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A-610-86
Donald Eric Lucas (requérant) c.
Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique (intimé)
RÉPERTORIÉ: LUCAS c. CANADA (COMITÉ D'APPEL DE LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE)
Cour d'appel, juges Heald, Hugessen et MacGui- gan—Ottawa, 4 et 22 juin 1987.
Fonction publique Procédure de sélection Question de savoir si l'affectation intérimaire est une «nomination» Demande d'examen et d'annulation de la décision par laquelle le Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique déclarait ne pas être compétent pour juger l'appel Le Comité a commis une erreur en décidant qu'une «affectation» intérimaire n'était pas une «nomination» au sens de l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique Le Comité s'est trompé en décidant que la question n'était pas de savoir si l'affectation était autorisée par la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique ou toute autre loi Le législateur n'a jamais entendu permettre à un ministère de créer et de combler des postes, comme bon lui semble, sur la base d'une «affecta- tion», contournant de la sorte les dispositions de la Loi, comme celle relative au mérite, et ouvrant la porte toute grande aux abus Le Comité a aussi commis une erreur en concluant que le poste intérimaire n'offrait pas la sécurité d'emploi Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, art. 8, 10, 21, 22, 24 Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique, C.R.C., chap. 1337, art. 25 (mod. par DORS/81-716, art. 2; DORS/86-286, art. 1).
Interprétation des lois Il s'agit de savoir si l'opération de dotation qualifiée d'«affectation intérimaire» constitue une «nomination» au sens de l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique La Loi ne définit pas le mot «nomina- tion» Les mots utilisés dans la Loi doivent s'entendre dans leur sens grammatical ordinaire par rapport à l'ensemble du contexte, en fonction tant du but et de l'objectif visés par la Loi que de l'intention du législateur Les dictionnaires traitent les mots «nomination» et «affectation» comme s'ils étaient interchangeables Il s'agit de savoir si l'intention du législateur, exprimée dans la Loi, exige une interprétation différente du mot «nomination» Les gestionnaires ne peu- vent faire échec à l'intention du législateur en déclarant que l'opération de dotation n'était pas censée constituer une «nomination» Permettre à un ministère de créer et de combler des postes sur la base d'une affectation, ce serait éliminer la protection accordée par diverses dispositions de la Loi, et une telle interprétation ouvrirait la porte toute grande aux abus Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, art. 21.
Il s'agit d'une demande visant l'examen et l'annulation de la décision par laquelle le Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique a déclaré qu'il n'était pas compétent pour juger l'appel interjeté par le requérant conformément à l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Lorsque la
titulaire du poste de commis au recouvrement suivait un cours de formation, une certaine madame Morrison a été priée et a accepté de s'acquitter des fonctions de ce poste, qui lui ouvrait droit à une rémunération provisoire. Un poste a été créé aux fins du versement de la rémunération provisoire. Le ministère a considéré l'opération de dotation comme une «affectation» et non une «nomination», en conséquence de quoi l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique ne s'appliquait pas. L'article 21 accorde à certaines personnes un droit d'appel contre des «nominations» faites en vertu de la Loi. Le Comité s'est montré d'accord.
Arrêt: la demande devrait être accueillie.
Nonobstant la possibilité que cette demande puisse ne plus revêtir d'intérêt pratique, il y avait lieu de la juger au fond parce que plusieurs autres demandes en cours fondées sur l'article 28 et plusieurs appels soumis à des comités d'appel de la Commission de la Fonction publique soulevaient la même question, et parce que les membres du Comité d'appel avaient des opinions divergentes sur le sujet.
L'affectation intérimaire constitue une nomination au sens de l'article 21. Les règles actuelles en matière d'interprétation des lois veulent que les mots s'entendent dans leur sens grammati cal ordinaire par rapport à l'ensemble du contexte, en fonction tant du but et de l'objectif visés par la Loi que de l'intention du législateur.
Sur le fondement des définitions lexicograhiques, les mots «nomination» et «affectation» entendus en eux-mêmes, ont essentiellement le même sens grammatical et ordinaire.
