A-552-86
D. Morgan Firestone (appelant)
c.
La Reine (intimée)
RÉPERTORIÉ: FIRESTONE C. CANADA
Cour d'appel, juges Heald, Urie et MacGuigan—
Toronto, 7 et 8 avril; Ottawa, 1 °r mai 1987.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
Le contribuable a acquis des entreprises se trouvant en diffi
culté afin d'en faire des entreprises rentables et a créé une
société de portefeuille ayant pour objet de détenir leurs actions
— Les dépenses engagées pour mettre sur pied un tel conglo-
mérat sont-elles imputables au capital ou au revenu? — Les
dépenses engagées pour étudier divers investissements possi
bles ne sont pas déductibles — Les dépenses relatives à la
supervision des sociétés acquises sont déductibles — Loi de
l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, art. 12(1)a),b);
S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 18(1)a),b).
En 1968, l'appelant a entamé la mise sur pied d'une entre-
prise d'investissement de capital-risque lui permettant d'acqué-
rir des petites ou moyennes entreprises industrielles se trouvant
en difficulté et d'en faire des entreprises rentables. De 1969 à
1972, l'appelant et ses employés ont étudié 50 débouchés
commerciaux possibles. Quatre entreprises commerciales ont
été acquises, et leur exploitation supervisée (l'appelant et ses
employés donnaient des directives et des conseils généraux sans
prendre part aux opérations courantes). En 1971, l'appelant a
constitué une société de portefeuille ayant pour objet de détenir
les actions de ces sociétés.
L'appelant a inscrit les dépenses d'étude et de supervision
prémentionnées au poste des déductions pour les années d'impo-
sition 1969 à 1972. Le ministre a rejeté ces déductions. Il s'agit
d'un appel interjeté du jugement de la Division de première
instance rejetant l'appel formé à l'encontre de la décision du
ministre.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli uniquement en ce qui a
trait aux dépenses de supervision.
La principale question posée en l'espèce (qui consiste à savoir
si une dépense particulière est imputable au capital ou au
revenu) est une question classique de droit (et de fait) ne
pouvant être tranchée sur le seul fondement soit des principes
comptables généralement reconnus soit des conclusions de fait
du juge de première instance. Il n'existe aucun critère permet-
tant de trancher nettement une telle question. Toutefois, l'on a
généralement reconnu que les dépenses relatives à l'acquisition
ou à la mise sur pied d'une entité commerciale sont imputables
au compte capital. Tel est le cas en l'espèce en ce qui concerne
les dépenses relatives à l'étude des débouchés possibles. Et il
n'importe point que les études dont on veut déduire les coûts
aient conduit à des acquisitions—l'appelant a reconnu qu'il
s'agissait alors de dépenses de capital--ou ne l'aient point fait:
Neonex International Ltd. c. Sa Majesté la Reine (1978), 78
DTC 6339 (C.A.F.). Ces dépenses appartenaient toutes à la
même catégorie et avaient été engagées pour la même fin.
Les frais relatifs à la supervision sont, d'autre part, déducti-
bles. Ces dépenses ont été engagées afin de surveiller la ligne de
conduite fiscale et les opérations commerciales des sociétés et
de leur donner des directives et des conseils généraux destinés à
les rendre encore plus rentables. Les tribunaux ont sanctionné
une distinction entre la mise sur pied d'une entreprise et
l'exploitation d'une entreprise en marche ainsi qu'entre l'acqui-
sition de nouveaux biens et l'amélioration de biens existants. La
possibilité de déduire de telles dépenses est tributaire de la
question de savoir si celles-ci ont été engagées afin de gagner un
revenu, une condition dont la réalisation dépend des faits
particuliers à chaque espèce.
L'entreprise de l'appelant n'était pas principalement une
entreprise de gestion d'actions, auquel cas les coûts relatifs à la
supervision n'auraient pas été déductibles: ses activités consis-
taient plutôt à gérer de manière rentable (de façon indirecte)
ses sociétés en exploitation. La cause de l'appelant n'est pas non
plus affaiblie parce que l'entreprise de ce dernier ne génère
aucun revenu immédiat et ne comporte aucune source de
revenu immédiat: Vallambrosa Rubber Company Limited v.
Farmer (1910), 5 T.C. 529 (Ct Sess., Écosse). Une interpréta-
tion réaliste, pratique et fondée sur le sens commun ne sera
écartée au profit de considérations étroites d'ordre technique
que si celles-ci se trouvent clairement imposées par la loi.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Neonex International Ltd. c. Sa Majesté la Reine
(1978), 78 DTC 6339 (C.A.F.); confirmant (1977), 77
DTC 5321 (C.F. 1`e inst.); British Insulated and Helsby
Cables v. Atherton, [1926] A.C. 205 (H.L.); Sun News
papers Ltd. v. Federal Commissioner of Taxation
(1938), 61 C.L.R. 337 (H.C. of Aust.); Johns -Manville
Canada Inc. c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46; 85 DTC
5373; [1985] 2 CTC 111; B.P. Australia Ltd. v. Comr. of
Taxation of the Commonwealth of Australia, [1966]
A.C. 224 (P.C.); Hallstroms Pty. Ltd. v. Federal Com
missioner of Taxation (1946), 72 C.L.R. 634 (H.C. of
Aust.); Canada Starch Co. v. Minister of National Reve
nue, [1969] 1 R.C.É. 96; (1968), 68 DTC 5320; Le
ministre du Revenu national c. M. P. Drilling Ltd.
(1976), 76 DTC 6028 (C.A.F.); Irrigation Industries
Limited v. The Minister of National Revenue, [1962]
R.C.S. 346; Bowater Power Co. Ltd. c. Le ministre du
Revenu national, [1971] C.F. 421; 71 DTC 5469 (1"
inst.); Odeon Associated Theatres Ltd v Jones (Inspector
of Taxes), [1972] 1 All ER 681 (C.A.); Oxford Shopping
Centres Ltd. c. R., [1980] 2 C.F. 89; (1979), 79 DTC
5458 (1te inst.); Vallambrosa Rubber Company Limited
v. Farmer (1910), 5 T.C. 529 (Ct Sess., Écosse).
DÉCISIONS CITÉES:
Van Den Berghs, Ld. v. Clark (Inspector of Taxes),
[1935] A.C. 431 (H.L.); Stein et autres c. Le navire
«Kathy K» et autres, [1976] 2 R.C.S. 802.
AVOCATS:
David C. Nathanson pour l'appelant.
D. H. Aylen, c.r. et Paul E. Plourde pour
l'intimée.
PROCUREURS:
McDonald & Hayden, Toronto, pour l'appe-
lant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN: La présente espèce fait
ressortir de nouvelles insuffisances de la loi régis-
sant l'impôt sur le revenu, insuffisances qui ont
trait au vieux problème de savoir si une somme
d'argent doit être qualifiée de revenu ou de capital.
