T-2649-86
Qu'Appelle Indian Residential School Council
(demandeur)
c.
Tribunal canadien des droits de la personne,
Alliance de la Fonction publique du Canada et
Commission canadienne des droits de la personne
(défendeurs)
et
Alliance de la Fonction publique du Canada
(plaignante)
c.
Qu'Appelle Indian Residential School Council
(intimé)
et
Ministre des Affaires indiennes et du Nord cana-
dien (partie intéressée)
RÉPERTORIÉ: QU'APPELLE INDIAN RESIDENTIAL SCHOOL
COUNCIL C. CANADA (TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE IA
PERSONNE)
Division de première instance, juge Pinard—
Ottawa, 28 septembre et 2 novembre 1987.
Droit constitutionnel — Partage des pouvoirs — Relations
du travail — Pratiques discrimatoires du Indian School
Council (le «Conseil») à l'endroit des employés du pensionnat
— Les relations de travail sont-elles régies par l'art. 91(24) de
la Loi constitutionnelle de 1867 qui vise les Indiens ou par
l'art. 93 qui place l'éducation sous le contrôle des provinces?
Critère fonctionnel — La nature de l'activité détermine la
question de la compétence — Les activités du Conseil sont
tellement directement liées au statut, aux droits et aux privilè-
ges des Indiens, qu'elles font partie intégrante de la compé-
tence principale fédérale sur les Indiens.
Peuples autochtones — Le Conseil est accusé de pratiques
discriminatoires (discrimination basée sur le sexe), contraire-
ment à la Loi canadienne sur les droits de la personne — Le
Conseil a été constitué conformément à une loi provinciale —
Le Conseil dirige un pensionnat pour Indiens situé sur une
réserve et financé par le gouvernement fédéral — Le Conseil
est composé de chefs de bandes — On emploie principalement
des Indiens — Les relations de travail font partie de la
compétence législative fédérale — Les activités du Conseil sont
tellement directement liées au statut, aux droits et aux privilè-
ges des Indiens qu'elles font partie intégrante de la compétence
principale fédérale sur les Indiens.
Relations du travail — Plainte de l'Alliance de la Fonction
publique du Canada alléguant que le Conseil a commis de la
discrimination (basée sur le sexe dans la structure salariale),
contrairement à l'art. 11 de la Loi canadienne sur les droits de
la personne — Les relations de travail relèvent de la compé-
tence des provinces à moins que la nature des activités soit
qualifiée de fédérale — Critère fonctionnel — La nature des
activités du Conseil est tellement liée au statut des Indiens,
qu'elle fait partie intégrante de la compétence principale fédé-
rale sur les Indiens — Le Tribunal canadien des droits de la
personne a la compétence pour instruire la plainte de
l'Alliance.
Droits de la personne — Le Conseil aurait commis de la
discrimination (basée sur le sexe dans sa structure salariale),
contrairement à l'art. 11 de la Loi canadienne sur les droits de
la personne — Le Conseil dirige un pensionnat pour Indiens
sur une réserve — Le Tribunal canadien des droits de la
personne a la compétence pour instruire la plainte.
Le Qu'Appelle Indian Residential School Council (ci-après le
«Conseil») est un organisme à but non lucratif, constitué en
vertu des lois de la province de la Saskatchewan. Le Conseil,
composé de chefs de bandes, dirige le Qu'Appelle Indian Resi
dential School, qui éduque et loge les enfants indiens. L'École
est financée par le gouvernement fédéral, elle est située sur une
réserve indienne et elle emploie principalement des Indiens.
L'Alliance de la Fonction publique du Canada, l'agent négocia-
teur pour les employés indiens, a déposé une plainte devant la
Commission canadienne des droits de la personne, alléguant
que le Conseil avait commis de la discrimination, contrairement
à l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Cet article prévoit que le fait pour l'employeur de pratiquer la
disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent
des fonctions équivalentes constitue un acte discriminatoire. Le
Conseil a sollicité un jugement déclarant que le Tribunal
canadien des droits de la personne n'avait pas le pouvoir
d'enquêter sur la plainte portée par l'Alliance. Il s'agit en
l'espèce d'une demande de la Commission visant le rejet de
l'action du Conseil. Ce dernier prétend que les relations de
travail en l'espèce ne relèvent pas du paragraphe 91(24) de la
Loi constitutionnelle de 1867 qui vise «les Indiens et les terres
réservées aux Indiens» mais de l'article 93 qui place l'éducation
sous le contrôle des provinces.
Jugement: La demande est accueillie.
La compétence constitutionnelle fondée sur l'article 11 de la
Loi canadienne sur les droits de la personne dépend des mêmes
principes qui s'appliquent aux autres législations en matière de
relations de travail. Règle générale, les relations de travail
relèvent de la compétence législative des provinces car elles
touchent à la propriété et aux droits civils. Toutefois, la Cour
suprême du Canada a établi des exceptions à cette règle,
montrant que le Parlement du Canada possède la compétence
pour légiférér, dans certaines situations, à l'égard des relations
de travail. Essentiellement, la position de la Cour suprême est
qu'un ouvrage, une entreprise ou une affaire peut être qualifié
de fédéral si la nature de l'activité forme une «partie intégrante
de la compétence principale fédérale sur une autre matière
fédérale». Il s'agit du critère fonctionnel. La question de la
compétence sera donc tranchée par la nature de l'activité.
