T-1024-85
Piller Sausages & Delicatessens Limited (requé-
rante)
C.
Ministre de l'Agriculture (intimé)
et
Commissaire à l'information du Canada et Jim
Romahn (parties intervenantes)
RÉPERTORIÉ: PILLER SAUSAGES & DELICATESSENS LTD. C.
CANADA (MINISTRE DE L'AGRICULTURE)
Division de première instance, juge en chef adjoint
Jerome—Toronto, 8, 9 et 10 septembre; Ottawa,
11 décembre 1987.
Accès a l'information — Demande, fondée sur l'art. 44, afin
d'empêcher la communication, à un journaliste de la presse
écrite, de rapports d'une équipe de vérification de l'inspection
des viandes des abattoirs de la région de Kitchener- Waterloo
durant l'année 1983 — Rapports de vérifications annuelles
effectuées en plus des inspections quotidiennes — La requé-
rante invoque l'art. 20(1)c) et d) pour empêcher la communica
tion — Demandes rejetées — La preuve qu'il y a eu préjudice
au sens de l'art. 20(1)c) et d) doit indiquer un lien direct entre
la communication et le préjudice subi — La jurisprudence
américaine, qui réunit les critères exposés à l'art. 20(1)b) et c)
en combinant en une seule seule exception le critère visant une
«catégorie» particulière de renseignements et le critère relatif
au «préjudice» causé, ne s'applique pas — La preuve doit
établir la vraisemblance d'un préjudice considérable — La
communication des rapports ne risque pas vraisemblablement
de causer des pertes financières appréciables, de nuire à la
compétitivité ou d'entraver des négociations menées en vue de
contrats — Les inspections quotidiennes représentent la princi-
pale source d'information et de protection pour le public — Il
est peu probable que les consommateurs ne fassent pas de cas
des inspections quotidiennes, ni de la cote généralement élevée
accordée aux usines, ni de la lettre d'accompagnement dans
laquelle le Ministère exposait les limites du rapport, ni de la
date du rapport, ni du fait que des mesures ont été prises pour
corriger les failles reprochées — Il est peu probable qu'un
importateur raisonnable se fie aux rapports en dépit des
garanties fournies par le système d'inspection — Rien ne
prouve que les gouvernements étrangers se serviront de ces
renseignements pour dresser des barrières non tarifaires contre
les produits de viande canadiens — Il est peu probable que des
renseignements aussi périmés sur des failles mineures compro-
mettent sérieusement des négociations en cours — La commu
nication de ces rapports ne nuira pas à la collecte des données
par les inspecteurs fédéraux, car il s'agit d'un système d'ins-
pection imposé par la loi — L'intérêt qu'a le public dans la
divulgation des renseignements l'emporte sur tout risque de
préjudice causé à la requérante.
Il s'agit en l'espèce de l'une des quatorze demandes fondées
sur l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information pour
empêcher la communication de rapports d'une équipe de vérifi-
cation de l'inspection des viandes préparés par le ministère de
l'Agriculture. Ces rapports découlent de vérifications faites
annuellement ou semi -annuellement par les inspecteurs fédé-
raux des viandes et s'ajoutent aux inspections effectuées quoti-
diennement sur place. Ces rapports sont des documents de
travail et ne révèlent pas de secrets industriels. Ils visent à
souligner les problèmes dans un établissement et à faire en sorte
que des mesures correctives soient prises. De plus, chaque
abattoir est classé dans une catégorie. Un journaliste de la
presse écrite a déposé une demande en vertu de la Loi pour
obtenir des rapports sur les usines existant dans la région de
Kitchener-Waterloo en 1983. I1 a été informé que certains
renseignements seraient supprimés en raison des alinéas
20(1)6) et c). En réponse à une plainte ultérieure de sa part,
fondée sur le paragraphe 30(1), le Commissaire à l'information
a recommandé la communication des renseignements. La
requérante a invoqué les alinéas 20(1)c) et d), qui prévoient
qu'on doit refuser la communication de tout document conte-
nant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisem-
blablement de causer des pertes financières appréciables à un
tiers ou d'entraver des négociations menées par un tiers en vue
de contrats. Elle a soutenu que les renseignements étaient
défavorables et insuffisants et qu'il y aurait de forts risques que
les consommateurs achètent des produits d'un concurrent ou
décident d'acheter un produit de remplacement, ce qui entraî-
nerait des pertes financières. La requérante s'est inquiétée
également de ce que la divulgation de ces renseignements puisse
avoir des effets négatifs sur certaines négociations qu'elle
menait avec une compagnie étrangère en vue de contrats. Enfin,
la requérante s'est opposée à la divulgation des renseignements
en vertu du paragraphe 20(6) (qui permet la divulgation de
renseignements si les raisons d'intérêt public justifient les pertes
financières pour un tiers) pour le motif que la communication
d'un rapport ne contenant pas suffisamment de renseignements
ne contribuerait pas à mieux informer le public et que la
communication de ces rapports au public mettrait en péril les
bonnes relations entre les équipes de vérification et les abat
toirs, ce qui entraînerait une diminution de l'information du
public.
Jugement: la demande faite à l'encontre de la communica-
tion_des rapports devrait être rejetée.
La preuve qu'il y a eu préjudice au sens des alinéas 20(1)c)
et d) doit être détaillée et convaincante et elle doit indiquer un
lien direct entre la communication et le préjudice subi. Elle ne
doit pas simplement fournir des motifs de se livrer à des
conjectures sur un préjudice possible: Bande indienne de Saw-
ridge c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord
canadien). Il faut des éléments de preuve très sérieux pour
justifier la non-divulgation fondée sur des conséquences fâcheu-
ses d'ordre pécuniaire ou contractuel: Re Daigle.
On ne devrait pas s'appuyer sur des arrêts américains pour
interpréter la Loi canadienne. L'interprétation des tribunaux
américains réunit les critères exposés aux alinéas 20(1)6) et c)
de la Loi canadienne en combinant en une seule exception le
critère visant une «catégorie» particulière de renseignements et
le critère relatif au «préjudice» causé. Si l'on examine l'alinéa
20(1)c) de notre Loi, on constate qu'il y est question d'un
risque vraisemblable de pertes financières et de compétitivité
compromise, peu importe que les renseignements divulgués
soient ou non confidentiels en eux-mêmes. Le critère applicable
à la non-divulgation doit être établi eu égard au contexte
particulier de la Loi canadienne.
Les arrêts américains peuvent nous éclairer relativement à la
norme de preuve applicable. Le critère américain repose sur
«des éléments de preuve révélant une concurrence réelle et la
vraisemblance d'une atteinte à la compétitivité d'une partie».
Le tort réel causé à la compétitivité d'une partie par la divulga-
tion de documents non encore communiqués est impossible à
démontrer, et n'est pas exigé. Des allégations générales et
théoriques concluant à un préjudice sont inadmissibles. La
preuve ne doit pas faire appel à la pure spéculation, mais elle
doit pour le moins établir la vraisemblance d'un préjudice
considérable. Cela semble être aussi le critère compris aux
alinéas 20(1)c) et d) qui emploient l'expression «risquerait
vraisemblablement». Le risque doit être vraisemblable, mais la
certitude n'est pas exigée.
Il ne ressort pas de la preuve que la divulgation des rensei-
gnements risquerait vraisemblablement de causer des pertes
financières appréciables à un tiers, de nuire à sa compétitivité
ou d'entraver des négociations menées par un tiers en vue de
contrats ou à d'autres fins. Les inspections qui forment la base
des rapports de vérification sont distinctes des inspections quo-
tidiennes à l'issue desquelles est apposée l'estampille attestant
que le produit a satisfait aux normes élevées relatives à la
pureté et à l'hygiène exposées dans la Loi sur l'inspection des
viandes et ses règlements d'application. C'est ce procédé qui
renseigne et protège le public dans ses achats quotidiens de
viande. Les rapports reflètent la vérification périodique de ce
procédé et ils se concentrent sur les conditions matérielles de
l'usine et de son fonctionnement général. Il est peu probable
que le consommateur ne fasse pas de cas des inspections
quotidiennes, ni de la cote globale généralement élevée accor-
dée à ces usines, ni de la lettre d'accompagnement dans laquelle
le Ministère exposait les limites des rapports, ni du fait que ces
rapports datent de trois ans et que des mesures ont été prises
pour corriger les failles reprochées.
Pour les mêmes raisons, un importateur raisonnable ne se
fierait pas aux renseignements contenus dans les rapports en
question en dépit des garanties fournies par les inspections
quotidiennes des viandes. En l'absence de toute preuve à l'appui
de l'allégation selon laquelle les gouvernements étrangers se
serviront de ces renseignements pour dresser des barrières non
tarifaires contre les produits de viande canadiens, il n'y a pas de
risque réel pour la requérante sur le plan concurrentiel ou
pécuniaire. Les éléments de preuve fournis ne justifient pas la
crainte de la requérante que les rapports seront exploités par la
presse à sensation. Il est inconcevable que des renseignements
aussi périmés sur des failles mineures des installations de la
requérante puissent compromettre sérieusement des négocia-
tions en cours.
