T-1928-83
T-2098-83
London Life Insurance Company (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: LONDON LIFE INSURANCE CO. C. CANADA
Division de première instance, juge Martin—
Toronto, 21 avril 1986; Ottawa, 29 juin 1987.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
Une compagnie d'assurance-vie canadienne a étendu ses acti-
vités aux Bermudes — S'agit-il de l'exploitation d'une entre-
prise hors du Canada? — Seulement deux polices ont été
délivrées — Le pouvoir du mandataire est limité — Endroit de
la conclusion des contrats — Endroit de la réalisation des
bénéfices — Définitions législatives de l'expression «exploiter
une entreprise» — La demanderesse a exploité une entreprise
aux Bermudes quel que soit le critère — La contribuable a
vendu à une filiale l'excédent de sa capacité informatique —
Les recettes en découlant constituent-elles un revenu ou une
réduction de dépenses? — La contribuable a besoin de cette
capacité excédentaire lorsque les demandes adressées à son
entreprise sont à leur maximum — L'appel de la contribuable
est accueilli à ces deux égards.
Assurance — En 1976, une compagnie d'assurance-vie
canadienne a étendu ses activités aux Bermudes — Traitement
fiscal spécial spécial réservé à l'époque par la Partie XII de la
Loi de l'impôt sur le revenu aux compagnies d'assurance
exploitant leur entreprise hors du Canada — L'assureur a-t-il
exploité une entreprise aux Bermudes? — Examen des obliga
tions d'agents d'assurance — Un mandataire peut engager la
responsabilité de l'assureur quant à la protection provisoire —
La conclusion du contrat par la livraison d'une police n'est pas
une simple formalité — Le mandataire doit examiner si
l'assurabilité du proposant a changé — Condition préalable à
conclusion du contrat — Condition essentielle pour protéger
l'entreprise de l'assureur.
Mandat — Agents d'assurance — Mandataire aux Bermu-
des d'une compagnie d'assurance-vie canadienne — Pouvoir
limité — Décision consistant à examiner s'il y a !lei' d'accepter
des propositions d'assurance faites au Canada — Polices
délivrées au Canada — Mandataire ayant le pouvoir d'engager
la responsabilité de l'assureur quant à la protection provisoire
— La conclusion du contrat par la livraison d'une police n'est
pas une simple formalité — L'obligation du mandataire de
confirmer l'assurabilité du proposant est une condition préala-
ble à la conclusion du contrat — Discussion des obligations
des agents d'assurance — L'assureur a exploité une entreprise
aux Bermudes.
Le présent appel, formé contre une nouvelle cotisation établie
pour l'année d'imposition 1976 de la demanderesse, a soulevé
deux questions entièrement distinctes. (1) Un impôt supplémen-
taire a été fixé pour la demanderesse parce qu'elle n'avait pas
exploité une entreprise d'assurance hors du Canada; (2) pour
l'impôt supplémentaire, le ministre a établi une nouvelle cotisa-
tion sous le régime de la Partie XII de la Loi de l'impôt sur le
revenu (maintenant abrogée) en considérant le revenu reçu
d'une filiale, Lonlife Data Services, comme une réduction de
dépenses plutôt que comme un revenu reçu.
(1) En 1976, la demanderesse a pris des mesures pour
étendre ses activités aux Bermudes. La défenderesse a toutefois
soutenu que le pouvoir du mandataire de la demanderesse était
si limité que celle-ci n'exploitait pas réellement une entreprise
aux Bermudes. Le mandataire pouvait solliciter des proposi
tions de polices d'assurance, recevoir les primes et tirer des
chèques pour payer les commissions, les droits de timbre, etc.
Seulement deux polices d'assurance-vie ont été délivrées en
1976 à des résidents des Bermudes. S'appuyant sur le critère
dégagé dans l'affaire Smidth & Co. v. Greenwood selon lequel
l'endroit où une entreprise est exploitée est là où se déroulent
les opérations qui génèrent les bénéfices, la défenderesse a
précisé les activités qui ont généré les bénéfices tirés des polices
souscrites aux Bermudes, savoir la souscription et le contrôle
financier, ces deux activités ayant eu lieu au Canada. La
défenderesse a cité l'affaire Grainger & Son v. Gough pour
étayer l'idée que le simple fait pour un mandataire aux Bermu-
des de solliciter des propositions d'assurance ne permet pas
d'établir que la demanderesse y a exploité son entreprise.
(2) La demanderesse avait une capacité excédentaire dans
son matériel informatique, et elle l'a vendue à une filiale. Les
frais constituaient un pourcentage de certaines dépenses réelles
et fictives engagées par la demanderesse pour faire fonctionner
l'ordinateur. Bien que la demanderesse n'ait indiqué aucun
bénéfice ni aucune perte pour les fins de ses exigences compta-
bles en matière d'assurance en 1976, elle a déclaré comme
revenu les recettes qu'elle a reçues de sa filiale, et elle a déduit
toutes les dépenses. La défenderesse a rejeté les déductions au
motif que les sommes reçues de la filiale étaient des dépenses
d'exploitation engagées pour le compte de celle-ci et dont la
demanderesse a été remboursée; et même si ces sommes étaient
un revenu provenant de la vente de l'excédent de la capacité
informatique, il s'agissait d'un revenu tiré d'une entreprise
autre que l'entreprise d'assurance.
Jugement: l'appel devrait être accueilli.
(I) Le mandataire de la demanderesse pouvait engager sa
responsabilité quant à la protection provisoire et ce contrat,
comme le contrat représenté par la police elle-même, a été
conclu aux Bermudes: Zurich Life Insurance Co. of Canada v.
Davies et Matchett v. London Life Ins. Co. Toutefois, la simple
conclusion de ces contrats par l'acceptation d'une proposition
ou la livraison d'une police ne tranche pas à elle seule la
question.
D'après la demanderesse, il faudrait tenir compte de l'article
253 de la Loi de l'impôt sur le revenu et du paragraphe 2(1) de
la Loi sur les compagnies d'assurance canadiennes et britanni-
ques pour déterminer si la demanderesse a exploité une entre-
prise aux Bermudes. L'article 253, qui considère certains non-
résidents comme ayant exploité une entreprise au Canada, et le
paragraphe 2(1) de la Loi sur les compagnies d'assurance
canadiennes et britanniques, qui définit les «opérations d'assu-
rance» comme tout acte d'incitation à conclure un contrat
d'assurance, sont de peu d'utilité. L'article 253 est une disposi
tion déterminative qui étend l'expression «exploiter une entre-
prise» au-delà du sens généralement accepté. La définition de
l'exploitation d'une entreprise d'assurance au Canada vise les
fins de cette législation canadienne particulière. Ces disposi
tions législatives ne visent pas à définir ce qui constitue l'exploi-
tation d'une entreprise d'assurance hors du Canada par un
résident canadien.
Les affaires Smidth & Co. et Grainger & Son ont interprété
une expression utilisée dans la législation fiscale du Royaume-
Uni, laquelle expression est tout à fait différente de celle
utilisée dans la législation canadienne. En conséquence, le
critère des «bénéfices. invoqué par la défenderesse n'est pas
déterminant.
Bien que les arguments quant à l'endroit où les contrats sont
conclus et les bénéfices sont réalisés, et les définitions législati-
ves ne tranchent pas le point litigieux, on devait en tenir compte
dans une certaine mesure. Aucun de ces arguments considéré
en lui-même n'est concluant. Mais les opérations aux Bermudes
relevaient des paramètres de toutes les trois méthodes proposées
pour trancher la question, et il y a lieu de conclure que la
demanderesse a effectivement exploité une entreprise aux Ber-
mudes en 1976.
Les contrats d'assurance ont été conclus aux Bermudes.
Certes, la conclusion de la police écrite par la livraison de la
police elle-même était une simple formalité; mais l'obligation
du mandataire de s'assurer qu'il n'y avait eu aucun changement
sensible quant à l'assurabilité du proposant avant qu'il ne
délivre la police n'est nullement une simple formalité. Il s'agit
d'une condition importante préalable à la conclusion du con-
trat, et d'un acte qui s'impose pour protéger l'entreprise de la
demanderesse.