En se servant du critère fonctionnel, il faut conclure que les
employés du Conseil sont tellement directement liés aux activi-
tés relatives au statut, aux droits et aux privilèges des Indiens
que leurs relations de travail avec le Conseil forment une partie
intégrante de la compétence principale fédérale sur les Indiens
et les terres réservées aux Indiens, en vertu du paragraphe
91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Cette conclusion est
étayée par les faits, les règlements et les objets énoncés dans le
certificat de constitution du Conseil. La Cour est convaincue
que les relations de travail de l'École ont toujours relevé de la
compétence fédérale. Au départ, l'École était dirigée par le
ministre responsable des Affaires indiennes; plus tard, la res-
ponsabilité a été transférée au Conseil composé des chefs des
bandes. Depuis sa fondation, l'École a été financée par le
gouvernement fédéral vis-à-vis duquel elle était responsable en
fin de compte, conformément aux articles 114 à 123 de la Loi
sur les Indiens. Le fait que le Conseil n'ait formulé aucun
argument d'ordre constitutionnel devant le Conseil canadien
des relations du travail contre l'accréditation a aussi été pris en
considération. L'École est, par conséquent, sujette à la législa-
tion fédérale concernant les relations du travail et le Tribunal a
compétence pour instruire la plainte portée contre le Conseil.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L-1, art.
119 (mod. par S.C. 1972, chap. 18, art. 1).
Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C.
1976-77, chap. 33, art. 2, 11(1), 21, 35(1).
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3
(R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n° 5] (mod. par la
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, n° 1), art.
91(24), 92(13), 93.
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap.
10, art. 18.
Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6, art. 114-123.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
341.
The Non-profit Corporations Act, S.S. 1979, chap.
N-4.1.
The Societies Act, R.S.S. 1965, chap. 142 (abrogée par
S.S. 1983-84, chap. 52).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS SUIVIES:
Francis c. Conseil canadien des relations du travail,
[1981] 1 C.F. 225 (C.A.); infirmé pour d'autres motifs
dans [1982] 2 R.C.S. 72; Whitebear Band Council v.
Carpenters Prov. Council of Sask., [1982] 3 W.W.R. 554
(C.A. Sask.).
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Reference re Industrial Relations and Disputes Act,
[1955] R.C.S. 529; Conseil canadien des relations du
travail et autre c. Yellowknife, [1977] 2 R.C.S. 729;
Commission canadienne des droits de la personne c.
Haynes (1983), 46 N.R. 381 (C.A.F.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
•
Four B Manufacturing Ltd. c. Travailleurs unis du
vêtement d'Amérique et autre, [1980] 1 R.C.S. 1031.
AVOCATS:
Niel Halford pour le demandeur.
Russell Juriansz pour la Commission cana-
dienne des droits de la personne, défenderesse.
Andrew J. Raven, pour l'Alliance de la Fonc-
tion publique du Canada, défenderesse.
PROCUREURS:
Halford Law Office, Fort Qu'Appelle (Saska-
tchewan), pour le demandeur.
Services juridiques de la Commission cana-
dienne des droits de la personne pour la Com
mission canadienne des droits de la personne,
défenderesse.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin (Ottawa), pour l'Alliance de
la Fonction publique du Canada, défende-
resse.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE PINARD: Il s'agit d'une demande pré-
sentée par la défenderesse la Commission cana-
dienne des droits de la personne, sur le fondement
de la Règle 341 [Règles de la Cour fédérale,
C.R.C., chap. 663], en vue d'obtenir un jugement
rejetant l'action du demandeur. Une demande ana
logue a également été présentée dans le dossier n°
T-2421-85 comportant le même point en litige et
les parties ont accepté que ces deux demandes
soient débattues en même temps et jugées sur la
même preuve. Par conséquent, les motifs en l'es-
pèce seront applicables mutatis mutandis à l'or-
donnance portant sur la demande similaire dans
l'autre dossier.
Les parties, par leurs procureurs, ont également
convenu que les documents suivants formeraient le
dossier de l'argumentation:
1. L'exposé conjoint des faits déposé par les par
ties devant le Tribunal canadien des droits de la
personne;
2. L'affidavit du chef Irvin Starr assermenté le 28
novembre 1986;
3. L'affidavit de Daniel J. Russell assermenté le 6
avril 1987.
L'exposé conjoint des faits déposé par les parties
devant le Tribunal canadien des droits de la per-
sonne énonçait les faits suivants et renvoyait à
plusieurs documents pertinents annexés qu'il ne
sera pas nécessaire de reproduire dans les motifs
en l'espèce, quoique la Cour puisse juger à propos
d'en citer à l'occasion des extraits. Il est donc
approprié et suffisant pour l'instant de reprendre
l'exposé conjoint des faits» tel qu'il a été rédigé:
1. L'Alliance de la Fonction publique du Canada
(ci-après appelée l'«AFPC») est l'agent négociateur
représentant tous les employés du Qu'Appelle
Indian Residential School, sauf l'administrateur
du pensionnat.