Il n'existe aucune preuve que la communication de ces
rapports nuira à la collecte des données effectuée par les
inspecteurs du gouvernement. La qualité des renseignements
recueillis ne dépend pas d'une bonne atmosphère de collabora
tion, car les rapports sont le résultat d'un système d'inspection
établi par la loi.
Tout doute dans une affaire intéressant la Loi sur l'accès à
l'information doit se résoudre en faveur de la divulgation. Les
inspections à la source des rapports en cause ont été effectuées
par les autorités publiques, elles entraînaient la dépense de
deniers publics et elles avaient pour objet la protection du
public. Les rapports qui en sont résultés sont de par leur nature
même des renseignements publics. Les documents ne sont pas
visés par les alinéas 20(1)c) et d), mais, de toute façon, l'intérêt
qu'a le public dans leur divulgation l'emporte sur tout risque de
préjudice causé à la requérante, et les rapports devraient être
communiqués en application du paragraphe 20(6).
LOIS ET RÈGLEMENTS
Freedom of Information Act, 5 U.S.C. § 552 (1970).
Loi sur l'accès à l'information, S.C. 1980-81-82-83,
chap. 111, annexe I, art. 20(1)b),c),d),(6), 44.
Loi sur le droit à l'information, S.N.-B. 1978, chap.
R-10.3, art. 6.
Loi sur l'inspection des viandes, S.C. 1985, chap. 17.
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Bande indienne de Sawridge c. Canada (Ministre des
Affaires indiennes et du Nord canadien) (1987), 10
F.T.R. 48 (1" inst.); Re Daigle (1980), 30 N.B.R. (2d)
209 (B.R.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
National Parks and Conservation Ass'n v. Morton, 498
F.2d 765 (D.C. Cir. 1974); National Parks and Conser
vation Ass'n v. Kleppe, 547 F.2d 673 (D.C. Cir. 1976);
Public Citizen Health Research Group v. Food and Drug
Admin., 704 F.2d 1280 (D.C. Cir. 1983).
DECISIONS CITÉES:
Maislin Industries Limited c. Ministre de l'Industrie et
du Commerce, [1984] 1 C.F. 939 (1" inst.); DMR &
Associates c. Ministre des Approvisionnements et Servi
ces (1984), 11 C.P.R. (3d) 87 (C.F. 1"' inst.); Canada
(Commissaire à l'information) c. Canada (ministre de
l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 3 C.F. 63; 11
C.P.R. (3d) 81 (1' inst).
AVOCATS:
Ronald E. Mark pour la requérante Piller
Sausages & Delicatessens Limited.
P. L. Seitz pour la requérante J. M. Schneider
Inc.
Colin L. Campbell, c.r. pour les requérantes
Canada Packers Inc., F. W. Fearman Com
pany Limited, Toronto Abattoirs Limited et
Oscar Mayer Foods Corporation.
John J. Chapman pour les requérantes Gai-
ners Inc. et Burns Meats Ltd.
Robert H. McKercher, c.r. pour la requérante
Intercontinental Packers Limited.
Gary A. Maavara pour la requérante IBP Inc.
G. N. Sparrow pour l'intimé, le ministre de
l'Agriculture.
Hilde M. English pour l'intervenant (deman-
deur) Jim Romahn dans les dossiers
n°s T-1024-85, T-1025-85, T-1456-85,
T-1471-85, T-1491-85, T-1506-85 et
T-2338-86.
Michael L. Phelan pour l'intervenant, le
Commissaire à l'information du Canada, dans
les dossiers nO5 T-1024-85, T-1025-85 et
T-1026-85.
A COMPARU:
Ken Rubin pour son propre compte à titre
d'intervenant (demandeur) dans les dossiers
n°5 T-1118-85, T-1119-85, T-1131-85,
T-1140-85, T-1253-85, T-1291-85.
PROCUREURS:
Sutherland, Hagarty, Mark & Somerville,
Kitchener (Ontario), pour la requérante Piller
Sausages & Delicatessens Limited.
Mackay, Artindale, Wunder, Kitchener
(Ontario), pour la requérante J. M. Schneider
Inc.
McCarthy and McCarthy, Toronto, pour les
requérantes Canada Packers Inc., F. W. Fear -
man Company Limited, Toronto Abattoirs
Limited et Oscar Mayer Foods Corporation.
Miller, Thompson, Sedgewick, Ferris &
Healy, Toronto, pour les requérantes Gainers
Inc. et Burns Meats Ltd.
McKercher, McKercher, Stack, Korchin &
Laing, Saskatoon (Saskatchewan), pour la
requérante Intercontinental Packers Limited.
Borden & Elliott, Toronto, pour la requérante
IPB Inc.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé, le ministre de l'Agriculture.
Haney, White, Ostner, English & Linton,
Waterloo (Ontario), pour l'intervenant
(demandeur) Jim Romahn dans les dossiers
n°5 T-1024-85, T-1025-85, T-1456-85,
T-1471-85, T-1491-85, T-1506-85 et
T-2338-86.
Osler, Hoskin & Harcourt, Ottawa, pour l'in-
tervenant, le Commissaire à l'information du
Canada, dans les dossiers n°s T-1024-85,
T-1025-85 et T-1026-85.
INTERVENANT POUR SON PROPRE COMPTE:
Ken Rubin à titre d'intervenant (demandeur)
dans les dossiers noS T-1118-85, T-1119-85,
T-1131-85, T-1140-85, T-1253-85 et
T-1291-85.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: Il s'agit
en l'espèce de l'une des quatorze demandes fondées
sur l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information
[S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, annexe I], que j'ai
entendues le 8 septembre 1987 Toronto (Onta-
rio). Bien que les faits particuliers de chacune
d'elles varient quelque peu, les principes en jeu
sont les mêmes. À quelques différences près, les
présents motifs s'appliqueront donc également aux
dossiers de la Cour fédérale portant les numéros
T-2338-86, T-1291-85, T-1131-85, T-1140-85,
T-1506-85, T-1025-85, T-1471-85, T-1026-85,
T-1118-85, T-1119-85, T-1253-85, T-1456-85 et
T-1491-85.
A—AVANT-PROPOS
En l'espèce, dix compagnies canadiennes d'em-
ballage des viandes et d'abattage cherchent à
empêcher la communication, sous le régime de la
Loi sur l'accès à l'information, de rapports d'une
équipe de vérification de l'inspection des viandes
préparés par le ministère fédéral de l'Agriculture
dans le cadre du système fédéral d'inspection des
viandes, qui a fait l'objet d'une preuve par affida
vit très élaborée, présentée pour le compte de
toutes les parties. Une description de ce système
s'impose en l'espèce et l'affidavit de David Adams,
directeur général du Conseil des viandes du
Canada en donne un aperçu général:
[TRADUCTION] 5. Le système fédéral d'inspection des viandes,
tel qu'il fonctionne actuellement, a été mis sur pied au début de
ce siècle pour s'assurer que les produits de viande canadiens
soient conformes aux normes d'hygiène les plus strictes. A
l'origine, l'inspection avait pour but de faciliter l'exportation
des produits de viande canadiens vers les marchés étrangers.
6. Au cours des années, les produits de viande canadiens
provenant des usines inspectées par le gouvernement fédéral ont
pu être exportés en conformité avec les normes de santé et
d'hygiène d'un plus grand nombre de pays, en comparaison
avec les produits de viande de toute autre nation. Le système
d'inspection canadien est reconnu pour imposer des normes très
élevées et pour fournir un marché d'exportation très étendu
pour les produits de viande canadiens. Ce système a permis
d'établir et de maintenir des normes d'hygiène très élevées dans
l'industrie des produits de viande, ce qui est essentiel car le
marché mondial est très concurrentiel à l'heure actuelle.
7. La direction du système d'inspection des viandes a reconnu
qu'il existait un marché international très compétitif et une
concurrence accrue sur le marché intérieur, qui provient non
seulement des viandes importées mais d'autres aliments com-
portant un nombre élevé de protéines. Le système fédéral
d'inspection des viandes fait appel à des inspecteurs fédéraux
résidant sur place, à des surveillants régionaux et à des inspec-
teurs de l'Administration centrale à Ottawa.
8. Dans les usines les plus importantes, il peut y avoir trente
inspecteurs fédéraux ou plus résidant sur place qui surveillent
et approuvent tous les produits de viande sur une base quoti-
dienne. Leur travail est contrôlé par des surveillants régionaux
qui inspectent chaque mois les différentes usines se trouvant sur
leur territoire pour s'assurer que les normes fédérales relatives
aux produits de viande sont appliquées de façon uniforme.
9. Enfin, les inspecteurs fédéraux qui travaillent au bureau de
l'Administration centrale à Ottawa contrôlent tous les trois ou
six mois les usines qui exportent des produits de viande sur une
base annuelle et en grande quantité, afin d'assurer l'uniformité
parmi toutes les usines de transformation de la viande et
d'abattage au Canada.