Il se peut qu'une nouvelle entreprise ne réalise aucun béné-
fice, mais elle continue quand même d'être exploitée. Comme
aucun bénéfice n'a découlé des opérations aux Bermudes en
1976, la question se ramène à la question de savoir s'il y avait
une expectative raisonnable de profit. Un agent d'assurance
sollicite l'assurance, perçoit les primes, fait connaître diverses
polices, remplit les propositions, prend des arrangemens en vue
des examens médicaux, engage la responsabilité de la compa-
gnie quant à la protection provisoire et conclut le contrat en
délivrant la police après s'être assuré qu'il n'y a pas eu de
changement important concernant le risque. C'est de ces activi-
tés exercées par l'entremise de son mandataire aux Bermudes
que la demanderesse espérait tirer des bénéfices au fur et à
mesure de l'expansion de l'entreprise. Le fait que seulement
deux polices aient été délivrées a peu d'importance. Compte
tenu de ce critère, la demanderesse a exploité une entreprise
aux Bermudes.
En dernier lieu, les diverses définitions d'«entreprise d'assu-
rance. ont ceci de commun: le fait d'inciter des personnes à
conclure des contrats d'assurance. L'entreprise d'une compa-
gnie d'assurance consiste à vendre de l'assurance, et la compa-
gnie l'exploite par l'entremise de ses vendeurs. La demande-
resse incite, par l'entremise de son agent aux Bermudes, les
résidents de ce pays à conclure des contrats d'assurance. En
conséquence, elle a exploité une entreprise aux Bermudes si le
critère «législatif. devait s'appliquer.
(2) La défenderesse a soutenu que les sommes reçues de la
filiale ne constituent pas un revenu parce que l'accord avait été
conclu sur la base aucun bénéfice/aucune perte. L'accord
«aucun bénéfice/aucun perte. portait sur la façon dont la
demanderesse devait tenir sa comptabilité à l'intention du
surintendant des assurances.
C'est à juste titre que le revenu a été qualifié de revenu tiré
d'une entreprise. Pratiquement, toutes les dépenses (salaires,
entretien et réparation du matériel) qui composaient les frais
annuels, auraient été engagées sans cet accord avec la filiale.
D'autres dépenses composant une partie des frais (loyers, coûts
d'amortissement) n'ont pas été faites par la demanderesse et ne
sauraient donc être considérées comme des dépenses rembour-
sées. La demanderesse a engagé les dépenses pour son propre
compte et non pour le compte de la filiale.
Les dépenses ont été engagées par la demanderesse pour
l'exploitation de son entreprise d'assurance, et elles étaient donc
déductibles sous le régime du paragraphe 209(2). Elles sont
liées à l'exploitation de son ordinateur qui fait partie de ses
activités d'assurance-vie. La demanderesse devait avoir cette
capacité excédentaire pour répondre aux demandes de ses
clients en période de pointe.
Les dépenses ont été allouées en vertu de la Partie I, mais en
exigeant de la demanderesse qu'elle dépose les chiffres nets de
son revenu et de ses dépenses sous le régime de la Partie X11,
on les a en fait rejetées. Les motifs de jugement prononcés par
le juge Joyal dans l'affaire The Excelsior Life Insurance
Company c. La Reine (1985), 85 DTC 5164 appuient l'argu-
ment selon lequel la défenderesse n'est pas autorisée à rejeter
ces dépenses.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 138(9) (mod. par S.C. 1973, chap. 14, art. 47),
209(2) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26, art. 117),
253.
Loi sur les compagnies d'assurance canadiennes et bri-
tanniques, S.R.C. 1970, chap. 1-15, art. 2(1).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Zurich du Canada Cie d'assurance-vie c. Davies, [1981]
2 R.C.S. 670; Matchett v. London Life Ins. Co. (1985),
14 C.C.L.I. 89 (C.A. Sask.); The Excelsior Life Insu
rance Company c. La Reine (1985), 85 DTC 5164 (C.F.
1f 0 inst.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Smidth & Co. v. Greenwood, [1921] 3 K.B. 583 (C.A.);
Grainger & Son v. Gough, [1896] A.C. 325 (H.L.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Cutlers Guild Limited c. Ministre du Revenu national
(1981), 81 DTC 5093 (C.F. l' inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Firestone Tyre and Rubber Co. Ltd. (as agents for
Firestone Tire and Rubber Co. of Akron in the United
States of America) v. Lewellin (Inspector of Taxes),
[1957] I All E.R. 561 (H.L.); Moldowan c. La Reine,
[1978] 1 R.C.S. 480.
AVOCATS:
David A. Ward, c.r. et Colin Campbell pour
la demanderesse.
L. P. Chambers, c.r. pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Davies, Ward and Beck, Toronto, pour la
demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MARTIN: La demanderesse London
Life Insurance Company interjette appel de la
nouvelle cotisation établie le 28 juillet 1980 par la
défenderesse à l'égard de son année d'imposition
1976; cette dernière avait alors fixé un impôt
supplémentaire que la demanderesse devait payer
parce qu'elle n'avait pas exploité une entreprise
d'assurance hors du Canada, et elle avait réduit les
dépenses déductibles dans le calcul de la somme
imposable sous le régime de la Partie XII de la Loi
de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, chap.
63] en considérant le revenu tiré de sa filiale
Lonlife Data Services Limited («L.D.S.») comme
une réduction de dépenses plutôt que comme un
revenu.
Pour ce qui est du premier volet de l'appel de la
demanderesse, le point litigieux est de savoir si, au
cours de l'année 1976, elle a exploité une entre-
prise d'assurance aux Bermudes. Les points liti-
gieux dans le second volet de son appel ne sont
malheureusement pas aussi clairs et ils ont retardé
le prononcé de ma décision. Je vais d'abord statuer
sur la question relative aux Bermudes, puis sur
celle de la L.D.S. dans la deuxième partie des
motifs de ma décision.
La demanderesse est une importante compagnie
d'assurance-vie canadienne qui, jusqu'en 1976,
avait exploité son entreprise exclusivement au
Canada. Bien que, dès 1973, elle ait envisagé
d'étendre ses opérations à l'extérieur du Canada,
elle n'a pris des mesures à cet égard qu'en 1976.
Selon les avocats des deux parties, la raison qui
avait incité la compagnie à étendre ses activités à
cette époque était de profiter d'une échappatoire
fiscale qui accordait à une compagnie d'assurance-
vie exploitant son entreprise à l'extérieur du
Canada un traitement fiscal plus favorable que
celui réservé à une compagnie qui exploitait une
telle entreprise exclusivement au Canada.
Pour s'assurer qu'elle recevrait un traitement
aussi favorable que celui réservé à ses concurrents,
qui exploitaient leur entreprise d'assurance-vie
tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Canada, la
demanderesse a décidé d'étendre ses activités aux
Bermudes.
Il ne fait pas de doute que cette décision visait à
obtenir des avantages d'ordre fiscal, mais pour les
fins de l'espèce, cette motivation n'est pas perti-
nente. Même si elle l'était à l'égard de la décision
initiale, la motivation en question n'existait plus;
c'était du moins l'avis du président et d'autres
cadres supérieurs de la compagnie car le 26 mai
1976, c'est-à-dire avant que la demanderesse ait
achevé ses préparatifs pour étendre ses activités
aux Bermudes, le gouvernement canadien a
informé le public de son intention de modifier la
Loi de l'impôt sur le revenu de manière à éliminer
les avantages fiscaux qui avaient incité la deman-
deresse à étendre ses activités à l'extérieur du
Canada.