Ce type de problème peut survenir soit au chapitre
des recettes soit à celui des dépenses. Ainsi que l'a
exprimé lord Macmillan dans l'arrêt Van Den
Berghs, Ld. v. Clark (Inspector of Taxes), [1935]
A.C. 431 (H.L.), à la page 439, [TRADUCTION] «le
contribuable et la Couronne soutiendront l'un ou
l'autre point de vue suivant que le poste en cause a
trait aux recettes ou aux dépenses, et ils présente-
ront tour à tour des arguments visant à élargir ou
à restreindre le concept de revenu». En l'espèce, le
litige porte sur des dépenses, que le contribuable
veut mettre au rang des déductions admissibles et
dont la Couronne prétend qu'elles constituent des
dépenses de capital.
I
Il s'agit d'un appel interjeté d'un jugement du juge
McNair [(1986), 4 F.T.R. 223; 86 DTC 6405] en
date du 7 juillet 1986, jugement qui, dans sa
version corrigée (par une ordonnance en date du
27 août 1986 [[1987] C.C.L. 4095]), a accueilli
l'appel interjeté à l'encontre de nouvelles cotisa-
tions établies par le ministre relativement aux
années d'imposition 1969 à 1972 inclusivement de
l'appelant en ce qui a trait à la déductibilité de
certaines dépenses dont le caractère déductible a
été reconnu par les parties mais qui, à tous autres
égards, a maintenu les nouvelles cotisations.
Le juge de première instance a, en conséquence,
rejeté la prétention de l'appelant voulant qu'il soit
également ordonné au ministre du Revenu national
d'examiner à nouveau sa cotisation et d'établir une
nouvelle cotisation en tenant pour acquis que les
dépenses effectuées par l'appelant pour les années
d'imposition 1969 à 1972 qui avaient été placées
sous les rubriques [TRADUCTION] «étude de
débouchés» et [TRADUCTION] «supervision de
sociétés», dépenses s'élevant respectivement à
77 590 $ et 101 640 $, devraient également être
admises à titre de déductions pour les années
pertinentes.
Les faits sont essentiellement les suivants. En
1968, l'appelant a résigné ses fonctions de prési-
dent de la Firestone Tire and Rubber Company of
Canada Limited pour commencer sa propre entre-
prise d'investissement de [TRADUCTION] «capi-
tal—risque», qui lui permettrait d'acquérir des
petites ou moyennes entreprises industrielles se
trouvant en difficulté ou dans une situation finan-
cière précaire mais qui pouvaient, grâce à une
supervision et à une gestion appropriée, être mises
sur la bonne voie. Il espérait former un groupe-
ment de sociétés diversifiées oeuvrant dans le sec-
teur industriel, pour en faire un [TRADUCTION]
«mini-conglomérat» dont les actions seraient éven-
tuellement offertes au public.
Dans la poursuite de cet objectif, l'appelant a
loué des locaux commerciaux et a embauché des
employés à plein temps et à temps partiel qui
devaient l'aider à étudier divers débouchés com-
merciaux et à superviser l'exploitation des sociétés
qui seraient acquises. Au cours des années 1969 à
1972, l'appelant et ses employés ont étudié et
évalué une cinquantaine de débouchés et possibili-
tés commerciaux, dont le large éventail comprenait
des produits, des brevets, des licences et du savoir-
faire, aussi bien que des sociétés.
L'appelant n'a fait aucune acquisition en 1969,
mais en 1970, il a acquis toutes les actions émises
de trois sociétés. En 1971, il a constitué la Firan
International Limited («Firan») et a acquis toutes
ses actions; celle-ci a ensuite acquis toutes les
actions du capital-actions d'une autre société. En
1972, l'appelant a transmis toutes les actions des
trois sociétés qu'il avait acquises en 1970 à Firan,
qui est alors devenue la société de portefeuille
détenant les actions de ces quatre sociétés.
Dès les premières acquisitions en 1970, l'appe-
lant et ses employés ont supervisé et contrôlé les
sociétés qu'il avait acquises, conférant avec leur
direction et leur donnant des directives et des
conseils généraux sans prendre part à leurs opéra-
tions courantes, dans le but d'accroître leur renta-
bilité. Évidemment, ils ont également continué
d'étudier de nouveaux débouchés.
Après la transmission des actions des sociétés
d'exploitation à Firan en 1972, les deux employés
principaux de l'appelant sont devenus des
employés de Firan, tout en continuant d'être
employés et payés par l'appelant pour effectuer des
études concernant d'autres entreprises industriel-
les.
Les dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt
sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148 (mod. par
S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1)] sont énoncées
par le juge de première instance, dont l'analyse
minutieuse vaut d'être citée de façon assez com-
plète [aux pages 225 230 F.T.R.; 6407 6410
DTC]:
En ce qui concerne les années d'imposition 1969, 1970 et
1971, les dispositions légales s'appliquant plus particulièrement
au cas du demandeur sont les art. 3 et 4, les alinéas 12(1)a) et
b) et le paragraphe 203(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu,
S.R.C. 1970, chap. I-5. Le 23 décembre 1971, des modifica
tions importantes ont été apportées à la Loi de l'impôt sur le
revenu à la suite de l'adoption d'une Loi modificative, S.C.
1970-71-72, chap. 63. Les anciennes dispositions légales ont été
révisées et une nouvelle numérotation leur a été donnée, de
sorte qu'elles sont ainsi conçues:
3. Le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition,
aux fins de la présente Partie, est son revenu pour l'année,
déterminé selon les règles suivantes:
a) en calculant le total des sommes qui constituent cha-
cune le revenu du contribuable pour l'année (autre qu'un
gain en capital imposable résultant de la disposition d'un
bien), dont la source se situe à l'intérieur ou à l'extérieur
du Canada, y compris, sans restreindre la portée générale
de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi,
entreprise et bien; ...
9.(1) Sous réserve des dispositions de la présente Partie, le
revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien
pour une année d'imposition est le bénéfice qu'il en tire pour
cette année.
(2) Sous réserve des dispositions de l'art. 31, la perte subie
par un contribuable dans une année d'imposition relative-
ment à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte,
si perte il y a, subie dans cette année d'imposition relative-
ment à cette entreprise ou à ce bien, calculée en appliquant
mutatis mutandis les dispositions de la présente loi afférentes
au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.