Il faut souligner que les inspecteurs journaliers
qui travaillent sur place et dont M. Adams a fait
mention possèdent des pouvoirs étendus en vertu
de la Loi sur l'inspection des viandes, S.C. 1985,
chap. 17. Ils contrôlent l'utilisation de l'estampille
qui indique que les aliments sont approuvés pour
consommation humaine et sans laquelle le produit
ne peut être commercialisé ou exporté. De même,
si un inspecteur découvre que les opérations d'une
usine ne sont pas conformes aux normes nationa-
les, il peut saisir et détenir tout produit de viande à
sa discrétion. Le travail des inspecteurs et la condi
tion générale des usines sont assujettis à une vérifi-
cation annuelle ou semestrielle effectuée par la
division de l'hygiène des viandes de l'Administra-
tion centrale du Ministère à Ottawa. Mme Kristine
Stolarik, chef par intérim du service de l'accès à
l'information et de la protection des renseigne-
ments personnels d'Agriculture Canada, a décrit le
processus de vérification de façon détaillée dans
son affidavit:
[TRADUCTION] 2. Les vérificateurs vétérinaires nationaux au
service de la division de l'hygiène des viandes, direction géné-
rale de la production et de l'inspection des aliments du minis-
tère de l'Agriculture du Canada (Agriculture Canada) contrô-
lent les usines d'abattage et de transformation au moins une
fois l'an. Le contrôle se termine par une visite de
l'établissement.
3. Le contrôle d'un établissement d'abattage commence habi-
tuellement à l'aire des produits finis et se poursuit en passant
par la plate-forme d'expédition et les aires d'emballage, de
transformation, de désossement, de débitage, de réfrigération,
d'abattage et des animaux vivants.
4. À la fin du contrôle physique de l'installation, on y tient une
réunion avec la direction de l'usine pour discuter des failles
notées au cours du contrôle, des mesures à prendre et des
engagements de la part de la direction de l'usine concernant ces
mesures correctives.
5. Après le contrôle et la discussion, le vérificateur vétérinaire
national rédige un rapport de vérification intitulé «Rapport
d'inspection», portant sur l'établissement en cause et des copies
dudit rapport sont remises à la direction de l'usine, au bureau
régional d'Agriculture Canada et au vérificateur-chef de la
division de l'hygiène des viandes, direction générale de la
production et de l'inspection des aliments d'Agriculture
Canada.
6. Lesdits rapports d'inspection ne révèlent aucun procédé
inédit ni aucun secret industriel. Il s'agit d'un document de
travail à l'usage d'Agriculture Canada et c'est un outil néces-
saire pour les fins du système national d'inspection des viandes.
Parce qu'il vise à souligner les problèmes dans un établissement
et à faire en sorte que des mesures correctives soient prises, le
rapport d'inspection n'énumère habituellement aucune informa
tion favorable au sujet des installations et des opérations de cet
établissement. Ce document de travail tente plutôt de détermi-
ner les conditions «acceptables ou «inacceptables».
L'équipe de vérification comprend habituelle-
ment [TRADUCTION] «un agent de contrôle-étran-
ger» qui, dans le cas des usines qui exportent leurs
produits aux États-Unis, est un membre du dépar-
tement de l'Agriculture des États-Unis. L'agent en
question accompagne les vérificateurs vétérinaires
nationaux, pose des questions et observe l'inspec-
tion. Après la vérification, il prépare, pour chaque
établissement, un rapport qui est envoyé à Wash-
ington. Son rapport contient à peu près les mêmes
renseignements que ceux qui figurent dans les
apports canadiens et il cote l'usine «satisfaisante»
ou «non satisfaisante» suivant les normes canadien-
nes. (Manuel de l'hygiène des viandes, Agriculture
Canada, avril 1982, pages 1 à 10.)
En plus d'attribuer la cote «acceptable» ou «inac-
ceptable» à chacune des aires inspectées, les rap
ports de vérification canadiens classent chaque
établissement dans l'une ou l'autre des catégories
suivantes:
A — Excellent
B — Bon
C — Satisfaisant (répond aux normes
minimales)
D — Cas problème
F — Insatisfaisant
(Manuel de l'hygiène des viandes, ibid, pages 1 à
12)
Il est important de noter que les rapports de
vérification examinent l'usine elle-même, les opé-
rations d'abattage et d'emballage et le processus
d'inspection. La vérification peut comporter une
inspection minutieuse d'un petit échantillon de
produits de viande à différentes étapes mais elle
n'a rien à voir avec le processus d'approbation relié
aux produits eux-mêmes. Cette opération relève
uniquement du personnel travaillant sur place à
tous les jours.
B—FAITS À L'ORIGINE DE LA PRÉSENTE
DEMANDE
Le 20 juin 1983, Jim Romahn, un journaliste du
Kitchener- Waterloo Record a déposé une
demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'infor-
mation pour obtenir [TRADUCTION] «des rapports
d'une équipe de vérificaiton de l'inspection des
viandes sur les usines existant dans cette région en
1983». Il a énuméré un grande nombre d'entrepri-
ses, y compris Piller Sausages and Delicatessens
Ltd. de Waterloo et deux autres requérantes en
l'espèce. Le ministère de l'Agriculture a avisé les
requérantes de cette demande le 26 juillet 1983,
conformément à l'article 28 de la Loi. Piller Sau
sages et les deux autres requérantes nommées ont
déposé des objections à la communication des rap
ports. Au mois de novembre 1983, le Ministère a
informé le demandeur que les documents seraient
communiqués mais que les renseignements décrits
aux alinéas 20(1)b), c) et d) de la Loi seraient
supprimés. (L'exemption prévue à l'alinéa 20(1)d)
a été subséquemment retirée.) En janvier 1984, le
demandeur a déposé une plainte auprès du Com-
missaire à l'information en vertu du paragraphe
30(1). Une enquête a ensuite eu lieu et, le 25 mars
1985, le Commissaire a envoyé au ministre de
l'Agriculture le rapport suivant:
[TRADUCTION] L'enquête effectuée par notre bureau au sujet
de la plainte de M. Romahn n'a révélé aucune raison suffisante
justifiant le refus de communiquer intégralement les rapports
d'inspection. Les objections à la communication de renseigne-
ments exemptés par l'alinéa 20(1)c) de la Loi doivent, à mon
avis, montrer qu'une telle communication est susceptible de
causer un certain préjudice aux tiers. Conformément à la Loi,
toutes les entreprises qui ont présenté des observations à votre
Ministère en 1983 ont été invitées à nous soumettre leurs
observations à la fin du mois de juin 1984.
Les observations faites par quelques-unes des entreprises d'em-
ballage de viande ont mis l'accent sur le fait que les failles
notées par les inspecteurs étaient mineures, mais si ces remar-
ques étaient faites sans explication, le public pourrait avoir la
fausse impression que les conditions d'une usine ou ses activités
de transformation ne satisfaisaient généralement pas aux
normes, ce qui entraînerait une diminution de la demande de
ses produits. J'ai pris note de cette préoccupation et de bien
d'autres découlant des observations faites par des tiers et par
votre Ministère, et je ne suis pas convaincu que la divulgation
des renseignements refusée en vertu de l'alinéa 20(1)c) de la
Loi risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou pro
fits financiers appréciables à des tiers ou de nuire à leur
compétitivité. Ces observations n'ont pas donné d'exemples
convaincants des préjudices envisagés par l'alinéa en question.
Je note qu'avant 1981, votre Ministère fournissait des copies
non publiées de rapports sur l'inspection des viandes aux per-
sonnes qui en faisaient la demande, mais on ne m'a fourni
aucune preuve du préjudice dont il est fait mention aux alinéas
b), c) et d). Et même si les rapports préparés par les inspecteurs
de viande canadiens et américains et déposés à Washington
sont publiés depuis 1972 par le département de l'Agriculture
des États-Unis en vertu de la Freedom of Information Act de
ce pays, les fonctionnaires dudit département ne connaissent
aucune entreprise nord-américaine oeuvrant dans ce secteur qui
a subi des pertes commerciales à la suite de ces divulgations.
J'aimerais également attirer votre attention sur le paragraphe
20(6) de la Loi en vertu duquel le responsable d'une institution
fédérale peut communiquer tout document contenant les rensei-
gnements visés aux alinéas 20(1)b), c) et d) pour des raisons
d'intérêt public concernant la santé; les raisons d'intérêt public
doivent de plus justifier nettement les conséquences éventuelles
de la communication pour un tiers: pertes ou profits financiers
et atteintes à sa compétitivité. Puisque le mandat de votre
personnel chargé de l'inspection des viandes consiste notam-
ment «à offrir aux consommateurs des produits de viande sains,
sûrs, simples, bien étiquetés ...», le but des inspections semble
être une question touchant la santé publique. Les commentaires
faits librement par les inspecteurs des viandes portent sur le
non-respect des normes d'hygiène ou de transformation dans les
usines et la divulgation des renseignements, qui indiquent le
non-respect des exigences gouvernementales, permettrait au
public, au nom duquel agit le ministère, de savoir que ces usines
d'emballage ne se conforment pas aux normes voulues. En
outre, les fonctionnaires peuvent vouloir faire des remarques
explicatives lorsqu'ils publient les documents.
