonnance
suivante:
[TRADUCTION] Après avoir examiné la requête des demande-
resses accompagnée de l'affidavit, la Cour ordonne ce qui suit:
a) l'avis de la déclaration déposée le 23 janvier 1985 peut
être signifié aux défenderesses, PARTENREEDEREI M.S.
WILHELM WESCH a/s de Reederei Jonny Wesch, Gehr-
den 15, 2155 Jork, République fédérale d'Allemagne, et
REEDEREI JONNY WESCH, Gehrden 15, 2155 Jork,
République fédérale d'Allemagne, ou en tout autre
endroit de la République fédérale d'Allemagne où lesdi-
tes défenderesses peuvent se trouver.
b) Les défenderesses PARTENREEDEREI M.S. WILHELM
WESCH et REEDEREI JONNY WESCH ont un délai de
trente jours à compter de la signification pour produire
leur défense.
Il importe de noter que le protonotaire n'a donné
aucune instruction quant au mode de signification.
Lorsqu'elles ont présenté leur requête en signifi
cation ex juris, les demanderesses n'ont demandé
aucune directive concernant le mode de significa
tion.
L'avis de la déclaration a été signifié à «Wesch»
le 22 janvier 1986 à 11 h 05 (heure de l'Allema-
gne) par un avocat allemand du nom de Bernd
Laudien qui a transmis les documents à M. Hans-
Jochim Furstenberg, un employé de Reederei
Jonny Wesch KG sise à Gehrden 15, 2155 York,
République fédérale d'Allemagne. Cette adresse
est celle du siège social de «Wesch».
Comme je l'ai déjà mentionné, ces faits ne sont
pas contestés.
Je suis convaincu que la défenderesse «Wesch»
était parfaitement au courant des procédures qui
se déroulaient au Canada, antérieurement au 22
janvier 1986, même si elle n'a officiellement reçu
l'avis de la déclaration qu'à cette date.
McMaster Meighen est considéré comme l'un
des plus prestigieux cabinets d'avocats de Mont-
réal et je suis convaincu qu'ils ont très bien
informé leurs mandants au sujet des négociations
et des poursuites judiciaires qui se déroulaient au
Canada.
«Wesch» n'a donc pas été surprise lorsque l'avis
de la déclaration lui a été signifié en Allemagne.
Elle n'a pas permis à McMaster Meighen d'accep-
ter la signification en son nom.
Pour refuser la permission d'accepter la signifi
cation, les défendeurs devaient être au courant de
la procédure qui était signifiée à leurs avocats. En
outre, un représentant de Montreal Shipping Inc.,
a informé «Wesch» qu'une déclaration lui avait été
signifiée à son siège social.
L'avocat de «Wesch» n'a jamais déclaré que
cette dernière n'était pas au courant des pourpar-
lers ou des procédures qui se déroulaient entre les
procureurs des parties en cause.
Il ne reste plus qu'à trancher la question de
savoir si la signification de l'avis de la déclaration
aux défendeurs est nulle en raison d'une formalité.
Puisque j'ai déjà indiqué que j'autorisais l'appel
et qu'à mon avis la signification ex juris est valide,
je crois qu'il est important d'examiner les argu
ments juridiques soulevés par l'avocat de «Wesch»
et de donner les motifs pour lesquels je les ai
rejetés.
L'avocat de «Wesch» prétend que, suivant un
principe général, toutes les règles doivent être
observées scrupuleusement lorsqu'il s'agit de tra-
duire un étranger devant nos tribunaux.
Je souscris entièrement à ce principe énoncé par
l'avocat de «Wesch». Au sujet de la signification
effectuée hors du ressort de la Cour, voici ce que
j'ai déclaré à la page 234 de l'affaire Duval Sales
Corp. c. Ocean Cape Compania Naviera S.A.
(1986), 4 F.T.R. 231 (C.F. ire inst.):
Je souscris à l'argument que le fait de procéder à une significa
tion hors du ressort judiciaire et de forcer un défendeur étran-
ger à comparaître devant un tribunal qui, pour lui, est étranger,
est et devrait constituer une exception à la règle générale.
J'ai également déclaré, à la page 238 de cette
affaire:
Je crois que la signification hors du ressort judiciaire est valide
si elle est effectuée conformément aux directives formulées par
le juge de la Cour fédérale du Canada et conformément aux
règles de droit qui régissent la signification dans le pays où la
signification doit être effectuée et qu'aucune intervention diplo-
matique n'est nécessaire.
Je ne suis pas d'accord avec l'avocat de «Wesch»
si son interprétation de la déclaration susmention-
née veut dire que la signification ex juris n'est
valide que si les documents sont signifiés confor-
mément aux règles de droit du pays où la significa
tion doit être effectuée.