18.(1) Dans le calcul du revenu du contribuable, tiré d'une
entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas
déductibles;
a) un débours ou une dépense sauf dans la mesure où elle
a été faite ou engagée par le contribuable en vue de tirer
un revenu des biens ou de l'entreprise ou de faire produire
un revenu aux biens ou à l'entreprise;
b) une somme déboursée, une perte ou un remplacement
de capital, un paiement à titre de capital ou une provision
pour amortissement, désuétude ou épuisement, sauf ce qui
est expressément permis par la présente Partie;
248.(1) Dans la présente loi,
«entreprise ou affaire» comprend une profession, un métier,
un commerce, une manufacture ou une activité de quelque
genre que ce soit, y compris un projet comportant un
risque ou une affaire de caractère commercial, mais ne
comprend pas une charge ni un emploi;
«biens» signifie des biens de toute nature, meubles ou
immeubles, corporels ou incorporels et comprend, sans
restreindre la portée générale de ce qui précède,
a) un droit de quelque nature qu'il soit, une action ou
part,
Bref, je parlerai, à toutes fins utiles, des dispositions légales
pertinentes en les désignant par le numéro qui leur a été donné
lors des modifications de 1971. Elles sont à peu près identiques
aux dispositions antérieures de l'ancienne Loi.
Pour qu'une dépense puisse être déduite, dans le calcul du
revenu d'un contribuable, deux conditions préalables doivent
être respectées. La dépense doit avoir été faite ou engagée par
le contribuable afin de tirer un revenu des biens ou de l'entre-
prise ou de faire produire un revenu aux biens ou à l'entreprise,
au sens de l'art. 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Une
fois qu'il a été conclu qu'une dépense particulière a été faite
afin de tirer un revenu ou de faire produire un revenu, il faut
alors déterminer si elle constitue ou non un paiement à titre de
capital au sens de l'art. 18(1)b): voir B.C. Electric Railway Co.
Ltd. v. M.N.R., [1958] S.C.R. 133; 58 DTC 1022. La défende-
resse soutient qu'aucune de ces deux conditions préalables n'est
remplie relativement aux dépenses en question.
Il est reconnu que le demandeur avait pour objectif final de
réaliser des bénéfices à l'aide des entreprises qu'il avait acqui-
ses. La preuve ne laisse planer presque aucun doute quant au
fait que l'activité dans laquelle il s'était engagé occupait une
bonne partie de son temps, de son attention et de ses énergies.
L'avocat de la défenderesse a soutenu avec véhémence qu'ache-
ter des actions afin de réaliser un bénéfice en les détenant à
titre de placement ne constitue pas une entreprise. Il a été
signalé que le demandeur n'exigeait pas de frais de gestion du
conglomérat. On a mis l'accent sur le fait qu'il n'existait
aucune entreprise visant à la prestation de services de gestion.
Par conséquent, il n'y avait aucune source de revenu ni aucune
attente raisonnable de tirer un profit d'une activité pouvant être
considérée, strictement parlant, comme une entreprise. Il y
avait au plus l'attente d'un avantage final en tant qu'investis-
seur. L'avocat de la défenderesse a donc soutenu que les
dépenses engagées lors de l'étude des débouchés et de la
supervision des sociétés acquises à la suite de pareille étude ne
pouvaient pas être déduites du revenu.
Le revenu provenant de la propriété d'actions de sociétés est
généralement considéré comme un revenu tiré d'un bien n'exi-
geant normalement pas que le détenteur lui consacre beaucoup
d'effort ou d'énergie afin d'obtenir le rendement prévu: Hollin-
ger c. M.R.N., 73 D.T.C. 5003 (C.F. 1' inst.).
Les sociétés acquises par le demandeur étaient des entrepri-
ses en mauvaises affaires ou des entreprises stagnantes qui
avaient été prises en considération par suite des possibilités non
réalisées de profit qu'elles offraient. On a consacré beaucoup de
temps, de soin et d'énergie aux fins de leur acquisition initiale
et par la suite. La preuve montre que ces acquisitions n'au-
raient probablement pas produit un revenu positif sans l'inter-
vention professionnelle énergique et active du demandeur et de
ses principaux employés. Le litige, me semble-t-il, porte sur la
question de savoir si les dépenses en question ont été imputées
au revenu à titre de dépenses courantes engagées dans le cadre
de l'exploitation de l'entreprise à capital de risque du deman-
deur, ou s'il s'agissait de dépenses de capital qui ont été payées
dans le cadre d'un projet visant à former ou à constituer la
structure même de l'entreprise, soit un conglomérat.
La question a fait l'objet de nombreux arrêts, au cours des
ans ... [Il a alors mentionné les décisions rendues dans les
affaires Canada Starch Co. Ltd. v. M.N.R., [1969] 1 R.C.E.
96; 68 DTC 5320; Bowater Power Co. Ltd. c. Le ministre du
Revenu national, [1971] C.F. 421; 71 DTC 5469 (1" inst.);
Ministre du Revenu national c. Algoma Central Railway,
[1968] R.C.S. 447; 68 DTC 5096; Oxford Shopping Centres
Ltd. c. R., [1980] 2 C.F. 89; (1979), 79 DTC 5458 (1f» inst.);
Johns -Manville Canada Inc. c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46;
85 DTC 5373; [1985] 2 CTC 111; et Neonex International
Ltd. c. La Reine (1977), 77 DTC 5321 (C.F. 1" inst.); confirmé
par (1978), 78 DTC 6339 (C.A.F.)].
[...] il n'existe aucun principe fondamental qui puisse s'ap-
pliquer à toutes les situations. Chaque affaire doit pour ainsi
dire être jugée selon son bien-fondé. En tout état de cause, il
semblerait être certain que les dépenses du demandeur ont été
faites ou engagées «afin de tirer un revenu ou de faire produire
un revenu» et ce, qu'il s'agisse d'un revenu tiré d'un bien ou
d'un revenu d'entreprise. Le demandeur soutient, bien sûr, qu'il
s'agissait de dépenses courantes engagées dans le cadre des
activités lucratives de son entreprise. Tel est le nœud du litige
et la question qu'il reste à trancher, à mon sens, est celle de
savoir s'il s'agissait de dépenses ordinaires ou de dépenses de
capital au sens de l'art. 18(1)b).
Compte tenu de la preuve, je conclus que le demandeur était
un entrepreneur compétent et déterminé qui n'hésitait pas à
acquérir des entreprises commerciales en mauvaises affaires,
mais offrant des possibilités distinctes, en vue d'en faire des
entreprises rentables. Dans chaque cas, les sociétés ont été
acquises au moyen de l'achat de leurs actions et uniquement
après mûre réflexion et après avoir minutieusement évalué leur
situation. Le contribuable a consacré tous ses efforts et a fait
appel à toutes ses connaissances pour accroître la rentabilité des
sociétés acquises. Un objectif concomitant, une fois que le
niveau souhaité de rentabilité avait été atteint, était de créer
une société de portefeuille dont les actions seraient vendues au
public. L'objectif à long terme était d'en tirer profit au moyen
de dividendes versés par l'entremise de la société de
portefeuille.