Si la demanderesse avait agi uniquement pour
des raisons d'ordre fiscal, je suis convaincu qu'elle
aurait mis fin à son projet de s'établir aux Bermu-
des après avoir acquis la certitude qu'elle n'en
retirerait aucun avantage fiscal ou que celui-ci
serait minime. Elle n'a toutefois pas renoncé à son
projet car, après avoir décidé de conquérir le
marché des Bermudes, pour quelque raison que ce
soit, elle a donné suite à ce projet en y mettant tout
le sérieux et toute l'attention nécessaires.
Il est inutile d'énumérer étape par étape les
mesures que la demanderesse a prises pour s'éta-
blir aux Bermudes. A mon avis, une brève liste de
ses activités suffirait. A cet égard, la demanderesse
a décidé, au cours de 1976, de prendre les mesures
suivantes:
[TRADUCTION] a) Elle a obtenu de ses avocats de nombreux
avis relatifs à tous les aspects du droit des Bermudes qui
s'appliqueraient aux opérations qu'elle projette.
b) Elle a envoyé aux Bermudes un des ses cadres supérieurs
pour qu'il étudie les possibilités qu'offre le marché d'assurance-
vie aux Bermudes et trouve une entreprise qui soit en mesure de
la représenter.
c) Le 11 mai 1976, après que M. Alex Jeffery, qui était alors
président de la demanderesse, eut personnellement assuré Har-
nett & Richardson Limited des Bermudes que la demanderesse
avait des intérêts à long terme dans ce pays, elle a fait appel à
cette société pour la représenter aux Bermudes et,l'a autorisée à
demander une licence des Bermudes qui lui permettrait d'ex-
ploiter son entreprise d'assurance-vie, laquelle licence a été
obtenue le 24 juin 1976.
d) Au début de juin 1976, elle a envoyé son avocat aux
Bermudes pour rencontrer des banquiers, des avocats et son
mandataire afin de mieux évaluer les conditions particulières
qu'elle doit remplir pour faire affaire aux Bermudes.
e) Elle a demandé aux chefs de ses divers services de lui
soumettre des observations écrites sur les modifications à
apporter à ses procédures, qui s'imposaient par suite de son
entrée dans le marché des Bermudes, et elle a tenu plusieurs
réunions de son personnel cadre pour planifier et mettre sur
pied l'entreprise projetée.
f) Elle a établi des formules de police d'assurance spéciale et
de proposition pour les nombreux types d'assurance destinés au
marché des Bermudes, prévoyant notamment que le droit des
Bermudes s'appliquerait et que le paiement serait effectué en
devises de ce pays.
g) Elle a fait venir a London (Ontario) M. Simon Evrett, le
directeur du service d'assurance de Harnett & Richardson
Limited, pour une semaine de réunions et d'informations.
h) Elle a établi, pour le marché des Bermudes, un système de
contrats pour la facturation et le recouvrement des primes.
i) Par l'entremise de Harnett & Richardson Limited, elle a
invité plusieurs résidents des Bermudes à souscrire à des polices
chez elle, et elle a prévu un barème de primes pour ses clients
éventuels.
j) Elle a ouvert des comptes bancaires aux Bermudes et elle y a
déposé 100 000 $.
k) Vers la fin de décembre 1976, M. John Fowler, un agent de
commercialisation au service de la demanderesse, a été envoyé
aux Bermudes pour conclure un accord de représentation offi-
ciel avec Harnett & Richardson Limited, et on lui a donné les
deux premières polices établies à l'intention de résidents des
Bermudes pour qu'il les remette à leurs titulaires.
La défenderesse soutient tant dans ses plaidoi-
ries que dans l'argumentation de son avocat que le
pouvoir de Harnett & Richardson Limited d'agir
pour le compte de la demanderesse était si limité
qu'on ne saurait considérer que celle-ci exploite
une entreprise aux Bermudes par l'entremise de
son mandataire.
La défenderesse prétend notamment que, en
vertu de l'accord de représentation du 30 décembre
1976, le mandataire pouvait seulement solliciter
des propositions de polices d'assurance que la
demanderesse devait établir, recevoir les primes
relatives à ces polices et tirer des chèques sur le
compte bancaire courant de la demanderesse pour
payer les commissions, les droits de timbre et
toutes autres dettes selon les instructions de
celle-ci.
Au paragraphe 3 de la défense, la défenderesse
fait état des nombreuses restrictions que le contrat
de représentation impose au pouvoir du manda-
taire:
[TRADUCTION] (1) ne saurait lier la demanderesse de quelque
manière que ce soit;
(2) ne saurait interpréter un contrat d'assurance de manière à
lier la demanderesse;
(3) ne saurait ni conclure, ni modifier, ni annuler un contrat;
(4) ne saurait proroger le délai de paiement d'une prime;
(5) ne saurait renoncer à la déchéance d'un droit ni accorder
de permis;
(6) ne saurait s'engager au nom de la demanderesse;
(7) ne saurait délivrer ni permettre que soit délivrée une police
qui n'a pas été établie en vertu d'une quittance obligatoire, à
moins que le proposant ne soit à l'époque en bonne santé et que
la première prime n'ait été acquittée;
(8) ne saurait percevoir une prime sur une police ,ni toucher
une avance sur police, à moins qu'il ne soit autorisé à cet égard
par le présent accord;
(9) ne saurait donner quittance d'une prime ou d'un paiement
à moins que la formule imprimée de la quittance ne soit fournie
par la demanderesse à cette fin;
(10) ne saurait modifier l'une ou l'autre des conditions figurant
dans un imprimé ou dans une quittance;
(ll) ne saurait ester en justice dans une cause se rapportant
aux opérations de l'entreprise de la demanderesse;
(12) ne saurait publier une annonce se rapportant de quelque
façon que ce soit à l'entreprise de la demanderesse, à moins
qu'une copie de cette annonce n'ait été soumise à l'approbation
de la demanderesse.
Au paragraphe 6 de la défense, la défenderesse
soutient que toute entreprise que la demanderesse
peut avoir exploitée en matière d'assurance-vie aux
Bermudes l'a été au Canada pour les motifs que:
[TRADUCTION] a) toutes les propositions d'assurance-vie aux
Bermudes devaient être soumises et ont été effectivement sou-
mises à la demanderesse au Canada;
b) toutes les décisions que devait prendre la demanderesse
relativement à l'acceptation ou au rejet des propositions d'assu-
rance-vie aux Bermudes ont été effectivement prises par la
demanderesse au Canada;
c) tous les contrats d'assurance-vie aux Bermudes devaient en
fait et en droit être conclus et ont été effectivement conclus au
Canada;
d) toutes les polices d'assurance-vie délivrées par la demande-
resse aux Bermudes ont en fait été préparées et établies par la
demanderesse au Canada;
e) toutes les demandes d'indemnité découlant d'une police
d'assurance-vie aux Bermudes devaient être traitées et ont
effectivement été traitées par la demanderesse au Canada;
f) toutes les décisions ou opérations commerciales accessoires à
la conclusion de contrats d'assurance-vie aux Bermudes
devaient être rendues ou dirigées et ont effectivement été
rendues ou dirigées par ou pour le compte de la demanderesse
au Canada.
Au paragraphe 7 de la défense, la défenderesse
soutient en outre qu'au cours de l'année d'imposi-
tion 1976, le mandataire de la demanderesse n'a
sollicité aucune proposition de police d'assurance-
vie que celle-ci devait établir, et que les deux
polices qui ont été délivrées à des résidents des
Bermudes provenaient des propositions que ceux-ci
avaient soumises à la demanderesse au Canada et
qu'elle avait acceptées au Canada.
Dans son argumentation, l'avocat de la défende-
resse a fait valoir que le seul critère permettant de
déterminer si une entreprise est exploitée est celui
énoncé dans l'arrêt Smidth & Co. v. Greenwood,
[1921] 3 K.B. 583 (C.A.). Suivant ce critère,
l'endroit où une entreprise est exploitée est là où se
déroulent les opérations qui génèrent réellement
les bénéfices. L'avocat a en outre précisé les activi-
tés qui, selon lui, ont réellement généré les bénéfi-
ces tirés des polices souscrites aux Bermudes:
a) les opérations de souscription qui ont eu lieu
exclusivement au Canada, lorsque la demande-
resse devait décider s'il y avait lieu de garantir le
risque qui a été offert;
b) les opérations de contrôle financier, qui sont
d'une importance moindre mais qui sont pour-
tant d'une grande pertinence, telles que la pré-
paration des avis d'échéance de prime, la déter-
mination des primes payables, et l'autorisation
de payer les demandes d'indemnité, ces opéra-
tions ayant toutes eu lieu au Canada.