2. La Commission canadienne des droits de la
personne (ci-après appelée la «Commission») est un
organisme créé par l'article 21 de la Loi cana-
dienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77,
chap. 33, et ses modifications, (ci-après appelée la
«Loi»). (Une copie certifiée conforme de la Loi
canadienne sur les droits de la personne constitue
l'annexe «A».)
3. L'intimé, Qu'Appelle Indian Residential School
Council, (ci-après appelé le «Conseil») a été consti-
tué conformément aux dispositions de la Societies
Act de la Saskatchewan [R.S.S. 1965, chap. 142],
en date du 23 août 1972. (Une copie du certificat
de constitution prévu par la Societies Act et la
demande jointe à ce certificat constituent l'annexe
«B».) Par une résolution spéciale en date du 22
novembre 1974, les règlements de la société ont été
annulés et remplacés par de nouveaux règlements
en vigueur à compter du 18 novembre 1974. (Une
copie de la résolution spéciale et des règlements
modifiés constitue l'annexe «C».) La Societies Act
a été remplacée par la Non-profit Corporations
Act de la Saskatchewan [S.S. 1979, chap. N-4.1]
et officiellement abrogée en 1984 [S.S. 1983-84,
chap. 52]. Le Conseil a continué d'exister sous le
régime de la Non-profit Corporations Act de la
Saskatchewan, en tant que société constituée en
vertu des lois de la Saskatchewan et dont le bureau
principal se trouve à Regina (Saskatchewan).
(Une copie du certificat de continuation en date du
28 septembre 1982 constitue l'annexe «D».)
4. L'intimé dirige le Qu'Appelle Indian Residen
tial School (ci-après appelé l'«École») dans le dis
trict de Lebret (Saskatchewan).
5. Le 9 septembre 1981, 1'AFPC a déposé une
plainte devant la Commission conformément à la
Loi, alléguant que le Conseil avait commis de la
discrimination basée sur le sexe aux termes de
l'article 11 de ladite Loi. La plainte précise que,
suivant la structure salariale de l'employeur, la
majorité des postes à prédominance masculine se
trouvent dans la première moitié de l'échelle sala-
riale et la majorité des postes à prédominance
féminine dans la seconde moitié, sauf pour les
postes supérieurs comblés par des femmes. On y
affirme de plus que plusieurs des postes à prédomi-
nance féminine dans la seconde moitié ont une
valeur égale aux postes à prédominance masculine
dans la première moitié. Le titre des postes fourni
dans le manuel des employés de l'École (School
Employee Manual) ne montre aucune différence
notable depuis le dépôt de la plainte. (Une copie de
la plainte de l'AFPC constitue l'annexe «E» et une
copie du manuel des employés de l'École repré-
sente l'annexe «F».)
6. Après le dépôt de la plainte, la Commission a
nommé un enquêteur le 31 mai 1982, conformé-
ment au paragraphe 35(1) de la Loi, pour enquêter
sur ladite plainte.
7. À la suite du rapport de l'enquêteur, la Com
mission a demandé au président, par lettre en date
du 24 octobre 1985, de constituer un tribunal des
droits de la personne. (Une copie de cette lettre
constitue l'annexe «G».)
8. L'École éduque et loge les enfants indiens des
districts de Touchwood-File Hills-Qu'Appelle et de
Yorkton sur les réserves indiennes délimitées par le
ministre des Affaires indiennes et du Nord cana-
dien. La majeure partie de ces districts est située
dans la province de la Saskatchewan mais une
petite portion desdits districts se trouve dans la
province du Manitoba.
9. À compter de sa fondation en 1887, l'École a
été dirigée par les pères Oblats et financée par le
ministre canadien responsable des Affaires indien-
nes. Vers 1968, le ministre ou ses délégués ont pris
la direction des opérations et nommé les membres
du conseil de l'École. En 1973, le [TRADUCTION]
«conseil consultatif local» composé des membres
concernés de la bande indienne qui étaient consul
tés par le conseil de l'École et lui donnaient son
avis, s'est vu confier la responsabilité de l'adminis-
tration des résidences de l'École. En 1981, le
ministre a transféré au «conseil consultatif local» la
responsabilité de l'administration de l'École. A
l'heure actuelle, le Conseil est composé des 24
chefs de bande des 24 bandes qui forment les
districts de Touchwood-File Hills-Qu'Appelle et de
Yorkton.
10. Par décret n° C.P. 1983-2071 en date du 7
juillet 1983, les terres sur lesquelles sont érigés les
immeubles de l'école ont été mises de côté à
l'usage et au profit de la réserve indienne de
Starblanket connue sous le nom de réserve
indienne Wa-Pii-Moos-Toosis (White Calf), n°
83A, en reconnaissance partielle des droits fonciers
qu'elle a acquis en vertu du traité n° 4. (Une copie
du décret transférant les terres à la réserve de
Starblanket constitue l'annexe «H» et une copie du
traité n° 4 représente l'annexe «I».)