Le Comité a conclu que le contexte de diverses autres dispositions de la Loi exigeait de donner au mot «nomination», une interprétation différente. Il a conclu qu'il s'ensuit des articles 8, 10, 22, 24 et 25 qu'une nomination fixe et définit la sécurité d'emploi d'un employé et qu'elle est faite par la Commission ou en son nom, en toute connaissance de cause. Il a décidé qu'une affectation intérimaire ne possède pas ces caractéristiques. Le Comité a commis une erreur de droit en concluant que pour trancher la question, il ne s'agissait pas de débattre si l'affectation en cause était autorisée en vertu de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique ou toute autre loi. Dans les circonstances de l'espèce, la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique détermine les droits du gestionnaire et du requérant en l'espèce. Les nominations relèvent de la Commis sion, elles sont faites à la demande du sous-chef, suivant la méthode de sélection fondée sur le principe du mérite. Ces critères de sélection s'appliquent aux nominations intérimaires. Les gestionnaires ne peuvent faire échec à l'intention évidente du législateur en déclarant que l'opération de dotation n'était pas «censée» constituer une «nomination». Le législateur n'a jamais eu l'intention de permettre à un ministère de créer et de combler des postes, comme bon lui semble, sur la base d'une «affectation», éliminant de la sorte la protection accordée par les diverses dispositions de la Loi. Le pouvoir de fixer le nombre et le genre d'employés du ministère ainsi que leur rémunération a été limité par la Loi sur l'administration financière, et le pouvoir de choisir les employés a été restreint par la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, qui permet à la Commis sion d'exercer cette fonction.
Le Comité a aussi commis une erreur en concluant que puisque le poste permanent de madame Morrison était celui qui lui accordait la «sécurité d'emploi», on ne pouvait dire qu'elle
acquérait cette sécurité dans le poste qu'elle continue d'occu- per. Lorsqu'elle a accepté et commencé d'exercer les fonctions de son poste intérimaire, elle a évidemment acquis la sécurité d'emploi en ce sens qu'elle a acquis le droit de recevoir la rémunération afférente à ses nouvelles fonctions.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Victoria City v. Vancouver Island Bishop, [1921] 2 A.C. 384 (P.C.); Bauer c. Le comité d'appel de la Fonction publique, [1973] C.F. 626 (C.A).
DISTINCTION FAITE AVEC:
R. c. St-Hilaire, jugement en date du 17 décembre 1985, Division d'appel de la Cour fédérale, A-1493-84, encore inédit.
DÉCISIONS CITÉES:
International Brotherhood of Electrical Workers, Local Union 2085 et al. v. Winnipeg Builders' Exchange et al., [ 1967] R.C.S. 628; Howard c. Établissement Stony Mountain, [1984] 2 C.F. 642; (1985), 57 N.R. 280 (C.A.); Eaton c. Gouvernement du Canada (1982), 43 N.R. 347 (C.A.F.).
AVOCATS:
Andrew J. Raven et N. J. Schultz pour le requérant.
Duff F. Friesen, c.r. et Margaret N. Kinnear pour l'intimé.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg, O'Grady, Morin, Ottawa, pour le requérant. Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'une demande d'exa- men et d'annulation fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10] relativement â la décision rendue par J. H. Giffin, en sa qualité de présidente du Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique (le Comité); aux termes de cette décision, le Comité a jugé qu'il n'avait pas compétence pour connaître de l'appel du présent requérant interjeté suivant les dispositions de l'article 21 de la Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique [S.R.C. 1970, chap. P-32]'.
Le requérant est un fonctionnaire du gouverne- ment fédéral à l'emploi du ministère du Revenu national (Impôt), à Sydney (Nouvelle-Écosse). Madame Brenda Morrison, une collègue de tra vail, a été nommée temporairement au poste de commis au recouvrement, CR-04, le 29 août 1985 au sein du même ministère, à Sydney. Cependant, le Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique a, le 20 mars 1986, accueilli l'appel du requérant interjeté à l'encontre de cette nomina tion car selon lui, «il n'y avait pas de preuves pour appuyer les assertions du ministère selon lesquelles madame Morrison satisfaisait aux exigences fon- damentales du poste à pourvoir». Cette nomination intérimaire avait été faite conformément aux dis positions de l'article 25 du Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique [C.R.C., chap. 1337, mod. par DORS/81-716, art. 2]. Ce règlement a été abrogé le 1 »' avril 1986 [DORS/86-286, art. 1] 2 . Madame Morrison a été retirée de son poste peu de temps après la réception de la décision du
' L'article 21 se lit comme suit:
21. Lorsque, en vertu de la présente loi, une personne est nommée ou est sur le point de l'être et qu'elle est choisie à cette fin au sein de la Fonction publique
a) à la suite d'un concours restreint, chaque candidat non reçu, ou
b) sans concours, chaque personne dont les chances d'avan- cement, de l'avis de la Commission, sont ainsi amoindries,
peut, dans le délai que fixe la Commission, en appeler de la nomination à un comité établi par la Commission pour faire une enquête au cours de laquelle il est donné à l'appelant et au sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l'occasion de se faire entendre. La Commission doit, après avoir été informée de la décision du comité par suite de l'enquête,
c) si la nomination a été faite, la confirmer ou la révoquer, ou
d) si la nomination n'a pas été faite, la faire ou ne pas la
faire,
selon ce que requiert la décision du comité.