L'avocat s'est fondé sur l'arrêt Grainger & Son
v. Gough, [1896] A.C. 325 (H.L.) pour soutenir
également que le simple fait pour le mandataire de
la demanderesse de solliciter des propositions d'as-
surance aux Bermudes ne permet pas de conclure
que la demanderesse y a exploité son entreprise.
L'avocat de la demanderesse prétend que,
malgré l'accord écrit entre sa cliente et son manda-
taire, celui-ci pouvait engager la responsabilité de
la demanderesse quant aux conditions d'une pro
tection provisoire, ce qu'il a effectivement fait,
qu'il pouvait conclure des contrats d'assurance en
délivrant les polices aux proposants, ce qu'il a
effectivement fait et que, en conséquence, les con-
trats d'assurance ont été conclus aux Bermudes.
L'endroit où les contrats ont été conclus, sou-
tient-il, est un facteur important, pour ne pas dire
déterminant, pour trancher la question de savoir si
la demanderesse exploitait son entreprise aux Ber-
mudes (Firestone Tyre and Rubber Co. Ltd. (as
agents for Firestone Tire and Rubber Co. of
Akron in the United States of America) v. Lewel-
lin (Inspector of Taxes), [ 1957] 1 All E.R. 561
(H.L.)).
À cet égard, il existait une preuve confuse con-
cernant la protection provisoire, c'est-à-dire la pro
tection dont le titulaire d'une police bénéficie entre
le moment où il présente sa proposition et le
moment où le contrat d'assurance est conclu,
c'est-à-dire lorsque le mandataire lui délivre la
police et que le requérant a joint à sa proposition le
montant de la première prime.
Me fondant sur les arrêts Zurich du Canada Cie
d'assurance-vie c. Davies, [1981] 2 R.C.S. 670 et
Matchett v. London Life Ins. Co. (1985), 14
C.C.L.I. 89 (C.A. Sask.), je suis persuadé que le
mandataire de la demanderesse pouvait engager sa
responsabilité quant à cette protection, et que ce
contrat, comme le contrat représenté par la police
elle-même, a été conclu aux Bermudes. Je conviens
toutefois avec l'avocat de la défenderesse pour dire
que la simple conclusion de ces contrats, par l'ac-
ceptation d'une proposition dans un cas et la livrai-
son d'une police dans l'autre, n'aide pas beaucoup
à déterminer si la demanderesse exploitait une
entreprise aux Bermudes.
L'avocat de la demanderesse prétend également
que je devrais tenir compte de l'article 253 de la
Loi de l'impôt sur le revenu et du paragraphe 2(1)
de la Loi sur les compagnies d'assurance cana-
diennes et britanniques, S.R.C. 1970, chap. I-15,
pour déterminer si, en agissant par l'entremise de
son mandataire aux Bermudes, sa cliente a
exploité son entreprise dans ce pays.
L'article 253 est une disposition déterminative
de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui prévoit
qu'un non-résident du Canada qui sollicite des
commandes ou offre en vente quoi que ce soit au
Canada est réputé avoir exploité une entreprise au
Canada. L'avocat de la demanderesse soutient que
si tel est le critère appliqué par le Canada pour
déterminer si un non-résident exploite une entre-
prise au Canada, je devrais appliquer ce même
critère pour déterminer si un résident canadien
exploite une entreprise aux Bermudes.
Probablement pour étayer cet argument, ainsi
que son argument relatif à la conclusion des con-
trats d'assurance aux Bermudes, la demanderesse
a présenté le témoignage d'expert de Me Smedly,
c.r. des Bermudes selon lequel le droit écrit de ce
pays considère que la demanderesse, en agissant
par l'entremise de son mandataire, exploite une
entreprise d'assurance aux Bermudes.
Elle cite également le paragraphe 2(1) de la Loi
sur les compagnies d'assurance canadiennes et
britanniques, qui définit les «opérations d'assu-
rance» notamment comme tout acte d'incitation à
conclure un contrat d'assurance, et elle soutient
qu'on devrait appliquer cette définition au concept
d'exploitation d'une entreprise d'assurance dans un
pays autre que le Canada, comme le prévoit le
paragraphe 138(9) [mod. par S.C. 1973-74, chap.
14, art. 47] de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Si on devait appliquer ces dispositions législati-
ves aux opérations effectuées par la demanderesse
aux Bermudes en 1974, il est clair que la demande-
resse a exploité une entreprise d'assurance aux
Bermudes, au sens de ces dispositions législatives
ainsi qu'au sens des dispositions applicables de la
législation des Bermudes, étant donné que le man-
dataire a sollicité des propositions d'assurance et
incité des personnes à conclure des contrats d'assu-
rance aux Bermudes.
Une fois de plus, j'estime que ces dispositions
législatives n'aident guère à trancher le point liti-
gieux en l'espèce. Je remarque que l'article 253 de
la Loi de l'impôt sur le revenu est une disposition
déterminative et qu'il commence par les termes
«Extension de l'expression "exploiter une entre-
prise"» À mon avis, cela indique qu'il s'étend
au-delà du sens normal ou généralement accepté
de cette expression.
Je note également que la définition figurant
dans la législation des Bermudes considère qu'un
non-résident qui a simplement fait de la publicité
en matière d'assurance dans ce pays en vue de
vendre des polices au Canada exploite une entre-
prise d'assurance aux Bermudes, ce qui, à mon avis
s'étend clairement au-delà de l'acception générale
de ce terme.
Les dispositions législatives canadiennes définis-
sent ce qui constitue l'exploitation d'une entreprise
et l'exploitation d'une entreprise d'assurance au
Canada pour les fins d'une telle législation. Ces
dispositions ne visent pas à définir ce qui constitue
l'exploitation d'une entreprise ou d'une entreprise
d'assurance hors du Canada par un résident cana-
dien. La législation des Bermudes ne vise pas non
plus à déterminer, aux fins de la Loi de l'impôt sur
le revenu du Canada, ce qui constitue l'exploita-
tion d'une entreprise d'assurance aux Bermudes.
Le juge Dubé a éclairci la question de l'endroit
où les contrats sont conclus et de l'endroit où se
déroulent les activités qui génèrent les bénéfices
dans l'affaire Cutlers Guild Limited c. Ministre
du Revenu national (1981), 81 DTC 5093 (C.F.
lfe inst.), à la page 5095, où il a fait les remarques
suivantes:
La question de savoir si un contribuable exploite une entre-
prise dans un autre pays est une question de fait qui doit être
jugée dans chaque espèce. Les tribunaux ont jugé que l'endroit
où sont effectuées les ventes ou l'endroit où sont conclus les
contrats de vente revêt une grande importance. Toutefois,
l'endroit de la vente peut ne pas constituer le facteur décisif s'il
y a d'autres faits qui l'emportent en importance sur ce facteur.
(Firestone Tyre & Rubber Co. Ltd. v. Lewellin, (1957) 37 T.C.
111 (Chambre des lords).)
La jurisprudence permet de dégager un autre critère d'éva-
luation: où se déroulent les activités qui génèrent les bénéfices?