11. En 1981, le Conseil commença à louer du
Board of Education of the Indian Head School
Division No. 19 de la Saskatchewan un immeuble
qui avait servi d'école primaire. Ledit immeuble
est situé à environ un quadrilatère de la réserve.
(Une copie du certificat de titre du Board of
Education of the Indian Head School Division No.
19 constitue l'annexe «J» et les baux intervenus
entre le Conseil et ledit Board of Education pour
les années 1981, 1983, 1984 et 1985 constituent les
annexes «K», «L», «M» et «N».)
12. Les professeurs du Qu'Appelle Indian Resi
dential School sont rémunérés d'après la même
échelle salariale que les professeurs qui travaillent
pour le ministère de l'Éducation de la Saskatche-
wan. Il n'y a aucun contrat officiel entre les pro-
fesseurs et le Conseil. Le programme de l'École est
le même que celui du ministère de l'Éducation de
la Saskatchewan, sauf que l'École offre en plus des
cours de langue crie et de culture indienne. Les
étudiants de l'École qui sont au nombre d'environ
200 ne paient aucuns frais de scolarité. L'École
pourvoit à l'enseignement primaire et secondaire
des autochtones.
Le noyau de l'École est constitué d'une large
bâtisse abritant les salles de classes, les résidences
et les bureaux de l'administration. Il existe d'au-
tres immeubles pour l'enseignement de divers
sujets comme, par exemple, la mécanique. Un
principal à la retraite du système scolaire public de
la province exerce cette charge à l'École. Celle-ci
n'est d'aucune façon réglementée par le ministère
de l'Éducation de la Saskatchewan. (Des copies du
manuel de l'étudiant et du rapport annuel pour
1984-85 constituent les annexes «O» et «P».)
13. L'École est entièrement financée par Sa
Majesté la Reine du chef du Canada en confor-
mité avec les ententes annuelles signées par le
ministre canadien responsable des Affaires indien-
nes. (Des copies des ententes annuelles pour les
années 1981-82, 1983-84, 1984-85, 1985-86 et
1986-87 constituent les annexes «Q», «R», «S», «T»
et «U». Des copies des états financiers de l'École
pour les années 1981 1986 inclusivement repré-
sentent les annexes «V», «W», «X», «Y», «Z» et
«AA».)
14. Le Conseil a été officiellement avisé de la
plainte portée contre lui par une lettre datée du 30
juillet 1982. (Une copie de cette lettre constitue
l'annexe «BB».) Le Conseil n'a toutefois pas con
testé la compétence de la Commission pour enten-
dre la plainte sauf par des termes vagues et impré-
cis. (Une copie d'une note de service de la
Commission en date du 28 octobre 1983 portant
sur les doutes du Conseil quant à la compétence de
la Commission constitue l'annexe «CC» et une
lettre du Conseil en date du 21 mars 1985 adressée
à la Commission, lettre qui soulevait aussi la ques
tion de la compétence de cette dernière, constitue
l'annexe «DD».) Le Conseil n'a pas prétendu rele-
ver de la compétence de la province ni à l'une ni à
l'autre de ces occasions.
15. Vers le 13 avril 1973, l'AFPC a déposé une
demande d'accréditation à titre d'agent négocia-
teur devant le Conseil canadien des relations du
travail [CCRT], conformément à la Partie V du
Code canadien du travail [S.R.C. 1970, chap. L-1
(mod. par S.C. 1972, chap. 18, art. 1)], à l'égard
d'une unité de négociation proposée composée de
tous les employés du Conseil. Le Conseil n'a
jamais prétendu que le Code canadien du travail
ne lui était pas applicable. L'accréditation a été
accordée par le CCRT le 4 mars 1974. (Des copies
de la demande d'accréditation par l'AFPC, de la
réponse du Conseil en date du 31 juillet 1973 et de
l'accréditation accordée par le CCRT en date du 4
mars 1974 constituent les annexes «EE», «FF» et
«GG» respectivement.)
16. Vers le 7 octobre 1982, soit plus d'un an après
le dépôt de la plainte devant la Commission, le
Conseil a présenté au Conseil canadien des rela
tions du travail [CCRT], en vertu de l'article 119
de la Partie V du Code canadien du travail, une
demande en vue de modifier la description de
l'unité de négociation figurant dans l'accréditation
du 4 mars 1974. La compétence du CCRT aux
fins d'examiner la demande du Conseil a évidem-
ment été acceptée. Le 7 février 1983, la demande
de révision du Conseil a été accueillie et l'étendue
de l'unité de négociation a été modifiée. (Des
copies de la demande de révision du Conseil, du
rapport d'enquête du CCRT en date du 16 novem-
bre 1982 et de la décision de ce dernier en date du
17 février 1983 constituent les annexes «HH», «II»
et «JJ».)
17. Les parties ont convenu que les faits énoncés
dans le présent exposé devraient être inscrits au
dossier en l'espèce.