À mon avis, l'extrait susmentionné ne veut pas
dire que la signification est nulle si elle est effec-
tuée conformément aux règles de la Cour fédérale
mais contrairement à celles du pays où elle est
effectuée.
Je crois qu'il importe d'examiner les règles de la
Cour fédérale régissant la signification.
Il faut examiner en premier lieu la Règle 304
concernant la signification des actes introductifs
d'instance. En l'espèce, l'acte introductif d'ins-
tance est la déclaration produite par les demande-
resses.
La Règle 304(1) s'applique à l'espèce et prévoit
ce qui suit:
Règle 304.(1) Sauf dans le cas d'un appel de la Cour de
première instance à la Cour d'appel, d'une action, d'un appel ou
d'une autre procédure contre la Couronne, un acte introductif
d'instance, c'est-à-dire une déclaration, un avis d'appel, un avis
introductif de requête, une pétition, un avis de demande d'auto-
risation d'appel en vertu de l'article 31 de la Loi ou en vertu de
toute autre Loi, un avis d'une demande faite en vertu de
l'article 28 de la Loi, ou un autre avis d'une demande qui n'est
pas faite au cours de quelque autre procédure, doit être signi-
fiée au défendeur, à l'intimé ou autre personne intéressée par
voie de signification à personne (Affidavit de signification—
Formule 3).
Ce qu'il faut souligner, c'est que les actes intro-
ductifs d'instance doivent généralement être signi-
fiés à la personne intéressée et ce, par voie de
signification à personne.
Il importe maintenant d'examiner ce que signifie
l'expression signification à personne. La Règle 309
nous en fournit l'explication. C'est la Règle 309(2)
qui s'applique plus particulièrement à l'espèce:
Règle 309. .. .
(2) La signification à personne d'un document à une corpo
ration se fait en laissant une copie certifiée du document,
a) s'il s'agit d'une corporation municipale, au directeur, au
reeve, au maire ou au secrétaire,
b) s'il ne s'agit pas d'une corporation municipale,
(i) au président, directeur ou autre officier en chef, au
trésorier, au secrétaire, au trésorier adjoint, au secrétaire
adjoint, à un vice-président ou à une personne employée en
qualité de conseiller juridique par la corporation, ou
(ii) à la personne qui, au moment de la signification,
semble être en charge du bureau principal ou de la succur-
sale ou agence au Canada où la signification est faite, ou
c) dans le cas de toute corporation, à une personne exerçant,
pour la corporation en question, des fonctions comparables à
celles d'un officier, dirigeant ou employé mentionné à l'alinéa
a) ou au sous-alinéa b)(i),
ou de toute autre façon prévue en l'espèce par une loi telle
qu'exigé pour la signification d'un document à une corporation
par une cour supérieure de la province dans laquelle le docu
ment est signifié.
Étant donné que la déclaration (l'acte introduc-
tif d'instance) devait être signifiée en Allemagne à
une société allemande, il faut également appliquer
la Règle 307(1) concernant la signification ex
juris. Voici ce que prévoit la Règle en question:
Règle 307. (1) Lorsqu'un défendeur, qu'il soit citoyen canadien,
sujet britannique ou étranger, est à l'extérieur du ressort de la
Cour, qu'il soit dans un des dominions de Sa Majesté ou dans
un pays étranger, la Cour, sur demande, appuyée par affidavit
ou autre preuve indiquant que, à la connaissance du déposant,
le demandeur a une bonne cause d'action, et indiquant en quel
lieu ou pays se trouve certainement ou probablement ce défen-
deur, pourra rendre une ordonnance (Formule 5) à l'effet qu'un
avis de la déclaration peut être signifié au défendeur dans le
lieu ou pays ou dans les limites géographiques que la Cour
jugera à propos de prescrire (Formule 6).
En conséquence, si une signification ex juris
doit être faite à une corporation, il faut, en vertu
de la Règle 307, que la permission de procéder à la
signification soit obtenue et que le document soit
signifié au président, directeur ou autre officier en
chef, au trésorier, au secrétaire, au trésorier
adjoint, au secrétaire adjoint, à un vice-président
ou à une personne employée en qualité de conseil-
ler juridique par la corporation.
Le protonotaire principal a, le 7 janvier 1986,
autorisé la signification ex juris, en conformité
avec la Règle 307.
On a signifié l'avis de la déclaration en laissant
le document à Hans-Jochim Furstenberg, un
employé de la défenderesse «Wesch».