La sollicitation de commandes dans un pays peut ne constituer
qu'un aspect secondaire de l'exercice d'un commerce dans un
autre pays. (F.L. Smidth & Co. v. F. Greenwood) (1922) 8
T.C. 193 (Chambre des lords). Certains précédents établissent
que les activités et le travail qui ne se rapportent pas aux
contrats de vente constituent l'exploitation d'une entreprise,
surtout si ces activités et ce travail produisent ou permettent de
tirer un revenu. Même si les ventes peuvent être productrices de
revenu, il se peut que ce revenu ne provienne pas entièrement
de cette activité ou de cette transaction. (S.T.J. in Wm. Wrigh-
ley Jr. Company Limited v. Provincial Treasurer of Manitoba
[1947] C.T.C. 304, confirmé par le Conseil privé à [1949]
C.T.C. 377.) L'achat de marchandises dans un pays (soit, par
exemple, le Japon) dans le but d'en faire le commerce ailleurs
(soit, par exemple, le Canada), ne constitue certainement pas
l'exercice de ce commerce dans le premier pays. (Grainger &
Son v. William Lane Gough [1896] A.C. 325 (Chambre des
lords).)
L'avocat de la défenderesse s'est appuyé dans
une large mesure sur l'arrêt Smidth & Co. v.
Greenwood, [1921] 3 K.B. 583 (C.A.), considérant
qu'il s'agissait [TRADUCTION] «peut-être de l'af-
faire la plus importante». Il a cité les propos
suivants tenus par le lord juge Atkin à la page 593:
[TRADUCTION] En l'espèce, les contrats ont été conclus à
l'étranger. Je ne suis toutefois pas disposé à tenir ce critère pour
décisif. 11 peut y avoir des cas où le contrat de vente est conclu
à l'étranger, mais où la fabrication des marchandises, une
partie de la négociation des conditions du contrat et l'exécution
de ce dernier ont lieu ici de telle manière que le commerce, en
fait, a été exercé ici. Je crois que la question à poser est la
suivante: où ont lieu les opérations qui génèrent réellement les
bénéfices?
Dans cette affaire, ainsi que dans l'affaire
Grainger & Son v. Gough, [1896] A.C. 325
(H.L.), la Cour devait déterminer le sens d'une
expression utilisée dans la législation fiscale du
Royaume-Uni, laquelle expression n'est pas la
même que celle utilisée au paragraphe 138(9) de
la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada. Le
critère ou la question soulevée par le lord juge
Atkin s'applique donc à l'interprétation de la légis-
lation fiscale en cause du Royaume-Uni, qui est
tout à fait différente de celle du Canada.
Le lord juge Atkin n'a pas abordé la question à
savoir si le contribuable exploitait une entreprise
dans un pays (qui est l'expression figurant au
paragraphe 138(9) de la Loi de l'impôt sur le
revenu du Canada); il a plutôt posé la question
plus restreinte à savoir si les bénéfices qu'on cher-
chait à frapper d'impôt découlaient du commerce
exercé au pays, et c'est pour cette raison que
l'exploitation d'une entreprise ou l'exercice d'un
commerce devait se rapporter à l'endroit où les
bénéfices ont été réalisés. C'est ce qui se dégage,
semble-t-il, des observations qu'il a faites à la page
593, immédiatement avant le passage cité par
l'avocat de la défenderesse.
[TRADUCTION] Il s'agit de déterminer si les bénéfices en
cause sont .le fruit d'un commerce exercé» par les intimés eau
Royaume-Uni», au sens de l'annexe D de la Income Tax Act de
1853. Il ne s'agit pas de savoir si les intimés exploitent une
entreprise dans ce pays, mais s'ils y exercent un commerce, de
telle sorte qu'il leur rapporte des bénéfices.
J'en conclus que le critère invoqué par l'avocat
de la défenderesse concernant les «bénéfices» ne
tranche pas le point litigieux en l'espèce comme il
l'a laissé entendre, et que le concept selon lequel
une personne exploite une entreprise dans un pays
a une portée un peu plus grande que l'interpréta-
tion plus restrictive de la législation du Royaume-
Uni figurant dans les deux affaires que j'ai
mentionnées.
Bien que j'aie indiqué que l'endroit où les con-
trats sont conclus, l'endroit où les bénéfices sont
réalisés, et les définitions législatives n'aident
guère ou pas du tout à trancher la question dont je
suis saisi, je tiens compte de ces éléments dans une
certaine mesure. Je veux simplement dire par-là
qu'aucun de ces arguments considéré en lui-même
ne m'incite à conclure que la demanderesse a
exploité une entreprise aux Bermudes en 1976.
Toutefois, étant donné que j'ai conclu que les
paramètres des trois méthodes que l'on m'a propo
sées pour trancher le point litigieux s'appliquent
aux opérations effectuées par la demanderesse par
l'entremise de son mandataire aux Bermudes, et en
raison de la nature de l'entreprise d'assurance, j'ai
conclu que la demanderesse avait effectivement
exploité son entreprise aux Bermudes durant son
année d'imposition 1976.
Dans la mesure où l'endroit où les contrats sont
conclus est l'endroit où l'entreprise est exploitée, la
demanderesse conclut aux Bermudes ses contrats
d'assurance-vie avec les titulaires de police de ce
pays. Je suis convaincu que la protection provisoire
est fournie aux Bermudes si les formalités requises
sont remplies dans ce pays. Je suis également
convaincu que le contrat d'assurance constaté par
police écrite est conclu aux Bermudes si la police
elle-même est remise au proposant dans ce pays.
Bien que l'avocat de la défenderesse ait écarté
cette mesure qui était, selon lui, une simple forma-
lité, et j'ai tendance à être du même avis, je ne
saurais convenir avec lui que l'obligation du man-
dataire de s'assurer qu'il n'y avait eu aucun chan-
gement sensible quant à l'assurabilité du proposant
avant de conclure le contrat en lui délivrant la
police est une simple formalité superflue.
Les polices elles-mêmes prévoient que le contrat
n'entre en vigueur que lorsqu'elles sont délivrées à
l'assuré. La délivrance et l'évaluation finale, même
rapide, de l'assurabilité continue du titulaire de la
police proposée est une condition importante préa-
lable à la conclusion du contrat. Il s'agit également
d'une procédure ou d'un acte qui s'impose pour
protéger les intérêts commerciaux de la demande-
resse et que son mandataire accomplit aux
Bermudes.
J'ai déjà laissé entendre que le critère concer-
nant les «bénéfices» peut être l'objet de restrictions,
étant donné la condition posée par la législation du
Royaume-Uni selon laquelle les bénéfices prove-
nant de l'exercice d'un commerce doivent être
réalisés au Royaume-Uni. Il n'est pas rare qu'une
nouvelle entreprise ne réalise aucun bénéfice pen
dant une longue période, mais elle continue quand
même d'être exploitée. Il n'est toutefois pas néces-
saire ni même possible que je détermine si la
demanderesse a tiré des bénéfices des opérations
qu'elle a effectuées aux Bermudes en 1976. De
toute façon, les coûts directs qu'on peut allouer et
imputer aux opérations effectuées aux Bermudes
en 1976 auraient entraîné une perte. Si je devais
appliquer le critère des «bénéfices», la question
serait de savoir si les opérations que la demande-
resse a effectuées aux Bermudes en 1976 par
l'entremise de son mandataire préfiguraient un
type d'opérations projeté ou systématique dont la
demanderesse pouvait raisonnablement s'attendre
à tirer des bénéfices. Je crois que oui.
Une compagnie d'assurance exploite son entre-
prise en assurant des risques, en percevant des
primes, en investissant les fonds que constituent les
primes, en réglant des sinistres, en fixant des taux
et en faisant de la publicité, pour ne citer que ces
exemples, mais, selon l'avocat de la demanderesse,
sans la force dynamique des agents d'assurance, il
n'y aurait ni entreprises ni bénéfices. En matière
d'assurance, les activités du vendeur, de l'agent, de
l'assureur ou du courtier ne ressemblent pas à
celles des représentants des fabricants de vin, qui
consistent simplement à accepter ou même à solli-
citer des commandes, ce qui est considéré comme
accessoire aux opérations principales de l'entre-
prise qui doit acheter, emmagasiner, vendre ou
fabriquer le produit. L'agent d'assurance repré-
sente la compagnie d'assurance et effectue, en son
nom, une partie importante et essentielle de ses
opérations commerciales.