s Le règlement 25 maintenant abrogé se lisait comme suit:
Nomination intérimaire
25. (1) Sous réserve du paragraphe (2), lorsque le sous-chef demande à un employé de remplir, pendant une période tempo- raire, les devoirs d'un poste (ci-après appelé le aposte supé- rieur») qui comporte un traitement maximum supérieur au traitement maximum du poste qu'il occupe, l'employé doit être considéré comme nommé au poste supérieur à titre intérimaire et si la période temporaire est de quatre mois ou plus, l'employé est réputé, pour l'application de l'article 40, avoir été nommé
(Suite à la page suivante)
Comité par le ministère. Le concours en vue de la dotation du poste pour une période indéterminée n'a jamais dépassé le stade de l'affichage en raison de quatre présentations prioritaires faites par la Commission de la Fonction publique. Deux de ces candidats répondaient à l'exigence fondamentale selon laquelle ils devaient avoir réussi l'examen d'intelligence générale (CFP EIG-320); à l'issue des entrevues de sélection, madame Madelaine Greer a été choisie et elle a accepté le poste qui lui était offert. C'est alors qu'elle a commencé à suivre un programme de formation et, afin que les tâches de recouvrement puissent être remplies au bureau de Sydney, on a décidé qu'il était néces- saire de procéder à une affectation intérimaire. Le ministère a déterminé que le requérant et madame Morrison étaient les deux personnes du bureau de Sydney qui pourraient être admissibles à l'affecta- tion intérimaire. Le requérant occupait à l'époque le poste de préposé au courrier, CR-02, tandis que madame Morrison occupait le poste de secrétaire du directeur, SCY-02. Toutefois, seule madame Morrison, selon les représentants du ministère, a subi avec succès l'examen d'intelligence générale. Elle a alors accepté de s'acquitter des fonctions du poste de commis au recouvrement, CR-04, qui lui a été offert pour la période allant du 2 mai 1986 au ler mai 1987, et qui lui ouvrait droit à une rémunération provisoire au niveau CR-04 en vertu des dispositions de la convention collective. Le directeur du personnel pour le bureau de Halifax, Revenu Canada (Impôt), a déclaré dans une lettre adressée à la Commission de la Fonction publique en date du 29 août 1986 la page 55 du dossier conjoint):
[TRADUCTION] Afin d'autoriser le versement d'une rémunéra- tion provisoire à madame Morrison et d'éviter toute confusion, il était nécessaire de créer un poste. Le poste «créé» se situait hors des ressources complémentaires autorisées pour le bureau de Sydney; cependant, l'intention n'était pas de faire une nomination mais de créer un moyen par lequel madame Morri- son toucherait une rémunération provisoire.
Le directeur de district pour le bureau de Halifax, ministère du Revenu national (Impôt), avait auto- risé cette opération de dotation qui s'est traduite
(Suite de la page précédente)
au poste supérieur sans concours à compter du dernier jour de la période de quatre mois qui a commencé le jour l'employé a commencé à remplir les devoirs du poste supérieur.
(2) Une nomination à un poste à titre intérimaire ne doit pas être faite pour une période de plus de 12 mois sans l'autorisa- tion de la Commission dans tous cas ou toute classe de cas.
par l'affectation intérimaire de madame Morrison au présent poste. Le ministère n'avait toutefois pas considéré cette affectation intérimaire comme une nomination susceptible d'appel en vertu de l'article 21 précité; l'opération de dotation en question ne constituait alors aux yeux du ministère qu'une «affectation» intérimaire et non une «nomination» intérimaire, en conséquence de quoi l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique ne s'appliquait pas en l'espèce. Dans sa décision, le Comité a jugé que l'opération de dotation ne cons- tituait donc pas une «nomination» au sens de l'arti- cle 21 de ladite Loi. De même, le Comité a jugé qu'il n'avait pas compétence pour connaître de l'appel du requérant. C'est donc cette décision qui fait l'objet de la présente demande fondée sur l'article 28.