En conclusion, je ne crois pas que les raisons qui ont été
fournies pour faire échec à la demande de M. Romahn visant à
obtenir l'accès aux documents soient valables et conformes au
paragraphe 37(1) de la Loi sur l'accès à l'information; je
recommande par conséquent que les renseignements portant sur
les commentaires relatifs à l'inspection soient divulgués confor-
mément à la Loi au plus tard le 15 avril 1985 ou que vous
m'avisiez de toute mesure prise ou que vous entendez prendre
pour appliquer cette recommandation ou que vous m'expliquiez
pourquoi une telle mesure n'a pas été prise ou n'est pas censée
l'être.
Conformément à cette recommandation et à
l'article 28 de la Loi, le Ministère a informé les
requérantes en date du 22 avril 1985 que les
rapports de vérification seraient divulgués intégra-
lement, à l'exception des suppressions fondées sur
l'alinéa 20(1)b). Les requérantes ont répondu en
produisant des avis des demandes de révision de
cette décision en vertu de l'article 44. Tous les
rapports demandés ont été communiqués au
demandeur le 27 mai 1985, avec les suppressions
qui restaient, à l'exception de ceux concernant les
trois compagnies qui avaient déposé des demandes
de révision. Le Ministère a inclus une lettre qui
expliquait la nature des rapports de vérification et
l'inquiétude exprimée par les compagnies d'embal-
lage de viande. Il disait notamment:
[TRADUCTION] Plusieurs tierces parties craignent que les rap
ports d'inspection puissent être mal interprétés par quiconque
ne connaît pas le système d'inspection. Les rapports ont pour
but de souligner les lacunes existant dans les installations et les
opérations pour que la direction de l'usine prenne des mesures
correctives. Les rapports contiennent des commentaires objec-
tifs sur les conditions de l'usine qui existaient au moment de
l'inspection mais qui ne reflètent pas nécessairement la situa
tion présente. Étant donné l'usure graduelle de l'équipement et
des bâtiments, l'entretien et les réparations constituent des
activités permanentes et il est presque impossible de ne trouver
aucune faille à quelque moment que ce soit. Le rapport ne
présente pas une juste évaluation de l'ensemble des opérations
d'une usine car il n'y a aucun commentaire sur les conditions
satisfaisantes.
La présente demande se fonde sur le paragraphe
20(1) de la Loi:
20. (1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu,
sous réserve des autres dispositions du présent article, de refu-
ser la communication de documents contenant:
a) des secrets industriels de tiers;
b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques
ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers,
qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme
tels de façon constante par ce tiers;
c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisem-
blablement de causer des pertes ou profits financiers appré-
ciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;
d) des renseignements dont la divulgation risquerait vrai-
semblablement d'entraver des négociations menées par un
tiers en vue de contrats ou à d'autres fins.
C—ARGUMENTS DE LA REQUÉRANTE
La requérante fait porter son argumentation
tout particulièrement sur les alinéas 20(1)c) et d).
Elle qualifie les renseignements de défavorables et
d'insuffisants et soutient que leur divulgation pour-
rait causer un préjudice financier appréciable.
Les éléments de preuve présentés par toutes les
requérantes à l'appui de leur thèse sont de deux
sortes: premièrement, l'avis de certains experts sur
la nature du marché de l'industrie des viandes et
les répercussions probables des renseignements
défavorables et, deuxièmement, des faits concer-
nant les expériences que chacune des requérantes a
connues à cause de renseignements défavorables.
Le présent litige est devenu plus complexe en
raison de l'inquiétude exprimée par les requérantes
au sujet du caractère confidentiel de leurs élé-
ments de preuve. À leur demande, tous les docu
ments ont été déposés dans des enveloppes scellées,
et le contre-interrogatoire des déposants s'est
déroulé de façon à limiter l'accès aux transcrip
tions.
En ce qui concerne d'abord les témoignages
d'experts qui ont été déposés, deux experts ont
présenté des affidavits sur lesquels devaient s'ap-
puyer toutes les requérantes. Ce furent M. David
Adams, directeur général du Conseil des viandes
du Canada, dont une partie du témoignage a déjà
été mentionnée, et le professeur Donald M.
Thompson, qui enseigne l'administration à l'uni-
versité York. L'avis du professeur Thompson se
fonde sur l'examen d'échantillons des rapports de
vérification de différents établissements des requé-
rantes et sur des copies d'articles de journaux
portant sur l'industrie des produits de la viande,
dont certains ont été rédigés par le demandeur en
l'espèce, Jim Romahn. Son témoignage est résumé
ainsi aux paragraphes 13 à 16 de l'exposé des faits
et du droit de la présente requérante:
[TRADUCTION] 13. La divulgation des renseignements défavo-
rables qui figurent dans les rapports d'inspection des viandes
auront des répercussions défavorables sur les usines d'embal-
lage des viandes en incitant le consommateur à acheter des
produits de viande d'un concurrent. Ce qui représente un risque
plus important encore pour l'industrie canadienne des viandes
dans son ensemble, c'est le fait que le consommateur qui est
exposé à ce genre de reportages défavorables pourrait décider
d'acheter un produit de remplacement, faisant ainsi baisser la
demande de produits de viande au Canada.
14. L'industrie des viandes est alors placée dans la situation
extrêmement difficile de faire «revenir» l'acheteur aux produits
de viande. Vu que la viande est considérée comme un produit
suscitant peu d'intérêt, il est difficile, et peut-être même impos
sible, d'annuler les effets de renseignements défavorables par la
publicité. Cela est dû au fait que la publicité destinée à un
produit suscitant peu d'intérêt vise à sensibiliser et à familiari-
ser le consommateur par la répétition du message. Il est
difficile ou impossible de livrer des messages compliqués et
variés traitant des avantages procurés par le produit désiré dans
le cas d'un produit suscitant peu d'intérêt, et d'essayer ainsi
d'annuler les effets de renseignements défavorables. Les con-
sommateurs ne s'en soucient tout simplement pas assez pour y
prêter attention.
15. Il est peut-être possible d'annuler les effets de renseigne-
ments défavorables dans le cas d'un produit suscitant peu
d'intérêt en réduisant le prix. En général, il faut maintenir
assez longtemps le prix d'une promotion pour inciter le consom-
mateur à acheter à plusieurs reprises le produit de la marque en
question. Le succès de cette stratégie dépend de la possibilité
pour le promoteur de maintenir les réductions de prix pendant
un certain temps, et du fait que les concurrents ne recourront
pas simplement à des réductions de prix équivalentes (pour en
annuler ainsi les effets). Cela entraînera évidemment des pertes
financières importantes pour le producteur pendant la période
au cours de laquelle il lui faudra reprendre la part du marché
perdue antérieurement.
16. Si, sur les marchés d'exportation, des gouvernements étran-
gers devaient disposer de renseignements défavorables sur des
produits ou des producteurs canadiens, dans une industrie où il
ne serait pas possible d'obtenir des renseignements similaires au
sujet de fournisseurs concurrents dans d'autres pays, il pourrait
en résulter un préjudice permanent en ce qui concerne les
ventes à l'exportation. Ce qui est peut-être plus important
encore, c'est que des pays importateurs à la recherche de
barrières non tarifaires afin d'écarter les produits de viande
venant du Canada pourraient bien se servir de renseignements
de ce genre pour parvenir à une telle fin.
Au dire de M. Adams, l'industrie des viandes
jouirait d'une marge étroite de profits, et même la
perte d'une petite partie des profits à la suite d'une
baisse des ventes au pays ou à l'étranger pourrait
avoir des répercussions très graves sur la rentabi-
lité des requérantes.
La compagnie Piller Sausages décrit sa propre
position à cet égard en prenant comme base les
négociations qu'elle a entamées récemment avec
une société étrangère et qui, en cas de succès,
entraîneraient une augmentation marquée de ses
ventes annuelles. Le succès de ces négociations
reposerait principalement sur la bonne réputation
de la requérante dans la production de viandes de
haute qualité. Tout accroc à cette réputation en
raison de renseignements défavorables pourrait
avoir un effet direct sur l'issue de ces négociations.
En se reportant précisément au paragraphe
20(1) de la Loi, elle allègue que la communication
des rapports de vérification de l'inspection des
viandes risquerait vraisemblablement de lui causer
des pertes financières appréciables et de nuire à sa
compétitivité dans l'industrie canadienne des vian-
des et sur le marché international. La communica
tion des rapports risquerait vraisemblablement
également d'entraver des négociations menées par
elle en vue de contrats avec la compagnie étran-
gère mentionnée ci-dessus. La requérante recon-
naît que les dérogations aux normes indiquées dans
les rapports sont, en général, plutôt mineures. Elle
craint que des incidents particulièrement frappants
soient tirés des rapports et servent à réaliser des
reportages à sensation, exposant ainsi aux attaques
la réputation et l'intégrité de ses usines et occa-
sionnant ultimement des pertes financières graves.