Tel était essentiellement le but du projet du demandeur. Je
dois maintenant me demander si ce projet est différent de celui
qu'avait formé la contribuable dans l'affaire Neonex. À mon
avis, il ne l'est pas. Étant donné que le demandeur a peut-être
envisagé un certain nombre de débouchés commerciaux avant
de prendre finalement une décision, l'entreprise elle-même a
réellement pris naissance lors de l'acquisition des sociétés d'ex-
ploitation. C'est ce qui a donné lieu à la constitution de la
structure ou de l'entité commerciale fondamentale. La création
de la société de portefeuille venait en dernier. Je ne puis
considérer l'organisation du conglomérat comme étant autre
chose qu'un investissement. Il s'ensuit logiquement que les
dépenses en litige n'étaient pas des dépenses courantes engagées
dans le cadre des activités lucratives de l'entreprise. Ces dépen-
ses ont plutôt été engagées dans le cadre d'un projet visant à la
fusion de structures ou d'entités commerciales. Par conséquent,
à mon avis, il s'agissait de dépenses de capital, au sens de l'art.
18(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
II
L'appelant a soutenu devant cette Cour que le juge
de première instance avait commis quatre erreurs:
(1) il aurait fait défaut d'accorder l'importance
voulue au témoignage d'expert non contredit sui-
vant lequel les pratiques et les principes compta-
bles reconnus veulent qu'il soit préférable de ne
pas considérer les dépenses en l'espèce comme des
dépenses de nature capitale ou de reporter de telles
dépenses d'aucune façon mais de les déduire à titre
de coûts absorbés imputables à l'exercice au cours
duquel ils ont été subis; (2) il aurait manqué de
prendre en considération le fait que l'entreprise
d'investissement de capital-risque a commencé ses
activités en 1969 avant les acquisitions et les a
poursuivies au cours de l'exercice pertinent; (3) il a
manqué de distinguer les circonstances visées dans
l'arrêt Neonex des circonstances de l'espèce; (4) il
a tenu pour acquis que toute dépense effectuée par
un contribuable dont l'entreprise comprend l'ac-
quisition d'actifs immobilisés constitue obligatoire-
ment une dépense imputable au compte de capital.
L'intimée soutient de façon générale que les
conclusions de fait tirées par un juge de première
instance ne devraient être modifiées par une cour
d'appel que si elles sont entachées d'erreurs mani-
festes et dominantes (Stein et autres c. Le navire
«Kathy K» et autres, [ 1976] 2 R.C.S. 802), et elle
affirme que ce principe s'applique à toutes les
conclusions de fait comprises dans la décision en
l'espèce.
Devant les arguments présentés par l'une et
l'autre des parties, il importe de souligner que la
principale question posée en l'espèce est une ques
tion classique de droit (et de fait) ne pouvant être
tranchée sur le seul fondement soit des principes
comptables généralement reconnus soit des conclu
sions de fait du juge de première instance, la
question consistant à savoir si une dépense particu-
lière est imputable au capital ou au revenu.
Il n'existe aucun critère permettant de trancher
nettement une telle question. La remarque inci-
dente exprimée par le lord chancellier vicomte
Cave dans l'arrêt British Insulated and Helsby
Cables v. Atherton, [1926] A.C. 205 (H.L.), aux
pages 213 et 214, fait partie des opinions classi-
ques énoncées sur cette question:
[TRADUCTION] Mais quand on fait des dépenses non seulement
une fois pour toutes, mais encore dans le but d'apporter un
élément d'actif ou un avantage pour le bénéfice durable d'un
commerce, je pense qu'il y a de très bonnes raisons (en l'ab-
sence de circonstances particulières conduisant à une conclu
sion contraire) de traiter une telle dépense comme si elle était à
juste titre imputable non pas au revenu mais au capital.
Une autre remarque classique est celle qu'a expri-
mée le juge Dixon (tel était alors son titre) dans
l'arrêt Sun Newspapers Ltd. v. Federal Commis
sioner of Taxation (1938), 61 C.L.R. 337 (H.C. of
Aust.), à la page 363; elle porte sur l'examen de
trois aspects essentiels de cette question:
[TRADUCTION] À mon sens, il faut examiner trois aspects: a)
la nature de l'avantage recherché (son caractère permanent
peut alors entrer en ligne de compte), b) son utilisation, son
importance ou la façon d'en jouir (comme pour le critère
précédent, la fréquence de l'emploi peut représenter un élément
à considérer) et c) les moyens adoptés pour l'obtenir; par
exemple, des compensations ou des débours ont-ils été effectués
périodiquement en contrepartie de l'utilisation ou de la jouis-
sance et pour une durée proportionnée au paiement? Ou
encore, existe-t-il une clause définitive pour en garantir à
l'avenir l'utilisation ou la jouissance, ou un paiement final à cet
effet?
Le juge Estey, dans l'arrêt Johns -Manville, pré-
cité, aux pages 59 R.C.S.; 5378 DTC; 119 CTC, a
récemment dit qu'il existait «presque une infinité
de nuances d'expressions qui servent à établir la
différence entre des dépenses à porter au compte
de revenu et des dépenses de capital». Le juge
Estey déclare lui-même, aux pages 72 R.C.S.;
5384 DTC; 126 CTC, préférer nettement «l'appli-
cation du bon sens à l'entreprise de la contribuable
en ce qui concerne les dispositions fiscales», décla-
ration qui rappelle celle qu'a faite le lord Pearce
dans l'arrêt B.P. Australia Ltd. v. Comr. of Taxa
tion of the Commonwealth of Australia, [1966]
A.C. 224 (P.C.), à la page 264:
[TRADUCTION] C'est une appréciation saine de toutes les
caractéristiques directrices qui doit apporter la réponse finale.
L'opinion du lord Pearce, quant à elle, procédait
de l'approche suggérée par le juge Dixon dans
l'affaire Hallstroms Pty. Ltd. v. Federal Commis
sioner of Taxation (1946), 72 C.L.R. 634 (H.C. of
Aust.), à la page 648, selon laquelle la solution
[TRADUCTION] «dépend de l'effet envisagé de la
dépense d'un point de vue pratique et commercial
plutôt que de la classification juridique des droits,
s'il en est, garantis, employés ou épuisés en cours
de route».
Même s'il n'est pas certain quel est le critère
précis à appliquer, l'on a généralement reconnu
que les dépenses relatives à l'acquisition ou à la
mise sur pied d'une entité commerciale sont impu-
tables au compte capital. Aussi le président Jac-
kett, dans le jugement rendu dans l'affaire Canada
Starch Co. v. Minister of National Revenue,
[ 1969] 1 R.C.E. 96, la page 102; 68 DTC 5320,
aux pages 5323 et 5324, a-t-il pu énoncer au moins
les principes suivants:
[TRADUCTION] Si l'on applique ce critère [celui que le juge
Dixon a énoncé dans l'arrêt Sun Newspapers] à l'acquisition ou
à la fabrication de biens ordinaires constituant une nouvelle
structure commerciale ou un ajout à une structure existante,
tout est simple. L'équipement et les machines constituent un
actif immobilisé et les argents payés pour les acquérir sont
imputables au compte capital, qu'ils soient
a) des argents déboursés pour mettre sur pied une nouvelle
structure commerciale,
b) des argents déboursés pour ajouter à une structure
commerciale déjà existante, ou
c) des argents déboursés pour acquérir une structure com-
merciale existante.