Au début de l'audition de la présente requête, la Cour a soulevé devant les procureurs la question de savoir si la présente demande fondée sur l'arti- cle 28 ne revêtait plus aucun intérêt pratique puisque la nomination ou affectation intérimaire avait été faite pour une période déterminée com- mençant le 2 mai 1986 et se terminant le ler mai 1987. Les procureurs se sont entendus pour dire que madame Morrison occupait toujours le même poste au début de l'audience tenue par cette Cour, soit le 4 juin 1987, et que, par conséquent, les questions litigieuses soulevées par la présente demande revêtaient encore un intérêt pratique. Quoi qu'il en soit, les procureurs ont invité instam- ment la Cour à entendre la requête au fond car ils étaient d'avis qu'il s'agissait d'une action type importante étant donné que plusieurs autres demandes en cours fondées sur l'article 28 soule- vaient le même point en litige. De plus, des Comi- tés d'appel de la Commission de la Fonction publi- que doivent trancher la même question relativement à plusieurs appels dont ils sont pré- sentement saisis. Vu ces observations et considé- rant la jurisprudence selon laquelle dans de telles circonstances le tribunal est justifié, dans l'exer- cice de son pouvoir discrétionnaire, de procéder à l'audition d'une affaire de ce genre, la Cour a décidé d'entendre la requête au fond même s'il se peut qu'elle ne présente plus aucun intérêt prati-
que. En outre, il ressort des motifs de la prési- dente du Comité d'appel, J. H. Giffin, que certains membres dudit Comité ont jugé que les affecta tions intérimaires sont, en fait, des nominations au sens de l'article 21 (aux pages 77 et 79 du dossier conjoint).
Les opinions divergentes des membres du Comité d'appel constituent une raison de plus pour laquelle la présente Cour ne devrait pas refuser d'entendre l'affaire.
La seule question à trancher dans le cadre de cette demande est de savoir si, dans les circons- tances de l'espèce, la mesure de dotation susmen- tionnée prise par le ministère constitue, en fait, une «nomination» au sens de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, ou s'il s'agit tout simplement d'une «affectation» au sens que lui donne le ministère. La Loi, comme l'a souligné le Comité, ne définit pas expressément le mot «nomi- nation». De même, les règles actuelles en matière d'interprétation des lois veulent que les mots s'en- tendent dans leur sens grammatical ordinaire par rapport à l'ensemble du contexte, en fonction tant du but et de l'objectif visés par la Loi que de l'intention du législateur 4 . Lord Atkinson a for- mulé ce principe dans le passage suivant de l'arrêt Victoria City v. Vancouver Island Bishop 5 :
[TRADUCTION] En matière d'interprétation des lois, les mots qui y figurent doivent être entendus dans leur sens grammatical ordinaire, à moins que le contexte, l'objectif de la loi ils sont employés ou les circonstances dans lesquelles ils sont employés n'indiquent qu'ils ont été employés dans un sens différent de leur sens grammatical ordinaire.
Le point de départ consiste donc à vérifier l'ac- ception des mots «affectation» et «nomination» dans leur «sens grammatical ordinaire». Le Living Webster Encyclopedic Dictionary définit le mot «appointment» («nomination») comme étant «the act of appointing» («le fait de nommer»). Il définit ensuite «appoint» («nommer») notamment comme suit:
Comparez les motifs du juge Cartwright dans l'arrêt Inter national Brotherhood of Electrical Workers, Local Union 2085 et al. v. Winnipeg Builders' Exchange et al., [1967] R.C.S. 628, la p. 636 avec ceux du juge Thurlow dans l'arrêt Howard c. Établissement Stony Mountain, [1984] 2 C.F. 642, aux pp. 649 et 650; (1985), 57 N.R. 280 (C.A.), à la p. 283.
4 Voir: Driedger, Construction of Statutes, deuxième édition, à la p. 87.
5 [1921] 2 A.C. 384 (P.C.), à la p. 387.