Il faudrait donc interdire à l'intimé de communi-
quer ces documents en application des alinéas
20(1)c) et 20(1)d).
La requérante se reporte également au paragra-
phe 20(6), sur lequel le Commissaire à l'informa-
tion se fonde en partie dans sa recommandation.
Ce paragraphe est ainsi libellé:
20....
(6) Le responsable d'une institution fédérale peut communi-
quer, en tout ou en partie, tout document contenant les rensei-
gnements visés aux alinéas (1)b), c) et d) pour des raisons
d'intérêt public concernant la santé et la sécurité publiques
ainsi que la protection de l'environnement; les raisons d'intérêt
public doivent de plus justifier nettement les conséquences
éventuelles de la communication pour un tiers: pertes ou profits
financiers, atteintes à sa compétitivité ou entraves aux négocia-
tions qu'il mène en vue de contrats ou à d'autres fins.
Les allégations de la requérante sur ce point figu-
rent aux paragraphes 11 et 12 de son exposé des
faits et du droit:
[TRADUCTION] 11. La divulgation des renseignements figurant
dans les rapports de vérification de l'inspection des viandes ne
contribuerait d'aucune façon appréciable à mieux informer le
public sur la question de la santé publique relativement à
l'emballage des viandes à l'usine de la requérante. Le rapport
ne contient pas suffisamment de renseignements pour permettre
à une personne qui n'est pas intervenue dans le processus de se
prononcer sur la conclusion du rapport. Si les renseignements
non divulgués étaient expliqués de façon juste et claire à chacun
des citoyens, cela n'influerait pas sur sa décision d'acheter ou
non le produit fabriqué par la requérante. En ce qui a trait à la
santé publique, l'intérêt public a donc été protégé de façon
adéquate par le processus même de l'inspection. La communi
cation du rapport ne contribuerait pas de façon importante à
mieux informer le public et risque même de très mal le
renseigner.
12. Il est allégué que la divulgation des renseignements figu-
rant dans les rapports de vérification de l'inspection des viandes
renseignerait mal le public sur la question de la santé publique,
au lieu de l'informer à ce sujet. Le public a obtenu l'assurance
que les produits de viande étaient sans danger, grâce aux
inspections effectuées et à la surveillance exercée quotidienne-
ment par les inspecteurs canadiens des viandes et grâce égale-
ment aux rapports annuels et semi -annuels. Le respect de ces
normes est attesté par le cachet canadien d'inspection des
viandes apposé sur tous les produits de viande préparés dans les
différentes usines d'emballage des viandes au Canada. Le
public est pleinement protégé et informé par ces moyens. Les
pertes financières éventuelles et les atteintes possibles à la
compétitivité, ainsi que les entraves aux négociations que la
requérante mène avec la compagnie américaine en vue de
contrats, l'emportent nettement sur le droit du public à la
divulgation des renseignements.
À cet égard, la requérante soutient que la commu
nication de ces rapports au public mettrait en péril
les bonnes relations entre les équipes de vérifica-
tion et les compagnies inspectées, ce qui entraîne-
rait une diminution, et non pas une amélioration,
de l'information et de la protection du public.
D—ARGUMENTS DE L'INTIMÉ ET DES INTERVE-
NANTS
L'intimé me demande de rejeter toute allégation
selon laquelle la requérante subirait un préjudice à
la suite de la divulgation des renseignements en
question. Il fait remarquer que la principale source
de préoccupation de la requérante, ainsi que l'a
indiqué le contre-interrogatoire de son président,
n'est pas le contenu des rapports eux-mêmes mais
le traitement que les journaux leur accorderont.
Un article impartial qui refléterait les limites des
rapports de vérification n'engendrerait pas la
même cause d'inquiétude. Toutefois, on ne con-
teste pas que la requérante elle-même n'a jamais
subi de pertes financières à la suite d'une mauvaise
publicité concernant sa propre compagnie ou l'in-
dustrie des viandes en général, de sorte qu'il s'agit
seulement d'une possibilité qu'une couverture de
presse négative entraînerait des pertes financières.
Le contre-interrogatoire des témoins experts de
la requérante a donné lieu aux aveux suivants:
[TRADUCTION] 1) Le professeur Thompson a admis que «ce
qui est important dans la perte des ventes, ce n'est pas que (les
rapports d'inspection) puissent être obtenus du gouvernement
mais qu'ils soient communiqués aux consommateurs d'une
façon essentiellement défavorable». Il a également convenu
qu'un grand nombre de variables influeraient sur les répercus-
sions d'un article.
Contre-interrogatoire de Donald Thompson, page 38, ques
tion 94.
2) Agriculture Canada a communiqué les rapports de vérifica-
tion à ceux qui en faisaient la demande entre 1981 et 1983.
Contre-interrogatoire de Kristine Stolarik, réponse à des
engagements.
3) Le département de l'Agriculture des États-Unis communi
que la version américaine de ces rapports à ceux qui en font la
demande sous le régime de la Freedom of Information Act de
ce pays.
Contre-interrogatoire de Donald Thompson, page 38, question
94.
Contre-interrogatoire de David Adams, page 71, ques
tion 197.
4) M. Adams n'avait pas entendu parler d'articles de journaux
ayant pu causer un préjudice à la suite de l'un des deux modes
de divulgation susmentionnés.
Contre-interrogatoire de David Adams, page 71, question
198—page 72, questions 201 203.
5) Les produits de viande sans nom seraient moins touchés par
la publicité que les produits de marque.
Contre-interrogatoire de Donald Thompson, page 71, ques
tion 175.
6) 70 % de toutes les viandes vendues au Canada ne portent
pas de marque.
Contre-interrogatoire de David Adams, page 52, question 129.
7) Le Conseil des viandes du Canada a approuvé, pour fins de
divulgation, une nouvelle formule de rapport d'inspection des
viandes qui présenterait un résumé trimestriel des renseigne-
ments transmis par les derniers rapports, sans qu'il soit fait
mention des failles mineures et temporaires.
Contre-interrogatoire de David Adams, pages 66 70; page 88;
annexe 3.
L'intimé allègue que la requérante n'a pas satis-
fait à l'obligation de prouver que les présents
renseignements sont visés par les alinéas 20(1)c) et
d). Ladite requérante n'a pas contesté sérieuse-
ment que, en qualité de partie qui s'oppose à la
divulgation des renseignements, il lui incombe de
me persuader qu'il existe des motifs évidents pour
lesquels ces documents ne devraient pas être com-
muniqués. (Voir Maislin Industries Limited c.
Ministre de l'Industrie et du Commerce, [1984] 1
C.F. 939 (i re inst.).) En ce qui concerne l'alinéa
20(1)c), l'intimé soutient que la requérante n'a
présenté aucun cas concret de pertes financières
occasionnées par une publicité défavorable. De
plus, le préjudice allégué est trop éloigné. Cet
alinéa exige la preuve de l'existence d'un lien
direct de cause à effet: la preuve que c'est la
divulgation elle-même des renseignements, et non
pas leur couverture éventuelle par les médias, qui
causera un préjudice. L'intimé fait également
valoir que l'exemption n'est pas permise par l'ali-
néa 20(1)d) car les seules négociations menées en
vue de contrats et qui seraient en danger sont les
négociations de la requérante avec la société amé-
ricaine qui, de l'aveu général, procède à sa propre
inspection des établissements. Tous les autres con-
sommateurs obtiennent des renseignements sur les
établissements et les produits de la requérante d'un
certain nombre de sources, et ces rapports ne
constitueraient que l'une d'entre elles. Et, de toute
façon, la communication de rapports qui datent de
plus de trois ans pourrait difficilement entraver des
négociations menées actuellement en vue de
contrats.
À titre d'intervenant, le Commissaire à l'infor-
mation ajoute ce qui suit à ces observations sur les
alinéas 20(1)c) et d): à la lecture des rapports,
toute personne raisonnable reconnaîtra leurs limi-
tes et relèvera le caractère satisfaisant et la cote de
chaque usine, qui donnent une vue d'ensemble plus
équilibrée. Le caractère déplaisant des renseigne-
ments ne constitue pas en soi un motif de refuser
leur divulgation. La lettre jointe aux rapports qui
ont déjà été communiqués expose les préoccupa-
tions de la requérante à cet égard et réduirait tout
effet défavorable dans l'esprit du lecteur raisonna-
ble. Il n'y a pas de différence entre la communica
tion des rapports accompagnés de la lettre et la
communication des résumés trimestriels déjà
approuvés par le Conseil des viandes. La requé-
rante possède des recours en common law adve-
nant la publication de tout renseignement trom-
peur ou inexact à la suite de la communication des
rapports.