L'avocat de la défenderesse considère l'agent
d'assurance comme une personne qui ne fait que
prendre des commandes concernant une police et
soumettre la prime à la compagnie. Si tel était le
cas, les préparations méticuleuses que la demande-
resse a faites avant d'exploiter une entreprise aux
Bermudes ne se seraient pas imposées de façon si
impérieuse. Les vendeurs d'une compagnie d'assu-
rance ne font pas que solliciter l'assurance et
percevoir les primes. Les agents font connaître les
diverses polices disponibles, font des propositions
aux titulaires de police éventuels, remplissent les
propositions, prennent des arrangements en vue
des examens médicaux, engagent la responsabilité
de la compagnie quant à la protection provisoire,
concluent le contrat d'assurance en délivrant la
police et remettent le chèque en règlement d'une
demande d'indemnité.
Aux Bermudes, l'agent doit également évaluer le
«degré de continuité» du titulaire d'une police,
c'est-à-dire la probabilité que le proposant conti
nue de payer les primes. Les bénéfices de la
demanderesse et les commissions que l'agent tire
de la remise en vigueur d'une police dépendent à
cet égard de l'exactitude de l'évaluation de ce
dernier. Avant de conclure le contrat d'assurance
en délivrant la police, l'agent a également l'obliga-
tion, dont il a déjà été fait mention, de s'assurer
qu'il n'y a pas eu de changement important con-
cernant le risque entre le moment de la proposition
et celui de la délivrance de la police. Une autre
partie importante des activités que l'agent accom-
plit pour le compte de la compagnie consiste à
faire le suivi de la police et à régler directement
avec le titulaire de la police toutes les difficultés
qui surviennent.
C'est de ses activités ou opérations exercées par
l'entremise de son mandataire aux Bermudes que
la demanderesse espérait tirer des bénéfices, non
pas en 1976, mais au fur et à mesure de l'expan-
sion de l'entreprise qu'elle a lancée en 1976.
Compte tenu de ce critère, la demanderesse a, à
mon avis, exploité une entreprise aux Bermudes.
Le fait que la demanderesse ait délivré seule-
ment deux polices aux Bermudes en 1976 et ce
uniquement à la fin de décembre a peu d'impor-
tance. Elle a mis en œuvre au mois de mai son
projet d'entreprise aux Bermudes, et elle a par la
suite tout fait pour réaliser ce projet. Son intention
d'exploiter une entreprise aux Bermudes était évi-
dente bien avant décembre 1976. Dès le mois
d'août 1976, elle a lancé son entreprise en deman-
dant à son agent de solliciter des contrats d'assu-
rance auprès de résidents des Bermudes, dans le
but de rendre l'opération viable. Les opérations de
1976 n'étaient que le début d'une série d'activités
systématique ou habituelle qui visait et continuait
à viser la rentabilité.
Bien que j'aie déjà fait remarquer que je ne
souscrivais pas à l'argument de l'avocat de la
demanderesse selon lequel le sens attribué à l'en-
treprise d'assurance dans les nombreux textes de
loi qu'il a portés à ma connaissance devrait servir à
déterminer si la demanderesse exploitait une entre-
prise aux Bermudes, je tiens à souligner que les
nombreuses définitions ont ceci de commun: le fait
d'inciter des personnes à conclure des contrats
d'assurance est considéré comme une entreprise
d'assurance.
Quelles que soient les réserves que je peux avoir
sur l'application de définitions législatives à une
activité qui doit être déterminée selon les faits, il
me semble que l'incitation de personnes à conclure
des contrats d'assurance décrit vraiment l'entre-
prise d'une compagnie d'assurance, ou du moins
une partie essentielle de cette entreprise. À mon
avis, on peut dire à juste titre que les activités
d'une compagnie d'assurance consistent à vendre
de l'assurance. Ce n'est là, bien entendu, qu'un
aspect de son entreprise, mais c'est bien cela, et la
demanderesse exploite cette partie de son entre-
prise par l'entremise de ses vendeurs. En l'espèce,
la demanderesse incite, par l'entremise de son
agent aux Bermudes, les résidents de ce pays à
conclure des contrats d'assurance dans ce même
pays. En conséquence, si je devais appliquer le
critère «législatif» proposé par l'avocat de la
demanderesse, je conclurais également que celle-ci
a exploité une entreprise aux Bermudes.
Ainsi donc, aucun des nombreux critères que les
avocats m'ont mentionnés n'est déterminant mais
ils ont un effet cumulatif qui est déterminant
lorsqu'on les applique tous ensemble. Les contrats
d'assurance délivrés en 1976 ont été conclus aux
Bermudes, une partie essentielle de l'entreprise de
la compagnie, ses ventes, a été effectuée aux Ber-
mudes par l'entremise de son agent, et le fait
d'inciter des résidents des Bermudes à conclure des
contrats d'assurance-vie correspond précisément à
ce que l'on entend ordinairement par l'exploitation
d'une entreprise d'assurance et à la définition
qu'en donnent les textes législatifs. Ces faits, ainsi
que les autres activités exercées par l'agent de la
demanderesse aux Bermudes, dont j'ai déjà fait
mention, m'ont convaincu que, en 1976, celle-ci a
effectivement exploité son entreprise aux Bermu-
des.
En conséquence, j'ordonne que la nouvelle coti-
sation de 1976 soit renvoyée au ministre pour qu'il
établisse une nouvelle cotisation d'impôt sous le
régime de la Partie I, conformément à la méthode
prévue par le paragraphe 138(9) de la Loi et la
Partie XXIV des Règlements, tels qu'ils étaient
libellés au cours de l'année d'imposition 1976.
Le second volet de l'appel de la demanderesse
qui porte sur ses années d'imposition 1975 et 1976
a trait aux réductions des dépenses qu'elle a récla-
mées en raison du fait que le ministre a considéré
certaines sommes qu'elle a reçues de sa filiale
Lonlife Data Services Limited («L.D.S.») comme
une réduction des dépenses plutôt que comme un
revenu reçu.
C'est cette partie de l'appel de la demanderesse
qui, ainsi que je l'ai souligné, a retardé le prononcé
de ma décision. Même si son avocat s'est efforcé
de m'éclairer dans les moindres détails à l'aide des
éléments de preuve, je n'ai pas pu, à la fin du
procès, me faire une idée concise des points liti-
gieux à aborder. Je ne suis pas certain que la peine
que je me suis donnée et les efforts soutenus que
j'ai déployés pour résoudre cette difficulté depuis
le procès aient porté fruit.
La demanderesse fait usage de matériel infor-
matique pour exploiter son entreprise d'assurance.
Étant donné que ce matériel doit avoir la capacité
de traiter le volume des demandes adressées à son
entreprise lorsque celles-ci sont à leur maximum, il
existe une capacité excédentaire lorsque ses
demandes n'atteignent pas ce maximum.
Consciente de cette situation, la demanderesse a
voulu tirer avantage de cette capacité excédentaire
et la façon normale de le faire était de vendre ou
de louer cet excédent à d'autres moyennant des
frais. L'entreprise de la demanderesse est toutefois
assujettie aux dispositions de la Loi sur les compa-
gnies d'assurance canadiennes et britanniques,
qui, selon les renseignements que m'ont fournis les
avocats des parties, lui interdit de vendre cette
capacité au grand public.
Il n'est toutefois pas interdit à la demanderesse
de fournir cette capacité excédentaire à une filiale
qui peut, à son tour, la vendre au public. En
conséquence, avec l'approbation manifeste du
surintendant des assurances, la demanderesse a
constitué une filiale en propriété exclusive, L.D.S.,
qui a acquis cette capacité excédentaire ou une
partie de celle-ci, pour fournir des services infor-
matiques au public.