[TRADUCTION] Affecter par autorité à un usage particulier, à une charge ou à un poste; [C'est moi qui souligne.]
Le même dictionnaire définit «assignment» («affec- tation») notamment comme suit:
[TRADUCTION] Le poste auquel toute personne est nommée; [C'est moi qui souligne.]
Le Shorter Oxford English Dictionary, (3e édi- tion) définit «assignment» («affectation») notam- ment de la façon suivante:
5. [TRADUCTION] Nomination à un poste; [C'est moi qui souligne.]
Je considère qu'il est non sans importance de signaler que les deux dictionnaires traitent les mots «appointment» («nomination») et «assignment» («affectation») de façon interchangeable comme s'ils avaient essentiellement le même sens. Le Black's Law Dictionary (5e édition, à la page 91) définit «appoint» («nommer») notamment:
[TRADUCTION] Nommer....
Affecter par autorité à un usage particulier, à un poste, à une charge ou à un emploi; [C'est moi qui souligne.]
Je conclus donc sur le fondement de ces défini- tions que les mots «appointment» («nomination») et «assignment» («affectation») entendus en eux- mêmes, ont essentiellement le même sens gramma tical et ordinaire. La question suivante à -trancher est celle de savoir si l'économie et l'objectif de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique et l'intention du législateur telle qu'elle est formulée dans cette mesure législative exigent de donner au mot «nomination» («appointment»), tel qu'il est utilisé à l'article 21 de la Loi, une interprétation différente. Madame Giffin, la présidente, était d'avis qu'une telle conclusion s'imposait vu le con- texte se trouvaient certaines autres dispositions de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Elle a renvoyé aux articles suivants: l'article 8 (qui confère à la Commission de la Fonction publique de façon exclusive le droit et l'autorité de nommer à des postes de la Fonction publique); l'article 10 (qui mandate la Commission pour procéder à des nominations selon le principe du mérite); l'article 22 (qui prévoit que ces nominations prennent effet à la date fixée dans l'acte de nomination); l'article 24 (la disposition qui veut qu'un employé occupe sa charge durant le bon plaisir de Sa Majesté et pendant une période indéterminée à moins qu'une autre période ne soit spécifiée); et finalement l'ar- ticle 25 (qui prévoit qu'un employé nommé pour
une période spécifiée cesse d'être un employé à l'expiration de ladite période). De ces dispositions, il apparaît donc, selon elle, «qu'une nomination, premièrement, fixe et définit la nature des fonc- tions d'un employé dans la Fonction publique et sa sécurité d'emploi, et deuxièmement, est faite par la Commission ou en son nom, en toute connaissance de cause. Une affectation intérimaire, en général, et particulièrement celle qui nous intéresse, ne revêt pas ces caractéristiques.» (Page 80 du dossier conjoint.) Elle conclut ensuite à la page 81 du dossier conjoint que: «Il ne convient pas de débat- tre si, dans ce cas, l'affectation est autorisée en vertu de tel article de loi ou de tel autre ... mais de déterminer s'il s'agit d'une nomination fixant et définissant la sécurité d'emploi et voulue expressé- ment comme telle par la Commission de la Fonc- tion publique ou ses représentants.»
À mon avis, la présidente a commis une erreur de droit en concluant que pour trancher la ques tion en litige, il ne s'agissait pas de débattre si l'affectation en cause était autorisée en vertu de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique ou de toute autre loi. A mon avis, dans les circonstances de l'espèce, la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique détermine et régit les droits du gestion- naire et du présent requérant en l'espèce. Selon cette Loi, bien que les nominations à la Fonction publique relèvent de la Commission, elles ne sont faites qu'à la demande du sous-chef, et suivant la méthode de sélection fondée sur le principe du mérite. Ce processus comporte obligatoirement la tenue d'un concours ou le fonctionnement d'un autre mécanisme pour déterminer le mérite des candidats. Ces critères de sélection valent tant pour une nomination intérimaire que permanente 6 . Les gestionnaires ne peuvent donc faire échec à l'intention évidente du législateur comme elle est exprimée dans la Loi en déclarant, comme en l'espèce, que l'opération de dotation dont il est question dans la Loi n'était pas «censée» constituer une «nomination».