Cette approche a été suivie par le juge Urie, de
cette Cour, dans l'arrêt Le ministre du Revenu
national c. M. P. Drilling Ltd. (1976), 76 DTC
6028. Subséquemment, dans l'arrêt Johns -Man-
ville, précité, aux pages 73 R.C.S.; 5384 DTC; 126
CTC, le juge Estey a souligné dans son résumé de
la preuve que les dépenses qu'il avait conclu être
imputables au compte courant «ne faisaient pas
partie d'un projet visant à réunir des biens».
Les principes applicables aux projets visant à
réunir des biens s'appliquent, à mon avis, à plus
forte raison lorsque les biens dont il est question
sont des actions d'un capital social. Ainsi que l'a
dit le juge Martland dans l'arrêt Irrigation Indus-
tries Limited v. The Minister of National Reve
nue, [19621 R.C.S. 346, à la page 352; 62 DTC
1131, aux pages 1133 et 1134, au nom de la
majorité de la Cour suprême:
[TRADUCTION] Les actions de compagnie sont dans une
situation différente [de celle des risques à caractère commer
cial] parce qu'elles constituent quelque chose dont l'achat, en
lui-même, est un investissement. En elles-mêmes, ce ne sont pas
des articles de commerce; elles représentent plutôt un intérêt
dans une corporation créée dans un but commercial. Leur
acquisition est une méthode bien reconnue d'investir du capital
dans une entreprise commerciale.
L'avocat de l'appelant a reconnu au cours du
débat que les coûts de l'étude relative aux débou-
chés visant les quatre sociétés en exploitation qui
ont été acquises constituaient des dépenses de capi
tal, et il a établi clairement qu'ils avaient réelle-
ment été capitalisés en l'espèce (exposé conjoint
des faits, annexe B, colonne 7, dossier d'appel, vol.
2, page 216). Toutefois, il a avancé que les coûts
des études visant une cinquantaine d'autres débou-
chés qui n'ont pas conduit à des acquisitions doi-
vent plutôt être considérés comme des dépenses
d'exploitation.
Il m'est impossible d'accepter cette prétention. Il
me semble que toutes les dépenses visant les études
de débouchés doivent être mises sur le même pied.
Ces dépenses étaient du même type et avaient le
même objet. En fait, elles s'inscrivaient toutes dans
l'entreprise à capital-risque qui, ainsi que l'appe-
lant l'a vigoureusement soutenu, se poursuit depuis
1969. Rien ne nous justifie de considérer les quel-
ques études qui ont mené à des acquisitions diffé-
remment des nombreuses études qui n'ont pas eu
ce résultat. Toutes s'inscrivaient au même titre
dans le projet de l'appelant visant à réunir des
actifs d'entreprises. Il fallait s'attendre—et c'était
là le postulat de base de la méthode d'étude de
l'appelant—à ce que certaines des possibilités
explorées s'avèrent constituer de bons risques alors
que d'autres se révéleraient sans intérêt. À mon
avis, le point de vue sensé adopté par l'appelant
milite contre la distinction qu'il a tenté d'établir.
De plus, j'estime que cette question a déjà été
tranchée par cette Cour dans l'arrêt Neonex Inter
national Ltd. c. Sa Majesté la Reine (1978), 78
DTC 6339. Dans cette affaire, la société contri-
buable, outre son entreprise d'enseignes lumineu-
ses et d'annonces publicitaires extérieures, était la
société mère d'un conglomérat de filiales exerçant
divers types d'activités indépendantes les unes des
autres. La déductibilité des frais juridiques relatifs
à une prise de contrôle ayant finalement avorté
faisait partie des questions soulevées en appel. La
seule véritable différence entre les faits de l'affaire
Neonex et ceux de l'espèce est que, dans cette
première affaire, la prise de contrôle, bien
qu'ayant finalement échoué, a réellement été
entreprise, et que les dépenses pouvaient, en consé-
quence, être reliées à une transaction particulière.
Le juge Urie, prononçant les motifs unanimes de la
formation de cette Cour qui a confirmé la décision
du juge de première instance, a écrit à la page
6346:
[L]e savant juge de première instance [...] n'a pu admettre
que la constitution d'un portefeuille pût se qualifier d'entre-
prise. Il a conclu au contraire que l'entreprise de l'appelante
consistait à fabriquer et à vendre des enseignes, ainsi qu'à
fournir des services de gestion et des fonds aux compagnies
dans lesquelles elle avait acquis une participation majoritaire.
À ses yeux, l'achat d'actions ne constitue pas en soi une
entreprise mais, dans chaque cas, un placement fait en vue de
gagner un revenu ...
Je souscris entièrement à cette conclusion. Je conviens aussi
avec le juge de première instance que les dépenses dont il s'agit
(dépenses subies dans la tentative de mainmise et dans la
demande d'indemnité en remplacement des actions) étaient des
dépenses de placement, donc imputables sur le compte capital.
Le juge de première instance a donc jugé à bon droit que ces
dépenses n'étaient pas déductibles-
J'estime non fondée la distinction que l'appelant
a tenté d'établir entre ces deux affaires. Dans
l'affaire Neonex, la Cour a considéré essentiel le
fait que les frais judiciaires aient été engagés dans
le cadre de la réunion d'actifs. C'est ce qu'a dit
clairement le juge Marceau (dont le point de vue a
été entériné par cette Cour) en Division de pre-
mière instance, (1977), 77 DTC 5321, la page
5325:
La conclusion à tirer s'impose: les frais judiciaires considérés
ici,—ceux engagés dans la tentative de conclure l'acquisition
aussi bien que ceux engagés pour obtenir compensation en
remplacement des actions,—étaient des dépenses relatives à
une «opération d'investissement», elles ont été engagées en vue
d'une acquisition d'un bien capital. Ce sont donc des dépenses
de capital. [C'est moi qui souligne.]
L'appelant s'est également appuyé sur ce qu'a
dit le juge Estey dans l'arrêt Johns -Manville, aux
pages 67 R.C.S.; 5382 DTC; 123 CTC, relative-
ment à des situations dans lesquelles le contribua-
ble serait privé de tout allégement fiscal:
[S]i l'interprétation d'une loi fiscale n'est pas claire et qu'une
interprétation raisonnable entraîne une déduction au profit du
contribuable alors qu'une autre interprétation laisse le contri-
buable sans allégement pour les dépenses réelles faites dans le
cours de ses opérations commerciales, selon les règles générales
d'interprétation des lois fiscales, le tribunal devrait choisir la
première interprétation.
Il est vrai que la Loi antérieure à la Loi de 1972
[S.R.C. 1952, chap. 148] laisse l'appelant dans
une telle situation en l'espèce, mais je ne crois pas
que l'interprétation de la loi est absurde en ce qui
le concerne. J'estime que cette situation est claire-
ment visée par la décision rendue dans l'affaire
Neonex.