Pour utiliser cette capacité, L.D.S. payait à la
demanderesse une somme annuelle constituant un
pourcentage de certaines dépenses réelles et ficti-
ves engagées par cette dernière pour faire fonction-
ner l'ordinateur. En raison des instructions du
surintendant des assurances et conformément à
l'accord conclu avec L.D.S., la demanderesse
n'était pas autorisée à faire des bénéfices ni à subir
des pertes calculés d'après les méthodes compta-
bles prescrites pour les compagnies d'assurance-
vie.
Je devrais souligner en l'espèce que, étant donné
que les méthodes comptables prescrites par la
demanderesse en tant que compagnie d'assurance
ne sont pas exactement les mêmes que celles qui
déterminent son assujettissement à l'impôt sur le
revenu, il ne découle pas des directives du surinten-
dant qu'il ne saurait y avoir de revenu imposable ni
de perte provenant de l'accord que la demande-
resse a conclu avec L.D.S. Selon mon appréciation
des éléments de preuve, il ne découle pas non plus
de ces directives que les états financiers non conso-
lidés de la société demanderesse porteraient néces-
sairement la mention «aucun bénéfice/aucune
perte».
Pour ses années d'imposition 1975 et 1976, la
demanderesse a appliqué cet accord avec sa filiale
et, pour les fins de ses exigences comptables en
matière d'assurance, elle n'a fait aucun bénéfice,
ni subi aucune perte. Dans les états financiers
qu'elle a établis pour ces années et qu'elle devait
soumettre au surintendant des assurances, elle a
indiqué les revenus et dépenses liés à l'entreprise
informatique des deux compagnies comme des
montants nets qui se compensent parfois dans les
catégories des revenus et des dépenses, et les
totaux nets de chaque catégorie se compensent
intégralement. C'est ce qui devait se faire à la
satisfaction du surintendant des assurances.
En déposant ses déclarations d'impôt pour ces
mêmes années, la demanderesse n'a toutefois pas
déclaré les revenus et dépenses de la même
manière qu'elle l'a fait pour le surintendant des
assurances. En fait, elle a déclaré à titre de revenu
tous les fonds qu'elle a reçus de L.D.S. et à titre de
dépenses toutes les dépenses qu'elle considérait
comme des dépenses déductibles.
Cela a eu pour conséquence d'augmenter le
revenu de la demanderesse ainsi que ses dépenses
et a également fait en sorte que la défenderesse a
établi une nouvelle cotisation à l'égard de la
demanderesse pour ces deux années. La nouvelle
cotisation établissait un impôt additionnel pour
chaque année en vertu de la Partie XII de la Loi
de l'impôt sur le revenu, en raison du fait que la
défenderesse a réduit les dépenses déductibles en
calculant les sommes auxquelles s'appliquait l'im-
pôt prévu sous le régime de la Partie XII.
La Partie XII de la Loi, maintenant abrogée
[S.C. 1977-78, chap. 1, art. 91], contenait des
dispositions particulières concernant l'imposition
du revenu de placement d'un assureur sur la vie
provenant de son entreprise d'assurance-vie au
Canada. Le paragraphe 209(2) [mod. par S.C.
1974-75-76, chap. 26, art. 117] prévoyait égale-
ment la déduction des débours engagés dans l'ex-
ploitation de son commerce d'assurance-vie. Cin-
quante pour cent de tous les débours ainsi engagés
pouvaient être déduits, et le revenu imposable qui
en découlait était imposé au taux de 15 %. En
ajoutant 50 % des débours bruts liés à son revenu
provenant de L.D.S. à 50 % de chacune des autres
dépenses engagées dans l'exploitation de son com
merce d'assurance-vie, la demanderesse a diminué
son revenu imposable tiré de ce commerce d'une
somme équivalente, et son impôt de 15 % de cette
somme.
La défenderesse a rejeté les déductions liées au
revenu reçu par la demanderesse de L.D.S. pour
les motifs que:
a) les sommes indiquées par la demanderesse à
titre de revenu provenant de L.D.S. ne consti-
tuaient pas un revenu mais des dépenses d'ex-
ploitation qu'elle a engagées pour le compte de
L.D.S. et dont elle a été remboursée; et
b) même si les sommes que la demanderesse a
reçues de L.D.S. étaient un revenu provenant de
la vente de l'excédent de la capacité informati-
que, elles constituaient un revenu qu'elle a tiré
d'une entreprise autre que son entreprise d'assu-
rance-vie, et les sommes indiquées à titre de
dépenses, dont 50 % est réclamé comme déduc-
tions, ne sont pas déductibles sous le régime du
paragraphe 209(2), parce qu'elles ont été enga
gées dans le but de tirer un revenu de la vente de
l'excédent de la capacité informatique et non
pour exploiter une entreprise d'assurance-vie.
Voici la façon dont l'avocat de la défenderesse
m'a soumis la question au cours du débat:
[TRADUCTION] ... ces dépenses en question
(1) étaient non pas à la charge de la demanderesse mais, en
fait et en droit, à celle de Lonlife Data Services Limited;
(2) même si ces dépenses étaient à la charge de la demande-
resse plutôt qu'à celle de Lonlife Data Services Limited, elles
ont été engagées pour fournir des services informatiques et non
pour exploiter une entreprise d'assurance-vie.
Pour trancher ce débat, je dois, si je comprends
bien, répondre aux questions suivantes:
1. Est-ce que c'est à bon droit que la demande-
resse a qualifié de revenu la somme qu'elle a
reçue de L.D.S. à titre de paiement de l'excé-
dent de sa capacité informatique?
2. Si la somme constituait un revenu gagné par
la demanderesse et pour lequel elle a engagé des
dépenses, dont elle a été remboursée, est-ce
qu'elle a engagé ces dépenses pour son propre
compte ou pour le compte de L.D.S.?
3. Si la demanderesse a engagé ces dépenses
pour son propre compte, était-ce pour l'exploita-
tion d'une entreprise d'assurance-vie et lesdites
dépenses étaient-elles par conséquent déducti-
bles sous le régime du paragraphe 209(2) de la
Loi?
La défenderesse soutient que la demanderesse
ne saurait qualifier ces sommes de revenu prove-
nant de L.D.S. parce que l'accord a été conclu sur
la base aucun bénéfice/aucune perte. L'avocat de
la défenderesse cite les propos tenus par le juge
Dickson (tel était alors son titre) dans l'arrêt
Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480, la
page 485, pour faire valoir qu'il ne peut y avoir de
revenu sans un profit ou une expectative raisonna-
ble de profit. L'avocat soutient alors qu'étant
donné l'accord «aucun bénéfice/aucune perte»
conclu entre la demanderesse et L.D.S., il ne sau-
rait y avoir de profit, ni d'expectative raisonnable
de profit, et cet accord n'a donc procuré aucun
revenu à la demanderesse.
L'erreur de cet argument réside dans le fait que
l'accord aucun bénéfice/aucune perte entre la
demanderesse et L.D.S. portait sur la façon dont la
demanderesse devait tenir sa comptabilité à l'in-
tention du surintendant des assurances, conformé-
ment aux dispositions de la Loi sur les compagnies
d'assurance canadiennes et britanniques. C'est
dans ce cadre législatif que la demanderesse ne
pouvait indiquer aucun profit ni aucune perte. En
vertu de ces dispositions, par exemple, la demande-
resse a, à juste titre, alloué à L.D.S. à titre de
dépense une partie du loyer que le surintendant des
assurances l'obligeait à assumer pour occuper les
locaux dont elle était en fait propriétaire. Comme
il ne s'agissait pas d'une dépense engagée par la
demanderesse pour fournir des services informati-
ques à L.D.S., ladite demanderesse avait tout au
moins la possibilité ou une expectative raisonnable
d'en tirer un profit. De la même façon, on a réduit
d'autres dépenses que la demanderesse a engagées
pour fournir des services à L.D.S. et qui auraient
de toute façon été engagées, telles que le prix de
location du matériel et les salaires, en allouant une
partie de ces dépenses .à L.D.S. Ainsi donc, la
réduction de l'ensemble des coûts de la demande-
resse représentait également pour elle un revenu
ou un profit additionnel au sens commercial pour
ne pas dire au sens des méthodes comptables pres-
crites par le surintendant des assurances.