En outre, les intervenants soutiennent que,
même s'il peut être démontré que les rapports sont
visés par les alinéas 20(1)c) ou d), ils devraient
être communiqués en application du paragraphe
20(6).
20....
(6) Le responsable d'une institution fédérale peut communi-
quer, en tout ou en partie, tout document contenant les rensei-
gnements visés aux alinéas (1)b), c) et d) pour des raisons
d'intérêt public concernant la santé et la sécurité publiques
ainsi que la protection de l'environnement; les raisons d'intérêt
public doivent de plus justifier nettement les conséquences
éventuelles de la communication pour un tiers: pertes ou profits
financiers, atteintes à sa compétitivité ou entraves aux négocia-
tions qu'il mène en vue de contrats ou à d'autres fins.
Les intervenants allèguent que la communica
tion desdits renseignements servirait grandement
l'intérêt public. Le système d'inspection qui a
donné lieu à ces rapports vise à protéger le public
et à permettre qu'il continue de jouir des normes
les plus élevées d'hygiène pour ce qui concerne les
viandes. Par conséquent, la communication des
rapports protégerait l'intérêt public en permettant
d'obtenir des renseignements concernant le carac-
tère sain et la sécurité des aliments. Les préoccu-
pations de la requérante selon lesquelles le public
ne sera que mal renseigné par les rapports
devraient, selon ces parties, être apaisées par la
lettre explicative qui les accompagnera. La com
munication des rapports servira également l'intérêt
public en incitant toutes les usines à atteindre des
normes élevées d'hygiène en raison de la
concurrence.
E—LE DROIT
La Loi sur l'accès à l'information est assez
récente. Bien que la jurisprudence qui interprète
cette Loi se soit développée assez rapidement au
cours des dernières années, il y a eu très peu de
décisions qui se sont prononcées sur des demandes
présentées par un tiers en vertu de l'article 44, et
elles n'ont pas toutes traité en détail des conditions
pour qu'il y ait exemption en vertu des alinéas
20(1)c) et d). Elles ont surtout cherché à établir,
premièrement, que la charge de la preuve incombe
à la partie qui s'oppose à la communication des
documents (ainsi que la requérante le reconnaît en
l'espèce) et, deuxièmement, que, eu égard à l'objet
de la Loi, qui est exposé à l'article 2, les exceptions
à la communication des documents doivent être
limitées et occasionnelles et se restreindre à celles
qui sont mentionnées précisément dans la Loi.
(Voir Maislin Industries Limited, précité; DMR
& Associates c. Ministre des Approvisionnements
et Services (1984), 11 C.P.R. (3d) 87 (C.F. lie
inst.); et Canada (Commissaire à l'information) c.
Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion), [1986] 3 C.F. 63; 11 C.P.R. (3d) 81 (i'
inst.) (demande fondée sur l'article 42).)
Dans une décision plus récente Bande indienne
de Sawridge c. Canada (Ministre des Affaires
indiennes et du Nord canadien) (1987), 10 F.T.R.
48 (C.F. 1fe inst.), mon collègue le juge Martin a
étudié précisément les alinéas qui nous intéressent
en l'espèce. Dans cette affaire, une bande indienne
tentait d'empêcher la communication de ses règles
d'appartenance, alléguant qu'elle entendait rentrer
dans les dépenses afférentes à leur élaboration en
demandant des droits aux autres bandes désireuses
d'en obtenir une copie à titre de modèle. Les
questions visant les alinéas 20(1)c) et d) ont été
soulevées dans le cadre de la révision de la décision
du ministre de ne pas donner l'avis prévu à l'article
28 de la Loi parce qu'il estimait que la tierce
partie n'était touchée d'aucune des façons décrites
au paragraphe 20(1). Dans son examen, la Cour se
limitait à rechercher si la décision avait été rendue
régulièrement. Le juge Martin a ajouté à la
page 56 qu'il aurait rendu la même décision que le
ministre, compte tenu des faits portés à la connais-
sance de ce dernier. Ses motifs reflètent l'impor-
tance de la preuve requise pour satisfaire à l'obli-
gation qui incombe au requérant qui invoque
l'application des dispositions en cause [aux pages
56 et 57]:
Si le requérant a réussi à obtenir quelque avantage pour sa
bande en autorisant d'autres bandes à s'inspirer du code pour
établir le leur, il doit en fait s'en féliciter. A cet égard, la preuve
n'est ni détaillée ni convaincante. Il paraît qu'on a donné un
certain nombre d'exemplaires du code à d'autres bandes.
Aucun paiement qui puisse être directement imputé à la com
munication du Code n'a été reçu en retour. La preuve révèle
cependant que la bande a reçu certains avantages sous forme
d'appui pour des actions qu'elle a intentées contre le gouverne-
ment fédéral.
Étant donné les renseignements dont disposait l'intimé au
moment où il a décidé de ne pas agir sous le régime de l'article
28 de la Loi, en particulier le code lui-même, et étant donné les
observations qui ont été ultérieurement faites, notamment les
éléments d'information à l'appui de la présente requête, on ne
pouvait à l'époque, pas plus qu'on ne peut maintenant, s'atten-
dre à ce que l'intimé conclue que la divulgation du code
donnerait lieu ou pourrait donner lieu aux conséquences pré-
vues aux alinéas 20(1)c) ou d). S'attendre à ce que l'intimé
conclue que la divulgation du code donnerait lieu ou pourrait
donner lieu à ces conséquences reviendrait à s'attendre à ce
qu'il se livre à la plus pure spéculation.
Je souscris à ces remarques, c'est-à-dire que la
preuve qu'il y a eu préjudice au sens des alinéas
20(1)c) et d) doit être détaillée et convaincante, et
elle doit indiquer la présence d'un lien direct entre
la communication et le préjudice subi. Elle ne doit
pas simplement fournir des motifs de se livrer à
des conjectures sur un préjudice possible.
Peut-être en raison du nombre très peu impor
tant des litiges visant la loi fédérale, tous les
dossiers des avocats renvoient à des décisions de la
Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick
qui traitent d'une loi semblable de cette province,
la Loi sur le droit à l'information, S.N.-B. de
1978, chap. R-10.3. L'une de ces décisions, Re
Daigle (1980), 30 N.B.R. (2d) 209 portait sur une
demande par laquelle le chef provincial de l'Oppo-
sition réclamait à la Commission d'énergie électri-
que du Nouveau-Brunswick la communication
d'une [TRADUCTION] «étude d'indice d'attente»
qu'un expert-conseil avait faite relativement à la
construction d'une centrale nucléaire. La Commis-
sion avait refusé de divulguer cette étude, en se
fondant en partie sur l'alinéa 6c) de la Loi du
Nouveau-Brunswick, qui dit notamment:
6. Le droit à l'information conféré par la présente loi est
suspendu lorsque la communication d'informations
c) pourrait occasionner des gains ou des pertes financières
pour une personne ou un ministère, ou pourrait compromet-
tre des négociations en vue d'aboutir à la conclusion d'un
accord ou d'un contrat;
Le juge Stevenson a dit ce qui suit sur les
arguments ayant trait à l'alinéa 6c) [aux pages
215 et 216]:
[TRADUCTION] J'estime toutefois que l'application de l'ali-
néa 6c) de la Loi, en ce qui concerne les pertes ou les gains
financiers, doit se décider selon un contexte plus étroit. A mon
avis, pour invoquer avec bonheur cette exclusion, il faut établir
que la perte ou le gain découlerait directement de la divulgation
des renseignements. En l'espèce, le ministre s'appuie sur ce que
l'on ne peut appeler que le gain ou la perte escompté(e) des
entrepreneurs.
Pour ce qui est de la proposition selon laquelle la divulgation
infligerait à la Commission d'énergie électrique une perte en
nuisant à ses efforts en- vue d'améliorer la prestation d'un
entrepreneur particulier ou de négocier le règlement de revendi-
cations contractuelles, ou encore en affaiblissant sa position
dans d'éventuelles procédures visant à régler des revendications
contractuelles, il me suffit de dire ce qui suit: je ne puis
admettre qu'un entrepreneur sérieux sera moins enclin à tenter
d'améliorer sa prestation lorsque son travail passé aura fait
publiquement l'objet de critiques constructives; la logique veut
que le contraire se produise. La mention générale dans l'affida-
vit de M. Ganong relative au «règlement de revendications
contractuelles et à d'éventuelles procédures visant à régler des
revendications contractuelles» a peu de valeur probante. Il
n'existe aucune preuve distincte qu'il existe bel et bien des
revendications non réglées qui seraient compromises. Des élé-
ments de preuve plus précis doivent être apportés pour justifier
la non-divulgation fondée sur ce motif.