Je maintiendrai donc, en ce qui a trait aux
dépenses engagées à l'occasion de l'étude de
débouchés, la conclusion du juge de première ins
tance voulant qu'elles ne doivent pas être admises
à titre de déductions dans le calcul du revenu
gagné ou de la perte subie par l'appelant relative-
ment à une entreprise ou à des biens en ce qui
concerne les années d'imposition au cours desquel-
les elles ont été engagées.
III
Le juge de première instance n'a, dans sa décision,
établi aucune distinction entre les dépenses enga
gées par l'appelant pour l'étude de débouchés et
ses dépenses visant la supervision de ses sociétés
après leur acquisition. Il a néanmoins décidé (aux
pages 230 F.T.R.; 6410 DTC) que «l'entreprise
elle-même a réellement pris naissance lors de l'ac-
quisition des sociétés d'exploitation. C'est ce qui a
donné lieu à la constitution de la structure ou de
l'entité commerciale fondamentale». Il a évidem-
ment poursuivi en inférant que ces dépenses
mêmes avaient «été engagées dans le cadre d'un
projet visant à la fusion de structures ou d'entités
commerciales».
L'appelant a soutenu que l'inférence tirée par le
juge de première instance se fondait sur une erreur
de droit puisqu'elle ne respectait pas la distinction
existant entre les frais d'acquisition des biens et les
frais relatifs à leur amélioration courante, et que
les frais de supervision en l'espèce étaient analo
gues à ceux qu'avait acceptés la Couronne dans
l'affaire Neonex.
L'intimée a répondu que la Couronne avait
admis les frais de supervision visés dans l'affaire
Neonex parce que le contribuable recevait des
honoraires de gestion de ses subsidiaires, tandis
que, en l'espèce, l'appelant ne participait à aucun
contrat prévoyant des services de gestion, aucun
honoraire n'a été payé et il n'existait aucune
expectative, raisonnable ou autre, de profit. Il
n'existait même pas de source de profit. Ainsi les
dépenses relatives à la supervision, qui avaient trait
à la gestion du portefeuille ou des biens, doivent-
elles être considérées comme ayant été engagées
dans la mise sur pied de la structure de son
entreprise.
Les faits révèlent que l'appelant n'a engagé
aucune dépense relative à la supervision en 1969
puisqu'il ne possédait alors aucune société en
exploitation, mais qu'il a réclamé des déductions
s'élevant à 46 886 $ pour l'année 1970, 44 575 $
pour l'année 1971 et à 10 179 $ pour l'année 1972
sous les chefs suivants: (1) frais de représentation;
(2) avion à réaction Lear; (3) dépenses de bureau;
(4) salaires et avantages sociaux; (5) frais télépho-
niques et postaux ainsi que fournitures de bureau;
(6) dépenses d'automobiles; (7) divers. L'intimée a
souligné avec raison que la question ne consiste pas
à savoir quel est l'objet d'une dépense, mais plutôt
quel est son objectif. En conséquence, il ne s'ensuit
pas du caractère ordinaire des dépenses engagées
que celles-ci constituent des frais d'exploitation.
Néanmoins, ainsi que l'a conclu le juge de pre-
mière instance (aux pages 225 F.T.R.; 6406
DTC), il ressort clairement que ces montants ont
été dépensés afin «de surveiller la ligne de conduite
fiscale et les opérations commerciales des sociétés
et de leur donner des directives et des conseils
généraux destinés à les rendre encore plus renta-
bles». [Non souligné dans le texte original.] A cet
égard, il convient de noter que la société de porte-
feuille a, au cours des années 1979 1984, payé à
l'appelant des dividendes annuels totalisant
860 000 $. Le juge de première instance considère
que cette rentabilité doit être attribuée aux efforts
de l'appelant (aux pages 227 F.T.R.; 6408 DTC):
On a consacré beaucoup de temps, de soin et d'énergie aux fins
de leur acquisition initiale et par la suite. La preuve montre que
ces acquisitions n'auraient probablement pas produit un revenu
positif sans l'intervention professionnelle énergique et active [de
l'appelant] et de ses principaux employés.
La distinction que le jugement rendu dans l'af-
faire Bowater Power Co. Ltd. c. Le ministre du
Revenu national, [1971] C.F. 421; 71 DTC 5469
(1 re inst.) semble avoir sanctionnée est une distinc
tion entre les dépenses engagées dans le cadre de
l'acquisition de nouveaux biens et les dépenses
relatives à l'amélioration des biens existants. Dans
cette affaire, la société contribuable, dont les acti-
vités consistaient à produire et à vendre de l'éner-
gie électrique, a engagé des dépenses en faisant
effectuer des études techniques pour savoir s'il lui
était possible d'accroître la capacité de ses centra-
les de façon à faire une utilisation maximale du
bassin hydrographique dont elle disposait déjà. Le
juge en chef adjoint Noël a dit aux pages 441 à
443 C.F.; 5480 et 5481 DTC:
En l'espèce, les dépenses consacrées aux études techniques
menées pour étudier le potentiel de la région d'écoulement de
l'appelante ou pour déterminer la possibilité de réalisation de
construction de nouveaux ouvrages d'énergie à certains endroits
de Terre-Neuve ont également, je pense, été effectuées ou
engagées pendant que l'entreprise de l'appelante était en acti-
vité, faisant ainsi partie des frais de cette entreprise. Si elles
avaient conduit à la construction d'usines, il en aurait résulté
des bénéfices pour l'entreprise. Aurait-on dû porter ces dépen-
ses ailleurs que dans les dépenses courantes parce que, au lieu
d'être engagées pour inciter le consommateur à acheter les
marchandises ou en vue de lancer un produit déterminé sur le
marché, elles avaient été effectuées dans le but d'établir si l'on
devait procéder à la construction d'un bien susceptible de
dépréciation duquel on pourrait tirer des bénéfices, bien qui
aurait alors été ajouté à la valeur de cette immobilisation et
aurait bénéficié d'allocations à l'égard du coût en capital? Je ne
le pense pas.
Ces dépenses, il est vrai, n'ont produit aucun bien matériel
pour lequel on aurait pu obtenir des allocations de capital, mais
elles ont été faites dans le but d'obtenir une augmentation du
volume et de l'efficacité de son entreprise et partant, dans le
but de gagner un revenu ...
Je ne pense pas, certes, que du simple fait que la dépense a
été effectuée dans le but de déterminer si on devait créer une
immobilisation, elle doive toujours être considérée comme une
dépense de capital et, partant, non déductible. En faisant une
distinction entre un paiement de capital et un paiement au
compte courant, il faut toujours tenir compte des réalités
industrielles et commerciales en cause.
