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A-1256-87
Tye -Sil Corporation Limited (appelante) (défen- deresse)
c.
Diversified Products Corporation et Brown Fitz- patrick Lloyd Patent Limited (intimées) (deman- deresses)
RÉPERTORIE: DIVERSIFIED PRODUCTS CORP. C. TYE-SIL
Copp.
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Huges- sen et Lacombe—Ottawa, 14 janvier 1988.
Pratique Jugements et ordonnances Suspension d'exé- cution Appel contre le refus de surseoir à un jugement, pendant qu'on en fait appel, ordonnant à l'appelante de détruire des modèles contrefaisant un appareil breveté Affirmation erronée du juge de première instance que le préjudice économique à lui seul n'est pas une raison suffisante de surseoir à l'exécution Appel accueilli Ordonnance de destruction de biens d'une valeur d'un million susceptible, si mal fondée, de causer un préjudice irréparable Doutes sur les bénéfices dont profiteraient les intimées en cas d'exécution immédiate de l'ordonnance Disparition de l'objet de l'appel au fond en cas de destruction des stocks d'appareils contrefaits Approbation de la décision Corning Glass Works c. Canada Wire & Cable Ltd. (1984), 1 C.P.R. (3d) 374 (C.F. 1 1 P inst.) qui représente la démarche indiquée en matière d'ordonnance de destruction et de remise de biens dans les affaires de brevet.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Corning Glass Works c. Canada Wire & Cable Ltd., faisant affaires sous la raison sociale Canstar Commu nications (1984), 1 C.P.R. (3d) 374 (C.F. 1re inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Marketing International Ltd. c. S.C. Johnson and Son, Inc., [1977] 2 C.F. 618 (C.A.); Procter & Gamble Co. c. Bristol-Myers Canada Ltd. (1978), 39 C.P.R. (2d) 171 (C.A.F.).
AVOCATS:
Richard Uditsky pour l'appelante. R. Scott Jolliffe pour les intimées.
PROCUREURS:
Mendelsohn, Rosentzveig, Shacter, Montréal, pour l'appelante.
Gowling & Henderson, Toronto, pour les intimées.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour prononcées à l'audience par
LE JUGE HUGESSEN: Il s'agit en l'espèce de l'appel d'une décision du juge Cullen [T-1565-85, ordonnance en date du 30-11-87, encore inédite] il refuse de surseoir, malgré un appel pendant, à cette portion d'un jugement antérieur il avait ordonné à l'appelante de «remettre ou détruire tous les modèles» de l'appareil protégé par le brevet en cause.
En refusant le sursis demandé, le juge Cullen dit:
On ne saurait suspendre l'exécution d'un jugement rendu au terme d'une instruction à moins que la partie lésée ne soit en mesure d'établir qu'un préjudice irréparable des plus grave est prépondérant. Certes, avec un stock de quelque 8 596 unités, d'une ,,valeur de vente de 1 000 000 $», la défenderesse subit un préjudice économique. Il est clair, d'après la jurisprudence, que le préjudice économique, à lui seul, n'est pas une raison suffi- sante pour surseoir à l'exécution d'un jugement. (Dossier con joint, à la page 172).
Nous sommes tous d'avis que la première phrase citée décrit bien le critère applicable quand il s'agit de savoir résident les intérêts de la justice. Voir Marketing International Ltd. c. S.C. Johnson and Son, Inc., [1977] 2 C.F. 618 (C.A.); Procter & Gamble Co. c. Bristol-Myers Canada Ltd. (1978), 39 C.P.R. (2d) 171 (C.A.F.). Nous sommes d'avis aussi, cependant, que la dernière phrase du pas sage cité est manifestement erronée. En fait, dans presque toutes les affaires dont la Cour a à connaî- tre, les intérêts des parties, et le préjudice consécu- tif qui pourrait découler d'une atteinte à ces inté- rêts, sont entièrement d'une nature économique. Les exigences de la justice ne sont pas régies par la nature économique ou non du préjudice.
Une ordonnance enjoignant la destruction de biens, si elle est respectée, causera manifestement un préjudice irréparable s'il devait être subsé- quemment jugé que l'ordonnance n'aurait pas due être rendue. Les biens, une fois détruits, ne peu- vent être recréés, et il n'y aura alors aucun recours légal. Le juge de première instance semble avoir reconnu que ces dommages seraient de l'ordre de 1 000 000 $, soit la «valeur de vente» en l'espèce. D'autre part, il est difficile d'apprécier le bénéfice qui profiterait aux intimées en cas d'exécution immédiate de l'ordonnance. Leur avocat a été incapable d'en suggérer un. Dans ces circons-
tances, la prépondérance du préjudice irréparable est manifestement en faveur de l'appelante; le juge de première instance aurait accorder le sursis.
L'intérêt de la justice, par un autre aspect, milite en faveur du sursis dans le cas d'une ordon- nance de ce genre. Dans une certaine mesure, à tout le moins, le stock actuel des appareils contre- faits de l'appelante constitue l'objet même de l'ap- pel sur le fond du litige; si ce stock est détruit, l'objet du litige aura disparu avant que l'appel ne soit entendu.
Nous prenons note de la décision du juge Strayer dans l'affaire Corning Glass Works c. Canada Wire & Cable Ltd., faisant affaires sous la raison sociale Canstar Communications (1984), 1 C.P.R. (3d) 374 (C.F. 1" inst.), que nous approuvons, considérant qu'elle représente la démarche indiquée en matière d'ordonnance de destruction et de remise des biens dans les affaires de brevet.
L'appel sera accueilli; on surseoira à cette por tion du paragraphe 3 du jugement au fond de la Division de première instance qui ordonne la remise et la destruction de tous les modèles contre- faits jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel au fond. À titre de conditions de ce sursis, la défenderesse s'engagera à préserver tous les modèles contrefaits existants dans leur état actuel.
L'appelante a droit aux dépens de l'appel; les dépens de la requête en sursis déposés en Division de première instance suivront l'issue de la cause.
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