On a objecté que la divulgation des renseignements pourrait
causer à l'avenir des pertes financières à The Emerson Consul
tants Inc. L'objet de l'étude est présenté de façon claire,
franche et objective. On ne saurait s'attendre à moins de la part
d'une société de conseillers en gestion. Une telle présentation
rehausse plutôt qu'elle ne ternit les aptitudes et la réputation
d'un expert-conseil. Si ce dernier devait révéler volontairement
le contenu d'un rapport confidentiel, ses clients éventuels
seraient fondés à s'inquiéter. Mais les tiers ne peuvent repro-
cher à un expert-conseil d'avoir divulgué des renseignements
non pas de son propre chef, mais parce qu'il y était tenu par la
loi. De plus, la perte possible à laquelle il est fait allusion relève
entièrement du domaine de la spéculation, et elle ne résulterait
pas directement de la divulgation. Je souligne d'ailleurs que M.
Creaghan n'a pas insisté sur cet argument.
On a de plus avancé que la divulgation compromettrait les
négociations en vue d'une convention collective entre les syndi-
cats professionnels et la Lorneville Bargaining Authority. La
réponse évidente à cet argument est que l'appréciation de
certains travaux faite quelque trois années plus tôt est si
lointaine aujourd'hui qu'il me semble inconcevable que sa
divulgation puisse compromettre des négociations actuelles ou
leur nuire.
Ici encore, on constate le caractère très sérieux des
éléments de preuve requis pour justifier la non-
divulgation fondée sur des conséquences fâcheuses
d'ordre pécuniaire ou contractuel.
Finalement, toutes les parties invoquent aussi
des décisions rendues aux Etats-Unis qui portent
sur la Freedom of Information Act beaucoup plus
ancienne de ce pays (5 U.S.C. § 552 (1970)).
Toutefois, comme l'a souligné le Commissaire à
l'information dans ses observations, il peut être
dangereux de s'appuyer sur des arrêts américains
pour interpréter la loi canadienne. Les dispositions
pertinentes de la Freedom of Information Act sont
libellées comme suit:
[TRADUCTION] 552. ...
(3) ... chaque institution gouvernementale à qui l'on
demande des dossiers identifiables de façon conforme aux
règles établies qui mentionnent le délai, le lieu et les droits
prévus par la Loi ainsi que les formalités applicables, doit
promptement transmettre ces dossiers à qui les demande. Dans
l'éventualité d'une plainte, la Cour de district des États-Unis du
district dans lequel le plaignant réside ou a son principal
établissement, ou dans lequel sont conservés les dossiers requis,
est habilitée à interdire à l'institution gouvernementale visée de
retenir ces derniers et à ordonner la production de tout dossier
de l'institution gouvernementale indûment refusé au plaignant.
Dans de telles circonstances, la cour juge l'affaire de novo et il
appartient à l'institution gouvernementale de justifier son refus.
b) Ne sont pas visés par le présent article:
(4) les secrets industriels et les renseignements d'ordre com
mercial ou financier obtenus d'un individu et qui sont privilé-
giés ou confidentiels;
La U.S. Court of Appeals a statué que cette
exemption supposait l'application d'un critère à
deux volets:
[TRADUCTION] [4] En résumé, un renseignement commer
cial ou financier est «confidentiel» aux fins de l'exemption si la
communication du renseignement peut avoir l'un ou l'autre des
effets suivants: (1) compromettre la capacité du gouvernement
d'obtenir à l'avenir des renseignements nécessaires; ou (2) nuire
sérieusement à la compétitivité de la personne qui a fourni le
renseignement. [National Parks and Conservation Ass'n v.
Morton, 498 F.2d 765 (D.C. Cir. 1974), à la page 770.]
Le Commissaire à l'information soutient que cette
interprétation réunit les critères exposés aux ali-
néas 20(1)b) et c) de la Loi canadienne en combi-
nant en une seule exception le critère visant une
«catégorie» particulière de renseignements et le
critère relatif au «préjudice» causé. Toutefois, si
l'on examine l'alinéa 20(1)c) de notre Loi, on
constate qu'il y est question d'un risque vraisem-
blable de pertes financières et de compétitivité
compromise, peu importe que les renseignements
divulgués soient ou non confidentiels en eux-
mêmes. Par conséquent, bien que la jurisprudence
américaine nous aide à comprendre la terminologie
semblable à la nôtre, le critère applicable à la
non-divulgation doit être établi eu égard au con-
texte particulier de la Loi canadienne.
Les arrêts américains peuvent toutefois nous
éclairer relativement à la norme de preuve applica
ble aux demandes de communication de renseigne-
ments. Deux exemples suffiront à indiquer l'orien-
tation de la jurisprudence à cet égard. Dans l'arrêt
National Parks and Conservation Ass'n v. Kleppe,
547 F.2d 673 (D.C. Cir. 1976), la page 683, la
Court of Appeals a décidé que la District Court
n'avait pas commis d'erreur en concluant que la
divulgation de renseignements nuirait considéra-
blement à la compétitivité des intimés:
[TRADUCTION] [8] A l'exception de ces deux concessionnai-
res, les intimés se sont aussi déchargés de l'obligation qui leur
incombait de prouver que la divulgation serait susceptible de
nuire considérablement à leur compétitivité. La District Court
a conclu que tel serait le cas, J.A. 289, 292, 295-96, et le
dossier appuie abondamment les inférences nécessaires condui-
sant à cette conclusion. Il n'était pas besoin de démontrer
aucune incidence défavorable sur la compétitivité des intimés,
ce qui eut d'ailleurs été impossible, les documents demandés
n'ayant pas encore été communiqués. Le tribunal n'a à exercer
son jugement qu'eu égard à la nature des documents recherchés
et aux circonstances concurrentielles dans lesquelles les conces-
sionnaires font affaire, en s'appuyant au moins en partie sur des
témoignages pertinents et crédibles.
L'arrêt Public Citizen Health Research Group v.
Food and Drug Admin., 704 F.2d 1280 (D.C. Cir.
1983), aux pages 1290 et 1291 fournit un résumé
encore plus utile du droit applicable, tiré de diver-
ses décisions faisant jurisprudence:
[TRADUCTION] [6,7] La question pertinente consiste donc à
savoir si les renseignements commerciaux fournis au FDA par
les fabricants IOL sont «confidentiels» au sens de l'exemption
n° 4. Les renseignements commerciaux sont confidentiels aux
fins de l'exemption si leur communication peut avoir l'un ou
l'autre des effets suivants «(1) ... compromettre la capacité du
gouvernement d'obtenir à l'avenir des renseignements nécessai-
res; ou (2) ... nuire sérieusement à la compétitivité de la
personne qui a fourni le renseignement.» National Parks I, 498
F.2d à la page 770 (omission de la note en bas de page). Selon
le second volet de ce critère—le seul qui soit contesté en
l'espèce—le tribunal n'a pas à se livrer à une analyse économi-
que compliquée des effets vraisemblables de la communication.
National Parks II, 547 F.2d à la page 681. Des allégations
générales et théoriques concluant à une atteinte importante à la
compétitivité d'une personne sont évidemment inadmissibles et
elles ne sauraient justifier la décision d'une institution gouver-
nementale de retenir les documents requis. Voir la décision
précitée, à la page 680; Pacifie Architects & Engineers, Inc. v.
Renegotiation Board, 505 F.2d 383, 384-85 (D.C. Cir. 1974).
Cependant, les parties qui s'opposent à la communication ne
sont pas tenues de «démontrer qu'il est effectivement porté
atteinte à leur compétitivité»; des éléments de preuve révélant
«une concurrence réelle et la vraisemblance d'une atteinte à la
compétitivité» d'une partie suffisent à donner aux renseigne-
ments commerciaux un caractère confidentiel. Gulf & Western
Industries v. United States, 615 F.2d à la page 530.
Le critère américain repose donc sur «des élé-
ments de preuve révélant une concurrence réelle et
la vraisemblance d'une atteinte à la compétitivité
d'une partie». Le tort réel causé à la compétitivité
d'une partie par la divulgation de documents non
encore communiqués est naturellement impossible
à démontrer, et n'est pas exigé. Des allégations
générales et théoriques concluant à un préjudice
sont cependant inadmissibles. Bien que le libellé de
l'exemption prévue par la loi américaine puisse
différer du nôtre, la norme de preuve qui s'en
dégage semble correspondre aux critères exposés
dans les arrêts canadiens cités plus haut. La preuve
ne doit pas faire appel à la pure spéculation, mais
elle doit pour le moins établir la vraisemblance
d'un préjudice considérable. Cela semble être aussi
le critère compris aux alinéas 20(1)c) et d) de la
Loi canadienne qui emploie l'expression «risquerait
vraisemblablement» d'avoir des conséquences défa-
vorables. Le risque doit être vraisemblable, mais la
certitude n'est pas exigée.