À la lumière de la déclaration de Bernd Lau-
dien, l'avocat allemand qui a procédé à la signifi
cation, je suis convaincu qu'il avait déjà traité avec
les défendeurs et que M. Furstenberg était bien la
personne à qui il fallait s'adresser au siège social
de Reederei Jonny Wesch KG.
Voici ce qu'affirme M. Laudien au paragraphe
5 de son affidavit en date du 25 juillet 1986:
[TRADUCTION] Je connais M. Furstenberg à titre personnel
depuis six ans. Il en est de même en ce qui concerne Reederei
Jonny Wesch KG (un ancien client). M. Furstenberg a toujours
été reconnu, dans le domaine de la navigation locale ou interna-
tionale comme la personne à qui il fallait s'adresser au siège
social de Reederei Jonny Wesch KG. À ma connaissance, cela
est dû au fait que les deux associés de l'entreprise, Bernd et
Egon Wesch, sont souvent absents du bureau ou difficiles à
atteindre par téléphone ou en personne. On est généralement
renvoyé à M. Furstenberg qui selon toute apparence est la
personne responsable.
L'avocat des défendeurs prétend que M. Furs-
tenberg n'entre pas dans la catégorie des personnes
visées par la Règle 309(2)b) ou c).
Je pense plutôt le contraire, compte tenu de la
déclaration de Bernd Laudien et de celle de Egon
Wesch contenue dans l'affidavit, qui ne porte
aucune date sur l'original allemand mais qui est
censé avoir été rédigé sous serment le 8 août 1986,
selon l'affidavit de Ulrich Hermann Stahl qui a
traduit l'affidavit original de M. Wesch.
Aux paragraphes 2 et 3 de son affidavit, Egon
Wesch reconnaît que M. Furstenberg est chargé de
l'appareillage et de l'exploitation quotidienne des
navires de Reederei Jonny Wesch KG et de Par-
tenreederei M/V «Wilhelm Wesch», les défenderes-
ses en l'instance, et qu'il est en outre celui à qui on
doit s'adresser en ce qui concerne plusieurs opéra-
tions quotidiennes de Reederei Jonny Wesch KG.
Je suis convaincu que M. Furstenberg n'est pas
un employé ordinaire. Il assume d'importantes res-
ponsabilités de gestion et il ne peut être considéré
comme un simple commis comme M. Wesch vou-
drait bien me le faire croire.
En conséquence, je suis convaincu que l'avis a
été signifié aux défendeurs conformément aux
règles de la Cour fédérale du Canada en matière
de signification.
Le problème qui se pose est de savoir si la
signification de l'avis aux défendeurs allemands
devait être effectuée conformément à la loi alle-
mande. Les parties reconnaissent que la significa
tion n'a pas été faite conformément à cette loi. On
admet également qu'aux termes de ladite loi, la
signification devait être effectuée par un huissier.
M. Bernd Laudien, qui exerce la profession d'avo-
cat, n'est pas et n'était pas un huissier. L'avocat
des défendeurs prétend également que si la signifi
cation n'est pas faite par un huissier, elle doit l'être
par un agent diplomatique.
On m'a fait mention de l'existence d'un traité
entre le Canada et l'Allemagne concernant la
signification de documents en matières civiles et
commerciales. 1l s'agit de la Convention entre Sa
Majesté et le Président du Reich allemand rela
tive aux actes de procédure en matières civiles et
commerciales [[1935] R.T. Can. n° 11], Conven
tion signée à Londres (Angleterre) le 20 mars
1928. L'échange des ratifications a eu lieu à Berlin
le 15 février 1929 et ladite Convention est entrée
en vigueur le 1e' août 1935.
Le traité en question a été suspendu au moment
de la déclaration de la guerre avec l'Allemagne.
Après la Seconde Guerre mondiale, un échange de
notes est intervenu à Bonn, en Allemagne, le 30
octobre 1953, ce qui a remis en vigueur la Conven
tion entre le Canada et la République fédérale
d'Allemagne à compter du 1" novembre 1953 (voir
à ce sujet la lettre du 25 août 1985 signée par Joe
Clark, Secrétaire d'État aux Affaires extérieures).
Les parties reconnaissent que le Parlement
canadien n'a jamais ratifié le traité en question.
Comme l'a déclaré le très Honorable Joe Clark, la
Convention en question a été remise en vigueur par
suite d'un «échange de notes». Pour ce qui est de la
signification d'actes judiciaires et extrajudiciaires
il faut surtout se référer, à l'article 3 de la Conven
tion qui prévoit:
ARTICLE 3
La demande de signification est adressée;
(a) En Angleterre, par un agent diplomatique ou consulaire
allemand au Senior Master of the Supreme Court of Judicature
in England.