J'ai la conviction que le législateur n'a jamais eu l'intention de permettre à un ministère fédéral de créer et de combler des postes, comme bon lui semble, sur la base d'une «affectation», éliminant de la sorte la protection accordée par les diverses
6 Comparez: Eaton c. Gouvernement du Canada (1982), 43 N.R. 347 (C.A.F.).
dispositions précitées de la Loi. Une telle interpré- tation [TRADUCTION] «ouvre la porte toute grande aux abus» comme l'a soutenu le procureur du requérant. Comme l'a d'ailleurs fait remarquer le juge en chef Jackett dans l'affaire Bauer [Bauer c. Le comité d'appel de la Fonction publique]', le pouvoir de gestion et de direction normalement exercé par les gestionnaires des ministères fédé- raux engloberait celui de fixer le nombre et le genre d'employés des divers ministères de même que celui de choisir les personnes aptes à travailler, sauf que certains textes de loi limitent ces pouvoirs de gestion à deux importants égards:
a) le pouvoir de fixer le nombre et le genre d'employés du ministère ainsi que leur rémunération [comme le prévoit la Loi sur l'administration financière [S.R.C. 1970, chap. F-10] et sous réserve du contrôle du Conseil du Trésor], et
b) le pouvoir de choisir et d'engager les employés du ministère [comme le prévoit la Loi sur l'emploi dans la Fonction publi- que qui permet à la Commission de la Fonction publique de remplir cette fonction].
Permettre à ce ministère de considérer l'opération de dotation en question comme autre chose qu'une nomination intérimaire équivaudrait à approuver une tentative évidente de contourner l'intention claire et non équivoque du législateur telle qu'on la retrouve dans la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
Je suis également d'avis que le Comité a commis une erreur en concluant que puisque le poste per manent de madame Morrison, c'est-à-dire celui de SCY-02, était celui qui lui accordait la «sécurité d'emploi», on ne pouvait dire qu'elle avait acquis cette sécurité dans le poste de CR-04 qu'elle conti nue d'occuper. Je suis de l'avis du procureur du requérant pour dire que lorsqu'elle a accepté et commencé d'exercer les fonctions de commis au recouvrement, elle a évidemment acquis la sécurité d'emploi en ce sens qu'elle a acquis le droit de recevoir la rémunération afférente au poste de commis et d'en exercer les fonctions. Je souscris à l'argument de l'avocat du requérant selon lequel:
[TRADUCTION] Dans un sens très réel, elle a acquis pour la période d'un an dont il est question la sécurité d'emploi en qualité de commis et elle a perdu sa sécurité d'emploi en qualité de secrétaire.
Le dossier appuie ce point de vue car l'organi- gramme du ministère la page 41 du dossier conjoint) indique que le 1" avril 1986 madame
[1973] C.F. 626 (C.A.), aux pp. 628 et 629.
Greer occupait le poste 1204-00088 à titre de commis au recouvrement, alors que l'on a reconnu que madame Morrison exécutait les fonctions affé- rentes au poste de commis au recouvrement 124-00122.
Les faits de l'espèce diffèrent considérablement à cet égard de ceux dont il était question dans l'arrêt R. c. St-Hilaire, jugement en date du 17 décembre 1985, Division d'appel de la Cour fédé- rale, A-1493-84, encore inédit. Dans cette affaire, on avait demandé à l'employé d'exécuter temporai- rement certaines fonctions supplémentaires qui devaient plus tard relever d'un nouveau poste, à la création duquel on n'avait pas encore procédé; aucune nomination n'avait été faite ni n'était voulue car le poste n'existait pas. Ici, au contraire, il y avait un poste, et l'intention que madame Morrison en soit pour un an la titulaire était évidente.
Bref, je conclus que les mots «nomination» et «affectation» ont, en substance, le même sens grammatical et ordinaire. Je conclus également, pour les motifs énoncés plus haut, que le contexte de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique n'empêche pas d'attribuer au mot «nomination», à l'article 21, son sens ordinaire et usuel. Il s'ensuit donc, à mon avis, que la demande fondée sur l'article 28 devrait être accueillie et la décision du Comité annulée; en outre, l'affaire devrait être renvoyée devant le Comité qui devra tenir pour acquis que l'affectation intérimaire de Brenda Morrison au poste de commis au recouvrement constitue une nomination au sens de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, ce qui a donc pour effet d'habiliter le Comité à entendre l'appel du requérant.
LE JUGE HUGESSEN: Je souscris. LE JUGE MACGUIGAN: Je souscris.
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