La question en l'espèce est de déterminer si le
Tribunal canadien des droits de la personne a
compétence sur le plan constitutionnel pour ins-
truire la plainte portée par l'Alliance de la Fonc-
tion publique du Canada contre le demandeur. La
compétence du Tribunal pour mener une enquête
tire son origine de la Loi canadienne sur les droits
de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33, et ses
modifications. Les dispositions de la Loi ne visent
que les questions qui sont de la compétence législa-
tive du gouvernement fédéral. L'article 2 et le
paragraphe 11(1) de la Loi prévoient:
2. La présente loi a pour objet de compléter la législation
canadienne actuelle en donnant effet, dans le champ de compé-
tence du Parlement du Canada, aux principes suivants:
11. (1) Constitue un acte discriminatoire le fait pour l'em-
ployeur d'instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre
les hommes et les femmes qui exécutent, dans le même établis-
sement, des fonctions équivalentes.
Comme l'a affirmé le juge Le Dain dans l'arrêt
Commission canadienne des droits de la personne
c. Haynes (1983), 46 N.R. 381 (C.A.F.), à la page
383, la compétence constitutionnelle fondée sur
l'article 11 de la Loi dépendra des mêmes princi-
pes qui s'appliquent aux autres législations en
matière de relations de travail:
L'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la
personne, qui traite de discrimination dans l'emploi, établit que
le fait pour un employeur d'instaurer ou de pratiquer la dispa-
rité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent,
dans le même établissement, des fonctions équivalentes consti-
tue un acte discriminatoire ... Comme l'avocat des appelantes,
je pense que l'article 11 porte sur les relations employeurs-
employés et que son application constitutionnelle dépend des
principes concernant la détermination des compétences législa-
tives en ce domaine.
Le demandeur Qu'Appelle Indian Residential
School Council affirme qu'il n'est pas soumis aux
lois sur les relations de travail du gouvernement
canadien et qu'il est une société chargée d'adminis-
trer une école. Invoquant le «critère fonctionnel»,
comme l'exigent plusieurs précédents, il prétend
décrire adéquatement ses activités en disant qu'il
dirige un pensionnat. Il conclut qu'en l'espèce, les
relations de travail ne devraient pas être considé-
rées comme relevant du paragraphe 91(24) de la
Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict.,
chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n° 5]
(mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitution-
nelle de 1982, n° 1)] qui vise «les Indiens et les
terres réservées aux Indiens» mais plutôt de l'arti-
cle 93 qui place en principe l'éducation sous le
contrôle des provinces.
Le demandeur a donc voulu obtenir un jugement
déclarant que le Tribunal canadien des droits de la
personne n'avait pas le pouvoir d'enquêter sur la
plainte portée par la défenderesse, l'Alliance de la
Fonction publique du Canada, et une ordonnance
en vue d'empêcher ledit Tribunal de mener une
telle enquête. En l'espèce, la défenderesse, la Com
mission canadienne des droits de la personne,
demande une ordonnance ou un jugement rejetant
l'action du demandeur.
On admet généralement que la question des
relations de travail relève de la compétence législa-
tive des provinces car elle touche à la propriété et
aux droits civils, au sens du paragraphe 92(13) de
la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
Toutefois, on considère habituellement que cette
règle comporte quatre exceptions. Dans Reference
re Industrial Relations and Disputes Act (l'arrêt
Stevedoring), [1955] R.C.S. 529, le juge Estey
énumère ces quatre exceptions à la page 564:
[TRADUCTION] Cette jurisprudence montre que le Parlement
du Canada possède la compétence pour légiférer à l'égard des
relations ouvrières et de la main-d'oeuvre même si ces relations
entrent dans la catégorie de la propriété et des droits civils au
sens de l'art. 92(13) de l'Acte de l'A.N.B. et donc, sont
soumises à la loi provinciale. Cette compétence du Parlement
pour ainsi légiférer comprend ces situations où la main-d'œuvre
et les relations ouvrières sont a) parties intégrantes des rubri-
ques énumérées dans l'art. 91 ou nécessairement incidentes; b)
afférentes aux employés du gouvernement central; c) afférentes
aux ouvrages et entreprises mentionnés aux art. 91(29) et
92(10); d) afférentes aux ouvrages, entreprises ou affaires
situés au Canada mais à l'extérieur de toute province.
Dans l'arrêt Conseil canadien des relations du
travail et autre c. Yellowknife, [1977] 2 R.C.S.
729, la page 736, le juge Pigeon dit:
Cela étant, il reste à trancher la question de savoir si, dans le
contexte du Code du travail, la définition de l'expression
«entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale» englobe
les activités d'une corporation municipale.
En examinant cette question, on doit se rappeler qu'il est bien
établi que la compétence en matière de travail relève du pouvoir
législatif sur l'exploitation et non sur la personne de
l'employeur.
Le demandeur fonde son argumentation princi-
palement sur l'arrêt Four B Manufacturing Ltd. c.