En Allemagne, par un agent consulaire britannique au Prési-
dent du Landgericht allemand.
(b) La demande côntenant le nom de l'autorité de qui émane
l'acte transmis, le nom et la qualité des parties, l'adresse du
destinataire et la nature de l'acte, sera rédigée dans la langue
du pays requis. Si, dans un cas particulier, l'autorité judiciaire
requise en exprime le désir à l'agent diplomatique ou consulaire
qui a transmis la demande, ledit agent fournira une traduction
de l'acte à signifier.
(c) La signification se fera par les soins de l'autorité compé-
tente du pays requis. Cette autorité, sauf les cas prévus au
paragraphe (d) du présent article, pourra se borner à faire la
communication par la remise de l'acte au destinataire, si
celui-ci est disposé à l'accepter.
(d) Si l'acte à signifier est rédigé dans la langue du pays
requis ou s'il est accompagné d'une traduction dans cette
langue, l'autorité requise, au cas où le désir lui en serait
exprimé dans la demande, fera signifier l'acte dans les formes
prescrites par la législation de son propre pays pour la significa
tion de documents semblables ou sous une forme particulière
qui ne soit pas contraire à cette législation.
(e) La traduction prévue au présent article sera certifiée
conforme par un agent diplomatique ou consulaire de la Partie
requérante, ou par un traducteur officiel ou assermenté de l'un
des deux États intéressés.
(f) L'exécution de la demande ne pourra être refusée que si
la Partie contractante sur le territoire de laquelle la significa
tion doit être faite la juge de nature à porter atteinte à sa
souveraineté ou à sa sécurité.
(g) L'autorité qui aura reçu la demande enverra à l'agent
diplomatique ou consulaire qui l'aura transmise l'acte attestant
que la signification a été faite ou expliquant la raison qui a
empêché d'y procéder. La preuve de la signification se fera au
moyen d'une attestation de l'autorité du pays requis indiquant
le fait, la forme et la date de cette signification. Si l'acte à
signifier est transmis en double expédition, l'attestation sera
portée sur l'un des doubles ou y sera annexée.
Les défendeurs prétendent que la signification
des actes juridiques doit, en vertu de la Conven
tion, être effectuée par des agents diplomatiques.
Un avocat allemand, à savoir, Me Heinrich -
Werner Goetz a affirmé au paragraphe 5b) de son
affidavit en date du 12 juin 1986, ce qui suit:
[TRADUCTION] ... aux termes de l'article 3 de ladite conven
tion, la signification des actes juridiques peut être effectuée par
l'entremise d'agents diplomatiques. La demanderesse n'a pas
utilisé ce mode de signification.
Cette affirmation est exacte. La demanderesse a
signifié sa documentation conformément aux
règles de signification de la Cour fédérale du
Canada sans tenir compte de la Convention.
Je suis d'avis que la demanderesse n'est pas liée
par les termes de la Convention qui, comme je l'ai
déjà souligné, n'a jamais été ratifiée par le Parle-
ment. Une convention ou un traité conclu entre le
Canada et une autre nation souveraine et 'qui est
susceptible de modifier le droit interne du Canada
doit être ratifié par le Parlement canadien.
Dans son ouvrage intitulé Constitutional Law of
Canada, 1977, The Carswell Company Limited,
M. Peter W. Hogg aborde aux pages 182 186 les
questions relatives au mode de conclusion des trai
tés, à leur ratification, à leur mise en application
ainsi qu'au rôle du Parlement. Ces parties de cet
ouvrage sont importantes car elles précisent qu'un
traité valide peut exister sans modifier le droit
interne canadien, à moins qu'il ait été mis en
application par le Parlement canadien.
La Convention entre la République fédérale
d'Allemagne et le Canada a été conclue grâce à un
échange de notes entre les gouvernements respec-
tifs. Cette façon de procéder est l'un des divers
moyens mis en oeuvre par les États souverains pour
conclure des traités.
À la page 183 de son ouvrage, Peter W. Hogg
affirme ce qui suit:
[TRADUCTION] Un troisième type de traité, moins formaliste
que celui qui intervient entre gouvernements et qui est plus en
vogue de nos jours est le traité conclu par suite d'un échange de
notes (ou de lettres) entre les deux États signataires; les notes
en question peuvent être signées par les ministres des Affaires
extérieures de l'État concerné, par des ambassadeurs ou des
Haut commissaires ou même par un Ministre chargé d'un
ministère autre que le ministère des Affaires extérieures.