Dans l'arrêt M.P. Drilling, précité, on a aussi
attaché beaucoup d'importance à la distinction
entre la mise sur pied d'une entreprise et une
entreprise en marche. Le juge Urie, aux pages
6031 et 6032, a écrit au nom de cette Cour:
[L]'appelant n'a fait aucune distinction, ni en première ins
tance, semble-t-il, ni dans sa plaidoirie en appel, entre les
diverses sortes de dépenses dont la déduction était demandée. A
mon sens, si certaines de ces dépenses ont été nettement
engagées au cours de la recherche d'un revenu—celles, par
exemple, qui l'ont été au cours de la négociation des divers
contrats relatifs à la fourniture et à la vente du gaz—d'autres
ne tombaient pas aussi clairement dans cette catégorie. L'avo-
cat est parti du principe qu'en substance toutes les dépenses
avaient la même fin, à savoir vérifier la faisabilité d'une
entreprise ayant pour objet l'achat et la revente de gaz liquéfié
à certains pays de la région du Pacifique, et qu'il était indiffé-
rent que le travail consacré à ces études prospectives ait été
exécuté par le personnel de l'intimée ou par des experts étran-
gers à l'entreprise. Il a soutenu qu'aucune de ces dépenses ne se
rattachaient à la recherche d'un profit par une entreprise
existante, que celles-ci se rattachaient au contraire à la forma
tion de la structure nécessaire à cette recherche.
À mon avis cette argumentation ne trouve aucun point
d'appui dans les preuves apportées; en fait certaines de celles-ci
tendent à prouver le contraire. Il n'est pas de la moindre
importance, entre autres, que les négociations entreprises par
les dirigeants de l'intimée aient abouti à certaines déclarations
d'intention d'acheteurs éventuels disposés à acheter le gaz
comme de fournisseurs éventuels, prêts à vendre le gaz à
l'intimée pour la revente. Il est tout à fait évident, dès lors, que
l'intimée avait une entreprise en marche et non seulement en
gestation. Notre attention n'a été attirée sur aucune dépense
dont nous pourrions dire qu'il s'agissait d'une dépense de
capital tandis que d'autres seraient tombées dans la seule
catégorie des dépenses imputables au revenu. Je n'ai donc
aucune raison de revenir sur l'opinion que j'ai déjà exprimée, à
savoir que toutes les dépenses de l'intimée avaient pour but la
recherche d'un revenu et, par conséquent, étaient déductibles
au titre des années où elles avaient été engagées.
L'appelant a également soutenu qu'on ne pouvait, en l'ab-
sence de revenu, opérer une déduction pour des dépenses qui
seraient déductibles en d'autres circonstances en tant que
dépenses faites en vue de gagner un revenu. Je ne puis suivre ce
raisonnement qui voudrait que, faute d'avoir pu produire un
revenu (et encore moins un profit), l'intimée ne se serait pas
trouvée «dans le cadre de l'exploitation d'une entité commer-
ciale». Et je ne puis souscrire aux vues selon lesquelles l'absence
de revenu transformerait les dépenses engagées par l'entreprise
afin de produire un revenu en dépenses effectuées pour la
création ou l'acquisition d'une entité commerciale ou, pour
reprendre la phraséologie de jugements antérieurs, pour appor-
ter un élément d'actif ou un avantage pour le bénéfice durable
d'un commerce (British Insulated and Helsby Cables v. Ather-
ton, (1926) A.C. 205, aux pages 213 et 214).
À mon avis l'argument précédent mérite une réponse simple
et concise: si les dépenses considérées ont été effectuées afin de
produire un revenu et n'étaient pas des dépenses de capital et,
par conséquent, des dépenses non déductibles en vertu de
l'article 12(1)b) ou de quelque autre disposition de la Loi, il
s'agissait de dépenses déductibles du revenu, qu'elles aient ou
non produit un revenu dans la pratique. [Les soulignements
sont ajoutés].
L'arrêt Odeon Associated Theatres Ltd y Jones
(Inspector of Taxes), [1972] 1 A11 ER 681 (C.A.),
dans lequel une société contribuable réclamait la
déduction de sommes d'argent importantes ayant
servi à la réparation et à la rénovation d'un cinéma
nouvellement acquis, jette sur la question un éclai-
rage supplémentaire. Le lord juge Buckley, à la
page 693, analyse cette question de la manière
suivante:
[TRADUCTION] Le coût relatif à l'acquisition ou à la fabrica
tion d'un bien matériel qui sera utilisé dans l'exploitation d'un
commerce ou d'une entreprise est clairement une dépense de
capital. Les dépenses engagées pour améliorer un tel bien soit
en lui adjoignant quelque chose soit en le modifiant peuvent
bien constituer des dépenses de capital. D'autre part, le coût
des travaux périodiques de réparation et d'entretien d'un tel
bien, effectués pour garder celui-ci en bon état malgré l'usage
qui en est fait dans l'exploitation du commerce ou de l'entre-
prise de la personne qui effectue ces travaux, constitue une
dépense de revenu et, en conséquence, est un article figurant à
bon droit au débit du compte des profits et pertes de l'entreprise
visée. La question de savoir si, dans l'éventualité d'un change-
ment de mains du commerce ou l'entreprise, le coût des travaux
de réparation ou d'entretien visant à corriger l'usure survenue
avant ce changement de mains doit être considéré comme une
dépense de revenu ou de capital est une question dont la
réponse, à mon avis, doit dépendre des faits particuliers de
chaque espèce.
Évidemment, il n'existe pas seulement deux, mais
trois situations différentes. A un extrême se trouve
le coût de l'acquisition ou de la fabrication d'un
actif immobilisé, une dépense qui est toujours une
dépense de capital. A l'autre extrême se situent les
frais de réparation ou d'entretien courant, qui
constituent toujours une dépense d'exploitation.
Entre ces deux pôles, se trouve la dépense engagée
pour améliorer un actif immobilisé en lui ajoutant
quelque chose ou en le modifiant, laquelle dépense
peut très bien constituer une dépense de capital
mais qui doit être qualifiée de dépense de capital
ou d'exploitation en fonction des faits particuliers
à chaque espèce, spécialement—mais, selon moi,
non exclusivement—lorsqu'il y a eu (comme en
l'espèce) un changement de propriétaire. Dans
l'arrêt Odeon, la Cour a conclu que la dépense
engagée était, par nature, une dépense d'exploita-
tion.
De la même façon, dans l'affaire Oxford Shop
ping Centres Ltd. c. R., [1980] 2 C.F. 89; (1979),
79 DTC 5458 (1`e inst.), où une société contribua-
ble réclamait la déduction d'une somme d'argent
payée à une municipalité en vertu d'une entente
visant à améliorer certaines rues pour empêcher les
embouteillages et faciliter l'accès à la propriété du
contribuable, le juge Thurlow (tel était alors son
titre) était disposé à maintenir cette déduction
même s'il semblait que le paiement effectué fût un
paiement définitif. Il a écrit aux pages 101 C.F.;
5463 DTC:
Car si, comme je le pense, la dépense peut et doit être
considérée comme ayant été faite en vue de maintenir et
peut-être de rehausser la popularité du centre commercial
parmi les clients des locataires et de permettre à ce centre de
rivaliser avec ses concurrents, tout en évitant de payer une taxe
d'amélioration suite aux travaux de voirie, elle doit alors être
considérée comme une dépense de revenu en dépit de la nature
définitive du paiement ou du caractère plus ou moins perma
nent de l'avantage qu'elle entraîne.