Travailleurs unis du vêtement d'Amérique et
autre, [1980] 1 R.C.S. 1031. Il s'agissait dans
cette affaire d'une entreprise de fabrication de
chaussures exploitée par des Indiens qui en étaient
les propriétaires par l'intermédiaire d'une société
constituée en vertu des lois de la province. L'entre-
prise était située sur une réserve, engageait surtout
des Indiens et était financée par le ministère des
Affaires indiennes. Le Conseil de la bande
indienne n'avait rien à voir avec la société. Dans
cet arrêt, le juge Beetz, parlant au nom de la
majorité (le juge en chef Laskin et le juge Ritchie
étant dissidents), expose la règle comme suit à la
page 1045:
À mon avis, les principes établis pertinents à cette question
peuvent être résumés très brièvement. En ce qui a trait aux
relations de travail, la compétence législative provinciale exclu
sive est la règle, la compétence fédérale exclusive est l'excep-
tion. L'exception comprend, principalement, les relations de
travail relatives aux entreprises, services et affaires qui, compte
tenu du critère fonctionnel de la nature de leur exploitation et
de leur activité normale, peuvent être qualifiés d'entreprises, de
services ou d'affaires de compétence fédérale:
Appliquant cette règle à la situation de Four B,
le juge Beetz concluait à la page 1046:
Rien dans l'affaire ou l'exploitation de Four B ne pourrait
permettre de la considérer comme une affaire de compétence
fédérale: la couture d'empeignes sur des souliers de sport est
une activité industrielle ordinaire qui relève nettement du pou-
voir législation provincial sur les relations de travail. Ni la
propriété de l'entreprise par des actionnaires indiens, ni l'em-
bauchage par cette entreprise d'une majorité d'employés
indiens, ni l'exploitation de cette entreprise sur une réserve
indienne en vertu d'un permis fédéral, ni le prêt et les subven-
tions du fédéral, pris séparément ou ensemble, ne peuvent avoir
d'effet sur la nature de l'exploitation de cette entreprise. Donc,
compte tenu du critère fonctionnel et traditionnel, The Labour
Relations Act s'applique aux faits de l'espèce et la Commission
a compétence.
En examinant les prétentions de l'appelante, le
juge Beetz a expliqué ainsi le sens à donner au
critère fonctionnel, à la page 1047:
Le critère fonctionnel est une méthode particulière d'applica-
tion d'une règle plus générale, savoir, que la compétence fédé-
rale exclusive en matière de relations de travail n'existe que si
l'on peut établir qu'elle fait partie intégrante de sa compétence
principale sur une autre matière fédérale: l'arrêt Stevedoring.
Cet exposé du droit permet de conclure qu'aux
fins de décider qui aura compétence sur les rela
tions de travail dans un cas précis, il ne s'agit pas
de savoir qui est l'employeur, qui sont les
employés, à quel endroit sont exécutées les opéra-
tions ou qui les finance. Il faut plutôt considérer le
genre ou la nature des activités en cause. Dans
l'arrêt Four B, la Cour suprême du Canada a
décidé à la majorité que le genre d'activités prati-
quées par les Indiens n'avait absolument rien à
voir avec leur statut ou leurs privilèges en tant
qu'Indiens, et que le fait de coudre des empeignes
sur des souliers de sport doit être considéré comme
une activité industrielle ordinaire. Aussi, les rela
tions de travail seraient, dans ces circonstances,
soumises aux lois provinciales.
Dans l'arrêt Francis c. Conseil canadien des
relations du travail, [1981] 1 C.F. 225 (C.A.), qui
fut infirmé pour d'autres motifs dans [1982] 2
R.C.S. 72, la Cour a rendu un jugement contraire
à celui de Four B et elle a maintenu l'accrédita-
tion, par le Conseil canadien des relations du
travail, d'une unité de négociation composée des
employés du Conseil de la bande de Saint-Régis.
Ces employés assumaient diverses responsabilités
dont l'administration de l'éducation, des terres et
propriétés immobilières indiennes, des logements,
des travaux publics et des foyers pour personnes
âgées ainsi que l'entretien des écoles, des routes,
l'hygiène publique et l'enlèvement des ordures
ménagères. Le juge Heald, dont l'opinion sur la
question de la compétence a été suivie par les deux
autres juges, a statué que les activités des employés
de l'unité de négociation étaient si étroitement
reliées au statut et aux privilèges des Indiens que
les relations de travail constituaient «une partie
intégrante de la compétence fédérale principale sur
les Indiens ou les terres réservées aux Indiens». Il a
donc conclu que l'accréditation de l'unité de négo-
ciation relevait de la compétence du Conseil cana-
dien des relations du travail. Il a établi une distinc
tion avec l'arrêt Four B (précité) en indiquant que
dans cette affaire les Indiens de la réserve géraient
une entreprise commerciale n'ayant aucun effet
sur le statut et les droits des employés en tant
qu'Indiens ou membres de la bande, alors que dans
l'affaire Francis, les employés ou le Conseil parti-
cipaient à l'administration générale de la bande, ce
qui touchait incontestablement au statut, aux
droits et aux privilèges des Indiens de la bande.
Dans l'arrêt Whitebear Band Council v. Car
penters Prov. Council of Sask., [1982] 3 W.W.R.