Comme l'a déclaré le très Honorable Joe Clark
dans sa lettre du 25 août 1986:
[TRADUCTION] Après la Seconde Guerre mondiale, l'échange
de notes intervenu à Bonn le 30 octobre 1953 a eu pour effet de
remettre en vigueur la Convention entre le Canada et la
République fédérale d'Allemagne à compter du 1" novembre
1953.
À la page 183 de son ouvrage, voici ce que
déclare M. Hogg à propos de la date d'entrée en
vigueur des traités et en particulier de ceux conclus
par suite d'un échange de notes:
[TRADUCTION] Les traités conclus sous forme d'échange de
notes ainsi que certains traités entre les gouvernements entrent
en vigueur au moment de la signature de l'accord ou de la
délivrance de la deuxième note (c'est-à-dire la réponse à la
première note) ou à la date précisée dans l'accord.
Dans sa lettre du 25 août 1986, le très Honora
ble Joe Clark affirme que le traité (la convention)
est entré en vigueur le l er novembre 1953, alors
que le M. Heinrich -Werner Goetz déclare, au
paragraphe 5 de son affidavit du 12 juin 1986:
[TRADUCTION] Après la Seconde Guerre mondiale, les gouver-
nements du Canada et de la République fédérale d'Allemagne
ont rétabli, le 14 décembre 1953, l'applicabilité de ladite Con
vention qui avait été suspendue en raison de l'état de guerre.
Compte tenu de cette déclaration, je présume
que le traité a été rétabli le 14 décembre 1953,
mais qu'il n'est entré en vigueur que le ler novem-
bre 1953.
Il n'est pas nécessaire que le Parlement canadien
donne son approbation pour qu'un traité entre «en
vigueur». Comme l'affirme, M. Hogg à la page
184 de son ouvrage:
[TRADUCTION] Le Parlement canadien ne joue pas un rôle
indispensable dans la conclusion des traités ... en d'autres
termes, l'organe exécutif du gouvernement a le pouvoir de
conclure des traités sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'autori-
sation du Parlement.
En conséquence, il importe de connaître les
effets que peut avoir un traité valide lorsque le
Parlement canadien ne l'a ni sanctionné ni incor-
poré dans sa législation.
C'est ce dont traite M. Hogg aux pages 184 et
185 de son ouvrage:
[TRADUCTION] Il faut toutefois établir une distinction entre la
conclusion d'un traité et sa mise en application, c'est-à-dire
l'exécution des obligations qui en découlent. Dès qu'un traité
est conclu et entre en vigueur, les États qui l'ont signé sont
tenus selon le droit international d'en assurer la mise en
application.
S'inspirant à cet égard du Royaume-Uni, le droit constitu-
tionnel canadien ne considère pas un traité comme faisant
partie du droit interne du Canada. En conséquence, un traité
qui exige une modification du droit interne canadien ne peut
être mis en application que par l'adoption d'un texte de loi qui
apporte la modification requise.
En ce qui concerne la signification des actes
introductifs d'instance de la Cour fédérale du
Canada, le droit interne canadien prévoit que
l'acte en question peut être signifié par une per-
sonne lettrée qui a atteint l'âge de la majorité à un
employé de la partie défenderesse, si cette dernière
est une société.
C'est ainsi qu'on a procédé. L'acte en question a
été signifié à M. Furstenberg, personne autorisée à
représenter les défendeurs, et ce, par un avocat
allemand, M. Bernd Laudien.
Puisque le Parlement canadien n'a jamais ratifié
la Convention de 1928, il s'ensuit que le droit
interne canadien n'a pas été modifié. Le Parlement
canadien n'a adopté aucun texte de loi aux fins
d'apporter les modifications qui s'imposaient à nos
règles.
En conséquence, j'estime que pour signifier
l'avis de déclaration aux défenderesses, il n'était
pas nécessaire que le document soit signifié par un
agent diplomatique ou conformément à la loi alle-
mande. Il suffisait que la signification ait été
effectuée conformément aux lois et aux règles
régissant la signification auprès de la Cour fédé-
rale du Canada et qui, en l'espèce, ont été
respectées.
Les Règles de la Cour fédérale n'ont pas pour
objet d'empêcher une partie à un litige de faire
valoir ses droits en raison d'irrégularités dans la
procédure. Les défendeurs, comme on l'a déjà
mentionné, étaient au courant de toutes les procé-
dures en cours. Ils savaient également que leurs
procureurs avaient conclu un règlement. Ils n'ont
certainement pas été pris au dépourvu lorsqu'on
leur a signifié l'avis de la déclaration.
Par ces motifs, l'appel est accueilli et les dépens
suivront l'issue de la cause.
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