J'estime que, du point de vue commercial, la
demanderesse s'attendait raisonnablement à tirer
un profit de l'accord et que, pour les fins de la Loi
de l'impôt sur le revenu, elle a, à juste titre,
qualifié le revenu provenant de L.D.S. de revenu
tiré d'une entreprise.
La défenderesse soutient également que, même
si la somme que la demanderesse a reçue de L.D.S.
constituait un revenu à l'égard duquel elle a
engagé des dépenses, ces dépenses ont été engagées
par la demanderesse non pas pour son propre
compte, mais pour le compte de L.D.S. L'avocat
de la défenderesse assimile cet accord à un rapport
de représentation dans lequel la demanderesse est
le mandataire, et L.D.S. le mandant qui a simple-
ment remboursé la demanderesse des frais ou
débours qu'elle avait engagés pour son compte.
Encore une fois, je ne suis pas d'accord. Le fait
est que pratiquement toutes les dépenses qui com-
posaient la somme que L.D.S. devait payer chaque
année auraient été engagées par la demanderesse
sans l'existence de l'accord qu'elle avait conclu
avec L.D.S. Elles ont donc été engagées par la
demanderesse pour son propre compte et non pour
le compte de L.D.S. Rien dans la preuve n'indique
que les salaires du personnel de la demanderesse
auraient été réduits, pas plus que le nombre de ses
employés, si elle n'avait pas conclu l'accord avec
L.D.S. De même, il aurait fallu verser la même
somme pour assurer l'entretien et les réparations
du matériel informatique qui se serait déprécié de
la même façon. En fournissant à L.D.S. l'excédent
de la capacité informatique, la demanderesse lui a
fait payer des frais annuels calculés conformément
aux lignes directrices du surintendant des assuran
ces et aux pourcentages de certains coûts de la
demanderesse alloués à titre de coût sous le régime
de la Loi sur les compagnies d'assurance cana-
diennes et britanniques. La demanderesse a
engagé ces dépenses pour son propre compte et non
pour le compte de L.D.S. En fait, le loyer et les
coûts d'amortissement qui ont été alloués et qui
représentaient la somme de 60 000 $ sur le mon-
tant total que L.D.S. devait payer en 1976 n'ont
aucunement été engagés par la demanderesse et,
en conséquence, ne sauraient être considérés
comme des dépenses remboursées parce que la
demanderesse n'a pas fait de débours, et qu'il n'y
avait donc pas lieu à remboursement.
J'aborde maintenant la troisième question qui
m'a causé le plus de difficultés: à supposer que le
revenu soit celui de la demanderesse et que les
dépenses soient celles qu'elle a engagées en four-
nissant le service informatique à L.D.S., ces dépen-
ses ont-elles été engagées pour les fins de l'exploi-
tation de son entreprise d'assurance-vie et
sont-elles donc déductibles en vertu du paragraphe
209(2) de la Loi?
L'avocat de la défenderesse soutient que pour
que les dépenses se rapportant à l'accord conclu
avec L.D.S. soient déductibles sous le régime de la
Partie XII de la Loi, elles doivent avoir été enga
gées par la demanderesse pour l'exploitation de son
entreprise d'assurance-vie. Selon l'avocat de la
défenderesse, puisque la demanderesse a engagé
ces dépenses pour fournir un service informatique
à L.D.S. et non pour exploiter son entreprise d'as-
surance-vie, elles ne sont pas déductibles au sens
du paragraphe 209(2) de la Loi.
L'avocat de la demanderesse prétend que cel-
le-ci a engagé les dépenses en question pour exploi
ter son entreprise d'assurance-vie. Les dépenses
sont liées à l'exploitation de son ordinateur qui fait
partie de ses activités d'assurance-vie. Je conviens
avec lui que la demanderesse devait avoir cette
capacité excédentaire pour répondre aux demandes
de ses clients en période de pointe, et que les
dépenses réclamées auraient été engagées, qu'un
accord ait été conclu ou non avec L.D.S.
L'avocat a cité la décision rendue par le juge,
Joyal dans l'affaire The Excelsior Life Insurance
Company c. La Reine (1985), 85 DTC 5164 (C.F.
1« inst.), qui a, selon lui, clairement établi qu'on
peut tenir compte des dépenses. Si je comprends
bien l'effet de cette décision, l'avocat a raison de
dire que les dépenses contestées devraient être
allouées.
Dans cette affaire, la contribuable a engagé une
dépense dont une partie était affectée à son entre-
prise d'assurance-vie et l'autre partie ne l'était pas.
Le ministre a rejeté cette dernière. Le juge Joyal a
accueilli l'appel formé par la contribuable contre
cette décision en disant que les dépenses autorisées
en vertu de la Partie I de la Loi le sont également
en vertu de la Partie XII, qu'elles soient ou non
affectées à son entreprise d'assurance-vie. En l'es-
pèce, il ressort de la preuve que la demanderesse a
rempli sa déclaration d'impôt sous le régime de la
Partie I à partir de son revenu et de ses dépenses
bruts. M. James Macdonald, le contrôleur de la
demanderesse en 1975 et 1976 et maintenant son
directeur de la taxation et de la gestion de la
trésorerie a décrit comment cela se faisait:
[TRADUCTION] Je pense que ce que vous avez souligné suit
essentiellement la façon dont nous avions rempli notre déclara-
tion d'impôt sous le régime de la Partie I; autrement dit, nous
avions majoré les dépenses de Lonlife, le montant de l'amortis-
sement ainsi que le loyer, comme cela se faisait là-bas. Ainsi,
pour la Partie I, nous estimions que c'était la bonne façon de s'y
prendre—nous devions majorer les dépenses et indiquer les
autres articles comme des revenus divers pour qu'ils entrent
dans le calcul de l'impôt.
Autant que je sache, nous n'avons pas fait d'ajustement
quant à la façon de faire le calcul conformément à la Partie I.
C'est lorsque nous sommes arrivés au calcul fondé sur la Partie
XII pour déterminer les dépenses administratives de 50 % qu'ils
ont indiqué que nous ne pouvions considérer le paiement que
Lonlife nous avait effectué et le montant que nous avions fait
payer à Lonlife comme un revenu divers; nous devions nous en
servir comme un montant net de dépenses.
Nous croyons comprendre qu'il existe une incompatibilité
entre la façon dont nous sommes traités sous le régime de la
Partie XII et sous le régime de la Partie I. Pour nous conformer
à la Partie I, nous devions procéder à une majoration, enlever
l'amortissement global et le loyer brut pour avoir les chiffres
appropriés.
Ainsi donc, les dépenses qui font l'objet de la
présente action ont été allouées en vertu de la
Partie I, mais en exigeant de la demanderesse
qu'elle dépose les chiffres nets de son revenu et de
ses dépenses sous le régime de la Partie XII, on les
a en fait rejetées. Si j'ai bien interprété la décision
du juge Joyal, la défenderesse n'est pas autorisée à
agir ainsi et c'est la conclusion à laquelle je suis
arrivé.
En conséquence, l'appel de la demanderesse à
cet égard sera accueilli et les cotisations d'impôt
pour ses années d'imposition 1975 et 1976 sont,
aux fins de la Partie XII de la Loi, renvoyées au
ministre pour qu'il procède à une nouvelle cotisa-
tion en tenant pour acquis que les sommes qu'elle a
reçues de L.D.S. n'ont pas réduit les dépenses
qu'elle a engagées et qui sont déductibles en vertu
de la Partie XII de la Loi.
L'avocat de la demanderesse est prié de soumet-
tre un projet de jugement pour qu'il soit signé,
conformément aux présents motifs et à l'alinéa 2b)
de la Règle 337 des Règles de la Cour fédérale
[C.R.C., chap. 663], et approuvé quant à la forme
par l'avocat de la défenderesse.
La demanderesse a droit à ses dépens.
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