554 (C.A. Sask.), des menuisiers et apprentis-
menuisiers engagés par le Whitebear Band Coun
cil pour réaliser un projet de construction et de
rénovation domiciliaire financé par le gouverne-
ment fédéral ont présenté une demande d'accrédi-
tation au Saskatchewan Labour Board. La déci-
sion de ce dernier d'accréditer l'unité a été annulée
par la Cour d'appel de la Saskatchewan pour le
motif que le Saskatchewan Labour Board avait
excédé sa compétence. Le juge Cameron de la
Cour d'appel a conclu en ces termes (à la page
566):
[TRADUCTION] Je suis en conséquence convaincu que dans les
circonstances, la construction de maisons sur la réserve fait
partie intégrante des activités générales du conseil de la bande
et elle ne peut être à bon droit isolée de son tout et traitée
comme une activité industrielle ordinaire dans la province et
relevant de la compétence provinciale ...
De prime abord, la présente instance semble
analogue à l'arrêt Four B (précité). Comme dans
cette dernière cause, le Conseil en l'espèce reçoit
des fonds du ministère fédéral des Affaires indien-
nes et du Nord canadien, il exerce ses activités sur
une réserve indienne et il engage principalement
(sinon exclusivement) des Indiens. Egalement, le
Conseil en l'espèce est une société privée constituée
en vertu des lois de la province, tout comme c'était
le cas dans l'arrêt Four B, même si le Conseil est
un organisme à but non lucratif alors que Four B
Manufacturing Ltd. avait été constituée comme
une entreprise commerciale. Toutefois, ces ressem-
blances sont sans importance puisque, comme l'a
précisé le juge Beetz dans l'arrêt Four B (précité),
ce n'est pas l'endroit où l'entité exerce ses activités
ni qui elle engage qui sont les éléments détermi-
nants dans l'attribution de la compétence mais
bien ce qu'elle fait. La question clé est de savoir
comment on peut caractériser la nature et les
fonctions du demandeur.
En l'espèce, j'estime que les attributions du Con-
seil peuvent et doivent de par leur nature, être
considérées comme faisant partie intégrante de la
compétence principale fédérale sur les Indiens et
les terres indiennes en vertu du paragraphe 91(24)
de la Loi constitutionnelle de 1867. La présente
conclusion s'appuie sur les faits de la cause. Le
Conseil a pour fonction d'administrer le Qu'Ap-
pelle Residential Indian School, ce qui comprend
la construction et l'entretien des édifices et des
résidences scolaires, la gestion des finances et du
personnel de l'École, de même que l'élaboration
des politiques scolaires. Parmi les objets énoncés
dans le certificat de constitution du Conseil et dans
son acte constitutif, on retrouve ce qui suit (voir les
annexes «B» et «C», article 2f), de l'exposé conjoint
des faits):
[TRADUCTION] La Society [ci-après appelée la «société»] a
pour objets:
f) la protection et la promotion de la littérature, de l'histoire
et des arts indiens de même que la protection et la promotion
des éléments culturels et traditionnels les plus précieux,
notamment la langue, la religion, la musique folklorique, la
danse, l'artisanat et généralement toutes les coutumes indien-
nes et elle doit faire les recommandations nécessaires au
gouvernement du Canada afin que lesdits éléments culturels
puissent être inclus dans le programme académique du
Qu'Appelle Indian Residential School.
Les règlements du Conseil sont également révé-
lateurs (voir l'annexe «C» de l'exposé conjoint des
faits), par exemple:
1. Le règlement afférent à la composition de la
société indique que cette dernière doit être accessi
ble à tout Indien visé par un traité et à tout Indien
inscrit des districts de Touchwood-File Hills-
Qu'Appelle et de Yorkton de la Regina Indian
Society.
2. Le règlement afférent aux officiers et adminis-
trateurs énonce:
[TRADUCTION] Il doit y avoir 25 candidats; chaque bande
indienne doit être une bande au sens de la Loi sur les Indiens et
être située dans les districts de Touchwood-File Hills-Qu'Ap-
pelle et de Yorkton et chacune choisit un candidat pour assister
à l'assemblée générale de la société; la Regina Indian Society,
qui s'appelait autrefois Regina Urban Indian Association, choi-
sit un candidat pour assister aux assemblées générales de ladite
société et ces 25 candidats choisissent ensemble les administra-
teurs de la société; ils sont les seules personnes éligibles aux
postes d'administrateurs de la société.
3. Le règlement afférent aux devoirs et pouvoirs
des administrateurs prévoit:
[TRADUCTION] d) Les administrateurs doivent discuter du
programme académique de l'école et faire des recommanda-
tions à l'assemblée générale et au gouvernement du Canada en
vue d'apporter au programme des modifications qui favorise-
ront la réalisation des buts et objectifs de la société.
k) De concert avec le gouvernement fédéral, les administra-
teurs doivent réglementer les admissions au Qu'Appelle Indian
Residential School.
4. Le règlement afférent à l'exercice des pouvoirs
financiers énonce:
[TRADUCTION] a) Pour atteindre ses objectifs, la société
demandera au gouvernement fédéral de signer une entente en
vertu de laquelle celui-ci lui versera à chaque année les fonds
nécessaires pour couvrir les coûts relatifs aux étudiants, à
l'entretien, aux réparations, aux améliorations, aux rénovations
et aux charges d'exploitation.