Si le seul profit pouvant résulter des dépenses de
supervision engagées par l'appelant avait été l'aug-
mentation de la valeur marchande de ses actions
du capital social des sociétés en exploitation, le
défaut de l'appelant de charger des honoraires de
gestion à ces sociétés aurait pu être fatal à sa
demande de déduction de ces dépenses de supervi
sion comme dépenses courantes. L'appelant a
cependant toujours eu l'intention de réaliser des
profits d'exploitation, et ultimement (c'est-à-dire,
à partir de 1979), c'est ce qui s'est produit. L'en-
treprise de l'appelant n'était d'aucune façon exclu-
sivement ou même principalement une entreprise
de gestion d'actions. Ses activités consistaient
plutôt à gérer de manière rentable ses sociétés en
exploitation, même si une telle gestion était prati-
quée à une certaine distance de ces sociétés et sans
participation directe à leurs opérations courantes.
En fait, l'appelant a pratiqué avec compétence une
gestion d'entreprise à la fois indirecte et de haut
niveau. Le fait que l'appelant n'ait pas tenu une
comptabilité appropriée ou publié ses propres états
financiers n'y change rien.
La cause de l'appelant n'est pas non plus affai-
blie parce que l'entreprise de ce dernier ne génère
aucun revenu immédiat et ne comporte aucune
source de revenu immédiat. Une des premières
décisions rendues sur la question, l'arrêt Vallam-
brosa Rubber Company Limited v. Farmer
(1910), 5 T.C. 529 (Ct Sess., Écosse) a retiré toute
force à un tel argument, ainsi qu'il ressort des
propos tenus par le lord président Dunedin aux
pages 534 et 535:
[TRADUCTION] L'avocat adjoint représentant la Couronne,
s'aidant de certaines opinions puisées dans des décisions ren-
dues en matière d'impôt, a soutenu devant vos Seigneuries
qu'un montant déboursé ne peut être déduit comme dépense
que s'il est purement et uniquement relié à un profit réalisé au
cours de l'année ...
Je crois que l'absurdité d'une telle proposition ressort à son
seul énoncé. En effet, que revient-elle à dire? Il s'ensuivrait
qu'une entreprise dont le fruit ne pourrait pas toujours être
récolté au cours de l'année même de l'imposition visée, ne
pourrait jamais déduire les dépenses nécessaires à sa produc
tion. La présente espèce, qui concerne une catégorie de produit
qui n'atteint sa maturité et ne peut être cueilli qu'après six ans,
constitue une très bonne illustration d'une telle situation, mais
il existe une infinité de tels exemples. Prenons le cas de
l'exploitant d'une laiterie. Il serait absurde de supposer qu'il
n'aurait pas le droit de déduire les dépenses relatives à l'entre-
tien d'une de ses vaches parce que celle-ci, à un moment
particulier de l'année coïncidant avec la fin de l'année d'imposi-
tion, ne pouvait donner de lait, et que, en conséquence, cette
vache ne lui rapporterait un profit qu'une fois l'année d'imposi-
tion terminée. Comme je l'ai déjà dit, il est facile de multiplier
de tels exemples; de fait, l'erreur en cause résulte essentielle-
ment d'une interprétation trop littérale des termes des règles et
des décisions figurant dans la Loi de 1842. Celles-ci ne sont
après tout que des lignes directrices, la véritable question étant
la suivante: Quels sont les profits et les gains réalisés par
l'entreprise? Il est vrai que, dans le calcul des profits ou des
gains d'une entreprise, il n'est pas permis de comptabiliser un
profit autrement qu'à ce titre simplement parce que—vraisem-
blablement pour de sages raisons—l'on décide soit de consolider
l'entreprise en ne distribuant pas ses profits, soit de conclure
d'autres affaires ou encore d'accroître l'équipement de l'entre-
prise, etc. L'exemple le plus frappant de cette proposition nous
est fourni par l'inscription d'une somme à un fond de pré-
voyance. Si une telle opération est parfaitement prudente, la
somme ainsi affectée, dans l'hypothèse où elle est puisée à
même les gains de l'entreprise, n'en reste pas moins un gain et
est imposable. Cependant, si vous songez aux dépenses enga
gées en l'espèce, par exemple en vue du désherbage nécessaire
pour permettre à un certain arbre de donner du caoutchouc,
comment pouvez-vous dire que de telles dépenses ne sont pas
nécessaires à la culture de l'arbre en question constituant la
seule source des profits réalisés par la suite? La Couronne ne
sera d'ailleurs pas perdante, puisqu'une fois le caoutchouc
récolté, toute la production sera portée à la colonne crédit du
compte des profits et pertes. Le seul montant qui pourra être
déduit pour l'année au cours de laquelle l'arbre visé aura donné
du caoutchouc sera celui des dépenses engagées cette année-là
relativement à ce même arbre; les montants déjà déduits ne
pourront l'être à nouveau.
La même règle me semble encore s'appliquer: une
interprétation réaliste, pratique et fondée sur le
sens commun ne sera écartée au profit de considé-
rations étroites d'ordre technique que si celles-ci se
trouvent clairement imposées par la loi. À mon
avis, aucune règle rigide de ce type n'est imposée
par la loi en l'espèce, et l'appelant doit avoir droit
à une déduction pour ses frais de supervision.
Il ressortira à l'évidence des propos que j'ai
tenus que je suis d'opinion que l'appelant satisfait
à la fois au critère de l'alinéa 18(1)a) et au critère
de l'alinéa 18(1)b) de la Loi postérieure à 1971
(ou aux critères prévus aux alinéas 12(1)a) et
12(1)b) de la Loi antérieure à 1972).
IV
En conséquence, j'accueillerais en partie l'appel
interjeté par l'appelant et je modifierais l'ordon-
nance du juge de première instance en date du 27
août 1986 en ajoutant, immédiatement après le
paragraphe 1 de cette ordonnance, le nouveau
paragraphe suivant:
2. les dépenses engagées par l'appelant au cours des années
d'imposition 1970 1972 qui ont été énumérées au paragraphe
10 de l'exposé conjoint des faits ainsi qu'aux annexes qui s'y
trouvent jointes sous le titre Supervision de sociétés devraient
être admises comme déductions dans le calcul du revenu de
l'appelant pour les années d'imposition en question.
Je changerais également la numérotation des
autres paragraphes de cette ordonnance.
L'appelant, ayant eu gain de cause en grande
partie, a droit à ses dépens à la fois devant cette
Cour et devant la Division de première instance.
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
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