F—CONCLUSION
L'esprit de la Loi sur l'accès à l'information
veut que la partie qui s'oppose à la communication
établisse que les renseignements contestés sont
visés par l'une des exemptions particulières expo
sées dans la Loi. En l'espèce, les exemptions invo-
quées sont les alinéas 20(1)c) et d). Pour justifier
la non-divulgation pour ces motifs, les requérants
doivent démontrer qu'il s'agit de renseignements
dont la divulgation risquerait vraisemblablement:
1) de causer des pertes ou profits financiers
appréciables à un tiers,
2) de nuire à sa compétitivité,
3) d'entraver des négociations menées par un
tiers en vue de contrats ou à d'autres fins.
Les éléments de preuve en l'espèce satisfont-ils
aux critères précités? Je ne le crois pas, pour
plusieurs raisons. La première considération, et la
plus importante, vise la nature des rapports de
vérification de l'inspection des viandes. Les inspec
tions qui font l'objet des rapports sont distinctes
des inspections quotidiennes et continues faites par
les fonctionnaires sur place d'Agriculture Canada,
et elles s'y ajoutent. C'est à l'issue de ces inspec
tions quotidiennes qu'est apposée l'estampille sans
laquelle aucun produit de viande ne peut être
introduit sur le marché canadien ni être exporté à
partir du Canada. L'estampille atteste que le pro-
duit concerné a satisfait aux normes élevées relati
ves à la pureté et à l'hygiène exposées dans la Loi
sur l'inspection des viandes et ses règlements d'ap-
plication. Comme l'a reconnu la présente requé-
rante au cours des débats, c'est ce procédé qui
renseigne et protège principalement le public dans
ses achats quotidiens de viande destinée à la con-
sommation. Tout produit non conforme aux
normes établies est retenu par les inspecteurs et
n'est jamais offert en vente.
Les rapports litigieux en l'espèce reflètent la
vérification périodique de ce procédé, et ils se
concentrent principalement sur les conditions
matérielles de l'usine et son fonctionnement géné-
ral. Les requérantes soutiennent que le public ne
fera pas de distinction entre les installations de
l'usine, dont les rapports mentionnent les failles, et
les viandes produites dans ces établissements. À
l'appui de cette prétention, les requérantes préten-
dent nécessairement que ces commentaires défavo-
rables amèneront les consommateurs à ne pas faire
de cas des garanties fournies par l'inspection quoti-
dienne et continue des produits et des installations.
Elles s'attendent aussi à ce que le consommateur
ne fasse aucun cas de la cote globale généralement
élevée accordée à ces usines dans les rapports, ni
de la lettre d'accompagnement dans laquelle Agri
culture Canada exposait les limites du rapport, pas
plus que du fait que ces rapports datent de plus de
trois ans et que les usines concernées ont pris des
mesures pour corriger les failles reprochées.
Malgré tous ces renseignements favorables, le con-
sommateur, concluent les requérantes, va se
détourner des produits des fabricants visés et, en
fin de compte, de tous les produits de viande rouge
pour leur substituer la volaille et le poisson. C'est
un argument que je ne puis admettre, d'autant
plus que la requérante a concédé que ces rapports,
bien compris, ne devraient pas modifier la décision
du public d'acheter ses produits.
Les mêmes problèmes se posent à l'égard des
inquiétudes de la requérante relativement au
marché d'exportation. Toutes les requérantes ont
souligné, avec une légitime fierté, que les normes
canadiennes d'hygiène applicables à la viande sont
les plus élevées au monde et que nos produits de
viande sont bien cotés à l'étranger. Mais ils sou-
tiennent néanmoins que tout renseignement défa-
vorable sur leurs opérations nuirait à leur compéti-
tivité face aux fournisseurs d'autres pays où des
renseignements de ce genre ne sont pas disponi-
bles. J'ai peine à croire qu'un importateur raison-
nable se fierait aux renseignements contenus dans
les rapports en question en dépit des garanties
fournies par notre système d'inspection des viandes
fort estimé, et dont fait foi l'estampille qui figure
sur tous les produits exportés. La requérante
avance aussi que les gouvernements étrangers se
serviront de ces renseignements pour dresser des
barrières non tarifaires contre les produits de
viande canadiens. Aucun exemple n'a pu être
trouvé d'un tel emploi des rapports d'inspection
canadiens ou américains, et en l'absence de toute
preuve à l'appui de cette allégation, je ne suis pas
disposé à conclure qu'il représente un risque réel
pour les requérants, sur le plan concurrentiel ou
pécuniaire.
Ce manque de crédibilité n'est pas racheté par
la crainte des requérants que les rapports seront
exploités par la presse à sensation. Les éléments de
preuve ne justifient tout simplement pas cette
crainte. Plusieurs articles sur l'industrie de l'em-
ballage des viandes figurent dans les affidavits
produits à l'appui de cette demande. Un seul men-
tionne des rapports semblables aux rapports liti-
gieux, lesquels, on s'en souviendra, pouvaient être
obtenus des autorités canadiennes entre 1981 et
1983 et de Washington à compter de 1972. Une
lecture attentive de ce dernier article illustre le peu
de gravité des plaintes formulées dans ces rapports.
Je souligne également que l'article en question,
rédigé par le demandeur en l'espèce, Jim Romahn,
mentionne spécifiquement le caractère bénin des
plaintes et il retrace les mesures que les entreprises
critiquées ont prises pour rectifier toute violation
des normes établies. Je ne trouve pas qu'il s'agis-
se-là d'un compte rendu partial ou tendancieux, et
certainement pas d'un article susceptible d'inquié-
ter indûment les consommateurs.
Pour ce qui est des obstacles aux négociations
menées en vue de contrats, les motifs exposés plus
haut servent à démontrer que l'on ne peut raison-
nablement s'attendre à ce que d'éventuels parte-
naires commerciaux mettent fin à des négociations
en raison desdits rapports. Comme l'a dit le juge
Stevenson dans l'arrêt Re Daigle, cité plus haut, le
consommateur raisonnable ne manquerait sûre-
ment pas de tenir compte du fait que les rapports
en litige datent de plus de trois ans. Il est inconce-
vable que des renseignements aussi périmés sur des
failles mineures des installations de la requérante
puissent compromettre sérieusement des négocia-
tions en cours.
Il n'existe non plus aucune preuve que la com
munication de ces rapports nuira de quelque façon
à la collecte des données effectuée par les inspec-
teurs du gouvernement, comme le prétend la
requérante. Il ne s'agit pas ici de renseignements
qui sont volontairement fournis au gouvernement
par l'industrie des viandes. En d'autres termes, la
qualité des renseignements recueillis ne dépend pas
de la collaboration de ceux qui les fournissent.
Dans les affaires américaines citées par les requé-
rantes, on exprimait la crainte que d'utiles rensei-
gnements soient cachés aux institutions gouverne-
mentales de peur qu'ils ne soient publiés. Or, en
l'espèce, les rapports litigieux sont le résultat d'un
système d'inspection établi par la loi. Pour conser-
ver leur agrément en qualité d'usines agréées
d'emballage des viandes, les entreprises concernées
doivent se soumettre non seulement à une vérifica-
tion périodique mais aussi à des inspections sur
place effectuées de façon continue. Rien ne peut
empêcher les inspecteurs ou les vérificateurs de
constater et de consigner par écrit les conditions
matérielles qui existent dans une usine. Contraire-
ment à ce qui est le cas pour les services de collecte
de renseignements volontaires, la qualité des ren-
seignements recueillis au cours des inspections en
cause ne dépend pas de la collaboration de l'indus-
trie des viandes. Je ne suis d'ailleurs pas convaincu
que cette collaboration serait compromise. La
publication des rapports visés pourrait inciter
davantage ces entreprises, aiguillonnées par la con
currence, à respecter ou même à dépasser les
normes nationales. La meilleure façon d'atteindre
ce but serait encore la communication des rensei-
gnements aux autorités fédérales et la collabora
tion avec ces dernières.
J'ai dit dans l'arrêt Maislin Industries, précité,
que tout doute dans une affaire intéressant la Loi
sur l'accès â l'information doit se résoudre en
faveur de la divulgation. Les renseignements liti-
gieux en l'espèce constituent un exemple classique
d'informations qui devraient être mis à la disposi
tion de ceux qui en font la demande. Les inspec
tions à la source des rapports en cause ont été
effectuées par les autorités publiques, elles entraî-
naient la dépense des deniers publics et elles
avaient pour objet la protection du public. Les
rapports qui en sont résultés sont de par leur
nature même des renseignements publics. Les
requérantes ne se sont pas acquittées de l'obliga-
tion qui leur incombait de me persuader qu'ils ne
devraient pas être divulgués. Je ne trouve pas que
les documents sont visés par les alinéas 20(1)c) ou
d) de la Loi. Même si cette conclusion était erro-
née, l'intérêt qu'a le public dans leur divulgation
l'emporte carrément sur tout risque de préjudice
causé à la requérante, et les rapports devraient être
communiqués en application du paragraphe 20(6)
de la Loi.
Pour ces motifs, j'ai conclu que les rapports
d'inspection des viandes peuvent être communi-
qués dans la forme proposée par le ministère de
l'Agriculture. La demande faite à l'encontre de la
communication est donc rejetée avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.