Le traité n° 4 prévoit spécifiquement que [TRA-
DUCTION] «Sa Majesté s'engage à fournir les ser
vices d'une école dans la réserve attribuée à
chaque bande dès que cette dernière sera établie
sur ladite réserve et qu'elle pourra accueillir un
enseignant». (Voir l'annexe «I» de l'exposé conjoint
des faits.) Même si en 1981 le ministre a transféré
la responsabilité de l'administration de l'École au
«conseil consultatif local», il a été autorisé en vertu
de l'article 114 de la Loi sur les Indiens, S.R.C.
1970, chap. I-6, et ses modifications, à conclure
avec le demandeur, pour chacune des années 1981
à 1985 inclusivement, des accords détaillés relati-
vement à l'éducation des enfants indiens suivant
les prescriptions de cette Loi. (Voir les annexes
«Q» à «T» inclusivement de l'exposé conjoint des
faits.)
Je suis donc d'avis que le Qu'Appelle Indian
Residential School et les relations de travail de
cette institution relèvent de la compétence fédérale
car il en a toujours été ainsi. Pour la période entre
1968 et 1973, l'École était de fait dirigée par le
ministre fédéral responsable des Affaires indien-
nes, après quoi le gouvernement a progressivement
transféré ses responsabilités au Conseil qui était
composé des vingt-quatre chefs de bande représen-
tant les vingt-quatre bandes des districts de Touch-
wood -File Hills-Qu'Appelle et de Yorkton. Depuis
sa fondation en 1887, l'Ecole a été financée par le
gouvernement fédéral vis-à-vis duquel elle est res-
ponsable en fin de compte, conformément aux
articles 114 123 de la Loi sur les Indiens.
De plus, le Conseil s'estimait toujours assujetti à
la compétence du gouvernement fédéral lorsqu'il a
dû faire face à l'accréditation de 1'AFPC en tant
qu'unité de négociation pour ses employés. Il n'a
formulé devant le Conseil canadien des relations
du travail aucun argument d'ordre constitutionnel
contre ladite accréditation.
Dans ce contexte, je suis tout à fait d'accord
avec l'opinion émise dans l'extrait suivant de la
décision du Tribunal des droits de la personne,
décision qui est jointe à l'affidavit du chef Irvin
Starr sous la cote «E»:
[TRADUCTION] Le fait que l'École a été conçue et mise en
opération pour des Indiens, qu'elle est dirigée uniquement par
des Indiens, que les inscriptions sont limitées aux Indiens, le
fait également que ses objectifs consistent à promouvoir les
coutumes indiennes et que le programme académique incorpore
l'enseignement des langues et de la culture indiennes, tout cela
favorise la reconnaissance du «caractère indien» des activités et
les rattache aux droits, au statut et aux privilèges des Indiens.
Devant tous ces faits, il importe peu que plu-
sieurs écoles administrées par la province de la
Saskatchewan offrent des programmes d'études
sur les autochtones et sur la langue crie. D'ailleurs,
l'affidavit de Daniel J. Russell confirme qu'il y a
effectivement des écoles qui offrent des cours
d'études sur les autochtones aux étudiants de 10e à
12e année; toutefois, quoiqu'il puisse y avoir eu des
cours d'études sur les autochtones offerts au
niveau des divisions, là où un intérêt local suffisant
le justifiait, M. Russell déclare qu'à sa connais-
sance, aucun de ces cours n'est dispensé aux étu-
diants de i fe à 9 e année dans le système scolaire
provincial. Une liste des écoles qui offrent des
cours de langue crie et autres langues autochtones
a été fournie et la majorité des écoles qui dispen-
sent des cours de langues indiennes sont dirigées
par des bandes indiennes ou par le ministère des
Affaires indiennes.
À mon avis, comme dans les arrêts Francis et
Whitebear (précités), les employés du Conseil en
l'espèce sont tellement engagés dans les activités
afférentes au statut, aux droits et aux privilèges
des Indiens que leurs relations de travail avec le
Conseil doivent être considérées comme formant
une partie intégrante de la compétence principale
fédérale sur les Indiens et les terres indiennes,
prévue au paragraphe 91(24) de la Loi constitu-
tionnelle de 1867.
Selon les critères fonctionnel et traditionnel,
donc, les faits en l'espèce indiquent que la nature
des opérations du Qu'Appelle Residential Indian
School est principalement fédérale, que l'École est
sujette à la législation fédérale concernant les rela
tions de travail et en conséquence que le Tribunal
canadien des droits de la personne a compétence
pour instruire la plainte portée contre le deman-
deur.
Pour tous ces motifs, la requête de la défende-
resse, la Commission canadienne des droits de la
personne, en vue d'obtenir le rejet de l'action du
demandeur sur le fondement de la Règle 341 de
cette Cour doit être accueillie avec dépens contre
le demandeur.
Compte tenu de la conclusion ci-dessus, la
requête du demandeur en vue d'obtenir une ordon-
nance interlocutoire en vertu de l'article 18 de la
Loi sur la Cour fédérale empêchant le Tribunal
canadien des droits de la personne de mener une
enquête en l'espèce «jusqu'à une ordonnance ulté-
rieure de cette Cour» doit être rejetée avec dépens.
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